Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 278

Le mardi 9 avril 2019
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 9 avril 2019

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Question de privilège

Préavis

L’honorable Donald Neil Plett : Chers collègues, si j’ai l’air incroyablement calme aujourd’hui pendant la plupart de mes discours, c’est parce que la sénatrice Lankin — je ne la vois pas parmi nous — m’a donné un bracelet qui est censé calmer mes nerfs.

Sénatrice Lankin, merci pour cela.

La sénatrice Lankin m’a aussi donné un petit tube avec de l’huile. Il faut espérer que la sénatrice Lankin et moi-même serons sur la même longueur d’onde pendant une grande partie de la journée. J’espère que je resterai calme.

Honorables sénateurs, ce matin, j’ai donné préavis au greffier du Sénat, M. Richard Denis, que je soulèverais une question de privilège. Comme mon préavis le dit, la nature de l’atteinte au privilège concerne la fuite, le 4 avril 2019, relative à un accord confidentiel passé après des négociations privées entre le représentant du gouvernement au Sénat, le leader de l’opposition au Sénat, le coordonnateur du Groupe des sénateurs indépendants, le leader des libéraux indépendants et moi-même.

Je donne préavis que, plus tard aujourd’hui, j’ai l’intention de soulever une question de privilège à propos de cette fuite, qui représente, selon moi, une atteinte au privilège qui touche tous les sénateurs et influe sur la capacité du Sénat de jouer son rôle. Si la présidence détermine que la question de privilège est fondée à première vue, je suis prêt à proposer la motion appropriée.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Gib et d’Elsie Patterson, accompagnés de leur famille. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Black (Ontario).

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Journée mondiale de la propriété intellectuelle

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables collègues, le 26 avril sera la Journée mondiale de la propriété intellectuelle. Instituée il y a près de 20 ans, cette journée offre une occasion unique de discuter de la nécessité bien réelle des protections de la propriété intellectuelle, comme les brevets, les marques de commerce et les droits d’auteur.

Le thème de cette année est « Décrocher l’or : sports et propriété intellectuelle ». De nouvelles technologies sportives améliorent les performances des athlètes. Des contrats de promotion et de licence génèrent des revenus. Grâce aux droits de diffusion, qui unissent le sport et la télévision, on peut rejoindre des partisans partout dans le monde.

Nous n’y pensons pas tous les jours, mais les protections de la propriété intellectuelle jouent un rôle énorme dans nos vies. De nouveaux produits, des inventions et de nouvelles méthodes de fabrication font rouler l’économie et améliorent le bien-être des Canadiens. La musique et les arts enrichissent notre existence et aident à façonner l’avenir de notre pays. Il n’est pas étonnant que la propriété intellectuelle tienne une place de premier plan dans les ententes internationales et le débat à leur égard.

J’ai constaté avec bonheur que, dans la Loi d’exécution du budget de l’automne dernier, le gouvernement a honoré sa promesse d’édicter la Loi sur le Collège des agents de brevets et des agents de marques de commerce. Le collège aura pour mission de régir les agents de brevets — des avocats des brevets — et les agents de marques de commerce. Ceux-ci seront régis comme d’autres professionnels, les avocats ou les ingénieurs, que des entrepreneurs pourraient vouloir embaucher. Il s’agit d’une initiative qu’a longtemps prônée l’Institut de la propriété intellectuelle du Canada. Sa réalisation constitue un grand progrès.

Honorables sénateurs, l’Institut de la propriété intellectuelle du Canada et moi-même avons le plaisir de vous inviter à une réception qui se tiendra plus tard aujourd’hui dans la salle C-128 de l’édifice du Sénat du Canada, juste à l’étage au-dessus. On y présentera de nouveau le travail de brillants élèves du secondaire, et notamment leurs projets scientifiques et d’autres expositions soulignant l’importance des protections de la propriété intellectuelle.

J’espère que vous pourrez vous joindre à nous dans la salle C-128, à partir de 16 h 30.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Tarek Hadhad et de représentants de Sobeys. Ils sont les invités des honorables sénateurs Coyle, Boehm et Omidvar.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Programme de parrainage privé de réfugiés

Le quarantième anniversaire

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour vous raconter une histoire où se mêlent toutes sortes d’ingrédients : perte, courage, communauté, vision, partenariats et travail acharné. C’est l’histoire de l’entreprise Peace by Chocolate et de la famille Hadhad.

La féroce guerre civile en Syrie a entraîné le déplacement de 12 millions de personnes, soit la moitié de la population d’avant-guerre. Elle a également causé 465 000 morts et 1 million de blessés. La poétesse britannique Warsan Shire a écrit ceci : « Personne ne quitte sa maison à moins que sa maison ne soit devenue la gueule d’un requin. »

C’était exactement ce que Damas était devenu pour la famille Hadhad, la gueule d’un requin. En 2013, l’entreprise de chocolaterie prospère que possédait la famille et qui exportait dans tout le Moyen-Orient est anéantie par une bombe. Comme bon nombre de leurs compatriotes, les Hadhad se réfugient au Liban.

Vers la fin de 2015, Tareq Hadhad est le premier de sa famille à être accueilli par les bénévoles de SAFE, Syria-Antigonish Families Embrace. Au début de 2016 arrive le reste de la famille. Aujourd’hui, huit familles syriennes sont chez elles à Antigonish.

Dans les mois qui ont suivi son arrivée, la famille Hadhad décide de lancer une usine de chocolats pour gagner sa vie et créer des emplois. L’usine commence dans la cuisine de la famille et ses produits sont écoulés sur les marchés locaux. Pour s’agrandir, elle se déplace ensuite dans un hangar construit par des bénévoles et avec des matériaux fournis par la collectivité. Aujourd’hui, elle est installée dans un centre fourni par le partenaire d’affaires national de la famille Hadhad, l’entreprise Sobeys de Nouvelle-Écosse.

L’entreprise au nom évocateur, Peace by Chocolate, fabrique différents chocolats, dont des tablettes emballées aux couleurs de l’arc-en-ciel et aux thèmes variés, comme la fierté, la paix et le pardon, arborant des slogans comme « Kiss & Make-Up ». Elle fabrique même des lapins de Pâques. Tareq Hadhad, le PDG de l’entreprise, qui est parmi nous aujourd’hui, dit que ce qui compte n’est pas d’où on vient, mais bien qui on est.

Lui et sa famille nous ont montré qui ils sont en créant des emplois locaux, en envoyant des dons aux victimes des feux de forêt de Fort McMurray et, plus récemment, en annonçant leur intention d’embaucher 50 réfugiés, d’encadrer 10 nouvelles entreprises démarrées par des réfugiés et d’aider 4 entreprises dirigées par des réfugiés à trouver de nouveaux débouchés.

Plus tard aujourd’hui, à 17 h 30, dans le salon des sénateurs, les sénateurs Omidvar, Boehm et moi-même, en collaboration avec le Refugee Hub de l’Université d’Ottawa, allons tenir une activité pour souligner le 40e anniversaire du Programme de parrainage privé de réfugiés du Canada. Yasmin Syrian Cooking nous a préparé un goûter. Venez vous régaler. Joignez-vous à nous pour saluer Tareq Hadhad, Peace by Chocolate, les 327 000 réfugiés du Canada parrainés par le privé et les milliers de bénévoles qui ont contribué à cette histoire d’édification d’une nation. Shokran, wela’lioq.

(1410)

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du surintendant en chef David Lucas, de la Police provinciale de l’Ontario. Il est l’invité de l’honorable sénatrice Boniface.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les sciences halieutiques

L’honorable Norman E. Doyle : Honorables sénateurs, les lauréats des Marine Industry Awards, qui honorent l’excellence et l’innovation dans l’industrie maritime de Terre-Neuve-et-Labrador, ont récemment été annoncés à St. John’s. Cette année, ils sont quatre. Les voici :

Le prix du leadership et de l’excellence de l’industrie a été décerné à Oceanex Inc. Oceanex et les entreprises qui l’ont précédée offrent leurs services à Terre-Neuve-et-Labrador depuis plus de 100 ans. Le capitaine Sid Hynes, associé directeur, dirige maintenant une entreprise qui compte parmi les plus prospères dans le domaine des transports au Canada. Les 400 employés d’Oceanex livrent environ 45 p. 100 de toute la marchandise qui arrive à Terre-Neuve-et-Labrador. Oceanex fait preuve d’entrepreneuriat, de leadership et d’innovation, et mérite bien ce prix.

Le prix d’excellence pour l’ensemble des réalisations a été décerné à M. Fraser Edison. M. Edison a fait carrière toute sa vie dans l’industrie maritime. Il a fait ses débuts dans le domaine du transport intermodal, ce qui l’a mené à participer à deux projets fructueux d’exploitation pétrolière et gazière extracôtiers ainsi qu’à plusieurs investissements dans des entreprises de technologie maritime en démarrage. M. Edison est également connu pour redonner à la collectivité grâce à son rôle de pionnier au sein de la Newfoundland Offshore Oil Industry Association et à son engagement, depuis des dizaines d’années, auprès de la Société du timbre de Pâques.

Le prix du leadership en innovation a été décerné à Kraken Robotics Inc. Sous la direction novatrice de Karl Kenney, Kraken offre des technologies de plongée profonde aux marchés civil et militaire. Kraken Robotics est maintenant reconnue comme un chef de file mondial dans l’utilisation novatrice du sonar à synthèse d’ouverture et de l’imagerie sous-marine.

Enfin, le prix de la signification historique a été décerné à l’émission documentaire de CBC, Land and Sea. Il s’agit d’une émission télévisée qui, depuis 54 ans, nous présente des récits inédits mettant en relief la riche histoire de Terre-Neuve-et-Labrador. Au fil des ans, Land and Sea a fait visiter la province à des milliers de gens depuis leur salon, des voyages qui nous ont fait connaître et valoriser notre riche histoire maritime et la culture qui l’entoure. Un des premiers animateurs de Land and Sea, Herb Davis, travaille dans mon bureau ici sur la Colline.

Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter ces quatre lauréats des Marine Industry Awards de Terre-Neuve-et-Labrador, des prix bien mérités.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de représentants de Nature Canada, d’Ontario Nature, de la Fédération canadienne de la faune et de Canards Illimités. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Griffin.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Semaine nationale de la conservation de la faune

L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, j’aimerais aujourd’hui souligner la Semaine nationale de la conservation de la faune, qui a lieu dans la semaine de l’anniversaire de naissance d’un grand défenseur de l’environnement, Jack Miner, que l’on surnommait « Wild Goose Jack » et à qui l’on doit un des premiers refuges pour oiseaux d’Amérique du Nord. Selon l’Encyclopédie canadienne, il fut aussi un des premiers à attacher des bagues aux pattes des oiseaux migrateurs pour mieux en étudier les mœurs.

Jack Miner était considéré comme le plus grand chasseur du Canada. Il faut dire que, très souvent, les chasseurs — y compris les chasseurs autochtones, inuits et métis — sont des pionniers de la conservation de la faune. Les observations faites par Miner pendant ses expéditions de chasse l’ont amené à vouloir protéger les espèces en péril.

De nombreux représentants des principaux groupes canadiens de conservation de la faune sont avec nous aujourd’hui — le Président vient d’ailleurs de leur souhaiter la bienvenue. La plupart d’entre eux travaillent dans le domaine de la conservation de la faune et de la protection de l’habitat depuis des années. Je les remercie de tout ce qu’ils font pour la faune canadienne.

Je suis moi-même une chasseuse et une ornithologue amatrice et, comme Jack Miner, j’estime que les chasseurs et les ornithologues peuvent contribuer à la conservation de la faune. C’est en connaissant les mœurs et les habitudes de déplacement des animaux sauvages qu’on peut savoir quand quelque chose cloche et qu’on peut intervenir.

Voilà pourquoi les générations à venir doivent être mises à contribution — mais encore faut-il que la génération actuelle leur serve de mentor. La Semaine nationale de la conservation de la faune est l’occasion rêvée de passer à l’action et de sensibiliser les jeunes. Je n’en ai jamais raté l’occasion à l’époque où j’enseignais à l’école secondaire Colonel Gray, à Charlottetown.

Honorables sénateurs, si l’envie vous prend de faire un voyage à la magnifique Île-du-Prince-Édouard, que ce soit cet été pour aller en observer les oiseaux ou cet automne pour la chasse à l’oie, faites-moi signe, je vous servirai de guide avec plaisir.


AFFAIRES COURANTES

Le directeur parlementaire du budget

Mise à jour sur l’infrastructure : Investissements dans les territoires—Dépôt du rapport

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Bureau du directeur parlementaire du budget, intitulé Mise à jour sur l’infrastructure : Investissements dans les territoires, conformément à la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. 1985, ch. P-1, par. 79.2(2).

[Français]

Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement

Dépôt du rapport annuel de 2018

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement pour l’année 2018 (version révisée selon le paragraphe 21(5) de la Loi sur le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement), conformément à la Loi, L.C. 2017, ch. 15, par. 21(2).

Projet de loi sur les dons de sang volontaires

Projet de loi modificatif—Présentation du trente-troisième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

L’honorable Chantal Petitclerc, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant :

Le mardi 9 avril 2019

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l’honneur de présenter son

TRENTE-TROISIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-252, Loi sur les dons de sang volontaires (Loi modifiant le Règlement sur le sang), a, conformément à l’ordre de renvoi du 25 octobre 2018, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport comme il suit.

Votre comité a étudié le projet de loi du 5 décembre 2018 au 21 mars 2019. Il a entendu 16 témoins au cours de sept réunions. Le projet de loi S-252 ne contient qu’un article, qui interdirait aux établissements qui prélèvent du sang de verser un paiement aux donneurs de sang.

En plus du témoignage de la marraine du projet de loi, l’honorable sénatrice Pamela Wallin, votre comité a entendu les témoignages de particuliers et de groupes de patients associés, de spécialistes en matière de sûreté du sang et d’approvisionnement, d’organismes de professionnels de la santé, d’organismes représentant des employés, de sociétés canadiennes de prélèvement de plasma à but lucratif, ainsi que des deux exploitants du système d’approvisionnement en sang du Canada, à savoir la Société canadienne du sang et Héma-Québec.

Les membres du comité félicitent la sénatrice Wallin du travail et de l’énergie qui ont été consacrés à l’élaboration de ce projet de loi et ils reconnaissent la nécessité d’assurer la durabilité de l’approvisionnement en sang. Ils sont sensibles à l’idée voulant que les dons de sang, qu’il s’agisse de sang total ou de composants sanguins, doivent être faits volontairement et sans rémunération.

Toutefois, votre comité recommande que le Sénat ne poursuive pas l’étude du projet de loi, et ce, pour les raisons qui suivent.

Les membres du comité ont entendu des témoignages contradictoires au sujet de plusieurs aspects techniques et complexes du dossier. Il a notamment été question de : la sécurité des dons; la sûreté de l’approvisionnement en plasma; l’aspect éthique de la rémunération des donneurs; l’atteinte de l’autosuffisance en matière d’approvisionnement en plasma dans d’autres pays, au moyen de dons volontaires seulement ou non; la possibilité que les dons « volontaires » effectués dans d’autres pays puissent être considérés comme rémunérés compte tenu du libellé actuel du projet de loi, etc.

Les membres se demandent également si le projet de loi devrait comprendre la définition de certains termes et si la question de la rémunération pour les dons de plasma relève de la compétence fédérale. En outre, certains membres se demandent pourquoi le projet de loi exempterait une organisation de l’interdiction d’accorder une rémunération pour les dons de plasma.

Votre comité a eu du mal à composer avec la complexité des enjeux en cause et il remercie les témoins de la franchise dont ils ont fait preuve lors de la présentation de leur point de vue. Les membres de votre comité s’entendent pour dire que le projet de loi S-252, Loi sur les dons de sang volontaires, propose un changement réglementaire qui est simpliste, compte tenu de la complexité du dossier, et qui pourrait avoir des conséquences imprévues.

Respectueusement soumis,

La présidente,

CHANTAL PETITCLERC

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Petitclerc, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(1420)

Le Sénat

Rejet de la motion modifiée concernant la période des questions de la séance du 9 avril 2019

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, nonobstant l’ordre du 4 avril 2019, la période des questions ait lieu aujourd’hui au moment habituel, à la suite des affaires courantes, au lieu de 15 h 30, et soit d’une durée maximale de 30 minutes.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Le consentement n’est pas accordé.

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Serge Joyal dépose le projet de loi S-260, Loi modifiant le Code criminel (thérapie de conversion).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Joyal, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

Peuples autochtones

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à se réunir le jeudi 2 mai 2019 de 13 heures à 16 heures, aux fins de son étude sur la teneur du projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à se réunir le mercredi 10 avril 2019, à 15 h 15, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Pêches et océans

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à se réunir, afin de poursuivre son étude du projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence, le mardi 30 avril 2019, de 17 heures à 21 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à la motion adoptée par le Sénat le jeudi 4 avril 2019, la période des questions aura lieu à 15 h 30.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur les océans
La Loi fédérale sur les hydrocarbures

Projet de loi modificatif—Adoption du douzième rapport du Comité des pêches et des océans

Le Sénat passe à l’étude du douzième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans (Projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures, avec un amendement), présenté au Sénat le 4 avril 2019.

L’honorable Fabian Manning propose que le rapport soit adopté.

—Honorables sénateurs, au cours de l’étude article par article du projet de loi C-55, les sénateurs Patterson et McInnis ont chacun proposé un amendement, qui a été adopté.

Le premier amendement a été présenté par le sénateur Patterson et il vise à modifier l’article 5 du projet de loi afin d’accroître la consultation et la coopération. Cet amendement vise à assurer que, avant que le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne ne désigne une zone de protection marine provisoire par décret, il affiche sur son site web le projet de décret et qu’il invite le public à lui faire des observations dans un délai d’au moins 60 jours. Au titre de cet amendement, il faut aussi donner un avis écrit du projet de décret à toute instance dont les terres ou les intérêts peuvent être touchés par celui-ci.

Le deuxième amendement a été présenté par le sénateur McInnis. Il vise aussi à modifier l’article 5 du projet de loi. Cet amendement a été proposé pour que le public ait accès à certains renseignements avant que le ministre ne désigne une zone de protection marine provisoire par décret.

Avant de pouvoir désigner une zone de protection marine provisoire, le ministre doit publier sur le site web de Pêches et Océans Canada l’emplacement géographique approximatif de la zone de protection marine proposée et les renseignements préliminaires sur les habitats et les espèces qui ont besoin de protection.

Votre Honneur, je tiens à profiter de l’occasion pour remercier tous les membres du comité d’avoir fait preuve de diligence raisonnable dans l’étude du projet de loi C-55. Ce projet de loi a suscité un certain intérêt au pays. Nous avons eu l’occasion d’entendre des gens de plusieurs camps différents. Je ne dirai pas des deux camps parce qu’il existe plusieurs camps relativement à ce projet de loi. En définitive, nos discussions ont permis de dégager un consensus assez clair.

En tant que président du comité, je veux remercier les membres de leur temps et de leurs efforts pour faire en sorte que le projet de loi C-55 soit renvoyé au Sénat aujourd’hui et qu’on prenne le temps de débattre des amendements. Le sénateur Patterson a consacré un certain temps au projet de loi. Il n’est pas membre du comité, mais il a proposé un amendement et il a convaincu la plupart de nous autour de la table que ce serait un amendement utile. Donc, nous sommes impatients de faire avancer le projet de loi C-55. Merci.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Harder : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence, et le rapport est adopté.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Manning, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(1430)

La Loi constitutionnelle de 1867
La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Report du débat

À l’appel des autres affaires, projets de loi d’intérêt public du Sénat, troisième lecture, article no 1, par l’honorable Terry M. Mercer :

Troisième lecture du projet de loi S-213, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur le Parlement du Canada (présidence du Sénat).

L’honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est au 14e jour. Je demande donc le consentement du Sénat pour que l’étude de cet article soit reportée à la prochaine séance.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est reporté à la prochaine séance du Sénat.)

Projet de loi sur le Mois du patrimoine sikh

Troisième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Sabi Marwah propose que le projet de loi C-376, Loi désignant le mois d’avril comme Mois du patrimoine sikh, soit lu pour la troisième fois.

—Honorables sénateurs, c’est pour moi un privilège de prendre la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-376, Loi sur le Mois du patrimoine sikh.

Jusqu’à maintenant, le projet de loi a reçu l’appui de tous les partis, tant à la Chambre des communes qu’au Sénat. Je tiens particulièrement à souligner le travail accompli par M. Sukh Dhaliwal, député, et à le remercier des efforts qu’il a déployés pour que ce projet de loi soit présenté. Je souhaite également remercier les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie pour leur appui unanime au projet de loi.

Le mois d’avril a déjà été désigné comme Mois du patrimoine sikh par les Parlements de l’Ontario, en 2013, de la Colombie-Britannique, en 2017, de l’Alberta, en 2017, et du Manitoba, en 2019. Cette désignation a obtenu un large appui des citoyens, des organismes communautaires et des gouvernements locaux.

La désignation d’un Mois du patrimoine sikh par le Canada s’inscrirait dans la continuité de ces efforts. L’histoire des sikhs au Canada en est une de pionniers et de colons venus il y a plus d’un siècle, de soldats qui se sont battus aux côtés des Canadiens lors des deux grandes guerres, de luttes pour l’égalité et la justice et d’une présence dans toutes les sphères de la société. Elle célèbre également la contribution sociale, économique, politique et culturelle apportée par les Canadiens sikhs au Canada. C’est une histoire qui fait partie de l’histoire du Canada.

J’aimerais retracer brièvement l’historique de la colonisation sikhe au Canada. Les premiers colons sikhs sont arrivés ici il y a plus d’un siècle, en 1897. Il s’agissait de soldats sikhs qui faisaient partie de l’armée britannique. Peu de gens savent que des soldats sikhs ont servi dans l’armée canadienne pendant la Première Guerre mondiale. Ils étaient tous des volontaires et servaient un pays qui refusait de leur accorder les droits inhérents à la citoyenneté.

Les difficultés naturelles auxquelles ont dû faire face les premiers colons au Canada ont été aggravées par d’autres obstacles, qui étaient notamment liés à la situation politique, à l’immigration et à la citoyenneté. Face à l’isolement et aux difficultés financières, les premiers colons sikhs ont mis sur pied des institutions qui allaient servir leur toute nouvelle communauté, à commencer par la société Khalsa Diwan, en 1907.

Ce qui est remarquable, c’est la détermination d’un grand nombre de ces premiers colons — surtout des agriculteurs et des ouvriers agricoles — à travailler résolument dans le cadre du droit canadien. Pendant un demi-siècle, ils ont fait pression pour que des changements soient apportés à la loi, changements qui ont fini par lever les restrictions imposées aux colons sud-asiatiques, même ceux nés au Canada qui avaient combattu sous le drapeau canadien.

Il est tout à fait approprié que ce projet de loi soit étudié au Sénat en avril, un mois qui revêt un sens particulier pour la communauté sikhe du monde entier. Le mois d’avril a une importance sur le plan culturel dans la région que l’on décrit comme le « grand Pendjab », soit l’ancienne patrie de la grande majorité des sikhs. C’est le mois du Vaisakhi, une fête de la récolte célébrée par tous les habitants de la région, un peu comme l’Action de grâces.

Pour les sikhs, le festival a une importance particulière, car il commémore la dernière étape de la fondation du Khalsa en 1699, qui met l’accent sur les valeurs d’égalité, de service désintéressé et de justice sociale, un événement marquant célébré par les sikhs partout dans le monde.

Le Vaisakhi — et le mois d’avril — est un événement festif que les sikhs célèbrent de nombreuses façons, notamment des défilés, une tradition perpétuée par les communautés sikhes du monde entier. En plus des défilés, il y a des expositions d’art, des festivals de films, des conférences et des symposiums sur divers aspects de leur histoire, de leur culture et de leur foi. Des établissements universitaires ont attiré des étudiants et des chercheurs sikhs, et des initiatives sont en cours dans la communauté afin de parrainer des programmes universitaires d’études sikhes dans des universités réputées. Le fait d’avoir une reconnaissance nationale encouragera les collectivités à s’engager davantage dans le financement d’autres initiatives de ce genre.

Le fait d’avoir un mois du patrimoine est plus qu’une célébration de l’histoire d’une communauté. C’est l’occasion de tendre la main à ses voisins et de sensibiliser le grand public.

En donnant son appui au projet de loi S-232, Loi sur le Mois du patrimoine juif, la sénatrice Frum a affirmé avec beaucoup d’éloquence :

Cette reconnaissance officielle de la communauté et de la culture juives [...] ne peut qu’aider à promouvoir la tolérance, l’acceptation et l’intégration.

Les mêmes sentiments s’appliquent à ce projet de loi.

Le fait de reconnaître le patrimoine des gens a une valeur subtile, mais profonde. Une telle reconnaissance représente un pas vers la compréhension, ce qui est une condition nécessaire à l’intégration. Il s’agit d’un élément essentiel de la société civile et il contribue à renforcer la cohésion d’un pays. En tant que pays, nous célébrons un certain nombre de communautés, d’ethnies et de religions à l’aide de mois du patrimoine. Cela nous donne, en tant que nation, l’occasion de célébrer les cultures et les valeurs propres à ces communautés.

En raison de ses principes de foi visibles, la communauté sikhe jouit d’une position particulièrement unique. Par conséquent, comme c’est le cas d’autres communautés minoritaires, elle se heurte parfois aux préjugés et au racisme. Ce type de réactions a beaucoup à voir avec le manque de connaissance de la communauté. L’information et la connaissance de l’histoire de la communauté et de ses valeurs fondamentales contribueront grandement à dissiper les malentendus.

L’an dernier, M. Shimon Fogel, le chef de la direction du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, a comparu devant le Comité des droits de la personne en faveur du Mois du patrimoine juif et a dit ceci :

Les mois du patrimoine, de par leur nature même, sont un moyen de réduire, de façon proactive, l’ignorance qui est la source réelle de l’intolérance, une intolérance que nous souhaitons tous voir s’amenuiser. En ce sens, ils jouent [...] un rôle important, car ils donnent aux Canadiens l’occasion de découvrir les valeurs de communautés spécifiques [...] Ils désamorcent les soupçons et l’hostilité qui surgissent lorsqu’on connaît mal les religions différentes de la nôtre.

Il a ajouté ceci à propos de l’instauration des mois du patrimoine :

[...] nous faisons comprendre à ces communautés que nous attachons de la valeur à ce qu’ils apportent au Canada [...] dans un contexte qui renforce les valeurs canadiennes fondamentales et enrichit la vie de tous les Canadiens et de la société canadienne.

Comment ne pas être d’accord avec lui?

Voilà pourquoi le Mois du patrimoine sikh est si important. Il va nous permettre d’aménager un nouvel espace pour faire la lumière sur notre patrimoine et démystifier malentendus et faussetés attribuables à un manque de connaissances. Cela va également nous donner l’occasion de souligner l’engagement et l’apport des Canadiens sikhs dans tous les domaines de la vie publique au Canada — en médecine, en droit, des sciences, en génie, en technologies de l’information et en finance —, sans compter leur présence au sein des forces armées et dans la vie politique.

Le Mois du patrimoine sikh va nous permettre d’en apprendre davantage sur les croyances et les valeurs des sikhs, et d’enseigner aux prochaines générations de Canadiens le rôle inestimable qu’ils ont joué au sein de nombreuses collectivités à travers le pays.

(1440)

Nous savons déjà que la sénatrice Ataullahjan est la porte-parole pour ce projet de loi, mais je dois dire que son appui à l’étape de la deuxième lecture a été particulièrement éloquent et émouvant. Elle a terminé son intervention en citant le député Sukh Dhaliwal qui a dit:

L’histoire des sikhs au Canada est une histoire de compassion, de dur travail, de persévérance et de don en retour.

Puis, elle a ajouté:

[...] j’appuie le projet de loi et je vous demande de faire de même.

En conclusion, je suis très heureux que ce projet de loi ait obtenu un appui unanime jusqu’ici et j’ose espérer que vous continuerez de l’appuyer. Merci.

Son Honneur le Président : Sénatrice Stewart Olsen, aimeriez-vous poser une question?

L’honorable Carolyn Stewart Olsen : Oui. Je me demande ce qui se passera au Québec avec la nouvelle loi sur la laïcité de l’État qui interdit les signes religieux. Je vais parler de signes.

Le sénateur Marwah : Je ne pense pas que le projet de loi dont nous sommes saisis aille à l’encontre de la loi sur la laïcité de l’État. J’estime qu’il s’agit plutôt d’un autre moyen pour sensibiliser la population du Québec à l’importance de ces questions et de faire connaître la religion sikhe. Cette mesure législative favorise une meilleure compréhension et peut-être qu’avec le temps cette compréhension fera changer le point de vue de nombreux Québécois.

La sénatrice Stewart Olsen : Si je peux me permettre, j’aimerais savoir si la loi sur la laïcité permettra de célébrer et de porter les signes religieux sikhs.

Le sénateur Marwah : Je vous remercie, madame la sénatrice, de cette question complémentaire. Personnellement, j’estime que le projet de loi n’entrerait pas en contradiction avec la loi sur la laïcité au Québec. Cette loi va dans une direction bien précise alors que celle que nous étudions permet de célébrer de façons différentes. La loi sur la laïcité au Québec prévoit que les personnes portant des signes religieux visibles ne pourraient occuper certains emplois. Cette mesure n’empêcherait en rien l’application du projet de loi dont nous sommes saisis et n’aurait pas non plus préséance sur celui-ci.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci beaucoup.

[Français]

L’honorable Ghislain Maltais : J’aimerais soulever un point de discussion pour rappeler au sénateur Marwah que la loi qui a été déposée à l’Assemblée nationale n’interdit nullement la pratique d’une religion. Ce sont les personnes en position d’autorité qui ne doivent pas porter de signes religieux. Tout le monde peut pratiquer la religion de son choix. Il n’y a aucune interdiction à ce chapitre. Cette compréhension de la loi est très importante pour votre communauté comme pour bien d’autres. Cependant, dans le cas des représentants de l’autorité de l’État, et je dis bien « de l’État », le port de signes religieux ne sera pas permis. Merci.

[Traduction]

Le sénateur Marwah : Je vous remercie, monsieur le sénateur. Votre déclaration est tout à fait juste. Je pense que la loi du Québec s’appliquerait uniquement aux personnes en position d’autorité et n’aurait, par conséquent, aucune incidence sur le projet de loi dont nous débattons.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Avant de demander l’ajournement, je veux souligner que, en tant que sénatrice de la Colombie-Britannique qui compte un grand nombre d’amis fantastiques au sein de la communauté sikhe là-bas, j’appuie le projet de loi en principe. Je sais que ma collègue la sénatrice Ataullahjan a déjà tenu des propos semblables. Je souhaite informer le Sénat que nous n’avons pas encore pleinement discuté de ce sujet, ce qui ne m’empêche pas de vous féliciter, sénateur Marwah, et de reconnaître le travail qui a été fait sur ce projet de loi jusqu’à maintenant.

Je propose l’ajournement pour le temps de parole qu’il me reste.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Wetston, appuyée par l’honorable sénateur Marwah, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-250, Loi modifiant le Code criminel (interception de communications privées).

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Cet article en est au 14e jour. Je propose donc l’ajournement du débat à mon nom.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la réaffectation des biens bloqués

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Ratna Omidvar propose que le projet de loi S-259, Loi sur la réaffectation de certains biens saisis, bloqués ou mis sous séquestre, soit lu pour la deuxième fois.

—Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-259, Loi sur la réaffectation des biens bloqués.

Avant de commencer à vous donner les détails de ce projet de loi, j’aimerais remercier les auteurs et les penseurs à l’origine de cette proposition. Il s’agit du Conseil mondial pour les réfugiés, qui a été créé il y a trois ans par le Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale, le CIGI. Ce conseil s’est donné pour mission d’être un catalyseur et d’examiner des solutions novatrices et originales à l’une des crises les plus graves du monde d’aujourd’hui, celle des personnes déplacées de force dans le monde, c’est-à-dire les gens qui fuient leur pays pour des raisons de sécurité ou qui sont déplacés à l’intérieur de leur pays sans pouvoir le fuir. Je suis très fière de dire que je suis membre de ce conseil, aux côtés d’universitaires de renom, d’anciens chefs d’État, d’anciens ministres, de lauréats de prix Nobel et de militants.

Le Conseil mondial pour les réfugiés a publié un rapport intitulé Appel à l’action : Transformer le système mondial d’aide aux réfugiés en janvier aux Nations Unies. Il exhorte les États-nations, les organisations régionales et les institutions multinationales à faire plus que de simples discours; il les exhorte à agir. Ce projet de loi est une réponse directe à l’appel à l’action. La réaffectation des avoirs gelés de dirigeants étrangers corrompus est l’une des recommandations, et je suis très heureuse de vous la présenter aujourd’hui dans une mesure législative.

Je tiens aussi à remercier la sénatrice Andreychuk qui, comme vous le savez tous, a piloté la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, loi de Sergueï Magnitski, aussi appelée la Loi Magnistki, tout au long du processus parlementaire et jusqu’à son adoption. Cette loi fait en sorte que les dirigeants étrangers ne peuvent pas placer leurs gains mal acquis en sûreté, du moins pas au Canada.

Le projet de loi dont je parle aujourd’hui s’inscrit dans le prolongement de la Loi Magnitski et mon travail s’inscrit aussi dans le prolongement de celui de la sénatrice Andreychuk. Je sais pouvoir m’appuyer sur elle, car elle a les épaules solides, malgré leur apparente délicatesse.

Si le projet de loi S-259 devient loi, le Canada pourra employer une ordonnance judiciaire pour saisir les biens bloqués de dirigeants étrangers corrompus et les réaffecter de manière à atténuer les souffrances des personnes les plus durement touchées par leurs gestes. Ce sera une façon de rétablir l’équilibre, en quelque sorte.

Pourquoi est-ce important? Premièrement, les déplacements forcés sont un fléau mondial qui touche près de 70 millions de personnes. La moitié de ces personnes, chers collègues, sont des enfants qui ont dû fuir leur foyer à cause d’un conflit armé, de la violence, de la persécution et de violations des droits de la personne telles que la torture, les agressions sexuelles et l’exploitation. C’est le plus grand nombre de personnes déplacées de force depuis la Seconde Guerre mondiale, et leur nombre continue d’augmenter de jour en jour. Plus de 25 millions sont des réfugiés qui ont quitté leur foyer pour s’enfuir dans un autre pays, mais 45 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Cette situation a créé des tensions considérables, surtout près des frontières des États limitrophes, qui ont déjà de la difficulté à subvenir aux besoins de leurs propres citoyens sans devoir en plus accueillir des milliers de réfugiés.

Chers collègues, ayant eu moi-même à prendre la décision de quitter un pays au milieu de la nuit, je sais qu’il n’est jamais facile de prendre une telle décision. C’est une situation très périlleuse qui, à vrai dire, peut être paralysante. Je n’oublierai jamais le jour où j’ai dû décider de ce que j’allais mettre dans mon unique sac. Je me demandais si je devais apporter des livres, des photos ou des médicaments. Finalement, je crois que c’est en quelque sorte la raison qui l’a emporté, puisque je n’ai pris que l’essentiel, soit des préparations pour nourrissons et des couches.

Je me rappelle encore comment c’était de traverser la frontière entre l’Iran et la Turquie. Je m’en souviens. Encore aujourd’hui, je peux presque ressentir la peur qui régnait dans la salle; non seulement notre peur, mais celle que je décelais chez les gardes révolutionnaires qui nous entouraient. La différence, c’est qu’ils avaient à peine 14 ou 15 ans. Ils avaient des armes et des baïonnettes. Nous savons tous à quel point la peur et les armes peuvent créer un climat malsain.

(1450)

Je vous raconte cette histoire parce que je veux que vous vous mettiez dans la peau de ces personnes, et que vous compreniez la crainte ainsi que le sentiment de perte et d’impuissance qu’elles ressentent. Comme la sénatrice Coyle l’a dit avec tant d’éloquence aujourd’hui, personne ne quitte sa maison à moins que sa maison ne soit devenue la gueule d’un requin.

Je suis l’une des rares personnes qui ont eu de la chance. J’ai pu venir m’installer au Canada. J’ai vécu une vie très productive avec ma famille. Or, ce n’est pas le cas de tous les gens qui sont forcés de fuir leur pays. De nos jours, les personnes déplacées vivent dans des conditions sordides. Elles manquent de nourriture et d’eau potable. De plus, le danger et la maladie rôdent partout. Dans les camps qui abritent ces personnes, la traite des personnes, notamment à des fins sexuelles, est une industrie en plein essor. Par ailleurs, la réinstallation — une option dont nous sommes fiers, à juste titre, au Canada — s’applique à seulement 10 p. 100 des réfugiés dans le monde.

Les pays comme le Bangladesh, qui accueille des réfugiés rohingyas, l’Ouganda, qui accueille des réfugiés sud-soudanais, et la Colombie, qui accueille des Vénézuéliens, sont les plus à risque. Ils ont tous accepté des réfugiés, mais cela a mis à rude épreuve leur population, leur économie et leur tissu social.

Il y a une autre réalité dont j’aimerais que vous teniez compte. Les déplacements forcés ne sont plus un phénomène temporaire. Un réfugié passe en moyenne 20 ans dans un pays d’accueil. Des générations entières d’êtres humains ne connaissent rien d’autre qu’une vie de réfugié interminable et incertaine. Il est évident que de nouvelles sources de financement sont nécessaires pour répondre aux besoins croissants. Comme l’a souligné le Conseil mondial pour les réfugiés à plusieurs reprises dans son rapport, il manque d’argent dans le système. En termes simples, il faut davantage de fonds.

Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, par exemple, ne dépense jamais que 60 à 65 p. 100 de son budget annuel. En 2017, au plus fort de la crise, il n’en avait dépensé que 57 p. 100. Ce ne sont pas que des chiffres. J’espère que vous comprenez que c’est plus que des chiffres et que je parle des vies en danger.

Malgré cela, il y aurait, semble-t-il, beaucoup d’argent sale qui circule. La Banque mondiale estime qu’entre 20 et 40 milliards de dollars sont volés chaque année par les pouvoirs publics. Ce qui est encore plus important, c’est qu’on estime que les dirigeants corrompus de pays où il y a un grand nombre de réfugiés, ou où des populations ont été déplacées, ont placé des milliards de dollars en comptant et en actifs dans des pays étrangers. On peut raisonnablement supposer, voire être sûrs, qu’une grande partie de cet argent se trouve ici, au Canada.

Voici ce que prévoit le projet de loi. Comme je l’ai mentionné, le Canada dispose de divers régimes de sanctions qui lui permettent de bloquer les biens de dirigeants étrangers corrompus. Je pense à la Loi Magnitski, à la Loi sur les Nations Unies, à la Loi sur les mesures économiques spéciales, et à la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus.

La décision de passer à l’étape suivante, c’est-à-dire de demander une ordonnance pour que les biens soient confisqués, ne pourrait être prise que par le procureur général du Canada. Seul le procureur général ou une personne munie de son consentement pourrait demander une ordonnance à une cour supérieure provinciale.

Comment le vérificateur général prendrait-il cette décision? Dans ce contexte, il agirait au nom de l’ensemble du gouvernement et il consulterait sûrement ses collègues, notamment le ministre des Affaires mondiales. Pour prendre sa décision, il s’appuierait évidemment sur des rapports, des documents, la liste de biens déjà bloqués, d’autres sources respectées, des journalistes, des universitaires, des missions d’établissement des faits et ainsi de suite, autant de renseignements qui porteraient sur la personne concernée, le rôle qu’elle a joué dans la corruption, les retombées de ses gestes sur d’autres personnes, et le fait qu’elle corresponde ou non à la description prévue à l’article 6 du projet de loi. Le procureur général présenterait alors une demande à la cour. La cour s’appuierait sur les preuves fournies pour déterminer si la confiscation doit avoir lieu. Elle donnerait avis, entendrait des témoins et évaluerait les preuves, y compris les preuves fournies par les représentants du dirigeant étranger. Elle prendrait sa décision en se fondant sur la prépondérance de la preuve.

Si le tribunal décide que des biens doivent être confisqués, il devra également préciser, dans la même décision, les critères et le plan de distribution des biens. Le tribunal déciderait à qui et comment les biens seraient distribués. Devraient-ils être renvoyés dans le pays d’origine? Devraient-ils être transférés au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ou à une autre organisation non gouvernementale comme Médecins Sans Frontières? Devraient-ils plutôt être envoyés au pays voisin qui doit composer avec un afflux massif de réfugiés? Le tribunal déciderait également des moyens à utiliser pour surveiller la mise en œuvre de l’ordonnance, ce qui assurerait la reddition de comptes et la transparence.

Je me permets de donner un exemple concret. Le Canada a déjà bloqué les biens des généraux du Myanmar qui ont commis un génocide contre les Rohingyas et forcé un million de personnes de cette ethnie à fuir le Bangladesh. Le Canada, par l’entremise du tribunal, pourrait confisquer leurs biens et les utiliser pour aider les Rohingyas qui se trouvent actuellement dans des camps de réfugiés au Bangladesh. Le tribunal pourrait également choisir de donner l’argent au Bangladesh, à une ONG ou à une autre entité. Il reviendrait au tribunal de décider. Le Venezuela constitue un autre exemple. Voici des chiffres renversants que je tiens à porter à votre attention : le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a déclaré que, en 2018, 5 000 personnes par jour ont quitté le Venezuela pour chercher refuge à l’étranger. Au total, 3,4 millions de personnes ont fui le pays depuis le début de la crise. Je suis certaine que vous pouvez imaginer la pression qu’exerce l’entrée soudaine de ces réfugiés sur les pays d’accueil que sont la Colombie et le Pérou.

Le Canada a déjà bloqué les biens du président Maduro. Si ce projet de loi est adopté, les tribunaux auraient le pouvoir de confisquer ces biens et de les réaffecter pour aider les Vénézuéliens dans le besoin, qu’ils soient en Colombie ou dans d’autres pays voisins. Par surcroît, le tribunal déciderait également à qui et comment l’argent serait distribué et comment la reddition de comptes serait assurée.

Le même exemple peut aussi s’appliquer au Soudan du Sud. Le nom des deux seigneurs de guerre figure sur la liste des personnes dont les actifs sont bloqués, alors si le projet de loi est adopté, la loi s’appliquera également dans ce contexte.

J’espère que les principes du projet de loi sont clairs pour vous.

Le premier principe concerne la reddition des comptes. Les dictateurs, les auteurs de violations des droits de la personne et les cleptocrates ont agi en toute impunité pendant beaucoup trop longtemps. Ils doivent rendre des comptes. Ils dérobent la richesse de leurs pays et laissent derrière eux nombre de victimes dont la vie est dévastée. Comme l’a souligné le Conseil mondial pour les réfugiés, en matière de reddition des comptes, il importe de rappeler que les déplacements forcés sont souvent le résultat d’une mauvaise gouvernance, de régimes violents et oppressifs, et de dirigeants qui omettent ou qui refusent de protéger leurs propres citoyens. Ce sont eux qui sont responsables d’une grande partie des déplacements forcés dans le monde actuellement. Ce sont très souvent les mêmes régimes qui sont corrompus. Ils dépouillent les trésors publics et placent l’argent dans des actifs à l’étranger pour le bénéfice illégal des dirigeants et de leurs associés.

Le deuxième principe est celui de la justice. Il consiste à saisir les biens et à les réaffecter pour aider les personnes qui ont énormément souffert et dont la vie entière a possiblement été détruite, et ce, peut-être sur plusieurs générations. J’espère que vous verrez et comprendrez le principe de symétrie morale qui est en jeu ici. Les actions entraînent des réactions, et il doit y avoir des conséquences pour nos gestes. Sans conséquences, il ne reste que des paroles pleines de bruit et de fureur, mais qui ne signifient peut-être rien.

Le troisième principe est celui de l’application régulière de la loi. Le projet de loi propose que la saisie des biens de dirigeants étrangers corrompus soit ordonnée par le tribunal. Seul un juge décidera, selon la prépondérance de la preuve qui lui est fournie, s’il y a lieu de donner suite à l’affaire. Seul un juge décidera si les biens saisis seront retournés au pays d’origine ou dans un autre pays. Ainsi, le projet de loi permet de s’assurer qu’il n’y a plus de motifs politiques derrière la saisie des biens. Cette exigence favorise la transparence parce que la demande et la preuve seront rendues publiques, les audiences seront ouvertes et les décisions, de même que leurs motifs, seront publiées. En outre, la tenue d’une audience judiciaire garantira que toute personne pouvant avoir un droit sur les biens bloqués peut défendre sa cause devant le tribunal.

(1500)

Le quatrième principe est l’ouverture. Les Canadiens et le monde entier connaîtront, grâce à un registre public, non seulement le nom des dirigeants étrangers, mais aussi la valeur des biens bloqués.

Le cinquième principe est la compassion, mais la compassion avec un avantage, avec une forte dose de pragmatisme. Nous pouvons éprouver de l’empathie pour les victimes de déplacements, mais ces dernières ont besoin d’hébergement, de sécurité, de soins de santé, de nourriture et d’eau. Tout cela coûte de l’argent. Comme le précise le Conseil mondial pour les réfugiés dans son rapport, le Haut-Commissariat pour les réfugiés n’est pas en mesure de répondre aux besoins croissants du nombre toujours plus grand de personnes déplacées. En réaffectant l’argent volé au profit de ceux qui ont le plus souffert, le projet de loi créera une nouvelle source de financement et fournira des ressources dont les victimes de ce malheureux phénomène ont un besoin urgent. C’est faire preuve de compassion tout en prenant des mesures efficaces.

Enfin, le projet de loi porte sur la bonne gouvernance. Le Canada ne doit pas être un refuge pour les gains mal acquis. Au Sénat, nous examinons d’autres moyens de traiter la question de l’argent provenant de la corruption, comme l’interpellation du sénateur Wetston sur la propriété effective. Ce projet de loi envoie un message fort aux dirigeants corrompus, soit qu’eux et leur argent ne sont pas les bienvenus au Canada. Notre pays n’est pas un endroit où l’on peut cacher de l’argent provenant de la corruption, ou le faire fructifier.

Honorables sénateurs, certains ont demandé si les tribunaux sont véritablement le moyen approprié pour accomplir ce que vise le projet de loi. J’ai deux réponses à cette question.

Premièrement, les tribunaux ont l’expertise pour traiter ce genre d’affaires. Les tribunaux sont régulièrement appelés à traiter des dossiers de confiscation de biens, quoique dans des circonstances différentes. À l’heure actuelle, les tribunaux supervisent la confiscation et la distribution des produits de la criminalité de cartels de la drogue, de gangs et d’autres criminels. Deuxièmement, la participation des tribunaux garantit l’ouverture, l’impartialité et l’équité. Les tribunaux sont bien placés pour offrir des solutions réfléchies et justes, et pour superviser un processus transparent et responsable.

Certains d’entre vous se posent peut-être la grande question, celle qu’on pose toujours : le projet de loi est-il conforme à la Charte canadienne des droits et libertés? Je vais citer un document d’orientation publié par le Conseil mondial pour les réfugiés et rédigé par l’éminent avocat, ancien procureur général du Canada et ancien ambassadeur du Canada aux Nations Unies, Allan Rock :

L’article de la Charte qui pourrait être invoqué pour contester les dispositions visant le gel ou la confiscation des avoirs est l’article 7 de la Charte : le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne [...] Bien que les tribunaux ont considéré l’article 7 comme très général, la jurisprudence indique clairement que cet article ne s’applique pas aux droits économiques du demandeur et ne les protège pas.

La juge Gagné, qui a tranché dans une affaire portant sur le gel des avoirs de l’ancien président Ben Ali de la Tunisie, a indiqué :

[...] en général, ni le droit d’occuper un emploi ni les intérêts économiques des demandeurs ne sont protégés par la Charte.

Le document de travail conclut :

[...] il est improbable qu’un demandeur obtienne gain de cause en contestant une loi canadienne prévoyant le gel et la confiscation des avoirs de dirigeants étrangers pour le seul motif qu’elle contrevient à la Charte.

Je tiens à souligner un autre aspect très important de ce projet de loi. En ce moment, nous ne connaissons pas la valeur des actifs qui ont été gelés au Canada. Nous savons à qui sont les actifs qui ont été gelés, mais nous n’en connaissons pas la valeur ou la nature. Il n’y a aucune transparence publique étant donné que le gouvernement n’est pas tenu de fournir cette information. Le projet de loi va lever le voile et améliorer la transparence afin que le gouvernement soit tenu de fournir une liste non seulement des dirigeants étrangers corrompus, mais également de la valeur de leurs actifs. En l’absence de ces renseignements, les Canadiens ne peuvent pas préconiser la confiscation des actifs ni bénéficier des avantages possibles de la Loi sur la réaffectation des biens bloqués.

En terminant, je vous rappelle que, si ce projet de loi est inédit, il n’est pas sans précédent. En 2015, la Suisse a adopté la Loi sur les valeurs patrimoniales étrangères d’origine illicite. Cette loi permet aux autorités de demander à la Cour fédérale suisse de geler et de confisquer des avoirs, puis de les renvoyer dans leur pays d’origine ou de les acheminer à une entité susceptible d’améliorer le sort et les conditions de vie des habitants du pays en question et d’y soutenir la primauté du droit. Il s’agit donc d’un moyen efficace de lutter contre l’impunité. Le Royaume-Uni et la France songent tous deux à se doter d’une loi semblable.

C’est ce qui m’amène à la dernière raison pour laquelle j’estime qu’il s’agit d’une mesure législative essentielle. Si le Canada l’adopte, je crois que d’autres suivront son exemple. Nous avons nous-mêmes imité les États-Unis quand nous nous sommes dotés de notre propre loi de Magnitski. Notre version est même meilleure que celle de nos voisins du Sud grâce à la sénatrice Andreychuk.

C’est la même chose dans ce cas-ci. Je suis convaincue que ce projet de loi va attirer l’attention des autres pays en leur donnant un exemple concret de ce qu’il faut faire. Qui sait, eux aussi pourraient ensuite aller plus loin que ce que nous avons fait. Ce sera le début d’un grand mouvement, et il aura commencé ici, au Canada.

Chers collègues, les dirigeants étrangers corrompus agissent en toute impunité depuis beaucoup trop longtemps. En plus de s’emparer de richesses colossales, ils ont miné la vie de leurs concitoyens. À cause d’eux, des millions de personnes ont dû fuir leur domicile et parfois leur pays, et leur nombre grossit chaque jour. Grâce aux principes qui sous-tendent ce projet de loi — reddition de comptes, justice, garanties procédurales, ouverture et compassion, auxquelles s’ajoutent le pragmatisme et la saine gouvernance —, nous avons la certitude que de la parole découleront des gestes concrets et qu’il y aura des conséquences pour les corrompus de ce monde. Il ne suffit plus de les dénoncer : nous devons les faire payer. C’est précisément ce que fera la Loi sur la réaffectation des biens bloqués.

Je vous remercie, chers collègues.

L’honorable Howard Wetston : L’honorable sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Omidvar : Bien sûr.

Le sénateur Wetston : Dans le meilleur des cas, il est difficile de geler des avoirs. J’en ai moi-même fait l’expérience en application de la législation relative aux valeurs mobilières, mais ce n’est pas inhabituel. Le projet de loi met l’accent sur un registre. Ce serait à mon avis un élément crucial pour assurer la transparence, car l’un des plus grands obstacles à surmonter pour geler des avoirs, c’est la difficulté de les identifier. Le processus peut être complexe et la règle relative à la propriété effective pourrait être utile, de même qu’un registre, d’ailleurs. Ce n’est pas simple.

En examinant le projet de loi et en pensant aux avantages qu’il pourrait présenter pour la société, je me demande si vous auriez des idées à proposer, non seulement pour réaffecter ces avoirs, mais aussi pour les identifier?

La sénatrice Omidvar : Merci de votre question, sénateur Wetston. Il est difficile d’identifier des avoirs, mais ce n’est pas impossible. En 2011, par exemple, le gouvernement canadien avait pu identifier les avoirs de Mouammar Kadhafi au Canada, qui s’élevaient à 2,2 milliards de dollars. Il avait amorcé des négociations avec la Libye et renvoyé ces avoirs au gouvernement libyen. Nous ne savons toujours pas si ces sommes ont été de nouveau source de corruption ou si elles ont été utilisées selon les vœux du Canada. Toujours est-il qu’on l’a fait.

Je suppose qu’en s’adressant aux tribunaux, le procureur général aura probablement des éléments de preuve à présenter.

Aujourd’hui, le gouvernement dispose de certains instruments, entre autres ceux du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, mais vous êtes probablement plus ferré que moi sur le sujet. Il serait important d’examiner la question en comité et de connaître l’expérience qu’en ont d’autres pays, y compris le Royaume-Uni, qui se sert d’un registre ou d’un instrument apparenté afin d’établir la propriété effective. Nous verrons quelles leçons en tirer pour l’avenir. J’espère avoir répondu à votre question.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(1510)

Projet de loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Deuxième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Sinclair, appuyée par l’honorable sénateur Pratte, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de donner la parole au sénateur Sinclair, je souhaite informer le Sénat que, conformément à l’article 6-12 du Règlement, si le sénateur prend maintenant la parole, son intervention aura pour effet de clore le débat sur la motion tendant à la deuxième lecture du projet de loi.

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : J’aimerais demander l’ajournement à mon nom.

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Smith, avec l’appui de l’honorable sénatrice Martin, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Une heure.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant que l’on convoque les sénateurs, je vous rappelle que la sonnerie cessera de retentir à 15 h 30 pour la période des questions. Comme la sonnerie sera alors en train de retentir en vue de la tenue du vote, il n’y aura pas d’avertissement pour les sénateurs, alors vous devrez porter attention à l’heure si vous voulez être présents pour la période des questions. Après la période des questions, la sonnerie retentira de nouveau pendant le reste de l’heure prévue.

Convoquez les sénateurs.


(1530)

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer à la période des questions, par souci de clarté, je tiens à préciser que, après la période des questions, qui durera 40 minutes ou moins, selon le nombre de questions posées, la sonnerie continuera de retentir pour le reste de la période d’une heure, comme si la période des questions n’avait pas interrompu la sonnerie.

L’honorable Donald Neil Plett : Votre Honneur, avant que commence la période des questions, j’aimerais poser une question au leader du gouvernement.

Nous nous attendions à ce que le ministre des Travaux publics — je vais trouver le bon titre; c’est à cause de ce bracelet —, plutôt à ce que le ministre de la Sécurité publique soit présent ici aujourd’hui pour répondre à des questions très pertinentes que nous aurions aimé lui poser à la suite de la très longue réunion qu’a tenue hier le Comité de la défense. Je me demande pourquoi le ministre a décidé de ne pas se présenter à la période des questions aujourd’hui. Avant de commencer la période des questions, Votre Honneur, est-ce que le leader pourrait répondre à ma question?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je serais heureux de répondre à la question dans le contexte du temps prévu pour la période des questions.

Honorables sénateurs, nous avons l’habitude d’inviter des ministres à la période des questions, et nous nous conformons à la motion pertinente lorsque c’est possible. Je consulte sans faute les leaders pour déterminer les ministres qu’il convient d’inviter et les dates de leur présence au Sénat. Parfois — je pense que c’est arrivé seulement deux fois —, il arrive que, en raison des circonstances, le ministre soit dans l’impossibilité de venir au Sénat. Le ministre Goodale avait hâte de comparaître devant nous. Cependant, en tant que ministre de la Sécurité publique, il a dû assister à une réunion urgente et il m’a informé qu’il ne pourrait pas être ici.

Je tiens à rassurer l’honorable sénateur : le ministre n’a pas ourdi de complot, et son absence n’a absolument rien à voir avec le projet de loi C-71. Il m’a informé qu’il ne pourrait pas venir aujourd’hui avant même que je sache que le comité avait terminé ses travaux. Comme vous le savez, la semaine dernière, il a comparu devant le comité pendant une heure fort agréable.

Le sénateur Plett : Eh bien, sénateur Harder, je tiens à souligner que certains d’entre nous ici croient que cette auguste Chambre est une institution assez importante, aussi importante que l’autre. Pour nous, il aurait été inacceptable que nous annulions tout simplement une rencontre prévue à l’autre endroit. Le ministre était bien au courant.

D’ailleurs, permettez-moi de le répéter : j’ai des préoccupations précises et des soupçons quant à l’existence d’un complot à cet endroit. Je serai le premier à le dire. Son projet de loi a été amendé hier.

Avons-nous l’assurance, sénateur Harder, que le ministre viendra peut-être la semaine prochaine, avant que le sujet ne soit plus d’actualité?

Le sénateur Harder : Le sénateur aimerait peut-être parler à son leader, qui a suggéré que nous accueillions l’autre ministre au programme, Seamus O’Regan, que la semaine suivante nous ne recevions pas de ministre et que, pour la dernière semaine de questions à des ministres, nous recevions le ministre Morneau.

Si son leader a d’autres suggestions à faire, je serai heureux de les entendre.

Le cabinet du premier ministre

SNC-Lavalin

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : J’avais hâte de vous poser une question, monsieur. Avez-vous bien dit « shameless » O’Regan? Est-ce ce que vous venez de dire?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : De tels propos seraient irrespectueux, et je ne le suis pas.

Le sénateur Smith : Je le sais bien, mais j’ai eu l’impression que vous aviez dit cela. Vous avez peut-être commis un lapsus, parce que c’est ce que j’ai cru entendre.

Ma question s’adresse à vous, monsieur. Comme nous le savons, le 31 mars dernier, l’avocat du premier ministre a envoyé une lettre au chef de l’opposition, M. Andrew Scheer, le menaçant de poursuites pour des propos qu’il a tenus sur l’affaire SNC-Lavalin. Cette lettre laisse entendre un changement d’attitude de la part du premier ministre dans sa gestion du dossier jusqu’à maintenant. J’aimerais savoir si le leader du gouvernement partage le soudain intérêt du premier ministre pour un examen public de la tentative d’ingérence du gouvernement dans des poursuites criminelles.

Sénateur Harder, étant donné que le premier ministre est prêt à se soumettre à un examen complet des faits sous serment, pouvez-vous nous dire si votre opinion sur la réalisation d’une étude du dossier SNC-Lavalin par le Sénat a changé? Appuyez-vous maintenant la motion de notre collègue le sénateur Plett?

Le sénateur Harder : Non, je ne l’appuie pas.

Le sénateur Smith : Voilà qui me rappelle les réponses par un oui ou par un non.

Si le premier ministre est prêt à se soumettre à un interrogatoire préalable dans le cadre des poursuites qu’il menace d’intenter, il n’a sûrement aucune objection à ce que les détails de cette affaire soient examinés publiquement par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Sénateur Harder, puisque, apparemment, le premier ministre est maintenant prêt à ce que l’on discute publiquement de cette affaire, pourquoi ne l’êtes-vous pas?

Le sénateur Harder : Sénateur, je le répète, l’affaire concernant les deux anciennes ministres, en particulier l’ex-ministre de la Justice et procureure générale, a été examinée à fond par le comité de l’autre endroit.

Comme je l’ai déjà dit plusieurs fois, le commissaire à l’éthique de l’autre endroit est saisi de l’affaire et prend toutes les mesures nécessaires, conformément à son pouvoir, pour effectuer l’enquête qui lui a été confiée.

Le sénateur saura également, puisque je l’ai dit plusieurs fois, que le premier ministre a fait appel à l’ancienne vice-première ministre et procureure générale pour qu’elle le conseille, d’ici le 30 juin, au sujet de la relation entre les ministres et le procureur général et leurs bureaux respectifs.

Honorables sénateurs, j’aimerais citer l’ancienne procureure générale. Dans son long mémoire au comité, accompagné d’un enregistrement vidéo, Mme Wilson-Raybould dit, à la page 19 :

[...] pour ma part, je ne crois pas avoir autre chose à offrir dans un processus officiel sur cette affaire.

Dans une entrevue à l’émission Power Play, diffusée jeudi dernier, l’ancienne ministre Philpott a déclaré :

[...] je crois que suffisamment de renseignements ont été rendus publics pour que les Canadiens constatent ce qui s’est passé et se fassent leur propre opinion.

Dans une autre entrevue, celle-ci accordée à Maclean’s et publiée jeudi dernier, on a posé la question suivante à Mme Philpott :

Avez-vous toujours le sentiment qu’il y a autre chose que les Canadiens doivent savoir?

Mme Philpott a répondu :

[...] en ce qui a trait à mes propos précédents, il est évident que, depuis, d’autres renseignements ont été rendus publics. L’élément le plus important est probablement le document de 43 pages présenté par l’ancienne procureure générale [...]

Il s’agissait de renseignements importants à divulguer. Y a-t-il d’autres choses à dire? Selon les conversations que j’ai eues, je pourrais divulguer d’autres éléments d’information, d’autres parties de l’histoire. À ce stade-ci, j’estime qu’il n’y a aucun intérêt à faire tout un plat avec ces renseignements parce que, selon moi, les Canadiens disposent désormais d’assez d’information pour déterminer ce qui s’est passé.

Le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, ma question d’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Harder, au cours du mois de mars, en répondant à des questions lors de la période des questions au Sénat, vous avez indiqué à quelques reprises — la première fois, le 20 mars, et la deuxième fois, le 21 mars — que c’était le premier ministre Justin Trudeau qui, à la Chambre des communes, a soumis la question du scandale de SNC-Lavalin au commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique. Bien entendu, cette affirmation est fausse. Nous savons tous que ce sont deux députés — Charlie Angus et Nathan Cullen — qui ont soumis au commissaire la question de l’ingérence politique dans le processus pénal, qu’on appelle le scandale de SNC-Lavalin.

Voulez-vous profiter de l’occasion, monsieur le leader du gouvernement, pour rétablir les faits dans cette enceinte et confirmer que ce n’est pas le premier ministre Justin Trudeau qui a demandé une enquête du commissaire à l’éthique?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Absolument. À mon avis, ce qui est extrêmement important et que je continuerai à souligner, c’est que le premier ministre s’est engagé, à l’instar du gouvernement, à coopérer pleinement avec le commissaire à l’éthique.

(1540)

Le sénateur Housakos : Eh bien, il est bon de voir que le premier ministre s’est engagé à respecter le processus clair et transparent du commissaire à l’éthique parce que, dès que les libéraux ont commencé à entendre des témoignages qu’ils n’aimaient pas au Comité de la justice, ils ont mis fin à son étude.

Sénateur Harder, à notre connaissance, l’enquête à huis clos du Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique concernant le scandale SNC-Lavalin est l’une des seules enquêtes dont votre gouvernement fait actuellement l’objet. Le problème, c’est que le commissaire est en congé de maladie. Grâce à l’article de Tom Korski dans le Blacklock’s Reporter, nous savons maintenant que la directrice des enquêtes par intérim n’est nulle autre que la belle-sœur du ministre libéral Dominic LeBlanc — le même Dominic LeBlanc, chers collègues, qui a été reconnu coupable d’avoir enfreint le code lorsqu’il a octroyé l’an dernier un contrat à un autre membre de sa famille. Eh bien, je suppose que c’est bon d’être un membre de cette famille. C’est une piètre consolation, chers collègues.

Sénateur Harder, comment les Canadiens peuvent-ils prendre cette enquête au sérieux? À vrai dire, à ce stade-ci, comment peuvent-ils prendre le gouvernement au sérieux?

Le sénateur Harder : Je tiens à assurer à tous les sénateurs que le gouvernement respecte pleinement l’indépendance des mandataires du Parlement. Comme l’honorable sénateur le sait, ce sont des mandataires indépendants. Leurs bureaux sont eux-mêmes indépendants. Toutes les questions concernant les employés du Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique doivent être adressées au commissariat. Le commissariat a lui-même répondu publiquement à ces questions :

Le commissariat peut confirmer qu’un conflit d’intérêts potentiel a été repéré en 2013 entre Martine Richard, l’avocate générale principale du commissariat, et l’honorable Dominic LeBlanc. À ce moment-là, des mesures appropriées ont été mises en place pour prévenir la participation de Mme Richard à tout dossier lié au ministre Leblanc.

Je pense qu’il est important pour nous, de ce côté-ci du Sénat, de respecter l’indépendance et l’intégrité avec lesquelles les mandataires du Parlement font leur travail et engagent leurs employés.

La sécurité publique

La cybersécurité et l’intégrité des élections

L’honorable Marc Gold : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Dans sa récente mise à jour sur les cybermenaces qui pèsent sur le processus démocratique du Canada, le Centre de la sécurité des télécommunications a déclaré ceci :

Selon nos observations, il est très probable que les électeurs canadiens feront face à une forme quelconque d’activité d’ingérence étrangère en ligne liée aux élections fédérales de 2019.

Je dois dire que « très probable » constitue une norme très élevée pour le Centre de la sécurité des télécommunications, comme on l’explique dans le rapport.

Comme les sénateurs le savent, le gouvernement du Canada a récemment annoncé la création du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections, qui est composé de représentants du Service canadien du renseignement de sécurité, de la Gendarmerie royale du Canada, des Affaires mondiales et du Centre de la sécurité des télécommunications.

Sénateur Harder, pouvez-vous nous donner les dernières nouvelles au sujet des activités de ce groupe de travail et des progrès qu’il a pu faire pour protéger l’intégrité des prochaines élections fédérales?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. La question a déjà été soulevée dans cette enceinte, notamment pendant la période des questions et lorsque nous nous sommes penchés sur les risques que présentent les cybermenaces pour le processus démocratique.

L’étude dont l’honorable sénateur a parlé a effectivement permis de confirmer que les électeurs du pays pourraient être ciblés par des cybermenaces visant à s’ingérer dans le processus électoral, et ce, avant ou pendant la campagne électorale de 2019. Le gouvernement a collaboré et continuera de collaborer avec le Centre de la sécurité des télécommunications, le CST, pour cerner, évaluer et contrer les menaces potentielles au processus électoral. Je vais énumérer trois mesures en particulier qui ont été prises.

Premièrement, le gouvernement a récemment annoncé la création du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections. Il se compose de membres du SCRS, de la Gendarmerie royale du Canada, du ministère des Affaires mondiales et du CST. À l’approche des élections de 2019, le Groupe de travail aidera le gouvernement à évaluer et à contrer les menaces étrangères.

Deuxièmement, le CST fournira l’aide nécessaire aux partis politiques et aux directeurs des élections du pays. Le CST a offert de collaborer avec le centre responsable de la cybersécurité pour fournir des recommandations et des renseignements en matière de cybersécurité à tous les grands partis politiques, notamment en publiant une brochure sur la cybersécurité à l’intention des équipes de campagne.

Enfin, dans le cadre de la campagne « Pensez cybersécurité », le CST continuera de publier des recommandations et des renseignements avant les élections de 2019.

En ce qui concerne la question du sénateur, toutes ces initiatives sont déjà mises en œuvre. Je crois qu’il est préférable de laisser aux intervenants concernés le soin de fournir des recommandations et des renseignements à ceux qui sont les plus vulnérables et, au besoin, de renseigner la population sur le niveau de préoccupation.

Les amendements du comité au projet de loi C‑71

L’honorable André Pratte : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Hier, la majorité des membres du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a adopté des amendements qui vont à l’encontre de l’objet du projet de loi C-71, une mesure législative qui vise à renforcer le régime de contrôle des armes à feu au Canada. Ces amendements videraient de leur substance les dispositions du projet de loi qui renforcent les vérifications des antécédents des personnes qui font une demande de permis. Le représentant du gouvernement peut-il nous donner une idée de ce que le gouvernement pense de ces amendements?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question et je le remercie de parrainer cet important projet de loi.

En ce qui concerne sa question, il va sans dire que le gouvernement attend que le processus soit terminé au Sénat avant de se faire une opinion sur les prochaines étapes dans un Parlement bicaméral. Cela dit, alors que le gouvernement surveille de près la situation, je me dois de reconnaître que, pour ma part, et le gouvernement, pour la sienne, sommes préoccupés par les amendements proposés par le Sénat...

La sénatrice Martin : Un recours au Règlement, Votre Honneur?

Son Honneur le Président : Je regrette, sénatrice Martin, mais les recours au Règlement pendant la période des questions sont irrecevables.

Sénateur Harder?

La sénatrice Martin : Vous avez dit qu’il y avait déjà un processus en place, sénateur?

Le sénateur Harder : Comme je l’ai indiqué, madame la sénatrice, un processus est en cours et le gouvernement attend qu’il se termine. Cela dit, il m’apparaît important de rappeler à tous les sénateurs que, pendant la campagne électorale de 2015, le gouvernement actuel a promis aux électeurs de mettre en œuvre des mesures précises en vue d’accroître la sécurité publique et de réduire la violence armée. Ainsi, il a fait les trois promesses suivantes : premièrement, abroger les modifications faites par le gouvernement précédent permettant de transporter librement et sans permis des armes à autorisation restreinte ou prohibées; deuxièmement, redonner aux corps policiers, plutôt qu’aux politiciens, le pouvoir de prendre les décisions sur les restrictions liées aux armes; et troisièmement, exiger des vérifications d’antécédents plus approfondies pour l’obtention d’un permis d’arme à feu.

Le rapport du comité irait à l’encontre de ces trois objectifs, comme l’honorable sénateur le signale. Je laisserai au reste du Sénat le soin de déterminer de quelle façon les sénateurs souhaitent, collectivement, communiquer leurs points de vue.

[Français]

Le cabinet du premier ministre

SNC-Lavalin

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Harder, le scandale SNC-Lavalin écorche manifestement le gouvernement depuis plus de deux mois. Au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, au sommet de la crise, j’ai demandé au ministre de la Justice s’il avait pris les mesures nécessaires afin de préserver et de protéger tous les documents, courriels, textos et autres renseignements échangés entre les acteurs de ce scandale. La réponse du ministre était vague. Dans le fond, le ministre n’a jamais répondu à ma question.

Sénateur Harder, des mesures ont-elles été prises par le ministre de la Justice et par le bureau du premier ministre pour préserver l’ensemble des preuves au cœur de ce scandale d’ingérence politique dans le processus judiciaire?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je n’accepte pas la prémisse de la question, mais je peux dire que le gouvernement du Canada est assujetti à des règles encadrant la protection et la préservation des documents et qu’il s’y conforme rigoureusement.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Sénateur Harder, si le gouvernement a effectivement sauvegardé l’ensemble des preuves, pouvez-vous nous dire à quelle date ces mesures ont été prises par le bureau du ministre de la Justice et le bureau du premier ministre?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je le répète, le gouvernement et tous les bureaux ministériels sont assujettis à des règles strictes au sujet de la préservation des renseignements. Ces règles et obligations sont en vigueur.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Ma question s’adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat. La deuxième page de la lettre que l’avocat du premier ministre a envoyée à l’honorable Andrew Scheer indique qu’il est totalement faux que le premier ministre avait été informé par Jody Wilson-Raybould que ses gestes étaient inappropriés et constituaient de l’ingérence politique. Cependant, mercredi dernier, à peine trois jours après que son avocat a envoyé la lettre à M. Scheer, le premier ministre a avoué à l’autre endroit ce qu’il avait nié auparavant, soit que Mme Wilson-Raybould l’avait averti de ne pas s’ingérer politiquement dans son rôle de procureure générale, lors de leur rencontre du 17 septembre. Sénateur, pourriez-vous expliquer cet écart, vu ce que le premier ministre a avoué à l’autre endroit?

(1550)

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Je crois qu’il est important que, en tant que représentant du gouvernement au Sénat, j’évite de parler de ce que les avocats qui représentent le premier ministre auraient pu on non envoyer. Ce dont je peux parler, c’est de l’interaction entre le premier ministre et l’ancienne procureure générale. Le premier ministre a exprimé son point de vue et l’ancienne procureure générale a exprimé le sien, et je crois que ces deux points de vue sont suffisamment éloquents.

La sénatrice Martin : Selon moi, les aveux, la chronologie des événements et ainsi de suite compliquent les choses et font en sorte que nous avons plus de questions que de réponses. Mme Wilson-Raybould a témoigné devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes au sujet de la réunion du 17 septembre. Voici ce qu’elle en a dit :

À ce moment-là, le premier ministre est intervenu, insistant sur les élections au Québec et précisant : « Je suis un député du Québec, je suis député de Papineau. »

Sénateur Harder, le premier ministre reconnaît-il que cette partie du témoignage de Mme Wilson-Raybould est également vraie et qu’il a soulevé le sujet des élections au Québec dans le cadre de la discussion au sujet de SNC-Lavalin?

Le sénateur Harder : Encore une fois, selon moi, les observations du premier ministre se passent de commentaires et elles reflètent son point de vue. Permettez-moi de citer encore une fois, comme je l’ai fait tantôt, l’ancienne ministre Wilson-Raybould, qui a déclaré ceci :

[...] pour ma part, je ne crois pas avoir autre chose à offrir dans un processus officiel sur cette affaire.

Les affaires étrangères et le commerce international

La désignation du Corps des Gardiens de la révolution islamique comme entité terroriste

L’honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, ma question s’adresse également au leader du gouvernement. Elle porte sur la motion adoptée à l’autre endroit en juin dernier qui demandait au gouvernement d’inscrire immédiatement le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des entités terroristes établies en vertu du Code criminel du Canada. Près de 10 mois se sont écoulés depuis et le gouvernement ne l’a toujours pas fait. Hier, les États-Unis ont annoncé qu’ils désigneront officiellement le Corps des Gardiens de la révolution islamique comme organisation terroriste étrangère. Cette décision prendra effet la semaine prochaine.

Dans une réponse différée déposée au Sénat en février, il est écrit que des fonctionnaires :

[...] examinent les options dont dispose le gouvernement du Canada.

Sénateur Hardeur, qu’est-ce qu’on entend au juste par « examinent les options »? Votre gouvernement a-t-il l’intention de prendre des mesures conformément à la motion adoptée il y a près d’un an ou pas?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je crois qu’il est important pour les deux Chambres de reconnaître, comme la motion le fait, que la politique étrangère relève du gouvernement et que les opinions exprimées par l’une ou l’autre des deux Chambres demeurent des opinions.

Ce que le gouvernement fait, et c’est ce que dit la réponse différée que vous avez mentionnée, c’est qu’il continue de surveiller la situation et d’évaluer s’il est juste de prendre une telle mesure et à quel moment il serait approprié de le faire.

Je dirais que les décisions du président Trump ne sont pas signe d’un fort appui.

Le sénateur Tkachuk : Je ne pense pas que l’appui du président Trump soit important. Ce qui est important, c’est ce que le gouvernement du Canada va faire. La dernière fois où nous en avons parlé, vous avez dit que le gouvernement étudiait les options. Je vous ai déjà posé la question et je n’ai pas obtenu de réponse claire. Où en est le processus? Étudiez-vous les options? Le ministre de la Sécurité publique a-t-il fait une recommandation au Cabinet? Quand pensez-vous que le Corps des Gardiens de la révolution islamique sera inscrit sur la liste des entités terroristes?

Le sénateur Harder : Le gouvernement étudie ses options. Lorsqu’il aura une annonce à faire, il la fera.

La sécurité publique

L’utilisation de drones dans la livraison aux prisons de drogues illicites ou de produits de contrebande

L’honorable Paul E. McIntyre : Honorables sénateurs, la question que j’adresse aujourd’hui au leader du gouvernement au Sénat porte sur l’utilisation de drones pour livrer des drogues illicites dans les prisons.

Monsieur le leader, il a récemment été révélé que 37 détenus ont été victimes de surdoses d’opioïdes au pénitencier fédéral de Donnacona, au Québec, sur une période de seulement trois mois à la fin de 2018. Il semblerait que des drones soient utilisés pour livrer de la drogue aux détenus de ce pénitencier, en déposant des colis dans la cour de la prison ou sur le bord des fenêtres. Ce n’est pas la première fois que des drones sont employés pour acheminer de la drogue vers une prison. L’année dernière, des cas semblables ont été signalés à l’Établissement de Stony Mountain au Manitoba, et à l’Établissement de Matsqui, en Colombie-Britannique.

Monsieur le leader, pourriez-vous vous renseigner et nous dire quelles mesures le gouvernement fédéral prendra pour empêcher l’entrée de drogues dans la prison de Donnacona? Quelles mesures seront prises en vue d’empêcher l’utilisation de drones pour la livraison de drogues illicites aux détenus de Donnacona et d’autres établissements carcéraux?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je serais heureux de me renseigner et de lui fournir des réponses dès que j’en aurai.

Le sénateur McIntyre : Le leader du gouvernement pourrait-il aussi s’informer et nous dire si le Service correctionnel du Canada est au courant de cas semblables où des drones auraient livré de la drogue ou des produits de contrebande dans des établissements correctionnels fédéraux de ma province, le Nouveau-Brunswick?

Le sénateur Harder : Je m’informerai également à ce sujet.

Le cabinet du premier ministre

SNC-Lavalin

L’honorable Thanh Hai Ngo : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Ce matin, le premier ministre a dit aux journalistes :

[...] vous ne pouvez pas mentir aux Canadiens [...] Il y a des conséquences à court terme et à long terme pour les politiciens qui choisissent de déformer la vérité.

Sénateur Harder, le 7 février, après la publication de l’article du Globe and Mail qui a révélé le scandale, la première chose que le premier ministre a dite aux Canadiens, c’est...

Les allégations faites dans l’article du Globe and Mail sont fausses.

Or, depuis, chaque jour, nous apprenons plus de choses sur cette affaire qui prouvent que l’allégation est vraie, que le gouvernement a tenté de s’ingérer politiquement dans les poursuites pénales en exerçant des pressions inappropriées sur l’ancienne procureure générale. Les Canadiens méritent de connaître la vérité au sujet de SNC-Lavalin, de la fraude et de la corruption, et de savoir si le premier ministre ou son personnel a dépassé les bornes et enfreint la loi en exerçant des pressions indues sur la procureure générale pour qu’elle retire les accusations dans les affaires de corruption.

Ma question est la suivante : lorsque le premier ministre a dit que les allégations étaient fausses, que voulait-il dire? Qu’est-ce qui était faux exactement?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question. Je pense que la réponse a été énoncée à maintes reprises non seulement dans les déclarations du premier ministre, mais aussi dans celles d’autres personnes, à savoir que les allégations de directives ou d’ingérence sont fausses. Le premier ministre a-t-il soulevé la question auprès de la ministre de la Justice et procureure générale de l’époque? Oui. Y a-t-il eu des conversations au niveau supérieur avec le secrétaire principal du premier ministre et le greffier du Conseil privé? Oui. Ils ont tous deux décrit les circonstances de leurs échanges avec l’ancienne ministre, tout comme l’ancienne ministre. Mais encore une fois, je répète que l’ancienne ministre a dit que tous les faits sont connus et qu’il appartient maintenant aux Canadiens d’en juger.

Le sénateur Ngo : Merci, Votre Honneur. Les gestes du premier ministre ne s’accordent pas avec ses paroles. Dans les lettres de mandat transmises aux membres de son Cabinet, le premier ministre a déclaré :

Nous nous sommes [...] engagés à relever la barre en matière d’ouverture et de transparence au sein du gouvernement.

L’actuel gouvernement a rompu cette promesse à maintes reprises. Il a mis fin aux enquêtes de non pas un, mais deux comités de l’autre endroit. Il a empêché des témoins de comparaître et le premier ministre Trudeau a lui-même empêché Mme Wilson-Raybould de parler de la conversation qu’elle a eue avec le premier ministre avant sa démission, au sujet des raisons de sa démission, ou de la discussion tenue par le Cabinet le 17 février. Bref, il l’a empêchée de donner pleinement sa version des faits.

Sénateur Harder, si le premier ministre veut faire connaître la vérité, alors pourquoi le comité libéral de l’autre endroit a-t-il mis un terme à l’enquête sur le scandale SNC-Lavalin? En empêchant l’ancienne procureure générale de donner sa version des faits, le gouvernement n’enfreint-il pas le principe d’ouverture et de transparence qu’il avait promis aux Canadiens durant la dernière campagne électorale?

Le sénateur Harder : Encore une fois, je remercie le sénateur de sa question. Il n’est pas sans savoir que le comité compétent de l’autre endroit a tenu des audiences. En effet, je crois que l’ancienne ministre a comparu devant le comité pendant quatre heures et demie, et que d’autres témoins ont été appelés. Je ne peux pas commenter le fait que le comité ait mis fin à son examen de l’affaire. Rappelons toutefois que l’ancienne ministre de la Justice et procureure générale a affirmé que tous les faits sont connus. C’est aux Canadiens qu’il revient maintenant de décider.

(1600)

Transports et communications

Les travaux du comité

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, je voudrais poser une question sur la responsabilité au président du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, le sénateur David Tkachuk.

Il est plutôt rare que les comités se déplacent pour l’étude des projets de loi; pourtant, le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration a approuvé jusqu’à maintenant un budget de 136 470 $ visant à permettre aux membres du Comité sénatorial permanent des transports et des communications de se déplacer dans le cadre de l’étude du projet de loi C-48.

Afin de respecter la logique des arguments qui ont été donnés pour justifier cette dépense exceptionnelle des deniers publics et l’empreinte carbone accrue — par rapport aux raisons qui font que le comité doit se déplacer dans ce cas —, quels dispositifs sont en place pour garantir que, comme l’affirment ceux qui défendent ce déplacement extraordinaire, la voix des Canadiens qui n’ont pas pu témoigner devant le comité pourra enfin être entendue grâce à cette dépense importante?

Sénateur Tkachuk, votre comité pourrait-il, s’il vous plaît, répondre en détail à cette question au moyen d’un rapport qui serait présenté au Sénat à la suite de votre voyage?

L’honorable David Tkachuk : Nous allons soumettre un rapport sur le projet de loi après l’étude article par article. Un rapport est donc prévu. Le comité adoptera le rapport, qui sera ensuite présenté au Sénat.

La sénatrice McPhedran : Puis-je demander une précision? Je vous ai demandé assez clairement si vous accepteriez de donner des précisions sur les voix qui auront été entendues. Habituellement, comme vous le savez, les comités procèdent à l’étude des projets de loi ici même, et les témoins peuvent venir témoigner sur place ou le faire par vidéoconférence. Ceci est plutôt inhabituel.

Ma question vise à ce que cette assemblée puisse mieux comprendre si vraiment le comité a accompli ce qu’il prétend être la raison de son déplacement.

Le sénateur Tkachuk : Je ne vois absolument pas à quoi vous faites allusion. Honnêtement, je ne vois pas. Il y a un processus. Nous allons le suivre. Nous passons par le Comité de la régie interne. Le Sénat aura son mot à dire; les budgets doivent être approuvés. Nous entendrons des témoins. Nous présenterons un rapport, qui précisera le nombre de témoins entendus et les endroits où auront eu lieu les audiences. Je sais que, sur la côte Ouest, il y a déjà 50 témoins qui sont prévus sur deux jours seulement, alors on peut imaginer le nombre de témoins qui seront entendus dans les Prairies.

Nous sommes heureux de nous rendre en Saskatchewan et en Alberta, même si certains se sont demandés si nous devions le faire, particulièrement des sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants. Je suis content qu’ils aient finalement entendu raison. Nous irons à Edmonton et à Regina. Nous n’irons pas à Estevan; ce déplacement a été refusé, mais, si davantage de témoins se manifestent, des sommes ont été prévues pour que nous puissions tenir d’autres audiences à Regina, où nous irons la première semaine de mai.

L’honorable Frances Lankin : J’ai une question complémentaire.

Son Honneur le Président : Je suis désolé. Je vous ajoute à la liste des intervenants.

Le cabinet du premier ministre

Le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique

L’honorable Denise Batters : Sénateur Harder, je reviens à la question du sénateur Housakos concernant la directrice intérimaire des enquêtes au sein du Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique. Dans votre réponse, vous avez parlé d’indépendance. Or, une fois de plus, le gouvernement Trudeau prouve que sa définition du mot « indépendance » ne ressemble aucunement à la véritable définition du mot « indépendance ». Comment peut-on s’imaginer qu’il est approprié que la belle-sœur d’un ministre influent du gouvernement, Dominic LeBlanc, puisse participer en une telle capacité à une enquête sur un ministre du gouvernement Trudeau ou sur le premier ministre Trudeau? C’est scandaleux.

Qui confirmera aux Canadiens que des mesures ont été prises pour éviter le conflit d’intérêts manifeste qui existe ici dans l’enquête sur le scandale de SNC-Lavalin et qui validera celles-ci?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie la sénatrice de sa question. Elle saura, grâce à la réponse que j’ai donnée tout à l’heure, que le Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique lui-même a pris les mesures appropriées ou qu’il estime appropriées. Bien entendu, il appartient au commissariat, un organisme indépendant, de répondre à la question précise que pose la sénatrice. Cela dit, le commissariat estime que son indépendance est préservée et que, par conséquent, son intégrité et celle de son personnel ne sont pas compromises.

Transports et communications

Les travaux du comité

L’honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au sénateur Tkachuk, à titre de président d’un comité. Sénateur Tkachuk, j’ai très bien compris la question que la sénatrice McPhedran vous a posée, mais je comprends que ce n’est pas votre cas. Je n’essaie pas d’être condescendante; je veux simplement essayer de nouveau. Je ne voudrais pas offenser qui que ce soit.

L’honorable David Tkachuk : Je ne suis pas offensé.

La sénatrice Lankin : La question porte sur la justification qui a été présentée au Comité de la régie interne concernant les déplacements qui ont pour but de recueillir les témoignages de Canadiens qui ne pourraient pas donner leur point de vue autrement.

Si les témoins, par exemple, comprenaient tous les membres de divers genres d’associations, pour et contre, ou les membres de communautés, comme les communautés autochtones, pour ou contre, que le comité a déjà été entendus à Ottawa ou qui figurent sur des listes, on irait à l’encontre du but que vise l’utilisation des fonds pour lesquels la sénatrice demande reddition de comptes — et je pense que tous les sénateurs seront d’accord sur ce point; cela contredirait la justification qui a été présentée. La sénatrice McPhedran a simplement demandé qu’à votre retour, dans un rapport sur vos déplacements, pas celui sur la mesure législative, mais dans un rapport distinct présenté au Sénat, vous indiquiez si les témoins que vous avez entendus dans ces audiences menées à l’extérieur étaient bel et bien différents, pas seulement sur le plan géographique, mais aussi sur le plan des organismes représentés.

Le sénateur Tkachuk : Premièrement, la réponse est non. Comme je l’ai expliqué auparavant, nous allons entendre les témoins en Colombie-Britannique, nous allons entendre les témoins en Alberta et nous allons entendre les témoins en Saskatchewan.

Le rapport indiquera qui sont les témoins, y compris ceux que nous allons entendre ici même, à Ottawa. Je crois que cette information sera fournie en même temps que le rapport sur le projet de loi, à la date prévue. La sénatrice y trouvera toute l’information qu’elle désire.

La sénatrice Lankin : Je demandais plutôt si vous accepteriez de le faire. Évidemment, comme vous l’avez indiqué, nous pouvons tous lire cette liste, mais c’est votre comité qui a fait la demande avec la promesse que c’était pour entendre l’avis d’organismes ou d’autres intéressés qui n’ont pas encore eu l’occasion de se faire entendre.

Par souci de rendre des comptes — et ce n’est pas grand-chose qu’on vous demande —, ne croyez-vous pas que vous pourriez, en tant que président d’un comité, répondre à cette demande et présenter le rapport à tout le Sénat?

Le sénateur Tkachuk : Un processus est en place. Tout d’abord, il sera présenté au Comité de la régie interne jeudi prochain. Il sera aussi présenté dans cette enceinte. Le budget va être adopté, puis nous allons entendre le point de vue de Canadiens.

Je sais que les sénateurs appartenant au Groupe des sénateurs indépendants ne souhaitent pas se déplacer. Nous le savons tous. Au début, ils ne voulaient pas aller en Colombie-Britannique, puis ils ont changé d’idée. Par la suite, ils ont dit : « Eh bien, nous allons nous rendre en Alberta. » J’ai déclaré : « Nous devons aussi aller en Saskatchewan. » Ils ont alors changé d’idée. Ensuite, alors que nous tentions de choisir une date afin d’inclure l’Alberta et la Saskatchewan dans notre itinéraire — et au moins trois villes, comme dans le cas du Comité de l’énergie —, ils ont dit : « Non, nous ne voulons pas nous rendre dans une ville pétrolière de la Saskatchewan. Nous souhaitons simplement aller à Edmonton et à Regina — pas ailleurs. »

Je sais que les sénateurs appartenant au Groupe des sénateurs indépendants ne souhaitent pas se déplacer. Ils sont forcés de le faire à cause de pressions politiques. Les renseignements qu’ils souhaitent obtenir se trouveront dans le rapport. Ils pourront en extraire tous les détails qu’ils souhaitent.

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice Lankin, mais vous avez posé votre question complémentaire.

La sécurité publique

Les amendements du comité au projet de loi C-71

L’honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Harder, ma question donne suite à celle que le sénateur Pratte a posée à propos des amendements au projet de loi C-71 adoptés hier au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Hier, vous, le sénateur Pratte et d’autres sénateurs ont indiqué très clairement... En fait, le sénateur Pratte a indiqué clairement que, tout à coup, pour une raison quelconque, il n’appuyait pas les amendements. Vous semblez indiquer maintenant que vous n’appuyez pas les amendements.

(1610)

Pourtant, sénateur Harder, lorsque nous avons discuté du projet de loi C-68 à l’étape de la deuxième lecture, vous avez clairement indiqué que vous appuieriez certains amendements.

Sénateur Harder, est-ce l’avis du gouvernement ainsi que le vôtre que vous devez appuyer seulement les amendements qui cadrent avec votre point de vue et qu’il ne faut présenter aucun autre type d’amendements?

Hier, nous avons amendé les parties les plus insensées du projet de loi. Sénateur Harder, des membres de tous les groupes sénatoriaux ont voté en faveur des amendements. À un moment ou à un autre, tous les groupes représentés au comité ont voté en faveur de certains amendements. Or, voilà où vous en êtes. De plus, le sénateur Pratte dit ceci: « Ce ne sont pas les amendements que nous voulons ou que le gouvernement souhaite avoir, alors vous ne devriez pas avoir le droit de les présenter. » S’agit-il de votre position?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénateur, je crois que vous devriez peut-être élargir un peu votre perspective. Ce n’est pas du tout ma position. Depuis plus de trois ans, je fais valoir que le gouvernement est disposé à entendre les points de vue du Sénat et les améliorations aux projets de loi qu’il propose. Lorsque les amendements sont appuyés par la majorité des membres du Sénat, le gouvernement les présente au Parlement du Canada. Dans bien des cas, la Chambre des communes les accepte.

Tout ce que j’ai dit au sujet des décisions qui ont été prises jusqu’à maintenant au comité, c’est qu’il faudra voir les points de vue exprimés par les sénateurs lorsqu’ils étudieront le rapport à l’étape de la troisième lecture.

Personnellement, j’estime qu’il était un peu prématuré de retirer l’article 18, par exemple, puisqu’il s’agissait de la disposition de précision, où on pouvait lire :

Il est entendu que la présente loi ne permet ni n’exige l’enregistrement des armes à feu sans restriction.

Je pense qu’il serait peut-être bien que le Sénat rétablisse la disposition dans le projet de loi lorsqu’il lui sera renvoyé aux fins d’étude. Nous reviendrons au projet de loi lorsque nous serons saisis du rapport et le débattrons dans cette enceinte.

Le sénateur Plett : C’est justement ce que prévoit la procédure, sénateur Harder. C’est ce qu’elle prévoit depuis 152 ans. Pourtant, pour une raison qui m’échappe, le parrain du projet de loi a laissé entendre hier que nous avions mal agi en nous fiant aux arguments raisonnables des témoins souhaitant voir des changements pour adopter des amendements. Encore une fois, les libéraux savent toujours tout mieux que tout le monde.

C’est comme quand vous dites que vous accordez peu de poids aux déclarations du président Trump. Je vous rappelle qu’il a été élu au même titre que votre gouvernement. Le processus démocratique est ainsi fait, et le processus démocratique nous donne tout à fait le droit de modifier les projets de loi comme bon nous semble, non?

Le sénateur Harder : Il y a beaucoup de choses à répondre. Pour ce qui est du président Trump, je disais simplement que le gouvernement du Canada ne se fera pas dicter sa ligne de conduite par lui. Bien sûr qu’il a été élu, avec les conséquences que l’on sait sur son pays, les États-Unis.

Je déduis des propos de l’honorable sénateur qu’il se laisse inspirer par le président Trump. Ce n’est pas mon cas.

Passons maintenant au processus démocratique. Vous avez parfaitement raison, sénateur : le comité chargé d’étudier le projet de loi avait tout à fait le droit de l’amender. Cela dit, le Sénat a lui aussi le droit de faire sien ou pas le rapport du comité et de faire le nécessaire pour que le fruit de ses délibérations et du processus démocratique reflète bien l’opinion de la majorité des sénateurs. La version du projet de loi que le Sénat aura adoptée, amendée ou non, sera ensuite renvoyée à l’autre endroit, qui sera appelé à se prononcer et qui, une fois que ce sera fait, nous fera parvenir un message, et nous débattrons alors de ce message.

[Français]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le temps accordé à la période des questions est écoulé.

[Traduction]

Le vote aura lieu à 16 h 55. La sonnerie peut reprendre.


(1650)

ORDRE DU JOUR

Projet de loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Deuxième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Sinclair, appuyée par l’honorable sénateur Pratte, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

La motion, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Batters McIntyre
Beyak Plett
Boisvenu Poirier
Doyle Seidman
Eaton Smith
Manning Stewart Olsen
Marshall Tkachuk
Martin Wells
McInnis White—18

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson Harder
Bellemare Klyne
Black (Ontario) Kutcher
Boehm LaBoucane-Benson
Boniface Lankin
Bovey Lovelace Nicholas
Boyer Marwah
Busson McCallum
Christmas McPhedran
Cormier Mégie
Coyle Mitchell
Dalphond Miville-Dechêne
Day Moncion
Deacon (Nouvelle-Écosse) Moodie
Deacon (Ontario) Munson
Dean Omidvar
Downe Pate
Duffy Petitclerc
Duncan Pratte
Dupuis Ringuette
Dyck Sinclair
Forest Verner
Forest-Niesing Wallin
Gagné Wetston
Gold Woo—51
Griffin

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

(1700)

Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat sur la motion principale. Voulez-vous la parole, sénateur Plett?

L’ajournement

Rejet de la motion

L’honorable Donald Neil Plett propose :

Que la séance soit maintenant levée.

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Plett, avec l’appui de l’honorable sénateur Wells, propose que le Sénat s’ajourne maintenant. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que tous les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Une heure, je crois.

Son Honneur le Président : La sonnerie retentira pendant une heure. Le vote aura lieu à 18 h 1. Convoquez les sénateurs.

(1800)

La motion, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Andreychuk McIntyre
Batters Mitchell
Bellemare Ngo
Beyak Plett
Boisvenu Seidman
Doyle Smith
Eaton Stewart Olsen
Gagné Tannas
Harder Tkachuk
Housakos Verner
Marshall Wells—23
Martin

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson LaBoucane-Benson
Black (Ontario) Lankin
Boniface Lovelace Nicholas
Bovey McCallum
Boyer Mégie
Cormier Miville-Dechêne
Dalphond Moncion
Deacon (Nouvelle-Écosse) Moodie
Dean Munson
Duncan Omidvar
Dupuis Pate
Dyck Petitclerc
Forest Pratte
Forest-Niesing Ringuette
Gold Sinclair
Griffin Wetston
Klyne Woo—35
Kutcher

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je dois quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, à moins que nous consentions à ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l’heure?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : J’ai entendu un « non ». La séance est donc suspendue jusqu’à 20 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

Question de privilège

Report de la décision de la présidence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l’article 13-3 du Règlement, le sénateur Plett a donné préavis qu’il soulèverait une question de privilège. Conformément à l’article 13-5(1) du Règlement, je donne maintenant la parole au sénateur Plett.

L’honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, le Sénat a toujours pris très au sérieux les questions de privilège, à juste titre d’ailleurs. Comme l’indique l’article 13-1 du Règlement, une atteinte aux privilèges d’un sénateur ne cause pas seulement un préjudice à ce sénateur, elle « entrave le fonctionnement du Sénat ». Le Règlement indique ensuite :

Le maintien des privilèges du Sénat incombe donc à chaque sénateur et doit être discuté en priorité.

Chers collègues, l’atteinte aux privilèges que nous examinons aujourd’hui porte sur une fuite d’information tirée d’un document confidentiel qui décrit l’entente conclue par les leaders au Sénat à la suite de négociations privées auxquelles j’ai participé avec les personnes suivantes : le sénateur Harder, leader du gouvernement au Sénat; le sénateur Larry Smith, leader de l’opposition au Sénat; le sénateur Pau Woo, leader du Groupe des sénateurs indépendants; et le sénateur Joseph Day, leader des libéraux indépendants au Sénat.

Vous vous souviendrez, chers collègues, que le déroulement des travaux du Sénat a connu des ratés, la semaine dernière, quand le leader du gouvernement au Sénat a déposé une motion unilatérale et autoritaire qui s’est butée aux objections et à la résistance de sénateurs des deux côtés de cette enceinte.

Cherchant à dénouer l’impasse pour que les travaux du Sénat puissent avancer rapidement et efficacement, les quatre personnes que j’ai nommées et moi avons entamé des négociations le jeudi 4 avril 2019, en matinée.

Honorables collègues, permettez-moi de dire que ce n’était pas une mince affaire. J’ai mentionné dans cette enceinte à de nombreuses reprises que la loyale opposition de Sa Majesté n’est pas tenue de négocier avec quiconque sur les délibérations du Sénat concernant les projets de loi d’initiative ministérielle, sauf avec le leader du gouvernement au Sénat. Toutefois, dans un esprit de compromis et de collégialité, ainsi que pour protéger la capacité du Sénat de s’acquitter de ses fonctions, le leader de l’opposition officielle au Sénat et moi avons convenu d’organiser une réunion où les quatre leaders travailleraient de concert afin de trouver une solution.

À midi, nous étions arrivés à une entente, qui couvrait 13 mesures législatives. Cette entente a par la suite été signée par les quatre leaders. Les détails des négociations et les termes de l’entente devaient demeurer strictement confidentiels afin de protéger l’intégrité du processus et des négociations futures.

Toutefois, à 14 heures cette même journée — deux heures après la conclusion de l’entente, comme je l’ai signalé dans ma lettre de préavis au greffier du Sénat —, tous les détails de l’entente avaient fait l’objet d’une fuite dans les médias. Moins de deux heures après l’ajournement de notre réunion, une copie du document signé avait été publiée sur Twitter par Dale Smith, un journaliste pigiste de la Tribune de la presse parlementaire canadienne.

Cependant, sénateurs, ce n’est pas Dale Smith qui est coupable d’atteinte au privilège. Au contraire, c’est plutôt la personne qui était à la réunion et qui a fourni une copie de l’entente à une personne ou à plusieurs personnes — peut-être 58 — qui n’étaient pas présentes lors des négociations.

Comme je l’ai dit plus tôt, seulement cinq personnes étaient dans la salle. L’entente et les détails concernant les négociations qui ont mené à cette entente étaient strictement confidentiels et ne devaient pas être transmis à qui que ce soit, à part les plus proches conseillers de chaque leader. On ne devait sous aucun prétexte communiquer ces renseignements à d’autres sénateurs, ni au public. Or, il semble que c’est exactement ce qui s’est passé.

Chers collègues, j’ai des raisons de croire que c’est le sénateur Pau Woo qui a distribué des copies de l’entente et qui, ce faisant, a porté atteinte à la confidentialité des négociations et au privilège des sénateurs qui ont participé à ces négociations, moi y compris.

Je sais que le sénateur Woo, qui agit comme coordonnateur et leader du Groupe des sénateurs indépendants, a été nommé par le premier ministre Justin Trudeau il y a moins de trois ans. Cependant, sénateurs, ce n’est pas seulement une mauvaise connaissance du fonctionnement du Sénat qui est en cause. La divulgation intentionnelle d’une entente confidentielle constitue non seulement une atteinte au privilège, mais aussi un grave abus de confiance qui ferait l’objet de sanctions sévères s’il s’était produit dans n’importe quel contexte commercial. Un tel geste est tout simplement injustifiable.

Cela me trouble énormément, non seulement parce qu’il incombe au Sénat de bien protéger les privilèges, mais aussi parce que la confiance ne se construit pas du jour au lendemain et qu’elle peut être facilement brisée.

Les consultations empreintes de coopération et les négociations confidentielles tenues entre le leader du gouvernement au Sénat et les leaders des caucus du Sénat jouent un rôle crucial pour déterminer le rythme d’avancement et l’efficacité des travaux liés aux projets de loi dont nous sommes saisis. Les efforts déployés pour garantir que le processus se déroule de façon harmonieuse sont essentiels pour que le Sénat puisse remplir ses fonctions. Empêcher ce processus en brisant la confiance, en distribuant des documents confidentiels et en les rendant publics, c’est franchir une limite qui n’aurait jamais dû l’être. Or, c’est exactement ce qui est arrivé.

En fait, toute l’entente figure dans l’édition du 8 avril du Hill Times. Si certains sénateurs indépendants préfèrent négocier par l’entremise des médias, leur démarche est un affront à la dignité du Sénat et une violation du privilège parlementaire.

Chers collègues, dans l’affaire Chambre des communes c. Vaid dont la Cour suprême du Canada a été saisie en 2005, celle-ci a défini en ces termes le privilège parlementaire :

Dans le contexte canadien, le privilège parlementaire est la somme des privilèges, immunités et pouvoirs dont jouissent le Sénat, la Chambre des communes et les assemblées législatives provinciales ainsi que les membres de chaque Chambre individuellement, sans lesquels ils ne pourraient s’acquitter de leurs fonctions […]

Dans son rapport de 2015 intitulé Une question de privilège : Document de travail sur le privilège parlementaire au Canada au XXIe siècle, le Sous-comité sur le privilège parlementaire du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement faisait les observations suivantes :

Le privilège parlementaire, élément essentiel de la démocratie parlementaire, permet au Parlement de fonctionner avec efficacité et efficience, sans entraves indues.

[…] afin de pouvoir assumer correctement et efficacement leurs fonctions de parlementaires et de représentants élus, les députés ne doivent pas craindre d’ingérence indue ou d’intimidation.

(2010)

La fuite de cette entente constitue indéniablement de l’ingérence. Et dans la mesure où elle crée un climat d’incertitude et de méfiance pour les futures négociations, elle constitue également de l’intimidation. Négocier de mauvaise foi ne peut être qualifié autrement.

Sénateurs, je crains que nous commencions à voir ce que certains membres du Groupe des sénateurs indépendants veulent dire lorsqu’ils parlent d’un Sénat modernisé. De toute évidence, leur vision d’un Sénat modernisé suppose qu’il ne faut faire aucun cas de 152 ans de règles, de procédures et de conventions, mais aussi qu’il faut faire fi de tout bon sens et de toute décence dans le processus.

Il y a un changement manifeste dans la culture de cette assemblée. Les slogans accrocheurs qui parlent d’un nouveau Sénat indépendant masquent simplement l’absence de conduite honorable et d’un véritable second examen objectif et un désir non dissimulé de faciliter et même de promouvoir le programme du gouvernement libéral.

Nous en avons eu un exemple lors de la récente réunion de notre comité pour l’étude article par article du projet de loi C-71. Après que le comité a décidé de rejeter un certain nombre d’articles et d’en modifier d’autres, le sénateur Pratte était d’avis qu’une observation devrait être annexée au rapport pour indiquer que le comité n’était pas d’accord avec le programme du gouvernement. D’une part, le Groupe des sénateurs indépendants croit que nous sommes censés réfléchir sérieusement et proposer des amendements, mais d’autre part, il ne croit pas que de tels amendements devraient aller au-delà des paramètres que le gouvernement approuve.

Chers collègues, je m’écarte du sujet. Il ne fait aucun doute que l’affaire dont nous sommes saisis est très grave.

Votre Honneur, peu importe si vous tranchez en ma faveur et si vous déterminez qu’à première vue il y a eu atteinte au privilège, je crois que le lien de confiance a été brisé — un lien de confiance que le Sénat a pris 152 ans à établir.

Cette confiance est affaiblie et brisée par la conduite insouciante et imprudente de quelques sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants, ce qui est extrêmement décevant. Nous pouvons avoir des débats animés et de profonds désaccords, mais lorsque nous concluons des ententes, nous les respectons.

Des voix : Oh, oh!

Son Honneur le Président : À l’ordre, s’il vous plaît.

Le sénateur Plett : S’il est déterminé que la question de privilège est fondée, je suis prêt à proposer une motion pour que la question soit renvoyée au Comité permanent du règlement, de la procédure et des droits du Parlement afin qu’il fasse enquête, qu’il fasse rapport et qu’il propose des mesures de réparation.

Merci, honorables sénateurs.

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables collègues, aussi contrariante que soit cette question de privilège, je suis heureux qu’elle attire l’attention sur le fait que les leaders de tous les groupes et caucus parlementaires se sont entendus sur un échéancier de présentation de rapports et de votes pour 13 projets de loi du gouvernement, évitant ainsi le recours à une motion de programmation. J’aimerais donc commencer par remercier les leaders de leur collaboration sur cette question.

Je trouve curieux que le sénateur Plett soulève une question de privilège alors que nous devrions plutôt lever un verre de sa boisson préférée pour porter un toast à cet exemple exceptionnel de collaboration au Sénat.

Chers collègues, la question de privilège soulevée par le sénateur Plett repose sur l’idée que j’aurais communiqué aux médias des détails de l’entente conclue entre les leaders. Je n’ai rien fait de tel. S’il a une preuve, qu’il la produise. Pour l’instant, il s’agit d’une allégation farfelue et sans fondement.

Permettez-moi de revenir sur la chronologie des événements qu’il a présentée et sa théorie sur la manière dont la fuite a été faite. Comme il l’a dit, les leaders en sont arrivés à une entente vers midi. Si je me souviens bien, ce n’est qu’après le début de la séance du Sénat que le document a été signé par les quatre leaders parce que ce n’est qu’une fois que j’ai pris ma place que j’ai eu une copie du document.

Le journaliste qui a reçu une copie de ce document l’a publiée sur Twitter à 14 heures. Le sénateur Plett insinue que le journaliste a obtenu une copie du document par l’entremise de l’un des membres du Groupe des sénateurs indépendants, à qui j’ai en fait envoyé le document à 16 heures, à savoir, chers collègues, deux heures après que le journaliste en question eut publié l’article sur son fil Twitter.

Ah, l’affaire se corse. À 14 h 3, qu’avons-nous vu? Avons-nous vu le gazouillis être partagé par l’un des membres de mon groupe? Non. Par l’un des libéraux indépendants? Non. Par le gouvernement? Encore une fois, non. C’est un membre du personnel conservateur qui a partagé le gazouillis trois minutes après sa publication par le journaliste. Dieu sait où il a obtenu cette information. Il n’en demeure pas moins qu’un membre du personnel conservateur a partagé de l’information dont la diffusion constituait, selon le sénateur, une atteinte au privilège. Il devrait peut-être faire valoir ce point à l’employé de son parti.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous raconter ce qui s’est passé. J’ai effectivement communiqué de l’information sur l’entente à des membres du Groupe des sénateurs indépendants. Je l’ai fait de la façon la plus transparente possible, c’est-à-dire en envoyant aux membres du groupe le document signé énumérant les divers projets de loi et les échéanciers établis pour ces derniers. Le document contient une liste de projets de loi et de dates pour la présentation des rapports des comités ou les votes, et il comporte quatre signatures; ni plus, ni moins.

Il va sans dire qu’une entente sur les dates serait inutile si ces dernières n’étaient pas communiquées à tous les sénateurs. J’ai des raisons de croire que les leaders des autres groupes ont communiqué les mêmes renseignements, ou des renseignements très semblables, à leurs membres pour la simple raison que ces derniers avaient besoin de ces renseignements pour faire leur travail. Du moins, je peux affirmer catégoriquement que les membres du Groupe des sénateurs indépendants avaient besoin de connaître les dates prévues pour les rapports et les votes à l’étape de la troisième lecture, afin de pouvoir voter.

J’ai fait part du document en toute bonne conscience et en croyant qu’il s’agissait d’une façon de faire convenue entre les personnes présentes à la réunion des leaders et le sénateur Plett.

Je ne peux pas en dire plus sur ce qui s’est passé à cette réunion, car cela constituerait une violation de la confidentialité d’une discussion. Voilà pourquoi je suis étonné et troublé que le sénateur Plett ait soulevé la question de la confidentialité au Sénat. Cela nous expose, lui et moi, au risque de divulguer d’autres renseignements confidentiels qui ont été communiqués lors de cette réunion.

S’il tente de protéger la confidentialité d’une conversation qui a eu lieu entre un petit groupe de personnes, il ne devrait pas le faire en présence de 100 autres personnes qui n’ont pas participé à la réunion en question pendant une séance qui est diffusée en direct au grand public. Les seules circonstances où il aurait été approprié pour lui de soulever ses préoccupations concernant la possible violation de la confidentialité auraient été avec le petit groupe en question.

Chers collègues, je peux confirmer que nous avons abordé ce sujet ce matin à la réunion des leaders. Je peux dire que, à ma connaissance, la question a été réglée.

Votre Honneur, cette question de privilège est futile, car aucun privilège du Sénat ou des sénateurs n’a été atteint. Je dirais même, chers collègues, que le fait de ne pas partager l’information avec les 57 sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants sur le calendrier politique régissant les 13 projets de loi est une atteinte au privilège de ces sénateurs. Toutefois, je ne veux pas que l’on gaspille encore plus de temps sur ces procédures obstructionnistes. Passons à l’accord auquel les leaders sont parvenus, qui est de travailler avec diligence sur l’examen des projets de loi en question selon l’échéancier qui a été fixé d’un commun accord.

Certes, je suis déçu que le sénateur Plett ait agi de la sorte, mais je veux conclure en disant que cela ne me dissuade pas de continuer à chercher un consensus en ce qui concerne l’organisation des travaux, en négociant avec tous les groupes reconnus du Sénat. Cela est préférable à l’attribution de temps, non seulement parce que cela suscite la collégialité, mais aussi parce que cela permet une souplesse accrue lorsque les circonstances imposent des changements de dates.

Je désire continuer à travailler dans un esprit de collaboration au Sénat et je peux assurer à tous les sénateurs que le Groupe des sénateurs indépendants contribuera à favoriser cette approche.

(2020)

L’honorable Leo Housakos : Il me semble que le sénateur Woo en sait aussi long sur les questions de privilèges que sur les motions de programmation dans le modèle parlementaire de Westminster.

Il est également assez clair, Votre Honneur, qu’il ne s’agit pas d’une atteinte au privilège ordinaire. En effet, il ne s’agit pas seulement d’une atteinte au privilège d’un seul sénateur, mais d’une atteinte à celui des représentants du gouvernement et de l’opposition officielle au Sénat.

C’est une chose de dévoiler des informations provenant de réunions du Comité directeur et de réunions tenues à huis clos. C’est une tout autre chose lorsqu’il s’agit de négociations entre le leader du gouvernement et le leader de l’opposition, où il est question des travaux de la Chambre, de projets de loi et de la façon dont ils seront étudiés, et qu’une personne décide de divulguer ces informations à la presse après ou durant les faits.

Le sénateur Woo se soucie de sa défense, et je présume, Votre Honneur, qu’il pourra la présenter en temps et lieu, à l’instar du gouvernement et de l’opposition, étant donné que, si je comprends bien, seules trois parties étaient au courant de ces renseignements, quatre si on inclut le leader du gouvernement. Je ne vois pas quel était l’avantage pour l’opposition ou le leader du gouvernement de divulguer ces renseignements après avoir convenu qu’ils seraient confidentiels, comme le sont toutes les négociations entre le gouvernement et l’opposition.

Votre Honneur, je siège au Sénat depuis maintenant 10 ans et je n’arrive pas à me souvenir d’une atteinte de cette nature entourant des négociations entre le gouvernement et l’opposition où des renseignements de ce genre ont été divulgués, peu importe le parti politique au pouvoir. Après 35 ans en politique, je n’arrive pas à me souvenir de négociations à la Chambre des communes entre les partis politiques où des renseignements ou des discussions ont été divulgués au public.

Il s’agit d’une première, semblable à celle qui a eu lieu au Sénat récemment, où une sénatrice a divulgué des renseignements sur une réunion à huis clos en pensant qu’il s’agissait d’un comportement normal. Je présume que c’est l’essence même du nouveau Sénat de Justin Trudeau : faire de la politique autrement.

Au bout du compte, je suppose que nous avons tiré une leçon de tout ceci. Si vous voulez tenir des discussions confidentielles, il doit y avoir un seul représentant du gouvernement et non deux. À l’heure actuelle, le gouvernement a deux négociateurs à la table de négociation avec un rôle de leader. Il a la personne désignée comme le leader du gouvernement, qui est désignée comme tel en vertu de la Constitution et qui reçoit une allocation pour représenter le gouvernement du Canada, bien que tout citoyen canadien qui regarde les travaux du Sénat peut évidemment voir la mention de « non affilié » sous son nom. Je suppose qu’il s’agit d’une autre caractéristique du nouveau Sénat de Justin Trudeau : son leader du gouvernement refuse d’assumer la responsabilité du titre que le chef du gouvernement lui a donné.

Il y a actuellement un autre négociateur qui parle au nom d’un caucus qui est composé d’une majorité de sénateurs — vous avez raison, il s’agit d’un groupe, sénateur Tkachuk. Les membres de ce groupe ont pris l’initiative de s’immiscer dans les négociations entre le gouvernement et l’opposition. Si une question de privilège a été soulevée concernant la violation de la confidentialité de l’information, il y a aussi matière à question de privilège concernant la procédure, c’est-à-dire les négociations entre le gouvernement et l’opposition.

Pourquoi y a-t-il des négociations entre le gouvernement, l’opposition et un autre groupe, composé de sénateurs nommés par le gouvernement? N’ont-ils pas confiance dans le leader que le gouvernement a nommé? Nous avons confiance dans les sénateurs que le gouvernement a nommés, mais nous n’avons pas confiance dans le représentant du gouvernement que le gouvernement a nommé pour négocier de bonne foi.

On en arrive à ce cocktail explosif à cause de la volonté d’un premier ministre de réformer le Sénat de façon unilatérale et inconstitutionnelle. C’est le premier ministre qui nous a mis dans cette situation.

Je suis au courant des atteintes aux privilèges et des fuites d’informations. J’ai déjà été accusé par un organisme, une entreprise et des sources anonymes d’avoir fait couler des informations importantes. Il s’agissait d’accusations non fondées, mais j’ai au moins eu la décence d’intervenir au Sénat, sénateur Woo, et de renvoyer le dossier au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Voilà ce que j’ai fait.

Le sénateur Woo : Qui est responsable de la fuite?

Le sénateur Housakos : Je vous exhorte à lire le rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Il s’agit d’une étude approfondie basée sur des témoignages. Tout ce que je dis, c’est qu’il y a eu en l’occurrence une atteinte grave au privilège et que nous devrions tous nous en inquiéter. Au lieu d’applaudir aveuglément un collègue qui est intervenu au Sénat pour se défendre, nous devrions nous poser les questions suivantes : Pourquoi a-t-on porté atteinte au privilège? Que ferons-nous pour examiner cette atteinte afin que rien de tel ne se reproduise?

Voilà les questions que l’on doit se poser, Votre Honneur, et je fais appel à vous pour conclure qu’il y a eu atteinte au privilège.

L’honorable André Pratte : Je veux soulever deux points très brièvement. Le sénateur Plett a indiqué qu’il a « des raisons de croire » que le sénateur Woo est à l’origine de cette fuite. C’est tout. Rien d’autre. Donc, le sénateur a des raisons de croire que le sénateur Woo est le coupable, mais il n’a pas de preuve. Le sénateur Housakos n’a pas présenté la moindre preuve, il a seulement des raisons de croire. Cette accusation est grave, très grave.

Je conclus sur ceci : je me demande en l’occurrence qui est la véritable victime de l’atteinte aux privilèges. Je penserais que le fait d’accuser une personne d’une faute grave sans l’ombre d’une preuve est une tentative d’intimidation, une tentative d’empêcher le sénateur ou la sénatrice en question de faire son travail, et cela, à mon avis, est une atteinte aux privilèges. Merci.

L’honorable Marc Gold : Honorables sénateurs, je crois que les questions de privilège revêtent une importance extraordinaire, alors je voudrais répondre brièvement à l’argument soulevé par le sénateur Plett, parce que, en tout respect, Votre Honneur, la question soulevée par le sénateur Plett ne répond pas aux critères énoncés à l’article 13-2 du Règlement pour que Son Honneur puisse conclure qu’elle est fondée à première vue.

Cependant, je ne peux faire autrement que de revenir sur les commentaires formulés dans la présentation de la question de privilège et dans les interventions qui ont suivi et où le sénateur a parlé de déshonneur, d’insouciance, d’irresponsabilité, d’ignorance et de manque de décence en comparaison avec la décence dont se targue un des sénateurs impliqués dans ce débat. Il s’agit, bien sûr, d’une attaque dirigée contre le Groupe des sénateurs indépendants qui n’ajoute rien au débat et qui n’a rien à voir avec les critères requis pour qu’une question de privilège soit fondée à première vue.

Tout ce que cette attaque permet d’accomplir pour les honorables sénateurs qui ont soulevé cette question, c’est d’appuyer leurs motivations clairement partisanes qui deviennent de plus en plus lassantes, si j’ose dire, mais je m’écarte du sujet.

Il y a quatre critères. Le premier exige que la question de privilège soit soulevée à la première occasion et c’est ce qui a été fait, alors il n’y a pas matière à débat à ce sujet.

Par contre, la question dont nous parlons ne répond pas au critère suivant. Il exige que l’affaire :

[...] se rapporte directement aux privilèges du Sénat, d’un de ses comités ou d’un sénateur;

La question de privilège du sénateur Plett ne remplit pas ce critère. Notre propre publication, La Procédure du Sénat en pratique , définit divers privilèges au chapitre 11, et à la page 225, on décrit les privilèges collectifs du Sénat comme suit :

[...] le droit de réglementer ses travaux ou délibérations, notamment le droit d’exclure des étrangers, de délibérer à huis clos et de contrôler la publication de ses débats et délibérations; le droit de prendre des mesures disciplinaires à l’endroit des personnes coupables d’atteinte aux privilèges ou d’outrage; le droit de bénéficier de la présence et des services de ses membres; le droit de procéder à des enquêtes, d’assigner des témoins à comparaître et d’ordonner la production de documents; le droit de faire prêter serment aux témoins; le droit de publier et de distribuer des documents avec immunité en matière de responsabilité civile (diffamation).

À la page 226 de La Procédure du Sénat en pratique, on décrit nos privilèges individuels comme membres du Sénat :

[...] la liberté de parole au Parlement et dans ses comités; l’immunité d’arrestation dans les affaires civiles; l’exemption du devoir d’être juré et de l’obligation de comparaître comme témoin devant un tribunal; la protection contre l’obstruction et l’intimidation.

La question soulevée par le sénateur Plett n’a d’incidence sur aucun de ces privilèges, qu’ils soient collectifs ou individuels. L’entente mentionnée par le sénateur Plett n’est pas un document parlementaire. Ce n’est rien de plus qu’une entente privée entre quatre sénateurs.

(2030)

Il ne s’agit pas de l’ébauche du rapport d’un comité. Ce n’est pas un projet de loi. Ce n’est pas une motion que cette Chambre doit étudier. Par conséquent, la divulgation de ce document ne porte aucunement atteinte aux privilèges que je viens d’énumérer. Aucun privilège n’a été violé, et l’existence ou la divulgation de ce genre d’entente confidentielle entre des sénateurs ne peut constituer une atteinte au privilège.

Selon le troisième critère, la question soulevée doit viser à corriger une atteinte grave et sérieuse. Évidemment, si aucun privilège n’a été violé, alors ce critère n’est même pas pertinent. Cependant, Votre Honneur, si vous n’êtes pas d’accord avec moi, et si vous considérez que la question de privilège semble fondée à première vue, je maintiens quand même qu’il n’y a rien de grave ni de sérieux à la question soulevée, quoi qu’en disent les beaux discours des honorables sénateurs d’en face.

Enfin, la question doit être soulevée si elle cherche à obtenir une réparation que le Sénat est habilité à accorder et qui ne peut vraisemblablement être obtenue par aucune autre procédure parlementaire. Dans ce cas, Votre Honneur, j’estime qu’aucune forme de réparation ne pourrait vraiment satisfaire le sénateur Plett. Même si Son Honneur considère que la question de privilège semble fondée à première vue, le Sénat ne peut accorder aucune forme de réparation pour remédier à la situation. Nous ne pouvons pas faire disparaître le gazouillis du journaliste qui, comme le sénateur Woo l’a indiqué, a été partagé trois minutes après sa publication.

Par conséquent, quel que soit le processus que nous pourrions décider de suivre, il serait futile et ferait perdre son temps au Sénat. Voilà pourquoi ce quatrième critère est inclus dans le Règlement et pourquoi la question soulevée doit être jugée irrecevable.

Votre Honneur, la question soulevée par le sénateur Plett ne répond pas à trois des quatre critères établis par le Règlement. Or, même si elle n’échouait qu’à un seul critère, l’article 13 du Règlement nous empêcherait quand même de procéder, comme chacun sait.

Honorables sénateurs, je demande à la présidence de conclure que la question de privilège n’est pas fondée à première vue.

L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, j’aimerais dire deux ou trois choses. Parmi les sénateurs touchés par cette atteinte au privilège figurent tous ceux et celles qui siègent à l’un ou l’autre des comités chargés d’étudier les 13 mesures législatives en cause.

Ils n’ont jamais entendu parler des échéanciers convenus — ou non — par leurs dirigeants, parce que, pour certains de ces projets de loi, la case vis-à-vis le vote à l’étape de la troisième lecture est laissée vide. Ce n’est pas le leader de notre groupe parlementaire qui leur en a parlé. Bon nombre d’entre eux ont appris sur Twitter ou dans le Hill Times qu’un échéancier avait été convenu, ce qui constitue une atteinte au privilège parlementaire.

Pendant les négociations en vue de cette entente, la semaine dernière, le sénateur Woo, qui dirige le Groupe des sénateurs indépendants, a ouvertement réclamé de participer aux négociations. Il l’a exigé une première fois ici, au Sénat, puis dans les médias et dans les médias sociaux. Il a finalement été autorisé à assister aux rencontres. Or, il a admis ce soir qu’il a fait parvenir l’entente signée aux 58 sénateurs de son groupe et — ô surprise —, voilà qu’elle se retrouve sur le fil Twitter de Dale Smith.

Le fait que le sénateur Woo ait qualifié ce soir de « contrariante » ce genre d’atteinte au privilège témoigne de son manque de compréhension fondamental et de son mépris total pour la gravité de la situation. Il en parle comme si c’était amusant. C’est complètement inacceptable. Certains d’entre nous trouvent étrange depuis un certain temps la situation dans laquelle nous sommes, où 58 sénateurs indépendants ont formé un groupe qui a une structure de direction et qui forme une équipe, tout en continuant de se dire indépendants. Comment un tel groupe participe-t-il à une situation de négociation avec ce genre de structure de direction?

Il y a un leader dans cette situation qui ne veut pas être qualifié de leader. Il y a une leader adjointe qui ne veut pas être qualifiée de leader adjointe et un whip qui ne veut pas être qualifié de whip. Qu’arrive-t-il quand 58 personnes prennent les décisions, chacune dans leur petit groupe, au sein du soi-disant Sénat indépendant et non partisan de Justin Trudeau? Il y a une atteinte au privilège. Selon mes collègues qui sont au Sénat et en politique depuis plus longtemps que moi, ce genre de chose ne s’est jamais produit avant.

Honnêtement, si cette entente au sujet du calendrier politique était si peu importante qu’elle ne méritait pas d’être l’objet d’une question de privilège, pourquoi le sénateur Woo s’est-il battu si fort pour participer aux négociations la semaine dernière? Je prends la parole pour appuyer cette motion présentée par mon collègue le sénateur Plett.

L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, cette question de privilège est malheureusement fondée sur une supposition, plus précisément sur la supposition qu’un sénateur a communiqué les renseignements, comme l’indiquait la lettre que nous avons reçue. Je tiens toutefois à dire, Votre Honneur et chers collègues, que le sénateur Plett et la sénatrice Batters accusent l’ensemble des 58 sénateurs indépendants de cette fuite.

C’est la première fois, à ma connaissance, que, dans le contexte d’une question de privilège fondée sur la publication de renseignements dans les médias, on pointe du doigt un sénateur qui aurait supposément transmis ces renseignements, dans le but qu’il y ait enquête et rapport si la question est fondée à première vue.

Il s’agit d’une accusation grave. Faudrait-il croire que l’ensemble du caucus conservateur au Sénat et de ses employés n’avait pas reçu cette entente sur le cheminement des projets de loi? Dans sa formulation, la question de privilège du sénateur Plett ne semble pas vraiment inviter le Président à déterminer si elle est fondée à première vue; elle semble plutôt cibler un sénateur en particulier et s’attaquer à sa réputation au Sénat. Cette cible n’est pourtant fondée que sur une supposition, comme l’indique la lettre. On m’a donné à penser que les copies de l’entente avaient été distribuées par le sénateur Woo.

Le sénateur Plett ne fournit aucune preuve démontrant que la fuite de renseignements ne provient pas des sénateurs conservateurs ou d’un membre de leur personnel. Aucune déclaration sous serment n’a été présentée au Sénat à propos des autres groupes qui auraient pu communiquer ces renseignements.

Je me demande pourquoi un document indiquant les différentes étapes d’un projet de loi et le délai pour les franchir devrait être un grand secret pour des sénateurs responsables. Nous ne pouvons pas voir ce grand secret. Oh, le grave danger que les sénateurs disposent de renseignements. C’est épouvantable d’avoir des sénateurs bien renseignés, n’est-ce pas, sénateur Housakos? N’est-ce pas un terrible problème?

Cela me rappelle l’époque, pas si lointaine, où les chefs adjoints des caucus partisans assistaient aux travaux et où seuls les trois chefs de caucus savaient ce qui allait se passer au Sénat ce jour-là. Cela ne fait pas si longtemps.

Les sénateurs qui n’occupaient pas un rôle de premier plan étaient tenus dans l’ignorance. À cette époque-là aussi, c’était un grand secret. Les sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants soutiennent que c’était inacceptable et que ce l’est toujours. Maintenant, tous les sénateurs reçoivent par courriel les travaux pour la journée ainsi que les votes prévus.

Votre Honneur, le secret n’est plus acceptable dans les travaux du Sénat. Tous les sénateurs devraient être au courant de ce qui figurera au Feuilleton.

(2040)

Votre Honneur, le Sénat devrait s’offusquer des accusations, qu’elles ciblent un ou 58 sénateurs, comme il vient d’être souligné, parmi la centaine qui était probablement au courant de l’entente sur le processus législatif.

Votre Honneur, dans l’intérêt de tous les sénateurs, le Sénat n’appartient pas à une poignée de personnes, mais bien à l’ensemble des sénateurs et des Canadiens. Je ne suis pas d’accord pour dire qu’informer les sénateurs d’un processus législatif constitue une atteinte au privilège. En tant que sénatrice d’un Sénat moderne, je m’attends à ce que la transparence et la communication d’information nous permettent de nous acquitter efficacement de nos fonctions collectives et individuelles dans cette enceinte.

Votre Honneur, le document présentant les échéanciers pour les projets de loi n’est pas un document parlementaire. C’est un document procédural. Il n’y a pas lieu de parler d’atteinte grave ou sérieuse, sauf en ce qui concerne l’hypothèse concernant le sénateur Woo, qui représente selon moi des propos non parlementaires. De plus, Votre Honneur, la solution par rapport au document procédural est déjà toute trouvée : c’est un Sénat ouvert, transparent et indépendant.

Votre Honneur, j’ajoute également que l’article cité par le sénateur Plett n’a rien à voir avec les travaux du Sénat. Par conséquent, il tente de créer un nouveau privilège que la Constitution n’a pas encore accordé au Parlement. Votre Honneur, je crois que la question de privilège n’est pas fondée à première vue et je vous remercie de votre attention.

L’honorable Frances Lankin : Merci, Votre Honneur. L’avantage d’être plus loin dans la liste des intervenants est que beaucoup de choses ont été dites et je ne les répéterai pas. Je m’associe entièrement aux propos du sénateur Gold et de la sénatrice Ringuette. J’avais l’intention de présenter les mêmes arguments concernant les quatre critères à respecter. Je crois que cela a été traité plus qu’adéquatement, donc je ne m’y attarderai pas. De plus, je crois que la sénatrice Ringuette a soulevé des points importants.

Il me reste donc une ou deux observations à formuler. Votre Honneur, dans votre examen des arguments présentés par les sénateurs, je vous prie de vous pencher sur ce que j’appellerai le langage non parlementaire utilisé par les sénateurs Plett et Housakos. Je ne crois pas que la sénatrice Batters ait fait de même, mais aussi bien vérifier, car parfois, c’est dissimulé. Quoi qu’il en soit, je vous prie d’examiner à tout le moins les propos de ces deux sénateurs.

Nous avons entendu un éventail de remarques accusatrices désobligeantes fondées sur des préjugés à l’endroit de l’ensemble des membres du Groupe des sénateurs indépendants. Votre Honneur, vous remarquerez que, dans sa présentation, le sénateur Plett a parlé tantôt de certains membres du Groupe des sénateurs indépendants, tantôt de l’ensemble du Groupe des sénateurs indépendants.

Le sénateur Housakos, comme il a parfois coutume de le faire, a profité d’une tribune improvisée pour proclamer que le Groupe des sénateurs indépendants n’avait aucune crédibilité. Bon nombre de sénateurs honorables dans ce groupe sont travaillants et diligents et ils apportent une contribution remarquable.

Je ferai remarquer que le plus souvent, au cours des dernières semaines, la sonnerie a retentit à cause de quelque désaccord de l’opposition avec les procédures ou la vitesse à laquelle étudier ou non des projets de loi. Bien franchement, cela m’empêche d’exercer mon privilège parlementaire de travailler au nom des Canadiens.

En examinant la chronologie établie, je sais que le sénateur Housakos, en pleine discussion, en face, tente de me convaincre que celle-ci est inexacte et que les articles ont été publiés après le courriel du sénateur Woo. C’est inexact. En fait, le gazouillis d’un employé des conservateurs figure dans la chronologie et démontre, encore une fois, qu’il ne s’agissait pas du courriel envoyé au Groupe des sénateurs indépendants pour les informer du protocole prévu pour l’organisation des travaux. Selon moi, il faut prendre cela au sérieux. Avant que les sénateurs prennent la parole pour pointer du doigt, ils devraient obtenir toutes les preuves.

Je dirais au sénateur Housakos, qui nous invite à lire le rapport du Comité du Règlement portant sur les allégations d’atteinte au privilège le touchant personnellement, que, lorsque le rapport du vérificateur général a fait l’objet de fuites et que des témoins ont dit publiquement avoir vu le sénateur et son adjoint fournir ces renseignements aux journalistes, le Comité du Règlement auquel il fait allusion...

Le sénateur Housakos : Votre Honneur, j’invoque le Règlement. De nouveau, il est tout à fait inacceptable qu’une sénatrice salisse ma réputation en citant un article de journal dont les sources étaient manifestement anonymes. Les personnes auxquelles elle fait allusion et qui m’auraient vu faire les choses dont il est question dans cet article étaient des sources anonymes. Je tiens de nouveau à dire publiquement que ces accusations ont été examinées convenablement. Elles ont été renvoyées à un comité permanent du Sénat il y a longtemps. Une enquête a été menée, des témoins ont comparu, dont le vérificateur général lui-même, et toute la situation a été examinée de près. Je tiens aussi à signaler que j’ai été la principale victime de ces fuites.

Vous pouvez continuer à faire des insinuations et à tenter de salir ma réputation sans connaître les faits. Toutefois, sachez que les faits sont éloquents. De nouveau, j’invite tous mes collègues à lire le rapport du Comité du Règlement. Il est détaillé. Sénatrice Lankin, c’est vraiment indigne de votre part de mener une campagne de salissage de la sorte.

Merci, Votre Honneur.

Son Honneur le Président : Je comprends l’indignation qui peut vous animer, sénateur Housakos, mais il ne s’agit vraiment pas d’un recours au Règlement. Cela dit, nous avons bien compris que vous souhaitez que le rapport soit passé en revue.

Je saurais maintenant gré à la sénatrice Lankin d’éviter le sujet tant que le rapport n’aura pas été passé en revue.

Oui, sénatrice Lankin?

La sénatrice Lankin : Merci beaucoup. Je crois que je vais découper l’extrait du hansard où figureront les propos du sénateur Housakos parce que c’est exactement ce que je lui reproche de faire avec ses insinuations incessantes et ses généralisations contre un groupe entier de sénateurs. Nous y reviendrons.

Pour ce qui est du Comité du Règlement, dont je faisais partie à l’époque, je ne peux pas révéler ce qui s’est dit parce que la conversation s’est passée à huis clos. Vous constaterez que le rapport ne blâme ni n’exonère personne. Je vous demande donc de le lire à votre tour, honorables sénateurs. Il n’y a rien de vindicatif là-dedans.

Votre Honneur, pour ne pas mettre inutilement votre patience à l’épreuve, je terminerai en rappelant qu’il faut être deux pour danser le tango. C’est loin d’être la première fois que le lien de confiance est rompu et ce lien, il ne se rétablit pas sans effort. Bon nombre d’entre nous sont prêts à y mettre du leur, j’en suis convaincue, mais nous aurons besoin de la collaboration de nos collègues d’en face. Pour le moment, rien n’indique que nous pourrons compter sur eux, mais j’espère que les choses finiront par changer.

Des menaces continuent d’être proférées de temps à autre, que ce soit au sujet de cet accord, d’autres accords ou de quoi que ce soit d’autre qui pourrait survenir par la suite. Celle qui pèse toujours, c’est que quelqu’un décide de renier l’accord. Je dirais, Votre Honneur, que si nous pouvons nous entendre au Sénat sur une approche qui soit honorable, nous devons le faire, car en ce moment nous ne servons pas les Canadiens comme nous devrions le faire. Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je suis prêt à entendre le point de vue d’un plus grand nombre de sénateurs sur cette question. Je sais que la sénatrice Dupuis a pris la parole à diverses reprises. Je rappelle toutefois aux sénateurs que l’article 6-13(1) du Règlement veut que tous les sénateurs évitent de faire des commentaires personnels ou de tenir des propos offensants. Entendre ce genre de chose ne m’apporte rien. Je tiens à ce que les sénateurs s’en tiennent à la question de privilège qui a été soulevée.

La sénatrice Dupuis a la parole.

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Merci, monsieur le Président. Chers collègues, j’aimerais revenir au texte de la lettre qui a été distribuée par le greffier et qui soulève la question de privilège qui est devant nous ce soir. Il y a deux éléments dans cette lettre qui m’amènent à faire un rappel au Règlement conformément à l’article 6-13(1) du Règlement du Sénat, qui dit ceci :

Les propos injurieux ou offensants sont non parlementaires et contraires au Règlement.

Je répète :

[Traduction]

(2050)

Les propos injurieux ou offensants sont non parlementaires et contraires au Règlement.

[Français]

Je suis troublée de constater que la lettre qui soulève la question de privilège — en dehors du fait que je considère que les quatre critères ne sont pas respectés pour la qualifier de question de privilège — mentionne ceci :

J’ai été amené à penser que c’est le sénateur Woo qui a distribué l’entente, ce qui porte atteinte à sa confidentialité, ainsi qu’à mon privilège [...]

Ce qui me trouble encore plus, c’est qu’on fait un lien entre cette phrase et deux phrases qui se trouvent plus loin, dans le paragraphe suivant, et je cite :

Ce non-respect volontaire de la confidentialité compromet donc les négociations à venir et, en ce sens, entrave directement le travail de cette institution.

Je ne crois pas que le travail d’un sénateur ou d’une sénatrice au Sénat du Canada est d’utiliser une question de privilège, comme le veut l’adage, qui veut que la question de privilège doit être soulevée pour se défendre comme sénateur, et non pour attaquer, certainement pas pour attaquer un autre sénateur sur la base de je ne sais trop quelles insinuations, parce que c’est la seule chose que nous avons devant nous. De plus, lorsqu’on dit ceci :

[Traduction]

J’ai été amené à penser que c’est le sénateur Woo qui a distribué [...]

[Français]

C’est une attaque contre son privilège à lui, c’est une attaque directe contre son caractère, contre sa légitimité, et je pense que c’est inacceptable parce que, si on accepte — et c’est ce que je vais vous demander d’examiner — que des questions de privilège soient déposées sur la base d’insinuations, sans aucune preuve, c’est mon privilège, c’est votre privilège et c’est le privilège de l’ensemble des sénateurs et de tout le Sénat qui sont remis en question. Merci.

[Traduction]

Le sénateur Plett : J’ai quelques observations très brèves à faire. Je dois aborder quelques points.

Je trouve un peu fort que les sénateurs d’en face qui nous répètent constamment que nous lançons des accusations contre eux et que nous ternissons leur réputation font exactement ce qu’ils nous accusent de faire. Cependant, comme je l’ai dit dans mon intervention, le Sénat s’est éloigné de sa raison d’être, que la faute soit attribuable au Groupe des sénateurs indépendants, aux conservateurs ou aux rares libéraux qui siègent encore dans cette enceinte.

Chers collègues, le sénateur Pratte a affirmé que mes remarques n’étaient pas valables parce que j’ai indiqué que « j’ai des raisons de croire ». J’ai dit cela parce que je respecte les règles de confidentialité. Je sais ce que j’avance. Je n’ai pas seulement des raisons de croire ce que je dis, je sais que ce que je dis est vrai. Cependant, je me fais dire que mes affirmations ne sont pas valables parce que je refuse de préciser comment je sais ce que j’avance et que je refuse d’enfreindre le principe de confidentialité. On porte cette accusation contre moi parce que je ne viole pas les ententes de confidentialité, comme cela a été fait ici, aujourd’hui ou hier.

La sénatrice Ringuette affirme que j’ai accusé tous les sénateurs. C’est faux; je n’ai pas accusé tous les sénateurs. J’ai dit que, selon moi, le sénateur Woo n’avait pas respecté l’entente. Il a remis un document à 58 personnes, lesquelles ont peut-être décidé de le remettre à 58 personnes de plus. Je l’ignore. Mais comme je l’ai dit, je ne crois pas que le journaliste a mal agi. Il a publié les renseignements qu’il avait. Si le sénateur Woo n’a pas averti les 58 sénateurs auxquels il a remis le document qu’ils ne devaient pas le donner à qui que ce soit, ils n’ont pas mal agi s’ils l’ont communiqué à d’autres. Par contre, s’il vous a dit de ne le transmettre à personne et que l’un d’entre vous l’a communiqué à Dale Smith, vous avez mal agi.

Je ne sais pas ce qui s’est passé. Je sais simplement que nous avions une entente, tous les cinq. Nous avions convenu de ne pas communiquer ce document à d’autres personnes.

Le processus voulait que... il n’est absolument pas pertinent de savoir si le sénateur Woo a obtenu le document cinq minutes après nous. Ce qui est important, c’est qu’il l’a communiqué à des personnes qui n’auraient pas dû le recevoir. Le sénateur Woo aurait tout de même pu dire qu’un accord avait été signé et en présenter les grandes lignes. Toutefois, sénateur Pratte, il a diffusé un document signé. Je le répète : il a diffusé un document signé. C’est le document qui a été rendu public. Il ne devait pas faire cela; personne d’entre nous ne l’a fait parce que nous étions conscients de la situation. Quatre personnes sur cinq comprenaient en quoi consistait exactement l’accord.

L’enjeu, ce n’est pas qu’il s’agit d’un document confidentiel ou secret. Nous savons qu’il va être divulgué progressivement au Sénat. Nous souhaitions que le document ne sorte pas de ce groupe de cinq sénateurs, car nous ne voulions pas que les conservateurs se pètent les bretelles en disant : « Nous sommes les gentils. Nous avons conclu l’accord. » Nous ne voulions pas que le sénateur Harder dise : « C’est moi qui ai présenté cette motion, et maintenant je me suis entendu avec tout le monde. » Nous ne voulions pas que le sénateur Woo dise : « Finalement, ils m’ont permis d’entrer dans la salle et, maintenant, nous avons conclu un accord. » C’est pourtant ce qu’a laissé clairement entendre un gazouillis publié par un membre du Groupe des sénateurs indépendants.

Nous souhaitions que le document soit confidentiel pour une raison bien précise. Il ne s’agissait pas d’un document hautement secret. Ce n’était pas pertinent pour nous.

Je crois toutefois, chers collègues, que quelqu’un a affirmé que l’article de presse n’était pas lié au Sénat. Comment l’article ne peut-il pas être lié au Sénat? Il porte uniquement sur le Sénat et l’entente.

La sénatrice Lankin ne l’a pas dit, mais j’avais l’impression à la fin qu’elle laissait entendre que quelqu’un menaçait de renier ses engagements. C’est la première fois que j’entends parler de cela. Je répète : c’est la première fois que j’en entends parler. Si vous voulez lancer une accusation, faites-le.

La sénatrice Lankin : C’est arrivé par le passé, sénateur. C’est arrivé par le passé, sénateur.

Le sénateur Plett : Prenez la parole et soulevez cette question de privilège. Personne ne va renier l’accord parce que nous ne faisons pas ce genre de chose.

Votre Honneur, que vous tranchiez en ma faveur ou non, ma vie va continuer. Demain, si Dieu le veut, je vais sortir du lit et je vais me présenter au Sénat en étant aussi calme qu’aujourd’hui parce que je porte mon bracelet. Je vais ajouter un peu de cette huile dessus, ce qui aidera peut-être un peu plus.

Toutefois, chers collègues, nous avons dévié vers un sujet que nous n’aurions pas dû aborder, et voici notamment pourquoi : il ne règne aucune confiance. Pour faire régner la confiance, tout le monde doit tenir parole. Je m’engage à être le premier à tenter de le faire. Or, je n’ai rien entendu du genre de l’autre côté. Tout ce que j’ai entendu, c’est : « Je n’ai rien fait de mal. » Oui, vous avez fait quelque de mal, sénateur Woo. Vous avez fait quelque chose de mal lorsque vous avez transmis un document à au moins 58 personnes qui n’étaient pas censées y avoir accès.

Son Honneur le Président : Je vais entendre le sénateur Woo. Par la suite, je crois que j’en aurai assez entendu.

Le sénateur Woo : En toute honnêteté, Votre Honneur, c’est aussi mon cas. Je ressens toutefois une certaine obligation de faire quelques dernières observations en réponse au sénateur Plett. Je vais d’abord revenir sur son commentaire le plus positif, qui portait sur la nécessité de rétablir la confiance. J’ai dit dans ma réfutation que telle était mon intention malgré la question de privilège qui est soulevée. Je sais que mes collègues du Groupe des sénateurs indépendants veulent collaborer avec tous les autres groupes du Sénat et continuer à parvenir à des ententes unanimes sur l’organisation des travaux et sur d’autres enjeux. C’est là le mandat que mon groupe m’a donné. J’ai l’intention de poursuivre ce travail.

Votre Honneur, le nœud de l’affaire, comme je l’ai déjà dit, est l’allégation selon laquelle j’aurais divulgué le document aux médias. Les arguments qui ont été présentés reposent sur la théorie voulant que je ne l’aie pas divulgué directement, mais que l’un de mes collègues du Groupe des sénateurs indépendants — un des 57 autres membres — l’ait envoyé, toujours selon la même théorie, à M. Smith, qui aurait ensuite pu le publier sur son compte Twitter. J’ai déjà expliqué pourquoi c’est impossible, car M. Smith a publié son gazouillis à 14 heures, et le Groupe des sénateurs indépendants n’a pas reçu le document avant 16 heures. Par ailleurs, si on se demande d’où vient la fuite, il ne faudrait pas oublier que le gazouillis a été retransmis seulement trois minutes après sa publication par M. Smith, à 14 heures.

(2100)

Ainsi, l’allégation fondamentale selon laquelle j’aurais divulgué ce document aux médias n’a pas été prouvée. Je vous assure catégoriquement, honorables sénateurs, que ce n’est pas moi qui ai fait cela. Vous pouvez me traiter de menteur si vous le voulez, mais je nie catégoriquement avoir divulgué ce document aux médias. J’ai dit ouvertement que je l’ai transmis à mes collègues, pour de bonnes raisons.

Le sénateur Plett : C’était une erreur.

Le sénateur Woo : Nous ne nous entendons pas sur ce point.

Présentement, Votre Honneur, la question de privilège repose sur une allégation concernant la fuite d’un document que j’aurais orchestrée. J’affirme catégoriquement que je ne l’ai pas fait. Aucune preuve du contraire n’a été présentée. D’ailleurs, je dirais que nous ne savons toujours pas qui a remis ce document au journaliste en question et rien n’indique que c’était quelqu’un du Groupe des sénateurs indépendants. En soi, cela montre que l’allégation de violation de privilège n’est aucunement étayée. Merci.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Plett de la question qu’il a soulevée et je remercie tous les sénateurs qui ont contribué au débat. Je vais prendre la question en délibéré.

Nous reprenons le débat sur la motion du sénateur Sinclair tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-262.

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Yuen Pau Woo : Votre Honneur, je propose l’ajournement du Sénat.

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Woo, avec l’appui de l’honorable sénateur Gold, propose que le Sénat s’ajourne maintenant.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Je ne vois pas deux sénateurs se lever et, à mon avis, les oui l’emportent. Le Sénat s’ajourne donc maintenant.

(À 21 h 2, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

Haut de page