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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 281

Le mardi 30 avril 2019
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 30 avril 2019

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

Les tragédies survenues au Sri Lanka et à San Diego

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’aimerais prendre un moment pour souligner les attentats atroces qui ont eu lieu au Sri Lanka le 21 avril.

Trois églises chrétiennes et trois hôtels ont été ciblés par une série d’attentats coordonnés lors des cérémonies du dimanche de Pâques qui ont fait 253 morts et plus de 500 blessés.

J’aimerais aussi prendre un moment pour souligner les actes de violence insensés commis le samedi 27 avril près de San Diego, en Californie.

Les fusillades qui ont ciblé la synagogue Chabad de Poway le dernier jour de la Pâque juive ont fait un mort et trois blessés, y compris le rabbin de la congrégation.

Nous adressons nos sincères condoléances aux communautés chrétienne et juive et à tous ceux et celles qui ont été touchés par ces tragédies. Je vous invite à vous lever pour observer une minute de silence à la mémoire des victimes de ces tragédies.

(Les honorables sénateurs observent une minute de silence.)

La sanction royale

Son Honneur le Président informe le Sénat qu’il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

le 29 avril 2019

Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de vous aviser que la très honorable Julie Payette, gouverneure générale du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite au projet de loi mentionné à l’annexe de la présente lettre le 29 avril 2019 à 10 h 09.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma haute considération.

Secrétaire de la gouverneure générale et chancelière d’armes,

Assunta Di Lorenzo

L’honorable

Le Président du Sénat

Ottawa

Projet de loi ayant reçu la sanction royale le lundi 29 avril 2019 :

Loi désignant le mois d’avril comme Mois du patrimoine sikh (projet de loi C-376, chapitre 5, 2019)


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Leetia Nowdluk-Wisintainer

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, c’est avec reconnaissance que je remercie aujourd’hui un membre fidèle et précieux de mon équipe ici, au Sénat, Leetia Nowdluk-Wisintainer, qui m’aide très efficacement à représenter le Nunavut depuis ma nomination, en 2009.

Elle a la compétence voulue pour contribuer au respect de la raison d’être fondamentale du Sénat du Canada en ce qui concerne la représentation de cette région éloignée et de la population inuite du Canada, une minorité. C’est ce qu’elle fait au quotidien.

Leetia met à profit ses expériences bien à elle dans l’exécution de ses fonctions d’adjointe de direction dans mon bureau. Son vécu est tout à fait inuit. Elle a grandi dans un camp éloigné situé à 182 kilomètres de la capitale du Nunavut, où j’ai fait sa connaissance alors qu’elle était jeune adolescente. Pas d’école, pas d’électricité, pas d’eau courante — un climat très rude, difficile, le froid, la noirceur. On était loin du confort de la civilisation. La vraie vie de chasse et de subsistance.

Leetia connaît bien le mode de vie traditionnel pour l’avoir vécu. Elle sait ce que c’est de dormir dans un igloo, de se déplacer en traîneau tiré par des chiens, de chasser, de cueillir et de manger les aliments locaux. Jeune, elle a souffert de cécité des neiges. Elle sait lire et écrire l’inuktut, une langue qui a son propre système d’écriture syllabique. Elle peut converser avec les aînés unilingues. Elle connaît bien les valeurs et les traditions inuites parce que ce sont les siennes.

Lorsque sa famille a déménagé en ville, Leetia a rapidement compensé pour son manque de scolarité conventionnelle avec son désir d’apprendre et de s’améliorer. Elle a acquis une expérience précieuse en travaillant pendant huit ans comme recherchiste pour des députés provinciaux à l’Assemblée législative du Nunavut. Elle a rapidement appliqué ces connaissances avec enthousiasme au Sénat, où elle a continué à suivre des cours de français.

Ayant grandi dans le plus récent territoire du Canada, elle y a toujours des contacts utiles en plus d’une bonne visibilité. Elle a beaucoup voyagé au Nunavut et connaît des gens de partout. Elle est également l’actuelle présidente de Tungasuvvingat Inuit, un organisme au service de la diaspora inuite ici à Ottawa.

Je conclus en précisant que Leetia est une femme exceptionnelle, chaleureuse et optimiste. Elle sourit et nous fait rire au bureau, même dans des situations stressantes, et nous lui en sommes souvent très reconnaissants.

Je tiens à remercier Leetia d’être une source indispensable de connaissances sur les Inuits et les événements actuels au Nunavut et dans l’Inuit Nunangat. Elle est un atout très précieux dans mon bureau et elle rehausse la réputation et la crédibilité du Sénat dans tout ce qu’elle fait. Merci.

Les Championnats mondiaux de curling de 2019

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai de bonnes nouvelles à annoncer. J’interviens aujourd’hui pour féliciter les équipes de curling du Canada pour le formidable succès qu’elles ont remporté la fin de semaine dernière aux Championnats mondiaux qui ont eu lieu à Stavanger, en Norvège. Les équipes canadiennes seniors masculine et féminine ont toutes deux remporté la médaille d’or alors que l’équipe du double mixte senior est arrivée en deuxième place et a décroché la médaille d’argent.

(1410)

L’équipe féminine senior qui représente le club de curling Nutana de Saskatoon, en Saskatchewan, et qui comprend la troisième Patty Hersikorn, la deuxième Brenda Goertzen, la vice-capitaine Anita Silvernagle, et la capitaine Sherry Anderson, a battu le Danemark 10 à 1 lors de la partie finale, mettant ainsi fin à la compétition pour la médaille d’or après seulement six manches.

En revanche, du côté des équipes seniors masculines, le match final pour la médaille d’or a été très serré. Le capitaine Bryan Cochrane, le troisième Ian Macaulay, le deuxième Morgan Currie et le vice-capitaine Ken Sullivan ont forcé la tenue d’une manche supplémentaire. L’équipe ontarienne représentant le club de curling de Russell — non loin d’Ottawa — a finalement battu l’équipe écossaise 7 à 5.

Au double mixte, tout s’est joué lors du lancer de la dernière pierre du match final. Les représentants du Canada, Jocelyn Peterman, de Winnipeg, au Manitoba, et Brett Gallant, de St. John’s, à Terre-Neuve, ont livré une chaude lutte à l’équipe suédoise, mais cette dernière l’a finalement emporté au compte de 6 à 5, et l’équipe canadienne a décroché la médaille d’argent.

Honorables sénateurs, les athlètes canadiens au curling nous ont encore une fois fait honneur sur la scène mondiale. En fait, ils ont donné l’une des meilleures performances du Canada dans le cadre des Championnats mondiaux. Je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter tous les membres des équipes canadiennes pour le succès qu’ils ont remporté la fin de semaine dernière. Nous leur souhaitons de poursuivre sur cette lancée.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Judith Kays, de la Société canadienne de la SP. Elle est accompagnée de Chelsey Rogerson et de Julia Stewart. Elles sont les invitées de l’honorable sénateur Duffy.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La cathédrale Notre-Dame—La réhabilitation de l’édifice du Centre

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, aujourd’hui, je souhaite parler de l’un des nombreux événements dévastateurs qui sont survenus au cours des dernières semaines, soit l’incendie catastrophique de la cathédrale Notre-Dame.

Tout d’abord, j’aimerais transmettre mes condoléances aux victimes des actes terroristes perpétrés récemment dans des églises, des synagogues et des mosquées dans différents pays.

La cathédrale Notre-Dame de Paris, une église paroissiale active, est un symbole international et l’un des sites patrimoniaux les plus connus et les plus visités au monde. Nous avons assisté avec horreur à l’incendie de ce bâtiment de 850 ans et à la chute de la flèche du XIXe siècle sur ses fondations remontant à 1163. À ce moment-là, la cathédrale faisait l’objet de travaux de rénovation. Heureusement, les deux tours nord, les cloches et les trois rosaces les plus importantes ont été épargnées — ce qui n’aurait pas été le cas si l’incendie avait été maîtrisé une demi-heure plus tard. Hélas, le toit et bien d’autres éléments de la cathédrale ont été détruits.

Par chance, les sculptures situées sur le toit avaient été enlevées une semaine avant l’incendie et, grâce au travail des premiers intervenants, la plupart des œuvres d’art ont été transportées en lieux sûrs alors que l’incendie faisait rage.

Il convient de féliciter les pompiers, qui ont su mettre à profit les nombreuses années de recherches effectuées sur la construction du bâtiment qui s’est échelonnée sur plusieurs siècles afin de déterminer la façon de combattre l’incendie et les endroits où il convenait de le faire.

En plus de partager le choc et la perte très concrète que vivent les Parisiens, les Français et des gens partout dans le monde, nous devons nous demander quelles leçons nous pouvons tirer de ce terrible événement et les appliquer sur la Colline du Parlement alors que s’amorcent les travaux de rénovation à l’édifice du Centre.

Premièrement, comme nous le voyons avec la cathédrale Notre-Dame de Paris et, récemment, l’école d’art de Glasgow, construite par Charles Rennie MacIntosh, les édifices patrimoniaux — qui sont essentiels pour comprendre notre passé, nos racines et, par conséquent, notre avenir — ne sont jamais autant à risque que lorsqu’ils font l’objet de rénovations. Nous devons tenir compte de cette réalité et veiller à ce qu’une surveillance s’exerce tout au long du projet.

Deuxièmement, comme nous le voyons encore avec la cathédrale Notre-Dame de Paris, il est important de retirer d’entrée de jeu tous les artefacts et les ornements architecturaux majeurs. Certains des éléments de l’édifice du Centre ont été retirés. D’autres, comme les tableaux de guerre de la Chambre du Sénat, sont en train de l’être. J’ai hâte de connaître les processus et les délais pour ce qui reste à retirer.

Troisièmement, comme nous le voyons aussi avec la cathédrale Notre-Dame de Paris, il est important de disposer d’un registre détaillé des matériaux qui composent la charpente du bâtiment ainsi que de son rendu. Je pense que nous ne disposons pas de tous ces détails pour l’édifice du Centre, ce qui complique le projet. Il faut prendre soin de recueillir les renseignements nécessaires.

Quatrièmement, il faut disposer d’un plan d’intervention en cas d’urgence qu’on peut mettre en œuvre sur-le-champ, si nécessaire. Je crois comprendre qu’un tel plan existe et j’espère qu’il prévoit de multiples alarmes et moyens d’action.

Notre patrimoine architectural est extrêmement important. L’édifice du Centre est un bijou architectural qui illustre notre histoire et nos rêves et qui est reconnu dans le monde entier. Assurons-nous que sa rénovation et sa préservation se font avec le plus grand soin. Comme l’a dit sir Winston Churchill :

Nous façonnons nos bâtiments, puis ce sont eux qui nous façonnent.

La fierté de Terre-Neuve

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je présente aujourd’hui le chapitre 54 de « Notre histoire ».

Chers collègues, nombre d’entre vous savent à quel point je suis fier d’être natif de Terre-Neuve-et-Labrador. Je pense avoir un bon sens de l’humour et je peux faire des blagues avec tout le monde, mais j’ai souvent à fixer des limites.

On entend souvent des gens de l’extérieur de la province appeler ceux provenant de la partie insulaire de la province des « Newfies » plutôt que des « Terre-Neuviens ».

Bien que les avis soient partagés également à ce sujet même parmi les Terre-Neuviens, je me suis rendu compte avec les années que ce n’est pas tant le mot ou la description qui exprime le vrai message que le ton employé. Il arrive que des collègues me qualifient de Newfie, et j’ai l’impression que c’est pour me taquiner, sans mauvaise intention. Toutefois, on m’a aussi déjà accolé ce qualificatif d’une façon que j’ai jugée très péjorative.

Cette question a refait surface au cours des derniers jours après la diffusion d’un épisode de la série télévisée Les Simpson. Dans une scène, on entend les mots « stupides Newfies », puis le personnage de Ralph Wiggum se met à frapper un phoque en peluche avec un gourdin. Je m’inscris en faux contre cette représentation des habitants de ma province. Comme tous les Canadiens, nous avons commis des erreurs au cours de nos vies que nous pourrions qualifier de « stupides », mais apposer une étiquette sur toute une population de façon aussi mesquine ne peut passer sous le radar.

Lorsqu’on songe à un habitant de Terre-Neuve et du Labrador comme le général Rick Hillier, qui a mené nos Forces canadiennes avec fierté et distinction, cette épithète négative ne nous vient pas à l’esprit.

Lorsqu’on pense au sergent Thomas Ricketts, un soldat de Terre-Neuve qui a participé à la Première Guerre mondiale et a reçu la Croix de Victoria, la plus haute distinction décernée pour bravoure face à l’ennemi, cette épithète négative ne nous vient pas à l’esprit.

On peut aussi penser au Dr Andrew Furey, un chirurgien orthopédiste spécialiste des traumatismes, également originaire de Terre-Neuve. Son intérêt pour la médecine et la philanthropie l’a conduit à mettre sur pied l’organisme à but non lucratif Team Broken Earth, qui vient en aide aux sinistrés du tremblement de terre survenu en Haïti en 2010. Là encore, cette épithète négative ne nous vient pas à l’esprit.

Pensons aux olympiens comme Brad Gushue et Kaetlyn Osmond; aux humoristes comme Rick Mercer, Mary Walsh et Mark Critch; aux artistes, acteurs et écrivains comme Chris et Mary Pratt, Gordon Pinsent, Allan Hawco, Rex Murphy, Maura Hanrahan et Cassie Brown; et qui peut oublier Alan Doyle et son groupe Great Big Sea.

Chers amis, quand je pense à toutes ces personnes et à bien d’autres que je n’ai pas le temps de nommer aujourd’hui, ce terme péjoratif ne me vient pas à l’esprit.

Je suis un fier citoyen de Terre-Neuve-et-Labrador. Je suis fier de la contribution que mon peuple a apportée à notre province, à notre magnifique pays, pour ne pas dire au monde. Nous sommes redevables à ces femmes et ces hommes courageux, dont les efforts, les sacrifices et la tendance naturelle à la bienveillance envers autrui et à l’hospitalité reflètent le meilleur de ce que la province et le pays ont à offrir.

Je fais miennes les paroles du musicien terre-neuvien Bruce Moss, qui affirme que l’émission télévisée Les Simpsons est dénuée de morale. Soit dit en passant, les producteurs de l’émission ont offert à Bruce Moss 20 000 dollars américains — soit près de 27 000 dollars canadiens — pour utiliser dans l’épisode de dimanche une chanson qu’il a écrite en 1982. Il a refusé il y a des mois et nous sommes fiers qu’il ait pris cette décision. Je conclus en citant la traduction d’un couplet de la merveilleuse chanson The Islander :

Je suis un Terre-Neuvien de souche et le serai jusqu’à mon dernier souffle.

Insulaire, fier de l’être et ça se comprend :

Comme les vagues déferlant sur la grève, je suis libre, libre comme le vent.

Terre-Neuve, et nulle part ailleurs, car c’est chez nous.

Tâchons de faire preuve d’un peu de gentillesse. Merci, chers collègues.

(1420)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Dre Christine Chambers et d’autres représentants de l’organisme Solutions pour la douleur chez les enfants. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Deacon (Nouvelle-Écosse).

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La mobilisation des connaissances

L’honorable Colin Deacon : Honorables collègues, je prends la parole aujourd’hui pour donner un exemple du genre de créativité, d’innovation et de détermination qui sont nécessaires pour transformer de manière fiable des connaissances à la fine pointe en pratiques courantes. C’est ce qu’on appelle la mobilisation des connaissances. C’est étonnamment difficile à faire et nous devons améliorer notre capacité à cet égard parce que nous ne pouvons nous permettre que nos bonnes idées restent enfouies dans des rapports d’études ou le cerveau des scientifiques.

Le Canada excelle dans l’art de transformer de l’argent en idées concurrentielles à l’échelle mondiale, mais, trop souvent, nous n’arrivons pas à transformer ces idées en argent, en exportations et en débouchés et, quand nous y parvenons, cela prend trop de temps. Selon diverses estimations, il faut environ 17 ans pour que les connaissances issues de la recherche — plus particulièrement en santé — soient mises en pratique. C’est toute une génération d’enfants qui ne peut profiter de l’application de ces connaissances.

Le Canada est un chef de file mondial de la recherche dans le domaine de la douleur chez les enfants, mais nous n’appliquions pas nos connaissances pour le bien des enfants, des parents et des cliniciens. Nos enfants souffraient donc inutilement.

Or, tout cela a changé lorsque la Dre Christine Chambers a fait équipe avec Erica Ehm. La Dre Chambers est titulaire de la chaire de recherche du Canada sur la douleur chez les enfants, professeure de pédiatrie et psychologie et de neurosciences à l’Université Dalhousie et récipiendaire du prix Killam. Erica Ehm, qui s’est fait connaître à MuchMusic, est une pionnière dans les domaines du marketing de contenus, de l’édition numérique et de la création de communautés.

Ces deux leaders pleines d’initiative œuvrant dans des domaines très différents ont révolutionné les pratiques traditionnelles de mobilisation des connaissances en interpellant les parents dans les médias sociaux et en leur fournissant les données nécessaires pour amener les cliniciens à intégrer les connaissances de pointe aux normes de soins de santé.

L’initiative du mot-clic #PasBesoinDeFaireMal fait partie d’une approche novatrice de la mobilisation des connaissances qui combine les données probantes, la technologie et des histoires pour mobiliser les parents canadiens et transmettre de l’information sur la gestion de la douleur chez l’enfant. Cette approche a permis de fournir aux parents les connaissances les plus à jour, qu’ils pouvaient ensuite communiquer aux cliniciens — parfois assez fermement, je suppose. Le mot-clic #PasBesoinDeFaireMal a été publié 150 millions fois à l’échelle du globe. L’initiative a mérité plusieurs prix à ses créatrices et a même fait tomber en panne le serveur d’un hôpital pour enfants, en raison du nombre de parents qui voulaient accéder aux ressources fondées sur des données probantes.

Le succès extraordinaire de cette initiative démontre que nous devons changer la manière dont nous récompensons les chercheurs qui s’efforcent de trouver de nouvelles façons créatives de faire appliquer le fruit de leurs travaux à des situations réelles. Ce niveau de détermination et de créativité ne devrait pas être l’exception, mais la règle générale.

Un nouveau réseau national de mobilisation des connaissances, Solutions pour la douleur chez les enfants, met à profit ce modèle de partenariat très réussi entre les secteurs public et privé. Basé à l’Université Dalhousie et dirigé conjointement avec Santé des enfants Canada, le réseau continuera à éliminer l’écart entre les pratiques actuelles de traitement et les meilleures solutions dans la gestion de la douleur chez l’enfant.

Les réalisations de Christine Chambers et Erica Ehm — qui peuvent maintenant compter sur une équipe dévouée pour accélérer leurs travaux — sont la preuve que nous pouvons en faire beaucoup plus pour découvrir les innombrables solutions que les travaux de recherche du Canada peuvent révéler.

Des représentants de Solutions pour la douleur chez les enfants sont sur la Colline aujourd’hui afin de rencontrer les parlementaires. J’encourage tous les honorables sénateurs à assister à la réception qui aura lieu aujourd’hui à la salle B-45 de l’Édifice du Sénat du Canada, entre 16 et 18 heures. Les sénateurs pourront y rencontrer cette équipe ayant fait la démonstration qu’il est possible de déployer rapidement les connaissances et de changer les choses à l’échelle mondiale grâce à des partenariats novateurs.

Créons les attentes et les conditions nécessaires pour intégrer les connaissances de pointe aux normes de soins de santé.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le directeur parlementaire du budget

Regard nouveau sur la réduction de l’impôt de la classe moyenne—Dépôt du rapport

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Bureau du directeur parlementaire du budget intitulé Regard nouveau sur la réduction de l’impôt de la classe moyenne, conformément à la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. 1985, ch. P-1, par. 79.2(2).

[Traduction]

Analyse financière et distributive du système fédéral de tarification du carbone—Dépôt du rapport

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Bureau du directeur parlementaire du budget intitulé Analyse financière et distributive du système fédéral de tarification du carbone, conformément à la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. 1985, ch. P-1, par. 79.2(2).

[Français]

Estimation des coûts des mesures prévues dans le budget de 2019—Dépôt du rapport

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Bureau du directeur parlementaire du budget intitulé Estimation des coûts des mesures prévues dans le budget de 2019, conformément à la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. 1985, ch. P-1, par. 79.2(2).

[Traduction]

Le Plan des dépenses du gouvernement et le Budget principal des dépenses pour 2018-2019—Dépôt du rapport

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Bureau du directeur parlementaire du budget intitulé Le Plan des dépenses du gouvernement et le Budget principal des dépenses pour 2019-2020, conformément à la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. 1985, ch. P-1, par. 79.2(2).

La commissaire au lobbying

Déplacements parrainés offerts par les lobbyistes—Dépôt du rapport d’enquêtes

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport d’enquêtes intitulé Déplacements parrainés offerts par les lobbyistes, conformément à la Loi sur le lobbying, L.R.C. 1985, ch. 44, (4e suppl.)art. 10.4.

[Français]

Le Conseil du Trésor

Complément d’information : Crédits d’exécution du budget 2019-2020—Dépôt du rapport

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada intitulé Complément d’information : Crédits d’exécution du budget 2019-2020.

[Traduction]

Projet de loi sur les langues autochtones

Dépôt du seizième rapport du Comité des peuples autochtones sur la teneur du projet de loi

L’honorable Daniel Christmas : Honorables sénateurs, au nom de la sénatrice Dyck, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le seizième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, qui porte sur la teneur du projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Christmas, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

La Loi sur l’accès à l’information
La Loi sur la protection des renseignements personnels

Projet de loi modificatif—Présentation du trentième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L’honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le trentième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui porte sur le projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence.

(Le texte du rapport figure à l’annexe A des Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 4576-4631.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Joyal, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs

Cinquième rapport du comité—Ajournement du débat

L’honorable A. Raynell Andreychuk, présidente du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, présente le rapport suivant :

Le mardi 30 avril 2019

Le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs a l’honneur de présenter son

CINQUIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a examiné le Rapport d’enquête en vertu du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs concernant la sénatrice Lynn Beyak, daté du 19 mars 2019, du conseiller sénatorial en éthique conformément à l’article 49 du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, présente ici son rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,

A. RAYNELL ANDREYCHUK

(Le texte du rapport figure à l’annexe B des Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 4632-4656 .)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

La sénatrice Andreychuk : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5f) du Règlement, je propose que le rapport soit adopté maintenant.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : La sénatrice Andreychuk a la parole.

La sénatrice Andreychuk : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au nom du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs au sujet du cinquième rapport produit par ce comité relativement à l’enquête menée par le conseiller sénatorial en éthique au sujet d’un rapport sur la sénatrice Lynn Beyak.

(1430)

Je commenterai ce rapport au nom des cinq membres du comité. Le 19 mars 2019, le conseiller sénatorial en éthique a présenté au comité son rapport d’enquête concernant la sénatrice Beyak. En tant que présidente du comité, j’ai déposé le rapport au Sénat le même jour, ce qui a rendu le document public. Le comité a étudié le rapport d’enquête du conseiller sénatorial en éthique et a exercé ses responsabilités conformément à l’article 49 du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs.

Notre rapport et ses recommandations ont été soumis au Sénat afin qu’il règle l’affaire. Avant de commenter ce rapport, je tiens à souligner l’engagement de mes collègues du comité, soit le sénateur Joyal, vice-président, et les sénateurs Patterson, Sinclair et Wetston. Conformément à l’obligation prévue dans le code d’examiner le rapport d’enquête aussi rapidement que les circonstances le permettent, le comité s’est réuni pour planifier son étude l’après-midi du 19 mars, peu après le dépôt du rapport d’enquête au Sénat. À partir du 19 mars, les membres du comité se sont réunis, se sont livrés à une réflexion et se sont renseignés, conformément au mandat que leur confère le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs.

Ce code constitue un exercice du privilège parlementaire du Sénat, c’est-à-dire des droits, des privilèges et des immunités conférés au Sénat et à ses membres, sans lesquels nous ne pourrions pas nous acquitter efficacement de nos devoirs constitutionnels.

Avant l’adoption du code en 2005, la conduite des sénateurs était régie par un ensemble de règles établies dans les lois et le Règlement du Sénat. En outre, les sénateurs devaient agir conformément à la confiance qui leur était accordée au moment de leur nomination au Sénat et selon la dignité inhérente à toute charge publique. Le code a établi des normes claires et un mécanisme transparent permettant de traiter les questions concernant la conduite des sénateurs. Depuis 2005, le code a été modifié à quatre occasions : en 2008, en 2012 et à deux reprises en 2014. Ces modifications visaient toutes à améliorer les dispositions du code et à réaffirmer l’engagement du Sénat et de chaque sénateur envers les normes de conduite les plus élevées.

L’étude par le comité du rapport d’enquête du conseiller en éthique constitue l’une des étapes du processus d’application. Ce n’est qu’au terme de toutes les étapes qu’on impose des sanctions au sénateur qui aurait, d’après les résultats du processus, manqué à ses responsabilités. Dans son rapport d’enquête, le conseiller sénatorial en éthique conclut que la sénatrice Beyak a contrevenu aux articles 7.1 et 7.2 du code. L’article 7.1(1) se lit comme suit :

Le sénateur adopte une conduite qui respecte les normes les plus élevées de dignité inhérentes à la charge de sénateur.

L’article 7.1(2) dit ensuite :

Le sénateur s’abstient de tout acte qui pourrait déprécier la charge de sénateur ou l’institution du Sénat.

L’article 7.2 dit ceci :

Le sénateur exerce ses fonctions parlementaires avec dignité, honneur et intégrité.

Comme je l’ai fait observer plus tôt, le rôle du comité est de recommander des mesures correctives ou des sanctions appropriées en fonction des conclusions du conseiller sénatorial en éthique. Encore une fois, c’est la publication de cinq lettres à contenu raciste par la sénatrice Beyak sur son site web au Sénat qui a amené le conseiller sénatorial en éthique à conclure que la sénatrice avait enfreint le code. Par conséquent, les recommandations présentées par le comité dans son rapport ne portent que sur ces lettres et sur la violation du code par la sénatrice Beyak, et non sur le discours de cette dernière.

J’aimerais revenir au processus d’application pour être sûre que tous les sénateurs le comprennent bien. La première étape consiste en l’examen préliminaire du conseiller sénatorial en éthique, lequel vise à déterminer s’il faut une enquête exhaustive pour déterminer si la sénatrice a enfreint le code.

La deuxième étape consiste en l’enquête exhaustive menée par le conseiller sénatorial en éthique qui donne lieu à un rapport d’enquête où celui-ci présente ses conclusions au comité. Ce rapport est déposé au Sénat à titre d’information seulement.

La troisième étape consiste en l’étude du comité et la présentation de son rapport au Sénat. La dernière étape, c’est l’examen par le Sénat du rapport du comité en vue d’une décision finale.

Honorables sénateurs, nous en sommes maintenant à la dernière étape du processus d’application, étape à laquelle le Sénat au grand complet décide de la mesure et de la sanction appropriées à prendre en s’appuyant sur le rapport d’enquête du conseiller sénatorial en éthique ainsi que sur le rapport du comité et ses recommandations.

Durant le processus d’application, le sénateur visé doit être informé du déroulement du processus, ainsi que des manquements allégués. Le sénateur visé peut faire valoir son point de vue à chacune des étapes du processus. En raison de la gravité d’un manquement allégué au code, le processus doit être mené aussi rapidement que les circonstances le permettent.

Le comité a étudié le processus que le conseiller en éthique a suivi et a conclu qu’il s’était en tout point conformé aux exigences du code sur les plans de la procédure et du fond.

En janvier 2018, le conseiller sénatorial en éthique a reçu des demandes de plusieurs sénateurs concernant des lettres publiées par la sénatrice Beyak dans son site web, notamment quatre de ces lettres en particulier. Bien que ces lettres faisaient suite à un discours prononcé par la sénatrice Beyak au Sénat et dont il est question dans le rapport d’enquête du conseiller en éthique, ce dernier a conclu que le droit de s’exprimer librement au Sénat de la sénatrice Beyak sur les questions qui l’intéressent était régi par le privilège parlementaire, et ce droit n’a pas été mis en cause dans cette affaire.

Toutefois, le conseiller sénatorial en éthique a conclu que le droit à la liberté de parole en vertu du privilège parlementaire ne s’applique pas au site web d’un sénateur. Selon la procédure établie par le code, le conseiller sénatorial en éthique a procédé à un examen préliminaire de la question et a conclu que l’enquête était justifiée. Dans le cadre de son enquête, il a examiné 6 766 lettres reçues par la sénatrice Beyak et a déterminé que, de ce nombre, 2 389 appuyaient son discours au Sénat, 4 282 le critiquaient et 95 étaient neutres.

Le conseiller sénatorial en éthique a déterminé que, sur les 129 lettres affichées sur le site web de la sénatrice, cinq contenaient des propos racistes, mais aucune ne contenait des propos haineux.

Le conseiller sénatorial en éthique a constaté que, en publiant ces cinq lettres racistes sur son site web, la sénatrice Beyak n’avait pas adopté une conduite conforme aux normes les plus élevées de dignité inhérentes à la charge de sénateur, qu’elle avait commis un acte qui pourrait déprécier la charge de sénateur ou l’institution du Sénat, et qu’elle avait rempli une fonction parlementaire d’une manière qui n’était ni digne ni honorable.

Je le répète, dans son rapport d’enquête, le conseiller sénatorial en éthique a conclu que la sénatrice Beyak avait manqué à ses obligations en vertu des articles 7.1 et 7.2 du code, dont j’ai parlé tout à l’heure. Comme je l’ai également mentionné plus tôt, le rôle du comité consiste à recommander les mesures correctives ou les sanctions appropriées à imposer en s’appuyant sur les constatations du conseiller sénatorial en éthique.

Je le répète, les manquements au code constatés par le conseiller sénatorial en éthique relèvent du fait que la sénatrice Beyak a publié cinq lettres au contenu raciste sur son site web du Sénat. Par conséquent, les recommandations incluses dans le rapport du comité ne portent que sur ces lettres et sur le manquement au code de la sénatrice Beyak, et non sur le discours qu’elle a donné au Sénat.

(1440)

Il convient de noter encore une fois que le conseiller sénatorial en éthique a recommandé trois mesures correctives par rapport aux manquements au code de la sénatrice Beyak. On demande que : primo, la sénatrice Beyak retire de son site web toutes les lettres dont la publication a été reconnue comme une infraction au code; secundo, qu’elle présente des excuses officielles pour avoir publié les lettres de cette nature et qu’elle affiche les excuses sur son site web; tertio, qu’elle réussisse un cours portant sur la sensibilité culturelle et mettant l’accent sur les questions autochtones.

La sénatrice Beyak a d’abord accepté la première mesure corrective proposée par le conseiller sénatorial en éthique, mais elle a ensuite retiré son accord. Toutefois, elle n’a jamais donné son aval aux deux autres recommandations ou mesures.

Conformément au code, le comité a offert à la sénatrice Beyak l’occasion, à maintes reprises, de lui présenter des observations afin que le comité soit mieux en mesure de formuler ses recommandations à l’intention du Sénat à propos des mesures correctives et des sanctions appropriées. La sénatrice Beyak n’a pas toujours répondu aux messages envoyés par le comité, malgré les efforts répétés du greffier afin de fixer une date pour son témoignage. Lorsque la sénatrice a répondu, c’était pour indiquer qu’elle avait besoin de plus de temps pour étudier le rapport d’enquête. Le comité a, en conséquence, reporté deux fois son étude sur la sénatrice Beyak.

La sénatrice Beyak n’a pas comparu devant le comité, mais lui a présenté des observations écrites le 9 avril 2019. Le comité a examiné les observations de la sénatrice, dans lesquelles elle s’opposait à certaines conclusions tirées par le conseiller sénatorial en éthique dans son rapport d’enquête et déclarait qu’elle n’avait pas bénéficié d’un processus équitable. Bon nombre des arguments qu’elle a soulevés remettaient en question les conclusions du conseiller sénatorial en éthique, dont l’examen ne relève pas de la compétence du comité.

Après avoir examiné le rapport d’enquête et les observations de la sénatrice Beyak, le comité s’est penché sur la détermination des mesures correctives et des sanctions appropriées. Le comité estime que toute mesure ou sanction appropriée qui est prise pour donner suite au manquement de la sénatrice Beyak doit tenir compte des éléments suivants : la gravité du manquement et son effet sur la capacité de la sénatrice Beyak de continuer à remplir ses fonctions parlementaires; les répercussions du manquement sur d’autres sénateurs et sur l’honneur, la dignité et l’intégrité de l’institution du Sénat; et la confiance du public à l’égard du Sénat.

En tant que parlementaires, les sénateurs occupent une charge publique unique qui les oblige à lutter sans réserve contre le racisme pour assurer l’intégrité de l’institution. En tant que Chambre du Parlement, le Sénat doit défendre le principe selon lequel toutes les personnes sont égales en droits et en dignité. L’acceptabilité de la présence d’un sénateur au sein de notre assemblée est liée à la reconnaissance et au respect de ce principe. Les sénateurs ont le devoir de promouvoir ces principes et valeurs fondamentaux de notre système démocratique. C’est d’autant plus vrai compte tenu du rôle traditionnel du Sénat, qui agit au nom des groupes sous-représentés à la Chambre des communes. Comme l’a exprimé la Cour suprême du Canada :

Avec le temps, le Sénat en est aussi venu à représenter divers groupes sous-représentés à la Chambre des communes. Il a servi de tribune aux femmes ainsi qu’à des groupes ethniques, religieux, linguistiques et autochtones auxquels le processus démocratique populaire n’avait pas toujours donné une opportunité réelle de faire valoir leurs opinions.

Il est question ici du Renvoi relatif à la réforme du Sénat, 2014, Cour suprême du Canada, paragraphe 16.

Tous les sénateurs ont la responsabilité collective de veiller à ce que les lettres contenant des propos racistes soient retirées du site web de la sénatrice Beyak...

Son Honneur le Président : Madame la sénatrice Andreychuk, je suis désolé, mais votre temps est expiré. Demandez-vous plus de temps?

La sénatrice Andreychuk : Je demande la permission de poursuivre.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Andreychuk : Merci. L’intégrité de l’institution n’exige rien de moins. Comme le précise le rapport, le comité est particulièrement alarmé par le fait que la sénatrice Beyak a omis de reconnaître — ou décidé de ne pas reconnaître — que le contenu des lettres en question était raciste. Le comité est aussi vivement préoccupé par le fait que la sénatrice Beyak semble peu disposée ou incapable de reconnaître le tort causé par la diffusion d’écrits racistes. Il déplore également que la sénatrice Beyak refuse d’admettre que sa conduite contrevient directement au code et au principe fondamental de notre ordre constitutionnel.

Les sénateurs doivent accepter qu’ils sont les bénéficiaires de la confiance du public et que d’importantes responsabilités constitutionnelles leur sont confiées. Si leur charge publique leur confère certains droits et privilèges, ceux-ci sont assortis d’importantes limites et restrictions qui doivent être reconnues et respectées.

De plus, le public confère un haut degré de responsabilité aux sénateurs. Ils ont notamment la responsabilité de reconnaître les préjudices causés par le racisme, et d’admettre que le racisme est inacceptable sous toutes ses formes.

Le comité s’inquiète de voir que la sénatrice Beyak n’est pas prête à accepter les règles du Parlement qui imposent des obligations à tous les parlementaires. Combinée au peu d’empressement à répondre au comité, l’ambivalence manifestée par la sénatrice Beyak à l’égard des mesures correctives recommandées par le conseiller sénatorial en éthique — ou sa réticence à les accepter— a amené le comité à conclure que la sénatrice Beyak ne comprend pas ou n’accepte pas les règles parlementaires qui s’appliquent à tous les sénateurs.

En retardant le travail du conseiller sénatorial en éthique et du comité, la sénatrice Beyak n’a pas répondu aux attentes du comité en ce qui a trait à la manière dont les sénateurs devraient se conduire relativement au processus d’application prévu au code. Les actions de la sénatrice Beyak ne sont pas à la hauteur des normes inhérentes à la charge de sénateur.

Le comité recommande donc, premièrement, que l’Administration du Sénat reçoive instruction de retirer immédiatement du site web de la sénatrice Beyak les cinq lettres qui, de l’avis du conseiller sénatorial en éthique, contiennent des propos racistes, à moins que la sénatrice Beyak ne les ait déjà retirées.

Deuxièmement, que la sénatrice Beyak soit suspendue pour le reste de la législature en cours, jusqu’à ce que cette suspension soit annulée conformément à l’article 5-5i) du Règlement et que la suspension soit assortie des conditions suivantes :

a) pendant la durée de la suspension, la sénatrice Beyak ne recevra du Sénat aucune rémunération ni aucun remboursement de ses dépenses, y compris toute indemnité de session ou indemnité de subsistance;

b) le droit de la sénatrice Beyak d’utiliser les ressources du Sénat, y compris les fonds, les biens, les services, les locaux, les services de déménagement et de transport, les voyages et les télécommunications, sera suspendu pendant la durée de la suspension;

c) la sénatrice Beyak ne recevra aucun autre avantage du Sénat pendant la durée de la suspension;

d) indépendamment des points a), b) et c), la sénatrice Beyak aura, pendant la durée de la suspension, un accès normal aux ressources du Sénat qui sont nécessaires au maintien de sa couverture d’assurance-vie, d’assurance-santé et de soins dentaires.

Que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration prenne toute mesure qu’il estime nécessaire concernant la gestion du bureau et du personnel de la sénatrice Beyak pendant la durée de la suspension.

Troisièmement, que, dans les 30 jours suivant l’adoption du présent rapport, la sénatrice Beyak participe, à ses frais, à des programmes de sensibilisation, approuvés au préalable par le conseiller sénatorial en éthique, qui portent sur le racisme à l’égard des Autochtones du Canada et sur l’histoire des relations entre la Couronne et les Autochtones. Que le conseiller sénatorial en éthique surveille la participation de la sénatrice Beyak aux programmes de sensibilisation en question, et qu’il fasse rapport au comité, dans les 15 jours suivant l’achèvement des programmes par la sénatrice, de son assiduité aux programmes et de sa réussite

Et que le comité veille à ce que ce rapport du conseiller sénatorial en éthique soit publié sur son site web lorsqu’il le recevra.

(1450)

Quatrièmement, que, dans les 30 jours suivant l’adoption du présent rapport, la sénatrice Beyak participe à un entretien avec le greffier du Sénat concernant le rôle et les responsabilités qui lui incombent en tant que sénatrice, y compris les droits, les règles et les privilèges — et les limites imposées à ceux-ci; cet entretien pourra se tenir par conférence téléphonique ou par vidéoconférence, aux frais du Sénat.

Cinquièmement, que la sénatrice Beyak présente des excuses au Sénat en écrivant une lettre rédigée à l’intention de tous les sénateurs et déposée auprès du greffier du Sénat, lequel veillera à ce que cette lettre : a) soit publiée dans les Journaux du Sénat, que ce soit : (i) le jour de séance suivant la réception de la lettre d’excuses; ou (ii) le dernier jour de séance si la lettre d’excuses est reçue entre l’ajournement du Sénat et la prorogation ou la dissolution du Parlement; b) soit rendue publique sur une page du site web du Sénat qui convient à cet égard.

Honorables sénateurs, le comité sait que la session parlementaire tire à sa fin et que, par convention, toute ordonnance de suspension émise par le Sénat cessera d’avoir effet à la fin de la session. Le comité espère sincèrement que la sénatrice Beyak se conformera rapidement aux exigences liées à sa suspension, à défaut de quoi le Sénat devra de nouveau se pencher sur son cas lors de la prochaine législature. Le comité estime que le refus de se conformer à la décision du Sénat, même si l’ordonnance du Sénat devient caduque à cause de la dissolution ou de la prorogation du Parlement, constituerait une infraction au code. À la 43e législature, le Sénat sera pleinement dans son droit d’examiner de nouveau la question et il sera impératif que la situation soit réévaluée rapidement après la rentrée parlementaire pour établir si d’autres mesures s’imposent.

Comme les honorables sénateurs le savent probablement, le comité a entrepris d’examiner, comme prévu, le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs. Le comité recueille actuellement des avis concernant des modifications susceptibles de resserrer l’application du code, et il fera rapport au Sénat en temps et lieu.

Je vous remercie Votre Honneur et je remercie également mes collègues.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l’article 12-30(2) du Règlement, nous ne pouvons pas prendre une décision au sujet de ce rapport maintenant. À moins qu’un sénateur ne veuille proposer l’ajournement, le débat sera ajourné d’office jusqu’à la prochaine séance du Sénat.

Est-ce d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Conformément à l’article 12-30(2) du Règlement du Sénat, la suite du débat sur la motion est ajournée à la prochaine séance.)

[Français]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-417, Loi modifiant le Code criminel (divulgation de renseignements par des jurés), accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Harder, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

L’Association législative Canada-Chine

La visite annuelle des coprésidents au Japon, du 21 au 25 octobre 2018—Dépôt du rapport

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l’Association législative Canada-Chine concernant la visite annuelle des coprésidents en Chine, à Pékin, en République populaire de Chine, du 21 au 25 octobre 2018.

La mission parlementaire en Chine, du 7 au 11 janvier 2019—Dépôt du rapport

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l’Association législative Canada-Chine concernant sa mission parlementaire en Chine, à Shanghai, Suzhou, Shenzhen et Hong Kong, en République populaire de Chine, du 7 au 11 janvier 2019.

Le Groupe interparlementaire Canada-Japon
L’Association législative Canada-Chine

L’assemblée générale de l’Assemblée interparlementaire de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est, tenue du 3 au 7 septembre 2018—Dépôt du rapport

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l’Association législative Canada-Chine et du Groupe interparlementaire Canada-Japon concernant sa participation à la 39e assemblée générale de l’Assemblée interparlementaire de l’ANASE, tenue à Singapour, en République de Singapour, du 3 au 7 septembre 2018.

La réunion annuelle du Forum parlementaire Asie-Pacifique, tenue du 14 au 17 janvier 2019—Dépôt du rapport

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l’Association législative Canada-Chine et du Groupe interparlementaire Canada-Japon, concernant sa participation à la 27e réunion annuelle du Forum parlementaire Asie-Pacifique, tenue à Siem Reap, au Cambodge, du 14 au 17 janvier 2019.

[Traduction]

Pêches et océans

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à se réunir, afin de poursuivre son étude du projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence, le mardi 7 mai 2019, de 17 heures à 21 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à se réunir le mercredi 1er mai 2019, à 15 h 15, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à la motion adoptée par le Sénat le jeudi 11 avril 2019, la période des questions aura lieu à 15 h 30.

[Français]

Réponses différées à des questions orales

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer les réponses aux questions orales suivantes :

Réponse à la question orale posée au Sénat le 13 décembre 2018 par l’honorable sénateur Boisvenu, concernant le Livre du Souvenir.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 19 février 2019 par l’honorable sénatrice Lankin, C.P., concernant le cabinet du premier ministre.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 27 février 2019 par l’honorable sénateur Housakos, concernant le pont Champlain.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 27 février 2019 par l’honorable sénatrice Dyck, concernant la Loi sur les Indiens – l’élimination de la discrimination fondée sur le sexe.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 27 février 2019 par l’honorable sénatrice McPhedran, concernant la Loi sur les Indiens – l’élimination de la discrimination fondée sur le sexe.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 27 février 2019 par l’honorable sénatrice Pate, concernant la Loi sur les Indiens – l’élimination de la discrimination fondée sur le sexe.

Le patrimoine canadien

Le Livre du Souvenir

(Réponse à la question posée le 13 décembre 2018 par l’honorable Pierre-Hugues Boisvenu)

Anciens Combattants Canada

Anciens Combattants Canada tient à jour les sept Livres du Souvenir qui rendent hommage à plus de 118 000 Canadiens et Canadiennes qui, depuis la Confédération, ont fait le sacrifice ultime en servant notre pays en uniforme. Un huitième Livre du Souvenir : La guerre de 1812, qui contient les noms de ceux qui sont morts en service pendant la guerre de 1812, a également été créé pour être exposé dans la Chapelle du Souvenir de la tour de la Paix avec les sept autres livres. Pendant la fermeture de l’édifice du Centre pour les rénovations, les huit Livres du Souvenir, y compris le Livre du Souvenir : La guerre de 1812, seront exposés à l’intention du public dans la nouvelle salle du Souvenir spécialement aménagée à l’intérieur de l’édifice de l’Ouest du Parlement.

Le cabinet du premier ministre

SNC-Lavalin—L’ancienne ministre de la Justice et procureure générale du Canada—L’ancien secrétaire principal du premier ministre

(Réponse à la question posée le 19 février 2019 par l’honorable Frances Lankin)

Ministère de la Justice

Le gouvernement a été clair dès le début, il met tout en œuvre pour favoriser la plus grande transparence dans cette affaire sans compromettre les deux litiges en cours qui s’y rapportent.

Comme l’a déclaré l’ancienne ministre de la Justice et procureure générale, il s’agit d’une question complexe qui exigeait que l’on tienne compte de l’intérêt du gouvernement en matière de transparence, tout en protégeant la primauté du droit et l’administration de la justice dans le contexte des litiges en cours.

Après avoir étudié attentivement la question, le gouvernement a annoncé une renonciation qui vise à éliminer tous les obstacles. La renonciation s’applique à la confidentialité des délibérations du Cabinet, au privilège du secret professionnel et à tout autre devoir de confidentialité dans la mesure où ceux-ci s’appliquent. Cette renonciation devrait dissiper tous les doutes quant à la capacité des personnes ayant pris part à des discussions avec l’ancienne ministre dans cette affaire de participer pleinement au processus du comité.

La renonciation s’applique à l’ancienne ministre, ainsi qu’à toute personne qui a discuté directement avec elle de cette affaire pendant toute la période au cours de laquelle elle a été procureure générale.

L’intégrité des procédures judiciaires est une priorité pour le gouvernement. Cette renonciation ne s’applique pas aux renseignements communiqués à l’ancienne ministre par la directrice des poursuites pénales. Ces renseignements sont protégés.

Les transports

Le pont Samuel-De Champlain

(Réponse à la question posée le 27 février 2019 par l’honorable Leo Housakos)

Le contrat s’applique à tous les aspects du projet du corridor du pont Samuel-De Champlain. Plus précisément, tous les paiements versés au Groupe Signature sur le Saint-Laurent étaient des paiements auxquels il avait droit en vertu du contrat. Des pénalités peuvent également s’appliquer conformément au contrat, qui prévoit leur application pour des retards relevant de la responsabilité du Groupe Signature sur le Saint-Laurent.

En ce qui concerne la mise en œuvre d’un pont sans péage, la pratique courante en gestion des contrats consiste à ne pas débattre des discussions commerciales en cours. Une fois qu’une entente aura été conclue, des renseignements sur l’entente seront communiqués rapidement et de façon transparente, comme nous l’avons fait depuis le début du projet.

Des péages ne seront pas perçus sur le pont Samuel-De Champlain, car il remplace un pont sans péage existant qui a atteint la fin de sa durée de vie utile.

Les affaires autochtones et du Nord

La Loi sur les Indiens—L’élimination de la discrimination fondée sur le sexe

(Réponse à la question posée le 27 février 2019 par l’honorable Lillian Eva Dyck)

Le processus de collaboration a été conçu pour recueillir les commentaires des Premières Nations, des groupes autochtones et des personnes touchées sur diverses questions relatives à l’enregistrement et à la citoyenneté des Premières Nations, y compris la meilleure façon de mettre en œuvre le retrait de la date limite de 1951 de la Loi sur les Indiens touchant l’inscription au registre.

Dans le contexte de la date limite de 1951, le gouvernement collabore avec ses partenaires pour élaborer un plan de mise en œuvre visant à éliminer ou à atténuer les difficultés ou les conséquences imprévues de la mise en vigueur de la disposition supprimant la date limite. Cela inclut l’identification de toute mesure ou ressource supplémentaire nécessaire pour bien faire les choses. Tel est le contexte du sondage et ce n’est qu’un élément du processus de collaboration, qui comprend également des consultations communautaires, des manifestations régionales, des groupes d’experts et des documents de travail.

Les consultations concernant la date limite de 1951 ne visent pas à savoir si elle doit être éliminée ou non, mais à l’élaboration d’un plan de mise en œuvre. Le sondage, qui est maintenant clôt, était un outil pour appuyer l’élaboration de ce plan.

La Loi sur les Indiens—L’élimination de la discrimination fondée sur le sexe

(Réponse à la question posée le 27 février 2019 par l’honorable Marilou McPhedran)

Le gouvernement du Canada prend ses obligations internationales sérieusement et examine de près la décision et les recommandations du comité. Le Canada répondra au Comité des droits de l’homme des Nations Unies dans les délais prévus, soit avant le 11 juillet 2019.

L’égalité des sexes est un droit humain fondamental, et c’est pourquoi notre gouvernement a éliminé les iniquités fondées sur le sexe en matière d’inscription des Indiens remontant jusqu’à 1951 avec le projet de loi S-3.

Le gouvernement travaille présentement en collaboration avec ses partenaires sur l’élaboration d’un plan de mise en œuvre pour l’entrée en vigueur des dispositions restantes du projet de loi S-3. Ces dispositions supprimeront la date limite de 1951 et élimineront toutes les iniquités fondées sur le sexe en matière d’inscription des Indiens remontant à 1869. Ce plan visera à cerner les ressources additionnelles nécessaires et à veiller à ce que toutes les conséquences imprévues soient atténuées. Tel est le contexte du sondage et ce n’est qu’un élément du processus de collaboration, qui comprend également des consultations communautaires, des événements régionaux, des groupes d’experts et des documents de travail.

Le gouvernement reste déterminé à éliminer la date limite de 1951 et soumettra au Parlement une mise à jour sur la voie à suivre d’ici au 12 juin 2019.

La Loi sur les Indiens—L’élimination de la discrimination fondée sur le sexe

(Réponse à la question posée le 27 février 2019 par l’honorable Kim Pate)

Le gouvernement prend ses obligations internationales au sérieux et étudie de près la décision et les recommandations du Comité des droits de l’homme des Nations Unies. L’égalité entre les sexes est un droit fondamental de la personne et c’est pourquoi le gouvernement a finalement éliminé les iniquités fondées sur le sexe de la Loi sur les Indiens au moyen du projet de loi S-3 en décembre 2017. Des modifications visant à éliminer les iniquités fondées sur le sexe depuis la création du registre moderne en 1951 ont déjà été appliquées. Une fois en vigueur, les modifications visant la date limite de 1951 élimineront les iniquités basées sur le sexe remontant jusqu’à 1869.

Les consultations actuelles ne portent pas sur la question de savoir s’il faut ou non mettre en vigueur la disposition supprimant la date limite de 1951, mais sur l’élaboration d’un plan de mise en œuvre simultanée. Nous travaillons en collaboration avec des partenaires pour veiller à ce que les conséquences imprévues soient éliminées ou atténuées, y compris la détermination des mesures ou des ressources supplémentaires nécessaires pour bien faire les choses.

Une autre mise à jour sur la voie à suivre sera déposée au Parlement d’ici au 12 juin de cette année.


(1500)

[Traduction]

ORDRE DU JOUR

La Loi sur les océans
La Loi fédérale sur les hydrocarbures

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bovey, appuyée par l’honorable sénatrice Omidvar, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures, tel que modifié.

L’honorable Rose-May Poirier : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures. J’en profite pour remercier tous les témoins qui ont comparu devant le Comité des pêches à l’occasion de l’étude du projet de loi, ainsi que toutes les personnes qui ont présenté des mémoires. Ces témoignages et ces mémoires ont été précieux pour le débat et pour comprendre le projet de loi C-55 et ses conséquences éventuelles, surtout pour les témoins qui sont en première ligne, les pêcheurs.

Les pêches, honorables sénateurs, sont un secteur d’emplois unique. D’une part, les pêcheurs exploitent une ressource qui contribue aux emplois, à l’économie et à la prospérité des familles et des collectivités concernées. D’autre part, les pêcheurs veulent protéger et conserver la ressource à court et à moyen terme, à des fins économiques. Toutefois, les pêcheurs se soucient surtout de la conservation des espèces, de l’eau et de l’environnement à long terme.

Non seulement les pêcheurs aiment la pleine mer et l’abondance des ressources qui s’y trouvent, mais ils veulent aussi en prendre soin.

J’ai commencé par une brève déclaration sur les pêcheurs et leur amour de l’océan, parce que ce sont eux qui le sillonnent. Comme l’a d’ailleurs déclaré un témoin la semaine dernière à propos d’un autre sujet : « Nous sommes les yeux de la mer. »

Relativement au projet de loi C-55, la première chose que j’aimerais souligner est le fait qu’il faut écouter les pêcheurs; c’est une étape très importante. D’après mon expérience, je pense que les gouvernements, peu importe le parti, doivent mieux tenir compte des préoccupations des pêcheurs et mieux collaborer avec eux.

Je viens de Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau-Brunswick — où les pêches constituent le principal employeur et où, en plus d’être une source de revenus pour la région, elles sont une source de fierté —, et j’ai entendu bien trop souvent à quel point on tient peu compte de ce que les pêcheurs ont à dire. C’est une chose de consulter, mais si les consultations ne sont pas faites adéquatement ou si les résultats de ces consultations sont à peine pris en compte dans le processus décisionnel, cela ne contribue en rien à améliorer la relation entre les pêcheurs et le gouvernement.

Voilà qui m’amène, honorables sénateurs, au projet de loi C-55. Je vous rappelle, honorables collègues, que ce projet de loi a pour but de permettre au Canada de respecter les cibles nationales et internationales établies en matière de conservation marine, soit de protéger 5 p. 100 des zones côtières et marines du Canada d’ici 2017 et 10 p. 100 d’ici 2020. Pour pouvoir respecter cette dernière cible, le gouvernement propose d’accélérer le processus de désignation des zones de protection marine au moyen d’un processus de protection provisoire.

Honorables sénateurs, la première question que j’aimerais examiner est celle dont les gens directement touchés nous ont souvent parlé. Toutes les personnes œuvrant dans le secteur des pêches ont en commun l’objectif de conserver et de préserver les ressources. Cela a été clair et évident tout au long de l’étude. L’approche et les méthodes utilisées constituent l’enjeu principal en matière de conservation. Il faut utiliser le bon outil de conservation pour atteindre le bon objectif en la matière. Lorsqu’on utilise le mauvais outil, ce sont les pêcheurs qui en paient le prix la plupart du temps.

Dès le début de l’étude, nous avons pu constater que les pêcheurs et les différentes associations font peu confiance au ministère des Pêches et des Océans dans le dossier des zones de protection marine. Les témoins ont insisté sur la capacité ou la volonté du ministère de consulter efficacement les intervenants et de tenir compte adéquatement des répercussions socioéconomiques de la désignation d’une zone de protection marine. Certains témoins ont déclaré que la capacité du ministère des Pêches et des Océans de procéder convenablement à des évaluations des répercussions socioéconomiques est très faible.

D’autres témoins nous ont aussi dit que le ministère refuse simplement d’évaluer les répercussions socioéconomiques parce que, compte tenu du temps et des coûts liés à la collecte des données pertinentes, il ne pourrait pas respecter les délais arbitraires qui ont déjà été fixés.

Dans le cas de nombreuses communautés autochtones, il faut tenir compte non seulement des répercussions socioéconomiques, mais aussi de l’impact culturel. Par exemple, M. Ken Paul a parlé de l’absence d’une transmission d’activités culturelles et traditionnelles d’une génération à l’autre :

Il y a également un aspect culturel. Je suis de la région atlantique. Les stocks de saumon n’y sont plus vraiment sains. Par exemple, j’ai des photos de mon grand-père avec un saumon atlantique de 30 livres. Je n’ai jamais vu cela de toute ma vie. Ce qui est absent de ma vie et de celle de mes enfants, c’est ce transfert des activités traditionnelles et la capacité de subvenir aux besoins de la collectivité et des aînés.

Honorables sénateurs, il s’agit de préoccupations majeures. Étant donné que je viens d’une collectivité côtière, j’ai été vraiment touchée lorsque M. Paul a parlé du transfert des activités traditionnelles, de la transmission de la culture. Tous les intervenants conviennent qu’il faut protéger l’océan. Si on ne le fait pas de la bonne façon, avec les bons outils, cela a des répercussions profondes sur les collectivités. En tant qu’Acadienne, je sais à quel point notre culture repose sur la pêche.

Le deuxième problème avec le projet de loi C-55, c’est le fait qu’il gèle l’empreinte laissée par l’activité humaine pendant 12 mois. Si on pêchait dans la zone 12 mois auparavant, on peut poursuivre nos activités de façon provisoire pendant que l’on recueille les données scientifiques. Toutes les pêches ne sont pas saisonnières. Certaines reposent sur un cycle. Comme Mme Christina Burridge, de la BC Seafood Alliance, l’a déclaré :

Les panopes et les concombres de mer sur notre côte sont récoltés seulement une fois tous les trois ans à des fins de conservation. D’autres pêches peuvent ne pas avoir lieu une année donnée en raison de conditions environnementales, en raison de la qualité de l’eau ou à la lumière d’autres limites liées à la pêche. On ne devrait pas automatiquement empêcher les pêcheurs de continuer à travailler durant la période provisoire tout simplement parce qu’il n’y a pas eu d’activité de pêche au cours des 12 mois précédents. Nous aimerions que soit adopté un délai de trois ans ou même de six ans, mais trois ans au minimum.

Il faut tenir compte non seulement du type de pêche, mais aussi de la migration des poissons, puisqu’ils ont tendance à se déplacer. En raison des changements climatiques et des fluctuations de la température de l’eau, des poissons pourraient aller d’une zone non protégée à une zone de protection marine. Les témoins craignaient qu’un gel de l’empreinte fondé sur les 12 mois précédents, comme le prévoit le projet de loi, soit trop rigide. C’était notamment le point de vue de M. Keith Sullivan, président du syndicat Fish Food and Allied Workers, qui a dit ceci :

Un autre aspect que je n’ai pas abordé dans ma déclaration liminaire est celui du gel de l’empreinte. Comme nous le savons, le poisson se déplace, et les tendances varient. De nombreuses raisons expliquent pourquoi un pêcheur n’exerce pas ses activités dans une région donnée pendant un an. Les raisons sont trop nombreuses pour que je puisse les énumérer ici. Il y a une réflexion à faire pour ce qui est de geler cette empreinte en fonction des activités de l’année précédente. Il faut également faire preuve d’une certaine souplesse et de bon sens. Le fait de geler cette empreinte en fonction des activités de l’année précédente pourrait être un problème, particulièrement en ce qui concerne les activités de pêche.

Même si les 12 mois couvrent un grand nombre de pêches, ils ne comprennent pas certaines pêches cycliques. Dans ces cas, si les fonctionnaires ont dit que les pêches cycliques seraient protégées par le régime de permis, à l’évidence, le message ne s’est pas rendu aux personnes concernées ou, du moins, il ne les a pas rassurées. Même si l’amendement que j’ai proposé n’a pas été retenu par le comité, il est important de faire connaître les préoccupations des pêcheurs et de leurs associations.

Enfin, une question importante a été posée quant à l’objectif du projet de loi. Tous ont convenu de la nécessité de protéger les océans et les ressources, tant que cela se fait de la bonne façon. Certains se sont dits inquiets, parce qu’il semblait que le gouvernement était plus motivé à atteindre la cible artificielle des 10 p. 100 qu’à travailler à la conservation. Certains témoins, comme Carey Bonnell, vice-président d’Ocean Choice International, ont affirmé que nous étions en voie d’atteindre les 10 p. 100. Je le cite :

Les défis liés à un accès stable découlant des [zones de protection marine] sont extrêmement préoccupants et pourraient devenir encore plus marqués. Le Canada est en voie d’atteindre la cible de 10 p. 100 des zones de protection marine d’ici 2020 qu’a fixée la Convention sur la diversité biologique du Secrétariat des Nations Unies, mais pas sans causer d’énormes difficultés aux communautés de pêcheurs.

La gravité de la situation n’a échappé ni aux membres du comité ni aux témoins. Beaucoup considèrent qu’en établissant à cinq ans la durée maximale d’une zone de protection marine, on se laisse peu de temps pour faire tout ce qu’il y a à faire. En règle générale, il faut de sept à dix ans pour réaliser les études scientifiques, les consultations et les travaux connexes. Les parties concernées craignent les répercussions sur leurs activités et leur gagne-pain, mais aussi sur l’efficacité même des zones de protection marine. Réussiront-elles vraiment à atteindre les objectifs de conservation des milieux océaniques et à réduire l’incidence sur la vitalité des localités côtières?

(1510)

J’insiste sur le fait que les témoins ont cherché à proposer au gouvernement des solutions qui ne compromettaient en rien les objectifs globaux liés à la conservation. Ils tenaient à travailler à l’intérieur du cadre imposé par le projet de loi et à miser sur la collaboration pour trouver l’équilibre entre les répercussions socioéconomiques et culturelles pour eux et les objectifs de conservation. On voit immédiatement qu’ils tiennent à être des partenaires et des collaborateurs efficaces du gouvernement.

J’aimerais faire un parallèle, honorables sénateurs, avec la situation récente dans ma province, le Nouveau-Brunswick, concernant la protection de la baleine noire de l’Atlantique Nord. Lors de l’étude que nous avons faite de ce projet de loi, les discussions et les préoccupations exprimées tournaient beaucoup autour de la consultation des principaux intéressés parce que la consultation est au cœur des relations entre les pêcheurs et les fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans. Comme certains d’entre vous le savent, des restrictions ont été imposées durant la saison de pêche, principalement en ce qui concerne les fermetures des zones dynamiques et des zones statiques. Au cours du processus menant aux fermetures de zones, les pêcheurs de homard ont eu le sentiment de ne pas avoir été suffisamment consultés. Ils voulaient collaborer avec le gouvernement vers un but commun, celui de protéger la baleine noire de l’Atlantique Nord. Ils avaient leurs solutions à proposer, des solutions de compromis qui auraient eu un minimum de répercussions sur leurs activités quotidiennes tout en contribuant à protéger la baleine noire. Malheureusement, le gouvernement a opté pour une approche unilatérale et a pris une décision qui a fait subir du stress, de l’anxiété et de l’incertitude aux familles et aux collectivités de pêcheurs pendant des mois.

Tout cela aurait pu être évité s’il y avait eu des consultations en bonne et due forme et plus de collaboration, mais, sur cette question, la baleine noire de l’Atlantique Nord, je dois dire, à la façon dont le nouveau ministre gère ce dossier, qu’il semble plus disposé à travailler avec les pêcheurs, par comparaison à ce qu’il en était l’année dernière. Espérons que nous n’assisterons pas, cette année, à une répétition de ce qui est arrivé l’année dernière.

De plus, nous avons entendu des préoccupations concernant des indemnisations pour la perte de licences de production de pétrole et de gaz en raison du processus, mais pas pour les permis de pêche. Selon moi, c’est injuste envers le secteur des pêches. J’en reviens à la relation entre les pêcheurs et le gouvernement. Comment favoriser une meilleure collaboration? Pourquoi le gouvernement couvre-t-il les pertes du secteur pétrolier, mais pas celles du secteur des pêches? Personne ne veut penser qu’il le fait de mauvaise foi, mais c’est certainement la perception qu’on a.

Enfin, comme vous le savez tous maintenant, le projet de loi nous a été renvoyé avec des amendements — de solides amendements proposés par les sénateurs Patterson et McInnis, dans l’esprit du projet de loi, afin de le rendre plus robuste. Comme l’a déjà dit la sénatrice Bovey, la marraine du projet de loi, lors de son discours à l’étape de la troisième lecture, deux amendements ont été adoptés, celui du sénateur Patterson, qui a été adopté avec deux abstentions, et celui du sénateur McInnis, qui a été adopté avec deux votes contre. J’ai appuyé ces amendements en comité, car ces questions précises représentaient la préoccupation principale des témoins.

Je respecte la position de la sénatrice Bovey, qui n’appuie pas pleinement les amendements, mais je demanderais au Sénat, c’est-à-dire aux honorables sénateurs de faire confiance à l’excellent travail accompli par les membres du Comité des pêches et des océans qui ont participé à l’étude du projet de loi C-55.

Comme je l’ai dit plus tôt, le secteur des pêches est unique. Il faut presque être monté à bord des bateaux pour le comprendre. Lorsque le gouvernement se met à dicter des modifications au mode de vie des collectivités, les répercussions sont profondes. C’est ce que font les zones de protection marine : elles créent beaucoup d’incertitude pour toutes les personnes concernées. Le gouvernement se défend en affirmant qu’il mènera des consultations. Or, comme nous l’avons entendu très souvent, il ne le fait pas. Le gouvernement n’a qu’un objectif en tête et il est prêt à tout pour y parvenir. En ajoutant ces amendements, nous soutenons les collectivités et faisons en sorte que l’approche du gouvernement soit exhaustive et appropriée. J’espère que l’autre endroit étudiera les amendements avec l’attention et le sérieux qu’ils méritent.

En conclusion, honorables sénateurs, toutes ces préoccupations reposent sur trois aspects. D’abord, l’incertitude qui plane chez les pêcheurs en ce qui concerne l’efficacité du processus de consultation et l’ouverture dont fera preuve le gouvernement. Ensuite, il y a l’impression qu’on tente de faire adopter le projet de loi à la hâte pour atteindre un objectif politique et arbitraire, c’est-à-dire la cible de 10 p. 100 d’ici 2020. Enfin, les pêcheurs s’inquiètent des répercussions globales des zones de protection marine provisoires sur leurs activités quotidiennes, leur gagne-pain et leur collectivité.

M. Keith Sullivan, président de l’Union des pêcheurs de Terre-Neuve, l’a très bien expliqué pendant les réunions du comité : « Ce n’est pas l’idée de protéger ces zones qui inquiète les pêcheurs. Ce qui est important, c’est de bien faire les choses. » C’est la question que je me suis posée tout au long de l’étude du projet de loi. Arrivons-nous à un juste équilibre pour les pêcheurs? Les zones de protection marine, qui ont été décrites comme une mesure extraordinaire, sont-elles le seul outil pour protéger les océans? Le projet de loi C-55 est-il la solution adéquate à notre objectif commun...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice, votre temps de parole est écoulé.

La sénatrice Poirier : Puis-je avoir cinq minutes de plus?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils d’accord?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Poirier : Merci.

Le projet de loi C-55 est-il la solution adéquate à notre objectif commun de conservation marine, ou l’utilise-t-on simplement comme moyen d’atteindre une cible? Honorables sénateurs, je vous laisse avec ces questions, car, franchement, je n’ai pas les réponses. Cela dit, elles devraient toujours être au premier plan lorsque nous discutons de mesures de conservation pour nos océans. Merci.

(Sur la motion du sénateur Gold, le débat est ajourné.)

[Français]

Projet de loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu

Vingt et unième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Boniface, appuyée par l’honorable sénatrice Bovey, tendant à l’adoption du vingt et unième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense (Projet de loi C-71, Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu, avec des amendements et des observations), présenté au Sénat le 10 avril 2019.

L’honorable Marc Gold : Honorables sénateurs, je m’adresse à vous aujourd’hui pour vous parler du rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense sur le projet de loi C-71.

Je suis membre du comité qui a étudié le projet de loi, et je voterai contre le rapport, non pas parce que le comité a enfreint quelque règle que ce soit. Au contraire, le processus du comité était ouvert et juste et a respecté les règles à la lettre.

Je voterai contre le rapport parce que, selon ma compréhension des règles et des principes qui régissent ma charge constitutionnelle à titre de sénateur, il serait inapproprié d’accepter un rapport qui ravage un projet de loi gouvernemental qui donne suite à des engagements électoraux et qui a été étayé par des éléments de preuve crédible présentés au comité.

Une page entière de la plateforme électorale du Parti libéral était consacrée à la question des armes à feu, et plusieurs engagements législatifs y ont été pris. Les trois premiers engagements se lisent comme suit, et je cite :

Nous annulerons les changements apportés par le projet de loi C-42 qui autorisent le transport d’armes prohibées ou à autorisation restreinte sans permis, et nous remettrons le pouvoir de décision en matière d’armes entre les mains de la police, et non des politiciens.

La plateforme indique aussi ceci :

Nous exigerons une vérification rigoureuse des antécédents pour toute personne cherchant à se procurer une arme de poing ou une arme à feu à autorisation restreinte.

Il ne s’agissait pas de promesses vagues. Elles étaient très précises. Elles constituaient le cœur même du projet de loi C-71, sa raison d’être. Puis, toutes les trois ont été minutieusement retirées lors du processus d’examen.

Honorables sénateurs et sénatrices, même si mes observations porteront principalement sur la vérification des antécédents, elles pourraient s’appliquer également aux autres dispositions qui ont été éliminées du projet de loi.

Le comité a entendu plusieurs témoins : certains appuyaient fortement la vérification d’antécédents à vie et d’autres s’y opposaient fermement. À mon avis, les témoins favorables au projet de loi étaient plus crédibles en ce qui a trait à leurs compétences et à la qualité de la recherche sur laquelle ils ont fondé leur témoignage. Cependant, il y aura toujours un témoignage pour appuyer le point de vue de chacun, et je n’ai pas l’intention de contester la crédibilité des témoins qui se sont prononcés contre le projet de loi. Je n’ai pas non plus l’intention de provoquer un affrontement d’experts sur le parquet du Sénat. Voici où je veux en venir. La décision légitime de politique du gouvernement de légiférer sur la vérification d’antécédents à vie a été bien étayée par des témoignages d’experts très crédibles.

(1520)

Examinons maintenant les principales critiques portées contre l’adoption d’une vérification des antécédents à vie. La première souligne que ces vérifications auraient pour effet de punir les gens pour leurs erreurs de jeunesse ou de lointaines périodes de dépression ou de toute autre maladie mentale. Dans la même logique, on avance qu’elles pénaliseraient injustement les Canadiens autochtones, soit parce qu’ils sont surreprésentés dans le système de justice et pourraient donc avoir un dossier criminel, soit parce qu’ils auraient pu avoir reçu un mauvais diagnostic de maladie mentale à une autre époque de leur vie.

En ce qui concerne le premier point, les représentants de Sécurité publique Canada ont expliqué clairement dans leur témoignage que les facteurs inclus dans une vérification d’antécédents, comme les condamnations criminelles ou un problème mental associé à la violence, sont en effet des éléments qui sont pris en compte, mais que cela ne signifie pas qu’il sera à jamais interdit à une personne d’obtenir un permis d’arme à feu. Comme l’a expliqué le directeur général des Politiques en matière de police, et je cite :

Le contrôleur des armes à feu conserve le pouvoir discrétionnaire de tenir compte des circonstances dans lesquelles un incident s’est produit dans la vie de la personne, de la gravité de ces circonstances, du délai qui s’est écoulé depuis, et de juger si, tout compte fait, étant donné ces considérations, la personne représenterait une menace à la sécurité publique si elle détenait un permis d’armes à feu.

Le même principe s’applique aux demandeurs autochtones : toutes les circonstances sont prises en compte, et un passé criminel ou un diagnostic de maladie mentale ne sont pas irrémédiables. De plus, comme le ministre l’a expliqué devant le comité, le projet de loi C-71 préserve le Règlement d’adaptation visant les armes à feu des peuples autochtones du Canada actuel, qui prévoit que, si une personne autochtone fait une demande de permis ou d’autorisation de transport et que le contrôleur des armes à feu émet des doutes, elle a la possibilité de fournir l’attestation d’un aîné en appui à sa demande.

[Traduction]

Une autre critique défavorable plus générale est que la vérification des antécédents à vie ne fera rien pour réduire la violence liée aux armes à feu au Canada, car, après tout, les criminels et les gangs de rue ne présentent pas de demande de permis de possession d’arme à feu. Ils obtiennent leurs armes à feu illégalement.

Cela s’inscrit dans un discours plus général que nous avons entendu à répétition au comité et au Sénat, selon lequel le monde est nettement divisé en deux camps, les criminels, d’une part, et les propriétaires d’arme à feu respectueux de la loi, d’autre part, et le projet de loi C-71 ne fait rien pour s’attaquer au problème réel de la violence liée aux armes à feu au Canada.

Honorables sénateurs, j’ai parlé de cette fausse dichotomie dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture. Je ne répéterai pas ce que j’ai dit. Ce que je tiens à souligner aujourd’hui est simplement ceci : le comité a entendu des témoignages très crédibles et convaincants qui ont clairement réfuté cette dichotomie.

Premièrement, je ne répéterai pas les statistiques, mais les témoignages établissent clairement que le problème des décès et blessures causés par des armes à feu n’est pas exclusivement lié aux gangs de rue ni aux armes de poing dans nos centres urbains.

Le comité a également entendu de la part de plusieurs témoins que la vérification des antécédents prévue dans le projet de loi C-71 réduira probablement la violence familiale. Ceci est attribuable au fait que les incidents de violence familiale peuvent se produire sur une longue période. Comme l’a déclaré Lise Martin, d’Hébergement femmes Canada :

La violence et le crime antérieurs sont de bons prédicteurs de la violence future.

Pour sa part, le professeur Jooyoung Lee a déclaré :

La criminologie et la recherche en santé documentent aussi solidement le fait que les comportements violents et les problèmes de santé mentale ne se manifestent pas en petits groupes pratiques d’intervalles de cinq ans. Certains de ces problèmes durent une vie entière. Par conséquent, les contrôleurs des armes à feu devraient avoir accès à cette information pour décider si une personne est apte à posséder une arme à feu.

Soyons clairs. Le problème, ce n’est pas que les propriétaires d’armes à feu sont plus à risque d’user de violence envers leurs partenaires intimes ou leurs enfants. Comme l’a déclaré Mme Amanda Dale :

Le problème est la présence d’une arme à feu dans une situation d’escalade de la violence familiale [...] C’est un outil mortel. Ça vous tue rapidement. Si vous l’avez sous la main lorsqu’une situation tourne au vinaigre, il est plus probable qu’elle entraîne un homicide [...]

Il en va de même pour le suicide par arme à feu. À cet égard, les témoignages ont été tout aussi convaincants.

Premièrement, le comité a entendu les témoignages d’experts selon lesquels une tentative de suicide, même si elle date de plus de cinq ans, est un indicateur d’une tentative de suicide future. D’après le professeur Brian Mishara, la vérification des antécédents à vie peut prévenir des décès par suicide.

Deuxièmement, bien que l’arme à feu n’est pas le moyen le plus couramment utilisé pour tenter de s’enlever la vie, elle est, malheureusement, la plus efficace. Comme le dit Jérôme Gaudreault, de l’Association québécoise de prévention du suicide : « L’arme à feu est un moyen extrêmement meurtrier qui n’offre que très rarement de deuxième chance à la personne suicidaire. »

[Français]

Permettez-moi de parler d’une autre critique des mesures de vérification d’antécédents qui ont fait l’objet d’interventions répétées par notre collègue, le sénateur Boisvenu, au sein du comité. En citant des exemples d’arriérés importants dans plusieurs provinces et territoires, il a invité des témoins à reconnaître que des vérifications d’antécédents à vie ne feraient qu’ajouter aux retards qu’on observe dans certaines régions du pays.

Certains témoins ont rétorqué qu’il s’agissait essentiellement d’un problème de ressources. Par exemple, le ministre Goodale a témoigné que la question serait réglée dans le cadre du processus budgétaire, en précisant ce qui suit, et je cite :

[...] l’on fournira à la GRC les fonds nécessaires pour qu’elle puisse faire le travail qu’on lui demande de faire.

Les autres témoins ont rejeté la prémisse de la question. Comme l’a indiqué la Dre Natasha Saunders, et je cite la traduction :

Ce n’est pas parce qu’il y a un retard ou un arriéré qu’on ne doit pas le faire. Cela ne revient pas à dire que ces personnes ne doivent pas être vérifiées.

Honorables sénateurs, j’ai jusqu’ici argumenté que le rapport retire des dispositions du projet de loi qui concrétisent des engagements électoraux, alors que des preuves crédibles étayant ces dispositions ont été présentées au comité.

Je vais maintenant vous parler des raisons pour lesquelles je voterai contre le rapport.

[Traduction]

Dans son discours, le sénateur Pratte a dit qu’il n’y avait rien d’extraordinaire au fait que le Sénat rejette le rapport d’un comité. En effet, le Règlement du Sénat dit très clairement que le rapport d’un comité soumet des recommandations à l’ensemble du Sénat et que cette assemblée est libre d’adopter ou de rejeter le rapport. D’ailleurs, nous avons rejeté des rapports de comité à maintes reprises par le passé.

Par exemple, lors de la législature précédente, le Sénat a rejeté un rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie qui recommandait d’apporter des amendements substantiels au projet de loi C-36, une mesure sur la sécurité des produits de consommation. Dans son discours, la sénatrice Martin a soutenu que les amendements proposés dans le rapport allaient affaiblir considérablement le projet de loi en donnant aux intérêts de l’industrie la priorité sur la santé et la sécurité des Canadiens, et que cela allait « à l’encontre du principal objet du projet de loi ».

Quelques mois auparavant, le Sénat a rejeté le rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Celui-ci proposait de modifier des dispositions du projet de loi C-25, qui visait à restreindre le temps alloué pour la détention sous garde avant le prononcé de la peine. Pendant le débat, le sénateur John Wallace a dit ceci :

Si moi-même et d’autres sénateurs sommes incapables d’appuyer les amendements, c’est parce que, dans les faits, ils mineront jusqu’à les nier la raison d’être et les objectifs du projet de loi C-25 [...]

Je pourrais continuer, mais il est inutile de multiplier les exemples. Vous pourriez croire que j’exagère lorsque je dis que le rapport vide le projet de loi de sa substance, ou qu’il l’éviscère, pour employer une image qui rappelle la pêche.

Le sénateur Plett : C’est cependant très démocratique.

Le sénateur Gold : Toutefois, vous ne pouvez pas nier que les amendements proposés dans le rapport affaibliraient le projet de loi au point d’aller à l’encontre de son principal objectif. C’est sur ce critère que le Sénat s’est fondé par le passé pour rejeter des rapports de comité, et c’est en fonction de ce même critère que j’ai décidé de rejeter ce rapport.

(1530)

Son Honneur le Président : Sénateur, nous devons malheureusement vous interrompre et passer à la période des questions.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 10 décembre 2015, visant à inviter un ministre de la Couronne, l’honorable Seamus O’Regan, ministre des Services aux Autochtones, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous avons parmi nous aujourd’hui, pour la période des questions, l’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Services aux Autochtones.

Je lui souhaite la bienvenue au nom de tous les sénateurs.

Le ministère des Services aux Autochtones

Le développement économique—La création d’emplois

L’honorable Donald Neil Plett : Bienvenue, monsieur le ministre.

Monsieur le ministre, je remarque que la lettre de mandat que vous a remise le premier ministre donne comme directive de promouvoir le développement économique et la création d’emplois pour les peuples autochtones. Pourtant, le gouvernement libéral ne cesse pas de faire exactement le contraire.

Je vais citer ce que Bruce Dumont, ancien président de la nation métisse de la Colombie-Britannique et membre du groupe responsable du projet Northern Gateway , a dit au Comité sénatorial des transports sur le bilan du gouvernement actuel en matière de développement économique pour les peuples autochtones. Il a dit ceci :

Nous aurions collectivement pu tirer des bénéfices directs de plus de 2 milliards de dollars du projet Northern Gateway, et celui-ci aurait aussi créé des perspectives économiques, commerciales et d’éducation à long terme, mais tout cela s’est effondré en novembre 2016 lorsque le premier ministre a annoncé, sans avoir consulté nos communautés, que le gouvernement rejetait la proposition de Northern Gateway, alors que celle-ci avait été approuvée deux ans et demi auparavant. Cette décision nous a stupéfaits et grandement déçus. Certaines communautés avaient investi leurs propres ressources dans la création d’entreprises pour participer aux travaux de construction. Des personnes étaient retournées aux études pour pouvoir travailler dans le cadre de ce projet, ce qui leur aurait permis de demeurer dans leur collectivité. De nombreux dirigeants qui avaient investi de leur temps pour [concrétiser] le projet ont vu leurs efforts s’envoler en fumée.

Monsieur le ministre, ma question est simple, et j’espère que vous pourrez y répondre. Pourquoi le gouvernement libéral prétend-il qu’il veut favoriser le développement économique des peuples autochtones, alors qu’il détruit les projets dans lesquels ils ont investis?

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Services aux Autochtones : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je remercie aussi tous les sénateurs de m’avoir invité à revenir au Sénat, même si mon portefeuille n’est pas le même que la dernière fois où je suis venu, quand j’étais ministre des Anciens Combattants.

Tout d’abord, le développement économique et les projets de développement économique sont en tout point uniques, comme chaque personne ou groupe autochtone à qui l’on s’adresse. Je pense que nous nous exposons à des problèmes lorsque nous faisons des généralisations à propos de tous les groupes autochtones. Leurs points de vue sont aussi variés que tout autre groupe de personnes au Canada, même au sein de leurs communautés.

Il ne fait aucun doute qu’ils sont tous, comme nous, en quête d’un avenir meilleur pour leurs enfants et leurs familles. Certains d’entre eux choisissent de le faire au moyen d’un développement économique solide. Par exemple, prenons le nombre de groupes autochtones qui approuve l’oléoduc TMX et le nombre qui s’y oppose. Vous constaterez que parmi les groupes qui sont directement touchés par l’oléoduc TMX, il y en a environ 40 pour et environ 40 contre. Ils débattent donc entre eux les mérites du développement économique.

Je vais dire une chose : notre gouvernement s’est battu extrêmement fort afin de travailler avec des groupes autochtones pour deux raisons. D’abord, parce que c’est la chose à faire. Ensuite — et je le dis tout le temps chez moi, à Terre-Neuve-et-Labrador, où je travaille très fort pour trouver un équilibre entre notre industrie pétrolière et gazière extracôtière et les groupes autochtones — pour la stabilité. Les entreprises souhaitent la stabilité, c’est normal. Elles devraient avoir une certaine certitude, surtout lorsque des milliards de dollars sont investis dans des choses comme des pipelines ou des projets pétroliers et gaziers. Lorsqu’il est possible de mener des activités d’exploitation en offrant cette certitude, nous devons le faire.

À Terre-Neuve-et-Labrador, la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012, qui a été adoptée par le gouvernement précédent, a freiné les activités. Cela n’a causé que du chaos et de la confusion dans l’industrie pétrolière et gazière de la région.

D’une manière très concertée, nous avons tenté de trouver des moyens de faire participer les peuples autochtones au processus afin que nous puissions enfin obtenir et conserver la certitude nécessaire pour nous, pour eux, et pour les entreprises.

Son Honneur le Président : Désolé, sénateur.

Le sénateur Plett : Votre Honneur, je pose mes questions au nom du leader.

Son Honneur le Président : Sénateur Plett, ce n’est pas précisé ici, mais allez-y. Vous avez droit à une question complémentaire.

Le sénateur Plett : Monsieur le ministre, en tout respect, vous formez un gouvernement majoritaire depuis trois ans. C’est un peu malhonnête de jeter le blâme sur un gouvernement précédent.

Le gouvernement libéral est un grand parleur, mais un petit faiseur. Vous prétendez être favorables au développement économique des peuples autochtones, mais vos gestes indiquent exactement le contraire.

Je le répète, M. Dumont a dit au Comité des transports que le projet de loi C-48 aura des répercussions dévastatrices sur le développement économique des Autochtones. Je le cite :

On propose maintenant le projet de loi C-48, le moratoire relatif aux pétroliers, qui nous empêchera à jamais de profiter de nouveaux débouchés économiques et de ce qu’un pipeline pourrait apporter à nos communautés [...] Nous souhaitons prendre le contrôle de notre vie et faire valoir nos droits, mais le gouvernement fédéral ne cesse d’ériger des obstacles, de nous empêcher de tirer profit de nos terres et de nos ressources économiques pour en retirer des avantages économiques et sociaux.

En tant que ministre de Services aux Autochtones, avez-vous pris le temps de vous assurer que le premier ministre sait à quel point cette mesure législative sera néfaste pour les objectifs de développement économique des peuples autochtones qu’il prétend vouloir protéger?

M. O’Regan : Votre Honneur, je comprends le sénateur quand il dit que trois ans, c’est suffisant pour faire des dommages, mais je peux lui assurer qu’on peut en faire encore plus en dix ans et que nous sommes encore en train de recoller les pots cassés.

J’ai été ministre des Anciens Combattants, alors je peux certainement témoigner du bilan lamentable du gouvernement précédent dans ce dossier. Cela dit, pour en revenir aux peuples autochtones et à la stabilité, il s’agit d’un dossier que je connais très bien grâce à la présence des secteurs pétrolier et gazier à Terre-Neuve-et-Labrador. L’ancienne loi sur les évaluations environnementales, celle de 2012, prévoyait que chaque fois qu’un puits de reconnaissance était foré au large des côtes, il devait y avoir une évaluation environnementale à part entière. Et si jamais un autre puits était foré à quelques kilomètres de là et exactement dans les mêmes conditions environnementales, il fallait une évaluation environnementale distincte.

Honorables sénateurs, vous le croirez si vous le voulez, mais il faut ensuite retourner voir les groupes autochtones du Nouveau-Brunswick, même si les puits en question sont situés à 300 kilomètres à l’est de St. John’s. Comme des saumons passent dans le secteur, il faut aussi remonter jusqu’à l’endroit où ils sont pêchés par les Autochtones du Nouveau-Brunswick. Certains des groupes autochtones sont excédés d’avoir à refaire tout ce processus chaque fois qu’on veut creuser un puits de reconnaissance.

Nous avons donc cherché des moyens de tenir des évaluations d’ampleur régionale et de n’en faire qu’une seule par région. Il s’agit d’un gage de stabilité pour l’industrie, les droits des peuples autochtones directement concernés sont respectés, et nous remettons un peu d’ordre dans un processus jusqu’ici extrêmement lourd.

L’exploitation du pétrole extracôtier

L’honorable David M. Wells : Je vous remercie d’être de nouveau parmi nous, ministre O’Regan. L’aspect environnemental dont vous venez de parler me pousse à intervenir, car c’est un sujet que je connais très bien, qui n’a rien du fouillis que vous avez en mémoire.

Ma question porte sur la zone de protection marine du chenal Laurentien.

Comme vous représentez Terre-Neuve-et-Labrador au sein du conseil des ministres, vous savez que votre collègue le ministre Wilkinson a désigné la semaine dernière la zone de protection marine du chenal Laurentien. Ce changement met un terme à toute activité économique industrielle dans cette zone où des pêcheurs travaillent pourtant depuis 500 ans. Il fait aussi obstacle à un possible pipeline qui acheminerait jusqu’aux marchés du Nord-Est de la Nouvelle-Angleterre le gaz — et non le pétrole — extracôtier de Terre-Neuve-et-Labrador qui est actuellement inexploité.

Comme je ne peux intervenir qu’une fois, je poserai aussi une deuxième question. En passant, je tiens à souligner, monsieur le ministre, que le chenal Laurentien ne contient pas de mont sous-marin spécial ni de coraux spéciaux; il n’est pas différent des sites de forage et d’exploitation situés dans l’Atlantique Nord.

(1540)

Qu’est-ce qui a mené à la désignation du chenal Laurentien comme zone de protection marine? La première fois que cette désignation a été proposée, en 2006, elle a été rejetée par le gouvernement Harper, comme vous le savez. Pourquoi le chenal Laurentien est-il soudainement considéré comme une zone spéciale qui doit être protégée, alors qu’elle n’est pas différente du substrat sous-marin qui se trouve dans le reste des Grands Bancs de Terre-Neuve? Par ailleurs, monsieur le ministre, pourquoi le gouvernement fédéral a-t-il empiété sur la compétence de l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, une compétence reposant sur des négociations et sur la loi?

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Services aux Autochtones : Tout d’abord, la province et le gouvernement fédéral ont conclu un accord relativement au chenal Laurentien, où, en raison de circonstances particulières découlant de son écosystème, on a jugé qu’il était pertinent de le désigner comme une zone de protection marine.

Il est aussi important de souligner que cet accord a été conclu sous l’autorité de l’Office Canada–Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers. J’ajouterais que l’Entente sur les paiements annuels de ristournes liées au projet Hibernia entre le gouvernement du Canada et Terre-Neuve-et-Labrador a été conclue il y a tout juste un mois. Cette entente est assujettie à l’Accord Atlantique, un accord bilatéral et exécutoire entre deux gouvernements qui remonte aux années 1980. Il garantit que les ressources extracôtières de Terre-Neuve-et-Labrador sont traitées comme si elles se trouvaient sur terre. Ce qui est important de comprendre pour les sénateurs, c’est que cela signifie essentiellement que la province obtient la totalité des redevances, comme s’il s’agissait de l’Alberta. Ainsi, cet accord a été crucial et il a changé la donne pour l’avenir de notre province.

Soit dit en passant, afin de garantir que Terre-Neuve-et-Labrador demeure le principal bénéficiaire de ses ressources extracôtières, nous avons été en mesure, grâce aux parts du gouvernement du Canada dans Hibernia, de verser 2,5 millions de dollars au gouvernement provincial, ce qui lui fournit un revenu garanti. C’est très important.

Autre point encore plus important relativement à la question du sénateur : nous avons pu renforcer et confirmer la nature bilatérale de l’Accord atlantique afin de veiller à ce qu’en matière de pétrole et de gaz extracôtiers, la relation soit véritablement bilatérale. Lorsqu’une chose se fait, comme la désignation d’une zone de protection marine — ou, comme dans ce cas-ci, l’ouverture du talus nord-est à l’exploration —, elle se fait de concert avec le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer au sénateur suivant, je vous rappelle qu’on a demandé aux sénateurs de ne poser qu’une seule question étant donné qu’un très grand nombre de sénateurs souhaitent poser des questions au ministre.

Je mentionne également aux sénateurs que les ministres qui comparaissent répondent normalement à des questions qui touchent leur portefeuille, les Affaires autochtones dans ce cas-ci. Si le ministre le souhaite, il peut répondre à d’autres questions. La décision lui revient.

La Loi sur les Indiens

L’honorable Serge Joyal : Je vais parler uniquement de votre portefeuille, monsieur le ministre. L’un des plus grands objectifs du gouvernement en ce qui concerne les peuples autochtones est d’établir une relation de gouvernement à gouvernement ou de nation à gouvernement à nation, ce qui ne sera jamais possible à moins d’abroger la Loi sur les Indiens. Vous savez que, jusqu’à aujourd’hui, la Loi sur les Indiens a toujours maintenu les peuples autochtones du Canada sous un odieux contrôle colonial. L’établissement de cette relation est l’une des principales recommandations formulées dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation.

Il est écrit dans votre lettre de mandat que vous êtes appelé à appuyer le travail de la ministre des Relations Couronne-Autochtones pour « moderniser notre structure institutionnelle et notre gouvernance afin que les Premières Nations, les Inuits et les Métis puissent développer la capacité qui leur permettra de mettre en œuvre leur vision de l’autodétermination. »

Monsieur le ministre, depuis que l’on vous a confié ce portefeuille, qu’avez-vous fait pour que nous atteignions l’objectif d’abroger la Loi sur les Indiens avant la fin du mandat du présent gouvernement?

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Services aux Autochtones : Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le sénateur, je dirais que je n’ai peut-être pas fait, mais que j’ai certainement contribué à une chose très significative, soit la dissolution du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Cette mesure a été prise précisément pour accélérer les efforts visant à soustraire les Premières Nations à la Loi sur les Indiens et à abolir celle-ci.

Je ne suis que le deuxième ministre des Services aux Autochtones. Je travaille en étroite collaboration avec la ministre des Relations Couronne-Autochtones, l’honorable Carolyn Bennett. Nous continuons de travailler, dans le cadre d’une relation de nation à nation, aux priorités et aux solutions pour régler des problèmes hérités du passé comme la Loi sur les Indiens, et nous traitons également avec des organismes autochtones nationaux.

Je pourrais peut-être parler des services à l’enfance et à la famille, sur lesquels porte le projet de loi C-92. Cette mesure a été élaborée en partenariat avec les organismes autochtones nationaux. C’est un projet de loi révolutionnaire, à la fois par son mode d’élaboration, mais aussi par sa teneur. Pour la première fois, on reconnaît et affirme le droit inhérent des Premières Nations, des Métis et des Inuits d’exercer leur compétence en matière de services à l’enfance et à la famille. J’ai très hâte de le voir adopté, avec la coopération du Sénat.

Les modèles de partenariat

L’honorable Mary Coyle : Bienvenue de nouveau au Sénat, monsieur le ministre O’Regan.

En tant que membre du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et du Comité spécial sur l’Arctique, évidemment, je m’intéresse au projet de loi C-92. Cependant, ma question aujourd’hui concerne le processus. Vous venez tout juste d’y faire allusion.

Nous savons que le gouvernement s’est engagé à collaborer avec les peuples autochtones et que la relation avec ces peuples est de la plus haute importance. On nous parle beaucoup de relations de nation à nation, comme vous venez de le faire. On nous parle de consultation, de participation et même d’élaboration conjointe des projets de loi, comme vous l’avez fait au sujet du projet de loi C-92. Cependant, nous entendons aussi les préoccupations des peuples et des organisations autochtones quant au sérieux de ces démarches.

De telles préoccupations ont été soulevées l’année dernière au sujet du projet de loi C-45, le projet de loi sur le cannabis, ainsi que, plus récemment, au sujet de l’élaboration du cadre stratégique pour l’Arctique, et voici que c’est encore le cas au sujet des projets de loi C-91 et C-92. Encore une fois, si on consulte votre lettre de mandat, on constate qu’elle vous demande de travailler avec le Centre d’innovation du Bureau du Conseil privé afin de contribuer à la création de modèles constructifs de partenariat avec les collectivités autochtones.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous parler des avancées réalisées quant à la création de ces modèles de partenariat et nous donner des exemples? Merci.

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Services aux Autochtones : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Il y a quelques semaines, je me suis joint au chef national de l’Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde, au président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, Natan Obed, et au président du Ralliement national des Métis, Clément Chartier, à l’occasion de la présentation du projet de loi C-92 à la Chambre des communes. Le chef national a souligné qu’il s’agissait d’une mesure législative sans précédent. Le président Chartier a déclaré que le projet de loi est le fruit d’une collaboration directe entre les trois représentants nationaux des nations autochtones. Le président Obed a dit que nous sommes encouragés par le travail réalisé dans le cadre du processus d’élaboration du projet de loi C-92 et que le point de vue des Premières Nations, des Inuits et des Métis avait été pris en compte dans la mesure législative.

Avec le projet de loi C-92, nous nous sommes entendus au sujet de trois principes fondamentaux — principes auxquels, selon moi, bon nombre d’entre vous souscrivent probablement. Premièrement, les droits de l’enfant ont préséance sur tout. Deuxièmement, la culture, les traditions et les langues autochtones sont des éléments essentiels à la santé de l’enfant. Troisièmement, la dignité de l’enfant et de la famille doit toujours être respectée dans leurs rapports avec le système — faute d’un meilleur terme.

Ce sont des principes absolument essentiels que nous avons élaborés avec les parties intéressées. D’ailleurs, ces principes prévoient des protections fédérales qui permettront aux communautés et aux groupes autochtones de trouver leurs propres solutions. Conformément à ces principes, ils seront en mesure de trouver leurs propres solutions. C’est incroyablement important. Nous serons très occupés si jamais cette mesure législative est adoptée; nous travaillerons avec les provinces et les communautés dont nous reconnaissons et affirmons les droits afin qu’elles puissent établir leurs propres systèmes.

Ce qui est vraiment révolutionnaire, c’est que, si nous sommes incapables de parvenir à une entente après 12 mois de négociations de bonne foi avec les provinces, le texte législatif adopté par les communautés inuites, métisses ou des Premières Nations l’emporte. C’est une première pour le Canada. Cela reconnaît et affirme leur compétence, leur pouvoir et leur responsabilité, ce qui répond directement à l’appel à l’action no 4 de la Commission de vérité et réconciliation.

(1550)

L’école secondaire Dennis Franklin Cromarty

L’honorable Marilou McPhedran : Monsieur le ministre O’Regan, bienvenue. Merci d’être ici cet après-midi. Il est regrettable que vous ayez dû formuler certaines réponses sous les gloussements et les chuchotements. Nous nous comportons habituellement mieux que cela.

J’aimerais poser une question sur les progrès réalisés pour concernant le logement des étudiants de l’école secondaire autochtone Dennis Franklin Cromarty, ou DFC, à Thunder Bay. Vous vous déplacez beaucoup dans le cadre de votre mandat, mais vous n’avez pas encore pu visiter l’école DFC. Cela dit, vous vous rappelez que six des sept étudiants autochtones dont le décès est décrit dans l’ouvrage très respecté de Tanya Talaga, intitulé Seven Fallen Feathers, fréquentaient l’école DFC. Ces décès ont fait l’objet d’une enquête de coroner dont le rapport, il y a presque trois ans, recommandait qu’un logement sûr et abordable soit fourni aux étudiants qui doivent quitter leur domicile pour aller à l’école secondaire à Thunder Bay.

Monsieur le ministre, le ministère a financé une étude de faisabilité pour déterminer les options pour de nouvelles installations à l’école DFC, y compris pour une nouvelle résidence pour étudiants. Le rapport de cette étude est attendu ce printemps. Une fois que vous l’aurez en main, dans quel délai peut-on réalistement s’attendre à ce que vous annonciez l’estimation provisoire du financement? De plus, monsieur le ministre, y aurait-il un moyen de faire participer directement les étudiants de l’école DFC à la planification?

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Services aux Autochtones : Je remercie la sénatrice de sa question. Je souligne que c’est ma prédécesseure qui a eu le plaisir d’accueillir les étudiants de l’école secondaire DFC sur la Colline du Parlement. Elle a été touchée par leurs témoignages et les aspirations dont ils lui ont fait part, y compris leur désir d’une nouvelle école et d’une résidence pour les étudiants. Nous sommes résolus à défendre leurs intérêts. Nous avons encouragé les partenaires à tenir compte de leurs perspectives dans l’étude de faisabilité, laquelle est en cours, comme l’a reconnu la sénatrice. Nous sommes impatients de collaborer avec eux afin de terminer l’étude. Nous allons définir la meilleure marche à suivre afin d’offrir un établissement d’enseignement qui répond le mieux possible aux besoins des étudiants autochtones en ville. Assurément, tout ce qui a été entrepris et à tout ce qui a été réalisé depuis mon arrivée a été fait avec la participation des peuples autochtones directement concernés. Nous allons maintenir leur style de gestion conjointe.

Les services à l’enfance et à la famille

L’honorable Dennis Glen Patterson : Monsieur le ministre, dans le discours que vous avez prononcé à l’autre endroit au sujet du projet de loi C-92, vous avez salué le codéveloppement, que vous avez qualifié de « période intensive de consultation » entamée par votre ministère et votre prédécesseur. Toutefois, à l’occasion de l’étude préliminaire du comité, on a rapporté à maintes reprises que le gouvernement avait annulé la participation d’intervenants clés à la rédaction du projet de loi, qui dès lors ne reflétait plus les demandes de ces derniers. Ainsi, dans une récente interview, le grand chef du Manitoba, Arlen Dumas, déclare que cela lui ferait de la peine de laisser le projet de loi en l’état.

Encore ce matin, la ministre des Services à la famille du Nunavut, Elisapee Sheutiapik, a dit que le dépôt du projet de loi à la dernière minute, à l’occasion d’une réunion fédérale-provinciale-territoriale tenue en janvier dernier, avait donné lieu à une séance d’information et non pas un engagement. On lui a même dit qu’il fallait que le projet de loi soit adopté rapidement, avant les élections.

Le gouvernement maintient une communication constante avec l’Inuit Tapiriit Kanatami, qui est une organisation militante. Ce n’est pas une organisation titulaire de droits comme la Nunavut Tunngavik Inc., avec laquelle le gouvernement fédéral est tenu de discuter des politiques sociales en vertu de l’article 32 de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, qui est protégé par la Constitution.

Dans ce contexte, seriez-vous disposé à envisager d’importants amendements afin d’apaiser les inquiétudes entourant le financement et d’autres enjeux signalés par les témoins que nous avons entendus, tels que le grand chef Dumas et la ministre Sheutiapik?

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Services aux Autochtones : Honorables sénateurs, je suis heureux de répondre à ces questions. En ce qui concerne les consultations, je peux dire que nous avons organisé quelque 65 séances de discussion avec environ 2 000 participants. J’ai rencontré le grand chef Dumas il y a à peine quatre jours, à Winnipeg. J’ai pris la parole devant l’Assemblée des chefs du Manitoba. En fait, je vais vous répéter ce que je leur ai dit. Il y a une grande ouverture pour la mesure législative qu’ils proposent, la Bringing Our Children Home Act. Il y a aussi une grande ouverture pour des mesures législatives provenant d’autres Premières Nations, des Inuits et des Métis dans le cadre du projet de loi C-92.

C’est là exactement l’objectif. Nous les outillerons en leur offrant des principes directeurs et une approche résolument axée sur les soins préventifs. Nous nous penchons d’abord et avant tout sur les soins prénatals et les droits de l’enfant, tout en tenant compte du caractère essentiel de la culture, des traditions et des langues, ainsi que de la dignité des familles et des enfants.

Dans ce cadre et ce paradigme, non seulement les mesures législatives autochtones ont leur place, mais elles sont également encouragées. C’est notre souhait. Nous voulons que ces peuples s’approprient ce qui leur revient. Nous reconnaissons et affirmons ces droits.

Cela dit, au cours des délibérations, nous serions très certainement prêts à étudier les amendements soumis.

[Français]

La commission accordée à un consultant

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Monsieur le ministre, vous avez versé une somme de 12,8 millions de dollars pour la construction de maisons destinées aux membres de la Première Nation de Cat Lake, dans le Nord de l’Ontario, afin de résoudre des problèmes importants de salubrité. Or, on a appris qu’un consultant du nom de Gerald Paulin empochera 10 p. 100 de cette somme pour son intervention dans le dossier. Cette commission douteuse équivaut à plusieurs maisons pour une communauté comme celle de Cat Lake. Pouvez-vous nous dire ce qu’a fait ce consultant dans ce dossier pour votre ministère qui puisse justifier qu’on lui verse une commission de 1,28 million de dollars? Savez-vous si cet homme a des antécédents à titre de donateur au Parti libéral du Canada? Comme vous avez dit que cette somme servira complètement et uniquement à la construction, pouvez-vous nous garantir que ce consultant ne sera pas payé au moyen d’un autre stratagème et qu’il n’y aura pas de cachotteries?

[Traduction]

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Services aux Autochtones : Je peux assurer à l’honorable sénateur que les sommes destinées au logement seront consacrées à la construction de logements. Les faits qu’il a relatés sont erronés, et je peux lui garantir que tout l’argent prévu pour le logement servira vraiment à cela. Lors de mon passage à Thunder Bay, j’ai négocié l’accord avec la Première Nation de Cat Lake, la Nation Nishnawbe Aski et l’Assemblée des Premières Nations. Je vous assure que ce type n’a jamais fait partie de l’équation.

Malheureusement, cela arrive souvent, mais la situation de la communauté de Cat Lake était particulièrement grave. Je devais rencontrer cette communauté et ses dirigeants. J’ai tenté d’aller moi-même à leur rencontre, mais je n’ai pas été en mesure de me rendre en raison de la météo. Ayant grandi au Labrador, j’ai souvent été pris dans des tempêtes lorsque j’essayais de me rendre dans des régions plus éloignées au pays.

Ce que je n’avais pas durant mon enfance au Labrador, mais que nous avons maintenant, c’est la vidéoconférence. Cette technologie nous a permis d’accomplir beaucoup de travail. Le 14 mars, nous avons signé un protocole d’entente définitif au moyen de la vidéoconférence. Cela entraînera le versement de 12,8 millions de dollars qui serviront uniquement à la réparation, à la rénovation et à la construction de logements.

L’instabilité du revenu

L’honorable Kim Pate : Merci, monsieur le ministre, d’être encore des nôtres. Le projet de loi C-92 a été élaboré à la suite de décisions du Tribunal canadien des droits de la personne qui ont force obligatoire et qui ordonnent au gouvernement fédéral de mettre fin à ses pratiques discriminatoires à l’égard des enfants autochtones et de garantir un financement fondé sur les besoins qui permet d’atteindre une égalité réelle.

Comme vous l’avez indiqué plus tôt, même s’il vise à affirmer les droits et la compétence des peuples autochtones, le projet de loi C-92 n’offre aucune garantie de financement, et son préambule ne fait que recommander un financement sans en faire une obligation. Or, selon des statistiques, 30,4 p. 100 des enfants autochtones vivent dans la pauvreté; c’est deux fois le taux observé chez les enfants non autochtones. L’économiste Evelyn Forget souligne que l’instabilité du revenu peut avoir des effets négatifs sur la santé mentale et physique, la réussite scolaire et les perspectives d’avenir, et que les peuples autochtones pourraient bénéficier d’un revenu de subsistance garanti.

Monsieur le ministre, accepterez-vous d’amender le texte de ce projet de loi de manière à garantir un financement qui répond aux multiples ordonnances du Tribunal canadien des droits de la personne? Vous engagerez-vous à explorer la possibilité d’offrir un revenu de subsistance garanti pour composer avec les facteurs qui sous-tendent l’augmentation du nombre d’enfants autochtones pris en charge?

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Services aux Autochtones : Je remercie l’honorable sénatrice. Premièrement, nous allons évidemment suivre toutes les ordonnances qui sont rendues par le Tribunal canadien des droits de la personne. Nous avons assumé des coûts réels, et je crois qu’il est très important de le souligner.

Pour ce qui est du projet de loi C-92, au cours des trois dernières années et demie, nous avons plus que doublé les fonds consacrés aux services à l’enfance et à la famille, pour un total de 1,2 milliard de dollars à l’heure actuelle. Entre-temps, j’ai demandé aux provinces d’entreprendre des négociations avec les groupes autochtones qui souhaitent exercer leurs pouvoirs et leurs responsabilités actuels en matière de services à l’enfance et à la famille, tout en respectant les principes que j’ai décrits tout à l’heure, soit : les droits de l’enfant ont préséance sur tout; la culture, les traditions et les langues autochtones sont des éléments essentiels à la santé de l’enfant; et la dignité de l’enfant et de la famille doit toujours être respectée dans leurs rapports avec le système.

(1600)

Nous avons montré que nous sommes de bons partenaires en fournissant un financement stable et prévisible. Qui plus est, dans la plupart des cas, nous avons augmenté ces fonds. Cela dit, nous sommes certainement ouverts aux suggestions.

La stérilisation forcée

L’honorable Yvonne Boyer : Je vous souhaite la bienvenue, moi aussi, monsieur le ministre O’Regan. À titre de ministre des Services aux Autochtones, dont le mandat est, entre autres, d’améliorer les services de santé pour les Autochtones, pourriez-vous nous dire quelles mesures ont été prises par le ministère pour enquêter sur la stérilisation forcée des femmes autochtones au Canada et pour mettre fin à cette pratique. Je vous pose cette question alors que le cas le plus récent d’une femme autochtone victime de stérilisation forcée a été signalé en décembre 2018 et surtout alors que le Comité contre la torture des Nations Unies a décidé, pendant le même mois, d’inclure officiellement la stérilisation forcée dans les actes de torture?

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Services aux Autochtones : Tout d’abord, madame la sénatrice, merci beaucoup de cette question. La stérilisation forcée est une violation des droits de la personne. C’est profondément troublant que cela puisse arriver au Canada. Nous savons que pour régler le problème, tous les ordres du gouvernement doivent collaborer. C’est pourquoi Santé Canada a créé un groupe de travail fédéral, provincial et territorial pour améliorer la sécurité culturelle dans les systèmes de santé. Nous continuerons de collaborer pour garantir un accès sûr et culturellement adapté aux services de santé pour toutes les femmes autochtones.

De plus, permettez-moi d’ajouter que, grâce à la création d’un comité consultatif sur la santé et le bien-être des femmes autochtones, Santé Canada informe mon ministère des problèmes existants ou nouveaux, notamment en lien avec la santé sexuelle et la santé reproductive. Des fonctionnaires rencontrent aujourd’hui ce comité consultatif. Je suis impatient de connaître le résultat de cette réunion.

La taxe d’accise sur le cannabis

L’honorable Paul E. McIntyre : Bienvenue au Sénat, monsieur le ministre. Comme vous le savez, les communautés autochtones ne reçoivent aucune part de la taxe d’accise pour couvrir les coûts liés aux répercussions de la légalisation de la marijuana. Les services de nombreuses communautés autochtones subissent maintenant de fortes pressions, à l’instar d’autres collectivités au Canada, comme les coûts des services de police.

Vous vous rappellerez peut-être, monsieur le ministre, que, l’année dernière, la Commission de la fiscalité des Premières Nations avait proposé qu’on modifie la Loi sur la gestion financière des premières nations pour accorder aux Premières Nations le pouvoir de légiférer afin d’imposer une taxe d’accise sur le cannabis sur les terres de réserves. Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones avait appuyé cette proposition, mais le gouvernement l’avait rejetée.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelles discussions, le cas échéant, se tiennent actuellement au sujet du partage des recettes de la taxe d’accise sur la marijuana avec les communautés autochtones?

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Services aux Autochtones : Sénateur, nous continuerons de nous employer à répondre aux préoccupations que vous avez soulevées et qui ont également été soulevées, comme vous l’avez dit, au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. À mon avis, il y a plusieurs facteurs dont il faut aussi tenir compte pour faciliter la participation des Autochtones au marché, notamment la détermination des besoins en matière de santé mentale et de toxicomanie et la prestation de documents de santé publique culturellement adaptés sur la consommation de cannabis.

La légalisation du cannabis n’est pas un événement, mais un processus continu. C’est pourquoi nous nous concentrons sur l’établissement d’un partenariat à long terme avec les communautés autochtones concernées. Nous continuerons de travailler avec elles sur leurs préoccupations afin d’y répondre. Merci.

La relocalisation de la réserve de Kashechewan

L’honorable Murray Sinclair : Monsieur le ministre, vous avez peut-être remarqué ce midi qu’un certain nombre de membres de la Première Nation de Kashechewan manifestaient sur la Colline pour demander au gouvernement de respecter son engagement à relocaliser la communauté dans un secteur plus sûr.

La Première Nation de Kashechewan a été établie en 1957, lorsque le gouvernement canadien a installé de force des familles cries dans une plaine que tout le monde savait inondable. Depuis 17 ans, les membres de cette communauté isolée du Nord de l’Ontario doivent être transportés par voie aérienne dans des villes situées à des centaines de kilomètres de chez eux en raison des inondations causées chaque année par la rivière Albany. Quand on y pense un instant, on peut s’imaginer à quel point cette évacuation annuelle perturbe la vie de ces familles, des familles qui mettent leur vie en suspens le temps que le niveau d’eau redescende. Il leur arrive de devoir quitter leur foyer pendant un mois ou plus. Les enfants ne peuvent plus aller à l’école, les cérémonies habituelles sont mises de côté. C’est toute leur vie qui est complètement perturbée. Il va sans dire que cela s’ajoute aux conséquences sur le problème de la qualité de l’eau qui sévit. De nombreuses personnes, dont des enfants, se retrouvent avec des éruptions cutanées et des lésions inexpliquées. Aucun autre groupe au Canada ne serait forcé de subir une telle situation en 2019.

Aujourd’hui justement, une personne qui parlait de l’évacuation proposée d’un village à proximité d’Ottawa sur CBC a décrit la situation comme une crise humanitaire. Les gens de Kashechewan vivent régulièrement une crise humanitaire.

Le gouvernement du Canada a le devoir de respecter ses engagements envers eux. Les promesses ont été nombreuses, mais jamais tenues. En 2005, le gouvernement Martin s’était engagé à relocaliser la communauté, mais le gouvernement Harper a annulé la réinstallation. En 2017, une nouvelle entente a été signée sous le gouvernement Trudeau, mais aucune mesure concrète n’a encore été prise pour protéger les enfants de Kashechewan. Maintenant, nous pouvons constater que le budget fédéral de 2019 ne prévoit aucune somme pour cette réinstallation.

Monsieur le ministre O’Regan, pouvez-vous expliquer comment le gouvernement s’y prendra pour qu’un plan, assorti des fonds nécessaires, soit mis en œuvre afin que cette relocalisation se concrétise rapidement?

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Services aux Autochtones : Merci, sénateur. Plus tôt ce matin, j’ai eu une très bonne rencontre avec le chef Friday, la chef régionale Archibald et le grand chef Fiddler. Nous avons confirmé un plan d’action que nous avons déjà amorcé.

D’abord et avant tout, nous sommes toujours déterminés à relocaliser les habitants de Kashechewan. Cependant, pour y parvenir, nous devons prendre un certain nombre de mesures. Lors de la rencontre de ce matin, toutes les parties se sont entendues sur la nécessité de ces mesures.

Hier soir, j’ai téléphoné à mon homologue du gouvernement de l’Ontario. Nous devons faire l’acquisition de l’emplacement désigné, qui est connu comme le « site 5 ». Une fois que nous aurons acquis légalement ce site — le gouvernement de l’Ontario m’a donné toutes les assurances que cela se fera dans les plus brefs délais possibles, et je crois le ministre sur parole parce que nous entretenons une excellente relation —, nous devrons alors construire une route menant vers ce site pour y acheminer les fournitures. Nous avons entamé le processus d’appel d’offres pour la construction de cette route.

Par ailleurs, nous devons consulter la communauté pour déterminer à quoi ressemblera la nouvelle collectivité. Pour ce faire, il sera très important, entre autres, de mener une enquête démographique qui nous permettra de savoir exactement quelles personnes ont l’intention de quitter Kashechewan, ainsi que Fort Albany. Ce sont des décisions qui doivent être prises par les familles.

À l’heure actuelle, nous nous sommes engagés à investir environ 30 millions de dollars pour réparer la digue. J’ai donné l’assurance au chef Friday que le fait que nous veillons aux besoins à court terme et à la sécurité de sa communauté ne réduit en rien notre détermination à relocaliser ses habitants. Nous avons prévu une somme de 4,5 millions de dollars pour les autres initiatives que j’ai mentionnées. Nous sommes toujours déterminés à procéder à la relocalisation des résidants de Kashechewan.

Les services à l’enfance et à la famille

L’honorable Mary Jane McCallum : Merci d’être avec nous, monsieur le ministre. Comme de nombreux groupes de plusieurs provinces et territoires l’ont dit au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, il y a un sentiment généralisé quant au risque que ce projet de loi mine et anéantisse les progrès et l’expérience qu’ils ont réussi à obtenir dans leurs régions respectives.

(1610)

Dans le but de maintenir et de soutenir le bon travail accompli par ces régions, le gouvernement serait-il ouvert à un amendement qui permettrait aux provinces et aux territoires de se soustraire à l’application de ce projet de loi? Je parle du Manitoba, où il a été difficile d’établir une relation positive et de réaliser des progrès avec le gouvernement provincial.

Récemment, il y a eu des accrochages avec des provinces et des territoires qui se sont braqués contre le gouvernement fédéral lorsqu’ils ont eu l’impression qu’il empiétait sur leurs compétences. Un bon exemple de cela est la situation qui entoure la taxe sur le carbone. On s’inquiète de la possibilité d’une confrontation au sujet des compétences à la suite de l’adoption de ce projet de loi.

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Services aux Autochtones : Sénatrice, le gouvernement du Canada a le pouvoir de réglementer les services à l’enfance et à la famille conformément au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle. La Constitution donne au fédéral compétence en ce qui concerne les Indiens et les terres réservées pour les Indiens. L’arrêt Daniels confirme que les trois groupes — soit les Premières Nations, les Inuits et les Métis — sont des titulaires de droits prévus à l’article 35.

Nous n’avons aucunement l’intention de dégager des provinces de leurs droits ou de leurs devoirs, bien que je comprenne les préoccupations exprimées par bon nombre de personnes. J’ai non seulement passé du temps avec des représentants de l’Assemblée des chefs du Manitoba, mais j’ai aussi passé deux heures très difficiles — je le dis honnêtement — avec des femmes et des aînés cris du Manitoba.

Comme la sénatrice l’a reconnu, la relation avec leur gouvernement provincial est très difficile; elle existe depuis longtemps et est historique. Je dirai simplement que, dans le cadre du projet de loi C-92, si une communauté autochtone souhaite exercer ses droits en matière de services à l’enfance et à la famille, nous avons un an pour en discuter avec elle. Dans ce cas-ci, ce serait le gouvernement du Manitoba et nous-mêmes, comme je l’ai dit aux gens que j’ai rencontrés.

Certaines de ces femmes m’ont dit que, même une année de discussions avec leur gouvernement provincial, c’est trop long, mais j’ai répondu que nous devons faire notre possible et unir nos efforts. Il est certain que les provinces ont une expertise en matière de services à l’enfance et à la famille, mais je vais être très direct : la mesure législative donne à tous une année et, après une année de négociations de bonne foi, si une entente est impossible, le texte législatif de la Première Nation est maintenu. C’est ce qui rend cette mesure législative particulièrement avant-gardiste et sans précédent et c’est pourquoi je la défends.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le temps consacré à la période des questions a expiré. Je sais que tous les sénateurs se joignent à moi pour remercier le ministre O’Regan d’être venu nous rencontrer aujourd’hui. Merci, monsieur le ministre.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu

Vingt et unième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Boniface, appuyée par l’honorable sénatrice Bovey, tendant à l’adoption du vingt et unième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense (Projet de loi C-71, Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu, avec des amendements et des observations), présenté au Sénat le 10 avril 2019.

L’honorable Marc Gold : Honorables sénateurs, vous vous souviendrez que j’avais commencé à expliquer pourquoi j’entends voter contre le rapport du comité à propos du projet de loi C-71. J’ai expliqué que cette mesure, telle que nous l’avons reçue de l’autre endroit, contient plusieurs dispositions visant des objectifs législatifs très précis. Il s’agit, en fait, des trois principaux objectifs législatifs décrits dans la plateforme du Parti libéral.

J’ai aussi dit que, selon moi, des données probantes solides et convaincantes appuient les dispositions du projet de loi C-71 qui exigeraient une vérification des antécédents cumulatifs avant la délivrance d’un permis, bien que d’autres données et témoignages indiquent le contraire, comme c’est toujours le cas.

J’ai aussi mentionné deux des nombreuses situations où le Sénat a rejeté le rapport d’un comité, bien que ce rapport ait été produit de bonne foi et d’après les règles de l’art, comme celui-ci. Cela dit, comme d’autres sénateurs l’ont souligné avant moi, quand un rapport affaiblit une mesure législative au point d’aller à l’encontre du principal objectif visé, il est tout à fait logique et approprié que le Sénat le rejette, comme il l’a fait à plusieurs reprises pendant la dernière législature.

J’en arrive donc à la conclusion de mes observations. J’expliquerai pourquoi je voterai contre le rapport du comité.

Son Honneur le Président : Sénateur Gold, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps?

Le sénateur Gold : Oui.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, accordons-nous cinq minutes de plus au sénateur?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Gold : Ma décision de voter contre ce rapport ne repose pas sur ce qu’on a appelé la convention de Salisbury. Premièrement, je ne suis pas convaincu que cette convention fait vraiment partie de la Constitution canadienne, compte tenu des différences entre notre Parlement et celui du Royaume-Uni.

Deuxièmement, une convention est une règle qu’on applique systématiquement, et je crois que cela irait à l’encontre de notre liberté, comme sénateurs, d’amender ou de rejeter une mesure législative lorsque les circonstances l’exigent.

Toutefois, je m’en remets à un principe, un principe qui, je crois, est au cœur de nos responsabilités de sénateurs. C’est un principe que rend bien l’affirmation de Sir John A. Macdonald, souvent citée, selon laquelle le Sénat ne devrait jamais s’opposer aux désirs délibérés et compris du peuple, ce qui découle logiquement et forcément de la fonction du Sénat comme organe législatif complémentaire.

Parlons alors du principe de la retenue sénatoriale. Contrairement à une règle, ce principe ne détermine pas nécessairement la décision, qui doit plutôt être mise en balance avec toutes les autres considérations pertinentes, y compris le rôle que nous avons d’assurer un traitement juste des minorités visibles et de protéger les intérêts régionaux.

C’est ce qui m’amène à me poser les mêmes questions que lorsque je dois décider si je vais appuyer ou non un projet de loi d’initiative ministérielle, surtout s’il porte sur des engagements électoraux, parce que, comme d’autres l’ont dit avant moi, le rapport dont le Sénat est présentement saisi propose ni plus ni moins de rejeter les principaux éléments du projet de loi C-71, ceux qui en constituent le fondement même.

Je ne reviendrai pas sur le fait qu’il est tout à fait légitime pour le gouvernement de vouloir inscrire dans la loi une vérification des antécédents à vie et que les témoignages entendus par le comité lui donnent raison. Or, comme mes responsabilités sénatoriales vont au-delà de ces considérations, je dois me poser les questions suivantes avant de déterminer comment j’entends voter : le projet de loi C-71 nuira-t-il indûment à une minorité vulnérable? Honorables sénateurs, la réponse est manifestement non.

Le projet de loi C-71 viole-t-il les droits constitutionnels des Canadiens? Non car, comme la Cour suprême l’a maintes fois affirmé, contrairement à la situation aux États-Unis, le droit de porter une arme à feu n’est pas garanti par la Constitution canadienne.

Le projet de loi C-71 impose-t-il un fardeau indu à une région par rapport à une autre? Non plus.

Honorables sénateurs, je ne vois aucun motif valable de rejeter les choix politiques faits dans le projet de loi C-71, choix que le gouvernement a expliqués en détail dans sa plateforme électorale. Par conséquent, je ne vois aucune raison logique d’adopter ce rapport.

C’est plutôt le contraire. Nos règles, nos précédents et nos principes me dictent que nous devons le rejeter et rétablir le projet de loi C-71 tel qu’il était à l’étape de la deuxième lecture.

Voilà pourquoi je voterai contre le rapport et pourquoi j’invite les honorables sénateurs à faire de même.

Je vous remercie de votre attention.

Son Honneur le Président : Acceptez-vous de répondre à une question, sénateur Gold?

Le sénateur Gold : Oui.

[Français]

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Sénateur Gold, comme vous m’avez cité dans votre énoncé, je vais riposter immédiatement. Quand j’ai interpellé les témoins au comité à propos du délai de cinq ans comparativement au délai à vie, je faisais notamment référence aux 5 000 dossiers qui n’ont pas été traités en 2017 pour ce qui est de la Colombie-Britannique, du Yukon et de la Saskatchewan.

Lorsque j’ai posé la question, pour savoir si ces délais seraient réduits grâce à la disposition relative à la vérification à vie, je ne crois pas avoir obtenu une réponse aussi claire que celle que vous avez donnée. Toutefois, la réponse qui m’est apparue la moins claire m’a été donnée lorsque j’ai posé la question suivante : que se passerait-il si l’on devait faire des vérifications chez un patient âgé de 60 ans et que, plutôt que de les faire pour une période de cinq ans, on les faisait pour une période de 60 ans, soit toute la vie durant — on parle dans ce cas de vérifier les antécédents médicaux ou psychiatriques? Le médecin a alors répondu que de telles vérifications seraient presque impossibles à faire, compte tenu des déménagements et d’autres facteurs.

(1620)

Ma question est donc la suivante. Selon vous, quels sont les délais quand un corps policier demande à un psychiatre une évaluation sur son patient? À l’heure actuelle, quels sont les délais, en moyenne, avant que le corps policier reçoive cette information et que les armes puissent être retirées?

[Traduction]

Son Honneur le Président : Sénateur Gold, votre temps de parole est écoulé, encore une fois. Demandez-vous cinq minutes de plus afin de répondre à la question?

Le sénateur Gold : Oui.

Des voix : D’accord.

Le sénateur Plett : Seulement pour cette question.

Son Honneur le Président : Seulement pour répondre à la question. Est-ce d’accord, sénateurs?

Des voix : D’accord.

[Français]

Le sénateur Gold : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Nous avons entendu à plusieurs reprises des réponses à ses questions par rapport aux délais. Je dois avouer que les délais sont préoccupants, peu importe la raison.

Cela dit, le témoignage du ministre m’a convaincu lorsqu’il a indiqué que c’était une question de ressources et qu’il s’est engagé à fournir les ressources nécessaires pour faire en sorte que le travail soit fait correctement. Deuxièmement, comme plusieurs témoins l’ont aussi indiqué, il y a une question de principe. Si on peut mettre en place les ressources requises, dans les circonstances appropriées, on pourra sauver des vies. Ultimement, cette réponse m’a satisfait et cela me permet d’appuyer le gouvernement dans ses efforts en vue de légiférer à cet égard.

(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)

La Loi sur la défense nationale

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, appuyée par l’honorable sénatrice Omidvar, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-77, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, c’est un immense privilège pour moi d’intervenir aujourd’hui à titre de critique du projet de loi C-77, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

Comme vous le savez, j’ai eu l’honneur, en 2015, de faire adopter la Charte canadienne des droits des victimes à titre de coauteur et de parrain du projet de loi C-32. La Charte canadienne des droits des victimes est basée sur quatre piliers, quatre grandes catégories de droits : le droit à l’information, le droit à la participation, le droit à la protection et le droit au dédommagement. Le projet de loi C-77 s’inspire, en partie, de la Charte canadienne des droits des victimes. Toutefois, ce que propose le projet de loi C-77 n’est pas adapté aux réalités des victimes dans un régime de justice militaire, qui est différent du régime de justice civile.

Chers collègues, les militaires jouent un rôle fondamental dans la sauvegarde de notre démocratie. Trop souvent, et nous l’avons constaté au cours des quatre dernières années, les militaires et les anciens combattants ont été négligés. C’est notamment le cas des victimes d’actes criminels qui ont œuvré ou qui travaillent encore au sein des Forces armées canadiennes en tant que militaires ou à titre d’employés civils au ministère de la Défense. Selon les dernières estimations du vérificateur général du Canada, en 2016-2017, le ministère de la Défense et les Forces armées canadiennes employaient quelque 66 000 membres de la Force régulière et 22 400 membres civils. Il est clair que ces personnes méritent un régime de droits des victimes adapté à leur réalité, une réalité que je qualifierais de fort complexe. Il s’agit d’une population souvent jeune, dans la vingtaine; une population qui vit dans un environnement où tout le monde se connaît; une population que l’on retrouve aux quatre coins de la planète. Aussi, des questions telles que le rang et la hiérarchie, de même que les conditions de travail, ont d’énormes impacts sur la réalité des plaignants et des victimes. Ces personnes évoluent dans des conditions de vie où une victime peut se retrouver constamment à proximité du délinquant. Tout cela peut rendre le parcours des victimes très difficile dans le système de justice militaire. De plus, ces différences propres au régime militaire sont susceptibles d’exacerber les traumatismes subis par les victimes.

À titre de contexte, il faut également souligner les scandales d’agressions sexuelles qui ont secoué les Forces armées canadiennes au cours des dernières années. En mars 2015, au terme de son enquête, l’ancienne juge de la Cour suprême du Canada, l’honorable Marie Deschamps, a présenté des constatations dévastatrices et des recommandations dans un rapport intitulé Examen externe sur l’inconduite sexuelle et le harcèlement sexuel dans les Forces armées canadiennes. À ce chapitre, le rapport d’enquête souligne le peu de soutien qui est apporté aux victimes dans le système militaire. Malheureusement, le mandat de Mme Deschamps ne couvrait pas le système juridique.

Une des différences fondamentales qui caractérise ce système se trouve aussi dans le code de discipline militaire, qui est intégré dans la partie III de la Loi sur la défense nationale. J’en parlerai un peu plus tard. Cependant, toutes ces caractéristiques ne sont pas des excuses suffisantes pour justifier l’adoption de droits minimums pour les victimes d’actes criminels.

Que propose le projet de loi C-77, et pourquoi celui-ci est-il un projet de loi incomplet en ce qui a trait aux droits des victimes?

Tout d’abord, le projet de loi C-77 propose d’ajouter une déclaration des droits des victimes dans la Loi sur la défense nationale, et non une charte des droits des victimes. Plus précisément, le projet de loi vise à ajouter une nouvelle section, soit la section intitulée « Déclaration des droits des victimes », au code de discipline militaire, que l’on trouve à la partie III de la Loi sur la défense nationale. Or, le gouvernement libéral n’utilise plus le nom « charte des victimes », ce qui est selon moi regrettable, car le terme « déclaration » n’est pas porteur d’un véritable message aux victimes, visant à leur affirmer qu’elles ont des droits et qu’elles sont importantes. Cela porte également à confusion en raison de la déclaration de la victime qui est utilisée dans les procédures criminelles et dans plusieurs provinces au Canada. À mon avis, comme je le disais plus tôt, il s’agit d’un manque de reconnaissance envers nos militaires.

De plus, la Loi sur la défense nationale continue de parler de contrevenants, et non de délinquants, pour qualifier les criminels. La Loi sur la défense nationale néglige ainsi d’associer aux criminels le terme « délinquant », qui est utilisé partout dans le Code criminel. Pour moi et pour les victimes, on banalise ainsi un acte grave commis à l’endroit d’une victime. Un contrevenant se rend coupable d’avoir enfreint un règlement, et non d’un acte criminel.

J’ai remarqué aussi qu’une définition du terme « victime » apparaîtrait maintenant dans la Loi sur la défense nationale et qu’elle se rapproche de la définition que contient le Code criminel. Cela représente une amélioration, car cette définition fait également référence aux dommages matériels, corporels ou moraux que peut subir une victime.

La Loi sur la défense nationale serait aussi modifiée pour ajouter la notion d’« agir pour le compte de la victime ». C’est une bonne chose. Par ailleurs, comme je le mentionnais plus tôt, le projet de loi C-77 intègre dans la Loi sur la défense nationale quatre catégories de droits : le droit à l’information, le droit à la protection, le droit à la participation et le droit à la restitution.

En ce qui concerne le droit à l’information, l’ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels a été très claire et très critique en ce qui concerne les faiblesses que contient le projet de loi C-77. En particulier, l’ombudsman a souligné l’existence de failles majeures. Elle a déclaré que le projet de loi présente des lacunes inquiétantes. Un groupe de victimes appelé It’s Just 700, qui est un groupe de soutien pour les militaires ayant subi des traumatismes de nature sexuelle dans le cadre de leurs fonctions, a également souligné les problèmes liés à ce projet de loi.

[Traduction]

Dans une entrevue avec la Presse canadienne, l’ombudsman a indiqué comme principale lacune le fait que la déclaration n’oblige personne, notamment la police militaire et le procureur, à informer les victimes de leurs droits.

« Il s’agit d’un manque énorme », a dit Illingworth. « Pour des personnes grandement traumatisées à la suite d’un acte de violence, il est très difficile de prendre une décision, ne serait-ce qu’à propos des prochaines mesures qu’elles souhaitent prendre. »

« [...] ce n’est qu’une déclaration de bonnes intentions. On ne change pas véritablement les systèmes prévus pour les victimes. »

[Français]

C’est ce qu’a déclaré Mme Illingworth.

De plus, il est fort préoccupant que l’ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels n’ait pas été consultée pendant la rédaction de ce projet de loi. C’est fort préoccupant, en effet.

(1630)

En vertu de la Charte canadienne des droits des victimes, ce sont les provinces qui assurent une grande partie des responsabilités liées au droit à l’information. Le projet de loi C-77 propose quelques timides mesures qui ne sont pas à la hauteur des obligations du gouvernement fédéral à l’égard de nos militaires.

[Traduction]

L’automne dernier, le vérificateur général du fédéral a signalé que l’armée n’appuyait pas adéquatement les victimes d’inconduite sexuelle et que la police militaire omettait souvent de fournir des renseignements à propos des services ou des mises à jour dans ces affaires.

[Français]

À l’automne 2018, dans son cinquième rapport au Parlement, le vérificateur général du Canada a souligné qu’il s’inquiétait également du manque de formation du personnel spécialisé, tels les aumôniers et les prestataires de soins de santé militaires, en matière d’assistance aux victimes.

Le projet de loi C-77 crée le poste d’agent de liaison qui aura la responsabilité d’agir comme point de contact entre les divers acteurs clés du système de justice militaire, notamment la Couronne, le ou les juges et les victimes. Selon le paragraphe 71.16(1) du projet de loi, le service d’agent de liaison de la victime est obtenu seulement si la victime en fait la demande. Il y a donc là une grande faiblesse dans les mesures prises en amont pour aller vers les victimes, souvent traumatisées, afin de leur offrir de l’aide et de les aiguiller vers les ressources dont elles ont besoin. On risque donc de laisser beaucoup de victimes à elles-mêmes. L’offre d’une aide doit être automatique. La victime pourrait en faire la demande, mais si elle ne le sait pas, comment pourrait-elle le faire?

Mme Marie-Claude Gagnon, une victime et ancienne réserviste, a indiqué ce qui suit dans son témoignage au comité de la Chambre des communes, et je cite :

Comme le fait valoir un membre de mon groupe, la majorité des victimes ne sauront pas qu’elles peuvent demander l’aide d’un agent de liaison.

Il ne faudrait pas que, pour des raisons opérationnelles, une victime soit dénuée du droit de demander l’aide d’un agent de liaison. Toute victime, et non pas seulement celles qui le demandent, a le droit et le besoin de comprendre comment les infractions d’ordre militaire sont portées, jugées et traitées en vertu du Code de discipline militaire. Je comprends que l’agent de liaison des victimes les aiderait également à obtenir l’information qu’elles demandent et à laquelle elles ont droit.

Cependant, il n’y a aucune disposition qui permet d’assurer que ces agents de liaison disposent de la formation nécessaire pour être à la hauteur de leurs tâches.

Selon Lindsay Rodman, chargée de mission aux affaires internationales du Conseil des affaires étrangères et membre de l’Institut canadien des affaires mondiales, et je cite :

C’est une étape louable pour les Forces armées canadiennes, car elles s’attaquent au problème pernicieux des agressions sexuelles dans l’armée. Cependant, après avoir servi dans l’armée américaine alors que les États-Unis luttaient contre une législation visant à résoudre le même problème, je me demande si ce projet de loi va assez loin.

Il s’agit d’un commentaire important et pertinent.

Mme Rodman souligne aussi ceci dans un article qui a été publié :

Aux États-Unis, le fait d’avoir des agents de liaison pour les victimes ne fonctionnait pas; nous avons dû donner aux victimes leur propre avocat.

Les cours d’appel militaires américaines ont de nombreux litiges pour tenter de déterminer quand et comment les conseillers juridiques des victimes peuvent s’exprimer devant les tribunaux au nom de leurs clients. Cependant, le système continue de fonctionner et les réactions des victimes ont été extrêmement positives au fait qu’elles avaient du soutien judiciaire.

Je tiens donc à souligner que, dans son rapport de 2017-2018, le juge-avocat général a également demandé à la division de la justice militaire de lui présenter des options afin que les victimes et les survivants de violences sexuelles dans les Forces armées canadiennes puissent obtenir des conseils juridiques, et ce, dans un effort visant à améliorer considérablement le niveau de soutien auquel ils ont accès. Cette approche qui vise à appuyer les victimes mérite d’être examinée dans le cadre de ce projet de loi.

En ce qui concerne le droit à la protection, les victimes méritent qu’on tienne compte de leur sécurité et de leur vie privée, et de celle de leurs proches, à toutes les étapes du processus de justice militaire, que ce soit avant, pendant ou après avoir déposé une plainte. Elles doivent être protégées contre l’intimidation et les représailles.

Pour protéger les participants vulnérables au sein du système de justice militaire, le projet de loi autorise les juges militaires à rendre certaines ordonnances judiciaires. Il s’agit notamment des ordonnances de non-divulgation, des ordonnances de non-publication et des ordonnances empêchant un accusé de contre-interroger personnellement une victime. Ces ordonnances n’apparaissent pas dans la version actuelle de la Loi sur la défense nationale.

En matière de crainte de blessures ou de dommages, le paragraphe 147.6(1) ferait en sorte que la victime qui craint qu’une personne assujettie au Code de discipline militaire ne lui cause ou cause à son époux, à la personne qui vit avec elle dans une relation conjugale depuis au moins un an ou à son enfant des dommages corporels ou moraux puisse déposer une dénonciation devant un juge militaire. Il semble que cela se limiterait à une relation conjugale d’un minimum d’une année. Je crois qu’il faut là s’interroger sur cette disposition, car elle créerait deux classes de victimes.

Par ailleurs, à l’article 183.1, le juge militaire disposerait de pouvoirs limités pour aider les victimes et les témoins à témoigner. Ainsi, sur demande du procureur de la Couronne, quand un témoin est âgé de moins de 18 ans ou a une déficience physique ou mentale, ou sur demande d’un témoin, une personne de confiance choisie par ce dernier pourrait être présente à ses côtés pendant le témoignage.

Je trouve par contre inquiétant le fait que le juge militaire puisse ne pas appliquer cette règle de base s’il est d’avis que cela nuirait à « la bonne administration de la justice militaire ».

J’ai noté également le paragraphe 183.2(1) qui précise ce qui suit, et je cite :

Dans les procédures dirigées contre l’accusé relativement à une infraction d’ordre militaire, le juge militaire ou, si la cour martiale a déjà été convoquée, le juge militaire la présidant ordonne, sur demande du procureur de la poursuite à l’égard d’un témoin qui est âgé de moins de dix-huit ans ou d’un témoin qui est capable de communiquer les faits dans son témoignage tout en pouvant éprouver de la difficulté à le faire en raison d’une déficience mentale ou physique, ou sur demande d’un tel témoin, que ce dernier témoigne à l’extérieur de la salle d’audience ou derrière un écran ou un dispositif lui permettant de ne pas voir l’accusé, sauf si le juge militaire est d’avis que cela nuirait à la bonne administration de la justice militaire.

Encore là, on parle de droits discrétionnaires plutôt que de droits reconnus.

183.3(1) Dans les procédures dirigées contre l’accusé relativement à une infraction d’ordre militaire, le juge militaire ou, si la cour martiale a déjà été convoquée, le juge militaire la présidant rend une ordonnance interdisant à l’accusé, sur demande du procureur de la poursuite à l’égard d’un témoin qui est âgé de moins de dix-huit ans ou sur demande d’un tel témoin, de procéder lui-même au contre-interrogatoire de ce dernier, sauf si le juge militaire est d’avis que la bonne administration de la justice militaire l’exige.

Encore une fois, il s’agit d’un droit discrétionnaire plutôt que d’un droit reconnu.

(2) Dans les procédures dirigées contre l’accusé relativement à une infraction punissable en vertu de l’article 130 qui constitue une infraction visée aux articles 264 (harcèlement criminel), 271 (agression sexuelle), 272 (agression sexuelle armée, menaces à une tierce personne ou infliction de lésions corporelles), ou 273 (agression sexuelle grave) du Code criminel, le juge militaire rend une ordonnance interdisant à l’accusé, sur demande du procureur de la poursuite à l’égard d’un témoin qui est une victime ou sur demande d’un tel témoin, de procéder lui-même au contre-interrogatoire de ce dernier.

On y ajoute cependant « sauf si le juge militaire est d’avis que la bonne administration de la justice militaire l’exige. » Encore une fois, il y a de la discrétion dans l’application d’une loi. Je crois qu’il faudra examiner comment cette mesure se compare au Code criminel.

Le paragraphe 183.4(1) traite des ordonnances protégeant l’identité du témoin, une nouveauté dans la Loi sur la défense nationale que je note comme positive, à première vue :

Dans les procédures dirigées contre l’accusé relativement à une infraction d’ordre militaire, le juge militaire ou, si la cour martiale a déjà été convoquée, le juge militaire la présidant peut, sur demande du procureur de la poursuite à l’égard d’un témoin ou sur demande d’un témoin, rendre une ordonnance interdisant la divulgation, dans le cadre de l’instance, de tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité du témoin, s’il estime que cela est dans l’intérêt de la bonne administration de la justice militaire.

Le projet de loi traite de la déclaration de la victime, ce qui équivaut dans le fond au droit à la participation. Il offre plusieurs façons à la victime de présenter une déclaration à la cour martiale, ce qui est une bonne chose en soi.

Le projet de loi permet également la présentation de déclarations d’impact sur la collectivité — qu’on appelle la « communauté militaire » — décrivant les pertes et les torts subis par la collectivité à la suite d’une infraction, et la présentation de la déclaration d’impact militaire qui décrit les torts causés à la discipline, à l’efficacité ou au moral au sein des Forces armées canadiennes à la suite d’une infraction.

Sur ce dernier point, je demeure très vigilant quant à l’interprétation qui pourrait être donnée aux concepts de « collectivité », d’« impact militaire » et de « torts causés à la discipline, à l’efficacité ou au moral au sein des Forces armées canadiennes ».

En ce qui concerne le droit au dédommagement, en vertu du paragraphe 203.81(1), et je cite :

Si le contrevenant est condamné ou absous inconditionnellement, la cour martiale qui inflige la peine ou prononce l’absolution est tenue d’envisager la possibilité de rendre une ordonnance de dédommagement en vertu de l’article 203.9.

(1640)

De plus, la cour martiale est tenue de s’enquérir auprès du procureur de la poursuite si des mesures raisonnables ont été prises pour permettre aux victimes d’indiquer si elles réclament un dédommagement pour les dommages ou les pertes qu’elles ont subis. Cela constitue une amélioration, et je tiens à le saluer.

Toutes ces dispositions seraient chapeautées par un mécanisme de plaintes. Il est, en effet, proposé d’accorder aux victimes d’infractions d’ordre militaire le droit de porter plainte si elles sont d’avis qu’il y a eu violation ou négation de leurs droits en vertu de la nouvelle déclaration. En outre, la nouvelle loi accorde aux victimes d’infractions militaires le droit de déposer une plainte si elles estiment que l’un de leurs droits en vertu de la déclaration a été violé ou nié. D’ailleurs, l’ombudsman des victimes d’actes criminels suggère de mettre en place un mécanisme formel d’appel relatif aux violations des droits des victimes. Le projet de loi C-77 propose aussi de modifier le processus des procès militaires. Il s’agit d’une partie très importante du projet de loi. Le projet de loi est décrit par le gouvernement comme un moyen de simplifier la discipline militaire en ce qui concerne les unités.

Le projet de loi C-77 propose de changer les procès sommaires en audiences sommaires. Il s’agit donc d’une transition vers un mécanisme d’audiences sommaires. À cette étape de la deuxième lecture du projet de loi, j’estime que ce changement pourrait peut-être permettre de mieux structurer le régime disciplinaire, qui est différent du régime de la cour martiale.

L’Association du Barreau canadien souligne que « [...] cette refonte majeure du système de justice [...] n’a fait l’objet d’aucun examen [...] ». C’est pour cette raison que l’association recommande, dans un premier temps, que la transition vers les audiences sommaires envisagée dans le projet de loi C-77 soit différée et, dans un deuxième temps, que le Parlement réalise une étude exhaustive du système de justice militaire et des propositions de réformes du système actuel de procès sommaires. L’Association du Barreau canadien recommande, dans son mémoire à la Chambre des communes, de ne pas adopter ces changements. Dans son mémoire, l’Association du Barreau canadien prévient les législateurs et recommande, et je cite, que « [...] cet aspect du projet de loi soit reporté jusqu’à ce que le Parlement ait eu l’occasion de mener une étude exhaustive sur la question ».

Il faut aussi se demander comment un tel régime peut fonctionner sans mécanisme d’appel. Soulignons aussi que, en 2017-2018, 596 procès sommaires ont eu lieu et que 62 procès ont été menés devant des cours martiales. Ces chiffres sont tirés du Rapport annuel du juge-avocat général 2017-2018. Le processus des procès sommaires serait remplacé par un processus d’auditions sommaires non pénal et non criminel, limité dans la juridiction à une nouvelle catégorie d’infractions d’ordre militaire, à définir par voie de règlements. Des infractions disciplinaires, comme on nous l’a dit.

La Cour suprême du Canada, dans le cadre de l’affaire Landry, devrait bientôt trancher sur la question de la portée de la compétence de la cour martiale quant aux infractions d’ordre militaire dans le contexte du droit à un procès devant jury.

L’automne dernier, une cour d’appel militaire a statué que l’incapacité des soldats, des marins et des équipages de conduite de choisir de subir un procès devant jury pour des crimes graves, punissables d’au moins cinq ans de prison en vertu du système de justice militaire, constituait une violation de la Charte des droits et libertés.

Une audience devant la Cour suprême a eu lieu en mars et la Cour suprême n’a pas encore rendu son arrêt. Par conséquent, il y a lieu de se demander si ce projet de loi est débattu alors que nous attendons un arrêt important de la Cour suprême. Donc, nous proposons de suspendre le débat à ce moment-ci.

De plus, permettez-moi de citer le mémoire du Barreau du Québec :

[...] le Barreau du Québec se demande pourquoi ce régime de protections et de droits conférés aux victimes s’applique seulement aux infractions d’ordre militaire et pas aux manquements d’ordre militaire. Si les manquements peuvent impliquer des victimes, il faut logiquement et par souci de cohérence que celles-ci aient les mêmes droits.

Tout au long des années où j’ai siégé comme sénateur, et aussi à titre de cofondateur de l’Association des familles de personnes assassinées ou disparues, j’ai défendu l’importance d’une Charte canadienne des droits des victimes d’actes criminels. Nous avons une occasion de renforcer les droits des victimes. Je compte sur l’appui de chacun de mes collègues pour améliorer ce projet de loi.

Je terminerai en vous disant qu’il y a un problème par rapport au projet de loi qui a été découvert tout récemment. Le problème est que, dans les forces armées, on traite avec des civils et des militaires. Donc, tout ce qui sera un appui relativement à l’aide aux militaires relèvera du gouvernement fédéral, et donc des forces armées. L’appui aux civils, quant à lui, relèvera des provinces. Donc, imaginez que, déjà au Canada, quatre provinces n’offrent pas de services aux victimes, quatre provinces offrent de bons services et quatre offrent, disons, des services acceptables. Donc, les victimes d’agression sexuelle, par exemple, qu’elles soient des civils ou qu’elles servent dans les forces armées, dépendraient de leur province pour recevoir de l’aide, alors que, s’il s’agit de militaires, ces personnes recevraient de l’aide du gouvernement fédéral, qui offre des services égaux d’une province à l’autre, peu importe où se trouve le militaire. Toutefois, si la victime est un civil, elle n’aurait pas les mêmes droits ni les mêmes services, ce qui, à mon avis, lance le débat très important que nous devrions tenir en cette Chambre sur la réciprocité de l’aide qui est offerte aux victimes au Canada. Il est tout à fait inacceptable qu’il y ait une différence dans les services offerts aux victimes au Canada en 2019. Ce projet de loi montre clairement cette grande faiblesse, alors que l’on traite de manière beaucoup plus adéquate les victimes militaires et que, dans certains cas, on laisse tomber les victimes civiles des forces armées lorsqu’elles ont été agressées sexuellement. À mon avis, c’est tout à fait inacceptable. Merci beaucoup.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.)

[Traduction]

(1650)

Projet de loi sur la Journée nationale de l’alimentation locale

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Cormier, appuyée par l’honorable sénatrice Hartling, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-281, Loi instituant la Journée nationale de l’alimentation locale.

L’honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-281, Loi instituant la Journée nationale de l’alimentation locale.

J’aimerais tout d’abord saluer le sénateur Cormier, qui a parrainé le projet de loi au Sénat, ainsi que le député Wayne Stetski, qui l’a proposé.

Ayant siégé ces six dernières années au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, j’appuie fermement l’initiative qui consiste à promouvoir le secteur agricole et agroalimentaire canadien. À l’occasion des toutes dernières missions d’information que nous avons menées dans le Sud de l’Ontario, nous avons eu le plaisir de visiter plusieurs fermes et centres de recherche. Comme certains des honorables sénateurs le savent peut-être, j’ai été très fier de m’être fait un ami bovin au centre de recherches sur les produits laitiers de l’Université de Guelph à Elora. La mission nous a rappelé à quel point ces fermes conviennent aux familles et sont vitales pour les économies locales. Qu’il s’agisse des pommes de terre des provinces maritimes, des fraises et des pêches du Sud de l’Ontario, du sirop d’érable du Québec, du blé et du soya des Prairies, ou des bleuets et du raisin de la Colombie-Britannique, les producteurs locaux sont la colonne vertébrale des collectivités d’un océan à l’autre.

Les producteurs locaux non seulement cultivent des fruits et des légumes et élèvent du bétail, mais ils soutiennent aussi l’industrie alimentaire du pays, qui emploie 2,3 millions de Canadiens. C’est justement pour cela qu’il est crucial d’appuyer les agriculteurs et les producteurs locaux. Selon Agriculture et Agroalimentaire Canada, le secteur apporte quelque 114 milliards de dollars aux économies nationales en 2017, ce qui représente près de 7 p. 100 du PIB total.

Ce secteur doit malheureusement faire face à de grands défis. L’âge moyen des agriculteurs en Ontario dépasse 55 ans. Un grand nombre d’exploitations n’ont pas de plan de relève. Dans le cadre des déplacements et des consultations du Comité de l’agriculture, le manque de main-d’œuvre et d’installations de transformation sont des problèmes qui ont été soulevés à de nombreuses reprises.

Qui plus est, les exploitations agricoles canadiennes sont maintenant aux prises avec un plus grand stress financier puisque la taxe sur le carbone des libéraux va venir augmenter les coûts de production de ce secteur déjà fragile.

Le fait est que ces difficultés viennent s’ajouter aux pressions financières constantes que connaissent les agriculteurs de nos collectivités. Notre secteur agricole est essentiel à notre souveraineté alimentaire. On peut lire ceci dans le préambule du projet de loi :

[...] la souveraineté du Canada dépend de la salubrité et de la sécurité de l’approvisionnement alimentaire du pays [...]

Il importe de souligner que, pendant que nous débattons le projet de loi C-281 ici, au Sénat, les agriculteurs du pays se débattent avec les répercussions des accords commerciaux internationaux, des différends politiques avec l’étranger et des changements de politique du gouvernement. Les concessions que le gouvernement du Canada actuel a consenties dans la négociation de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique donnent à des producteurs étrangers un meilleur accès à nos marchés locaux. Les producteurs canadiens vont donc affronter une concurrence accrue ici, chez eux.

Honorables collègues, beaucoup d’entre vous se souviennent peut-être des difficultés que nous avons connues en 2003 lorsque les frontières ont été fermées au bœuf canadien. Quelqu’un se souvient-il de la réaction des Canadiens? Nous avons riposté en invitant tous les Canadiens à exprimer leur solidarité avec les producteurs en faisant un barbecue le samedi de la longue fin de semaine d’août. Cette activité de sensibilisation s’est transformée en Journée des terroirs du Canada. Il s’agit d’une célébration nationale de l’alimentation locale dans l’ensemble du pays.

Comme l’a souligné le sénateur Black, la Journée des terroirs du Canada connaît une grande popularité dans l’ensemble du pays. Étant donné que 2019 marque la 16e édition de la célébration annuelle, il ne fait aucun doute que les journées commémoratives contribuent à sensibiliser les gens aux questions importantes. Elles offrent des forums de discussion annuels et permettent aux écoles, aux entreprises et aux gouvernements d’intervenir dans des dossiers importants.

Cependant, en tant que porte-parole pour ce projet de loi, j’estime nécessaire de parler des éléments qui ont été omis.

Bien que j’applaudisse les efforts déployés pour promouvoir l’importance des agriculteurs locaux et de la production alimentaire, je ne crois pas qu’il est suffisant de consacrer un deuxième jour du calendrier à l’alimentation. Je pense plutôt que nous devrions concentrer nos efforts sur les actions.

D’abord, comme les dernières nouvelles nous le rappellent, en raison de la mauvaise gestion des relations internationales par le gouvernement libéral, nous éprouvons des difficultés considérables à accéder aux marchés. La crise du canola en est l’exemple le plus récent, tout comme les problèmes d’accès aux marchés en Inde. Le secteur a besoin de leadership de la part du gouvernement.

Le fait d’avoir raté ces occasions d’exportation a des répercussions sur les familles et les collectivités agricoles de l’ensemble du pays. Au-delà de cette mesure immédiate, nous devons en faire beaucoup plus en tant que pays pour sensibiliser les Canadiens — et surtout les jeunes, bien sûr — au secteur agricole. Par exemple, nous devons dire haut et fort que nous apprécions les aliments frais et locaux. Certaines choses sont trop souvent tenues pour acquises. Comme l’a dit Anita Stewart, lauréate alimentaire de l’Université de Guelph et fondatrice de la Journée des terroirs du Canada, il faut apprendre à cuisiner les aliments locaux et saisonniers et à inscrire le Canada au menu.

Nous devons encourager notre famille et nos amis à manger et à acheter des aliments produits et cultivés localement. Nous devons préparer nos dîners avec des aliments régionaux et saisonniers. Enseignons à nos enfants la valeur des aliments frais et rappelons-leur que les fruits et les légumes n’apparaissent pas comme par magie à l’épicerie. Faisons la promotion de l’équilibre communautaire et faisons en sorte que nos jeunes y prennent part, ce qui sèmera dans l’esprit de la jeune génération un intérêt pour l’agriculture.

Pour appuyer les jeunes, les gouvernements doivent leur venir en aide en réduisant les grosses dépenses en capital qu’on leur demande, ce qui les incitera à se lancer dans l’agriculture. Il faut aussi envisager des mesures pour régler les problèmes qui touchent les agriculteurs immigrants.

Je me souviens d’avoir rencontré un groupe d’immigrants qui avaient eu une première carrière fructueuse dans divers domaines professionnels, mais qui avaient décidé d’entreprendre une deuxième carrière en tant qu’agriculteur au Canada. Ces agriculteurs comptaient en moyenne trois ou quatre ans d’expérience dans le domaine et se trouvaient surtout en Ontario, au Québec, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique. En quatre ans seulement, leur nombre a quintuplé. Ils vendaient un large éventail de produits, dont des fruits, des légumes, du miel, des légumineuses, des grains, des produits cultivés en serre, des semences, du matériel agricole, des suppléments pour les récoltes et des suppléments alimentaires. Ces nouveaux agriculteurs étaient jeunes, enthousiastes et munis des outils sociaux et des connaissances commerciales nécessaires. En tant qu’exemples parfaits de l’esprit d’initiative et de la réussite dans un secteur en difficulté, ils méritent notre attention et notre soutien.

(1700)

À mon avis, les gestes sont plus éloquents que les paroles. Dans le cas des agriculteurs canadiens, nous devons faire plus que simplement désigner une autre journée nationale de l’alimentation pour assurer leur survie et leur prospérité. Ils en arrachent. Cette situation a un effet direct sur nous tous.

Je crois comprendre que ce projet de loi vise à resserrer les liens entre les producteurs agricoles et les consommateurs canadiens. Toutefois, il devrait en faire plus. En plus de sensibiliser la population à la contribution des producteurs agricoles à l’économie et à la santé du pays, le projet de loi devrait créer des occasions qui nous permettraient d’appuyer les agriculteurs locaux, dont le travail difficile et sous-estimé consiste à produire les aliments que nous mettons sur la table pour nourrir nos familles. Je vous remercie.

L’honorable René Cormier : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Oh : Oui.

Le sénateur Cormier : Je vous remercie de votre intervention et des renseignements utiles que vous avez fournis concernant les mesures à prendre au Canada pour bien faire connaître les producteurs et les produits locaux au pays tout en développant le marché de l’exportation.

Ma question pour vous est la suivante : ne croyez-vous pas qu’un jour désigné serait la première étape? C’est un premier pas pour aider les Canadiens à découvrir la production et le travail des producteurs pour les industries alimentaires locales. Un jour désigné serait un bon point de départ pour sensibiliser les Canadiens à ces questions et à l’exportation de nos produits locaux.

Le sénateur Oh : Merci, sénateur, de cette question. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vous dites. Nous pourrons nous réunir pour peaufiner tout cela.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Cormier, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts.)

Projet de loi sur la réaffectation des biens bloqués

Deuxième lecture—Suite du débat

Consentement ayant été accordé de revenir aux autres affaires, projets de loi d’intérêt public du Sénat, deuxième lecture, article no 9 :

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l’honorable sénateur Gold, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-259, Loi sur la réaffectation de certains biens saisis, bloqués ou mis sous séquestre.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-259, Loi sur la réaffectation de certains biens saisis, bloqués ou mis sous séquestre. Je tiens tout d’abord à remercier la sénatrice Omidvar de son travail en tant que marraine de la mesure législative, et le Conseil mondial pour les réfugiés de son appel à l’action afin de transformer le système mondial d’aide aux réfugiés.

S’il est adopté, le projet de loi S-259 permettra au Canada de remédier plus efficacement aux violations des droits de la personne commises par des dirigeants étrangers qui tentent de protéger des biens mal acquis au Canada. Bien que la loi canadienne permette déjà la saisie de ces biens, la mesure législative créerait la possibilité de les réaffecter au profit de ceux qui ont été marginalisés et victimisés.

Honorables sénateurs, lorsqu’il est question du système mondial d’aide aux réfugiés, et plus particulièrement de la violence sexuelle et fondée sur le sexe, il est manifeste qu’il y a peu de reddition de comptes. Les voix des personnes déplacées, en particulier les femmes, les filles et les personnes ayant des orientations sexuelles et des identités sexuelles diverses, sont trop souvent ignorées. Le Conseil mondial pour les réfugiés rapporte que plus de la moitié des réfugiés du monde et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays sont des femmes et des filles qui sont trop souvent perçues uniquement comme des victimes et exclues des processus décisionnels et des possibilités de leadership.

En plus de leur vulnérabilité permanente à la violence sexuelle et fondée sur le sexe avant, pendant et après leur déplacement, les femmes jouent un rôle crucial dans le maintien de l’unité de leur communauté et de leur famille pendant les crises.

La violence sexuelle et fondée sur le sexe est endémique chez les réfugiés, particulièrement en raison de la marginalisation qui découle des déplacements, du manque de ressources, de l’incertitude liée au statut juridique et de l’isolement social. Comme le savent les personnes qui travaillent auprès et au nom des victimes de violence au Canada, les gens qui cherchent à exploiter sexuellement les femmes et les enfants ciblent ceux qui sont les plus vulnérables en raison de leur race, d’un handicap, de leur classe sociale et de leur pauvreté.

L’ostracisme, la traite des personnes, le mariage forcé et la violence familiale sont aussi beaucoup trop courants dans des situations de déplacement. Ce genre de menaces constantes issues des inégalités préexistantes entre les sexes aggrave la violence envers les femmes et la violence fondée sur l’orientation sexuelle durant les déplacements. Tout comme pour la violence subie par les femmes en situation familiale, il est particulièrement difficile d’intenter des poursuites pour des crimes contre l’humanité liés au sexe, y compris l’exploitation et les agressions sexuelles, les grossesses et la stérilisation forcées, et de les faire reconnaître comme des crimes contre l’humanité.

De toute évidence, il est urgent de faire en sorte que les mécanismes de justice internationaux fassent respecter les droits fondamentaux de tous et répondent à ces violations systémiques des droits des déplacés. À cet égard, le projet de loi S-259 constitue un pas dans la bonne direction. Comme la sénatrice Omidvar l’a montré en proposant un processus indépendant et transparent pour la confiscation et la réaffectation de biens étrangers, le projet de loi à l’étude pourrait contribuer à dissiper chez les dirigeants étrangers la croyance selon laquelle le Canada peut servir de lieu sûr pour leurs gains illégitimes.

Au nom du gouvernement du Canada et en fonction de faits vérifiables provenant de sources sûres, le procureur général pourrait demander aux tribunaux d’ordonner la saisie et la réaffectation des biens obtenus grâce à des activités illégales. Au moyen d’un processus dépolitisé assurant l’application régulière de la loi, qui se ferait notamment en envoyant une mise en demeure, en ayant recours à des témoins, en examinant la preuve, y compris celle qui serait produite par des représentants du dirigeant ou de l’entité étrangers, et en prenant des décisions fondées sur les preuves, les tribunaux canadiens pourraient, pour la première fois, ordonner la réaffectation des biens en vue de mieux soutenir les victimes de violation des droits de la personne commises à l’étranger.

Les mesures correctives qui en résulteraient pourraient comprendre l’envoi de ressources à un pays voisin aux prises avec l’afflux de réfugiés, au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ou à un autre organisme non gouvernemental afin de les aider à répondre aux besoins des personnes déplacées. Lorsque le Canada permet à des dictateurs, à ceux qui violent les droits de la personne et aux kleptocrates — les gouvernements dont les dirigeants sont corrompus — de mettre leurs avoirs à l’abri sur son territoire, il se fait complice de leurs actes. Le Canada s’est bâti une image de leader en matière de défense des droits de la personne sur la scène internationale. Afin de faire honneur à cette réputation, nous devons défendre les droits de ceux qui sont les plus menacés, tant au pays qu’à l’étranger.

Alors que nous travaillons à corriger l’héritage du colonialisme et de l’oppression ici même au pays, ce projet de loi nous donne l’occasion de soutenir la défense des droits de la personne à l’échelle internationale. Nous devons favoriser la transparence et la responsabilité, mettre fin aux inégalités, à l’injustice et à la discrimination systémiques dans le système mondial d’accueil des réfugiés et y remédier. Il est temps de refondre ce régime afin de protéger ceux qui fuient le danger, d’aider les pays qui les accueillent, de mettre fin à la peur, de tenir les dirigeants responsables et de rétablir la coopération internationale.

(1710)

J’appuie les objectifs de ce projet de loi afin que le Canada contribue à l’avènement d’un système mondial d’accueil des réfugiés plus juste et équitable. Merci. Meegwetch.

(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)

La Loi sur l’Agence du revenu du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Terry M. Mercer (leader adjoint des libéraux au Sénat) propose que le projet de loi C-316, Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (donneurs d’organes), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-316, loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada en ce qui a trait aux donneurs d’organes, présenté à l’autre endroit par le député Len Webber, de Calgary Confederation.

La période du 21 au 27 avril est la Semaine nationale de sensibilisation au don d’organes et de tissus au Canada. Elle vise à sensibiliser la population à la nécessité de pouvoir compter sur un plus grand nombre de donneurs au pays. Elle s’est transformée en une campagne d’une durée d’un mois, et à juste raison.

Vous vous souviendrez tous que, le 6 avril 2018, 16 jeunes ont été tués et 13 autres, blessés dans l’accident d’autobus des Broncos de Humboldt. Selon la Société canadienne du sang, 99 742 personnes se sont inscrites au cours de ce mois d’avril seulement, à la suite de l’accident et après qu’on eut appris que l’une des victimes de ce tragique accident, Logan Boulet, qui avait signé une carte de donneur après son 21e anniversaire de naissance, quelques semaines auparavant, avait permis de sauver six vies.

Honorables sénateurs, une tragédie est toujours suivie d’espoir. Le projet de loi propose une méthode très simple et efficace pour accroître la taille du bassin de donneurs d’organes et de tissus au Canada.

Il propose de se servir du formulaire de déclaration de revenus annuelle pour demander aux Canadiens s’ils souhaitent, premièrement, s’inscrire au registre des donneurs d’organes et de tissus et, deuxièmement, s’ils consentent à ce que leurs coordonnées soient transmises à leur gouvernement provincial pour que celui-ci les inscrive au registre existant de leur province.

Le projet de loi propose de renforcer les pratiques provinciales en place pour la collecte de renseignements, plus précisément les données des registres en ligne, des permis de conduire et des cartes d’assurance-maladie. Ce projet de loi s’inspire de l’inclusion réussie, dans le formulaire de déclaration de revenus, de la question qui demande aux Canadiens s’ils veulent qu’Élections Canada reçoivent des renseignements à jour à leur sujet.

Nombre d’entre nous se demandent souvent combien coûtera une mesure donnée. Fait surprenant, je peux vous donner une réponse nette : 4 millions de dollars. D’ailleurs, c’était déjà prévu dans l’Énoncé économique de l’automne. À la page 116, sous la rubrique « Réponse du gouvernement au projet de loi C-316 concernant l’augmentation des dons d’organes », on constate que 4 millions de dollars sont réservés dans le budget de 2019-2020 pour que l’Agence du revenu du Canada obtienne le consentement des particuliers à partager des renseignements personnels avec les provinces et les territoires en vue de recevoir de plus amples données sur le processus pour devenir un donneur d’organes.

Des fonds ont déjà été réservés en prévision de l’adoption de ce projet de loi. Voilà qui montre à quel point on appuie ce projet de loi.

Tous les députés de la Chambre des communes sont également très favorables à ce projet de loi. Ils ont rapidement adopté ce projet de loi d’initiative parlementaire.

C’est maintenant à notre tour de l’adopter. Cependant, devons-nous nous contenter de l’adopter? Non. Nous devons exercer la diligence nécessaire et étudier le projet de loi en comité. Si des sénateurs ont des préoccupations, nous devons les entendre. Nous devons aussi suivre le processus législatif. Cependant, cela ne signifie pas que nous devons nous attarder indûment sur la question.

Honorables sénateurs, le temps presse, et c’est pour d’excellentes raisons. Un donneur peut sauver jusqu’à 8 vies grâce au don d’organes et améliorer la qualité de vie de 75 personnes grâce au don de tissus. C’est particulièrement important étant donné que plus de 4 500 Canadiens sont en attente d’une greffe. Même si 90 p. 100 des Canadiens sont favorables au don d’organes, seulement 25 p. 100 d’entre eux sont inscrits au registre. Le taux de dons d’organes au Canada figure parmi les plus faibles du monde industrialisé. Corrigeons cette situation.

Plus tôt ce mois-ci, ma province, la Nouvelle-Écosse, a permis l’établissement d’un système de consentement présumé de don d’organes. Je crois que c’est une première en Amérique du Nord. Une telle approche pourrait faire doubler le taux de dons. Nous verrons bien les résultats, mais c’est très encourageant.

D’ailleurs, lorsque j’étais directeur général de la section de la Nouvelle-Écosse de la Fondation canadienne du rein — on dirait que des millions d’années se sont écoulées depuis —, l’organisme a fait du lobbying auprès du gouvernement provincial de l’époque afin qu’il ajoute l’inscription aux dons d’organes sur le permis de conduire. Il avait accepté. Je tiens à remercier le sénateur Thomas McInnis qui était alors le ministre provincial des Transports. C’est lui qui a concrétisé l’entente. C’était formidable. Cette collaboration prouve que nous pouvons travailler ensemble. Il importe peu que nous ayons des allégeances politiques différentes.

Honorables sénateurs, toutes ces méthodes visent un but commun : augmenter le nombre de donneurs d’organes et de tissus. C’est un objectif louable, très louable même. Il est toujours bon d’avoir une approche diversifiée quand on souhaite agir pour sauver des vies.

Ce sera un plaisir de participer au débat et aux audiences du comité. Nous entendrons des témoins expliquer toute l’importance des dons d’organes et nous dire comment ce projet de loi pourrait sauver des vies.

Le parrain du projet de loi m’a indiqué qu’il faudrait l’adopter rapidement pour que l’option proposée puisse être ajoutée aux trousses de déclaration de revenus de l’an prochain. Selon l’Agence du revenu du Canada, si le projet de loi n’est pas adopté avant l’ajournement d’été, la question souhaitée ne sera pas ajoutée aux déclarations de revenus de 2019 et cette initiative importante sera retardée d’un an.

Je tiens à remercier le député Len Webber, dont l’excellent travail a permis de faire cheminer ce projet de loi jusqu’ici. Nous tenons aussi à rappeler que tous les partis de l’autre endroit appuient cette mesure.

À l’époque où j’étais directeur général de la Fondation du rein, j’ai eu le plaisir et l’honneur de rencontrer plusieurs personnes qui avaient reçu une greffe d’organe. J’ai aussi eu le plaisir de rencontrer beaucoup de gens qui étaient toujours sur la liste d’attente.

Je me rappelle un jeune homme de Nouvelle-Écosse qui venait du Cap-Breton. Il avait reçu successivement un rein de sa mère, puis de son père et enfin de sa sœur, mais les greffes n’avaient pas pris. Il a fini par recevoir un rein d’une victime d’un accident de la route et, cette fois, la greffe a tenu longtemps, ce qui lui a permis de vivre une vie raisonnablement productive.

Tout ce que veulent les gens comme lui, c’est de reprendre une vie normale. Ils ont de l’énergie et ils veulent faire des choses, mais, par malheur, leur handicap les en empêche et les empêche d’apporter leur contribution à la société.

Beaucoup de gens meurent pour toutes sortes de raisons, notamment à la suite d’un accident de la route. Leurs organes sont enterrés avec eux alors qu’ils pourraient sauver des vies, aider des gens à vivre une vie productive et garder des familles unies.

Lorsque j’étais directeur général de la Fondation canadienne du rein, j’ai eu le plaisir de rencontrer beaucoup de personnes qui attendaient une greffe. Cependant, c’était toujours un crève-cœur d’en voir perdre leur course contre le temps.

On a fait d’immenses progrès lorsque l’on a ajouté la carte de don d’organes au permis de conduire de la Nouvelle-Écosse. C’est à cette même époque que, à l’instar de toutes les autres provinces, la Nouvelle-Écosse a imposé le port de la ceinture de sécurité. Cette mesure a eu à la fois des avantages et des inconvénients. Côté avantages, elle sauvait des vies en cas de collision. Côté inconvénients, le fléchissement de la mortalité dans les accidents de la route réduisait le nombre de donneurs potentiels. Quoi qu’il en soit, il est important que les gens décident de faire don de leurs organes, le moment venu, et qu’ils annoncent leur intention à leur famille.

(1720)

C’est ce que j’ai fait. Les membres de ma famille m’ont aussi dit quelles sont leurs volontés lorsque le moment sera venu.

Honorables sénateurs, ce serait tout un honneur de voir cette option ajoutée à la déclaration de revenus de 2019. Ce serait aussi tout un honneur si un plus grand nombre de Canadiens se montraient disposés à sauver la vie des gens qui attendent une greffe.

Merci, honorables sénateurs.

L’honorable Ratna Omidvar : Sénateur Mercer, je vous remercie grandement d’avoir pris la parole au sujet de cette importante mesure législative. Comme bien d’autres personnes, nous avons tous des membres dans notre...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Aimeriez-vous poser une question?

La sénatrice Omidvar : Je vais ajourner le débat. Je ne fais que commencer, Votre Honneur. Le sénateur Mercer nous exhorte à adopter ce projet de loi très rapidement, et je veux lui dire que je crois en l’importance d’une adoption rapide, d’une bonne réflexion, d’un débat et d’un processus décisionnel, pas seulement pour le projet de loi à l’étude, en dépit de son urgence, mais aussi pour tous les autres articles inscrits au Feuilleton.

C’est dans cet esprit, Votre Honneur, que je propose l’ajournement du débat.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l’honorable sénateur Gold, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-344, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (retombées locales).

L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénateurs, je vous adresse la parole aujourd’hui afin de vous parler du projet de loi C-344, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux en ce qui a trait aux retombées locales.

J’aimerais souligner d’emblée mon appui à ce projet de loi et me positionner en faveur d’une stratégie d’attribution des marchés fédéraux qui tient compte des considérations socioéconomiques et des communautés canadiennes de l’est à l’ouest du pays.

Mon propos se tiendra en deux temps. Premièrement, je résumerai les principaux points du projet de loi en mettant de l’avant son caractère modeste et non contraignant. Deuxièmement, je ferai part d’exemples concrets qui font la preuve que, quand un gouvernement dépense intelligemment, tout le monde y gagne, tant les communautés que les promoteurs.

[Traduction]

Le projet de loi C-344 modifie le processus d’attribution des marchés fédéraux en créant un pacte socioéconomique tenant compte du développement durable dans les collectivités. Plus précisément, le projet de loi donne au ministre le pouvoir d’exiger que les soumissions pour des projets d’infrastructures du gouvernement fédéral contiennent de l’information sur les retombées locales que les travaux généreront.

[Français]

Le projet de loi définit les retombées locales comme étant des retombées sociales, économiques et environnementales générées à l’échelle locale par des travaux de construction, d’entretien ou de réparation, notamment la création d’emplois et les possibilités de formation, l’amélioration de l’espace public et toutes autres retombées précisées par la population locale.

Ainsi, le cadre législatif proposé dans ce projet de loi n’est aucunement contraignant ni restrictif quant aux pouvoirs du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux. La modification proposée à l’article 20 de la Loi sur le ministère Travaux publics et des Services gouvernementaux est modeste, mais est tout de même susceptible d’avoir un impact positif notable sur le bien-être des communautés.

[Traduction]

Le projet de loi donne au gouvernement la possibilité de faire appel aux talents locaux et de contrer la pénurie de main-d’œuvre annoncée en amont. Il garantit aussi que la richesse découlant des marchés fédéraux sera répartie plus équitablement.

En guise d’exemple, je vais vous faire part de certaines réussites associées au projet de reconstruction de quatre barrages hydro-électriques sur la rivière Mattagami dans le Nord de l’Ontario.

[Français]

Le projet de loi C-344 vise à ce que des ententes sur les avantages pour les communautés — que l’on appelle en anglais les « community benefit agreements » — soient mises de l’avant lorsqu’il s’agit de marchés fédéraux. L’exercice des pouvoirs discrétionnaires du ministère en vertu de l’article 20 de la loi lui permettra de devenir un leader dans la mise en œuvre de telles ententes. Ultimement, les ententes sur les avantages des communautés permettront aux collectivités de toucher leur juste part des investissements dans les infrastructures du gouvernement fédéral, en plus de promouvoir une société plus égalitaire. De toute évidence, il est primordial que le gouvernement fédéral considère le bien-être des gens qui seront le plus directement affectés par la réalisation de projets d’infrastructure dans leur communauté.

[Traduction]

Cela m’amène à mon deuxième point. Une des caractéristiques uniques des ententes sur les avantages pour les communautés est qu’elles prévoient des résultats tangibles et mesurables. Qui plus est, les avantages qu’il y a à tenir compte des intérêts socioéconomiques des populations locales et des considérations touchant au développement durable dans les stratégies d’acquisition d’un organe de gouvernance ont maintes fois été démontrés.

[Français]

D’abord, il est établi que l’attribution des marchés en fonction des retombées locales est liée à la réduction de la pauvreté, à la croissance du développement économique, à l’accès à des logements abordables et à l’atteinte des objectifs de développement durable, ce qui explique pourquoi plusieurs juridictions ont déjà emboîté le pas dans cette direction. Notons que cinq provinces canadiennes, soit la Nouvelle-Écosse, le Québec, l’Ontario, le Manitoba et la Colombie-Britannique, ont déjà intégré les objectifs socioéconomiques à leurs procédures d’approvisionnement, soit par la modification de leur législation ou par des changements dans leurs politiques et leurs pratiques. Par exemple, le gouvernement de l’Ontario a adopté la Loi de 2015 sur l’infrastructure au service de l’emploi et de la prospérité, et la Ville de Toronto a déjà adopté une politique et un programme d’approvisionnement social. Du côté du gouvernement fédéral, la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones, la SAEA, réserve d’office des occasions d’affaires afin d’encourager la participation d’entreprises autochtones au processus d’approvisionnement fédéral. Depuis 1996, ce programme fédéral a octroyé à des entreprises autochtones plus de 100 000 marchés d’une valeur totale de plus de 3,3 milliards de dollars. Permettez-moi, à ce moment-ci, de vous parler d’initiatives qui ont déjà été mises de l’avant et qui montrent les résultats positifs que vise le projet de loi C-344.

[Traduction]

Dans Downtown Eastside à Vancouver, la Ville de Vancouver et un entrepreneur du secteur privé ont conclu une entente sur les retombées locales pour relocaliser et agrandir un lieu de séjour et un casino urbains. Résultat? Plus de 20 p. 100 de la main-d’œuvre pour les travaux de construction est embauchée localement, quelque 75 millions de dollars sont dépensés dans l’économie locale et 1,5 million de dollars sont versés en salaires à plus de 500 employés locaux. Globalement, le projet devrait créer au moins 180 emplois ou l’équivalent de 8,5 millions de dollars en salaires pour les résidants de la collectivité.

Dans le Nord de l’Ontario, un montant de 2,6 milliards de dollars a été investi dans le projet hydroélectrique Lower Mattagami, qui consiste à réaménager quatre centrales hydroélectriques sur la rivière Mattagami. Pour que le projet fonctionne, les parties prenantes devaient conclure une entente pour pouvoir toutes y trouver leur compte.

Premièrement, on a conclu l’entente de partenariat Amisk-oo-Skow selon laquelle la Première Nation crie de Moose détient une participation de 25 p. 100 dans le projet.

Deuxièmement, les entreprises de la Première Nation ont obtenu pour plus de 300 millions de dollars en contrats de sous-traitance. Au plus fort des travaux de construction, 1 800 personnes travaillaient au projet, dont plus de 250 membres des Premières Nations et Métis.

Troisièmement, un programme de formation a été mis en place grâce auquel les travailleurs ont pu recevoir une formation en salle de classe et en cours d’emploi. Cette initiative est le fruit d’un effort concerté des fournisseurs, des syndicats des métiers de la construction, du gouvernement fédéral et du ministère de la Formation et des Collèges et Universités de l’Ontario. Directement lié à des occasions d’emploi de débutant et avancées pour les employeurs locaux, ce programme a été offert aux membres de la Première Nation crie de Moose, de la Première Nation Taykwa Tagamou, de la Première Nation Moocreebec et aux Métis du bassin inférieur de la rivière Moose.

Près de 70 apprentis ont obtenu leur titre aux étapes de construction civile du projet, dont des charpentiers, des chefs, des ouvriers, des opérateurs d’équipement lourd et de grue ainsi que des ferronniers, ce qui fera en sorte qu’il y aura des travailleurs des métiers spécialisés tout au long du projet de même que pour les projets d’infrastructure à venir.

[Français]

Le projet de la rivière Mattagami n’était pas régi par la Loi de 2015 sur l’infrastructure au service de l’emploi et de la prospérité de l’Ontario. Toutefois, il a été conçu en tenant compte des besoins des communautés locales en matière d’éducation, d’emplois et de prospérité à long terme et pour contrer la pénurie de main-d’œuvre en amont.

(1730)

Les exemples du casino de Vancouver et de la rivière Mattagami illustrent bien mes propos du début de mon discours, alors que je disais que, quand un gouvernement dépense intelligemment, tout le monde y gagne, tant les communautés que les promoteurs. Plusieurs secteurs profitent des retombées locales générées par ces ententes, notamment pour ce qui est de la création d’emplois, de la formation d’apprentis, de la construction de logements abordables ou de l’éducation, en plus de bénéficier aux membres des groupes démographiques sous-représentés au sein des métiers spécialisés, comme les femmes et les Autochtones.

[Traduction]

Résultat : les ententes sur les retombées locales dans l’attribution des projets fédéraux créent des possibilités socioéconomiques pour les collectivités, de même que des incidences environnementales. Ces ententes jettent les fondements d’un partenariat entre les collectivités et les promoteurs. En ce sens, le projet de loi C-344 favorise la vitalité et la durabilité de nos collectivités.

[Français]

En conclusion, bien qu’on puisse tenter de mesurer les succès de ces initiatives d’un point de vue strictement financier, le retour global sur l’investissement dans un projet d’infrastructure fédéral qui prend en compte les retombées locales surpasse de loin ce qui est quantifiable d’un point de vue économique. Qu’il s’agisse de donner une occasion d’emploi à une personne qui n’aurait pas eu cette chance autrement, ou encore de favoriser le développement durable pour les générations à venir, le dollar investi dans un projet d’infrastructure qui prend en compte les retombées locales travaille beaucoup plus fort et va beaucoup plus loin que le dollar investi dans un projet d’infrastructure dépourvu de sens pour les communautés.

[Traduction]

Encore là, le projet de loi donne un sens au fédéralisme canadien en mettant au premier plan la pertinence et l’importance, pour le gouvernement fédéral, de tenir compte des spécificités et des besoins des régions. C’est un moyen de promouvoir une société plus équitable de même que les avantages en amont de distribuer équitablement les occasions d’affaire au Canada, plutôt que d’observer l’élargissement des inégalités une fois le fait accompli, avec tous les problèmes que cela implique pour notre société.

[Français]

Le gouvernement fédéral devrait agir en qualité de leader dans ce domaine, et le projet de loi C-344 est un premier pas dans cette direction. J’invite donc mes collègues à étudier le projet de loi C-344 en comité, dans une perspective orientée vers l’avenir et à l’écoute des besoins de nos communautés.

Je vous remercie de votre attention.

(Sur la motion de la sénatrice Bellemare, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

Hon. Frances Lankin propose que le projet de loi C-375, Loi modifiant le Code criminel (rapport présentenciel), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, le projet de loi C-375 modifierait le Code criminel et il porte sur le rapport présentenciel que produisent les agents de probation. J’y reviendrai.

J’aimerais tout d’abord remercier le parrain du projet de loi, le député de Richmond Hill, Majid Jowhari. J’ai été renversée par sa fougue et par l’énorme intérêt qu’il voue aux propositions contenues dans ce texte législatif.

Ce projet de loi porte sur les rapports présentenciels que rédigent les agents de probation. Avant d’aller plus loin, prenons un instant pour voir ce que dit présentement le Code criminel à ce sujet. Je vous en lis l’article 721, qui est intitulé « Rapport de l’agent de probation » :

a) l’âge, le degré de maturité, le caractère et le comportement du délinquant et son désir de réparer le tort;

b) sous réserve du paragraphe 119(2) de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, les antécédents du délinquant en ce qui concerne les décisions rendues en application de la Loi sur les jeunes contrevenants, chapitre Y-1 des Lois révisées du Canada (1985), et les peines imposées en application de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ou les déclarations de culpabilité prononcées en application de la présente loi ou d’une autre loi fédérale;

c) les antécédents du délinquant en ce qui concerne les mesures de rechange qui lui ont été appliquées et leurs effets sur lui;

d) les autres renseignements qui doivent figurer dans le rapport aux termes des règlements d’application du paragraphe (2).

Comme je l’ai mentionné, selon l’alinéa a), le tribunal doit tenir compte de l’âge, du degré de maturité, du caractère et du comportement du délinquant et de son désir de réparer le tort. Le projet de loi modifierait cette disposition en ajoutant l’alinéa a.1) et il ajouterait à la liste des exigences dont il faut tenir compte tout aspect de l’état mental du délinquant qui est pertinent quant à la détermination de la peine, ainsi que les services et le soutien en matière de santé mentale à sa disposition.

Je tiens à prendre du recul un instant. C’est assez simple, il ne s’agit que d’une seule disposition, mais il y a une histoire derrière elle. Ce projet de loi s’attaque à l’intersectionnalité entre santé mentale et taux d’incarcération. Bon nombre d’entre nous — je dirais la plupart d’entre nous — ont probablement connu un membre de leur famille ou de leur collectivité ou un ami qui a subi des problèmes de santé mentale, ou ils en ont peut-être subi eux-mêmes. Nous connaissons tous quelqu’un qui a eu du mal à composer avec la maladie, avec les préjugés, avec notre capacité d’en parler en tant que personne qui souffre et avec la façon dont la société a géré cette maladie au fil des ans. Heureusement, la situation est en train de changer. Il reste encore beaucoup à faire, mais la situation change.

À une certaine époque, avant que nous ayons les perceptions modernes d’aujourd’hui, on parlait de folie. Par exemple, quelqu’un de mon bureau m’a dit que l’œuvre de Shakespeare est truffée de ce terme.

L’histoire est marquée d’épisodes où des États ont appliqué une biopolitique. On parle aussi de biopouvoir. On n’a qu’à penser aux périodes d’institutionnalisation aux fins de stérilisation. Au fil du temps, il y a eu toute une gamme d’interventions de ce genre, ainsi que certains types de thérapies intrusives.

Des progrès ont finalement été réalisés dans les domaines de la psychiatrie, de la psychologie et de la psychanalyse. Nous mettons au point d’autres mécanismes d’adaptation pour traiter les traumatismes, d’abord ceux du siècle dernier et maintenant ceux qui sont liés à la guerre moderne et à la violence dans nos collectivités, nos foyers et nos institutions religieuses.

Il existe aujourd’hui divers services de santé mentale, mais j’ajouterais qu’il n’y en a certainement pas assez. Il y a une dominance controversée des produits pharmaceutiques. Beaucoup de vies sont abandonnées à la pauvreté. De nombreuses personnes atteintes d’une maladie mentale sont judiciarisées.

Ce simple amendement ne sort pas de nulle part. La société a une longue histoire de réactions complexes à la maladie mentale. Nous avons l’habitude d’accoler des étiquettes aux personnes atteintes d’une maladie mentale et de les changer, de contrôler et d’ignorer ces gens, et de contribuer à l’amélioration ou la détérioration de leur santé mentale.

Il y a un certain nombre d’initiatives et de projets de loi, entre autres, qui font réfléchir sur l’héritage que laissera notre génération dans le domaine de la santé mentale, pour ce qui est de l’efficacité de l’aide et des traitements que nous offrons à ces malades.

En ce qui concerne la judiciarisation, les statistiques sont plutôt renversantes. J’aimerais d’abord citer le Centre de toxicomanie et de santé mentale, qui affirme que les maladies mentales sont de quatre à sept fois plus répandues dans la population carcérale que dans l’ensemble de la population. Selon la Société Elizabeth Fry, la majorité des femmes actuellement incarcérées souffrent d’un problème de santé mentale ou d’un traumatisme. D’après Service correctionnel Canada, pendant une période qui s’étend sur cinq exercices, soit de 2011-2012 à 2015-2016, il y a eu en moyenne 58 décès par année dans la population carcérale. Un peu plus de la moitié de ces personnes sont mortes de causes naturelles. Cependant, parmi les personnes qui ne sont pas mortes de causes naturelles, le suicide est la cause de décès la plus répandue.

(1740)

Ce projet de loi vise propose une façon modeste d’aider à reconnaître les problèmes de santé mentale et à envisager des traitements, des programmes, de l’aide et, à mon sens, d’autres solutions que l’incarcération, ce qui exigerait une réforme plus vaste dont je vais parler dans un instant.

Le lien entre les problèmes de santé mentale et l’incarcération est évident. La corrélation est très importante. Nous allons étudier un autre projet de loi, le C-83, qui porte sur l’isolement préventif ou l’isolement cellulaire. L’étude de ce projet de loi met en lumière de nombreux problèmes concernant la santé mentale des détenus et l’aide qui est offerte — ou plutôt qui n’est pas offerte — à ces gens qui se retrouvent isolés, ce qui ne fait qu’aggraver leur traumatisme et leurs problèmes de santé mentale.

Je vais faire quelques observations au sujet du projet de loi C-83, car, comme je l’ai dit, le projet de loi à l’étude est un simple pas dans la bonne direction, mais il doit s’inscrire dans une plus vaste réforme.

Quels sont les objectifs du projet de loi? Il établira une approche uniforme à l’échelle nationale pour signaler et aborder les problèmes de santé mentale au tribunal. Le rapport présentenciel d’un agent de probation qui rencontre le délinquant, la personne qui a été accusée et ensuite condamnée, est utilisé pour la détermination de la peine. L’agent de probation rencontrera les membres de la famille, de la communauté et toute personne avec qui le délinquant a des rapports. Cela variera selon l’individu, la situation, l’agent de probation et l’approche adoptée dans une province donnée.

J’aborde la question en tant qu’ancienne agente de probation. J’aimerais croire que c’est la principale raison pour laquelle on m’a demandé de parrainer ce projet. La vraie raison est que le premier sénateur qu’on a approché a refusé. J’étais la deuxième sur la liste, mais je suis fière de le faire.

Le projet de loi codifiera une pratique qui existe déjà dans certaines provinces, mais pas toutes. Je pense que c’est un problème. Je sais qu’en Ontario, c’est dans l’usage. J’ai moi-même écrit de tels rapports présentenciels. Je sais qu’en Nouvelle-Écosse et en Colombie-Britannique, il existe des approches semblables, mais pas dans toutes les provinces. Je ne dispose pas d’une liste exhaustive.

Je dis aux sénateurs des provinces où il n’y a pas d’approche systématique qu’on tient compte de la question de l’égalité de traitement des personnes ayant des troubles de santé mentale, question qui relève de la Charte. Pensons au nombre de discours qu’ont prononcés les honorables sénateurs concernant le manque de ressources dans certaines parties du Canada et à ce que cela signifie pour l’égalité de traitement. Le système de justice doit protéger, promouvoir et garantir l’égalité de traitement. Je dirais qu’il y a également une perspective régionale et un rôle régional pour les sénateurs qui étudient la question.

Quand j’ai accepté de parrainer ce projet de loi au Sénat, bien sûr, nous avons procédé à nos propres consultations. Je peux dire que les agents de probation, leur association et leurs dirigeants, ainsi que le Centre de toxicomanie et de santé mentale, appuient fortement l’intention du projet de loi, mais tout le monde a parlé des réformes plus larges qui sont nécessaires pour que ce soit une contribution réussie à l’administration de la justice. On peut rédiger un rapport qui dresse l’historique des troubles de santé mentale et qui émet des recommandations quant aux programmes, ou bien qui souligne le fait qu’il n’y a aucun programme disponible. Cela répondrait à ce que prévoit le projet de loi, mais sans aller plus loin. Nous devons songer à une réforme plus large.

Dans le système actuel, et c’est un autre sujet que nous aborderons lors du débat sur le projet de loi C-83, les gens atteints de troubles mentaux sont stigmatisés, ce qui peut les amener à être perçus et traités différemment, à être considérés comme un risque pour leur propre santé ou celle des autres détenus de l’établissement et à être placés en isolement.

En fait, je vous ai donné des statistiques sur les taux d’incarcération des personnes atteintes de troubles mentaux et de maladies mentales. Je ne dispose pas de données pour prouver ce que j’avance — et j’espère que ce sujet sera soulevé au comité —, mais en réalité, ces personnes sont plus susceptibles d’être placées en isolement dans une cellule, ce qu’on appelle désormais « isolement » tout court et qu’on désignera bientôt par un autre nom si le projet de loi C-83 est adopté. Ces personnes sont essentiellement mises en isolement pendant la majorité de la journée, sans accès suffisant à des services de soutien, à des programmes et à d’autres êtres humains. Cela ne fera qu’empirer la situation, ce que je crois que la plupart des personnes comprendraient intuitivement, mais que viennent aussi confirmer des données probantes.

J’aimerais parler des réformes globales, car, au cours des discussions et des consultations, nous avons aussi discuté avec le parrain du projet de loi de certains des problèmes qui pourraient être réglés au moyen d’amendements. Après avoir entendu les témoignages devant le comité, nous collaborons avec son bureau en vue de proposer des amendements et des options que le comité pourra examiner. Nous travaillons aussi avec la sénatrice Pate et son bureau. Nous tirons profit des vastes connaissances et de la grande expérience qu’elle a acquises au sujet de l’incarcération de membres de populations vulnérables.

Comme je l’ai dit, bon nombre de ces personnes se retrouvent en isolement ou sont classées au niveau de sécurité maximale en raison de la stigmatisation dont elles font l’objet et ne sont pas nécessairement dirigées vers des programmes de soutien pouvant servir de solutions de rechange. En outre, il faut veiller à ce que l’établissement où elles sont incarcérées offre des programmes de soutien et de traitement adéquats.

Souvent, nous constatons qu’il s’agit des personnes qui ont les besoins les plus grands. Lorsqu’une personne est en isolement préventif — présentement, c’est 24 heures par jour, bientôt ce sera peut-être 22 heures, si j’ai les bons chiffres —, elle est seule et isolée et ne voit possiblement que les gardiens qui lui apportent les repas et les professionnels de la santé qui viennent constater son état une fois par jour, sans nécessairement vérifier comment se porte sa santé mentale ni lui offrir de soins en santé mentale. En quoi est-ce bénéfique lorsqu’on constate que les personnes atteintes de maladies mentales se retrouvent souvent avec le pire accès aux programmes?

Il est arrivé à l’occasion qu’on remarque que certains juges qui veulent bien faire, lorsque la peine est de deux ans moins un jour ou lorsqu’ils ont une certaine latitude, décident de prolonger un peu la peine afin que la personne se retrouve dans un établissement fédéral, en raison du mythe voulant qu’il y ait plus de ressources dans ces établissements que dans les établissements provinciaux.

Je me penche aussi sur le syndrome de stress post-traumatique et la blessure morale. À mon avis, l’une des choses que nous avons apprises, c’est la fréquence des mauvais diagnostics et leurs conséquences tragiques. Dans ce cas, les gens reçoivent un diagnostic de trouble de la personnalité limite ou antisociale qui est parfois perçu comme plus difficile à soigner que le stress post-traumatique et la blessure morale, lesquels peuvent être traités efficacement avec le soutien approprié. Cet aide se trouve souvent dans la collectivité. Il existe un merveilleux programme situé près d’Ottawa, le Project Trauma Support. Je vous encourage à aller le visiter. Il produit des résultats phénoménaux, principalement auprès des premiers intervenants, des militaires, des policiers et d’autres personnes au métier similaire. Il offre aussi d’autres services à plus large portée.

Tant que certaines questions ne seront pas réglées à l’aide d’une vaste réforme, nous ne devons jamais oublier qu’il faut protéger contre la stigmatisation les gens aux prises avec un trouble de santé mentale lorsque nous étudions tous les projets de loi.

Que ferons-nous pour aider les personnes ayant des problèmes de santé mentale à éviter les démêlés avec la justice dès le début? Quelle approche préventive adoptons-nous? Il faut absolument prévoir plus de ressources, établir des plans de transition à long terme et s’attaquer à la crise qui s’aggrave. De plus en plus de gens souffrent de toutes sortes de traumatismes mentaux qui entraînent des maladies et des troubles.

Diverses recommandations ont été formulées. Comme je l’ai mentionné, nous travaillons avec le bureau du député et tirons partie des connaissances de la sénatrice Pate pour élaborer des options qui seront proposées à l’étape de l’étude en comité, qui aura lieu, j’espère.

Il faut exiger non seulement qu’on prenne en considération la santé mentale dans le rapport, mais aussi que le tribunal tienne compte des programmes de santé mentale. Il ne suffit pas d’indiquer quels programmes sont disponibles; il faut aussi exiger que l’on considère un traitement adéquat pouvant servir de solution de rechange à l’incarcération. Selon moi, c’est possible dans bien des cas.

(1750)

Je dois mentionner que, quand j’étais agente de probation — après avoir été gardienne de prison —, il nous arrivait de nous dire : « Ce n’est pas un endroit pour les gens malades; ce n’est pas un endroit où on peut obtenir des soins et de l’aide. » Les gens doivent être acheminés vers les bonnes ressources, que ce soit des ressources du milieu hospitalier ou du milieu communautaire. Il y a tout un éventail de possibilités.

Certains changements plus généraux dépassent probablement la portée de ce projet de loi, mais ils sont nécessaires pour rediriger ces personnes ou faire le pont — comme l’a dit la sénatrice Pate — vers des solutions de soins communautaires.

Nous pouvons nous inspirer de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, qui exige que des solutions de rechange soient envisagées lorsque des problèmes de santé mentale sont en cause. Il faut aussi tenir compte des questions liées au consentement à l’utilisation de cette information ou aux droits de l’individu à la protection de la vie privée. C’est une chose qu’il faut comprendre.

Nous devons nous pencher sur la recommandation voulant que les juges soient tenus de donner les motifs qui les ont amenés à opter pour l’emprisonnement plutôt que d’autres solutions et, bien entendu, sur les exceptions aux peines minimales obligatoires dans les cas où des problèmes de santé mentale ont mené au crime.

On nous a fait part, au sujet du projet de loi, de préoccupations qui, fondamentalement, dénotent une volonté d’offrir du soutien, de reconnaître que la maladie mentale est un facteur et de proposer des choix de traitements adéquats ainsi que des solutions de rechange à l’incarcération et à l’attribution d’une cote de sécurité maximale ou à l’isolement dans les cas où ces solutions semblent maintenant appliquées automatiquement. Nous proposerons ces types d’options. Nous pourrons ainsi interroger les témoins qui comparaîtront à propos de ces questions.

Nous travaillons avec le député de Richmond Hill au-delà de toute partisanerie et nous pensons qu’il y a de très graves problèmes qui touchent directement d’innombrables Canadiens et qu’ils méritent l’attention du Sénat.

Pour conclure, je veux revenir au député de Richmond Hill, qui a présenté ce projet de loi. Il m’a parlé de ses expériences personnelles, de sa famille et d’autres personnes qu’il connaît et qui n’ont pas reçu l’aide adéquate, qui ont fini dans un établissement abritant des criminels, qui n’ont pas réussi à obtenir l’aide dont elles avaient besoin à ce moment-là et dont l’état mental s’est aggravé. Si nous intervenons tôt, tout cela est en partie évitable.

À l’étape de la deuxième lecture, j’appuie ce projet de loi en principe. Je reconnais qu’il y a des questions à propos desquelles nous voudrons entendre certaines personnes et que nous voudrons peut-être régler en proposant des amendements au comité. Je recommande vivement aux honorables sénateurs de ne pas perdre de vue que ce projet de loi est lié à une réforme plus vaste et à certaines mesures législatives du gouvernement, comme le projet de loi C-83. Merci beaucoup.

(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)

Régie interne, budgets et administration

Trente-huitième rapport du comité—Débat

Le Sénat passe à l’étude du trente-huitième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, intitulé Processus de recommandation – Greffier du Sénat et greffier des Parlements, présenté au Sénat le 21 mars 2019.

L’honorable Sabi Marwah propose que le rapport soit adopté.

—Honorables sénateurs, le 6 décembre 2018, le Sénat a demandé au Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration de recommander un processus par lequel le Sénat pourrait soumettre au gouverneur en conseil sa recommandation sur la nomination d’une personne ou d’une liste de personnes possédant les compétences et les capacités nécessaires pour occuper le poste de greffier du Sénat et de greffier des Parlements.

Le comité a examiné la question et a recommandé que les membres du comité directeur du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration dirigent, de concert avec le Président du Sénat et avec l’aide d’une firme de cadres, un processus de sélection à l’issue duquel le nom d’un candidat ou une liste de candidats sera soumis par le Sénat au gouverneur en conseil. Merci.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : L’honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Acceptez-vous de répondre à une question, sénateur Marwah?

Le sénateur Marwah : Oui.

Le sénateur Harder : J’aurais une question ou deux à vous poser, sénateur Marwah. Comme vous l’avez indiqué dans votre éloquent discours, l’emploi du greffier du Sénat est régi par la législation, soit l’article 130 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, qui prévoit la nomination du greffier par le gouverneur en conseil. Or, les nominations du gouverneur en conseil sont faites par le gouverneur général sur l’avis du Conseil privé de la Reine qui, comme le sénateur le saura, est le Cabinet. En vertu de la Loi d’interprétation, le gouverneur en conseil a d’autres droits par rapport à la nomination dudit personnel, y compris le droit de congédiement.

Est-ce que le comité a sollicité des avis juridiques, étant donné que la proposition soulève d’importants enjeux dans le domaine juridique?

Le sénateur Marwah : Je vous remercie de votre question, sénateur. Le comité s’est demandé s’il serait indiqué d’inviter, comme témoins, des membres du Conseil privé ou l’ancien greffier du Sénat, ou encore d’obtenir des avis juridiques. Il a toutefois décidé de ne pas le faire.

Le sénateur Harder : J’aurais une autre question.

À la lumière de votre première réponse, et comme il s’agit d’un enjeu important, je demanderai un avis juridique et je le transmettrai au Sénat quand j’interviendrai au sujet de la motion.

Comme vous l’avez indiqué, l’influence de ce poste ne se limite pas au Sénat. Le greffier des Parlements a des fonctions relatives aux relations avec l’autre endroit. J’aimerais savoir si le comité sénatorial a consulté des gens de l’extérieur du Sénat au sujet du rôle qui reviendrait au greffier du Sénat à titre de greffier des Parlements.

Le sénateur Marwah : Je vous remercie de votre question, sénateur.

Comme je l’ai mentionné, le comité a décidé de ne pas entendre le témoignage de membres du Conseil privé ni de l’ancien greffier du Sénat, et de ne pas demander d’avis juridique. Nous avons jugé qu’il serait bon de débattre de cet enjeu au Sénat, un contexte dans lequel les sénateurs examineront sûrement toutes les questions et préoccupations pertinentes.

Le sénateur Harder : Merci.

L’honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l’opposition) : Merci, honorables collègues.

Je suis heureux d’intervenir au sujet de cette motion, que j’ai proposée et que j’appuie, en collaboration avec la sénatrice Saint-Germain.

J’ai proposé cette motion dans l’esprit d’indépendance qui caractérise le Sénat. Je ne pense certainement pas à l’indépendance comme la perçoit le premier ministre actuel, mais plutôt à l’indépendance innée du Sénat. Nous sommes investis de cette indépendance parce que nous siégeons au Sénat jusqu’à l’âge de 75 ans. Nous sommes aussi investis de l’indépendance propre aux législateurs, qui nous permet d’agir comme nous le jugeons à propos au nom des régions et des districts que nous représentons.

En tant que greffier en chef de cette institution, le greffier du Sénat et greffier des Parlements fournit évidemment des conseils au Président, aux dirigeants du Sénat et à tous les sénateurs. Aux termes de la Loi sur le Parlement du Canada, la tradition du Sénat veut que le greffier soit nommé par décret, sur l’avis et la décision du Conseil privé et du premier ministre...

[Français]

(1800)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je regrette de vous interrompre, sénateur Housakos, mais, comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je dois quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, à moins que nous consentions à l’unanimité à ne pas tenir compte de l’heure. Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l’heure?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : J’entends un « non ». Nous allons donc reprendre la séance à 20 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

Trente-huitième rapport du comité—Ajournement du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Marwah, appuyée par l’honorable sénateur Day, tendant à l’adoption du trente-huitième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, intitulé Processus de recommandation – Greffier du Sénat et greffier des Parlements, présenté au Sénat le 21 mars 2019.

L’honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, j’ai bien l’intention d’être bref à ce sujet. Après tout, j’ai toujours présumé qu’il y avait un certain consensus sur cette motion, qui, de toute évidence, ne vise qu’à renforcer l’indépendance de cette institution.

C’est pour favoriser l’esprit d’indépendance que la sénatrice Saint-Germain et moi avons déposé la motion.

Bien sûr, il n’y a rien de plus important que le rôle du greffier du Sénat et greffier des Parlements dans cette institution. Le greffier assiste le Président dans son travail et l’aide à remplir son mandat. Il aide aussi les leaders de tous les caucus ainsi que l’ensemble des sénateurs. Il est au service du Sénat, une institution qui fait partie intégrante du système parlementaire canadien. Nous savons tous que, traditionnellement, le Conseil privé et le cabinet du premier ministre nomment le greffier du Sénat et greffier des Parlements. Cela ne veut pas nécessairement dire que cette façon de faire est bonne.

Au cours des dernières années, nous avons évolué et travaillé très fort pour rendre le Sénat transparent et responsable, et je crois que cette motion, à défaut d’autre chose, permet essentiellement de bonifier le rôle du greffier du Sénat et greffier des Parlements et de faire en sorte qu’il puisse jouir de son indépendance plutôt que de rester redevable à la personne qui a mené son entrevue et l’a approuvé.

Maintenant, après avoir entendu les remarques du président du Comité de la régie interne, le leader du gouvernement a évidemment posé une question au sujet de la légalité de l’initiative et lui a demandé ce que le Sénat a fait pour vérifier qu’elle respectait les normes juridiques. Au bout du compte, le Sénat est une Chambre du Parlement. Nous faisons des lois dans ce pays. Nous édictons les lois du Canada. Ce n’est pas le pouvoir exécutif qui dicte les lois au Sénat.

De plus, je tiens également à corriger le leader du gouvernement et à lui signaler que le greffier du Sénat est le greffier du Sénat, et que même s’il porte le titre de greffier des Parlements, il n’a aucun rôle administratif à la Chambre des communes. Bien sûr, sénateur Harder, le terme « greffier des Parlements » réfère à la durée du Parlement parce que, bien sûr, c’est la Chambre haute qui ouvre une nouvelle législature et ferme l’ancienne. Voilà pourquoi le greffier du Sénat et greffier des Parlements porte ce titre. D’un point de vue administratif, ses responsabilités n’empiètent d’aucune façon sur celles du greffier de la Chambre des communes.

Je crois que c’est la chose la plus sage à faire pour nous. Nous allons mettre en place un processus de vérification approuvé par la Régie interne, en tenant compte, évidemment, du rôle du Président et de sa participation dans le processus.

Je ne pense pas que nous soyons si préoccupés par le processus en tant que tel. C’est plutôt le symbolisme qui, je pense, contribuera à donner une indépendance complète et incontestable au poste et au rôle.

De plus, monsieur le leader du gouvernement, avec tout le respect que je vous dois, si le premier ministre du Canada peut accepter les conseils d’un comité consultatif indépendant pour nommer des sénateurs, il peut certainement écouter les conseils de la Chambre haute du Parlement lorsqu’il est question de recommander des candidats pour un poste qui sert exclusivement le Parlement. Le greffier du Sénat n’est en aucun cas un agent du pouvoir exécutif.

Pour toutes ces raisons, je crois qu’il ne s’agit que d’une étape modeste vers un processus continu d’indépendance. Je tiens aussi à indiquer au leader du gouvernement que nous ne sommes pas pressés d’aller de l’avant dans ce dossier. Nous avons suivi le processus, et il semble que nous devrons attendre encore quelques mois. En définitive, ce n’est peut-être même pas votre gouvernement qui devra régler ce problème. C’est probablement un autre gouvernement qui devra s’en occuper. Je peux vous assurer, sénateur Harder, que la position que j’ai aujourd’hui par rapport à l’importante indépendance de ce poste alors que je suis dans l’opposition est la même que lorsque j’occupais un autre poste au sein d’un autre gouvernement et elle sera la même après l’assermentation du nouveau gouvernement en automne.

Je n’ai vraiment rien de plus à ajouter. J’espère que le Sénat appuiera cette motion à l’unanimité. Je crois qu’elle est très sensée et que nous pouvons continuer à aller de l’avant. Merci.

L’honorable Pierrette Ringuette : Le sénateur Housakos accepterait-il de répondre à quelques questions?

Le sénateur Housakos : Oui.

La sénatrice Ringuette : Sénateur Housakos, dans les dossiers comme celui-ci, on se reporte normalement à la mère de tous les Parlements, au Royaume-Uni, où l’on trouve notamment la Chambre des lords. Le comité a-t-il effectué des recherches sur la Chambre des lords et sa façon de faire avec le greffier de la Chambre des lords?

Le sénateur Housakos : Selon moi, il n’a jamais été nécessaire de le faire. Personne n’a soulevé la question. Vous vous rappellerez que la motion a reçu un appui unanime quand elle a été présentée au Sénat et renvoyée au Comité de la régie interne. Je suis le premier à défendre le respect des processus et des procédures du modèle de Westminster. C’est la pierre d’assise de notre Parlement, mais nous ne sommes pas tenus de nous y conformer si le Sénat décide à l’unanimité de modifier un processus pour se donner plus d’indépendance.

De plus, nous savons tous que, dans le modèle de Westminster, l’exécutif a beaucoup de pouvoir. Il y a le côté du gouvernement et celui de l’opposition, et les deux ont leur raison d’être, mais dans ce cas en particulier, je ne crois pas que le greffier des Parlements puisse être considéré comme un instrument du gouvernement. Il n’a aucun effet sur le gouvernement. Le premier ministre actuel a complètement bafoué le principe de l’indépendance. Il prétend avoir nommé des sénateurs indépendants. Je ne vois pas le problème. Il ne serait même pas question d’une indépendance accrue. Pourquoi serait-il problématique que le premier fonctionnaire du Sénat, qui est au service des sénateurs, soit choisi par les sénateurs et que sa nomination soit approuvée par eux?

La sénatrice Ringuette : Monsieur le sénateur Housakos, le principe que nous observons sur la Colline du Parlement relativement au greffier de l’une ou l’autre des Chambres n’est pas différent de ce qui se fait au niveau provincial. Par exemple, au Nouveau-Brunswick, le gouvernement en conseil nomme le greffier de l’Assemblée législative. Avez-vous regardé ce que font les assemblées législatives?

Nous devons faire des recherches avant d’aller de l’avant. On dirait que peu de recherches ont été faites.

En ce qui concerne les assemblées législatives provinciales, si vous pensez que ce que vous proposez actuellement pour le Sénat devrait être la règle, enverriez-vous une lettre à Jason Kenney pour lui dire que le gouvernement qu’il vient de former devrait demander à l’Assemblée législative de l’Alberta de sélectionner son propre greffier?

(2010)

Le sénateur Housakos : Sénatrice Ringuette, le Sénat est suprême, tout comme le sont l’ensemble des assemblées législatives du pays. Nous ne pouvons pas imposer notre volonté au premier ministre Kenney. Nous ne pouvons pas nous plus dicter la conduite de la Chambre des communes, mais il nous incombe de décider ce que le Sénat fait.

Je n’ai pas besoin d’effectuer des recherches pour reconnaître comment le modèle de Westminster fonctionne au Canada. Des recherches ne sont pas non plus nécessaires pour comprendre que, dans le cadre de ce modèle, à l’échelle du pays, il y a un parti au pouvoir et une opposition. Le Sénat a décidé de tenter une nouvelle expérience...

La sénatrice Ringuette : Nous n’avons pas d’opposition.

Le sénateur Housakos : Si je peux conclure, sénatrice, le Sénat a décidé de tenter l’expérience de former des groupes indépendants. Nous avons pris cette décision. Nous avons accepté que des sénateurs siègent comme sénateurs indépendants et assument un rôle qui n’existait pas dans le modèle de Westminster. D’après votre question et sa prémisse, nous devrions nous pencher de près sur l’expérience que nous menons depuis deux ans afin de déterminer si notre modèle est semblable à celui d’autres assemblées provinciales et, évidemment, au modèle de Westminster et de la Chambre des lords. Si ce n’est pas le cas, je suppose que nous ne devrions pas adopter certaines réformes que le premier ministre Trudeau a voulu imposer à notre Sénat. Cependant, nous savons nous adapter. Nous sommes ouverts aux suggestions. Nous sommes prêts à rendre notre Sénat aussi transparent et responsable que possible. Dans le cas qui nous occupe, le fait de choisir notre greffier selon un processus indépendant ne fait que s’inscrire dans le principe de responsabilité et de transparence, que vous appuyez sans doute.

L’honorable Terry M. Mercer (leader adjoint des libéraux au Sénat) : Je propose l’ajournement du débat au nom du sénateur Day.

Son Honneur le Président : Juste un instant, s’il vous plaît.

Sénateur Housakos, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Housakos : Absolument.

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Sénateur, j’aimerais mieux comprendre ce que propose le rapport du Comité de la régie interne. Si je comprends bien, on propose un processus par lequel le Sénat pourrait soumettre au gouverneur en conseil sa recommandation sur la nomination au poste de greffier, en collaboration avec le Président. Par ailleurs, est-ce que je comprends bien que cela ne change pas la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, qui prévoit, à l’article 130, que le gouverneur en conseil nomme le greffier du Sénat?

Le sénateur Housakos : Cela ne touche pas la loi. Ultimement, c’est le premier ministre qui a le mot final. Le processus qu’on est en train de mettre en place vise à donner des pouvoirs au Comité de la régie interne et au Comité de sélection, avec, à ma connaissance, un représentant du bureau du Président — ce qui est tout à fait normal, puisque le greffier du Sénat travaille de près avec le Président. Ce n’est pas plus compliqué que cela, et cela ne touche pas la loi existante.

(Sur la motion du sénateur Mercer, au nom du sénateur Day, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Le Sénat

Motion concernant l’infrastructure de Terre-Neuve-et-Labrador—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Doyle, appuyée par l’honorable sénateur Tannas,

Que le Sénat encourage le gouvernement du Canada à travailler avec le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, la seule province dont les centres de population majeurs ne sont pas physiquement liés à la partie continentale du Canada, pour évaluer la possibilité de construire un tunnel pour relier l’île de Terre-Neuve au Labrador et à la Côte-Nord du Québec, dans le but de favoriser un plus grand développement économique dans le nord-est du Canada et de renforcer davantage l’unité nationale, y compris la possibilité de recourir aux fonds du programme d’infrastructure pour ce travail;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’informer de ce qui précède.

L’honorable Ratna Omidvar : Cet article est à son 14e jour, mais je ne suis pas tout à fait prête à en parler. Je propose donc que le débat soit ajourné à mon nom pour le temps de parole qu’il me reste.

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, le débat est ajourné.)

Affaires juridiques et constitutionnelles

Motion tendant à autoriser le comité à étudier certaines questions liées à l’ancienne ministre de la Justice et procureure générale du Canada et à inviter des témoins—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Plett, appuyée par l’honorable sénateur Wells,

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les allégations graves et troublantes voulant que des personnes au sein du cabinet du premier ministre aient tenté de faire pression sur l’ancienne ministre de la Justice et procureure générale du Canada, l’honorable Jody Wilson-Raybould, C.P., députée, et d’entraver son indépendance, pouvant ainsi porter atteinte à l’intégrité de l’administration de la justice;

Que, dans le cadre de cette étude, et sans limiter le droit du comité d’inviter d’autres témoins s’il le juge opportun, le comité invite l’honorable Jody Wilson-Raybould, C.P., députée;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 15 juin 2019;

Que le comité conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, je propose que le débat soit ajourné à mon nom.

(Sur la motion de la sénatrice Ringuette, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi sur la Banque du Canada

Interpellation—Ajournement du débat

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), ayant donné préavis le 21 février 2019 :

Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur la nécessité de revoir la Loi de la Banque du Canada et d’élargir son mandat.

— Honorables sénateurs, ce soir, je veux poser la question suivante : y a-t-il lieu d’élargir le mandat de la Banque du Canada afin de poursuivre l’objectif de l’emploi maximum ou du plein emploi productif, comme le font les États-Unis, l’Australie et, tout récemment, la Nouvelle-Zélande? Cette question peut vous paraître étrange à première vue, mais laissez-moi vous expliquer pourquoi je la pose et la raison pour laquelle j’aimerais vous convaincre qu’elle est importante.

Je vais d’abord expliquer le contexte dans lequel s’inscrit cette interpellation, puis je parlerai brièvement des raisons fondamentales qui militent en faveur d’un élargissement du mandat de la Banque du Canada.

[Traduction]

Permettez-moi tout d’abord de replacer cette interpellation dans son contexte. Certains d’entre vous savent peut-être que la Loi sur la Banque du Canada a reçu la sanction royale le 3 juillet 1934 et qu’elle n’a jamais été révisée en profondeur afin de refléter les énormes changements économiques qui se sont produits depuis plus de 85 ans. À l’époque, 30 p. 100 de la main-d’œuvre travaillait dans le secteur agricole.

[Français]

De plus, la loi ne prévoit aucun article qui spécifie le mandat de la Banque du Canada. On y trouve principalement des dispositions sur la gestion ainsi qu’un préambule qui explique les raisons pour lesquelles la banque centrale a été créée. Ce préambule se lit comme suit :

Considérant qu’il est opportun d’instituer une banque centrale pour réglementer le crédit et la monnaie dans l’intérêt de la vie économique de la nation, pour contrôler et protéger la valeur de la monnaie nationale sur les marchés internationaux, pour atténuer, autant que possible par l’action monétaire, les fluctuations du niveau général de la production, du commerce, des prix et de l’emploi, et de façon générale pour favoriser la prospérité économique et financière du Canada,

Sa Majesté, sur l’avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, édicte : la Loi sur la Banque du Canada.

[Traduction]

En plus d’être de portée extrêmement vaste, ce préambule n’a aucune valeur juridique. Le reste de la loi traite surtout de la gestion de la banque.

[Français]

À ses débuts, la Banque du Canada s’attardait à protéger la valeur extérieure du dollar canadien, à assurer la sécurité financière de nos institutions, à promouvoir la croissance et à réaliser l’ensemble des objectifs énoncés dans le préambule. C’est avec le temps, et surtout depuis les années 1970, que la politique monétaire s’est concentrée sur l’objectif de la stabilité des prix.

(2020)

Certains d’entre vous se rappellent sans doute la stratégie monétariste agressive de lutte à l’inflation adoptée entre les années 1976 et 1990, qui a contribué à maintenir des taux d’intérêt très élevés. À cette époque, il n’était pas rare de voir des taux hypothécaires à 20 p. 100. De plus, le taux de chômage au Canada avoisinait les 10 p. 100 et approchait les 20 p. 100 chez les jeunes pendant les années 1980.

Pendant les années 1990, bien que la Loi sur la Banque du Canada soit demeurée inchangée, la stabilité des prix est devenue le mandat officiel de celle-ci. Depuis 1991, la banque signe avec le gouvernement du Canada une entente quinquennale qui établit une cible d’inflation guidant la conduite de la politique monétaire. La dernière entente conclue en 2016 doit être renouvelée en 2021. Cette entente prévoit que la banque mène ses activités de manière à cibler un taux d’inflation de 2 p. 100, soit le taux médian d’une fourchette qui varie entre 1 et 3 p. 100. En pratique, la Banque du Canada utilise le taux d’intérêt directeur de manière à stimuler ou à contracter l’activité économique afin d’atteindre un taux d’inflation moyen de 2 p. 100. La banque procède à l’annonce du taux directeur à date fixe, comme vous le savez, soit huit fois par année.

Cela dit, et je le répète, la loi ne fait aucunement mention de l’objectif principal de la politique monétaire ni de l’entente quinquennale que la Banque du Canada conclut avec le gouvernement. Elle ne spécifie pas non plus d’obligations de transparence qui expliqueraient comment et pourquoi la banque centrale décide du taux directeur.

Or, il en est tout autrement dans d’autres pays.

[Traduction]

La loi sur la Réserve fédérale des États-Unis précise ceci depuis 1977, et je cite :

« Article 2A. Objectifs de la politique monétaire  

Le conseil d’administration de la Réserve fédérale américaine et du Comité fédéral de l’open market font en sorte que la croissance à long terme des agrégats monétaires et des agrégats du crédit soit proportionnelle à l’accroissement potentiel de la productivité économique à long terme, de manière à promouvoir efficacement les objectifs liés au plein emploi, à la stabilité des prix et la modération des taux d’intérêt à long terme. »

[Français]

Ainsi, la politique monétaire américaine doit poursuivre un double mandat, ou ce qu’on appelle dans le jargon des économistes un mandat dual : promouvoir la stabilité des prix d’un côté et favoriser le plein emploi ou l’emploi maximum de l’autre.

Également, la loi de la banque centrale australienne stipule qu’elle doit poursuivre les objectifs du plein emploi et de la stabilité des prix. Tout récemment, à la fin de 2018, le mandat de la banque centrale néo-zélandaise a été révisé afin d’y ajouter l’objectif de l’emploi maximum.

Par ailleurs, ces pays ont incorporé à leur loi des obligations de transparence.

C’est dans ce contexte législatif que, en mai 2018, sur l’initiative du professeur Mario Seccareccia, plus de 60 économistes canadiens ont envoyé une lettre au ministre des Finances, Bill Morneau, qui lui demandait de réviser la Loi sur la Banque du Canada afin d’élargir son mandat à la poursuite du plein emploi productif. Ces économistes ont demandé également au ministre des Finances d’ajouter à la loi des obligations de transparence pour la banque. Cette lettre a été signée par des docteurs en science économique de toutes les provinces du Canada, dont la plupart sont d’éminents professeurs et chercheurs. Je n’ai pas le temps de tous les nommer, évidemment, mais je tiens à souligner qu’on retrouve, parmi les signataires, Pierre Fortin que l’on connaît très bien au Québec, Mathieu Dufour, également du Québec, Andrew Sharpe, John Smithin et Brenda Spotton Visano, de l’Ontario, et bien d’autres de toutes les provinces. J’ai nommé ces experts parce qu’ils ont participé à des activités de sensibilisation notamment auprès du ministre des Finances.

Voilà donc l’essentiel du contexte de cette interpellation. Qu’en est-il maintenant du fond de la question?

[Traduction]

Chers collègues, premièrement, le mandat de la Banque du Canada n’est pas une question théorique. La conduite de la politique monétaire a une incidence sur le portefeuille de tous les Canadiens, ceux qui sont endettés, ceux qui ont une hypothèque, de même que ceux qui épargnent en vue de la retraite ou qui touchent un revenu fixe. Par exemple, un propriétaire ayant une hypothèque de 280 000 $ verrait ses paiements mensuels augmenter d’environ 150 $ à la suite d’une hausse de 1 p. 100 du taux directeur.

[Français]

La politique monétaire influe aussi sur notre prospérité économique générale et sur notre richesse collective. En effet, une hausse démesurée du taux directeur ralentit l’économie et provoque des pertes d’emplois. Une recherche effectuée en 2010 par Kimberley Beaton, anciennement chercheure à la Banque du Canada, soutient que chaque hausse d’un point de pourcentage du taux de chômage s’accompagne d’une baisse de 2,6 p. 100 du PIB. En 2018, ce pourcentage représente 57,8 milliards de dollars. C’est beaucoup d’argent perdu, et perdu pour toujours.

[Traduction]

Deuxièmement, l’inflation n’est plus le problème qu’elle était il y a 40 ans, lorsqu’elle était considérée par les banques centrales comme étant l’ennemie numéro un.

[Français]

En effet, il n’y a plus d’accélération dans les hausses de prix. Les hausses de prix se situent à l’intérieur de la fourchette de 1 à 3 p. 100, qui est la fourchette souhaitable. Au premier trimestre de 2019, pour vous donner un exemple, le taux d’inflation mesuré par la hausse de l’Indice des prix à la consommation a atteint 1,7 p. 100, donc moins de 2 p. 100.

Bref, la réalité économique des dernières années fait dire à de plus en plus d’économistes que la dynamique de l’inflation est bien différente aujourd’hui qu’elle ne l’était par le passé. L’inflation salariale ne représente plus la menace qu’elle représentait durant les années 1970 et 1980. Aujourd’hui, un pays peut maintenir des taux de chômage très faibles sans que l’inflation bouge ou s’accélère.

Le 4 janvier dernier, j’ai regardé, grâce à Internet, les débats et le panel qui se sont tenus à Atlanta à l’occasion du congrès de l’association des économistes américains. Deux anciens présidents de la Réserve fédérale américaine, Janet Yellen et Ben Bernanke, ainsi que le président actuel, Jerome H. Powell, ont affirmé que les liens entre le taux de chômage, les augmentations de salaires et les augmentations de prix étaient beaucoup plus faibles aujourd’hui que ce que l’on croyait par le passé. En d’autres mots, l’arbitrage entre l’inflation et le plein emploi n’est plus le problème que l’on percevait dans les années 1975 à 1990.

[Traduction]

La troisième raison pour laquelle nous devrions envisager de modifier le mandat est que le Canada, comme la plupart des pays, est exposé à de nouveaux risques, et la politique monétaire peut aider à faire face à ces risques.

[Français]

Quels sont ces nouveaux risques que la politique monétaire se doit de prendre en compte?

D’abord, et on le voit tous les jours, les changements climatiques et la volonté de réduire les émissions de gaz à effet de serre obligeront les populations à transformer leurs modes de consommation et créeront potentiellement des mouvements de populations sans précédent qui exigeront des investissements majeurs. Selon Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque du Canada et gouverneur de la Banque d’Angleterre, les changements climatiques menacent également la stabilité du système financier et exigent des investissements massifs de la part des entreprises.

Les changements technologiques et l’arrivée de l’intelligence artificielle affecteront considérablement le marché du travail. Selon diverses études, dont celle de la Banque Royale, intitulée « Humans Wanted » , au cours des 10 prochaines années, l’arrivée de l’intelligence artificielle redéfinira la configuration des tâches de près de 50 p. 100 des emplois, ce qui veut dire un emploi sur deux. La population active devra s’adapter à ces changements. Les individus comme les entreprises devront investir massivement dans le développement des compétences.

(2030)

Le vieillissement des populations augmentera les dépenses publiques et créera des pénuries de main-d’œuvre. C’est un autre facteur de risque qui exige de mettre le cap sur la croissance. La montée du protectionnisme et les guerres tarifaires qui s’ensuivent risquent également de poser d’immenses défis au chapitre de la productivité des entreprises afin qu’elles puissent demeurer compétitives.

Enfin, l’accroissement des inégalités de revenus est un autre facteur de risque qui constitue une plaie sociale évidente. Or, comme l’a démontré le professeur Seccareccia, la politique monétaire peut contribuer à contenir ces inégalités ou à les exacerber. En effet, pendant les années 1976 à 2008, la part des salaires dans le revenu national n’a cessé de diminuer, alors que les taux d’intérêt réels étaient plus élevés que la croissance de la productivité .

Plusieurs de ces risques et incertitudes peuvent engendrer de l’instabilité et des hausses de prix. Une politique monétaire qui ne vise que la stabilité des prix en relevant le taux directeur dès que l’Indice des prix à la consommation augmente au-delà de la cible visée risque de ralentir l’économie. Or, quand l’économie ralentit, les entreprises investissent moins, ce qui empêchera le Canada de pouvoir s’adapter et de confronter tous les défis qui se trouvent devant lui.

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice, mais votre temps de parole est écoulé. Voulez-vous disposer de cinq minutes de plus?

La sénatrice Bellemare : Oui, s’il vous plaît.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Bellemare : Merci, monsieur le Président.

[Traduction]

De nos jours, une politique monétaire qui cible exclusivement l’inflation ne suffit pas.

[Français]

C’est pourquoi la Banque de réserve de la Nouvelle-Zélande, par exemple, a décidé d’élargir le mandat de la politique monétaire et d’y ajouter la poursuite de l’emploi maximum. En effet, comme la politique monétaire est un outil puissant et que l’inflation n’est plus l’ennemi numéro un, pourquoi ne pas préciser qu’elle vise la prospérité économique, et notamment le plein emploi durable?

En réalité, depuis 2008, la politique monétaire au Canada, comme en Nouvelle-Zélande et ailleurs dans le monde, vise déjà à soutenir la croissance de l’emploi. Pourquoi ne pas le préciser officiellement?

En effet, l’approche équilibrée et responsable qui règne actuellement à la Banque du Canada mérite certainement d’être enchâssée dans la loi et dans l’entente que la banque conclut avec le gouvernement.

C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles le mandat de la Banque de réserve de la Nouvelle-Zélande a été revu. Dans une récente allocution, John McDermott, gouverneur adjoint de la Banque de réserve de la Nouvelle-Zélande, a expliqué ainsi l’adoption d’un mandat dual, et je cite :

[Traduction]

« Qu’en est-il de l’adoption d’un mandat « dual »? La Banque a toujours tenu compte de ce qui se passe dans le marché du travail, ce qui est encouragé par notre approche de plus en plus flexible. Depuis longtemps, nous rencontrons les entreprises et les organismes partout au pays, nous évaluons régulièrement les données disponibles sur le marché du travail et nous tenons à discuter de l’évolution de ce marché. Ainsi, mon sentiment actuel est que, dans une vaste mesure, les changements sont un moyen d’assurer la durabilité de la flexibilité de notre approche. »

[Français]

Officialiser la poursuite d’un mandat dual serait rassurant pour la population canadienne, qui pourrait entreprendre avec plus d’assurance tous les investissements nécessaires pour s’adapter aux changements et aux risques auxquels nous sommes tous maintenant confrontés. Cela nécessiterait peut-être une collaboration plus étroite entre la politique monétaire et la politique fiscale, mais cela en vaut la peine.

En conclusion, chers collègues, comme vous pouvez le constater, la question que j’ai posée au début de ce discours mérite certainement qu’on s’y attarde. Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce pourrait assurément amorcer une discussion avec tous les intéressés sur cette question fort importante.

Je vous remercie de votre attention.

L’honorable Pierrette Ringuette : Je voudrais remercier la sénatrice Bellemare d’avoir soulevé cette question, qui est très importante à mes yeux et qui a besoin d’être modernisée. C’est dommage que ce ne soit pas dans le cadre d’une motion qui demanderait au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce d’effectuer une recherche, ce qui serait essentiel et souhaitable. Je ferai mes recherches.

(Sur la motion de la sénatrice Ringuette, le débat est ajourné.)

(À 20 h 36, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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