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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 43e Législature
Volume 152, Numéro 11

Le mardi 17 novembre 2020
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 17 novembre 2020

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L’honorable Norman E. Doyle

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, le jour du Souvenir, notre collègue, le sénateur Norman Doyle, a pris sa retraite, après plus de trois décennies au sein de la fonction publique provinciale et fédérale. C’est avec fierté qu’il a représenté Terre-Neuve-et-Labrador ici, au Sénat du Canada, pendant près de neuf ans. Le sénateur Doyle a été un collègue loyal, courtois et attentionné, et je sais qu’il manquera aux sénateurs de tous les partis.

Norman Doyle a grandi à Avondale, où il a été élevé par sa mère essentiellement. Elle lui a transmis sa foi et donné sa résilience et son courage, toutes choses qui l’ont bien servi sa vie durant. Jeune homme, Norm Doyle se rend à New York pour travailler comme ferronnier sur le site du World Trade Center. Il ne tarde pas, cependant, à trouver sa véritable vocation, la politique, en remportant dans un premier temps les élections à l’Assemblée législative de Terre-Neuve-et-Labrador en 1979. Il fait de la politique à l’échelle provinciale pendant près de 13 ans, au cours desquels il occupe plusieurs portefeuilles ministériels dans le gouvernement de Brian Peckford, à titre de ministre des Transports et de ministre des Affaires municipales notamment.

Il s’est ensuite lancé dans l’arène politique fédérale et, pendant plus d’une décennie, Norm Doyle a représenté les gens de St. John’s-Est à la Chambre des communes, remportant quatre élections consécutives. Alors qu’il était député à l’autre endroit, Norm a occupé les fonctions importantes de président du caucus du Parti progressiste-conservateur et du Parti conservateur du Canada. Il a présidé le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration. Lorsqu’il a pris sa retraite de la Chambre des communes en 2008, il pensait en avoir fini avec la vie politique pour de bon. Cependant, quatre ans plus tard, il est revenu sur la Colline du Parlement après sa nomination au Sénat du Canada sur la recommandation du très honorable Stephen Harper. Depuis lors, le sénateur Doyle a siégé à presque tous les comités sénatoriaux permanents.

Honorables sénateurs, en 1997, lors de son premier discours en tant que député, notre ancien collègue a déclaré vouloir apporter une contribution à sa province et à son pays, tout en reconnaissant que la vie publique exige beaucoup de sacrifices. Il a déclaré :

Je sais toutefois que l’effort en vaut la peine quand on tient à vivre dans le meilleur pays du monde. Notre privilège à nous, Canadiens, c’est de vivre dans le meilleur pays du monde.

Le sénateur Norman Doyle a servi le Canada avec honneur pendant plus de 30 ans et c’est à regret que nous assistons à son départ. Au nom du caucus conservateur et de l’ensemble des sénateurs, je souhaite au sénateur Doyle et à son épouse Isabelle, à leurs fils Deon et Randy ainsi qu’à leurs petits-enfants tout le succès possible alors qu’ils entament un nouveau chapitre de vie. Souhaitons au sénateur Doyle de rester en bonne santé et de jouir d’une retraite longue et heureuse.

Des voix : Bravo!

PEN International—La Journée mondiale des écrivains en prison

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour célébrer la Journée mondiale des écrivains en prison, qui a eu lieu le dimanche 15 novembre.

Cet événement annuel invite tous ceux d’entre nous qui attachent de l’importance à la liberté de la presse et à la liberté d’expression artistique à prendre la parole pour soutenir les écrivains et les journalistes du monde entier qui sont détenus en tant que prisonniers politiques ou qui sont menacés d’arrestation en raison de leurs opinions. Cette année, PEN nous demande d’accorder une attention urgente au cas de cinq écrivains courageux et remarquables qui sont emprisonnés ou menacés de l’être.

Chimengül Awut est une poète ouïgoure primée, ainsi qu’une éditrice originaire de Kashgar. Elle est détenue sans aucun contact depuis deux ans dans un camp de rééducation en Chine. Son crime? Avoir édité un roman en langue ouïgoure.

Osman Kavala est éditeur et il milite pour les droits culturels en Turquie. Il est emprisonné à Istamboul depuis 2017. Il a été acquitté de ses accusations initiales en février 2020, mais il doit maintenant faire face à un nouveau procès pour le crime de menace à l’ordre constitutionnel.

Kakwenza Rukirabashaija est un romancier ougandais qui a fait l’objet d’arrestations arbitraires, en plus de subir de la torture. Il a été libéré temporairement au mois de septembre en échange d’un engagement de ne pas troubler l’ordre public, mais PEN rapporte que lui et sa famille sont sous la surveillance constante d’agents de la sécurité de l’État ougandais.

Paola Ugaz, auteure et journaliste d’enquête péruvienne, est la cible d’une campagne de harcèlement sur les médias sociaux et dans la sphère juridique parce qu’elle mène des enquêtes approfondies sur la corruption et les agressions sexuelles qui existent dans de puissantes organisations catholiques du Pérou. Elle fait actuellement face à des accusations de diffamation aggravée, crime assorti d’une peine d’emprisonnement de trois ans.

Sedigeh Vasmaghi est une poète et théologienne iranienne. En août 2020, elle a été reconnue coupable d’avoir signé une pétition qui condamnait la brutalité policière. Après avoir vécu des années de harcèlement et de surveillance en Iran, elle pourrait servir une peine de six ans de prison.

(1410)

Voici ce qu’a écrit Sedigeh Vashmaghi dans une lettre ouverte :

Vous pouvez emprisonner mon corps, mais jamais ma conscience!

Je proteste contre le gouvernement qui veut nous priver d’humanité et nous transformer en statues indifférentes et silencieuses.

Vashmaghi adresse cette lettre aux autorités iraniennes mais elle parle, je crois, pour tous les auteurs courageux auxquels je rends hommage aujourd’hui.

Nous ne pouvons pas rester indifférents et silencieux comme des statues. Nous devons reconnaître l’humanité de ces écrivains et nous joindre à PEN International pour demander leur libération. Des journalistes et des écrivains du monde entier sont menacés en ce moment même. Il est devenu dangereux de dire la vérité alors que nous avons besoin, plus que jamais, de ces gens qui disent la vérité.

Rendons hommage au courage de ceux qui risquent tout pour nous faire connaître les histoires qui doivent être connues. Soutenons ensemble les écrivains qui ont besoin de notre voix lorsqu’ils ne peuvent plus parler librement.

Merci, hiy hiy.

In their Own Words: Prince Edward Island’s Famous Five

L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, j’aimerais souligner aujourd’hui la publication récente du livre intitulé In their Own Words: Prince Edward Island’s Famous Five, qui raconte la fascinante histoire de cinq femmes leaders, leur cheminement jusqu’à l’Assemblée législative de l’Île-du-Prince-Édouard et la façon dont elles ont marqué l’histoire politique de la province.

Le livre décrit comment, en 1993, ces femmes ont occupé cinq des postes les plus influents du gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard. L’honorable Catherine Callbeck était première ministre de la province, l’honorable Marion Reid était lieutenante-gouverneure, l’honorable Patricia Mella était chef de l’opposition, l’honorable Nancy Guptill était Présidente de l’Assemblée législative et l’honorable Elizabeth Hubley en était la vice-présidente. Ce fut la première et la seule fois dans l’histoire canadienne que cinq femmes remplirent ces fonctions en même temps.

Certains de mes collègues ne sont pas sans savoir, pour avoir siégé à leurs côtés, que Mmes Callbeck et Hubley ont par la suite été nommées au Sénat sur la recommandation du premier ministre Jean Chrétien. Toutes deux sont maintenant à la retraite.

Comme l’a déclaré Natalie Jameson, ministre de l’Île-du-Prince-Édouard responsable de la Situation de la femme :

Grâce à leur ardeur au travail, à leur détermination, à leur ténacité, à leur résolution à ne jamais abandonner, et à leur disposition à sortir de leur zone de confort, ces cinq femmes ont tracé la voie dans le domaine politique pour permettre à des femmes comme moi de reprendre le flambeau et de diriger.

Personnellement, je suis profondément reconnaissante que ces histoires soient accessibles à une nouvelle génération à l’Île-du-Prince-Édouard et j’espère que leur exemple sera source d’inspiration pour les leaders de demain. À cette fin d’ailleurs, le livre sera distribué à toutes les élèves de 7e année de la province.

J’ai eu le privilège de connaître ce célèbre « Club des cinq ». L’une est décédée, mais les autres contribuent toujours de diverses façons à la collectivité. Grâce à ce livre, je continuerai de chérir leur sagesse et leurs conseils.

Merci.

Des voix : Bravo!

La sensibilisation au diabète

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, j’aimerais offrir mes condoléances à tous ceux qui ont perdu un être cher ou un ami en raison de la COVID-19 et aux plus de 300 000 Canadiens qui ont été atteints du virus.

Les dommages sont énormes et dépassent tout ce qu’on aurait pu imaginer. Durant la pandémie, les autres maladies n’ont pas cessé d’agir. Les Canadiens continuent de recevoir d’effrayants diagnostics de cancer, de maladie du cœur et d’autres maladies comme le diabète, qui touche beaucoup de familles et certains sénateurs, d’ailleurs.

Novembre est le mois de la sensibilisation au diabète et le 14 novembre est la Journée mondiale du diabète. Il y a beaucoup de travail à faire concernant cette maladie.

Au pic de la pandémie en avril dernier, ma petite-fille de neuf ans a été soudainement atteinte du diabète de type 1. C’est un choc d’apprendre que l’un des siens est touché. Comme vous le savez, mes enfants et mes petits-enfants vivent au Royaume-Uni et il m’était impossible de m’y rendre, même si je le souhaitais ardemment. La COVID était très répandue. Mon gendre l’a transportée d’urgence à l’hôpital et est demeuré avec elle durant les huit jours de son séjour. Ma fille n’était pas autorisée à entrer à l’hôpital, malgré le fait que ma petite-fille traversait une période critique.

En 1921, il y a presque 100 ans, les médecins canadiens Best et Banting ont découvert l’insuline et ont ainsi sauvé des millions de vies dans le monde. Je remercie les associations nationale et provinciales du Canada, leurs dirigeants et les bénévoles de partout pour leur travail; la Fondation de la recherche sur le diabète juvénile Canada; les médecins et les chercheurs, pour leur dévouement indéfectible; les infirmières, les psychologues, les nutritionnistes et tous ceux qui travaillent tous les jours auprès des patients et des familles.

Ce diagnostic bouleverse sérieusement la routine familiale, surtout en plein confinement national.

Nous savons que les diabétiques de type 1 ne peuvent pas survivre plus de deux jours sans insuline. Nous savons également que les diabètes de type 1 et de type 2 sont des maladies différentes. Nous ne connaissons toujours pas la cause du diabète de type 1 et nous n’avons pas non plus de traitement. La science a trouvé dans certains cas des moyens de retarder son apparition de quelques années.

Les traitements avec différentes insulines, les nouvelles pompes et les lecteurs de glycémie qui envoient les résultats au cellulaire d’une personne sont de grandes avancées, mais il est essentiel de continuer et d’augmenter le financement de la recherche. Il en va de même pour l’égalité d’accès pour ceux qui ont besoin de matériel de surveillance, de pompes et de types précis d’insuline.

À l’approche du 100e anniversaire, nous avons besoin d’une stratégie nationale pour le diabète de type 1 et de type 2. Je me consacre aux nouvelles avancées médicales et au soutien des familles qui sont confrontées aux changements spectaculaires qu’un tel diagnostic entraîne dans la vie quotidienne. Voir ma Zoé de neuf ans regretter « la vie comme c’était avant » me déchire le cœur. Elle a toutefois été heureuse d’apprendre que les enfants canadiens reçoivent le même Rufus, l’ourson diabétique, qu’elle a reçu au King’s College Hospital à Londres.

Je vous remercie.

La Semaine des anciens combattants
Le jour du Souvenir

L’honorable Thanh Hai Ngo : Honorables sénateurs, comme nous ne siégions pas la semaine dernière, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à tous les courageux Canadiens qui ont servi et qui servent toujours notre pays. En célébrant la Semaine des anciens combattants et le jour du Souvenir, nous nous souvenons de ceux qui sont tombés au combat et nous témoignons notre respect à ceux qui continuent de défendre notre liberté et les valeurs que nous chérissons.

Nous pouvons être fiers de notre noble tradition de lutte contre la tyrannie et l’oppression dans certains des plus grands conflits mondiaux : la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale, la guerre du Golfe, l’Afghanistan et la Syrie. Nous pouvons aussi être très fiers de l’important rôle que nous n’avons cessé de jouer dans le maintien de la paix et de la sécurité dans le monde dans le cadre de missions de maintien de la paix de l’OTAN et de l’ONU, comme dans l’ancienne Yougoslavie, au Rwanda, au Kosovo et en Irak.

Nos soldats ont également apporté une contribution précieuse à la lutte pour la liberté et la démocratie en Asie, pendant la guerre de Corée, à Hong Kong et, plus particulièrement, dans mon pays d’origine, le Vietnam, où ils ont joué un rôle important — les Canadiens qui sont morts au combat et ceux qui ont participé aux forces de maintien de la paix en 1973 pour faire enquête sur l’observation et assurer le respect des dispositions de l’accord sur la cessation de la guerre et le rétablissement de la paix au Vietnam, qu’on appelle les Accords de paix de Paris, dont le Canada est signataire. Le Canada a joué un rôle clé, étant l’un des quatre pays — avec la Pologne, l’Indonésie et la Hongrie — formant la Commission internationale de surveillance et de contrôle au Viêt-Nam, mise sur pied aux termes de cet accord et ayant pour mandat de surveiller l’application de certaines dispositions des Accords de paix de Paris et d’enquêter dans les cas de violations du cessez-le-feu.

Le Canada était aussi l’un des signataires de l’Acte de la Conférence internationale sur le Viet-Nam, avec les États-Unis, le Vietnam du Sud, la France, le Royaume-Uni, l’Indonésie, la Pologne, la Hongrie, le Nord-Vietnam, le gouvernement révolutionnaire provisoire du Vietnam du Sud, la Chine et l’URSS. L’acte énonçait les règles de conduite de la commission et ses mécanismes de reddition de comptes.

Malgré l’invasion du Vietnam du Sud par les forces communistes du Nord-Vietnam en 1975, ce qui allait à l’encontre des Accords de paix de Paris et de l’Acte de la Conférence internationale sur le Viet-Nam, je suis fier des vaillants efforts déployés par le Canada pour essayer de trouver un règlement durable et juste au conflit, en misant sur le maintien de la paix, la diplomatie et la décision de poursuivre sa participation pendant six mois — bien au-delà des 60 jours convenus au départ.

J’aimerais dire à nos troupes canadiennes, présentes et passées, que les mots ne parviennent pas à décrire notre immense dette de gratitude pour votre engagement et vos sacrifices. Nous vous serons éternellement reconnaissants. Merci.

Des voix : Bravo!

La minorité visible invisible

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, c’est avec une grande joie et une immense fierté que je lance le projet La minorité visible invisible. Honorables sénateurs, vous aurez maintenant reçu par courriel les versions française et anglaise de la vidéo animée du tableau blanc. Je vous ferai également parvenir prochainement un livre électronique. L’ensemble du projet est désormais accessible en ligne à l’adresse mobinajaffer.ca/invisiblevisibleminority. De nombreux Canadiens ne savent pas exactement ce qu’est le racisme systémique et ses répercussions sur l’ensemble des collectivités. C’est pourquoi, au cours de l’été, mes collaborateurs et moi n’avons ménagé aucun effort pour étudier le racisme systémique et ses réalités vécues.

(1420)

Honorables sénateurs, toute ma vie, j’ai eu du mal à expliquer ma réalité en tant que femme racialisée aux gens qui ne le sont pas. Il peut être très facile de comprendre les préjugés explicites, mais le racisme systémique est profondément enraciné. J’espère que ce projet pourra servir d’outil de sensibilisation au racisme systémique et ainsi permettre au Canada de s’attaquer aux injustices raciales, sociales, politiques et économiques qu’il engendre.

J’encourage respectueusement tous ceux qui mettent en doute la véracité du racisme de toute une vie à examiner les statistiques présentées dans l’animation. Par exemple, 50 % des personnes et des familles canadiennes racialisées vivent dans des logements inadéquats et insalubres.

Selon une étude menée par le conseil scolaire du district de Toronto, 48 % des élèves expulsés sont noirs, bien que les Noirs ne représentent que 20 % de la population étudiante. Les enfants autochtones représentent 0,3 % de la population, mais 1 % des expulsions. Les étudiants sud-asiatiques représentent 4 % de la population, mais 8 % des expulsions.

Ces réalités vécues nous rappellent notre rôle important de législateurs et notre responsabilité de représenter les Canadiens les plus marginalisés. Je puis vous dire, honorables sénateurs, que j’en apprends encore sur le racisme. Il y a en fait toutes sortes de racisme. J’évolue comme personne en apprenant des choses de vous tous, et je vous encourage tous à nous faire part des manières dont nous pourrons collaborer pour faire en sorte que tous les Canadiens, de tous les horizons, aient des occasions égales et sentent qu’ils font partie de la société canadienne.

Honorables sénateurs, notre rôle consiste à défendre tous les Canadiens. Travaillons tous ensemble pour atteindre cet objectif.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La Loi de l’impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Dépôt du premier rapport du Comité des finances nationales sur la teneur du projet de loi

L’honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, je vous remercie de me donner l’occasion de déposer un rapport au Sénat du Canada dans le cadre d’une séance hybride, une nouvelle réalité parlementaire qu’entraîne la pandémie de COVID-19.

[Traduction]

Honorables sénateurs, soyez assurés que les mesures prises et les rapports présentés par le Comité sénatorial permanent des finances nationales respecteront toujours les valeurs de sa devise : transparence, responsabilité, prévisibilité et fiabilité.

Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le premier rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, qui porte sur la teneur du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (Subvention d’urgence pour le loyer du Canada et Subvention salariale d’urgence du Canada). Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

(Sur la motion du sénateur Mockler, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à autoriser le Sénat à se réunir en comité plénier afin d’étudier la teneur du projet de loi C-9

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement ou procédure ordinaire :

1.le Sénat se forme en comité plénier à 15 heures le mardi 17 novembre 2020, afin d’étudier la teneur du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (Subvention d’urgence pour le loyer du Canada et Subvention salariale d’urgence du Canada), toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu’à la fin du comité plénier, qui sera d’une durée maximale de 125 minutes;

2.si la sonnerie d’appel pour un vote retentit à 15 heures ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant le comité plénier et qu’elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps qu’il reste;

3.le comité plénier sur la teneur du projet de loi C-9 reçoive l’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, vice-première ministre et ministre des Finances, accompagnée d’un fonctionnaire;

4.les remarques introductives des témoins durent un total maximal de cinq minutes;

5.si un sénateur n’utilise pas l’entière période de 10 minutes prévue pour les interventions à l’article 12-32(3)d) du Règlement, les réponses des témoins y comprises, il puisse céder le reste de son temps à un autre sénateur.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

La Loi de l’impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (Subvention d’urgence pour le loyer du Canada et Subvention salariale d’urgence du Canada), accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-6(1)f) du Règlement, je propose que la deuxième lecture du projet de loi soit inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)

[Traduction]

Projet de loi de Jane Goodall

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Murray Sinclair dépose le projet de loi S-218, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial (grands singes, éléphants et certains autres animaux).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Sinclair, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

(1430)

Le Sénat

Autorisation aux comités de tenir des réunions hybrides et virtuelles

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, et à la lumière des circonstances exceptionnelles de la pandémie actuelle de COVID-19, jusqu’à la fin de la journée le 18 décembre 2020 :

1. les comités sénatoriaux permanents soient autorisés à :

a)tenir des réunions hybrides auxquelles les sénateurs pourront participer dans la salle de réunion dans l’enceinte parlementaire ou par vidéoconférence;

b)tenir des réunions entièrement par vidéoconférence, sous réserve des dispositions du présent ordre;

2.les heures de réunion des comités sénatoriaux permanents soient fixées, sous réserve de la capacité disponible, selon l’ordre de priorité suivant :

a)les réunions sur les affaires du gouvernement;

b)les réunions du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration;

c)les réunions du Comité permanent de l’audit et de la surveillance;

d)les réunions du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, dès qu’il sera formé, le cas échéant;

e)toute autre étude menée conformément à un ordre de renvoi du Sénat;

3.les réunions hybrides des comités sénatoriaux aient priorité sur les réunions tenues entièrement par vidéoconférence, et que ces comités ne se réunissent entièrement par vidéoconférence que pour l’une des raisons suivantes :

a)une séance d’organisation, notamment pour discuter des travaux futurs lors d’une telle réunion;

b)toute autre fin, à condition :

(i)soit d’avoir un ordre du Sénat qui autorise la tenue d’une telle réunion;

(ii)soit d’avoir reçu le consentement écrit de l’agente de liaison du gouvernement, du whip de l’opposition et des whips et agents de liaison de tous les partis reconnus et groupes parlementaires reconnus pour tenir une telle réunion;

4.pour plus de certitude, il soit entendu que les dispositions du présent ordre concernant la priorité de réunions et limitant les réunions par vidéoconférence n’ont pas d’incidence sur tout sous-comité que pourrait établir le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, qui peuvent se réunir entièrement par vidéoconférence;

5.tout conflit dans la fixation des heures de réunion des comités soit résolu par consensus entre l’agente de liaison du gouvernement, le whip de l’opposition et les whips et agents de liaison de tous les partis reconnus et groupes parlementaires reconnus;

6.la pratique voulant que les réunions des comités soient limitées à des heures régulières soit suspendue, de même que l’obligation, conformément à l’article 3 du chapitre 5:03 du Règlement administratif du Sénat, d’établir un calendrier des réunions de comité à l’avance;

7.les réunions de comité hybrides et les réunions tenues entièrement par vidéoconférence soient réputées à toutes fins des réunions du comité en question et les sénateurs prenant part à ces réunions soient réputés à toutes fins présents à la réunion;

8.il soit entendu que, sans limiter le pouvoir général accordé par le présent ordre, lorsqu’un comité tient une réunion hybride ou se réunit entièrement par vidéoconférence :

a)les membres du comité qui participent font partie du quorum;

b)ces réunions sont considérées comme ayant lieu dans l’enceinte parlementaire, peu importe où se trouvent les participants;

c)le comité est tenu d’aborder les réunions à huis clos avec toutes les précautions nécessaires, en tenant compte des risques inhérents pour la confidentialité à ces technologies;

9.sous réserve des variations qui pourraient s’imposer à la lumière des circonstances, la participation à une réunion par vidéoconférence soit assujettie aux conditions suivantes :

a)les sénateurs doivent participer à partir d’un bureau désigné ou d’une résidence désignée au Canada;

b)ils doivent obligatoirement utiliser un ordinateur de bureau ou un ordinateur portatif et un casque d’écoute avec microphone intégré fournis par le Sénat pour les vidéoconférences;

c)ils ne peuvent pas utiliser d’autres appareils, comme une tablette ou un téléphone intelligent personnel;

d)ils doivent être les seules personnes visibles sur la vidéoconférence;

e)ils doivent avoir la fonction vidéo activée en tout temps afin qu’on puisse les voir;

f)ils doivent quitter la vidéoconférence s’ils quittent leur siège;

10.lorsqu’un comité tient une réunion hybride ou se réunit par vidéoconférence, les dispositions de l’article 14-7(2) du Règlement soient appliquées afin de permettre l’enregistrement ou la diffusion de la réunion grâce aux arrangements pris par le greffier du Sénat, et, si une réunion diffusée ou enregistrée ne peut être diffusée en direct, que le comité soit réputé s’être acquitté de l’obligation de tenir une réunion publique en rendant tout enregistrement accessible au public le plus tôt possible par la suite;

Que le Sénat reconnaisse le principe selon lequel à mesure que la capacité hybride augmentera, la fréquence des réunions tenues entièrement par vidéoconférence diminuera en conséquence;

Que le représentant du gouvernement au Sénat soit encouragé à déployer ses meilleurs efforts, en collaboration avec le Président et l’Administration du Sénat, pour explorer les moyens permettant d’élargir la capacité hybride le plus rapidement possible.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

Le Plan d’intervention économique pour répondre à la COVID-19

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement, et elle fait suite à une question que j’ai posée le 26 juin sur l’instauration d’une aide au loyer pour les membres de la Légion royale canadienne.

Le gouvernement Trudeau a fait des pieds et des mains pour aider ses amis de l’organisme UNIS, mais les membres de la Légion ne recevaient toujours pas d’aide six mois après le début de la pandémie. Le 2 septembre, Thomas Irvine, président national de la Légion, a affirmé que les deux lettres qu’il avait envoyées au premier ministre étaient demeurées sans réponse. Il a dit que « le gouvernement fédéral se traîne les pieds pour fournir l’aide promise ».

Le projet de loi C-4, qui a reçu la sanction royale en octobre, prévoit 20 millions de dollars pour le soutien aux organisations de vétérans. Monsieur le leader, pourriez-vous nous dire si la Légion royale canadienne a reçu des fonds dans le cadre du projet de loi C-4 afin de payer ses frais d’exploitation de novembre? Dans la négative, quand en recevra-t-elle?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci beaucoup de votre question. Depuis le début de la pandémie, le gouvernement a pour priorité d’assurer la pérennité d’organismes s’adressant aux vétérans comme la Légion afin qu’ils poursuivent leur bon travail auprès de cette clientèle et de leur famille.

J’ai pu payer mes études en droit à l’Université de la Colombie-Britannique en jouant de la musique dans les filiales de la Légion à Vancouver. Donc, lorsque j’étais encore jeune homme, j’ai pu constater le fort sentiment d’appartenance que les légions permettent de bâtir.

L’annonce du gouvernement dont vous avez parlé, sénateur, concernant un fonds de soutien organisationnel d’urgence temporaire de 20 millions de dollars apportera l’aide d’urgence requise. Il constitue une importante mesure pour soutenir les légions.

Je ne sais pas exactement où en est le versement des sommes prévues, mais je vais m’informer et je serai heureux de vous revenir avec la réponse.

Le sénateur Plett : Chaque jour, je suis étonné d’apprendre quelles sont les priorités du gouvernement et de constater que rien n’est fait pour répondre à ces priorités.

(1440)

La semaine dernière, monsieur le leader, c’était le jour du Souvenir, et les gestes sont plus éloquents que les paroles. Monsieur le leader, lorsque vous vous informerez au sujet des sommes en question, pourriez-vous également demander quand l’ensemble des 20 millions de dollars promis sera versé aux organismes s’adressant aux vétérans?

Le sénateur Gold : Bien sûr, merci.

La mise à jour économique

L’honorable Leo Housakos : Merci, monsieur le Président. Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, nous reconnaissons et comprenons tous que le gros du travail dans la lutte contre la COVID-19 repose sur les épaules des gouvernements provinciaux. Nous savons toutefois qu’il incombe au gouvernement fédéral de fournir les ressources nécessaires pour faire face à la pandémie.

La semaine dernière, le premier ministre Trudeau, pendant une conférence téléphonique des premiers ministres, semble avoir eu une révélation. Il a mentionné que les ressources fédérales ne sont pas infinies. J’ai été heureux de l’entendre. Après avoir dépensé sans compter pendant cinq ans, il a enfin réalisé que la responsabilité financière est plutôt importante. Par ailleurs, je trouve très étrange que le premier ministre Trudeau ose faire la leçon aux dirigeants provinciaux par rapport à la responsabilité financière quand son gouvernement n’a pas déposé de budget depuis près de deux ans.

Ma question est simple : quand le premier ministre et son gouvernement déposeront-ils un budget afin que les Canadiens puissent avoir une idée de l’état des finances du pays?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour votre question. Je crois que la position du gouvernement reste inchangée, comme je l’ai mentionné au Sénat, à l’instar d’autres ministres. Le gouvernement est déterminé à continuer à investir dans les Canadiens et dans les entreprises canadiennes pour nous aider à traverser la pandémie. En ces temps très difficiles, nous devons nous employer à assurer notre bien-être. Le gouvernement s’est engagé à fournir des mises à jour économiques et le moment venu, il le fera.

J’ajouterai que l’allusion aux provinces faite par le premier ministre reflète la réalité du système fédéral et l’importance de la collaboration entre les gouvernements fédéral et provinciaux, non seulement pour assurer notre bien-être économique, mais surtout pour gérer notre réponse à la crise. Je pense que c’est l’essence même des remarques du premier ministre auxquelles vous faites référence.

Le sénateur Housakos : Le fil conducteur de la question que j’ai posée est le suivant : quand les Canadiens verront-ils le gouvernement présenter un budget? Deux ans, c’est inacceptable. Nous sommes le seul pays du G7 qui n’a pas présenté de budget en près de deux ans.

Aidez-moi à comprendre, monsieur le leader du gouvernement. Près de deux ans se sont écoulés, et le gouvernement n’a pas présenté de budget. Au cours des neuf derniers mois, nous avons approuvé des dépenses de centaines de milliards de dollars qui ont fait l’objet d’une surveillance et d’un examen très peu rigoureux, tant à la Chambre des communes qu’au Sénat. Le gouvernement a eu recours à la coercition et à la flatterie pour nous faire adopter à toute vapeur l’ensemble des dépenses.

Le gouvernement a également prorogé inutilement le Parlement. Nous savons tous que cette mesure n’avait rien à voir avec la pandémie. Elle portait sur le scandale UNIS, et les libéraux voulaient dissimuler le fait qu’ils ont utilisé des fonds à mauvais escient ou de façon abusive au cours de la pandémie. Aujourd’hui, le premier ministre a de nouveau recours à la coercition, car il a indiqué publiquement au Sénat que le dernier programme de subvention présenté par le gouvernement, qui n’a même pas encore été renvoyé ici, doit être adopté rapidement. À quel moment le premier ministre permettra-t-il au Parlement de faire son travail? Quand arrêtera-t-il de passer par les médias pour tenter de convaincre l’opposition par la flatterie d’adopter à toute vapeur des milliards de dollars de dépenses? Quand permettra-t-il au Parlement de faire son travail? Selon moi, il est évident que, soit on croit que la responsabilité financière entourant la gestion des fonds publics implique des examens rigoureux et de la surveillance, soit on n’y croit pas.

Le sénateur Gold : Eh bien, votre question contient plusieurs éléments, mais, sans vouloir vous offenser, la plupart des hypothèses sur lesquelles elle se fonde sont erronées. Avec l’appui de tous les partis à l’autre endroit et des leaders des groupes parlementaires et du Sénat, le gouvernement a travaillé dans un esprit de collaboration pour garantir l’adoption efficace et rapide des projets de loi nécessaires, dans l’intérêt de la population canadienne. En outre, le gouvernement est fidèle au principe de surveillance et de transparence adéquates. Nous avons suggéré à nos collègues de mettre sur pied un comité spécial sur la surveillance. Nous leur avons également présenté la proposition du sénateur Tannas concernant les leçons à tirer de l’expérience. Nous attendons toujours les commentaires de tous les groupes. Voilà un dossier où le gouvernement n’a pas l’intention de baisser les bras.

[Français]

La santé

Le rapport sur l’état de la santé publique au Canada en 2020

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

[Traduction]

Sénateur Gold, la semaine dernière, la Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique du Canada, a publié un rapport sur l’état de la santé publique au Canada en 2020. Elle propose une approche axée sur l’équité en matière de santé concernant la COVID-19. Cette approche porte sur quatre domaines à forte incidence, compte tenu des conséquences de la pandémie : la sécurité économique et les conditions d’emploi; le logement stable et un environnement bâti sain; les systèmes de santé, d’éducation et de services sociaux; la durabilité environnementale.

À l’instar de mon livre blanc intitulé Se propulser vers l’avant : Une relance propre et solidaire après la pandémie de la COVID-19, le rapport repose en partie sur l’approche holistique « Une seule santé », qui est utile pour prévenir et combattre les pandémies, car elle tient compte des liens entre les humains, les animaux et l’environnement. L’excellent rapport de la Dre Tam met également en évidence les inégalités au Canada de même que la nécessité d’adopter des mesures supplémentaires favorisant la santé mentale et de lutter contre le racisme, la discrimination et la désinformation pour vaincre cette pandémie.

Sénateur Gold, comment le gouvernement entend-il donner suite aux recommandations importantes formulées par sa principale scientifique dans le domaine de la santé?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Le gouvernement du Canada accorde une grande importance aux opinions et aux bons conseils de la Dre Tam et de tous les professionnels de la santé publique fédéraux et provinciaux. Ces opinions et conseils orientent la politique du gouvernement pendant cette crise.

Les recommandations de la Dre Tam, comme tous ses conseils, seront toujours prises très au sérieux par le gouvernement et ses homologues provinciaux.

L'immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les demandes de parrainage

L’honorable Ratna Omidvar : Ma question s’adresse au sénateur Gold, le représentant du gouvernement au Sénat.

Je suis heureuse de voir que le ministre de l’Immigration vient d’annoncer que le Canada va augmenter ses niveaux d’immigration afin de compenser la baisse du nombre d’immigrants venus s’établir au pays pendant la pandémie. Ma question porte toutefois sur la réunification des familles, quelque chose qui tient énormément à cœur à beaucoup de gens. Pour essayer d’éliminer l’arriéré accumulé dans ce domaine, le gouvernement annonce qu’il va dorénavant avoir recours à un système de loterie. Je ne sais pas ce que vous en pensez, sénateur Gold, mais, pour ma part, je n’achète plus de billets de loterie parce que je sais que les chances ne sont pas de mon côté. Je pense que de nombreuses personnes qui attendent leur tour depuis des années se sentent trahies de voir que le hasard va peut-être les priver de la possibilité d’une réunification.

Êtes-vous d’accord avec moi sur le fait que le recours à un système de loterie pour gérer la longue liste de parents et de grands-parents qui attendent équivaut à reconnaître que la gestion de ce dossier est un échec?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie, sénatrice. Je peux certainement imaginer le mécontentement des familles qui ont été incapables de se prévaloir de ce programme jusqu’ici, mais, sans vouloir vous manquer de respect, je ne suis pas d’accord avec vous quand vous dites que le système de loterie est un autre exemple de mauvaise gestion.

Le gouvernement est conscient de l’importance que revêt le programme de parrainage des parents et des grands-parents pour de nombreux Canadiens, et il fait tout pour l’améliorer. Même si, en 2020, pas plus de 10 000 demandes seront acceptées, en 2021, le gouvernement ouvrira un autre créneau, ce qui devrait lui permettre d’en accepter 30 000 au total.

Son Honneur le Président : Sénatrice Omidvar, souhaitez-vous poser une question complémentaire?

La sénatrice Omidvar : S’il vous plaît, Votre Honneur.

Merci de votre réponse, sénateur Gold. Dernièrement, le gouvernement a aussi annoncé que, d’octobre à décembre, il accepterait 6 000 demandes de parrainage du conjoint par mois afin de faciliter la réunification de familles séparées depuis trop longtemps. Pouvez-vous nous dire où on en est actuellement? Le gouvernement a-t-il atteint ses objectifs?

Le sénateur Gold : Merci encore de votre question. L’annonce du 24 septembre, comme quoi le gouvernement accepterait 6 000 demandes de parrainage du conjoint, s’ajoutait à diverses mesures visant à réduire les temps d’attente, comme augmenter de 66 % le nombre de personnes chargées de traiter les demandes de parrainage et accélérer les efforts d’informatisation des demandes.

(1450)

Le gouvernement est également en train de prendre des mesures pour faciliter la soumission des données biométriques qui sont nécessaires au traitement des demandes et il commence à mener des entrevues à distance avec les demandeurs.

Je vous remercie, sénatrice, de m’avoir prévenu que vous alliez me poser cette question, car cela m’a permis de me renseigner auprès du gouvernement. Je n’ai pas encore reçu les données précises que vous me demandez au sujet de l’état d’avancement des nouvelles mesures permettant d’atteindre l’objectif mensuel de 6 000 demandes.

La santé

La mise en quarantaine obligatoire

L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Depuis le début de la pandémie de COVID-19, le gouvernement fédéral a limité le nombre d’aéroports qui acceptent les arrivées internationales et a également imposé une quarantaine de 14 jours pour la plupart des voyageurs en provenance de l’étranger. Cette quarantaine a donc lieu à la destination du voyageur et non au port d’entrée.

Ma question est la suivante : y aura-t-il un grand nombre de Canadiens qui s’envoleront vers le sud cet hiver en dépit des mises en garde du gouvernement fédéral relativement aux voyages? Je peux répondre moi-même à cette question. Oui, il y en aura beaucoup.

Afin de réduire le risque de transmission communautaire — surtout dans la bulle atlantique, où j’habite —, le gouvernement fédéral a-t-il l’intention de reproduire le modèle australien, c’est-à-dire d’imposer aux voyageurs une quarantaine obligatoire, à leurs propres frais, dans un hôtel au port d’entrée à leur retour au Canada au lieu d’une quarantaine à leur destination?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, sénatrice, et de votre suggestion de s’inspirer des mesures prises par d’autres pays pour déterminer la réponse du Canada à la pandémie de COVID-19.

Le gouvernement du Canada continue de déconseiller jusqu’à nouvel ordre les voyages non essentiels à l’extérieur du Canada afin de limiter la propagation de la COVID-19. Pour ceux qui choisiront tout de même de voyager, il faut savoir que le gouvernement oblige tous les voyageurs de s’isoler pendant 14 jours à leur retour au Canada, conformément à la Loi sur la mise en quarantaine. Pour autant, je ne crois pas que le gouvernement ait l’intention d’obliger tous les voyageurs de s’isoler dans un hôtel au port d’entrée au Canada.

Son Honneur le Président : Sénatrice Griffin, vouliez-vous poser une question complémentaire?

La sénatrice Griffin : Oui. Merci.

Pour que l’on comprenne comment l’arrivée de voyageurs de l’étranger pourrait avoir une incidence sur la région isolée de l’Atlantique, le gouvernement pourrait-il consulter l’Agence de la santé publique du Canada et fournir au Sénat une liste de tous les cas observés jusqu’au 17 novembre 2020 où des voyageurs de l’étranger atteints de la COVID-19 ont eu les provinces de l’Atlantique comme destination finale? Je demande que l’on classe les destinations par province et que le point d’entrée du voyageur soit indiqué. Merci.

Le sénateur Gold : Merci, sénatrice. Je vais certainement m’informer auprès du gouvernement en espérant pouvoir fournir l’information à la sénatrice ainsi qu’au Sénat en temps opportun.

[Français]

La justice

L’étude du projet de loi C-7

L’honorable Pierre J. Dalphond : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, je comprends que le projet de loi C-7 sur l’aide médicale à mourir doit avoir reçu la sanction royale d’ici le 18 décembre, soit dans un mois, sinon le procureur général du Canada devra demander une prolongation à la Cour supérieure.

À ce jour, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a tenu cinq réunions et entendu pas moins de 45 témoins, et ses travaux ne sont pas terminés.

Le gouvernement a-t-il convenu avec les autres partis à la Chambre des communes d’un échéancier pour le rapport du Comité de la justice et des droits de la personne et la fin du débat à l’autre endroit à l’étape de la troisième lecture?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. En fait, j’ai posé la même question hier. À ce moment-ci, je ne sais pas si une date butoir est prévue. Ici, au Sénat, nous attendons avec intérêt l’arrivée du projet de loi. Entre-temps, nous avons confié au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le mandat de mener une étude préliminaire, ce qui nous donnera une longueur d’avance avant que le projet de loi ne soit débattu au Sénat.

Le sénateur Dalphond : Vous conviendrez que le projet de loi C-7 n’est pas comme le projet de loi C-9. Il porte sur des questions qui touchent la morale, l’éthique et d’autres principes fondamentaux. Le gouvernement a proposé de tenir un vote libre à la Chambre des communes. Il s’agit d’une question assez délicate. Comment pourrons-nous conclure une étude préliminaire si nous n’avons pas le texte du projet de loi, ou à tout le moins le rapport du comité de l’autre endroit sur le contenu du projet de loi?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. C’est tout à fait vrai. Vous avez raison de dire que le projet de loi, une fois arrivé au Sénat, pourrait contenir des modifications provenant de l’autre endroit. Cela dit, le comité sera saisi du projet de loi tel qu’il a été présenté à la Chambre des communes. Tout le monde comprend bien l’enjeu auquel nous faisons face. Je ne parle pas des délais, mais du fait qu’il s’agit d’une réponse à une décision de la Cour supérieure dans l’affaire Truchon. Les paramètres du projet de loi sont différents par rapport au projet de loi C-14, qui a créé l’encadrement requis pour traiter cet enjeu très sensible et important.

Les services publics et l’approvisionnement

Les contrats conclus sans appel d’offres

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Au mois d’octobre, je vous ai posé une question sur un contrat conclu sans appel d’offres de 237 millions de dollars, qui a été attribué à la compagnie FTI Professional Grade, compagnie qui existait depuis moins de 10 jours, pour la production de 10 000 respirateurs.

Au nom du gouvernement, vous avez répondu ce qui suit :

Celui-ci a agi de manière responsable pour faire en sorte qu’il puisse avoir accès à ce dont les Canadiens ont besoin.

Je vous rappelle que FTI Professional Grade a ensuite signé un contrat de sous-traitance avec la compagnie Baylis, qui appartient à un ancien député libéral, qui en est actionnaire et aussi l’un des principaux administrateurs. Trouvez-vous qu’il est responsable d’attribuer un contrat pour produire 10 000 respirateurs à une compagnie qui, au moment où a été conclu ledit contrat, n’avait jamais produit de respirateurs de son existence?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. C’est extrêmement responsable de la part du gouvernement du Canada de faire tout ce qui est en son pouvoir pour assurer le bien-être des Canadiens et des Canadiennes en leur donnant ce dont ils ont besoin, qu’il s’agisse de l’équipement que vous venez de mentionner, des vaccins, etc.

Il importe de se rappeler que nous sommes aux prises avec une crise qui n’était pas prévue et que nous n’avions jamais expérimentée. Le gouvernement a fait tout ce qu’il pouvait pour fournir aux Canadiens et aux régions de partout au pays tout l’équipement dont ils avaient besoin.

Le sénateur Carignan : Vous continuez à dire que le gouvernement a agi de façon responsable en donnant un contrat à une compagnie qui n’existait pas le jour précédent et qui n’avait pas d’employés. On parle d’un contrat de 237 millions de dollars pour produire 10 000 respirateurs, contrat qui a été donné en sous-traitance à un ami libéral. Ledit contrat a été attribué à une compagnie qui n’avait jamais produit de respirateurs. Saviez-vous que non seulement la compagnie n’avait jamais produit de respirateurs, mais que lesdits respirateurs n’avaient même pas encore reçu l’approbation de Santé Canada et d’Industrie Canada pour leur utilisation?

[Traduction]

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénateur Gold, mais il est maintenant 15 heures.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté plus tôt aujourd’hui, je quitte le fauteuil pour que le Sénat se forme en comité plénier sur la teneur du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (Subvention d’urgence pour le loyer du Canada et Subvention salariale d’urgence du Canada). L’honorable sénatrice Ringuette présidera le comité.

Lorsque nous reprendrons nos travaux, après l’étude en comité plénier, nous allons poursuivre la période des questions pour le temps qu’il nous reste, et cela comprendra la réponse à la question complémentaire du sénateur Carignan.

Le Sénat se forme maintenant en comité plénier.

(1500)

La Loi de l’impôt sur le revenu

Étude de la teneur du projet de loi en comité plénier

L’ordre du jour appelle :

Le Sénat en comité plénier afin de recevoir l’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, vice-première ministre et ministre des Finances, accompagnée d’un fonctionnaire, relativement à la teneur du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (Subvention d’urgence pour le loyer du Canada et Subvention salariale d’urgence du Canada).

(La séance est suspendue et le Sénat se forme en comité plénier sous la présidence de l’honorable Pierrette Ringuette.)


La présidente : Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier pour étudier la teneur du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (Subvention d’urgence pour le loyer du Canada et Subvention salariale d’urgence du Canada).

Honorables sénateurs, durant un comité plénier, les sénateurs s’adressent à la présidente, mais ne sont pas obligés de se lever. Conformément au Règlement, le temps de parole est de 10 minutes — questions et réponses y comprises. Cependant, tel qu’ordonné, si un sénateur n’utilise pas tout son temps de parole, il peut céder le temps qu’il lui reste à un autre sénateur. Le comité accueillera l’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, vice-première ministre et ministre des Finances. Je l’invite maintenant à entrer, accompagnée de son fonctionnaire.

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, l’honorable Chrystia Freeland et le fonctionnaire qui l’accompagne prennent place dans la salle du Sénat.)

La présidente : Madame la ministre, j’ai le plaisir de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à présenter le fonctionnaire qui vous accompagne et à faire vos observations préliminaires.

L'honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, vice-première ministre et ministre des Finances : Bonjour, honorables sénateurs. Je vous remercie de me donner l’occasion de parler du projet de loi C-9 à ce moment crucial de la réponse du Canada à la pandémie de COVID-19.

Je suis accompagnée aujourd’hui par Andrew Marsland, sous-ministre adjoint principal de la Direction de la politique de l’impôt du ministère des Finances.

Depuis le début, le gouvernement est guidé par deux objectifs primordiaux. Le premier est de protéger la vie et la santé des Canadiens, et le second est de préserver et de protéger les emplois et le gagne-pain des Canadiens. Tout au long de la pandémie, nous avons été guidés par l’idée que la meilleure politique économique est une intervention sanitaire efficace. C’est l’objet du projet de loi C-9, et c’est pourquoi ce dernier mérite notre appui urgent.

[Français]

Honorables sénateurs, nous faisons face à une deuxième vague de la pandémie. L’hiver arrive à grands pas. Les loyers du mois de décembre devront être payés bientôt. Nous devons agir rapidement.

Nous savons que ralentir la propagation du coronavirus entraîne des coûts économiques, des coûts pour les gens, les entreprises, les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif. C’est pourquoi le gouvernement fédéral continuera de fournir une aide financière afin que nous puissions agir correctement sur le plan sanitaire.

[Traduction]

Le Canada est bien placé sur le plan économique pour fournir cette aide grandement nécessaire. Nous avons commencé l’année avec la position financière la plus solide du G7. Aujourd’hui, même en tenant compte des mesures sans précédent que nous avons dû prendre en 2020, le Canada continue d’avoir la position financière la plus solide du G7.

Grâce à de nouvelles mesures de soutien ciblées, le projet de loi C-9 fournira aux employeurs l’aide dont ils ont besoin pour traverser la crise et pour garder leurs employés.

Laissez-moi vous parler brièvement des mesures que nous proposons.

[Français]

Premièrement, le projet de loi C-9 prévoit la mise en place de la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer. Cette subvention apportera un soutien au loyer et à l’hypothèque jusqu’en juin 2021 pour les entreprises et les autres organisations qui ont perdu des revenus à cause de la COVID-19. La subvention couvrira jusqu’à 65 % du coût du loyer ou des intérêts des hypothèques pour les entreprises les plus durement touchées. De plus, les locataires pourront y accéder directement.

(1510)

[Traduction]

Deuxièmement, le projet de loi C-9 propose une nouvelle mesure de soutien en cas de confinement de 25 %, qui s’ajoute à la subvention de 65 % qui est déjà offerte aux organisations dont les activités ont été grandement touchées par une ordonnance de santé publique. Cela signifie que des organisations admissibles pourraient obtenir de l’aide pour payer jusqu’à 90 % de leur loyer.

Troisièmement, le projet de loi C-9 prolonge la Subvention salariale d’urgence du Canada jusqu’en juin 2021, comme le gouvernement s’était engagé à le faire dans le discours du Trône.

Des sénateurs se sont dits inquiets de l’amendement qui a été présenté sur l’admissibilité de la part du loyer payable en vertu de la nouvelle subvention pour le loyer. Comme vous le savez sans doute, nous avons mis en place une solution temporaire de manière à ce que les dépenses admissibles liées au loyer soient reconnues à partir du jour 1. Comme je l’ai précisé au comité sénatorial la semaine dernière, quand le projet de loi C-9 aura été adopté, le gouvernement publiera et mettra en œuvre sans tarder des dispositions législatives pour que les dépenses liées au loyer soient officiellement reconnues comme des dépenses admissibles. Nous pensons que l’Agence du revenu du Canada considérera les dépenses liées au loyer comme des dépenses admissibles dès l’entrée en vigueur du nouveau programme. Il n’y aura aucun délai. Nous avons déjà avisé l’Agence du revenu de notre intention et nous entamerons les démarches officielles auprès de cette dernière dès que le projet de loi C-9 sera en vigueur, le cas échéant.

Nous savons que cette crise laissera des traces, mais nous devons faire tout en notre pouvoir pour limiter le nombre d’emplois perdus et le nombre d’entreprises qui fermeront définitivement leurs portes. L’adoption de mesures de soutien n’est pas seulement motivée par la compassion, mais aussi par le pragmatisme.

Sénateurs, à titre de législateurs, nous avons le pouvoir collectif d’aider les citoyens et les entreprises du pays à traverser la pandémie. C’est ce que nous devons faire sans tarder.

Je crois que le Canada se trouve à un point tournant. Il y a maintenant une lumière au bout du tunnel avec la perspective de la mise au point de vaccins efficaces. En revanche, nous sommes sur le point d’entrer dans la partie la plus rude de l’hiver, et la majorité du pays est en pleine deuxième vague du coronavirus.

[Français]

Nous devons agir maintenant. Les petites entreprises...

[Traduction]

La présidente : Madame la ministre, cinq minutes se sont écoulées. Avant de passer aux questions et réponses, je demande à mes collègues d’écourter les préambules de leurs questions et à la ministre de répondre directement aux questions.

Le sénateur Plett, leader de l’opposition, sera le premier à prendre la parole, pour une période de 10 minutes.

Le sénateur Plett : Merci, madame la présidente. Cela ne me donnera peut-être pas assez de temps pour faire mon préambule.

Madame la ministre, je vous souhaite de nouveau la bienvenue parmi nous. En repensant à votre dernière présence ici, je me suis dit, en tout respect, que j’espérais que, cette fois, le temps de ceux qui posent des questions serait un peu mieux utilisé. La dernière fois que vous êtes venue, madame la ministre, vous avez utilisé 20 % du temps qui m’était imparti à parler d’enjeux qui n’avaient rien à voir avec mes questions. Vous aviez très peu de réponses à nous donner et vous aviez laissé entendre que, puisque le projet de loi avait été adopté à l’unanimité à l’autre endroit, nous devrions simplement faire la même chose sans attendre.

Pourtant, madame la ministre, ce n’est pas vraiment ce qui s’était passé. Si le projet de loi avait été adopté à l’unanimité, c’est parce que votre gouvernement avait fait adopter une motion de programmation, qu’il avait coupé court au débat et qu’il avait empêché toute proposition d’amendement. Vous aviez menacé — j’ai droit à 10 minutes — et forcé les députés à adopter le projet de loi à l’unanimité. Cet appui unanime pour le projet de loi ne voulait certainement pas dire que tous les députés appuyaient votre façon de faire les choses.

J’espère que vous n’avez pas l’intention de nous donner le même genre de réponses aujourd’hui, parce que nous avons de nombreuses questions importantes — n’ayez crainte, nous allons finir par les poser — et nous devrons obtenir des réponses avant d’adopter le projet de loi.

Encore une fois, vous nous imposez un délai très serré parce que votre gouvernement n’a pas voulu tenir compte des conseils que notre parti lui a donnés il y a six mois et corriger les lacunes du programme d’aide au loyer. Vous avez enfin trouvé le moyen de remédier à ces lacunes, mais vous n’êtes pas arrivée à présenter un projet de loi convenable et vous avez dû présenter un amendement — vous l’avez mentionné —, mais vous n’avez pas non plus su présenter un amendement convenable. Et voilà que vous nous pressez encore une fois d’adopter le projet de loi de manière précipitée. Une fois adopté, le projet de loi devra immédiatement être modifié — et, malgré cela, il sera loin d’accomplir le nécessaire —, et vous nous dites tout simplement de vous faire confiance.

Lorsque votre prédécesseur a comparu devant cette Chambre, je lui ai posé des questions et demandé des réponses explicites. Il a demandé à la présidence s’il était nécessaire de répondre à ces questions et de lui expliquer le processus au Sénat. Il s’est fait dire que les sénateurs posent les questions et que les ministres y répondent.

J’ai bon espoir que nous allons procéder de la sorte aujourd’hui. Je vais poser des questions, que je vais lire en entier. Ce sont des questions qui ont été posées à vous ou à votre prédécesseur et auxquelles je n’ai pas reçu de réponses concrètes. Je vous saurais gré, madame la ministre, de donner des réponses explicites et définitives. S’il ne vous est pas possible de donner ces réponses immédiatement, je vous demande de nous les faire parvenir par écrit avant le vote prévu jeudi.

Madame la ministre, nous avons reçu le projet de loi C-9 il y a environ une heure, mais déjà ce matin, le premier ministre demandait au Sénat de l’adopter sans tarder. Nous ne l’avions même pas encore en main qu’il nous demandait déjà de nous presser.

En 2014, le chef libéral Justin Trudeau a dit ceci :

Si le Sénat a un rôle à jouer, c’est assurément de servir de contrepoids au pouvoir extraordinaire que détiennent le premier ministre et son cabinet [...]

Maintenant qu’il est au pouvoir, le premier ministre se sert lâchement de la pandémie pour éviter de rendre compte de ses décisions. Voilà qui montre encore une fois le mépris que lui inspire la reddition de comptes parlementaire de même que le processus législatif et l’indépendance du Sénat.

C’est au gouvernement d’établir l’ordre du jour législatif. Or, il n’a pas arrêté de présenter des mesures bourrées de défauts et il a prorogé le Parlement simplement pour détourner les regards du scandale UNIS, ce qui a encore retardé le processus. Entendons-nous sur une chose, madame la ministre : c’est au gouvernement Trudeau de se ressaisir.

Le Comité des finances du Sénat a consacré la totalité de la semaine de relâche à l’étude préalable du projet de loi. Le Parti conservateur du Canada sera toujours là pour les petites entreprises et fera toujours tout en son pouvoir pour leur offrir le soutien dont elles ont besoin. Madame la ministre, le premier ministre vient peut-être de comprendre à quel point il peut être important que le caucus national de son parti puisse compter sur une aile sénatoriale, car elle pourrait faire avancer son programme législatif.

Voilà mon préambule, madame la ministre, et voici mes questions. Vous pouvez répondre au plus grand nombre possible avant que la présidence ne vous interrompe et vous pourrez nous communiquer le reste plus tard. Nous serons heureux de vous les envoyer par écrit si vous le souhaitez.

Combien d’argent le gouvernement a-t-il dépensé jusqu’à présent pour les mesures de lutte contre la COVID-19?

Combien d’argent les sociétés d’État ont-elles dépensé, y compris les garanties de prêts?

À combien s’élève la dette du gouvernement fédéral en ce moment?

À combien s’élève la dette totale des gouvernements provinciaux en ce moment?

Quel pourcentage de la dette du gouvernement fédéral est détenu par des étrangers, et quel pourcentage est détenu par la Banque du Canada?

Quelle est la part de la dette du gouvernement fédéral dont l’échéance est inférieure à un an, dont l’échéance est d’un an à cinq ans et dont l’échéance est supérieure à cinq ans?

Quel est le taux d’intérêt moyen à payer sur la dette du gouvernement fédéral?

Ma prochaine question est une question pour laquelle Pierre Poilievre a essayé d’obtenir une réponse à la Chambre, et c’est peut-être même à vous qu’il a posé la question. Combien coûtera au gouvernement fédéral une augmentation de 1 % des taux d’intérêt sur la dette?

Enfin, combien de sociétés ont présenté une demande afin d’obtenir de l’aide provenant du Crédit d’urgence pour les grands employeurs et combien de demandes ont été acceptées?

Je pense que vous disposez de presque cinq minutes, madame la ministre.

La présidente : Non. Madame la ministre, vous disposez de trois minutes et demie pour répondre. Merci.

(1520)

Mme Freeland : Je vous remercie beaucoup, sénateur, pour le préambule et pour les questions. Je vais essayer de passer à travers.

En ce qui concerne l’argent que le gouvernement a dépensé jusqu’à maintenant, je suis très heureuse de vous fournir nos estimations des coûts des programmes que je vous demande d’étudier. Commençons par là. Je crois que c’est tout à fait approprié. Nous estimons que la subvention d’urgence pour le loyer, que nous vous présentons, coûtera 2,2 milliards de dollars, en incluant l’aide pour pallier les conséquences du confinement. Cela concerne la période qui commence maintenant et qui se termine le 19 décembre. Nous estimons que pour la Subvention salariale d’urgence du Canada, dont nous demandons la prolongation jusqu’à l’été 2021, mais en proposant un taux de 65 % jusqu’au 19 décembre — date d’établissement du taux —, nous dépenserons 65,5 milliards de dollars. Notre estimation s’étend donc jusqu’au 19 décembre.

Il y aura d’autres périodes, bien entendu, mais je ne ferai pas d’estimations pour ces périodes, parce que nous ne connaissons pas encore les taux qui seront en vigueur. Comme je l’ai déjà dit, nous sommes déterminés à garder ces deux mesures en place jusqu’en juin 2021.

En ce qui concerne la dette du gouvernement, je ne vous fournirai pas, honorables sénateurs, de nouveaux chiffres aujourd’hui. Je vais vous présenter, à vous, ainsi qu’au Parlement et aux Canadiens une mise à jour économique de l’automne dans quelques jours, qui inclura les détails de nos dépenses jusqu’à maintenant, ainsi que des projections financières détaillées.

Je suis cependant ravie de vous rappeler des chiffres que le gouvernement a publiés dans le Portrait économique et budgétaire. Lors de la parution de ce document, nous prévoyions, pour 2021, un déficit de 343,2 milliards de dollars et une dette de 1,06 billion de dollars. Comme je l’ai dit, je vais présenter des chiffres à jour dans le portrait budgétaire de l’automne, mais je ne vais pas les fournir aujourd’hui.

Pour ce qui est des autres questions, je vais fournir les réponses que je peux donner. En ce qui concerne la dette actuelle du gouvernement, j’aimerais faire certaines observations. Comme les sénateurs le savent, à l’heure actuelle, le Canada a une cote de crédit très favorable de AAA. Comme je l’ai dit dans mon préambule, le Canada affiche le ratio de la dette par rapport au PIB le plus bas parmi les pays du G7. De plus, les intérêts sur la dette sont à leur plus bas par rapport au PIB du Canada depuis 100 ans, et ce, malgré les dépenses exceptionnelles que nous avons engagées pour lutter contre la COVID-19.

Je suis donc tout à fait...

La présidente : Madame la ministre, je suis désolée, mais nous devons passer à la prochaine période de 10 minutes.

La sénatrice Dasko : Madame la ministre Freeland, je vous souhaite la bienvenue au Sénat. Je tiens à vous féliciter pour votre nomination au poste de ministre des Finances, ainsi que d’être la première femme à occuper cette fonction. Toutes mes félicitations.

Madame la ministre, un sondage mené récemment par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a révélé que 70 % des entreprises établies dans notre ville, Toronto, déclarent ne pas avoir les moyens financiers de survivre à un nouveau confinement. Le gouvernement libéral a fourni d’importants capitaux aux PME au moyen de la Subvention salariale d’urgence du Canada, qui semble être une mesure efficace pour soutenir les petites entreprises canadiennes. Le programme de l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial comportait pour sa part des lacunes, et il a donc fini par être remplacé. Nous avons tous entendu parler d’entreprises qui n’ont pas pu bénéficier d’une mesure d’aide parce que leur propriétaire ne souhaitait pas présenter une demande au titre de ce programme. D’autres propriétaires n’étaient pas admissibles parce qu’ils n’avaient pas atteint le seuil de perte de revenus.

La Subvention d’urgence du Canada pour le loyer représente une bonne réponse par rapport aux plaintes concernant le programme d’aide pour le loyer commercial. Cependant, pour beaucoup d’entreprises, cette mesure a été mise sur pied trop tard. Si je comprends bien, le projet de loi est conçu pour permettre aux organismes admissibles de présenter une demande à l’ARC jusqu’à 180 jours après la période d’admissibilité pour laquelle ils réclament de l’aide financière.

Pourquoi la date de début de ce programme se limite-t-elle au 27 septembre? Pourquoi ne pouvez-vous pas la devancer pour aider les entreprises que le programme précédent n’a pas été en mesure d’aider? Par exemple, il me semble que vous pourriez facilement reculer cette date de 180 jours. Tout comme vous avez fait avancer la date limite d’accès à ce programme de plus ou moins 180 jours, vous pourriez faire reculer cette date limite de 180 jours. Ma question concerne donc la manière dont vous avez structuré ce programme : pourquoi la date de début ne peut-elle pas être reculée afin d’aider les personnes qui se sont retrouvées en difficulté durant cette période?

Mme Freeland : Merci beaucoup de la question, madame la sénatrice.

[Note de la rédaction : Mme Freeland et la sénatrice Dasko s’expriment dans une autre langue.]

Vous posez une question très importante, à laquelle j’ai beaucoup songé. Merci également d’avoir parlé du travail de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante. Nous nous sommes souvent entretenus avec Dan Kelly lors de l’élaboration de ce programme.

Madame la sénatrice, pendant l’élaboration du programme, l’intention du gouvernement était avant tout de faire en sorte qu’autant d’entreprises canadiennes que possible puissent continuer à fonctionner. Ainsi, nous nous concentrons sur le présent et sur l’avenir, pas sur le passé. Je suis consciente qu’il y a des entreprises qui auraient aimé se prévaloir de l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial, mais qui n’ont pas pu le faire en raison des décisions de certains propriétaires. Je sympathise beaucoup avec ces entreprises. Cependant, au bout du compte, vu que les ressources du gouvernement sont limitées — nous prenons beaucoup de mesures d’aide, mais je pense que nous sommes tous conscients que les ressources sont limitées —, ce qu’il convient pour nous de faire est de nous concentrer sur l’avenir et sur les entreprises qui sont viables et qui fonctionnent encore aujourd’hui, et de leur donner l’aide dont elles ont besoin pour survivre jusqu’à la fin de la pandémie.

Je signale que si les sénateurs approuvent le projet de loi C-9, les entreprises auront accès à plusieurs mesures d’aide. Par exemple, à Toronto, où les autorités municipales ont ordonné la fermeture des restaurants, 90 % du loyer de ces derniers sera couvert, ainsi que 65 % de leurs dépenses salariales s’ils ont subi des pertes de recettes d’au moins 70 %. De plus, nous offrons un complément au Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, ce qui permettra aux entreprises d’obtenir dans le cadre de ce programme un prêt additionnel de 20 000 $, dont la moitié sera sous forme de prêt-subvention. Il s’agit là d’un appui vraiment considérable, et je crois que cela devrait aider nos entreprises à traverser la deuxième vague de la pandémie.

La sénatrice Dasko : Je vous remercie. C’est très utile. J’ai une autre question. Madame la ministre, au cours de l’été dernier, le gouvernement a consenti 19 milliards de dollars aux provinces dans le cadre de l’Accord sur la relance sécuritaire. Ces dépenses importantes étaient nécessaires pour aider les provinces à offrir des services essentiels, et elles sont d’autant plus cruciales maintenant en raison de la deuxième vague de la pandémie.

Dans le discours du Trône, le gouvernement a promis d’inclure des normes nationales pour les soins de longue durée dans les ententes conclues avec les provinces. Or, j’ai examiné l’Accord sur la relance sécuritaire tel qu’il a été publié et, en ce qui concerne les établissements de soins de longue durée, je constate que l’augmentation des effectifs est mentionnée dans certaines ententes, mais pas les normes de dotation comme telles. Pourtant, les experts ont indiqué clairement que l’amélioration des normes de dotation, y compris une formation améliorée, l’équité en matière d’emploi, un salaire accru et un meilleur rapport employés-patients augmenteront la qualité des soins fournis.

Voici donc ma question : où sont les normes nationales pour les soins de longue durée dont le discours du Trône fait mention? Les investissements dans l’augmentation des effectifs qui sont prévus dans certains de ces accords représentent-ils la réponse de votre gouvernement, ou y a-t-il d’autres mesures à venir en ce qui concerne ces normes? De plus, si d’autres mesures sont prévues, pouvez-vous nous dire ce que ces normes de dotation pourraient inclure?

(1530)

De toute évidence, ce sont des points très pertinents de nos jours, alors que la deuxième vague entraîne des éclosions dans de nombreuses résidences pour personnes âgées du Canada, que le taux de mortalité augmente et que de nombreux aînés vivent de grandes difficultés. Voilà ma question. Merci.

Mme Freeland : Merci beaucoup pour cette question. Je pense que nous sommes tous extrêmement préoccupés par ce qui se passe dans les établissements de soins de longue durée partout au pays. Nous avons constaté qu’il s’agit véritablement d’un point faible dans l’ensemble du Canada. Je crois vraiment que c’est une tragédie nationale et une honte nationale que tant d’aînés meurent du coronavirus. Avec la deuxième vague, nous constatons que les établissements de soins de longue durée continuent de représenter une énorme vulnérabilité.

En ce qui concerne l’Accord sur la relance sécuritaire, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les provinces dans le but de leur donner les ressources supplémentaires dont nous estimions qu’elles avaient besoin pour se préparer à la deuxième vague. Nous avons adopté une approche très collaborative et avons cerné des catégories précises dans lesquelles nous savions qu’un soutien serait nécessaire — par exemple, les soins de longue durée — et des domaines sur lesquels nous pensions devoir nous concentrer. Cependant, nous sommes également très conscients du fait que, par l’intermédiaire de l’Accord sur la relance sécuritaire, nous avons versé des fonds fédéraux dans des champs de compétence provinciale.

Aujourd’hui au Canada, on s’accorde largement sur la nécessité de disposer de normes nationales en matière de soins de longue durée. Néanmoins, personne d’entre nous ne devrait minimiser la somme de travail qu’il faudra pour y arriver. Pour élaborer des normes applicables à l’ensemble du pays, auxquelles adhèrent vraiment tous les niveaux de gouvernement, il faudra de véritables discussions et négociations entre les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral. Nous devons donc nous atteler à la tâche, mais nous allons y parvenir. Nous devons procéder comme il se doit.

Honorables sénateurs, en conclusion, il faudra travailler un peu plus pour mettre en place de véritables normes afin de rehausser le niveau des soins de longue durée au Canada, mais il est urgent d’agir et de commencer à améliorer la situation dès maintenant. Le gouvernement fédéral envoie actuellement des employés de la Croix-Rouge pour aider les résidants des établissements de soins de longue durée partout au pays. De surcroît, le gouvernement collabore activement avec les provinces pour savoir si elles ont besoin d’autres mesures de soutien pour protéger les aînés.

Le sénateur Tannas : Madame la ministre, certains sénateurs qui ont assisté aux séances du comité estiment ne pas avoir obtenu d’explication satisfaisante quant à savoir pourquoi le gouvernement et le Sénat se retrouvent avec un projet de loi boiteux qui ne peut être amendé.

Alors, entre Albertains qui ne mâchent pas leurs mots, dites-moi ce qui s’est passé. Nous songeons à créer un comité qui examinera les leçons tirées de la COVID-19. Nous nous pencherons peut-être sur cette possibilité. Dans l’intérêt de tous, pourriez-vous nous dire en quoi un tel correctif est nécessaire et comment il se fait qu’on n’y a pas eu recours? Comment n’y a-t-on pas songé?

Mme Freeland : C’est une excellente question, monsieur le sénateur, et j’y réponds avec plaisir.

Avant toute chose, permettez-moi de souligner le point qui m’apparaît le plus important, c’est-à-dire que, si ce projet de loi reçoit l’appui des sénateurs, nous pourrons mettre en œuvre un programme d’aide au loyer selon lequel le loyer à payer sera accepté immédiatement, dès l’entrée en vigueur de la loi. Du point de vue des gens auxquels je tiens le plus, c’est-à-dire les entrepreneurs, il n’y aura donc aucune interruption dans le soutien versé. C’est le premier point. Cela dit, la question est tout à fait valide.

Quand nous élaborons tous ces mécanismes de soutien à l’intention des entreprises — rappelons que le gouvernement fédéral fournit un soutien sans précédent à un nombre d’entreprises sans précédent —, nous cherchons un juste équilibre entre deux objectifs : celui de fournir aux entreprises qui en ont besoin le soutien qu’il leur faut aussi rapidement que possible, et celui d’être généreux à l’égard de ces entreprises et de leurs besoins. En parallèle, il faut aussi veiller à l’intégrité des programmes. Il est essentiel d’établir des critères d’admissibilité qui donneront au gouvernement et à l’ARC la certitude que les entreprises demandant ces sommes y sont réellement admissibles.

De toute évidence, le loyer qui a déjà été payé — preuve à l’appui — démontre clairement la validité de la demande : il démontre que l’entreprise a utilisé l’argent pour payer le loyer du mois précédent. Par contraste, il est plus difficile pour l’ARC de gérer avec autant de confiance une exigence fondée sur le loyer à payer. C’est le genre de compromis qu’on évalue quand on établit le fonctionnement d’un programme.

Cela dit, étant donné le moment où nous nous trouvons dans la pandémie, le temps qui s’est écoulé depuis le début et les difficultés que connaissent les entreprises, j’étais persuadée — nous étions persuadés, en fait — qu’il serait bon d’offrir aux entreprises cette option plus souple. Ce soutien ne brille peut-être pas par son élégance, mais je suis heureuse que nous puissions le fournir aux entreprises.

Le sénateur Tannas : Je ne pense pas qu’un élément ait été écarté de façon délibérée. Vous dites que c’est la voie que vous avez choisie ou que vous avez suivi les conseils reçus. Il est plutôt comique de penser que nous offrons de l’argent pour payer le loyer tout en disant aux gens qu’ils doivent le payer avant de recevoir de l’aide. On dirait une sorte d’humour absurde. Cela dit, je ne pense pas qu’un élément ait été écarté. Vous avez choisi de faire marche arrière et de ne pas suivre les conseils que beaucoup de gens compétents vous ont donnés en tenant compte de la situation sur le terrain.

Mme Freeland : Monsieur le sénateur, entre Albertains, je vous dirais en toute franchise que je n’utiliserais probablement pas des mots comme « marche arrière » et « comique ». Je collabore avec l’ARC tous les jours. Andrew Marsland, qui est ici, a travaillé très fort pour que le loyer à payer soit admissible. C’est un équilibre très difficile à réaliser pour les gens de l’ARC, qui sont très soucieux de l’éthique. Ils n’ont pas d’autres motivations que d’acheminer l’argent aux bonnes personnes. J’apprécie et je respecte les préoccupations qu’ils ont.

Cela dit, nous vivons une période sans précédent. Nous devons faire certaines choses un peu différemment. J’aimerais dire à tous les sénateurs que nous devons tous être conscients — et je sais que vous l’êtes — qu’il faut atteindre un délicat équilibre dans l’offre de ces mesures de soutien aux Canadiens.

Le sénateur Tannas : Très bien. Merci. Je cède le reste de mon temps de parole au sénateur Dagenais.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Madame la ministre, depuis le début de la pandémie, tous les projets de loi du gouvernement visant à venir en aide aux Canadiens ont soulevé des inquiétudes par rapport au potentiel de fraude. Je suis d’avis que les mesures prises par le gouvernement à ce sujet sont plutôt vagues. Les Canadiens et les Canadiennes se sont notamment fait voler leur identité par des fraudeurs de la PCU. C’est la même chose pour les entrepreneurs. Les services de police accumulent les plaintes, et la situation ne semble pas déranger le gouvernement.

Au début, l’état d’urgence pouvait être une raison acceptable pour expliquer ce manque de vigilance, mais, après neuf mois de pandémie, on ne peut plus parler d’urgence. J’ose employer le terme : est-ce que cela pourrait être de l’incompétence?

Ma question est fort simple : est-ce de façon délibérée qu’on n’inclut pas dans les projets de loi des mesures notables et sévères pour empêcher la fraude, ou bien ces projets de loi sont-ils simplement rédigés par des intellectuels qui n’ont aucune notion de sécurité?

(1540)

Mme Freeland : Je vous remercie beaucoup de cette question. Je crois que votre question représente un très bon suivi à la question posée par le sénateur Tannas. Comme j’ai tenté de l’expliquer, nous essayons de trouver un équilibre entre les mesures visant à assurer l’intégrité des programmes et les grands besoins actuels de nos entreprises et des Canadiens. Cet équilibre est difficile à trouver.

Je crois que nous devons réagir de façon urgente, parce que les besoins sont urgents. En même temps, je tiens à vous assurer que nous avons beaucoup réfléchi. Nous avons instauré des programmes pour établir des critères, comme celui des loyers dont nous venons de discuter, des critères auxquels croit l’Agence du revenu du Canada, des critères forts qui nous permettent d’obtenir des faits et des preuves.

Nous essayons de trouver un équilibre. D’un côté, vous exprimez une inquiétude en ce qui concerne la fraude et, de l’autre côté, il y a la question du sénateur Tannas, de l’Alberta, selon laquelle nous devons réagir de façon urgente et donner aux entreprises ce dont elles ont besoin aujourd’hui. Nous tentons de trouver un équilibre, et je crois que nous avons réussi.

Le sénateur Dagenais : Madame la ministre, vous savez que des organisations criminelles profitent des failles au sein des programmes. Ce projet de loi contient des failles, lui aussi. Nous savons qu’il y a actuellement beaucoup de vols d’identité. Ce sont souvent des organisations criminelles qui sont à la base de ces vols d’identité et qui profitent des programmes actuels, et ces organisations profiteront sûrement des programmes découlant du projet de loi C-9 qui seront mis en œuvre. Il faudra être plus que vigilant au moment de la rédaction des prochains projets de loi ou encore nous laisser davantage de temps pour en faire l’étude pour que nous puissions y apporter les amendements nécessaires afin qu’ils soient encore plus sûrs.

Mme Freeland : Encore une fois, je vous remercie de cette question. Nous devons être vigilants et nous avons prévu des mesures pour assurer l’intégrité des programmes. J’aimerais souligner le professionnalisme des employés de l’Agence du revenu du Canada. Ils font de l’excellent travail. Ils ont octroyé les fonds et ils sont prêts à faire les contrôles requis par la suite. En même temps, je crois que nous devons être conscients du fait que nous sommes en pleine pandémie et que nous sommes...

La présidente : Madame la ministre, nous devons poursuivre.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Madame la présidente, je vais partager mon temps de parole avec la sénatrice Bernard.

Madame la ministre, bienvenue au Sénat du Canada. Je crois comprendre que l’Agence du revenu du Canada administrera le programme de subvention du loyer en plus d’administrer le programme de subvention salariale. Je pense que c’était la bonne décision à prendre.

Toutefois, l’administration de ces deux programmes dans des délais serrés représente une charge de travail énorme. Madame la ministre, l’agence a-t-elle reçu des ressources supplémentaires du gouvernement? Le cas échéant, pourriez-vous nous dire quelles sortes de ressources lui ont été rapidement fournies pour que les programmes puissent être administrés à temps?

Mme Freeland : Merci beaucoup, madame la sénatrice. C’est une excellente question. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais je suis bien consciente que l’Agence du revenu du Canada fait un travail monumental en ce moment pour soutenir l’ensemble du Canada et j’en suis très reconnaissante. Nos représentants sont actuellement en discussion avec l’agence pour s’assurer qu’elle dispose de toutes les ressources nécessaires pour s’acquitter de cette importante tâche.

L’Agence du revenu du Canada fait tout un travail. Vous avez tout à fait raison de souligner que nous devons veiller à ce qu’elle dispose des ressources humaines et techniques voulues pour faire ce travail.

La sénatrice Cordy : Merci. Ma deuxième question porte sur la réaction au programme précédent de subvention du loyer. Ce programme nécessitait la participation des locateurs. Or, je crois comprendre que, à ce moment-là, ces derniers se sont montrés réticents à y participer. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi et nous dire si le projet de loi actuellement à l’étude remédie à ces préoccupations?

Mme Freeland : Je rappelle que près de 140 000 petites entreprises donnant de l’emploi à 1,2 million de travailleurs ont bénéficié de l’ancien programme d’aide au loyer commercial, alors je crois qu’on peut affirmer qu’il a permis d’aider concrètement les entreprises et les travailleurs.

Le nouveau programme s’adresse directement aux locataires, qui n’ont plus besoin de passer par leur propriétaire, et j’insiste sur le fait que les intérêts sur l’hypothèque sont désormais considérés comme une dépense admissible. Les entreprises qui sont propriétaires de leur bâtisse et qui doivent faire des versements hypothécaires peuvent aussi réclamer les intérêts.

La sénatrice Cordy : Je vous remercie.

La présidente : Vous ne souhaitez pas poser d’autres questions, sénatrice Cordy?

La sénatrice Cordy : Je laisse le reste de mon temps de parole à la sénatrice Bernard.

La sénatrice Bernard : Ma première question fait suite à la réponse que vous venez de donner à la question de la sénatrice Cordy, madame la ministre. Vous dites qu’un grand nombre d’entreprises ont pu bénéficier du programme créé par la loi précédente. Disposez-vous de données ventilées selon la race? Parmi les entreprises qui ont reçu de l’aide, combien appartenaient à des personnes racialisées? J’aimerais surtout savoir combien appartenaient à des entrepreneurs noirs.

Mme Freeland : Il s’agit d’une question très importante, sénatrice, et je vous en remercie. Mon collègue le ministre Hussen et moi avons eu la chance de participer à une table ronde avec des chefs d’entreprise noirs afin de discuter de l’entrepreneuriat noir et des conséquences de la pandémie.

Je n’ai pas de données sur la ventilation des sommes accordées dans le cadre de l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial, mais j’estime comme vous que le gouvernement devrait en faire plus pour désagréger les données qu’il recueille. J’ai d’ailleurs été ravie lorsque le premier ministre et la ministre Mary Ng ont annoncé, il y a quelques semaines, la mise sur pied d’un fonds spécial destiné aux entrepreneurs noirs. J’en ai justement discuté avec le premier ministre ce matin. Il espère que ce fonds sera mis en branle très rapidement, et nous y travaillons.

La sénatrice Bernard : Merci, madame la ministre. J’aimerais maintenant vous poser la question suivante : la COVID-19 a eu pour effet d’aggraver les injustices actuelles dont sont victimes les communautés noires. Selon le document intitulé Toronto Fallout Report: Half a Year in the Life of COVID-19, 39 % des Canadiens noirs ont indiqué que la pandémie avait miné fortement ou modérément leur capacité à honorer leurs obligations financières ou à répondre à leurs besoins essentiels.

Je salue le soutien apporté aux entrepreneurs noirs par l’entremise du Programme pour l’entrepreneuriat des communautés noires. Toutefois, ce que j’entends des organismes communautaires et des entreprises dirigées par des Noirs, c’est que les processus de demande pour obtenir des fonds sont très compliqués. Beaucoup de ces entrepreneurs ont affirmé qu’ils ne pouvaient pas se permettre d’attendre que le gouvernement lance un appel de concepts relativement au Fonds pour l’écosystème national et au Carrefour du savoir pour l’entrepreneuriat des communautés noires. Les entrepreneurs noirs en ont assez que l’on pense à eux après coup. Ils ont besoin de soutien dès maintenant.

(1550)

Madame la ministre Freeland, comment le gouvernement veillera-t-il à ce que les Canadiens noirs bénéficient d’un accès équitable et rapide aux soutiens financiers, et à ce que leurs voix soient prises en compte lors de l’élaboration d’une relance équitable?

Mme Freeland : Merci encore une fois, sénatrice, de cette question très importante. J’essayerai d’y répondre en partie.

Tout d’abord, merci de nous avoir fait part de ces commentaires très précis au sujet des programmes. Je conviens qu’il faut les mettre en œuvre de toute urgence et rendre le processus de demande aussi simple et rapide que possible. Ces commentaires sont très utiles et j’y donnerai suite avec mes collègues du Cabinet.

En ce qui concerne la réponse plus générale à la pandémie, je pense que nous devons reconnaître que la COVID-19, tant sur le plan de la santé que sur le plan économique, n’a pas eu les mêmes conséquences sur tous les Canadiens. Les Canadiens noirs racialisés ont été plus durement touchés. Nous devons être très conscients de cette réalité lorsque nous élaborons des programmes pour aider les gens à lutter contre le coronavirus et lorsque nous mettrons en place des mesures dans le cadre du plan de relance économique en cours d’élaboration.

La sénatrice Bernard : Merci beaucoup.

La présidente : Sénatrice Bernard, il vous reste deux minutes.

La sénatrice Bernard : J’ai terminé. Merci.

La présidente : D’accord. Nous passons donc au prochain bloc de 10 minutes.

[Français]

Ce temps de parole sera partagé également entre les sénateurs Carignan et Marshall.

Le sénateur Carignan : Madame la ministre, ma question fait suite à celle que le sénateur Tannas vous a posée sur la modification du loyer payable à titre de dépense admissible pour que les gens puissent réclamer un montant pour le loyer, même s’ils ne l’ont pas payé, de manière à respecter leur capacité de payer.

Vous avez déposé un projet d’amendement à l’autre endroit à l’étape de la troisième lecture, qui a été refusé. Vous dites simplement que l’Agence du revenu du Canada vous a entendue, qu’elle a entendu votre commentaire et qu’elle en tiendra compte lorsqu’elle fera la demande de remboursement.

Ne trouvez-vous pas que ces propos sont quelque peu irrespectueux envers le Parlement, envers les deux Chambres et particulièrement envers le Sénat, où il est parfaitement possible de proposer un amendement et de rendre un projet de loi conforme à vos intentions ministérielles, plutôt que de laisser les fonctionnaires mettre en œuvre la loi comme bon leur semble?

Mme Freeland : Merci de la question, monsieur le sénateur. J’ai deux réponses à vous donner. Premièrement, et c’est à chaque sénateur de prendre une décision, je pense que nous nous trouvons dans une situation urgente, et, quand je discute avec les entreprises — et je pense que vous entendez la même chose que moi —, elles me disent qu’elles ont besoin d’aide maintenant. Pour cette raison, nous tous, sénateurs, députés, fonctionnaires, ainsi que les gens qui travaillent à l’Agence du revenu du Canada, devons faire les choses d’une manière un peu différente de celle dont nous les ferions en temps normal.

C’est pour cette raison que je pense que la meilleure chose à faire est d’appuyer le projet de loi C-9 tel qu’il est maintenant. Nous avons beaucoup travaillé avec l’Agence du revenu du Canada. J’ai confiance que les entreprises auront ce dont elles ont besoin, et c’est la chose la plus importante pour moi.

En ce qui concerne le respect du Parlement, de la Chambre des communes et du Sénat, nous allons proposer un amendement et j’espère que cet amendement obtiendra l’appui de la Chambre des communes et du Sénat. Toutefois, je pense que nos entreprises ne peuvent pas attendre.

Le sénateur Carignan : J’ai l’impression que vous essayez de faire compliqué quand on peut faire simple. Votre ancien collègue le ministre Morneau a déjà déposé un amendement dans cette Chambre, par l’intermédiaire du leader du gouvernement, pour modifier un projet de loi budgétaire qui était imparfait; il a été adopté au Sénat et renvoyé à la Chambre des communes, où il a été adopté. Il serait tout à fait possible pour vous de demander à votre leader du gouvernement de déposer cet amendement, qui serait adopté ici, puis renvoyé à la Chambre des communes, et nous aurions alors un projet de loi complet plutôt qu’un projet de loi plein de lacunes que des fonctionnaires seront responsables de combler, encore une fois.

Mme Freeland : Le processus que vous décrivez, monsieur le sénateur, est évidemment absolument possible. Toutefois, si l’on procède comme vous le proposez, nos entreprises devront attendre plus longtemps; selon moi, alors que nous devons affronter une deuxième vague et que nous sommes en pleine pandémie, nous devons réagir maintenant et donner aux entreprises l’aide dont elles ont besoin.

Je comprends que vous vous inquiétiez de la situation des entreprises qui veulent bénéficier de l’appui du gouvernement fédéral pour utiliser le loyer payable. Je suis d’accord avec vous, et c’est pour cette raison que je suis heureuse de vous assurer que, avec le projet de loi que nous avons devant nous, ces entreprises recevront l’aide dont elles ont besoin. Pour moi, c’est la chose la plus importante.

Le sénateur Carignan : Je pense que nous ne serons pas d’accord.

J’ai une autre question. Lors de votre dernière comparution, je vous ai demandé quand vous comptiez présenter une mise à jour budgétaire et économique. Le Québec vient d’en déposer une, tout comme l’Ontario récemment. On évaluait à environ 400 milliards de dollars...

La présidente : Sénateur Carignan, vos cinq minutes sont écoulées. Je dois céder la parole à la sénatrice Marshall.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup, madame la présidente. Bienvenue, madame la ministre, au Sénat du Canada.

Madame la ministre, le projet de loi prévoit, pour les entreprises, une subvention salariale et une subvention pour le loyer commercial jusqu’en juin 2021. Cependant, il établit des taux et une formule pour calculer le montant de la subvention que recevra une entreprise seulement jusqu’au 19 décembre. Les taux et la formule pour calculer le montant de la subvention qui sera accordée après le 19 décembre seront fixés par règlement.

Madame la ministre, nous ne sommes qu’à quatre semaines du 19 décembre et, comme vous le dites, l’hiver arrive. Les entreprises n’ont aucune idée du montant des subventions auxquelles elles auront droit après le 19 décembre.

La semaine dernière, des témoins au Comité sénatorial des finances nationales ont affirmé que l’incertitude est l’un des plus grands problèmes auxquels les entreprises sont confrontées en ce moment. Vu que les entreprises ne connaissent pas encore les taux et les formules pour calculer leurs subventions après le 19 décembre, quand peuvent-elles s’attendre à connaître le règlement qui les fixera? Pourriez-vous nous donner une date, madame la ministre, et aussi la date du prochain portrait budgétaire? Merci beaucoup.

Mme Freeland : C’est une excellente question, madame la sénatrice. Permettez-moi d’expliquer pourquoi nous avons établi les taux jusqu’au 19 décembre, mais pas au-delà de cette date. C’était une décision intentionnelle.

Je conviens, madame la sénatrice, que l’incertitude est un grand problème pour les entreprises, mais, en fait, le cours du coronavirus est par sa nature incertain. Nous vivons une deuxième vague du coronavirus, dont l’intensité actuelle n’a pas été prévue et dont le cours futur est impossible à prévoir avec certitude. En outre, le gouvernement fédéral n’est pas en mesure de savoir avec certitude quelles mesures les provinces, les municipalités et les responsables de la santé publique mettront en place dans les différentes régions du pays. Ces deux choses, la propagation du coronavirus et les mesures prises pour lutter contre ce dernier, mesures que je soutiens fermement, auront une incidence importante sur le niveau d’aide dont les entreprises auront besoin au cours de l’hiver. Nous en sommes arrivés à la conclusion que le mieux était de faire preuve de souplesse. Si la situation se dégrade, le gouvernement sera en mesure d’offrir une aide supplémentaire. Si nous arrivons à aplanir la courbe, que tout le monde peut retourner au travail et que l’économie continue de s’améliorer, alors nous pourrons réduire l’aide offerte. C’est là-dessus que s’appuie notre raisonnement.

(1600)

Pour ce qui est du moment où les niveaux seront fixés pour les prochaines périodes, je peux dire que ce sera dans les semaines à venir — je ne donnerai pas de date exacte —, mais nous savons que le 19 décembre arrivera bien vite.

La sénatrice Marshall : Merci. Pouvez-vous donner la date du prochain portrait budgétaire?

Mme Freeland : À un moment donné cet automne.

La sénatrice Marshall : Madame la ministre, lorsque vous avez témoigné devant le Comité des finances, la semaine dernière, nous avons parlé du manque d’information concernant les programmes et les finances, en particulier lorsqu’il est question des programmes liés à la COVID-19. J’avais alors mentionné les rapports bihebdomadaires sur les dépenses liées à la COVID-19, parce que le gouvernement nous les a transmis jusqu’au 6 août seulement. Lors de notre rencontre la semaine dernière, vous m’avez dit que vous cherchiez une façon de produire des renseignements financiers et que vous compreniez le point essentiel que je soulevais.

Ma question est la suivante : pouvez-vous vous engager dès maintenant à reprendre la production des rapports bihebdomadaires sur la COVID-19?

Mme Freeland : Sénatrice, je m’engagerai à fournir des renseignements détaillés sur les dépenses effectuées jusqu’à maintenant et des projections financières détaillées dans la mise à jour économique de l’automne, que nous sommes en train de préparer.

La sénatrice Marshall : Merci.

La sénatrice McPhedran : Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre. Je suis heureuse que nous soyons maintenant saisis du projet de loi C-9. Il est bon de voir le gouvernement répondre aux préoccupations du secteur canadien des affaires. Je suis reconnaissante des efforts soutenus que vos collaborateurs et vous avez déployés. Je partagerai mon temps de parole avec la sénatrice Galvez.

J’aimerais savoir si les six grandes banques canadiennes aident vraiment les Canadiens qui éprouvent des difficultés financières à traverser la pandémie de COVID-19, et si elles permettront à tous de bien se remettre de la crise. Il est vrai que certaines d’entre elles ont réduit temporairement les taux d’intérêt des cartes de crédit, temporairement différé certains paiements et diminué certains paiements minimums sur les cartes de crédit et les marges de crédit, en plus d’accorder le report et la prolongation d’environ 86 000 prêts aux entreprises d’une valeur de plus de 2,6 milliards de dollars, selon l’Association des banquiers canadiens. Pourtant, nous ne pouvons pas ignorer ce que nous commençons à entendre de la part du secteur de la restructuration financière, à savoir qu’un séisme s’en vient.

Madame la ministre, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante s’est jointe à tous ceux qui mettent en garde contre le risque d’entreprises zombies. Dans l’état actuel des choses, toutes les dettes devront être remboursées un jour. Que compte faire le gouvernement quand la COVID-19 sera enfin chose du passé, mais que les citoyens et les entreprises du pays crouleront sous les dettes? Comment pourront-ils possiblement survivre? Il est vrai que le Canada a besoin de banques solides, comme vous me l’avez rappelé la dernière fois que je vous ai posé une question à ce sujet, mais étant donné les profits substantiels que les banques réalisent depuis le début de la pandémie, le gouvernement collabore-t-il avec elles pour inclure la remise de dette dans la stratégie de relance nationale?

Mme Freeland : Merci beaucoup, sénatrice. Cette question renferme beaucoup de sous-questions, alors je répondrai à certaines d’entre elles à tour de rôle.

Le gouvernement collabore avec les banques canadiennes pour offrir beaucoup de ces programmes. Par exemple, le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes est offert par l’entremise des banques. Nous nous efforçons actuellement de verser le plus rapidement possible aux Canadiens les 20 000 $ supplémentaires, dont 10 000 $ peuvent être radiés. Bien sûr, nous collaborons avec les banques, ce qui est très important. C’est une tâche colossale. À ce jour, près de 785 000 petites entreprises ont reçu un prêt au titre du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes. Cette collaboration est importante.

Tout d’abord, en ce qui a trait aux entreprises et à la dette qu’elles auront contractée lorsque nous aurons traversé la pandémie de coronavirus, si nous avons créé un ensemble de programmes pour aider les entreprises, c’est notamment parce que nous voulons qu’il y en ait autant que possible qui traversent la crise tout en restant rentables et solvables. Je crois vraiment que l’aide que le gouvernement du Canada offre aux entreprises canadiennes est sans égale dans le monde. Nous offrons un soutien vraiment important. Comme certains sénateurs l’ont souligné, ces mesures sont coûteuses, mais je crois que c’est la bonne chose à faire parce qu’elles placeront l’économie dans une bien meilleure position pour se redresser après la crise lorsque nous aurons un vaccin et que le coronavirus sera derrière nous.

Pour ce qui est de savoir si une disposition de remise de dette devrait faire partie des efforts de relance après le coronavirus, je pense que c’est une suggestion utile. Nous devons encore voir ce que sera la situation à ce moment-là. Permettez-moi simplement de souligner que notre objectif actuel, à juste titre, est d’aider le plus grand nombre possible d’entreprises canadiennes à traverser la crise tout en demeurant viables et solvables.

Enfin, vous avez tout à fait raison, madame la sénatrice, de dire que certains secteurs de l’économie se portent bien. Les conséquences du coronavirus se font ressentir de façon très inégale et le secteur bancaire est l’un des secteurs qui se portent raisonnablement bien en ce moment.

La sénatrice McPhedran : Je donne mon temps de parole à la sénatrice Galvez.

La sénatrice Galvez : Madame la ministre Freeland, je vous remercie de l’intérêt que vous avez manifesté pour mon livre blanc et pour une reprise propre et solidaire. Au cours de nos recherches, nous avons constaté que de nombreux gouvernements des pays du G20 ont accordé beaucoup d’importance à la conditionnalité, à l’efficacité et à la transparence puisque des milliards de dollars ont été investis dans les entreprises et dans la société. Ils considèrent que ce sont des investissements. Nous savons que nous devons maintenir à flot les travailleurs, les services essentiels et les services publics, mais comme l’ont prédit les scientifiques, nous sommes dans la deuxième vague, et d’autres vagues viendront jusqu’à ce que des vaccins soient largement disponibles. Il y a de fortes chances que la COVID-19 reste endémique, d’où mon inquiétude quant à la nécessité de trouver un équilibre durable entre les exigences sanitaires et la réouverture des entreprises en toute sécurité.

Dans son rapport au sujet du projet de loi C-9, le Comité des finances nationales recommande d’interdire aux entreprises qui reçoivent un soutien financier de verser des dividendes ou des primes, ce qui rejoint les conditions du Crédit d’urgence pour les grands employeurs. Le crédit comporte également des obligations de divulgation de l’information liée au climat et il exclut les sociétés qui ont été reconnues coupables d’évasion fiscale. Envisagez-vous d’appliquer ces conditions à tous les programmes de soutien financier aux entreprises? Si oui, quand? Sinon, pour quelles raisons?

Mme Freeland : Merci beaucoup de la question, sénatrice. En ce qui concerne la subvention salariale et l’aide pour le loyer, notre objectif était de créer des programmes de très grande portée pour aider de nombreuses entreprises canadiennes de façon efficace, en temps opportun et avec une certaine souplesse afin que l’aide offerte augmente en fonction des pertes de revenu. Les entreprises qui sont moins durement touchées reçoivent une aide moins importante. Par ailleurs, nous avons inclus dans le projet de loi C-9 d’autres mesures d’aide pour le confinement. Je tiens également à préciser que la subvention salariale et l’aide pour le loyer sont offertes à grande échelle dans l’ensemble du pays, y compris à des centaines de milliers d’entreprises.

(1610)

Quant au Crédit d’urgence pour les grands employeurs, il s’agit plutôt d’un programme de prêt ciblé. Nous avons des équipes spécialisées qui travaillent avec les entreprises et qui examinent leurs états financiers pour ensuite offrir des prêts ciblés et adaptés à leurs besoins. C’est pour cette raison, sénatrice, que je trouve ce programme tout à fait approprié, car lorsque nous offrons des prêts considérables aux entreprises qui en font la demande, des conditions rigoureuses s’y rattachent en ce qui a trait au milieu de travail et à la rémunération.

En ce qui concerne la subvention salariale et l’aide pour le loyer, nous voulons surtout offrir un programme susceptible d’être mis en œuvre rapidement et efficacement afin d’aider des centaines de milliers d’entreprises partout au pays ainsi que des millions de Canadiens. Avec ces programmes, l’objectif doit être de proposer une aide efficace que les entreprises peuvent obtenir relativement vite pour faire quelque chose de simple. Comme on l’a dit, les entreprises ont besoin d’aide dès maintenant.

[Français]

La sénatrice Galvez : Puisque la COVID-19 sera parmi nous pendant un certain temps, avez-vous l’intention de mettre en œuvre la relance économique au même moment où la pandémie tirera à sa fin?

Mme Freeland : C’est une bonne question. L’aide que nous apportons aux entreprises et aux Canadiens aujourd’hui est une forme d’appui à la relance économique.

Lorsqu’on parle des travailleurs, on constate maintenant une relance assez importante, car 79 % des travailleurs canadiens qui ont perdu leur emploi au début de la crise ont déjà décroché un autre emploi. Ces données sont encourageantes, surtout si nous les comparons à celles des États-Unis, l’économie avec laquelle nous avons le plus de liens. Aux États-Unis, le pourcentage de travailleurs qui ont retrouvé un emploi n’est que de 54 %. Ainsi, nous avons déjà une relance économique.

Cependant, nous devons aussi nous rappeler que nous sommes toujours en pleine pandémie, que de nombreuses provinces et municipalités sont en train de mettre en place des mesures de reconfinement et que ces mesures ont évidemment un impact sur l’économie. J’appuie ces mesures, mais nous devons être conscients du fait qu’une relance complète ne sera possible qu’une fois que nous aurons aplani la courbe. Je pense que c’est possible.

Nous avons eu de bonnes nouvelles cette semaine et la semaine dernière concernant les vaccins. Le Canada a acheté plusieurs doses de vaccins et nous serons prêts à les utiliser. Voilà ma réponse, madame la sénatrice.

[Traduction]

La présidente : Nous allons maintenant passer à la prochaine période de 10 minutes, qui sera partagée par le sénateur Smith et la sénatrice Martin.

Le sénateur Smith : Bienvenue au Sénat, madame la ministre.

Alors que vous persistez à affirmer que vous pouvez emprunter et dépenser des sommes sans précédent parce que les frais de service de la dette n’ont jamais été aussi bas, le remboursement de la dette s’étirera sur une période plus longue, peut-être sur des dizaines d’années.

Selon les données de la Banque du Canada, vous avez dit plus tôt que l’encours total des titres et des emprunts du gouvernement du Canada, compte tenu de l’inflation, est d’un peu moins de 1,1 billion de dollars. Des rapports récents ont révélé que les taux d’intérêt sur la dette du gouvernement ont généralement grimpé à la suite des bonnes nouvelles sur l’étude d’un nouveau vaccin contre la COVID-19 de Pfizer. Pour mettre les choses en perspective, le taux sur les obligations du gouvernement du Canada sur 10 ans est passé de 0,64 à 0,75 % en une journée, ce qui a ajouté 1 milliard de dollars en frais d’intérêt à la dette gouvernementale totale.

Madame la ministre, étant donné que le Canada a dépensé plus que tout autre pays membre du G7 pendant la pandémie en pourcentage du PIB, le ministère des Finances a-t-il effectué des modélisations sur les répercussions de la hausse des taux d’intérêt sur la dette du gouvernement? A-t-on mis en place une stratégie de gestion de la dette?

Mme Freeland : Je vous remercie de votre question, sénateur.

Oui, nous accordons une grande attention à notre stratégie de gestion de la dette. À l’heure actuelle, nous cherchons à éloigner les échéances de la dette pour tirer parti des taux d’intérêt très faibles dont jouit le Canada aujourd’hui. Comparativement à l’an dernier, la proportion des obligations émises sur plus de 10 ans a presque doublé, passant de 14 % à 26 %. Il s’agit du pourcentage d’émission à long terme le plus élevé jamais enregistré en valeur nominale.

Nous avons une stratégie minutieusement réfléchie pour tirer parti des faibles taux d’intérêt actuels sur le long terme. C’est une stratégie intentionnelle et, à mon avis, la bonne stratégie.

Je me félicite, sénateur, que le Canada ait offert un soutien important aux entreprises canadiennes et aux Canadiens. Nous parlons beaucoup des besoins des entreprises canadiennes; je pense que ces besoins sont pressants. Je pense également qu’en agissant maintenant pour aider les entreprises, nous allons prévenir des séquelles et certaines des faillites évoquées par la sénatrice du Manitoba. Plus nous pouvons en faire maintenant pour éviter les séquelles, plus notre reprise sera forte, rapide et robuste.

À mon avis, cette aide représente une dépense très judicieuse.

Le sénateur Smith : Je voulais simplement vous entendre parler d’équilibre. C’était le but véritable de ma question. Je voulais voir si l’on tentait de trouver un juste équilibre entre les dépenses et l’alourdissement de la dette et savoir comment on comptait gérer la dette à l’avenir.

Passons à autre chose. Cette semaine, vous avez assuré au Comité sénatorial permanent des finances nationales qu’en ce qui concerne l’état des finances du pays, vous et le premier ministre avez la même opinion. Vous avez clairement dit que les mesures d’emprunt et de dépenses sont temporaires et que les bons gouvernements s’imposeront des limites.

Madame la ministre, y aura-t-il une cible budgétaire dans l’énoncé économique de l’automne, que votre gouvernement a promis et qui sera rendu public? Sinon comment pouvez-vous nous assurer que les dépenses sont temporaires?

Mme Freeland : Merci beaucoup de votre question. Le premier ministre a été clair à cet égard. J’ai nettement indiqué, comme le premier ministre, que nous savons que les dépenses extraordinaires qui sont engagées pour vaincre la COVID-19 doivent être limitées et temporaires. Nous l’indiquerons encore plus clairement dans l’énoncé économique de l’automne.

Je tiens à dire clairement aux sénateurs ici présents et à tous les gens qui suivent de près la politique économique canadienne que le gouvernement est tout à fait conscient de la très solide réputation du Canada en matière de gestion financière sage et prudente. Il a fallu des décennies pour bâtir cette réputation. Je comprends qu’elle est très précieuse pour notre pays et je la protège avec beaucoup de zèle.

Le sénateur Smith : Quand le Comité sénatorial permanent des finances nationales a mené son étude préalable du projet de loi C-9, des intervenants se sont dits préoccupés parce que les gouvernements fournissent peu de données ouvertes, transparentes et rapidement accessibles au sujet des confinements exigés par les autorités de la santé publique en lien avec la COVID-19. Beaucoup de propriétaires de petites entreprises ont de plus en plus l’impression qu’on les oblige à fermer leurs portes pour faire comprendre certaines choses à la population, et ce, sans leur fournir de données. Selon les témoignages, il est clair que les petites entreprises espèrent voir le gouvernement fédéral travailler de façon plus proactive avec les gouvernements provinciaux et les administrations locales afin de combler ce manque de données cruciales.

Madame la ministre, vous engagerez-vous, vous-même et vos collègues du Cabinet — plus précisément la ministre de la Santé et le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique —, à collaborer avec vos partenaires provinciaux et locaux pour que les petites entreprises reçoivent des données ouvertes et transparentes au sujet de la COVID-19 et pour trouver des façons novatrices de garder les petites entreprises ouvertes?

Mme Freeland : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Mes deux collègues et moi collaborons de très près avec nos homologues provinciaux. En fait, je dirais que l’un des points forts des mesures prises au Canada contre la COVID-19 a été la collaboration étroite entre tous les ordres de gouvernement. Je suis d’accord que les données sur le coronavirus sont très utiles, et plus nous disposons d’information, plus le pays, les citoyens et propriétaires d’entreprises seront efficaces dans leur lutte contre la pandémie.

(1620)

Or, si je peux me le permettre, monsieur le sénateur, j’ai un immense respect pour les responsables de la santé publique partout au pays, et je respecte profondément les décisions très difficiles qu’ils doivent prendre pour notre bien commun, en ce moment même, en imposant des mesures restrictives additionnelles pour atténuer le plus possible la deuxième vague de ce virus mortel. Mon rôle en tant que ministre des Finances est de soutenir ces responsables, ainsi que les entreprises, en faisant ce qui est nécessaire pour combattre la deuxième vague du virus. Voilà une des raisons pour lesquelles ce nouveau supplément d’aide en cas de confinement est si important. Ainsi, les entreprises qui sont assujetties à des restrictions en cas de confinement pourront obtenir une subvention qui couvrirait jusqu’à 90 % de leur loyer. Elles ont besoin de cette aide, et je pense que les responsables de la santé publique ont besoin de savoir que cette aide sera accessible pour les entreprises de leur communauté.

Monsieur le sénateur, je crois fermement que la meilleure politique économique est une solide politique de santé publique. Si nous pouvons lutter contre le coronavirus et limiter sa propagation le plus rapidement possible, nous pourrons rouvrir tous les secteurs de notre économie. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de choisir entre la santé et l’économie. Je crois que prendre les bonnes décisions en matière de santé et agir avec rapidité et efficacité sont les fondements de la meilleure politique économique.

Le sénateur Smith : S’il me reste quelques minutes, j’aimerais vous poser une question concernant un autre concept. Au Comité des finances, on nous a dit que les entreprises du domaine de la restauration et de celui de l’hébergement, c’est-à-dire les hôtels, sont déjà très durement touchées.

J’ai discuté avec mon fils, qui est propriétaire de quelques restaurants à Toronto, et selon lui, le problème ici n’est pas dans les restaurants. Le virus ne se propage pas dans les restaurants; il se propage dans les fêtes et les rassemblements privés. Il est primordial que les gens reconnaissent que les restaurants ne sont pas les coupables. La collecte des données utiles semble fondamentale pour parvenir à un revirement de situation.

Pourriez-vous nous donner une idée de l’engagement que vous prendrez? À mon avis, c’est une occasion pour vous de montrer votre leadership à titre de ministre des Finances. Je ne veux pas vous attribuer une responsabilité, mais ce leadership doit venir du centre et s’étendre vers la périphérie. Nous devons veiller à ce que les données soient adéquatement communiquées, de sorte que nous ne blâmions pas des innocents. Les industries de la restauration et de l’hébergement sont frappées très durement, et c’est pour cette raison qu’elles réclament une aide précise de votre part.

Mme Freeland : Je crois que nous devrions éviter d’utiliser des termes comme « blâmer » et « coupable ». Je sais que vous n’aviez pas l’intention de jeter le blâme sur qui que ce soit, mais le fait que certaines activités économiques soient naturellement plus sûres que d’autres n’a rien à voir avec la culpabilité et le blâme. Il s’agit plutôt de savoir comment le virus se transmet. Il ne faut pas l’oublier.

En ce qui concerne Toronto plus précisément, j’ai le plus grand respect pour la Dre Eileen de Villa et le maire John Tory. Je suis députée de cette ville, et j’ai une très grande confiance en leur jugement et en leur capacité de prendre les bonnes décisions. Le projet de loi C-9 aidera les entreprises à faire les bons choix.

Le sénateur Boehm : Je vous remercie, madame la ministre, de vous joindre à nous. Merci également de votre présence, monsieur Marsland. Je souhaite donner le temps de parole qu’il me reste à mon collègue, le sénateur Loffreda.

Madame la ministre, comme vous l’avez fait remarquer, de nombreuses entreprises ont bénéficié de la Subvention salariale d’urgence du Canada. Lors de votre comparution jeudi dernier devant le Comité des finances nationales, j’ai fait référence à de grandes entreprises, plus particulièrement des compagnies aériennes, qui ont mis à pied des employés, puis les ont réembauchés une fois la subvention en place pour finalement les congédier de nouveau lorsque les forces du marché ne leur ont plus été favorables.

En même temps, nous constatons la difficulté d’obtenir des données statistiques. D’autres sénateurs ont mentionné la question des données, mais aussi celle des prévisions. Nous pouvons toutefois compter dans une certaine mesure sur le Fonds monétaire international et la Banque du Canada. Je suis certain que vous avez lu l’article qui a paru sous la rubrique « Northern light » la semaine dernière dans The Economist et qui soulignait les difficultés que nous pourrions éprouver au moment d’établir nos prévisions.

Ma question portait donc sur le taux de réussite de la subvention salariale, mais je me demande également comment nous pourrions vérifier quelles entreprises parviennent réellement à obtenir des subventions, lesquelles n’y parviennent pas, et pourquoi. Par ailleurs, j’aimerais comprendre comment vous envisagez l’avenir pour les entreprises qui en ont bénéficié, alors que d’autres n’en ont peut-être pas bénéficié, et s’il y a là certains aspects que nous pourrions examiner en référence à la remarque du sénateur Smith sur l’industrie hôtelière, par exemple, et aussi sur les transports, qui vont mettre beaucoup de temps à revenir. Je vous remercie.

Mme Freeland : Je suis très heureux de vous voir, sénateur Boehm. Merci pour cette question vraiment importante.

Je pense qu’un thème qui revient dans notre discussion d’aujourd’hui est l’impact variable du coronavirus, qu’il s’agisse des êtres humains ou des différents secteurs de l’économie. En effet, dans une analyse détaillée du ministère des Finances, il ressort que nous évoluons au sein d’une économie à plusieurs vitesses. En effet, certains secteurs de l’économie fonctionnent réellement et sont encore plus actifs — ils se portent même mieux qu’avant l’apparition du virus —, d’autres secteurs ont été touchés et se sont complètement rétablis, et finalement, certains secteurs sont encore réellement en difficulté.

Ce que nous avons tenté d’accomplir avec nos programmes, c’est de créer des mesures intrinsèquement ciblées par rapport aux pertes de revenus subies par l’entreprise. C’est pourquoi nous avons mis en place des formules en courbe permettant d’aider davantage les entreprises les plus durement touchées. Ainsi, l’entreprise qui a perdu 70 % ou plus de ses revenus est admissible à la subvention salariale maximale de 65 % et à la subvention pour le loyer de 65 %.

Les fonctionnaires du ministère des Finances ont créé des formules mathématiques très pointues pour établir une courbe descendante permettant de diminuer progressivement l’aide au fur et à mesure que la situation de l’entreprise s’améliore. C’est exactement ce que la situation demande et les programmes ont été essentiellement conçus pour aider ceux qui en ont le plus besoin, tout en évitant de créer des incitatifs imprévus. Vous vous demandez peut-être pourquoi il était important pour nous d’avoir cette courbe graduelle; c’est parce qu’elle nous permettrait d’éviter l’effet falaise : à savoir une situation où les entreprises seraient dissuadées de faire mieux parce qu’elles obtiendraient moins de subventions au titre des loyers ou des salaires.

La dernière mesure ciblée que je tiens à souligner est la nouvelle mesure de soutien liée au confinement. Comme nous l’a dit le sénateur Smith et comme me l’ont dit de nombreuses entreprises, la situation est très pénible pour les entreprises. Il est très pénible pour les responsables de la santé publique, les premiers ministres et les maires de voir le nombre de cas de coronavirus et de savoir qu’ils doivent imposer des restrictions supplémentaires. Cette mesure, que j’espère nous appuierons tous, contribuera à remédier à cette situation. La subvention de 90 % du loyer constitue une aide concrète pour les entreprises les plus durement touchées qui sont ciblées par le confinement. Ce sera une bonne chose.

Le sénateur Boehm : Merci.

Le sénateur Loffreda : Une fois de plus, bienvenue au Sénat, madame la ministre. Beaucoup de sujets ont été abordés. Comme je l’ai dit au Comité des finances, j’appuie le projet de loi C-9, et je salue les modifications apportées à la subvention pour le loyer. Je sais que beaucoup d’entreprises sont du même avis. Je vous en remercie.

J’aimerais parler d’un secteur très important de l’économie canadienne, secteur que j’ai d’ailleurs évoqué au Comité des finances cette semaine, je veux parler des entreprises de technologies et des effets que le projet de loi C-9 aura sur celles-ci. Voilà des années que nous parlons d’économie numérique et la pandémie a accentué la nécessité pour les entreprises de prendre le virage numérique.

Nous devons soutenir les Canadiens et les entreprises d’ici dans la transition vers cette économie numérique. Comme vous le savez, dans ce monde numérique, les technologies sont la principale source de création de valeur. Les technologies ont une importance capitale.

(1630)

Que fait le gouvernement pour soutenir les entreprises de haute technologie, y compris les entreprises de recherche-développement et d’intelligence artificielle qui stimuleront la productivité et la croissance dont nous aurons désespérément besoin au sortir de la pandémie? Ce secteur a un potentiel de croissance élevé. Il intéresse aussi mon collègue le sénateur Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse, qui m’a donné l’information ayant servi à la préparation de cette question. Merci, sénateur Deacon.

Par exemple, cherchez-vous à exploiter davantage les possibilités que pourraient offrir les encouragements fiscaux pour la recherche scientifique et le développement expérimental? Envisagez-vous de modifier les programmes Coinvestissements de BDC, qui n’ont approuvé à ce jour que 148 millions de dollars sur l’enveloppe de 300 millions de dollars? Merci.

Mme Freeland : Merci beaucoup, sénateur, d’avoir posé cette question pertinente et d’y avoir inclus des suggestions.

Tout d’abord, en réponse à la question du sénateur Boehm, j’ai parlé des conséquences très inégales de la crise sur les divers secteurs. Parmi les secteurs qui se débrouillent particulièrement bien à l’heure actuelle, il y a ceux de l’économie numérique et de la technologie. Certaines entreprises de ces secteurs profitent du fait que nous menons notre vie bien plus à distance qu’avant d’être frappés par le coronavirus. Par exemple, nous préférons magasiner en ligne pour, entre autres, réduire au minimum nos interactions. La crise a vraiment embelli les perspectives économiques de certaines entreprises de ces secteurs. Il est bon pour le Canada d’avoir de telles entreprises.

Sénateur, comme vous, je crois que soutenir les entreprises des secteurs canadiens de l’économie numérique et de la technologie contribuera grandement à stimuler la productivité et fera partie intégrante du plan de relance post-COVID-19. Nous devons rebâtir en mieux et revenir en force. Nous devons nous servir de cette crise pour renforcer davantage les capacités du Canada en matière de haute technologie, de recherche et d’intelligence artificielle. Alors, oui, nous avons indéniablement plus de travail à faire, mais c’est quelque chose qui nous remplit d’enthousiasme.

En terminant, je dirais que c’est grâce à ces capacités que nous avons l’application Alerte COVID, qui est vraiment formidable. Je l’ai téléchargée sur mon téléphone et j’espère que c’est ce que tout le monde fera.

Le sénateur Loffreda : C’est un excellent point.

La présidente : Il vous reste une minute.

Le sénateur Loffreda : Merci de votre réponse. L’application Alerte COVID est formidable.

Les gens ont besoin d’être rassurés un peu. J’ai soulevé la question des cibles budgétaires. Je comprends que vous n’en ayez pas. C’est bien, je l’accepte. J’accepte aussi que vous n’ayez pas l’intention d’en établir, mais j’aimerais pouvoir rassurer les Canadiens. Pouvez-vous nous dire, afin de dissiper un peu nos inquiétudes, quels outils vous utilisez dorénavant pour surveiller les dépenses?

Je sais qu’on va nous présenter un portrait budgétaire à l’automne, mais tellement de choses peuvent arriver d’ici là. Des changements se produisent tous les jours. J’aimerais vous entendre un peu à ce sujet.

Mme Freeland : Je vais vous donner un exemple, monsieur le sénateur. Lorsque les sénateurs et les entrepreneurs me disent que le nouveau programme d’aide pour le loyer devrait être rétroactif, je leur réponds que nous avons intérêt à nous concentrer sur l’avenir et non sur le passé si nous voulons utiliser nos ressources le plus efficacement possible.

Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que le coronavirus nous a mis dans une position...

La présidente : Les dix prochaines minutes seront réparties également entre la sénatrice Wallin et le sénateur Downe.

La sénatrice Wallin : Madame la ministre, je vais tenter d’être concise.

Dans ma province, les petites entreprises ont été frappées très durement par la première et la deuxième vagues. Quand je parle de petites entreprises, je ne veux pas dire les petites usines de fabrication. Je parle des petites entreprises familiales, de celles qui ont un, deux, voire trois employés. Dans les régions rurales, ces entreprises ont complètement épuisé leurs ressources et fonctionnent carrément sans argent.

Trois choses. Premièrement, même si les entreprises ne sont pas assujetties à des directives de la santé publique, leurs clients, eux, le sont, alors cela semble être une contrainte ou un obstacle superflu.

Deuxièmement, pourquoi ne pas simplement offrir à ces entreprises une aide financière qu’elles pourront utiliser comme bon leur semble plutôt que ces miettes dont certaines, en particulier les petites entreprises familiales, ne peuvent même pas se prévaloir?

Troisièmement, a-t-on proposé des modifications aux lois régissant les faillites qui pourraient aider les entrepreneurs qui le peuvent à se lancer de nouveau en affaires en leur laissant une marge de manœuvre un peu plus grande? Merci.

Mme Freeland : Merci de ces excellentes questions. Je tiens à remercier la ministre des Finances de la Saskatchewan, avec qui j’ai eu des conversations très utiles, en particulier au sujet de l’aide pour le loyer.

Premièrement, pourquoi faut-il faire l’objet d’un ordre de confinement pour pouvoir bénéficier du pourcentage compensatoire de baisse de revenu? Cette disposition rend le programme très généreux, n’est-ce pas? Couvrir 90 % du loyer représente beaucoup d’argent, alors nous avions besoin d’un critère axé sur les entreprises directement touchées par un ordre de confinement. De plus, cette mesure a été créée pour aider les agents de santé publique à faire ce qui s’impose et pour que les maires, les premiers ministres provinciaux et eux sachent que, s’ils mettent en place de nouvelles mesures de confinement à cause du virus, de l’aide sera disponible. C’est la logique qui sous-tend la mesure.

Deuxièmement, pourquoi y a-t-il des approches ciblées, comme certaines mesures d’aide pour le loyer et certaines mesures d’aide pour les salaires? À mon avis, cela nous ramène à la discussion que nous avons eue dans cette aile du Sénat au sujet de l’équilibre que nous établissons en fournissant de l’aide aux entreprises. Il faut établir certains critères d’admissibilité. Nous devons savoir pourquoi les entreprises ont besoin d’argent et ce qu’elles en feront. À mon avis, appuyer le salaire des employés et les coûts fixes, le loyer étant le coût le plus important pour la plupart des entreprises, est un très bon critère sur lequel fonder les mesures d’aide.

En ce qui concerne la faillite, c’est une très bonne question. C’est un aspect que nous suivons de très près. Si les programmes que nous mettons en place sont bien conçus, le risque de faillites sera réduit partout au Canada. Toutefois, c’est un aspect que nous devons examiner.

La présidente : Sénateur Downe, avez-vous une question?

Le sénateur Downe : Madame la vice-première ministre, comme je l’ai mentionné précédemment quand votre microphone ne fonctionnait pas, l’Île-du-Prince-Édouard a très peu de cas de COVID-19 et un très faible taux de propagation. Nous nous réjouissons de cette situation. Les habitants de l’Île-du-Prince-Édouard sont très reconnaissants et ils apprécient toute l’aide que le gouvernement fédéral leur a fournie. Des citoyens me le disent dès que je suis sur le terrain dans ma région. Cette aide a eu une incidence considérable. Évidemment, il y a des secteurs qui sont touchés et qui bénéficieront de ce projet de loi, ils pourront ainsi maintenir les progrès réalisés.

Cependant, un point pourrait améliorer ce projet de loi et c’est un changement dans la stratégie nationale. À l’heure actuelle, la majorité des fonctionnaires fédéraux travaillent à partir de la maison. À l’Île-du-Prince-Édouard, le gouvernement provincial a réussi à faire revenir un certain nombre de ses employés dans ses locaux. Si les fonctionnaires fédéraux pouvaient revenir au bureau, cela aiderait grandement les entreprises du centre-ville de Charlottetown et de Summerside. Comme vous le savez, nous comptons, entre autres, des équipes du ministère des Anciens Combattants. Les entreprises sont durement touchées par l’absence des fonctionnaires. Elles demeurent ouvertes, malgré le fait que, comme je l’ai indiqué, les clients travaillent à partir de la maison. Cependant, nos entreprises pourraient grandement bénéficier d’un retour des fonctionnaires dans les bureaux, peu importe où ils sont situés sur l’île. Peut-être qu’en tant que vice-première ministre, vous pourriez examiner cette question. Merci.

Mme Freeland : Excellent point; félicitations à l’Île-du-Prince-Édouard et au Canada atlantique pour leur excellent travail. Vous êtes la Nouvelle-Zélande de l’Amérique du Nord, et nous pouvons tous apprendre beaucoup de vous. Je promets de soulever votre point auprès du ministre MacAulay, un autre fier résidant de l’Île-du-Prince-Édouard.

La présidente : Les cinq prochaines minutes sont réservées à la sénatrice Bovey.

La sénatrice Bovey : Bienvenue, c’est un plaisir de vous accueillir ici à nouveau.

J’ai une autre question concernant les critères d’admissibilité de la Subvention d’urgence pour le loyer du Canada. Dans le document d’information qui accompagnait le projet de loi, il est indiqué que les écoles d’art comptent parmi les entités admissibles. Il s’agit évidemment d’un terme général qui couvre de nombreux aspects de l’enseignement et de la formation de toutes les formes d’art : la musique, les arts visuels et le théâtre.

(1640)

Pouvez-vous nous dire ce que le gouvernement a en tête et ce qu’est votre définition d’une « école d’art »? J’ai ensuite une petite question complémentaire.

Mme Freeland : Je vous remercie pour la question et de votre attention aux détails.

Comme je l’ai dit dans mes observations préliminaires, lorsque nous pensons à ce soutien, nous pensons surtout aux entreprises, mais nous avons clairement indiqué que nous voulons que les organismes à but non lucratif et les organismes de bienfaisance soient également inclus.

En ce qui concerne la définition exacte d’« école d’art », j’ai vu M. Marsland fouiller dans ses papiers; il sera peut-être en mesure d’en parler plus en détail.

Andrew Marsland, sous-ministre adjoint principal, Direction de la politique de l’impôt, Finances Canada : Merci, madame la ministre.

Pour préciser, le critère est qu’il doit s’agir d’un organisme de bienfaisance ou à but non lucratif enregistré. Une école d’art qui respecte ce critère serait admissible. Il n’y a pas de définition. Je pense qu’il s’agissait d’un simple exemple plutôt qu’une catégorie devant être définie.

La sénatrice Bovey : Cette information est très utile. J’ai encore un peu de temps. J’ai une petite question à propos des artistes qui sont des entrepreneurs autonomes et le loyer de leur studio. Peuvent-ils obtenir l’aide de cette subvention pour le loyer?

Mme Freeland : Je vais commencer et Andrew pourra terminer. Cela dépendrait de leur inscription en tant qu’entreprise.

Andrew, pourriez-vous entrer dans les détails?

M. Marsland : Je pense que cela dépendrait de chaque situation. De façon générale, si l’entreprise a un compte de retenues sur la paie — ce qui ne serait probablement pas le cas dans l’exemple que vous avez donné — ou un numéro d’entreprise auprès de l’Agence du revenu du Canada, elle pourrait être admissible.

La présidente : Vous avez encore deux minutes, sénatrice Bovey.

La sénatrice Bovey : Je vais donc poser une question qui se rapporte aux arts. Comme nous le savons, la COVID a obligé de nombreuses galeries d’art commerciales au pays à fermer. Un des grands problèmes est que les artistes ont perdu des occasions de vendre leurs œuvres. Je suppose que les galeries commerciales, en tant qu’entreprises inscrites, peuvent demander l’aide au loyer.

Mme Freeland : Tout à fait.

La sénatrice Bovey : Je serai heureuse de donner cette information aux personnes que je représente au pays. Merci beaucoup. Voilà pour mes questions.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Madame la ministre, merci d’être parmi nous aujourd’hui. J’ai une sous-question et ensuite, je céderai le reste de mon temps de parole à la sénatrice Jaffer.

On sait que la reprise économique sera longue et que le Canada aura besoin d’effectuer des changements structurels à son économie. À cet effet, on sait aussi que la formation de la main-d’œuvre représente un investissement incontournable afin d’assurer une reprise durable.

Le Conseil consultatif en matière de croissance économique mandaté par votre prédécesseur a évalué les besoins annuels en formation de la main-d’œuvre. Le conseil a constaté qu’il y avait un retard annuel de 15 milliards de dollars de l’investissement dans la formation des employés.

M. Trudeau a annoncé qu’il allait accorder un financement de 1,5 milliard de dollars pour un fonds de développement des compétences, mais ce fonds s’adresse surtout aux personnes vulnérables et aux chômeurs. Madame la ministre, pourquoi ne pas profiter du programme de subvention salariale et du projet de loi C-9 pour offrir davantage d’incitatifs fiscaux aux entreprises? Celles-ci pourraient investir dans la formation de leurs employés, qui sont actuellement sous-employés et qui ont des besoins criants en matière de mise à jour de leurs compétences essentielles, y compris leurs compétences numériques, afin de pouvoir mieux s’adapter à l’avenir.

Mme Freeland : Je vous remercie de votre question, sénatrice.

Je suis d’accord en ce qui a trait à la formation, mais je ne suis pas d’accord en ce qui concerne le projet de loi C-9.

Je suis absolument d’accord pour dire que, en général, le Canada doit faire plus d’investissements dans la formation, surtout aujourd’hui. Nous avons commencé à recréer les emplois qui ont été perdus dans les pires moments de la crise, mais nous avons encore beaucoup de travail à faire. Il faut investir dans la formation, évidemment. Cela nous aidera à bâtir une meilleure économie après la crise. Je suis bien d’accord avec vous là-dessus. C’est le temps de le faire.

Par contre, je ne suis pas d’accord pour dire que le projet de loi C-9 est le meilleur outil pour le faire. Je voudrais souligner à quel point nos entreprises ont besoin d’aide immédiatement. Pour cette raison, nous avons essayé de créer des programmes très simples et très ciblés, sans y ajouter trop d’éléments.

Il ne s’agit pas d’un arbre de Noël; c’est un programme très ciblé qui a été créé pour aider nos entreprises aujourd’hui, alors que nous sommes en pleine pandémie. Cela dit, en général, j’appuie fortement l’idée d’investir davantage dans la formation.

La sénatrice Bellemare : J’ai réalisé un sondage avec Nanos dont les résultats ont été publiés en janvier 2020. Nous avons évalué à 11,4 millions le nombre de Canadiens faisant partie de la main-d’œuvre. Certains travaillent et d’autres sont sans emploi, mais ces 11,4 millions de Canadiens sont considérés comme étant notre main-d’œuvre active. Ces gens voudraient avoir de la formation sur les compétences numériques et les compétences essentielles.

Nous donnons beaucoup d’argent aux entreprises. Jusqu’en décembre, vous prévoyez leur verser 68 milliards de dollars. Le coût de la formation correspond souvent au manque de revenus. Ne serait-il pas intéressant que votre ministère travaille avec le ministère de l’Emploi afin de trouver une façon de rentabiliser cet argent? Je vous remercie.

Mme Freeland : Je vous remercie encore une fois. J’ajouterai que je travaille en étroite collaboration avec ma collègue la ministre de l’Emploi. Je suis totalement d’accord pour dire que la formation est très importante et que nous devons investir dans ce secteur. Quant au projet de loi C-9, je suis absolument convaincue qu’il nous faut, maintenant, en pleine pandémie, instaurer des programmes très simples et très ciblés. La cible de ce programme, c’est la survie de nos entreprises face à cette crise.

La sénatrice Bellemare : Merci beaucoup, madame la ministre. J’ai terminé. Je cède le reste de mon temps de parole à la sénatrice Jaffer.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : Merci, madame la sénatrice, et merci, madame la ministre. C’est un grand honneur de parler à une femme qui est ministre des Finances.

Madame la ministre, je tiens à vous remercier pour tout ce que vous avez fait, à différents moments, pour répondre aux besoins des Canadiens. Il ne fait aucun doute que les Canadiens sont confrontés à d’immenses défis. Comme l’a dit la sénatrice Bernard — je poursuis dans la même veine qu’elle —, les communautés racisées sont aux prises avec des défis encore plus herculéens. Pendant l’été, le caucus parlementaire a demandé que tous les projets de loi soient soumis à une analyse fondée sur la race. J’aimerais savoir si vous avez fait une analyse de ce genre pour ce projet de loi.

Mme Freeland : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Le point central de votre analyse est tout à fait juste : la crise n’a pas les mêmes répercussions pour tout le monde. Les Canadiens racisés, en particulier, sont durement touchés. Nous avons toujours ce fait à l’esprit quand nous élaborons des politiques. Nous croyons fermement que ces politiques doivent rejoindre les gens là où ils sont et s’adapter à la terrible réalité de la crise du coronavirus.

(1650)

Je crois, en effet, que le gouvernement doit s’employer davantage à recueillir des données désagrégées et à obtenir les renseignements dont il a besoin pour déterminer quelles personnes les programmes réussissent à rejoindre et lesquelles ont besoin de soutien. Je conviens qu’il y a encore du travail à faire dans ce domaine.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie, madame la ministre, mais, ce que je voulais savoir, c’est : avez-vous soumis le projet de loi à une analyse en fonction de la race?

Mme Freeland : Je vous répondrai, sénatrice, que nous sommes tout à fait conscients des répercussions que le coronavirus et l’espèce de récession qui en découle peuvent avoir sur les Canadiens racialisés et que nous en tenons compte dans toutes nos décisions. Nous avons d’ailleurs créé des programmes de soutien adaptés à leur réalité. J’admets toutefois, sénatrice, que le gouvernement pourrait en faire beaucoup plus pour recueillir des données qui lui permettraient de mener le genre d’analyse qu’il devrait mener, selon moi.

La sénatrice Jaffer : Madame la ministre, je suis la première à admettre que le gouvernement libéral en fait beaucoup pour les Canadiens racialisés. Je déduis toutefois de vos réponses que ce projet de loi-ci n’a jamais fait l’objet d’une analyse en fonction de la race. Puis-je vous demander qu’à l’avenir, toutes les mesures législatives que vous présenterez soient d’abord soumises à une analyse en fonction de la race? Je vous remercie.

Mme Freeland : Tout ce que je peux vous dire, c’est merci d’avoir posé la question et d’avoir rappelé qu’il nous faut des données désagrégées pour mener le type d’analyses que vous réclamez et qui, j’en conviens moi aussi, sont absolument essentielles. Elles sont toujours importantes, mais elles le sont encore plus dans le contexte actuel, car les données que nous avons nous apprennent que les Canadiens racialisés sont encore plus durement éprouvés que les autres par la pandémie, et ça, les programmes du gouvernement doivent en tenir compte.

La sénatrice Batters : Madame la ministre Freeland, en août, le premier ministre Trudeau a prorogé le Parlement et, pour justifier son geste, il a affirmé que le gouvernement avait besoin de temps pour élaborer un programme d’aide aux petites entreprises.

En octobre, vous avez supplié les députés de ne pas défaire le gouvernement lors d’un vote de confiance, parce qu’il fallait adopter des mesures d’aide pour les petites entreprises, mais vous n’avez présenté le projet de loi C-9 que plusieurs semaines plus tard, au début du mois de novembre. Maintenant, malgré tous ces reports, le programme d’aide au loyer comporte toujours une grave lacune.

La semaine dernière et encore aujourd’hui, vous avez affirmé que vous alliez déposer un autre projet de loi afin de corriger les lacunes du projet de loi du gouvernement. Le projet de loi C-9 est présentement à l’étude au Sénat et le travail des sénateurs est de corriger les lacunes dans les projets de loi. Les petites entreprises ont besoin d’aide maintenant.

Alors, pour revenir un peu sur les pistes de réflexion laissées par le sénateur Carignan, pourquoi le gouvernement Trudeau tient-il à perdre encore plus de temps en présentant un nouveau projet de loi que la Chambre et le Sénat devront adopter plutôt que de proposer un amendement qui serait adopté par le Sénat pour corriger les problèmes du projet de loi C-9?

Mme Freeland : Sénatrice, ce sera à chacun de nous de répondre à cette question. Ma réponse est que je parle chaque jour avec de petits entrepreneurs. Je crois que nous le faisons tous. Je sais qu’ils ont un urgent besoin d’aide. Je crois que le coronavirus et la deuxième vague frappent le pays plus durement que bien des gens l’avaient imaginé et à des endroits où la première vague n’avait pas été très forte. Mon objectif est d’offrir aux Canadiens l’aide dont ils ont besoin le plus rapidement possible.

Comme je l’ai dit aux sénateurs, grâce au vaillant travail des fonctionnaires canadiens, je peux vous assurer que si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle et qu’il entre en vigueur, les entreprises en profiteront pleinement et elles pourront entre autres se servir du loyer dû pour devenir admissibles au programme.

Je crois que la chose à faire pour soutenir les entreprises canadiennes est d’adopter le projet de loi aussi rapidement que possible. Évidemment, les sénateurs prendront la décision qui leur convient à ce sujet. Je sais que j’aurais du mal à expliquer aux entrepreneurs pourquoi ils devront attendre encore plus longtemps.

La sénatrice Batters : Madame la ministre, j’essaie simplement de vous proposer une solution qui vous permettrait de gagner du temps et d’aider les petites entreprises canadiennes aussitôt que possible : apportez des amendements au projet de loi au lieu de nous demander de l’adopter avec des lacunes et d’en adopter un autre, tout nouveau, par la suite.

Madame la ministre, je passe à une autre question. Le mari de la chef de cabinet du premier ministre, Rob Silver, est un premier vice-président de la société MCAP, qui a décroché le contrat, d’une valeur de plusieurs millions de dollars, pour administrer le premier programme de subvention au loyer du gouvernement Trudeau, programme que Dan Kelly a qualifié de « désastreux » devant le Comité sénatorial des finances, la semaine dernière.

Veuillez nous indiquer le montant : combien d’argent la société de Rob Silver a-t-elle reçu pour administrer le premier programme de subvention au loyer du gouvernement Trudeau?

Mme Freeland : Comme vous le savez, madame la sénatrice, nous débattons d’un nouveau programme de subvention au loyer qui aidera directement les entreprises, par l’entremise de l’Agence du revenu du Canada. C’est ce que les entreprises ont demandé, et je crois qu’il s’agit de la bonne approche à adopter. Je suis ravie de faire avancer ce projet de loi.

La sénatrice Batters : Madame la ministre, je crois que nous aimerions aussi connaître, comme les contribuables, le montant d’argent que cette entreprise a reçu pour gérer le premier programme de subvention pour le loyer du gouvernement Trudeau, qui, je le rappelle, a été qualifié de désastre par Dan Kelly, le président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante. C’est là une question légitime à laquelle les contribuables sont en droit d’attendre une réponse alors que nous débattons du deuxième programme de subvention pour le loyer, qui sera bientôt modifié.

Mme Freeland : Sénatrice, je me réjouis que nous ayons trouvé un moyen d’offrir une aide au loyer des entreprises directement aux locataires. Je crois que cela simplifiera les choses considérablement et nous permettra d’aider plus d’entreprises. Je me réjouis également que nous ayons trouvé une façon de faire parvenir cette aide par l’intermédiaire des vaillants fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada. Nous avons constaté qu’ils étaient en mesure de le faire avec la PCU et la subvention salariale. Ce sont les bonnes personnes pour accomplir cette tâche.

Le sénateur Patterson : Merci, madame la ministre, d’être des nôtres aujourd’hui.

En octobre, j’ai mené un sondage auprès des entreprises du Nunavut afin de savoir comment elles se portaient pendant la pandémie, car malheureusement, comme vous le savez, la pandémie frappe maintenant le Nunavut de façon alarmante. Seulement un des 162 répondants a reçu l’aide pour le loyer commercial, alors que deux autres ont présenté une demande qui a été refusée. Ce n’est pas le genre d’aide que les gens du Nunavut ont réclamée. Les mesures d’aide les plus accessibles étaient celles axées sur les subventions salariales, mais même ces mesures étaient insuffisantes, et 88 % des répondants s’inquiètent encore pour la survie de leur entreprise dans un milieu où les coûts sont très élevés.

Selon l’économiste principal de la Chambre de commerce du Canada, l’approche uniforme en matière de programmes d’aide ne sera pas viable jusqu’en 2022, et elle pourrait ne pas être particulièrement utile à ce stade de la pandémie.

Mon sondage a permis de confirmer qu’il faut offrir de l’aide à des secteurs parmi les plus durement touchés, comme les secteurs de l’hébergement et de l’hôtellerie, qui offrent des services essentiels dans nos collectivités éloignées, ainsi que les secteurs du tourisme, des arts et du divertissement. Pourriez-vous nous dire quelles mesures sont prises par le gouvernement pour répondre aux besoins particuliers de ces industries?

Mme Freeland : Merci beaucoup pour votre question, monsieur le sénateur. Je pense que nous sommes tous très conscients des nouveaux défis auxquels le Nunavut est confronté. J’aimerais saisir cette occasion pour féliciter la population et les dirigeants du Nunavut de l’incroyable travail qu’ils ont fait jusqu’à présent pour lutter contre le coronavirus et leur dire que nous les aiderons à traverser cette nouvelle épreuve. Je suis heureuse que vous ayez mentionné ce point d’entrée de jeu.

C’est une question à plusieurs facettes. En ce qui concerne l’aide pour le loyer, comme nous l’avons dit, le programme que nous proposons ne fait pas participer le locateur. L’argent ira directement aux locataires. J’espère sincèrement que d’autres entreprises au Nunavut pourront bénéficier de cette aide.

Compte tenu des nouvelles mesures de confinement qui ont été mises en place, je pense que les entreprises nunavoises peuvent accéder dès maintenant à des prestations supplémentaires. Les entreprises admissibles pourront obtenir une subvention totalisant jusqu’à 90 % du prix de leur loyer. C’est précisément pourquoi la mesure législative est si importante et urgente. Ces entreprises en ont besoin de cette aide maintenant et j’espère vraiment que nous serons en mesure de la leur fournir bientôt.

(1700)

Maintenant, monsieur le sénateur, en ce qui concerne la question des programmes généraux et des aides supplémentaires, permettez-moi de souligner que ces programmes — c’est-à-dire la subvention salariale et l’aide au loyer — fournissent une aide ciblée. Plus vos pertes sont importantes, plus vous recevez d’aide. Par conséquent, si vous avez subi une perte de revenus de 70 % ou plus, 65 % de votre loyer ou de votre salaire est couvert, et cette couverture peut atteindre un maximum de 90 % s’il y a un ordre de confinement. Il s’agit d’une forme de ciblage très importante et efficace.

Les organismes de développement régional ont également été très actifs et ont soutenu plus de 34 000 entreprises partout au Canada dans des cas très précis où une entreprise avait besoin de soutien, mais était laissée pour compte.

Le sénateur Patterson : J’ai une brève question, si vous le permettez, madame la présidente, et je vous remercie de votre réponse. Je crois comprendre qu’une mesure législative sera présentée dans le futur pour corriger les lacunes du programme d’aide pour le loyer commercial. Je me demande si nous allons songer à inclure, dans ce projet de loi, des dispositions visant à remédier au problème que j’observe depuis le début, soit l’absence d’aide pour les entreprises qui ne génèrent pas de revenus, par exemple, les petites sociétés d’exploration minière et certains secteurs de l’industrie de la construction, dont le modèle d’affaires ne génère pas de revenus. Selon moi, ces entreprises auraient dû bénéficier d’une aide dès le début.

Mme Freeland : Je vous remercie de soulever cette question, sénateur, et je sais à quel point ce secteur est important dans le Nord. Nous pouvons certainement examiner les mesures qui pourraient être appropriées pour ce secteur.

En ce qui a trait au projet de loi C-9, mon objectif est de prendre des mesures très ciblées, et je me suis engagée envers vous et envers l’ARC à présenter un amendement ciblé et axé expressément sur le loyer à payer. Je pense qu’il faut se montrer très stricts et très disciplinés pour faire en sorte que ce programme très important soit mis en œuvre.

[Français]

La présidente : Pour le prochain bloc de 10 minutes, nous avons le sénateur Forest.

Le sénateur Forest : Merci beaucoup de votre présence. Vous avez parlé avec beaucoup de justesse du programme de subvention salariale. C’est un programme ciblé et très précis, ce qui signifie que plus les pertes des entreprises sont grandes, plus l’aide est importante. D’ailleurs, je vous ai posé une question à ce sujet quand vous avez comparu devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales; à mon avis, quand nous voyons une situation où une entreprise a reçu d’un côté plus de 63 millions de dollars grâce à la subvention salariale et que, d’un autre côté, elle verse 46 millions de dollars en dividendes, il me semble tout à fait immoral, dans un contexte où des entreprises essaient de survivre, qu’un programme permette à des entreprises qui reçoivent une aide tout à fait exceptionnelle de verser en même temps des sommes aussi importantes en dividendes à leurs actionnaires. Dans les amendements ciblés que vous comptez apporter pour raffiner le projet de loi, serait-il possible d’envisager d’interdire à ces entreprises, premièrement, si elles reçoivent la Subvention salariale d’urgence du Canada, de verser des dividendes à leurs actionnaires et, deuxièmement, de les empêcher de verser des primes extraordinaires à leurs hauts dirigeants? Avec les fonds publics, nous visons le maintien des emplois et la survie des entreprises des travailleurs ordinaires, et non pas des actionnaires ou des hauts dirigeants.

Mme Freeland : Je vous remercie de la question. J’aimerais commencer en disant que, avec la Subvention salariale d’urgence du Canada et la Subvention d’urgence pour le loyer du Canada, nous voulons aider le plus grand nombre d’entreprises possible au pays. Pour ce faire, il est nécessaire d’avoir un programme très ciblé, très simple et comportant peu de conditions. Plus il y aura des conditions à remplir, plus il sera difficile de fournir cette aide de façon efficace et rapide. Pour cette raison, je comprends que beaucoup de sénateurs ont de bonnes idées sur la manière dont nous pourrions utiliser ces programmes pour faire beaucoup de choses, comme de la formation, et pour réaliser d’autres objectifs, mais je crois que, pour qu’un programme serve réellement à aider les entreprises, il est important qu’il soit très simple.

Cependant, je veux vous assurer que, lorsque nous accordons une aide spécifique à une compagnie, à un niveau plus élevé, comme dans le cas du programme CUGE, nous mettons en place les conditions que vous avez suggérées et nous observons également les actions posées par ces entreprises pour répondre au changement climatique. Je pense que, lorsque nous créons des programmes d’aide spécifiques comme ceux-là, il est absolument essentiel que ces conditions soient respectées.

Le sénateur Forest : Madame la ministre, il faut viser le plus de gens possible, mais je ne parlais pas de faire d’autres activités. À mon avis, il est tout simplement immoral, comme citoyen corporatif, de penser à verser des dividendes dans un tel contexte. Il faut simplement s’assurer de distribuer les fonds publics de la manière la plus efficace possible et il faut également que les mesures que nous adoptons touchent ceux et celles qui en ont vraiment besoin, pour que l’économie canadienne puisse mieux traverser cette crise historique.

La présidente : Sénateur Forest, vous partagez bien votre temps de parole avec la sénatrice Simons?

Le sénateur Forest : Oui.

[Traduction]

La sénatrice Simons : Ma question concerne la façon dont nous allons faire savoir aux Canadiens que ces prestations leur sont offertes. Les gens en savent très peu au sujet de la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique et de la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants, et cela m’inquiète. Les habitants de ma province n’en ont pas beaucoup entendu parler. Je me demande si des mesures sont prévues pour mieux faire connaître ces nouvelles prestations aux personnes qui pourraient en bénéficier.

Mme Freeland : C’est une très bonne question, madame la sénatrice, et ce que vous racontez me trouble également, car j’ose espérer que, partout au pays, on sait qu’il y a ces prestations versées directement aux Canadiens et qu’on peut en faire la demande, donc merci de m’aviser que ce n’est pas une information très répandue.

En ce qui a trait à ces nouveaux programmes, écoutez, je peux confirmer aux sénateurs que je serai très présente sur le terrain pour en parler. Je suis convaincue qu’ils sont absolument essentiels alors que notre pays lutte contre une deuxième vague intense. J’espère que vous veillerez avec moi à ce que les entreprises soient au fait du soutien à leur disposition.

Je crois que le sénateur soulève un point très important, soit qu’il faut informer les Canadiens de l’existence de ces mesures, et j’ajouterais plus précisément, puisque nous parlons aujourd’hui des mesures d’aide aux entreprises, qu’elles peuvent grandement contribuer au climat de confiance au sein de l’économie. J’espère sincèrement que les entreprises auront ainsi la confiance nécessaire pour prendre les décisions difficiles qui s’imposent afin de survivre à l’hiver. Comme nous le savons tous, l’enthousiasme naturel compte en économie, tout comme la confiance, donc il est important de veiller à ce que les gens sachent qu’ils ont accès à ce soutien.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup.

(1710)

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, le comité siège maintenant depuis 125 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat plus tôt aujourd’hui, je suis obligée d’interrompre les délibérations afin que le comité puisse faire rapport au Sénat.

Madame la ministre, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être jointe à nous aujourd’hui et de nous avoir aidés dans nos travaux concernant ce projet de loi. Je tiens également à remercier le fonctionnaire de votre ministère.

Des voix : Bravo!

La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que les témoins ont été entendus?

Des voix : D’accord.


[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

Rapport du comité plénier

L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, le comité plénier, qui a été autorisé par le Sénat à étudier la teneur du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (Subvention d’urgence pour le loyer du Canada et Subvention salariale d’urgence du Canada), signale qu’il a entendu lesdits témoins.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand le Sénat s’est formé en comité plénier, il restait huit minutes à la période des questions. Le sénateur Gold était sur le point de répondre à une question complémentaire du sénateur Carignan.

[Français]

Les services publics et l’approvisionnement

Les contrats conclus sans appel d’offres

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Si ma mémoire est bonne, il s’agissait d’une question ayant trait à un contrat entre Services publics et Approvisionnement Canada et FTI Professional Grade. Ce n’est pas la première fois que l’honorable sénateur pose cette question et tente d’en savoir davantage en consultant le contrat de sous-traitance avec la compagnie Baylis Medical. J’ai quelques détails à donner. J’ai déjà dit que le contrat avait été conclu avec FTI Professional Grade et que c’est cette compagnie qui a signé un contrat de sous-traitance avec la compagnie Baylis. Ce que les gens ignorent souvent, c’est que le PDG de cette compagnie, Rick Jamieson, est un partisan conservateur et un donateur bien connu. Je pense donc qu’il vaudrait mieux poser la question à M. Jamieson, parce que c’est lui qui pourrait le mieux expliquer pourquoi il a choisi cette compagnie pour fournir l’équipement en question.

[Traduction]

Élections Canada

Le Canadian Muslim Voting Guide

L’honorable Linda Frum : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, le gouvernement Trudeau a prouvé à maintes reprises qu’il avait des difficultés avec l’éthique. L’un des scandales des libéraux les plus récents, passé inaperçu parmi tous les autres, concerne le document intitulé Canadian Muslim Voting Guide, créé en vue de la campagne électorale de 2019 par l’Université Wilfred Laurier. Ce guide, financé par le gouvernement à hauteur de 25 000 dollars, exhortait les lecteurs à voter pour le parti libéral tout en salissant les membres de l’opposition, qu’il accusait d’islamophobie. Une fois de plus, un mandataire indépendant du Parlement, en l’occurrence le commissaire aux élections, a estimé qu’en finançant ce guide électoral, les libéraux avaient une fois de plus enfreint la loi fédérale. Curieusement, cela n’a fait l’objet d’aucune sanction.

Sénateur Gold, ma question est la suivante : en renonçant à imposer une sanction aux libéraux, un enquêteur aux élections a conclu que l’intérêt public serait mieux servi en « traitant cette affaire par des moyens informels ».

Sénateur Gold, pourriez-vous trouver au nom du Sénat en quoi consistent exactement ces moyens informels? De plus, quelles mesures ont été mises en place pour s’assurer que le gouvernement ne viole pas à nouveau de manière flagrante la loi électorale?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie la sénatrice de sa question. Je vais certainement me renseigner sur le sujet et faire rapport au Sénat le plus tôt possible.

Les affaires étrangères

Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires des Nations unies

L’honorable Mary Coyle : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, en 2017, les Nations unies ont négocié le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Le vote concernant la version finale du texte s’est déroulé le 7 juillet 2017. Le Canada n’a pas participé à ce vote. Le 24 octobre 2020, le Honduras est devenu le cinquantième pays à ratifier le traité, ce qui entraîne l’entrée en vigueur du traité 90 jours plus tard, soit le 22 janvier 2021.

Sénateur Gold, pourriez-vous nous dire pourquoi le Canada n’a pas signé le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires et s’il compte le faire un jour?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, sénatrice. Je vais m’informer et communiquer la réponse au Sénat.

[Français]

La Banque du Canada

Le billet de cinq dollars

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, la Banque du Canada s’apprête à retirer la photo de sir Wilfrid Laurier du billet de 5 $ de la monnaie canadienne. Je dois vous dire que, comme francophone et Québécois, je suis personnellement outré de cette décision, qui a pour but de remplacer le premier premier ministre francophone du pays, un grand premier ministre et un grand Canadien qui a changé l’histoire du Canada. Pour le remplacer, la ministre des Finances s’apprête à choisir huit personnalités, dont quatre Autochtones, une travailleuse humanitaire née à Prague, le premier descendant chinois né au Canada, Terry Fox et une journaliste et écrivaine francophone. Sans vouloir enlever quoi que ce soit à ces personnalités, on est loin de pouvoir leur accorder l’importance qu’a eue sir Wilfrid Laurier dans l’histoire de notre pays. Il n’y a qu’un pas à franchir pour dire que le gouvernement s’apprête à « tasser » un francophone pour des raisons obscures. Monsieur le leader, qu’est-ce que ces personnalités ont fait de plus que Wilfrid Laurier pour se retrouver sur le billet de 5 $?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, et je vous remercie également d’avoir évoqué l’importance du premier ministre Wilfrid Laurier dans l’histoire du Canada. Je suis assez fier de lui moi aussi. Je dois mentionner, juste en passant, que notre ancien collègue André Pratte a publié un bouquin fort intéressant à ce sujet, car il s’agit d’un important premier ministre qui a fait beaucoup pour le Canada. Pour ce qui est du changement dans notre monnaie, si je comprends bien, le premier ministre Wilfrid Laurier apparaîtra sur un autre billet. C’est une bonne chose que de diversifier la représentation canadienne sur tous nos billets de banque pour reconnaître l’évolution de notre pays.

(1720)

Le sénateur Dagenais : Monsieur le leader, vous m’apprenez que sir Wilfrid Laurier apparaîtra sur un autre billet, et j’espère bien que ce sera le billet de 20 $ — ou même celui de 100 $ — pour bien démontrer la valeur que nous accordons à notre tout premier premier ministre francophone.

[Traduction]

Son Honneur le Président : La période des questions est terminée.


ORDRE DU JOUR

La Loi de l’impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’honorable Pat Duncan propose que le projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (Subvention d’urgence pour le loyer du Canada et Subvention salariale d’urgence du Canada), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, c’est un plaisir de prendre la parole aujourd’hui pour présenter le projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (Subvention d’urgence pour le loyer du Canada et Subvention salariale d’urgence du Canada).

Selon certains, le projet de loi est une nouvelle demande pour que le Sénat accepte rapidement les mesures adoptées par l’autre endroit afin de répondre à la pandémie de COVID-19. Honorables sénateurs, dans cette Chambre de second examen objectif, d’éminents sénateurs ont dit avec éloquence que nous ne sommes pas ici simplement pour acquiescer aux demandes.

Une chose qu’on m’a dite à mes débuts en tant que commissaire provinciale des Guides est la phrase suivante : « Souviens-toi, ta signature est ton bien le plus précieux. » Aujourd’hui, il y a les cartes en plastique avec lesquelles on paie sans contact, alors les nouvelles générations ne le réalisent peut-être pas. Chaque sénateur, j’en suis sûre, se souviendra d’avoir signé son premier chèque ou peut-être d’avoir reçu son premier chèque de paie et de l’avoir signé avant de le déposer. Ce moment est important. Voilà pourquoi nous sommes ici. Nous connaissons l’importance de notre signature, la valeur de l’examen minutieux dont nous sommes chargés. Nous ne prenons pas notre rôle à la légère et nous ne nous contenterons pas d’apposer notre signature dès qu’on nous le demande. Nous le ferons après avoir effectué un second examen objectif, et je pourrais ajouter, après une réflexion approfondie et complète.

Il n’y a pas si longtemps, j’ai été nommée sénatrice et j’ai commencé à siéger au Comité des finances nationales. Notre ancien collègue, le sénateur Day, avait alors souligné que ce comité avait consacré sept heures à l’examen des milliards de dollars en fonds publics prévus au budget, alors que l’autre endroit en avait débattu pendant à peine 20 minutes.

De même, le Comité des finances nationales a passé plusieurs jours durant ce que certains appellent la « semaine de relâche » à examiner les mesures prévues dans le projet de loi à l’étude. J’ai la certitude — et je crois que vous serez d’accord avec moi, chers sénateurs — que nous tenons tous en haute estime nos collègues membres du comité et que nous avons beaucoup de considération pour leurs compétences, leur intuition et le souci qu’ils témoignent à l’encontre des Canadiens et des deniers publics.

Honorables sénateurs, laissez-moi vous parler des mesures incluses dans le projet de loi C-9 et vous expliquer pourquoi il est si important que nous l’adoptions. Je salue la présence de la ministre aujourd’hui et je lui suis reconnaissante des précisions qu’elle a fournies. On a en outre fait remarquer à juste titre que nous discuterons de ce projet de loi avec les Canadiens. Ceux-ci écouteront notre débat, je l’espère, au cours des prochains jours. Il est important de passer en revue les mesures que contient le projet de loi.

Premièrement, le projet de loi propose d’offrir jusqu’en juin 2021 une aide directe et facile d’accès aux locataires et aux propriétaires d’organisations admissibles touchées par la COVID pour le loyer et les intérêts hypothécaires dans le cadre de la nouvelle Subvention d’urgence pour le loyer du Canada. Deuxièmement, il propose que les organisations admissibles durement touchées par une ordonnance de santé publique émise par les autorités sanitaires compétentes reçoivent une aide additionnelle de 25 % en cas de confinement dans le cadre de la nouvelle Subvention d’urgence pour le loyer du Canada. Troisièmement, le projet de loi prolongerait la Subvention salariale d’urgence du Canada jusqu’en juin 2021 afin d’aider les employeurs à garder les employés au sein de leur effectif et à réembaucher les travailleurs qui pourraient avoir été licenciés en raison de la pandémie.

J’aimerais commencer par la Subvention d’urgence pour le loyer du Canada. Dans les premiers mois de la pandémie, le gouvernement a introduit l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial pour les petites entreprises. Cette mesure accordait des prêts-subventions aux propriétaires d’immeubles commerciaux admissibles, qui accordaient à leur tour une réduction de loyer d’au moins 75 % aux petites entreprises locataires. En date du 5 novembre, ce programme a fourni plus de 2 milliards de dollars en soutien à plus de 139 000 petites entreprises dans l’ensemble du Canada qui emploient plus de 1,25 million de personnes.

En toute franchise, s’il s’agissait d’une évaluation de rendement, l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial ne répondrait pas aux attentes. Ce nouveau programme, présenté dans le projet de loi C-9, est en vigueur depuis le 27 septembre 2020. Il offre des prestations d’aide au loyer et aux paiements hypothécaires jusqu’en juin 2021, pour les entreprises et d’autres organismes qui ont perdu des revenus en raison de la crise. Surtout, la nouvelle prestation pour le loyer proposée sera versée directement aux locataires, tout en aidant aussi les propriétaires.

Comme l’a dit la ministre plus tôt, la nouvelle subvention pour le loyer couvrirait jusqu’à 65 % du loyer ou des paiements hypothécaires pour les entreprises les plus durement touchées, dont les revenus ont diminué de 70 % ou plus, et ce, jusqu’au 19 décembre. Pour les entreprises ayant perdu moins de 70 % de leurs revenus, il y aura une subvention qui diminuera progressivement en fonction de l’augmentation des revenus, pour offrir une aide au loyer plus ciblée et plus accessible. Les dépenses admissibles au nouveau programme de subvention au loyer incluront le loyer commercial, pour les locataires, et l’intérêt sur les prêts hypothécaires, pour les propriétaires admissibles, y compris les particuliers, les sociétés et les fiducies imposables, les organismes à but non lucratif et les organismes de bienfaisance enregistrés.

Honorables sénateurs, je tiens à ajouter un point dont il n’a pas été question plus tôt aujourd’hui. Il est extrêmement important de souligner que les sociétés qui appartiennent à des gouvernements autochtones et qui exploitent une entreprise ainsi que les partenariats où chaque membre est un employeur admissible ou un gouvernement autochtone sont admissibles à la nouvelle subvention pour le loyer.

Les entités admissibles comprennent également les groupes suivants : les sociétés de personnes détenues à concurrence de 50 % par des membres non admissibles; les associations canadiennes enregistrées de sport amateur; les organisations journalistiques enregistrées; les collèges non publics et les écoles non publiques, y compris les établissements qui offrent des services spécialisés, comme les écoles de formation artistique, les écoles de conduite, les écoles de langue ou les écoles de pilotage. Par ailleurs, la méthode de calcul des revenus serait la même que celle du programme de la Subvention salariale d’urgence.

Honorables sénateurs, la ministre a parlé de la subvention pour le loyer et de la souplesse offerte aux entreprises qui incluent le loyer à payer dans leurs dépenses admissibles. Le gouvernement a une solution administrative temporaire grâce à laquelle le loyer à payer sera considéré comme une dépense admissible dès le début. Le gouvernement a clairement affirmé son intention qu’il en soit ainsi.

Je souhaite rappeler aux honorables sénateurs que je m’appuie sur mes études sur l’administration de la justice, pendant lesquelles on apprend aux fonctionnaires qu’ils peuvent donner suite aux intentions qu’un gouvernement exprime publiquement, notamment à la Chambre des communes et dans les assemblées législatives provinciales. J’ai toute confiance que l’Agence du revenu du Canada et les fonctionnaires, qui aident efficacement les Canadiens depuis le début de la pandémie, seront en mesure de concrétiser cette subvention dont les entreprises ont grandement besoin.

(1730)

Honorables sénateurs, comme nous l’avons constaté au cours des deux dernières semaines, le Canada est bel et bien aux prises avec la deuxième vague de la pandémie. Dans ce contexte, je veux faire un survol des nouvelles mesures de soutien en cas de confinement.

Comme nous le savons tous, des mesures de confinement ont été imposées dans diverses parties du pays afin de freiner la deuxième vague de COVID-19. C’est ce qu’il faut faire pour protéger les Canadiens, mais cela coûte très cher à beaucoup d’entreprises. Les nouvelles mesures de soutien en cas de confinement comprennent une subvention additionnelle pour le loyer de 25 % pour les organisations qui doivent fermer leurs portes temporairement ou restreindre considérablement leurs activités à la suite d’une ordonnance de santé publique.

Combinée à la subvention pour le loyer, cette nouvelle mesure fait en sorte que les entreprises les plus durement frappées en cas de confinement pourraient recevoir une aide au loyer pouvant atteindre 90 %. C’est là un point important qui mérite d’être répété.

Honorables sénateurs, ce sont les nouveaux programmes que créera le projet de loi C-9 s’il est adopté. J’aimerais parler brièvement de la prolongation de la Subvention salariale d’urgence du Canada, qui est aussi incluse dans le projet de loi C-9. Plus précisément, le projet de loi C-9 maintient jusqu’au 19 décembre 2020 le taux actuel de subvention, lequel peut atteindre 65 % des salaires admissibles, pour que les entreprises, les organismes de bienfaisance et les organismes à but non lucratif aient le soutien dont ils ont besoin pour continuer à payer leurs employés durant la prochaine vague de la pandémie. De plus, les dispositions du projet de loi font en sorte que la subvention salariale répond mieux aux variations soudaines de revenus.

Honorables sénateurs, la subvention salariale s’est avérée une bouée de sauvetage pour beaucoup d’entreprises de divers secteurs pendant la pandémie. Tous les sénateurs, qu’ils participent en personne ou à distance ce soir, pourraient donner un exemple d’une entreprise de leur région qui a reçu l’aide fournie par la Subvention salariale d’urgence du Canada. J’ai hâte d’entendre vos observations sur ce programme.

En ce moment, une subvention salariale complémentaire dont le taux peut aller jusqu’à 25 % est offerte aux employeurs les plus durement touchés par la pandémie. Le taux de la subvention salariale complémentaire d’un employeur admissible est généralement déterminé en fonction de la baisse des revenus subie au cours des trois mois précédents comparativement aux revenus de ces mêmes mois de l’année précédente. Il y a aussi une autre approche du calcul des revenus de référence : le taux de la subvention salariale complémentaire est déterminé en fonction de la baisse des revenus enregistrée, en comparant la moyenne des revenus mensuels des trois mois précédents à la moyenne des revenus de janvier et février 2020.

Afin de mieux adapter la subvention salariale complémentaire aux variations imprévues des revenus, cette mesure législative uniformise le critère de la baisse des revenus lié à la subvention salariale de base et à la subvention salariale complémentaire à compter du 27 septembre 2020. Au lieu d’utiliser le critère actuel de la baisse des revenus sur trois mois pour calculer la subvention complémentaire, on déterminerait la subvention de base et la subvention complémentaire en fonction de la variation des revenus mensuels de l’employeur admissible, d’une année à l’autre, pour le mois civil en cours ou le mois précédent.

Pour les employeurs qui utilisent l’autre critère du programme sur la baisse des revenus, la subvention de base et la subvention complémentaire seront calculées en fonction des changements dans les revenus mensuels des employeurs admissibles, en comparaison avec la moyenne de leurs revenus pour les mois de janvier et février 2020.

Afin de garantir que les changements apportés au critère de la baisse des revenus n’entraînent pas une subvention salariale moins généreuse, le programme comprend une règle d’exonération applicable du 27 septembre au 19 décembre 2020. En vertu de cette règle, les employeurs admissibles à la subvention complémentaire peuvent avoir accès à des montants qui ne sont pas inférieurs à ce qu’ils auraient reçu s’ils avaient appliqué le critère de la baisse de revenus sur trois mois.

Les changements proposés contribuent à ce que le programme offre du soutien continu aux employeurs au gré de l’évolution de la situation sanitaire et économique. Par exemple, un employeur qui a subi une perte d’au moins 70 % de ses revenus durant la période établie serait admissible à une subvention salariale de 65 %.

Depuis son entrée en vigueur, la subvention salariale, qui est destinée aux entreprises, aux organismes sans but lucratif et aux organismes de bienfaisance pour qu’ils conservent leurs employés ou qu’ils puissent les réembaucher, a versé plus de 46 milliards de dollars et a aidé plus de 3,8 millions de Canadiens.

Honorables sénateurs, nos collègues de l’autre endroit ont donné leur appui, tous partis confondus, pour que le projet de loi soit adopté rapidement. Comme je l’ai mentionné plus tôt, le Sénat du Canada a procédé à un examen minutieux du projet de loi par l’entremise de son comité national des finances, qui a notamment interrogé la ministre des Finances.

Surtout, le comité a entendu directement ce que les Canadiens avaient à dire sur le projet de loi, par l’entremise des organismes dont ils sont membres. Il a répondu immédiatement à certaines de leurs préoccupations, notamment en ce qui concerne la méthode de détermination de l’admissibilité à la subvention.

Le maire de Toronto, John Tory, a lancé un appel passionné à certains leaders du Sénat pour que le projet de loi soit rapidement adopté. Hier, le premier ministre du Manitoba, l’honorable Brian Pallister, a annoncé que les entreprises de la province ayant besoin d’aide pouvaient maintenant présenter une demande en ligne pour bénéficier de la Subvention transitoire du Manitoba.

Certaines des inquiétudes exprimées ne sont rien d’autre que des appels lancés aux sénateurs pour qu’ils fassent le travail qui s’impose, et ce sans tarder. Je pense que nous avons trouvé un juste équilibre.

Honorables sénateurs, comme je vous l’ai dit aujourd’hui, je crois que nos collègues du Comité sénatorial des finances nationales, de même que les sénateurs posant des questions ici, aujourd’hui, et au Comité des finances, ont fait leur travail. Les fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada, qui ont répondu brillamment à la pandémie, ont publiquement assuré au Comité des finances que, dès que le projet de loi aura obtenu la sanction royale, les mesures qui y sont prévues seront mises en œuvre, les demandes pourront être reçues et les chèques devraient être distribués aux Canadiens d’ici le début de décembre. En fait, les fonctionnaires de l’Agence ont déclaré publiquement que le processus de demande pourra être lancé 72 heures après que le projet de loi C-9 ait reçu la sanction royale.

Ces Canadiens ont donné leur avis et leur soutien. Leur recommandation est la même : appuyer l’adoption de ce projet de loi sans délai.

Chers collègues, en tant qu’ancienne ministre des Finances du Yukon, aujourd’hui sénatrice pour le Yukon, membre du Comité des finances nationales et marraine du projet de loi C-9, je vous recommande d’étudier et d’adopter sans délai ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture. Gùnáłchîsh et mahsi’cho, merci.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : J’aimerais poser une question à la sénatrice Duncan. Sénatrice, je devais poser cette question à la ministre, mais j’ai cédé mon temps de parole à notre porte-parole, le sénateur Smith. J’aimerais d’abord vous féliciter, vous et les membres du Comité des finances nationales, pour votre excellent travail en général et sur ce projet de loi en particulier. Le Sénat fait sa part et s’assure d’effectuer un examen approfondi, car il lui arrive souvent de repérer des erreurs ou des omissions, qu’il peut ensuite communiquer à l’autre Chambre. Je tiens à dire, en ce qui concerne les exhortations du maire Tory, que j’espère qu’il comprend lui aussi l’importance du rôle du Sénat pour ce qui est d’en arriver à des mesures législatives qui sont dans l’intérêt des Canadiens. Je sais qu’il y a du très bon travail qui a été fait.

La question que je voulais poser à la ministre et que j’aimerais vous poser est la suivante. Lors de sa comparution devant le comité, la ministre a-t-elle parlé de la prolongation du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes ou répondu à des questions sur cette mesure qu’elle a annoncée le 9 octobre, soit le jour où on a apporté des modifications au programme d’aide pour le loyer et prolongé le programme de subvention salariale? Ces mesures sont incluses dans le projet de loi C-9, mais pas le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes. Il s’agit d’une mesure importante à laquelle certaines entreprises n’ont même pas eu accès pendant longtemps, puisqu’elles n’étaient pas admissibles. La ministre a dit plus tôt qu’un nouveau prêt de 20 000 $ sera offert au titre du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, mais lui a-t-on posé la question? A-t-elle dit quand cette mesure sera offerte? Je sais que cela ne fait pas partie du projet de loi, mais j’étais curieuse de savoir si on pouvait obtenir une réponse à ce sujet.

La sénatrice Duncan : Premièrement, j’aimerais remercier mon honorable collègue de la question. Je partage son respect pour le Sénat et pour le travail qu’il réalise afin d’améliorer les lois.

(1740)

Je me rappelle qu’on a discuté du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes et que ce programme a été mentionné. À vrai dire, je ne me souviens pas exactement du contexte, et j’aimerais consulter la transcription de notre rencontre et de notre discussion avec la ministre.

Je ne sais pas s’il convient de le faire, Votre Honneur, mais dois-je fournir une réponse écrite à ma collègue? Non, elle secoue la tête. J’aimerais avoir son avis là-dessus.

La sénatrice Martin : J’aurais dû poser la question à la ministre. J’étais simplement curieuse.

Non, c’est en dehors du contexte du projet de loi. Je voulais donc juste dire que nous avons accordé la permission de commencer la deuxième lecture aujourd’hui. Nous sommes prêts à nous prononcer. Je vous remercie, madame la sénatrice, de tout le travail que vous avez fait jusqu’à présent.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Duncan, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi concernant les Guides du Canada

Projet de loi d’intérêt privé—Troisième lecture

L’honorable Mobina S. B. Jaffer propose que le projet de loi S-1001, Loi concernant les Guides du Canada, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, comme je l’ai répété à maintes reprises, nous sommes saisis de ce projet de loi depuis longtemps, et j’ai évoqué toutes les raisons pour lesquelles nous en débattons encore. Ce projet de loi vise à témoigner de l’approche adoptée par Guides du Canada, un organisme de bienfaisance moderne qui demande d’apporter aux lois le concernant des changements touchant son administration.

Je ne passerai pas ces changements en revue comme je l’ai fait de nombreuses fois déjà. Pour l’instant, je tiens simplement à remercier la sénatrice Duncan de son soutien, la sénatrice Frum de sa collaboration à titre de porte-parole pour le projet de loi et le sénateur Dalphond des changements qu’il a proposés.

J’aimerais surtout remercier tous les sénateurs. C’est grâce à vous que nous avons réussi à passer à l’étape de la troisième lecture en aussi peu de temps. Je sais pourquoi vous le faites, et ce n’est pas juste pour me soutenir, quoique je vous suis reconnaissante de votre appui. Vous le faites parce que vous pensez aux filles et que vous souscrivez au mouvement des Guides du Canada selon lequel un monde géré par des femmes est un monde meilleur ainsi qu’à son objectif d’augmenter la capacité de chaque fille. Je vous demande de vous prononcer en faveur du projet de loi aujourd’hui. Merci beaucoup.

L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, je donne aujourd’hui mon appui au projet de loi S-1001, Loi concernant les Guides du Canada. Comme il s’agit d’une mesure somme toute assez simple, je ne m’éterniserai pas inutilement, mais je tiens tout de même à dire à quel point le programme des Guides du Canada a toujours été un programme extraordinaire et le demeurera.

Je me rappelle qu’à mes débuts au Sénat — j’étais alors assise dans le fond de la salle située dans l’édifice du Centre —, la sénatrice Jaffer avait parrainé un projet de loi semblable. Pour tout vous dire, j’avais alors été choquée que le Sénat puisse être saisi d’un projet de loi sur les Guides. Je ne savais pas qu’il fallait une loi spéciale et je ne comprenais pas pourquoi cette question ne relevait pas de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif. J’étais très curieuse et j’ai écouté attentivement la sénatrice Jaffer, qui s’est exprimée avec sa verve habituelle.

Pendant que je l’écoutais, mes souvenirs des éclaireuses, des étincelles et des jeannettes me sont revenus en mémoire. Je sais que les Guides du Canada ont influencé le parcours de nombreuses sénatrices et j’oserais même dire que c’est grâce à elles que certaines de mes collègues sont ici aujourd’hui.

Toute petite, à l’école, je regardais avec envie les jeannettes et les guides qui portaient leur bel uniforme à l’occasion de la journée mondiale de la pensée, en hommage à lady Baden-Powell. Ma famille n’avait pas les moyens de m’acheter un uniforme neuf, donc ma mère m’a dit : « Si tu peux trouver un uniforme usagé, tu pourras devenir une jeannette. » Eh bien, j’en ai trouvé un et je lui ai demandé d’honorer sa promesse. J’étais ravie de devenir une jeannette et une guide.

La dynamique familiale était pénible, mais chaque semaine, pendant quelques heures, je savais que je pouvais être avec d’autres filles, me faire des amies, acquérir de nouvelles compétences et obtenir ces fameux badges que je cousais sur mon uniforme avec tant de joie et de fierté. Je n’oublierai jamais — ceux qui vivent à Toronto y seront sensibles — quand je prenais le train et le métro toute seule, à l’âge de 10 ans, pour passer quelques heures au siège social des guides et à la boutique de la rue Merton, au coin de la rue Yonge, au centre-ville de Toronto. J’avais économisé assez pour m’acheter un sifflet et un porte-monnaie tout neufs des guides. Je croyais avoir remporté le gros lot.

Comme pour bien d’autres, l’expérience des Guides m’a placée sur la voie du leadership. Le travail d’équipe, l’écoute, la planification, les compromis, la prise de risques, les allocutions en public, l’établissement d’objectifs : tout cela faisait partie de cette voie. Le fait que le mouvement des Guides célèbre aujourd’hui l’égalité et l’inclusion à l’échelle mondiale le rend extrêmement pertinent en 2020.

Aujourd’hui, j’aimerais raconter l’incidence de la COVID-19 sur Guides du Canada. Comme vous le savez, les biscuits des Guides vendus nous rappellent annuellement les 110 ans d’histoire de cet organisme. Les ventes de biscuits sont l’occasion de générer des fonds pour financer les activités et les programmes qui permettent aux jeunes filles de découvrir qui elles sont et qui elles souhaitent devenir. Soit dit en passant, j’ai toujours préféré les biscuits à la vanille.

En mars dernier, des boîtes et des boîtes de biscuits des Guides ont été livrées dans des garages de maison partout au Canada. Je me souviens avoir vu, le 18 mars, une amie dont le garage était rempli jusqu’au plafond de boîtes de biscuits. Le confinement en raison de la pandémie était commencé, et le risque de perdre des millions de dollars de biscuits était bien réel.

Heureusement, sous le leadership de Doug Jasper et de Charlotte Truter, l’entreprise de déménagement et d’entreposage AMJ Campbell, une entreprise canadienne établie en 1934, a transformé ses activités commerciales et a fait preuve d’une immense générosité. AMJ est passée prendre toutes ces boîtes de biscuits et les a livrées à des épiceries pour qu’elles puissent y être vendues pendant les mois du printemps et de l’été.

Hier, j’ai vu une boîte au Loblaws qui se trouve à quelques rues d’ici. Elles sont encore là, mesdames et messieurs.

Ce geste a été déterminant pour les Guides du Canada. Cette intervention leur a permis de répondre aux besoins en matière de programmes des filles et de leur famille d’un océan à l’autre. Jill Zelmanovits, directrice générale des Guides du Canada, et Robyn McDonald, présidente du conseil d’administration, ont déclaré que la gentillesse d’AMJ Campbell a permis à l’organisme d’offrir des activités en ligne tout en respectant les règles de distanciation sociale.

Les étincelles, les jeannettes et les guides ont repris leur programme en septembre. Comme Mmes Zelmanovits et McDonald l’ont dit, partout au pays, il y a des étincelles de 5 ans qui font leur première recette, des jeannettes de 10 ans qui campent une fois de plus sous les étoiles et des kamsoks de 15 ans qui continuent à imaginer des améliorations pour leur collectivité.

Nous savons que pour garantir un bel avenir au Canada et aux collectivités, il faut que les filles continuent à grandir avec assurance, à caresser de grands rêves et à aspirer à un monde meilleur. Je remercie AMJ Campbell d’avoir gardé ces rêves vivants.

Aujourd’hui, honorables sénateurs, faisons notre part et répondons à la demande des Guides du Canada en adoptant rapidement le projet de loi afin que leurs rôles et leurs procédures en tant qu’organisme moderne se reflètent fidèlement dans leur charte constitutive. Merci. Meegwetch.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi lu pour la troisième fois, est adopté.)

(1750)

Projet de loi sur la protection des jeunes contre l’exposition à la pornographie

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, appuyée par l’honorable sénateur Harder, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-203, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite.

L’honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-203, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite.

Permettez-moi de commencer par féliciter la sénatrice Miville-Dechêne pour avoir présenté cet important projet de loi, et pour les efforts réfléchis qu’elle a déployés pour le rédiger. Je tiens également à la remercier pour son discours détaillé en deuxième lecture. Il s’agissait d’un exposé complet et bien documenté sur l’incapacité totale et absolue du gouvernement et de la société dans son ensemble à faire le moindre effort pour protéger nos enfants des effets corrosifs d’une exposition précoce au vice de la pornographie qui, si elle est consommée à un âge jeune et immature, peut causer des dommages irréparables à la santé mentale et spirituelle du spectateur.

Je suis la porte-parole de l’opposition au sujet de ce projet de loi, mais je suis certaine de parler au nom de tous les sénateurs lorsque je dis qu’aucune personne raisonnable ne pourrait s’opposer à son objectif, qui est de protéger le psychisme en développement des membres les plus vulnérables de notre société, les enfants, contre les représentations d’actes sexuels violents et dégradants. Le projet de loi S-203 vise à protéger les enfants contre la visualisation de matériel pornographique préjudiciable en inscrivant dans la loi que les fournisseurs de matériel pornographique en ligne doivent se servir d’une technologie de vérification de l’âge en ligne sous peine de faire l’objet d’une amende ou d’une peine de prison.

En outre, le projet de loi S-203 protégerait la santé mentale des jeunes en limitant leur accès au matériel sexuellement explicite, protégerait les Canadiens, en particulier les jeunes et les femmes, contre les répercussions néfastes de l’exposition des jeunes à du matériel sexuellement explicite, y compris du matériel dégradant et du matériel qui présente de la violence sexuelle, et dissuaderait quiconque rend accessible du matériel sexuellement explicite sur Internet à des fins commerciales de permettre à des jeunes d’accéder à ce matériel.

Nous sommes maintenant à l’étape de la deuxième lecture, et nous devons débattre du principe du projet de loi, ainsi que déterminer si la mesure législative est valable et si elle mérite d’être étudiée de manière plus approfondie par le comité. Ma réponse est un oui catégorique. Je voterai donc en faveur du renvoi du projet de loi au comité.

Je veux aussi préciser très clairement que, à mon avis, les enfants ne devraient pas voir de matériel pornographique, encore moins du matériel pornographique violent, abusif, dégradant ou extrême, ce qui décrit malheureusement la majorité du contenu disponible sur Internet de nos jours.

Je souscris au préambule du projet de loi S-203, qui dit ceci :

[…] que la consommation de matériel sexuellement explicite par les jeunes est associée à une série de graves préjudices, notamment le développement d’une dépendance à la pornographie, le renforcement de stéréotypes sexuels et le développement d’attitudes favorables au harcèlement et à la violence — y compris le harcèlement sexuel et la violence sexuelle — en particulier à l’égard des femmes […]

Cela dit, je suis aussi d’accord avec le sénateur Cormier, qui a fait remarquer, après le discours prononcé par la sénatrice Miville-Dechêne à l’étape de la deuxième lecture, que la violence sexuelle inspirée par la pornographie n’est pas seulement hétérosexuelle. Pendant son examen du projet de loi, le comité pourrait donc choisir de modifier le texte pour tenir compte du fait que la violence sexuelle sadique, pilier de la pornographie moderne, touche toutes les orientations sexuelles, et que les dommages qu’elle peut causer sont illimités.

Étant donné l’omniprésence de la pornographie nocive, il est extrêmement difficile d’éviter qu’elle soit vue par des enfants et par ceux d’entre nous qui ne veulent pas être souillés par ce spectacle. Même si les parents se montrent très vigilants, les téléphones intelligents, facilement transportables, procurent un accès facile à la pornographie. De plus, notre milieu social et culturel en est saturé. Pour reprendre une statistique mentionnée par la sénatrice Miville-Dechêne :

Au cours des 10 dernières années, les gens ont regardé l’équivalent de 1,2 million d’années de vidéos pornographiques, et 95 % de ces visionnements ont eu lieu sur des sites commerciaux gratuits sans mécanisme de vérification de l’âge.

La pornographie est partout. Encore aujourd’hui, sur Twitter, la blogueuse féministe Louise Perry a attiré mon attention sur un gazouillis qui avait déjà été aimé et partagé plus de 300 000 fois. Le gazouillis en question, rédigé sur le ton d’une personne assez satisfaite d’elle-même, décrivait comment s’y prendre « correctement » pour étrangler une femme pendant l’acte sexuel. Apparemment, le truc consiste à couper la circulation du sang tout en laissant passer l’air. Dégoûtée, Louise Perry a dit : « Rien ne va plus dans notre culture sexuelle. » Elle a bien raison.

La sénatrice Miville-Dechêne a bien raison elle aussi de s’attaquer à ce problème en essayant au moins d’en protéger les enfants jusqu’à ce qu’ils soient assez vieux pour essayer de comprendre. Nous savons que l’exposition à la pornographie à un trop jeune âge peut laisser des séquelles durables, car les études le démontrent. Or, à l’âge de 11 ans, la plupart des enfants ont été exposés à de la pornographie, par inadvertance ou intentionnellement, parce que très peu a été fait pour en réduire et en contrôler l’accessibilité.

Pendant ce temps, nous savons que les mineurs qui consomment de la pornographie sont susceptibles de souffrir de dépression et de moins bien réussir à l’école. Dans le cas des garçons, ils sont susceptibles d’être agressifs, hostiles et méprisants envers les femmes et les filles. Plus tard, ils risquent de souffrir de dysfonction sexuelle, de connaître un divorce et de se retrouver isolés.

Bien que je ne me sente pas apte à donner mon point de vue sur les mérites techniques du processus numérique de vérification de l’âge sur lequel mise le projet de loi de la sénatrice Miville-Dechêne, je me réjouis d’avoir l’occasion d’en apprendre davantage sur ces capacités technologiques au cours de l’étude du comité. En outre, je souhaite toujours comprendre pourquoi la sénatrice Miville-Dechêne a établi que ce projet de loi relevait du ministre de la Sécurité publique et non du ministre du Patrimoine canadien, qui est responsable de protéger les enfants contre l’exploitation, voire du ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, qui supervise la mise en œuvre de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur les télécommunications.

Ce que je suis en mesure d’affirmer, toutefois, c’est que le projet de loi de la sénatrice Miville-Dechêne est une étape importante dans la réparation du désaveu de responsabilité absolument choquant de la société par rapport à nos enfants. Nous connaissons l’ampleur des ravages mentaux, sexuels et spirituels chez les enfants canadiens qui sont quotidiennement bombardés de contenu nocif à caractère sexuel, dont le flot est incessant. Et pourtant, socialement, nous ne faisons pratiquement rien pour y mettre un terme.

Je suis heureuse que la sénatrice Miville-Dechêne propose une solution à cette crise morale. Bien que ce projet de loi ne soit pas une panacée, j’ai hâte de l’étudier et de me pencher sur le sujet plus en détail en comité. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Son Honneur le Président : Sénatrice Bovey, avant que vous ne commenciez votre allocution, je dois vous aviser que je devrai malheureusement vous interrompre dans quelques minutes.

La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Débat

L’honorable Patricia Bovey propose que le projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (artiste visuel officiel du Parlement), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole une fois de plus en tant que marraine pour appuyer le projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (artiste visuel officiel du Parlement). C’est la troisième fois que la mesure législative est présentée au Sénat. Elle a été renvoyée à un comité et elle a reçu l’appui unanime du Sénat, qui l’a envoyée à l’autre endroit, où elle est morte au Feuilleton parce que des élections ont été déclenchées. Je l’ai ramené lors de la dernière session et je le fais à nouveau après la prorogation.

Présenté pour la première fois par notre ancien collègue le sénateur Moore, le projet de loi S-205 crée le poste d’artiste visuel officiel sur la Colline du Parlement dans le même esprit et avec le même raisonnement que notre poète officiel. Les arts visuels sont un langage universel qui exprime de manière non verbale l’âme et la substance de qui nous sommes en tant que Canadiens. L’art nous a permis de rester unis en ces temps difficiles.

Le besoin pour les arts a été particulièrement évident pendant la pandémie, à la suite des meurtres horribles en Nouvelle-Écosse et pendant les manifestations et tout ce qui a entouré le mouvement Black Lives Matter. En effet, nous constatons la force à l’échelle nationale et mondiale, même dans le petit espace dédié aux artistes noirs du Canada dans le foyer du Sénat. L’art nous réunira à nouveau lorsque nous retournerons à nos vies normales après la pandémie.

[Français]

Il va sans dire que la société a changé depuis que ce projet de loi a été présenté pour la première fois et que le Sénat l’a appuyé.

(1800)

[Traduction]

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice Bovey, mais je dois vous interrompre.

Honorables sénateurs, je dois lire ceci très attentivement, car nous avons fait de grands efforts pour essayer de ne pas en arriver à un triple négatif. Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement et à l’ordre adopté le 27 octobre 2020, je suis obligé de quitter le fauteuil jusqu’à 19 heures, moment où nous reprendrons les travaux, à moins que le Sénat ne consente à ce que la séance se poursuive.

Que les sénateurs qui sont contre veuillent maintenant bien dire non.

Une voix : Non.

Son Honneur le Président : J’ai entendu un « non ». La séance est suspendue jusqu’à 19 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(1900)

La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bovey, appuyée par l’honorable sénateur Munson, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (artiste visuel officiel du Parlement).

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, n’oublions pas que les arts visuels sont un langage universel qui exprime de manière non verbale l’âme et la substance de qui nous sommes en tant que Canadiens. C’est extrêmement important dans le travail que nous faisons au Parlement.

Je répète que l’art nous a permis de rester unis ces derniers mois. Je crois sincèrement qu’à la fin de la pandémie, l’art va nous rassembler à nouveau lorsque nous retournerons à nos vies et que nous pourrons retrouver notre famille et nos amis.

[Français]

Il va sans dire que la société a changé depuis que ce projet de loi a été présenté pour la première fois et que le Sénat l’a appuyé. Nous vivons des temps difficiles et les nouvelles sont à l’avenant. Les manifestations sur bien des dossiers sont plus nombreuses, et l’on apporte un grand soutien aux personnes qui sont dans le besoin, en colère ou victimes de diffamation et de discrimination.

[Traduction]

Les Canadiens veulent entendre de bonnes nouvelles. Ils cherchent de la positivité, de l’honnêteté, quelque chose qui leur donne de la force dans leur quotidien. C’est ce que le projet de loi accomplit. Un artiste visuel officiel sur la Colline montrera aux Canadiens le fond des travaux du Parlement. Il soulignera l’importance de la démocratie d’aujourd’hui et il présentera les questions sur lesquelles les parlementaires se penchent et les travaux qu’ils accomplissent au nom de tous les Canadiens. Il communiquera des valeurs, des points de vue, des principes et des réalités aux Canadiens de souche, aux néo-Canadiens ainsi qu’aux immigrants et aux réfugiés, peu importe leur langue maternelle.

L’artiste parlementaire officiel mettra certainement en évidence la diversité du Canada, peu importe le support visuel employé : la peinture, l’imprimerie, la sculpture, le dessin, l’enregistrement vidéo, le cinéma, l’installation artistique, la photographie ou tout autre support visuel. N’importe quel artiste qu’on nommerait au poste d’artiste visuel officiel considérerait comme un honneur le fait de servir d’ambassadeur des arts et de créateur d’œuvres liées à la Colline du Parlement. En fait, le terme « artiste officiel » dénote l’honneur d’avoir obtenu une distinction dans un domaine en particulier.

Le Parlement du Canada n’a jamais eu d’artiste visuel officiel, mais il en existe des précédents à divers endroits au Canada, notamment dans la province de l’Ontario et dans des villes comme Victoria et Toronto. L’artiste autochtone Christi Belcourt a été lauréate du prix pour les arts autochtones du Conseil des arts de l’Ontario en 2014. La photographe officielle de Toronto pour 2019-2022 est Michèle Pearson Clark, qui explique qu’elle se sert de son rôle pour « inspirer le changement dans la ville et favoriser la justice sociale ».

De nombreux États, dont New York, le Dakota du Sud, le Texas et le New Hampshire, ont un artiste visuel officiel. L’Australie, le Royaume-Uni ainsi que la ville de Culver City, en Californie, ont même un artiste visuel officiel spécialisé dans les œuvres pour enfants.

Honorables sénateurs, comme vous le savez déjà, le projet de loi S-205 modifierait la Loi sur le Parlement afin que soit créé le poste d’artiste visuel officiel du Parlement. Le principe serait le même que pour le poète officiel. Afin d’assurer leur indépendance, les deux relèveraient de la Bibliothèque du Parlement, tout comme le directeur parlementaire du budget et divers autres mandataires du Parlement.

Le texte prévoit que ce sont le Président du Sénat et celui de la Chambre des communes qui choisissent l’artiste visuel officiel du Parlement parmi les trois candidatures recommandées par un comité présidé par le bibliothécaire parlementaire et composé du directeur du Musée des beaux-arts du Canada, du commissaire aux langues officielles du Canada, du président du Conseil des Arts du Canada et du président de l’Académie royale des arts du Canada ou de leurs représentants.

[Français]

Au service des Présidents des deux Chambres pour une période maximale de deux ans, l’artiste officiel aurait pour mandat, comme je l’ai déjà dit, de promouvoir les arts au Canada par l’entremise du Parlement en créant ou en faisant créer des œuvres artistiques. À la demande de l’un ou l’autre des Présidents, il ou elle pourrait créer des œuvres destinées à l’usage du Parlement ou à des cérémonies d’État. L’artiste officiel pourrait aussi parrainer des événements artistiques, de même que conseiller le bibliothécaire parlementaire sur la collection de la Bibliothèque du Parlement et les acquisitions propres à enrichir celle-ci dans le domaine de la culture. L’un ou l’autre des Présidents pourrait aussi demander au titulaire du poste de remplir des fonctions connexes.

Quel profit en tireraient les Canadiens? L’artiste officiel, par ses œuvres, décrirait et ferait mieux connaître aux Canadiens le travail du Parlement et des questions d’intérêt national. Pour reprendre les propos de Derek Beaulieu, poète officiel de la Ville de Calgary, un artiste officiel est un levier de changement culturel.

On a dit à maintes reprises que « les arts sont l’outil le plus puissant pour opérer des changements sociaux ». Nous avons, plus que jamais, besoin de pareils outils pour aborder les questions touchant la pauvreté, la discrimination raciale, la prévention du crime, la santé et bien d’autres.

[Traduction]

Dans son ouvrage intitulé Le facteur C: l’avenir passe par la culture, Simon Brault, directeur et chef de la direction du Conseil des arts du Canada, écrit ceci :

Les arts et la culture ne peuvent pas sauver le monde, mais peuvent aider à le changer. [...] Le pouvoir qu’a l’art de transformer le monde et de nous enchanter gagne du terrain. [...] La culture est l’avenir.

Dans le rapport parlementaire appuyé par tous les partis qui a été publié en 1999 et qui est intitulé Appartenance et identité, on peut lire ceci :

Le rôle des artistes n’est pas seulement de refléter les valeurs de la société dans laquelle ils vivent, mais de réfléchir aux questions sur lesquelles la société doit se pencher pour mieux se connaître.

Voilà quel serait le rôle d’un artiste visuel officiel : refléter et interpréter le travail du Parlement et les questions dont nous débattons, et témoigner de ce qui est vu, entendu et perçu, consciemment et inconsciemment. Le travail d’un artiste visuel officiel pourrait contribuer à combler les connaissances civiques lacunaires quant au rôle de la démocratie et au fonctionnement du Parlement, et contribuerait, je l’espère, à augmenter le taux de participation des jeunes aux élections.

Je pense que le travail de notre artiste visuel officiel serait pour nous tous une source d’inspiration. Il ouvrirait de nouveaux horizons à la jeunesse et créerait des liens avec les néo-Canadiens et les citoyens de toutes les régions. Son travail nous rapprocherait les uns des autres et nous permettrait de comprendre autrement ce que sont le civisme ainsi que les enjeux et processus gouvernementaux. Les arts visuels sont également un langage international que les enfants et les jeunes comprennent et utilisent constamment.

(1910)

[Français]

Vous m’avez entendue parler des statistiques économiques éloquentes des industries culturelles canadiennes. Statistique Canada publie le Compte satellite de la culture, un cadre comptable qui donne, et je cite :

[...] une mesure de l’importance économique de la culture (y compris les arts et le patrimoine) et du sport au Canada en ce qui a trait à la production, au produit intérieur brut et à l’emploi [...]

[Traduction]

Faire preuve de leadership en sensibilisant davantage le public au rôle des arts augmenterait les retombées économiques de ce secteur. Par exemple, selon le rapport du Compte satellite de la culture, le PIB des industries culturelles en 2017 était de 58,9 milliards de dollars, soit 1 611 $ par habitant, ce qui représente 2,8 % du PIB du Canada. Selon Statistique Canada et Hill Strategies :

Entre 2010 et 2017, le PIB des produits culturels a augmenté de 16 %...

Les chiffres [...] n’ont pas été corrigés en fonction de l’inflation.

Le nombre d’emplois reliés aux produits culturels a augmenté de 7 %...

En 2017, il y avait 715 400 emplois directement reliés aux industries culturelles, soit 3,8 % de tous les emplois au pays.

En tant que parlementaires, nous avons incontestablement une grande responsabilité envers la société, mais c’est aussi le cas des artistes. Je me réjouis à la perspective de réunir le Parlement et les artistes d’une façon concrète et fructueuse par l’entremise d’un artiste visuel officiel.

Comme je l’ai fait précédemment dans cette enceinte, je tiens à lire de nouveau le poème spécial du septième poète parlementaire officiel, George Elliot Clarke, qui a été composé à ma demande il y a plusieurs années et qui porte sur les visions que l’on pourrait avoir d’un artiste visuel officiel. Je vous lis d’abord le préambule, que voici :

Tout responsable de charge publique à qui on confie le mandat de promouvoir les arts et les lettres, la musique, la danse, le théâtre et le cinéma canadiens inspirera évidemment des rêves, ces rêves à la fois origines du droit, sources de prospérité et gardiens de la liberté. Plus nous attachons d’importance à la connaissance des arts et à la culture, plus nous investissons dans le confort et la commodité, les possibilités et les révélations, dans une société où aucune personne n’est superflue et où tous sont des citoyens précieux et irremplaçables, car tous peuvent rêver...

Voici maintenant le poème du poète officiel : Sur l’idée de nommer un artiste visuel officiel.

La page blanche, la toile blanche est

Indubitablement délicieuse

Comme le brouillard qui cache puis révèle

Ce que l’espoir fige bientôt

Une architecture fantastique

L’imagination bien née :

Ce que la Vision, œil de soi

A rêvé, un Quoi éclairant un Pourquoi...

Peintures et encres explosent en arcs-en-ciel

Un film sculpte la lumière, en un clin d’œil;

Une aiguille, dansante, devient lyrique,

Toute forme devient épique.

L’art vit dans l’œil de ceux et celles,

Dont la vision imagine un artiste officiel.

Honorables sénateurs, vous pouvez constater que je crois qu’il s’agit d’un poste inspirant qui nous rassemble tous. Les arts visuels permettent de lancer et d’encourager des débats, tant sur la Colline qu’ailleurs, et de lier le travail des parlementaires aux Canadiens ordinaires de partout au pays.

Quand on jette un regard rétrospectif sur l’histoire de notre pays, nous nous rappelons tous les grands artistes qui ont représenté le Canada à travers de nombreux médias visuels et la riche mosaïque formée par toutes les personnes et cultures qui y vivent. L’histoire du pays a été et est toujours représentée par le travail des nombreux artistes visuels qui voient cette terre d’une myriade de perspectives et de points de vue. Chacun d’entre eux contribue à la vision du Canada. L’artiste officiel du Parlement y contribuera aussi.

Je crois qu’un artiste visuel officiel devrait être nommé pour mettre en valeur le Parlement ainsi que les artistes canadiens et leurs œuvres, afin d’expliquer l’expérience canadienne au pays et à l’étranger. Comme George Clarke me l’a indiqué dans sa note : « Tous savent rêver. » Ou comme l’a écrit celui qui inspire les rêves, à propos de cette magnifique toile blanche : « L’art vit dans l’œil de ceux et celles, dont la vision imagine un artiste officiel. »

Honorables sénateurs, de nombreux artistes ont parlé de l’importance de ce poste. En fait, lorsque le projet de loi ne s’est pas rendu à l’étape de la troisième lecture à la Chambre des communes avant le déclenchement des élections, une onde de choc viscérale a traversé le pays. Mon téléphone ne dérougissait pas; ma boîte de courriel débordait. Les messages des particuliers, de la presse et des publications artistiques étaient clairs et unanimes : ce projet de loi est désiré et nécessaire.

Plus récemment, pendant la pandémie, des artistes m’ont dit que l’adoption de ce projet de loi serait importante, même s’il prévoit de nommer qu’un seul artiste visuel officiel tous les deux ans. Ce serait une expression de soutien moral qui serait bien accueillie par les artistes canadiens en cette période difficile. Les artistes d’autres disciplines — les musiciens, les écrivains, les acteurs — m’ont aussi fait part de ces sentiments lors de rencontres et de conversations. Je peux vous assurer que le soutien parlementaire pour cette mesure serait extrêmement bien reçu. J’espère que vous appuierez ce projet de loi encore une fois. Merci.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénateur Boehm, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-207, Loi modifiant le Code criminel (indépendance des tribunaux).

L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-207, Loi modifiant le Code criminel (indépendance des tribunaux).

Je soutiens le projet de loi et je félicite ma collègue, la sénatrice Pate, de l’avoir présenté et d’avoir partagé ses vastes connaissances, son expérience pratique du système judiciaire, ainsi que du monde complexe des peines minimales obligatoires.

Je tiens également à féliciter la sénatrice Boyer et la sénatrice Simons qui, dans leurs déclarations sur ce projet de loi, ont décrit certaines des sombres réalités humaines associées aux peines obligatoires.

Je tiens également à remercier la sénatrice Moodie pour avoir modifié l’horaire afin que je puisse faire cette déclaration ce soir.

Lorsque la première version du Code criminel a été adoptée en 1892, seules six infractions étaient passibles d’une peine minimale d’emprisonnement. Ces infractions comprenaient la participation à un combat concerté, passible de trois mois d’emprisonnement; la fraude à l’égard du gouvernement, un mois ; le vol de sacs postaux, trois ans ; le vol de lettres postales, trois ans ; l’arrêt du courrier dans l’intention de le voler, cinq ans ; et la corruption dans les affaires municipales, un mois. La plupart de ces premières peines minimales obligatoires visaient à faire respecter la légitimité des institutions publiques. Depuis lors, 72 dispositions relatives aux peines minimales ont évolué, et elles ciblent principalement les infractions contre la personne.

Au sens large, les peines obligatoires sont une réponse évidente aux personnes qui s’inquiètent que les sociétés soient laxistes en matière de criminalité et elles ont été associées peut-être par erreur à l’imposition de peines proportionnelles au crime commis. Je peux comprendre pourquoi ces peines sont devenues attrayantes pour certains législateurs et les gens qui voient les sanctions d’un point de vue purement punitif. C’est particulièrement vrai pour les victimes et leurs familles.

Une peine obligatoire de 25 ans d’emprisonnement est conçue pour être à la fois une mesure dissuasive et une sanction sévère appliquée systématiquement pour les personnes reconnues coupables de certains crimes.

De plus, une peine d’emprisonnement à perpétuité est réellement une peine d’emprisonnement à perpétuité. S’il y a possibilité de libération conditionnelle après 25 ans, rien ne garantit que le délinquant sera libéré après 25 ans. La peine est intentionnellement sévère. Tout le monde est censé comprendre les règles du jeu. Il s’agit d’une sanction universelle. Emprisonnez les coupables et jetez la clé, comme on dit.

Toutefois, chers collègues, nous examinons ce projet de loi aujourd’hui parce que, de l’autre côté de la médaille, les antécédents et la nature des crimes associés aux peines minimales obligatoires sont beaucoup plus complexes et, dans certains cas, il est illogique d’adopter de simples approches automatiques comme lorsqu’un accusé a été longtemps victime d’abus et de violence.

Nous savons tous, chers collègues, que les crimes ont lieu dans le contexte d’un tissu social et économique complexe — un tissu qui est parfois déchiré, maltraité et ensanglanté, tout comme les nombreuses victimes d’abus de longue date qui sont épuisées et qui craignent pour leur vie et peut-être encore plus pour celle de leurs enfants et qui finissent, souvent par crainte pour leur vie, par riposter.

(1920)

La sénatrice Boyer et la sénatrice Simons nous ont donné des exemples concrets d’histoires d’horreur du genre. Ces affaires, avec toute la brutalité et la complexité qu’elles comportent, nous obligent à nous demander si une peine obligatoire est réellement une peine proportionnelle au crime, si une solution universelle est vraiment sensée.

Un certain nombre de juges y ont déjà réfléchi. Dans plus de 130 affaires, les tribunaux canadiens ont conclu que diverses peines minimales obligatoires enfreignaient les droits constitutionnels des Canadiens.

De plus, nous savons que la criminalisation entraîne des dommages sociaux importants pour les individus et leur famille, en particulier pour ceux qui sont déjà victimisés dans leur contexte social. Aujourd’hui au Canada, 44 % des femmes dans des prisons fédérales sont autochtones, et plus de la moitié sont racialisées.

Comme nous l’a rappelé la sénatrice Pate récemment, la peine minimale obligatoire la plus sévère à l’heure actuelle dans le Code criminel est l’emprisonnement à perpétuité. Elle nous a également mentionné que, au cours de la dernière décennie, 45 % des femmes condamnées à l’emprisonnement à perpétuité étaient autochtones, et ce, dans un contexte où 86 % des femmes dans les prisons fédérales ont déjà été victimes d’une agression physique ou d’une agression sexuelle.

Je crois qu’il convient de le répéter. Au cours de la dernière décennie, 45 % des femmes condamnées à l’emprisonnement à perpétuité étaient autochtones, dans un contexte où 86 % des femmes dans les prisons fédérales ont déjà été victimes d’une agression physique ou d’une agression sexuelle.

Il n’est donc pas étonnant que, en 2015, la plateforme électorale du gouvernement ait compris la promesse de mettre en œuvre les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, notamment l’appel à l’action no 30, qui vise à éliminer d’ici 2025 la surreprésentation des Autochtones dans les prisons, et l’appel à l’action no 32, qui vise à éliminer les peines minimales obligatoires.

La Commission de réforme du droit du Canada a souligné que les peines plus longues et plus sévères ne préviennent pas efficacement la criminalité. En fait, les données semblent indiquer que les personnes qui purgent des peines de placement sous garde incluant l’incarcération sont plus à risque de récidiver que celles qui purgent des peines qui ne comportent pas de placement sous garde, mais qui prévoient plutôt des programmes communautaires et d’autres options.

En Ontario seulement, le taux de récidive dans les deux années suivant une peine de prison de six mois ou plus était de 35 % entre 2015 et 2016. Ce taux est en baisse, mais il reste qu’on a enregistré un taux de récidive de seulement 22,6 % la même année pour les peines purgées dans la communauté et axées sur l’intervention et la réadaptation.

Chers collègues, comme vous le savez, les peines minimales obligatoires limitent la capacité des juges à donner des peines plus clémentes lorsque les circonstances le justifient, de sorte que les peines purgées dans la communauté sont exclues. Si une personne est reconnue coupable, elle sera incarcérée, ce qui la rend plus susceptible de souffrir de dommages sociétaux et mentaux. De surcroît, les peines minimales obligatoires coûtent plus cher que les autres formes de peines axées sur la réadaptation.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-207 rétablirait le pouvoir discrétionnaire des juges à l’égard des quelque 72 crimes qui sont assortis d’une peine minimale obligatoire. Cela signifie donc, chers collègues, que le projet de loi n’éliminerait pas les peines minimales. Elles resteraient en vigueur. Les juges pourront toujours imposer une peine minimale obligatoire ou même une peine plus sévère s’ils le jugent approprié.

Donner aux juges le pouvoir discrétionnaire d’imposer une peine différente permettrait de garantir que justice soit faite et que la peine corresponde davantage à la nature et au contexte du crime.

La sénatrice Pate nous rappelle également que les personnes ayant d’importants problèmes de santé mentale sont touchées de manière disproportionnée par les peines minimales obligatoires. Le taux de récidive dont j’ai parlé plus tôt implique la nécessité d’adopter une approche axée sur la santé publique dans certains cas, notamment le recours à d’autres peines qui mettent l’accent sur la réadaptation plutôt que sur le châtiment.

En conclusion, chers collègues, nous parlons d’une question qui a fait l’objet d’une étude approfondie, qui a soulevé beaucoup de préoccupations et qui a fait l’objet d’un examen judiciaire. La Cour suprême du Canada a déclaré que « la preuve empirique indique que, dans les faits, les peines minimales obligatoires ne sont pas dissuasives […] »

Dans l’affaire R. c. Lloyd, la décision majoritaire de la Cour suprême a fait remarquer ce qui suit :

[…] la peine minimale obligatoire qui s’applique à l’égard d’une infraction susceptible d’être perpétrée de diverses manières, dans maintes circonstances différentes et par une grande variété de personnes se révèle vulnérable sur le plan constitutionnel.

Certaines peines ont déjà été invalidées parce qu’elles ne respectaient pas la Charte, comme cela a été le cas dans R. c. Nur. Dans cette affaire, la Cour suprême a qualifié les peines minimales obligatoires d’« implacables », en indiquant qu’elles compliquent l’imposition d’une peine proportionnelle.

Nos tribunaux, y compris la Cour suprême du Canada, ont invalidé environ 25 des 72 peines minimales obligatoires au Canada, ce qui signifie que ces peines ne sont plus en vigueur dans au moins une province ou un territoire.

Chers collègues, il est temps de régler les problèmes et de passer à autre chose. Passons à un système dans lequel l’un des objectifs initiaux des peines minimales obligatoires est atteint — que la peine soit proportionnelle à la nature des crimes, et dans le contexte du projet de loi qui nous occupe, qu’elle tienne compte du contexte social et biographique.

J’espère que vous vous joindrez à moi pour appuyer le projet de loi S-207. Je me réjouis à la perspective de poursuivre le débat sur cette question extrêmement importante. Je vous remercie de votre attention et de votre considération.

L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-207, Loi modifiant le Code criminel sur l’indépendance des tribunaux, qui vise à accorder aux juges le pouvoir discrétionnaire de ne pas imposer la peine minimale obligatoire lorsqu’ils considèrent que c’est juste ou raisonnable de ne pas le faire.

J’aimerais tout d’abord remercier mon honorable collègue la sénatrice Kim Pate d’avoir présenté de nouveau ce projet de loi. C’est une de ses nombreuses manières de continuer de se battre pour créer un Canada plus équitable. Nous lui devons tous une fière chandelle.

Comme je l’ai déjà dit, le projet de loi répond au besoin de rétablir le pouvoir discrétionnaire des juges dans le système judiciaire canadien après des années de changements rétrogrades. Je l’appuie parce qu’il réduit le coût humain et social associé aux peines minimales obligatoires.

Chers collègues, nous disposons de plusieurs décennies de recherches, et les conclusions sont claires : les peines minimales obligatoires n’ont aucun effet dissuasif, elles ne font pas baisser le taux de récidive et elles ne rendent pas la société plus sûre.

Chers collègues, examinons les données dont nous disposons. La Cour suprême du Canada et toute une série d’organismes judiciaires, de commissions, de comités parlementaires et d’organisations ont conclu que les peines minimales obligatoires n’ont aucun effet dissuasif.

Le Parlement a étudié la question et est parvenu à la même conclusion. Dans mon intervention précédente, j’ai parlé des heures de témoignages en comité parlementaire qui appuient cette conclusion, sans oublier la documentation de 2007 de la Bibliothèque du Parlement, tout cela relevant les éventuels problèmes d’ordre constitutionnel, l’inutilité et les effets négatifs de ces déclarations.

Le ministère de la Justice a également recueilli des données qui montrent que les peines minimales obligatoires ne sont pas efficaces. En 2016, il a commandé une étude sur les répercussions des peines minimales. Vous vous rappellerez que cette étude avait permis de conclure que les peines sévères comme les peines minimales obligatoires n’ont pas d’effet dissuasif sur la criminalité. De plus, il a été noté que les médecins chevronnés et les chercheurs en sciences sociales s’accordent pour dire que les peines obligatoires sont une mauvaise idée pour de nombreuses raisons pratiques et politiques.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-207 s’attaque à un problème important dans notre système judiciaire. À l’heure actuelle, un juge ne peut pas imposer une peine équitable en fonction de la situation propre à l’accusé. Dans le système actuel, les juges sont obligés d’imposer des peines minimales. Le système actuel ne tient pas compte des répercussions d’une telle décision. Bref, notre système judiciaire ne tient pas compte des coûts humains, sociaux et financiers des peines minimales obligatoires.

(1930)

J’aimerais revenir sur ces coûts, honorables sénateurs. Pour reprendre les mots de la chercheuse Jessica Hardy :

Il y a de nombreuses difficultés qui ont un effet sur la famille comme telle et chacun de ses membres, mais l’une des pires difficultés auxquelles une famille peut avoir à faire face est le retrait d’un de ses membres, que ce soit de façon temporaire ou permanente.

Concentrons-nous sur les enfants un instant. Les répercussions que l’incarcération d’un parent peut avoir sur les enfants à charge sont à la fois profondes et complexes.

Nous savons déjà qu’il est très difficile d’obtenir les chiffres exacts, car le Canada n’a jamais été très bon pour recueillir des données, mais selon une étude menée en 2007 par le Service correctionnel du Canada, au moins 4,6 % des enfants du Canada — soit environ 350 000 enfants — subissent les conséquences de l’incarcération de l’un de leurs parents.

Que vivent ces enfants, me demanderez-vous?

Eh bien, chers collègues, ce ne sera pas la première fois que vous m’entendrez dire ici que les enfants de détenus doivent faire face à d’importants problèmes. Stress psychologique, difficultés financières, activités criminelles, comportements antisociaux, difficultés scolaires : tout y passe. L’incarcération d’un parent peut miner tout à la fois le bien-être émotif, physique, éducatif et financier des enfants.

Les comportements criminels en bas âge, les cycles de comportements criminels intergénérationnels et les problèmes de santé mentale, comme la dépression, l’anxiété, l’état de stress post-traumatique et les agressions pendant l’enfance, figurent parmi les risques reconnus qui peuvent peser sur les enfants, en particulier ceux dont la mère est incarcérée.

Il existe un ensemble de preuves bien établies démontrant que les enfants exposés à de multiples expériences négatives au cours de leur développement présentent un risque accru de dépression grave qui se poursuit à l’âge adulte. En fait, l’effet secondaire le plus souvent observé lorsqu’un parent est incarcéré est le comportement antisocial, y compris l’activité criminelle et la malhonnêteté persistante.

Certains pensent également que l’exposition à l’incarcération d’un parent peut réduire la résilience d’un enfant et sa capacité à faire face à des expériences négatives plus tard dans sa vie. On constate une augmentation de la consommation de drogues, un faible niveau d’éducation et un risque accru de suspension et d’expulsion de l’école.

Puis, évidemment, il y a le problème des ressources financières limitées. L’enfant est souvent exposé à une situation précaire sur le plan du logement, dont un risque accru d’itinérance et d’insécurité alimentaire.

Le fardeau qu’impose l’incarcération d’un parent n’est pas le même dans tous les segments de la société. Les effets négatifs de l’incarcération d’un parent sur les enfants se ressentent presque exclusivement dans les familles les plus défavorisées. Les communautés de couleur et racialisées sont plus à risque, à l’instar des communautés autochtones. Ces communautés sont surreprésentées dans nos prisons, comme nous l’avons entendu, en raison des répercussions des peines minimales; pour elles, le risque ne cesse de croître et les chances de s’en sortir diminuent.

Compte tenu de l’intersectionnalité des effets de l’incarcération d’un parent sur les familles autrement défavorisées, par exemple, celles qui vivent dans la pauvreté, qui appartiennent à une minorité raciale ou ethnique ou qui vivent avec un problème de maladie mentale, le risque d’effets négatifs sur les membres de la famille est d’autant plus grand.

Il y a un autre enjeu de taille, qui est ressorti nettement dans les derniers mois. Je parle du racisme systémique qui est omniprésent dans les institutions canadiennes. Le projet de loi dont nous sommes saisis, le projet de loi S-207, contribuerait à lutter contre le racisme systémique dans notre système de justice.

Les honorables sénateurs se souviennent peut-être que le Caucus des parlementaires noirs a publié une déclaration l’été dernier. La déclaration demandait notamment l’élimination des peines minimales obligatoires. En effet, cette pratique perpétue le racisme systémique. Il suffit de consulter les données de Justice Canada. Pour commencer, les délinquants noirs et autochtones sont surreprésentés parmi les admissions dans un établissement de détention fédéral.

Selon les données publiées par Justice Canada, en 2017, du total de la population canadienne, 2,9 % des gens se déclaraient Noirs, 4,3 %, Autochtones, et 16,2 %, membres d’une autre minorité visible. Sur une période de 10 ans visée par l’étude, de 2007-2008 à 2016-2017, les délinquants autochtones constituaient 23 % de la population carcérale fédérale au moment de l’admission, alors que les délinquants noirs et ceux appartenant à une autre minorité visible en constituaient environ 9 % chacun.

Honorables sénateurs, examinons de plus près les données statistiques. Pour la période de 10 ans visée par son étude, Justice Canada a constaté que les délinquants de la communauté noire et des autres minorités visibles étaient plus susceptibles d’être incarcérés dans un établissement fédéral pour une infraction passible d’une peine minimale obligatoire. Près de 39 % des délinquants de la communauté noire ont été incarcérés après avoir été déclarés coupables d’une infraction passible d’une peine minimale obligatoire. Dans le cas des autres minorités visibles, le taux était de près de 48 %. Non seulement les membres des minorités visibles sont surreprésentés dans les établissements fédéraux, mais ils sont aussi plus susceptibles d’y purger une peine minimale obligatoire.

Je frémis en pensant aux effets que cela peut avoir sur leurs familles, et plus particulièrement sur les enfants de ces familles. Ces chiffres reflètent une situation qui devrait inquiéter profondément notre société. C’est une situation que nous connaissons et dont nous aurions dû nous occuper il y a longtemps.

Étant donné l’information dont nous disposons sur les effets des peines minimales obligatoires, plus particulièrement leurs effets sur les enfants et les minorités ethniques et raciales, pouvons-nous conclure que justice est rendue? Pas du tout, honorables collègues. Le système de justice doit être réformé. Nous devons permettre à la magistrature d’exercer son pouvoir discrétionnaire à l’égard des peines minimales obligatoires de manière à résoudre certains problèmes auxquels le système doit faire face.

Si les juges peuvent exercer leur pouvoir discrétionnaire, ils pourront prendre en considération l’effet de l’incarcération sur les enfants à charge et sur d’autres groupes de la société. Ils pourront aussi envisager de réduire la peine ou de reporter la détermination de la peine si c’est nécessaire et lorsque la décision pourrait causer des préjudices importants à d’autres personnes comme des enfants à charge.

J’estime, honorables sénateurs, que ce projet de loi permet de combler une lacune qui amène le système actuel à punir injustement des enfants pour les gestes de leurs parents et qui a des répercussions démesurées sur les personnes racialisées du pays. Cette lacune, honorables sénateurs, contribue à perpétuer le racisme systémique.

Pour conclure, j’aimerais remercier la sénatrice Pate de faire preuve de leadership et de travailler avec ardeur dans ce dossier. De plus, honorables sénateurs, je vous encourage à bien réfléchir aux effets démesurés des peines minimales obligatoires sur les enfants et sur les jeunes de vos collectivités lorsque vous devrez vous prononcer sur le projet de loi S-207.

(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)

(1940)

Affaires sociales, sciences et technologie

Motion tendant à autoriser le comité à étudier la mise en œuvre et la réussite d’un cadre fédéral relatif à l’état de stress post-traumatique—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénatrice Martin,

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la mise en œuvre par le gouvernement du Canada et la réussite d’un cadre fédéral relatif à l’état de stress post-traumatique (ESPT) en ce qui concerne les quatre domaines prioritaires définis en ciblant principalement la collecte des données, soit une meilleure surveillance du taux d’ESPT parmi les premiers intervenants et les coûts économiques et sociaux qui y sont associés, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 28 février 2021.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, avant d’entrer dans le vif du sujet de la motion à l’étude, je veux profiter de l’occasion pour remercier tous les Canadiens qui travaillent en première ligne jour après jour, en particulier dans la lutte contre la pandémie qui fait rage. Les premiers intervenants et les travailleurs de première ligne du secteur de la santé au pays mettent leur santé en danger, pas seulement en raison du risque de contracter la COVID-19, mais aussi en raison du risque accru qui vient avec les quarts de travail interminables et les tragédies qui surviennent au quotidien.

[Français]

Nous savons qu’en raison de cette pandémie et des mesures qui sont prises pour y faire face, les appels en matière de santé mentale sont à la hausse, tout comme les incidents de violence conjugale et de violence envers les enfants. Or, ce sont nos premiers répondants qui répondent à l’appel en premier lieu.

À ceux qui souffrent en ce moment de stress post-traumatique, je tiens à dire ceci : « Nous vous voyons, nous vous remercions et nous voulons nous assurer que vous serez pris en charge également. »

[Traduction]

Aux héros disparus qui ont succombé à cette maladie mentale pernicieuse, nous ne vous oublions pas et nous vous remercions d’avoir servi votre pays et votre prochain avec autant de dévouement. Je pense aussi aux familles éplorées — des familles comme celle de nos amis Mary et Stephen Rix, qui nous accompagnaient à toutes les étapes lorsque nous avons adopté le projet de loi C-211 il y a quelques années. Je veux dire à tous ceux qui, comme Mary et Stephen, ont perdu un proche à cause des troubles de stress post-traumatique que leur fils, leur fille, leurs parents, leur sœur et leur frère étaient des héros et que cela ne tombera jamais dans l’oubli.

Le 21 juin 2018, le projet de loi C-211, Loi concernant un cadre fédéral relatif à l’état de stress post-traumatique, a reçu la sanction royale. Chers collègues, vous vous en souvenez peut-être, il s’agissait d’un projet de loi d’initiative parlementaire parrainé par le député Todd Doherty. Je suis moi-même devenu le parrain de ce projet de loi au Sénat après avoir entendu le discours passionné de M. Doherty au caucus national et avoir discuté avec lui à mon bureau. J’ai compris tout le poids qui pesait sur lui lorsque, un soir, nous avons discuté des ravages causés par les troubles de stress post-traumatique chez les premiers répondants et nos proches. J’avais compris que cet enjeu le touchait personnellement.

Le député Doherty a rédigé ce projet de loi après le décès de l’un de ses chers amis, Darren Anderson. M. Anderson était un ancien pompier qui avait lutté pendant 17 ans contre un trouble de stress post-traumatique et qui, malheureusement, a perdu sa bataille. Le 15 septembre 2018, Darren s’est suicidé, laissant dans le deuil sa femme et ses trois enfants. Il était considéré par de nombreux membres de sa communauté comme un héros, mais même un héros peut parfois souffrir; malheureusement, lorsqu’ils n’ont pas l’aide dont ils ont besoin, il leur arrive de s’effondrer.

Cette histoire est tragique, mais elle est loin de constituer un cas isolé. Partout dans ce grand pays, nos premiers intervenants ont un besoin urgent d’aide, mais cette dernière n’est pas toujours constante.

Le projet de loi C-211 visait à établir un cadre pour le trouble de stress post-traumatique, afin de garantir que chaque premier intervenant ait accès aux mêmes ressources pour s’occuper de sa santé mentale, quel que soit l’endroit où il se trouve. Un habitant de Winnipeg, du Saguenay ou de Toronto devrait avoir accès à des traitements adéquats pour lui et pour ses proches.

[Français]

Ces hommes et ces femmes se mettent en danger pour aider leurs concitoyens dans les moments où ils sont les plus vulnérables. Le minimum que nous puissions faire pour eux est de leur fournir des soins adéquats lorsqu’ils se retrouvent eux-mêmes dans le besoin.

Il est inconcevable que les gens que nous appelons à juste titre des héros soient livrés à eux-mêmes. Chaque matin, ces personnes mettent leurs uniformes en sachant qu’il s’agit peut-être du dernier moment qu’elles pourront passer avec leurs proches. Elles sont prêtes à tout risquer parce qu’elles sentent qu’il est de leur devoir de servir et d’aider les autres. Les actions de ces gens sont la quintessence de l’altruisme, et ils méritent d’être traités avec dignité. Nous avons donc la responsabilité de nous assurer qu’ils reçoivent tout le soutien dont ils pourraient avoir besoin.

[Traduction]

Ils sont témoins d’événements tellement tragiques qu’en lire une description nous remplit d’horreur. Ils arrivent les premiers sur des scènes terribles, et ils doivent faire de leur mieux pour sauver ce qui peut être sauvé dans des situations traumatisantes et trop souvent irrémédiables.

Pour vous donner une idée de la détresse que ressentent souvent les premiers répondants, voici des extraits du témoignage de Natalie Harris, ancienne paramédicale en soins avancés en Ontario. Elle a comparu devant le comité le 16 mai 2017 :

Ce n’est pas normal qu’une personne coincée dans une voiture vous supplie de lui couper une jambe et un bras parce qu’elle ne peut plus endurer la souffrance que lui causent ses multiples fractures ouvertes sur tout le corps. Ce n’est pas normal d’apprendre que le patient qui s’est pendu la veille avait une deuxième corde qui aurait servi à sa femme, si son fils n’avait pas composé le 911 au bon moment. Ce n’est pas normal de voir une jeune femme, enceinte de sept mois, qui se flatte le ventre avec le seul membre qu’elle arrive à bouger, car elle vient de subir un AVC qui la laissera handicapée pour le reste de ses jours. Ce n’est pas normal de voir un automobiliste mort, écrasé entre la chaussée et sa voiture, à côté de son téléphone cellulaire, parce qu’il textait au volant [...]

Mme Harris a ensuite ajouté ceci :

Ce n’est pas normal de voir toutes les atrocités qu’ont dû subir deux femmes innocentes assassinées [...] Ce n’est pas normal de voir autant de personnes mourir sous nos yeux; elles sont si nombreuses qu’on ne peut même pas les compter.

Sachant ce dont ces héros sont témoins chaque jour, il n’est pas du tout étonnant que bon nombre d’entre eux souffrent profondément du syndrome de stress post-traumatique. Selon une étude réalisée par Stuart Wilson, Harminder Guliani et Georgi Boichev, de l’Université de Regina, publiée dans le Journal of Community Safety & Well-Being, on estime qu’il pourrait y avoir jusqu’à 32 % des policiers, 26 % des ambulanciers paramédicaux et 17 % des pompiers du Canada qui souffrent du syndrome de stress post-traumatique. À titre de comparaison, le taux de prévalence du syndrome de stress post-traumatique dans la population générale est d’environ 9 %.

Ces taux élevés n’ont rien d’étonnant compte tenu des situations dans lesquelles les premiers intervenants sont plongés chaque jour. Ils souffrent énormément et ils continueront de souffrir en silence si nous ne faisons pas notre travail.

Plus de deux ans se sont écoulés depuis l’adoption de ce projet de loi. Le gouvernement a publié un rapport sur les mesures qu’il envisage de prendre pour veiller à ce que nos héros disposent des ressources nécessaires pour composer avec l’état de stress post-traumatique.

Malheureusement, presque un an s’est écoulé depuis la publication de ce rapport, mais pas grand-chose n’a changé. On continue d’observer des inégalités dans les ressources disponibles pour aider les premiers intervenants canadiens. On s’attendrait à ce que le bien-être des gens qui consacrent leur vie à nous protéger soit notre principale priorité, surtout en période de pandémie quand on leur demande de subir encore plus de stress tous les jours.

Selon CBC News, les ambulanciers paramédicaux et les pompiers de Winnipeg reçoivent seulement une somme maximale annuelle de 350 $ pour leurs rendez-vous avec un psychologue, dans le cadre de leurs avantages sociaux. Une telle somme ne couvrirait même pas deux séances complètes avec un psychologue puisque le tarif recommandé pour les psychologues au Canada, en 2020, est de 195 $ pour une séance de 50 minutes. De toute évidence, le montant prévu n’est tout simplement pas suffisant. Par contre, la direction de la santé publique de la Saskatchewan précise que les ambulanciers paramédicaux de la province peuvent toucher jusqu’à 2 000 $ par année pour le même type de rendez-vous. À Toronto, cette somme peut s’élever à 3 500 $ par année.

Les pompiers éprouvent le même problème. Un pompier de Regina aura droit à 500 $ par année. Si le même pompier vivait à Calgary, cette somme s’élèverait à 1 000 $ et, à Halifax, à 1 500 $. Comme pour les ambulanciers paramédicaux de Toronto, les pompiers de cette ville ont droit à 3 500 $.

Cette situation est inacceptable, chers collègues. Les gens méritent d’être traités également, peu importe où ils habitent au pays. Après tout, ils occupent des emplois semblables et sont témoins d’événements traumatisants similaires. Ils devraient donc tous obtenir la même aide.

(1950)

Ce manque de ressources est en train de provoquer une épidémie de suicides chez les premiers intervenants canadiens. Josh Klassen, un pompier de deuxième génération ayant quitté son emploi en 2020, après avoir servi sa collectivité à Winnipeg, a fait une constatation très troublante. En parlant de ses années de service, il a dit ceci :

[…] j’ai connu plus de gens qui se sont suicidés que de gens qui sont décédés lors d’opérations de lutte contre les incendies.

[Français]

Ces décès auraient pu être évités. Ces gens auraient dû avoir accès aux mêmes ressources que celles que l’on a fournies à Toronto, à Halifax et à Calgary. Leurs vies n’avaient pas moins de valeur du fait qu’ils servaient à Winnipeg. Nos héros ont assez souffert. Ils ont donné tout ce qu’ils pouvaient pour assurer notre sécurité. Le mieux que nous puissions faire, c’est d’en prendre soin à notre tour, et de nous assurer que chacun d’entre eux est traité avec respect.

Honorables sénateurs, le gouvernement doit rendre des comptes pour s’assurer que cette situation ne persiste pas. C’était là tout l’intérêt de ce projet de loi, qui a été adopté dans les deux Chambres avec le soutien unanime de tous les partis politiques. Le gouvernement est tenu, par la loi, de remédier à ces insuffisances et à ces iniquités.

[Traduction]

Comme je l’ai dit, cela fait plus de deux ans que le projet de loi a reçu la sanction royale et près d’un an que le rapport a été publié. Pourtant, chers collègues, la situation demeure, de toute évidence, insatisfaisante. Le gouvernement s’est-il donc acquitté de ses obligations en application de la loi? Si oui, pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas? Est-ce parce que le système a besoin de plus de temps pour se rajuster ou pouvons-nous et devons-nous faire plus pour aider ceux qui sont censés être là pour nous aider? Voilà des questions auxquelles nous avons le pouvoir, les ressources et, bien franchement, l’obligation de répondre.

Pour cette raison, je demande que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la mise en œuvre par le gouvernement du Canada et la réussite d’un cadre fédéral relatif à l’état de stress post-traumatique en ce qui concerne les quatre domaines prioritaires définis en ciblant principalement la collecte des données, soit une meilleure surveillance du taux d’état de stress post-traumatique parmi les premiers intervenants et les coûts économiques et sociaux qui y sont associés.

Chers collègues, tout comme vous avez appuyé la mesure législative initiale — à l’unanimité, d’ailleurs — qui portait sur cette question très importante et très urgente, j’espère que vous appuierez la motion. À mon avis, nous le devons aux hommes et aux femmes à qui nous demandons tant, eux qui demandent si peu en retour. Honorables sénateurs, il y a quelques années, les deux Chambres ont adopté cette motion dans un geste de solidarité. Il nous incombe, en tant que parlementaires, de faire le suivi dès maintenant pour découvrir où se trouve le goulot d’étranglement. En définitive, nous sommes au beau milieu d’une pandémie, et les besoins des premiers intervenants n’ont jamais été aussi grands qu’ils le sont actuellement.

J’exhorte mes collègues à appuyer la motion, à entamer le travail le plus rapidement possible et à faire toute la lumière sur certains des écarts qui existent relativement à l’état de stress post-traumatique dont souffrent de nombreux premiers intervenants. Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Marty Deacon : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question? Merci beaucoup.

Ce que je n’ai pas saisi dans votre discours d’aujourd’hui, c’est si on s’était engagé à mener un examen lors du dernier cycle, si on avait fait une promesse ou si le projet de loi prévoyait initialement quelque chose du genre.

Le sénateur Housakos : Ce que le projet de loi demandait au gouvernement, c’était d’organiser une conférence nationale. Il y a eu une conférence nationale. Un rapport a été présenté il y a environ un an, mais depuis lors, certains des objectifs relatifs à la création d’un cadre national n’ont manifestement pas été atteints. Voilà pourquoi je suis de retour un an plus tard et je demande ce qui est arrivé. La conférence a eu lieu. Toutes les parties prenantes y ont été invitées. Le ministère a évidemment été le fer de lance de la conférence. On aurait pu penser que les choses auraient avancé plus rapidement, surtout dans le contexte actuel de la pandémie.

L’honorable Patti LaBoucane-Benson : Je suis très heureuse que vous ayez parlé des pompiers. C’est un sujet d’une importance capitale. Mon père était pompier volontaire. À ce titre, il n’avait ni salaire ni avantages sociaux. Je pense que la majeure partie du Canada est desservie par des pompiers volontaires dans les régions rurales qui n’ont aucun avantage social. Ce que vous proposez est d’une importance capitale.

Que pensez-vous d’inclure la santé mentale des travailleurs de la santé et des médecins dans le mandat du comité sur la surveillance qui se penchera sur les leçons apprises durant la COVID-19? Le comité pourrait également examiner le genre d’avantages sociaux dont ils bénéficient et leur pertinence. En ce moment, Twitter est inondé d’infirmiers qui disent avoir très peur d’aller travailler, de ne pas vouloir mourir parce qu’ils vont au travail. Je pense que c’est très important. Qu’en pensez-vous?

Le sénateur Housakos : Nous avons eu ce débat la première fois que le Sénat a été saisi de ce projet de loi. À l’époque, le gouvernement affirmait catégoriquement qu’il n’accepterait pas d’amendements visant à élargir la portée de cette mesure pour inclure les travailleurs sociaux, les infirmières ou d’autres personnes. Nous n’avons donc pas apporté cet amendement au projet de loi, mais nous avons élargi le champ des possibilités autant qu’il était possible de le faire dans le préambule.

Pour ce qui est de la conférence qu’ils ont organisée, je crois qu’ils y avaient invité des gens qui n’étaient pas des premiers répondants, c’est-à-dire des policiers, des ambulanciers paramédicaux, des pompiers et ainsi de suite. La conférence avait donc une portée aussi vaste que possible, à ma connaissance. Dans le préambule, nous avons aussi ajouté le plus de professions possible. Je crois que, pendant le processus d’examen, notre comité pourra facilement viser une portée aussi restreinte ou aussi vaste que le souhaiterait le Comité des affaires sociales.

(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)

[Français]

Énergie, environnement et ressources naturelles

Motion tendant à autoriser le comité à examiner les effets cumulatifs de l’extraction et du développement des ressources—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénateur Loffreda,

Que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les effets cumulatifs de l’extraction et du développement des ressources, et ses effets sur les considérations environnementales, économiques et sociales, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 31 décembre 2021.

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, je prends la parole afin d’appuyer la motion no 17 présentée par l’honorable sénatrice McCallum.

[Traduction]

La motion demande que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les effets cumulatifs de l’extraction et de l’exploitation des ressources, et ses effets sur les considérations environnementales, économiques et sociales.

Comme la sénatrice McCallum l’a indiqué dans son discours du 27 octobre, nous avons entendu beaucoup de représentants de l’industrie de l’extraction des ressources naturelles lorsque nous avons étudié le projet de loi C-69, au cours de la dernière législature. Inversement, nous avons très peu entendu les populations touchées par les projets.

Nous avons entendu parler de la contribution de l’industrie de l’extraction des ressources naturelles au PIB canadien, mais on ne nous a pas beaucoup informés des effets moins désirables de cette industrie. Des gens ont affirmé avec emphase que ses projets étaient bénéfiques pour les Canadiens à cause des recettes fiscales qu’ils génèrent et des emplois qu’ils créent sans toutefois prendre le temps d’examiner la nature de ces emplois, de voir qui les obtient et de déterminer quels autres emplois sont perdus.

Pour bien cerner les retombées cumulatives de l’extraction des ressources aux plans écologique, économique et social, il faut voir comment elles se répartissent géographiquement, socialement, économiquement et entre les générations. Qui profite de ces retombées? Qui en souffre? À l’exception de l’analyse comparative entre les sexes, que le projet de loi C-69 a intégrée aux études d’impact, non sans controverse, les analyses permettant de déterminer comment les retombées se répartissent devraient vraiment retenir l’attention au Canada.

J’aimerais souligner certaines lacunes dans les connaissances sur la répartition des avantages et des inconvénients à l’intention du comité qui travaillera éventuellement là-dessus et aussi dans la perspective plus large d’une appréciation générale que nous pouvons faire de l’efficacité et de l’équité des retombées de l’extraction des ressources au pays, dans le cadre de notre travail de sénateurs.

Je n’oublierai jamais le témoignage courageux et émouvant de Connie Greyeyes, une technicienne médicale qui est membre de la nation crie Bigstone, en Alberta, et qui a fait du forage pendant un certain nombre d’années, dans le Nord-Est de la Colombie-Britannique. Elle a déjà été victime d’une agression sexuelle, mais la police n’a pas donné suite à sa plainte. Elle et d’autres témoins des Premières Nations ont rapporté des cas très graves de violence et d’agression liés à des projets de développement énergétique. Leurs témoignages concordaient avec deux rapports inquiétants publiés par Amnistie internationale, dans lesquels on décrivait en détail que les travailleurs migrants sont très bien payés, mais que ces salaires élevés font grimper le coût de la vie dans les collectivités de la région, créent une pression sur les services de santé locaux et causent un déséquilibre dans le tissu social, ce qui a un effet négatif sur les femmes et les enfants des Premières Nations. L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a elle aussi fait ressortir le lien entre les projets d’extraction des ressources et les hausses de la violence contre les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones.

(2000)

Mon bureau a tenté de voir s’il y avait une corrélation plus générale entre les sites d’extraction des ressources et les lieux où il y a de la violence envers les femmes autochtones au pays. Jusqu’ici, nous n’arrivons pas à obtenir de réponse puisque les services de police du pays ont tendance à éviter de remplir les formulaires de déclaration de la race ou de l’origine ethnique des victimes de crime ou des accusés pour des « raisons opérationnelles » — empêchant ainsi Statistique Canada de recueillir et de publier des données exactes sur l’identité des victimes —, quand ils ne rejettent pas carrément les signalements.

Comme je l’ai expliqué lors d’un discours précédent, le racisme environnemental est le fardeau imposé aux communautés racialisées par l’implantation disproportionnée d’industries dangereuses et toxiques, telles que les sites de déchets dangereux, les décharges et les incinérateurs, dans leurs quartiers. Le concept de justice environnementale est apparu aux États-Unis dans les années 1980, lorsque des quartiers à prédominance noire ont commencé à exprimer leurs préoccupations concernant les projets d’infrastructures toxiques entourant leurs communautés. Leurs efforts ont conduit à la création d’un mouvement de justice environnementale au sein de l’Agence américaine de protection de l’environnement.

Contrairement à d’autres pays, le Canada n’est pas tenu par la loi de faire respecter la « justice environnementale ». Par conséquent, cet enjeu demeure peu connu et n’est pas traité en dehors de l’œuvre de pionniers comme la chercheuse Ingrid Waldron, de l’Université Dalhousie, qui a étudié les effets dévastateurs de la pollution sur les communautés autochtones et noires de la Nouvelle-Écosse. Nous disposons de preuves régionales à Sarnia, à Grassy Narrows et dans d’autres villes, mais pas d’une vue d’ensemble au Canada.

En se penchant localement sur la répartition des avantages et des inconvénients, on peut tomber sur une rare étude de cas bien documentée, et qui souligne la nécessité de se concentrer sur la justice distributive. Je parle du projet controversé du Site C, qui soulève certains enjeux relatifs aux traités avec les Premières Nations. Il s’agit d’un projet qui n’est pas économiquement viable, et qui produit des dégâts aux terres agricoles. On parle également de pollution de l’environnement. Enfin, ce projet présente des risques géotechniques à une échelle importante.

Le barrage du site C est le plus grand projet d’infrastructure public de l’histoire de la Colombie-Britannique. Il devrait inonder la rivière de la Paix et ses tributaires sur une longueur de 128 km, détruisant ainsi des lieux de sépulture autochtones, des territoires traditionnels de chasse et de pêche ainsi que des dizaines de sites culturels et spirituels. Le rapport de la commission d’examen conjoint a conclu que le projet aurait plus d’effets négatifs sur l’environnement que tous les autres projets évalués au cours des 25 années d’évaluation environnementale au Canada. Or, le projet a été approuvé.

Quatre des huit Premières Nations touchées sont signataires d’ententes sur les répercussions et les avantages avec BC Hydro, mais les modalités de ces ententes sont confidentielles, à la demande des promoteurs. Une de ces ententes, offerte aux Premières Nations de West Moberly, a été refusée et a été rendue publique dans le contexte de leur poursuite judiciaire pour non‑respect des droits issus des traités. On leur a offert un premier paiement de 3,5 millions de dollars, avec des versements annuels de 350 000 $ pendant 70 ans, indexés en fonction de l’inflation, pour un grand total de 28 millions de dollars, avant rajustement en fonction de l’inflation.

Selon le Narwhal, des modalités semblables ont été offertes aux nations en lien avec le projet Coastal GasLink. Il semblerait qu’une somme minime suffise pour faire disparaître les droits autochtones dans le contexte des mégaprojets de plusieurs milliards de dollars.

Encore une fois, il est impossible d’obtenir un portrait complet parce que les ententes sur les répercussions et les avantages ne sont pas publiées, mais, surtout, les Premières Nations négocient à l’aveugle et se font concurrence, tandis que le gouvernement et les promoteurs connaissent toutes les options, ce qui crée une situation tout à fait injuste qui dépasse de loin les considérations financières.

Selon CBC News, une autre entente ayant fait l’objet d’une fuite comportait ce qui suit :

[…] une condition selon laquelle la bande devait « prendre toutes les mesures raisonnables » pour dissuader ses membres de faire quoi que ce soit qui pourrait « entraver, gêner, frustrer, retarder, arrêter ou contrecarrer le projet, les entrepreneurs du projet, toute autorisation ou tout processus d’approbation ».

Cela inclut des mesures pour dissuader les membres de la bande de prendre part « à toute campagne médiatique ou dans les médias sociaux ».

Chers collègues, il s’agit d’une grave restriction des droits civils.

Un rapport indépendant montre que les autres options de projet avaient des répercussions écologiques et sociales beaucoup moins importantes et créaient plus d’emplois. En comparaison, le site C a généré « le moins d’emplois par dollar dépensé », et ce, avant que le projet ne subisse un nouveau dépassement des coûts de construction de 3 milliards de dollars. Le site C est considéré comme un immense gâchis.

Cela m’amène à mon dernier point sur l’incidence distributionnelle et notre rôle en tant que sénateurs — la dimension temporelle ou intergénérationnelle. C’est probablement les générations futures qui se retrouveront avec un énorme passif environnemental, des puits orphelins, des paysages dévastés par des sécheresses attribuables aux changements climatiques, des parasites, des phénomènes météorologiques extrêmes et tous les préjudices à long terme de nos pratiques d’extraction imprévoyantes. Il y a actuellement 3 400 puits orphelins et 94 000 autres puits inactifs en Alberta seulement, ce qui représente approximativement un coût total associé à la responsabilité civile de 30,1 milliards de dollars qui est compensé par une garantie de seulement 227 millions de dollars. Ces puits ont des répercussions sur la santé des agriculteurs et des gens qui vivent à proximité.

J’estime qu’il est de notre devoir, à nous sénateurs, de nous pencher sur la question et de remonter jusqu’à ses origines. Constitutionnellement, le Sénat a pour mandat de protéger les intérêts des régions et des minorités. La Cour suprême a comparé la Constitution du pays à un arbre vivant — métaphore écologique appropriée s’il en est une —, c’est-à-dire qui évolue en fonction du contexte. Au fil du temps, l’étendue des minorités qui ont besoin d’être représentées et protégées par le Sénat n’a pas cessé de croître.

Qui n’a rien à dire au sujet des décisions prises par le Parlement et le gouvernement, même si lorsqu’il s’agit d’une question de vie ou de mort pour eux? Les enfants et la nature, bien entendu. Nos enfants et leurs enfants à eux ne peuvent pas se prononcer sur leur avenir au moyen d’un vote. Et le jour où ils le pourront, peut-être leur vote ne servira plus à rien si nos actions et notre aveuglement volontaire quant aux conséquences de nos décisions sur les milieux aériens, terrestres et aquatiques ont déjà épuisé les systèmes écologiques qui nous maintiennent en vie.

Chers collègues, si nous voulons sérieusement protéger les minorités du pays, nous devons nous faire les gardiens des générations à venir et renforcer la justice écologique et intergénérationnelle. Les peuples autochtones et les générations qui nous suivront ne devraient pas avoir à choisir entre deux maux.

Pour ce qui est de Mme Greyeyes, elle fait aujourd’hui du bénévolat pour l’organisme Fort St. John Women’s Resource Society, elle a fondé un groupe de soutien, les Warrior Women, pour les familles des femmes et des filles autochtones tuées ou disparues et elle a contribué à l’organisation de la vigile de Fort St. John des Sœurs par l’esprit. Elle incarne une leçon importante pour nous tous : il est possible de guérir de ces situations terribles et de jouer un rôle actif pour améliorer le bien-être collectif si on arrive à trouver le courage de les attaquer de front.

(2010)

Nous pouvons et nous devons faire mieux. Pour toutes ces raisons, j’appuie la motion de la sénatrice McCallum. J’espère que notre institution s’attaquera à ces enjeux fondamentaux pour améliorer notre pays et notre société.

Merci. Meegwetch.

(Sur la motion de la sénatrice Pate, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion concernant les pêcheurs et les communautés mi’kmaq—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Francis, appuyée par l’honorable sénatrice Pate,

Que le Sénat confirme et honore la décision rendue en 1999 par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Marshall, et qu’il invite le gouvernement du Canada à en faire autant en respectant le droit des traités des Mi’kmaq à une pêche de subsistance convenable, comme le prévoient les traités de paix et d’amitié signés en 1760 et en 1761 et comme le garantit l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982;

Que le Sénat condamne les gestes violents et criminels qui entravent l’exercice des droits issus de traités et exige le respect ainsi que l’application dans l’immédiat des lois criminelles du Canada, ce qui comprend la protection des pêcheurs et communautés mi’kmaq.

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, j’appuie la motion que notre collègue le sénateur Brian Francis a présentée. Les facteurs juridiques et constitutionnels et les facteurs relevant des traités qui sous-tendent le conflit sur la pêche côtière au homard dans le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse sont des questions de longue date, qui auraient dû être réglées pleinement et équitablement dans le cadre de discussions de nation à nation, il y a longtemps. Cependant, elles ne l’ont pas été. Il est impératif qu’elles soient réglées maintenant.

Alors que nous progressons vers cette nécessaire réconciliation de nation à nation, le processus doit se faire sans violence ni menace de violence contre les personnes et les biens. Il doit avoir lieu dans un contexte où les responsables du respect du droit qui a été reconnu font un meilleur travail. Les négociations ne peuvent pas avancer dans un climat de menace ou de peur. La violence est toujours présente si un conflit ouvert est remplacé par des rumeurs, des insinuations et de l’intimidation en ligne. Toutes ces formes d’attaques doivent cesser.

Je salue et remercie de tout mon cœur les sénateurs Francis et Christmas, qui ont consacré de longues heures et beaucoup d’efforts à apaiser le conflit et à trouver une solution. Cela s’ajoute aux années de travail qu’ils ont accomplies avant la situation actuelle. Ils se sont tous les deux efforcés de trouver une solution juste aux nombreux problèmes concernant les droits de la nation mi’kmaq par des négociations de nation à nation qui ont eu lieu dans la région de l’Atlantique et ailleurs. Ce travail n’est pas terminé et j’ai bon espoir que les idées et les conseils des sénateurs Francis et Christmas éclaireront et guideront le déroulement du processus qui s’entame.

Les aspects juridiques et réglementaires qui sous-tendent et enveniment le conflit ne sont pas nouveaux. En effet, certains remontent aux traités du début des années 1760. Dans ces documents comme dans ceux qui ont suivi, y compris la Loi constitutionnelle de 1982 et l’arrêt Marshall de la Cour suprême de 1999, le cadre pour la réconciliation a été défini. Malheureusement, on n’a pas adhéré à ce cadre et la mise en place et la concrétisation de la jouissance collaborative, équitable et juste des ressources communes n’ont pas eu lieu. Néanmoins, une solution est nécessaire, car les négociations de nation à nation constituent le fondement sur lequel s’appuiera la réussite actuelle et future.

Il faut trouver une manière différente et plus acceptable de faire les choses à l’avenir. Il se peut que cette approche ne repose pas sur une solution unique. Il faut tenir compte d’un certain nombre d’approches qui peuvent sembler quelque peu différentes les unes des autres, mais qui nous mènent toutes à des résultats positifs.

La situation dans le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse présente d’autres complexités que nous devons examiner attentivement. Des pêcheurs non autochtones pratiquent la pêche côtière à cet endroit depuis des dizaines, voire des centaines d’années. Il existe actuellement une pêche commerciale importante et fructueuse à laquelle participent des pêcheurs autochtones et non autochtones, et c’est grâce à cette assise économique que les pêcheurs sont en mesure de subvenir aux besoins de leur famille et de maintenir le dynamisme et la vitalité de leurs collectivités. Alors que les discussions de nation à nation se poursuivent, il est primordial que toutes les voix soient entendues. Si les personnes impliquées dans cette situation ne font pas partie de la solution, les problèmes pourraient fort bien se poursuivre.

Il ne s’agit pas uniquement de tenir compte des considérations commerciales, des responsabilités légales ou des droits. Nous devons cultiver un environnement où toutes les parties se respectent et manifestent leur volonté d’apprendre à se connaître, où elles s’efforcent d’écouter les opinions des autres et de comprendre qu’il faut plus que des lois et des procédures judiciaires pour parvenir à une à véritable réconciliation. À mon avis, il faut établir de nouvelles conceptualisations...

L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, nous éprouvons des difficultés techniques, alors, si vous le voulez bien, nous allons écouter la prochaine intervenante sur ma liste, soit la sénatrice Pate, puis reviendrons au sénateur Kutcher par la suite, en espérant que le problème sera réglé.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, nous devons une fière chandelle à nos collègues, les sénateurs Christmas et Francis. Nous les remercions d’avoir fait tout en leur pouvoir pour maintenir et favoriser la paix en dépit de la montée en puissance du racisme envers les Autochtones et de l’anarchie tandis que les pêcheurs mi’kmaqs exerçant leurs droits ont été la cible d’actes de violence et de terrorisme qui ont détruit des propriétés et mis des vies en danger.

Comme l’a bien résumé la sénatrice Keating dans son intervention, cela fait 21 ans que les droits de pêche des Mi’kmaqs ont été reconnus par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Marshall. Ces droits sont sauvegardés par les traités de paix et d’amitié de 1760 et de 1761 ainsi que par l’article 35 de la Loi constitutionnelle du Canada.

Pourtant, comme dans tant d’autres cas, à la lumière des récents événements, force est de constater que détenir un droit sans disposer de recours pour le faire valoir équivaut à n’avoir aucun droit. Ni les lois du Canada ni les forces de l’État chargées de faire respecter ces droits ne protègent les Mi’kmaqs. Les personnes les plus désavantagées et tenues de lutter pour faire respecter leurs droits sont trop rarement assistées par celles qui détiennent le privilège, le pouvoir et les ressources voulus pour les exploiter.

Je ne vais pas me répéter, mais je tiens à préciser clairement que je me range du côté des sénateurs Christmas, Francis et Keating. Par ailleurs, je vous demande de réfléchir un instant à l’arrêt Marshall de 1999. Donald Marshall fils, surnommé Junior par sa famille et ses amis, a été victime de racisme pendant toute sa vie. Accusé et reconnu coupable à tort de meurtre, il est resté 11 longues années en prison avant que sa condamnation et sa peine d’emprisonnement à perpétuité soient annulées. Bon nombre d’entre nous qui ont travaillé avec Junior et l’ont accompagné se souviennent des années de combat contre un système pénal, judiciaire et correctionnel au racisme corrosif, où règne encore trop souvent une présomption de culpabilité, plutôt que d’innocence.

La commission royale créée après l’acquittement et la libération de Junior a exposé en détail une foule de lacunes discriminatoires qu’on observe dans les deux systèmes et qui existent encore de nos jours. Malgré la disculpation de Junior, ces lacunes ont nui à ses efforts ultérieurs, ainsi qu’à ceux de bien d’autres personnes remises en liberté.

Les préjugés liés aux condamnations au criminel et aux peines d’emprisonnement nuisent trop souvent à la capacité des personnes touchées de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille, ainsi que de soutenir leur collectivité, et ce, qu’elles aient été condamnées à tort ou non. Le racisme et d’autres attitudes discriminatoires aggravent encore plus la situation.

Le combat pour la justice de Junior a eu des effets néfastes sur lui, de même que sur l’ensemble de sa famille et de sa collectivité. Son père, qui au moment de son arrestation, était grand chef de la nation mi’kmaq et un entrepreneur prospère, a souffert d’une grande marginalisation économique. Junior a été aux prises avec des problèmes de dépression et d’alcoolisme toute sa vie. Son cas est considéré comme un exemple judiciaire pour tous les autres Canadiens condamnés injustement pour meurtre.

(2020)

Junior tenait particulièrement à aider les jeunes Autochtones. Nous étions tous les deux préoccupés par la judiciarisation et l’incarcération croissantes des jeunes pauvres et racialisés. À peu près à la même époque où il pêchait et vendait des anguilles et s’engageait dans une bataille juridique qui allait durer six ans à propos de droits ancestraux, il m’a invitée à participer avec lui à un rassemblement près d’ici, dans Kitigan Zibi.

En août de chaque année, l’aîné algonquin de renommée mondiale William Commanda — grand-père de notre chère amie Claudette Commanda — organisait un rassemblement du Cercle de toutes les nations dans le cadre des activités d’un mouvement international de paix. Nous nous sommes joints à des centaines de visiteurs du monde entier venus pour entendre les enseignements de l’aîné Commanda sur l’importance de l’élaboration et de l’adoption de ce qui est aujourd’hui la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, la nécessité de lutter contre le racisme et la discrimination en favorisant de bonnes relations entre les nations ainsi que la protection de la Terre mère.

Lorsqu’il est allé devant les tribunaux pour confirmer les droits de pêcher des Mi’kmaqs, Junior Marshall savait qu’il le faisait dans un système judiciaire qui perpétue le racisme systémique et qui ne le traiterait probablement pas de manière équitable. D’ailleurs, Junior a été accusé et condamné par deux tribunaux avant de finir par voir ses droits respectés et de réussir à obtenir d’un tribunal canadien la reconnaissance du droit exercé par les pêcheurs mi’kmaqs aujourd’hui.

Comme vous le savez, l’affaire de Junior s’est rendue jusqu’à la Cour suprême du Canada non pas une fois, mais bien deux, et a abouti en 1999 à un arrêt historique qui a confirmé les droits de pêche et de chasse des Mi’kmaqs, sous réserve uniquement d’un processus très restrictif pour justifier les exigences de conservation et d’autres objectifs publics importants. Avec la compassion et l’humilité qui le caractérisent, Junior nous a rappelé à tous qu’il n’agissait pas uniquement dans son propre intérêt, mais dans celui de son peuple.

À la suite du jugement Marshall, le Canada n’a pas pris des mesures adéquates pour négocier avec les Mi’kmaqs l’exercice de leurs droits de pêche ou pour prévenir le harcèlement et la violence contre ceux qui tentent de les exercer. Pire encore, les fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans se sont joints au harcèlement contre les Mi’kmaqs. Cela s’est traduit par des amendes, des arrestations et des accusations contre ceux qui exerçaient leurs droits, ainsi que par des tactiques violentes comme celles qui ont été employées à Burnt Church et à d’autres endroits.

Ces gestes laissaient entendre que ce que faisaient les Mi’kmaqs était en quelque sorte mal et illégal. C’est ainsi que certains pêcheurs commerciaux ont été incités récemment à commettre des actes violents.

Le Canada a délivré des permis de pêche commerciale à des communautés, tout en les informant que ces permis n’étaient pas destinés à leur reconnaître leurs droits de pêche. Certaines communautés autochtones ont néanmoins pu s’en servir pour mettre sur pied des usines de transformation et pour développer leurs activités commerciales dans des secteurs connexes.

En 2013, le Canada a promis de relancer les négociations en réponse à une poursuite intentée par 12 communautés mi’kmaqs, mais n’a réalisé aucun progrès dans les sept années qui ont suivi. Des juristes soulignent qu’un tel accès à la pêche est bien loin de respecter le droit à une subsistance convenable protégé par les traités d’amitié et la Constitution canadienne, surtout dans le contexte des siècles de politiques d’assimilation et de la saisie injuste des terres et des ressources des Autochtones qui les ont trop souvent confinés à la marge de la société et de l’économie.

Aujourd’hui, plus de deux décennies après la décision Marshall, les limites imposées par le Canada à l’exercice des droits de pêche des Mi’kmaqs demeurent inconstitutionnelles. Comme ils l’ont fait auparavant, les Mi’kmaqs élaborent des plans de gestion des pêches fondés sur le concept et le principe de longue date de Netukulimk, qui met l’accent sur le fait de ne prélever sur les terres et les ressources que ce qui est nécessaire au bien-être de la communauté. Il est essentiel de comprendre que toutes les activités des Mi’kmaqs sont régies par le Netukulimk, un mode de vie ou un code de conduite qui leur enseigne le respect de la terre et de ses ressources et qui les encourage à n’utiliser que ce qui est nécessaire pour respecter des normes acceptables pour nourrir la communauté et assurer sa vitalité économique sans compromettre l’intégrité, la diversité ou la productivité de l’environnement. Il favorise ainsi une exploitation durable et responsable des ressources pour les générations à venir.

Ces dernières années, alors que les Mi’kmaqs se sont efforcés d’exercer leurs droits, une violence raciste troublante a refait surface. Des gardiens de l’eau mi’kmaqs ont couru le risque d’être arrêtés, judiciarisés et emprisonnés pour avoir revendiqué des droits au titre de la loi mi’kmaq en vue de protéger le territoire traditionnel non cédé de leur peuple contre la dégradation de l’environnement. L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a montré comment la violence et les poursuites judiciaires sont trop souvent utilisées contre les Autochtones qui cherchent à protéger leurs droits et leur communauté.

Les allusions à la primauté du droit sont presque omniprésentes comme outil pour judiciariser les gardiens des terres et de l’eau autochtones, mais, trop souvent, cette notion devient presque inexistante lorsqu’il est question de les protéger.

En ce qui concerne la situation des pêcheurs mi’kmaqs, des dirigeants autochtones ont remis en question à maintes reprises l’incapacité de la police et du gouvernement fédéral à intervenir pour défendre les droits et assurer la sécurité des Autochtones.

L’Assemblée des Premières Nations et l’Association des femmes autochtones du Canada, notamment, nous signalent qu’en n’intervenant pas, le gouvernement avalise les actes de violence contre les Autochtones. Certains ont invoqué la protection des stocks de homard pour justifier leurs actes racistes, comme la sénatrice Keating nous l’a rappelé, mais les pêcheurs mi’kmaqs représentent moins de 1 % de la flotte commerciale habituelle, et les nombreuses personnes qui militent maintenant avec zèle pour la conservation sont muettes en ce qui a trait à la surpêche effectuée précédemment par les pêcheurs commerciaux sur le territoire traditionnel et non cédé des Mi’kmaqs.

Par ailleurs, l’activité des pêcheurs mi’kmaqs est axée sur le bien-être de la communauté et la protection de l’environnement. Elle respecte les normes mondiales telles que les objectifs de développement durable des Nations unies. Au Mi’kma’ki, nous observons ce qui a trop souvent été une tendance au Canada : des violations de la primauté du droit, l’incapacité de l’État de protéger les peuples autochtones contre le racisme et les inégalités systémiques permanents, des attaques racistes violentes visant des personnes et des collectivités ainsi que l’absence de mesures visant à promouvoir la réconciliation et l’autodétermination.

Il faut prendre des mesures proactives immédiates pour mettre un terme à la situation et réparer les torts. Nous ne devons pas laisser la situation perdurer. Il est temps que le gouvernement fédéral fasse preuve d’un véritable engagement à négocier de bonne foi avec les Mi’kmaqs, en honorant les obligations du Canada issues de traités, afin de trouver une solution durable.

Nous devons tous nous opposer aux idées, aux attitudes et aux gestes racistes. Nous devons nous engager à faire tout notre possible pour arriver à la réconciliation. Nous remercions nos collègues autochtones d’avoir une fois de plus montré la voie.

Wela’lioq, Meegwetch, merci.

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de prendre la parole au Mi’kma’ki, le territoire non cédé du peuple mi’kmaq.

Chers collègues, hier, alors que je préparais mon intervention en appui à la motion no 40 du sénateur Francis au sujet des pêcheurs mi’kmaqs, je me suis rendue à l’endroit où Donald Marshall fils pêchait l’anguille en 1993. C’est dans le comté d’Antigonish, près de chez moi, dans le secteur de la réserve Welnek de la nation mi’kmaw Paqt’nkek, derrière l’église St. Anne, dans l’anse Church du havre Pomquet.

Toujours pour mes préparatifs, j’ai parcouru le roman à succès L’Indien malcommode, de Thomas King. Le livre s’ouvre sur un poème tout simple écrit par une poète mi’kmaq bien connue, la regrettée Rita Joe :

Je suis l’Indien.

Et son fardeau

Demeure mien.

Chers collègues, la motion no 40 nous demande de reconnaître que ce fardeau, ce poids que portent actuellement, en cette période de crise en Nouvelle-Écosse, les pêcheurs mi’kmaqs, les dirigeants de la communauté, nos collègues parlementaires mi’kmaqs et l’ensemble de la nation mi’kmaq, ils ne devraient pas le porter seuls.

Ce fardeau appartient à nous tous. Du fait de leur citoyenneté, les Canadiens sont tous visés par les traités. Ceux-ci sont porteurs à la fois de nombreux droits et de responsabilités considérables, dont la responsabilité de se renseigner sur les traités et celle d’apprendre à connaître et à comprendre la situation et les aspirations de nos partenaires aux fins des traités. Nous avons la responsabilité de respecter les obligations découlant des traités ainsi que la responsabilité de suivre l’exemple de nos voisins autochtones lorsqu’ils expriment ce qui est le mieux pour eux.

(2030)

En tant que sénateurs, nous avons les responsabilités de légiférer, de nous pencher sur des questions d’importance nationale et de représenter nos régions, nos provinces et nos territoires. Plus particulièrement, nous devons défendre les droits et les intérêts de ceux qui peuvent être oubliés ou défavorisés, comme les aînés, les enfants, les jeunes, les détenus, les anciens combattants, les gens vivant dans la pauvreté, les personnes qui vivent avec un handicap, les immigrants, les populations rurales et, surtout, les Premières Nations, les Métis et les Inuits.

Les sénateurs de la Nouvelle-Écosse ont la responsabilité de défendre les intérêts des quelque 1 million de résidants de cette province. Cela comprend la population mi’kmaq, qui connaît une croissance très rapide, des 13 communautés mi’kmaqs ainsi que des autres parties de la province. Pour cette raison, je ne peux m’empêcher de rejoindre le sénateur Francis et le sénateur Christmas et d’appuyer la motion no 40.

Le 16 octobre, les sénatrices Bernard et Cordy, les sénateurs Deacon, Kutcher et Mercer ainsi que moi-même, qui représentons tous la Nouvelle-Écosse, avons publié une déclaration pour condamner la violence contre les pêcheurs mi’kmaqs de la baie St. Mary’s. Nombre de nos collègues du Sénat représentant des régions de partout au Canada partagent nos préoccupations, comme en témoigne leur participation à ce débat. Voici ce que nous avons dit dans notre déclaration :

Nous, sénateurs représentant la province de la Nouvelle-Écosse, condamnons et dénonçons avec véhémence l’escalade de violence dirigée contre les pêcheurs mi’kmaqs. Quelles que soient les revendications en cause, rien ne justifie qu’on se fasse justice soi-même ni le racisme flagrant dont nous sommes actuellement témoins.

Nous exhortons par conséquent la Gendarmerie royale du Canada à s’acquitter rapidement et efficacement de ses responsabilités et à rétablir la paix et l’ordre. Elle doit veiller à ce que les actes honteux et violents qui ont pu se produire au cours des dernières semaines ne soient plus tolérés d’aucune façon, et à ce que les responsables soient tenus responsables de leurs actes.

Par la présente, nous demandons au gouvernement du Canada d’intervenir rapidement, respectueusement et de façon appropriée pour répondre aux préoccupations très légitimes de la nation des Mi’kmaq à l’origine du conflit.

Pour comprendre ces préoccupations légitimes à propos des droits des Mi’kmaqs à la source du conflit, j’ai consulté les traités, les protections constitutionnelles et les décisions de la Cour suprême sur le sujet, ainsi que les accords internationaux pertinents que notre pays a signés.

Le Traité de paix et d’amitié qui a été signé par la Couronne britannique, les Mi’kmaqs, les Malécites et les Pescomodys a mis fin à une guerre de trois ans entre la Nouvelle-Angleterre et les communautés autochtones de la région de l’Atlantique. Les Britanniques voulaient pacifier les relations avec les peuples autochtones et les encourager à laisser tomber leurs alliances avec les Français.

Les groupes autochtones craignaient que les colonies de la Nouvelle-Angleterre s’étendent vers le nord et souhaitaient prévenir d’autres pressions agressives de la part des pêcheurs de la Nouvelle-Angleterre dans les eaux au large des côtes de la Nouvelle-Écosse. Certes, ces disputes sur les pêches ont un passé long et compliqué.

Contrairement aux traités signés dans d’autres parties du Canada, les traités de paix et d’amitié n’obligeaient pas les Premières Nations à renoncer aux droits et aux ressources qu’elles avaient traditionnellement utilisées et occupées. Dans le Traité de paix et d’amitié de 1752, on peut lire :

On est plus convenu que la susditte Tribu des Sauvages, ne sera aucunement empêchée mais au contraire, aura une entière Liberté de chasser et de pêcher comme de coutume. Et qu’au cas que les dits Sauvages demandassent quil leur fut alloué un Magazin d’Echange sur la Rivière Chubenaccadie, ou dans toute autre Place de leurs Habitations, ils en aurront un de batis remplis des Marchandizes convenables pour être échangées avec celles des Sauvages, et qu’au même tems les dits Sauvages auront un entière Liberté d’apporter vendre à Halifax ou dans quelqu’autre Plantation que ce soit dans cette Province, les Pelletries, Vollailles Poissons, et toute autre Chose quils auront à vendre et le tout a tel Avantage quils en pourront tirer.

C’est la promesse que les Britanniques ont faite aux peuples autochtones, et c’est ce traité qui a été confirmé dans l’arrêt Marshall de la Cour suprême en 1999.

Le Traité de paix et d’amitié de 1760 décrit les promesses faites aux Britanniques par les groupes autochtones de la région de l’Atlantique. Je cite un extrait du document :

Et je promets en mon nom et au nom de ma tribu, de ne molester aucun des sujets de Sa Majesté et des personnes à leur charge, dans leurs établissements actuels ou futurs, ou dans leur commerce ou dans quelque autre chose dans ladite province de Sa Majesté ou ailleurs […]

La Loi constitutionnelle de 1867 a conféré au Parlement la compétence législative à l’égard des Indiens et des terres réservées pour les Indiens. Dans la Constitution de 1982, remaniée et rapatriée, on précise ceci à l’article 35 :

35. (1) Les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.

La participation du Canada à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones donne encore plus de poids à cet article puissant de la Constitution canadienne, qui confirme les droits des Autochtones. Selon l’article 32 de cette déclaration :

Les peuples autochtones ont le droit de définir et d’établir des priorités et des stratégies pour la mise en valeur et l’utilisation de leurs terres ou territoires et autres ressources.

Puis, à l’article 37 de la même déclaration, on peut lire ceci :

Les peuples autochtones ont droit à ce que les traités, accords et autres arrangements constructifs conclus avec des États ou leurs successeurs soient reconnus et effectivement appliqués, et à ce que les États honorent et respectent lesdits traités, accords et autres arrangements constructifs.

En septembre 2015, le Canada et 192 autres États membres des Nations Unies ont adopté le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Le Programme 2030, qui s’articule autour d’un ensemble de 17 objectifs de développement durable, constitue un appel à l’action mondial pour mettre fin à la pauvreté, pour protéger la planète et pour veiller à ce que toutes les personnes dans le monde, notamment les Canadiens, connaissent la paix et la prospérité d’ici 2030.

Chers collègues, c’est précisément sur cette question que porte la motion no 40 du sénateur Francis, c’est-à-dire notre responsabilité en tant que pays de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour veiller à ce que les droits des Mi’kmaq et ceux de leurs voisins relativement aux moyens de subsistance, aux occasions et aux protections de la personne soient respectés. Nous pourrons ainsi garantir que ces personnes, ainsi que leurs communautés, puissent ultimement vivre en paix et connaître la prospérité.

Honorables sénateurs, le Programme 2030 a pour objectif de réclamer l’égalité pour tous et est axé sur le principe fondamental selon lequel personne ne sera laissé de côté. Le test ultime de l’efficacité de ce Programme, c’est de voir quel effet il aura sur les peuples autochtones.

Maintenant que nous avons un peu de contexte, examinons brièvement le conflit lié aux pêcheries de homard en Nouvelle-Écosse. Qu’il suffise de dire que ce produit de base de grande valeur est à l’origine de nombreux conflits dans notre région depuis des centaines d’années, dont certains n’ont rien à voir avec les pêcheurs Mi’kmaq. Ces conflits s’attisent et s’apaisent par intermittence, notamment depuis l’affaire Marshall de 1999.

Puisque la motion no 40 consiste à faire respecter le droit à une pêche de subsistance convenable et à protéger les pêches des Premières Nations, examinons rapidement la situation sous l’angle de trois générations de la famille Marshall, telle que le décrit l’article de Stephen Maher paru dans le numéro du 2 octobre du magazine Maclean’s. Je cite l’article :

Lorsque Michael Sack, chef de la nation Sipekne’katik de la Nouvelle-Écosse, a distribué les permis de pêche au homard des Mi’kmaqs le 17 septembre, les premières étiquettes ont été remises à Randy Sack. [...]

Le père de Randy Sack était Donald Marshall Jr. [...].

M. Sack défend maintenant la même cause que son père a défendue : il lutte pour faire reconnaître son droit de pêcher [...].

Après avoir obtenu ses étiquettes, M. Sack et ses confrères pêcheurs mi’kmaqs sont allés dans la baie St. Marys, où ils ont été accueillis par des pêcheurs non autochtones qui étaient déterminés à les arrêter [...].

La nation a inauguré ses activités de pêche le jour du 21e anniversaire de la victoire du père de M. Sack dans le jugement historique de la Cour suprême du Canada concernant les droits de pêche.

En 1993, Donald Marshall Jr. pêchait l’anguille dans le havre Pomquet lorsque son épouse, mon amie et ancienne collègue, Jane McMillan, et lui ont été interpellés par des agents du ministère des Pêches. Il a fallu six ans pour prouver que M. Marshall Jr. avait raison de dire qu’il n’avait pas besoin de permis parce que le traité de 1752 lui conférait le droit de pêcher.

La participation du jeune Randy Sack à la pêche au homard est le fruit d’une lutte multigénérationnelle pour faire valoir les droits issus de traités. En 1986, le grand-père de M. Sack — c’est-à-dire le père de M. Marshall Jr. —, Donald Marshall Sr., qui était alors grand chef des Mi’kmaqs, a proclamé le 1er octobre comme étant le Jour anniversaire du traité, lequel commémore le rôle déterminant des traités dans la relation entre les Mi’kmaqs de la Nouvelle-Écosse et la Couronne.

(2040)

En Nouvelle-Écosse, la pêche au homard a atteint une valeur de 771 millions de dollars en 2018. Il est donc compréhensible que les Mi’kmaqs souhaitent obtenir une part considérable de cette pêche lucrative, que ce soit en pratiquant une pêche de subsistance convenable, des activités de pêche communale et commerciale, lesquelles ont été considérablement étendues à la suite de l’arrêt Marshall, ou en participant à la pêche hauturière à la suite de l’annonce récente de l’achat de Clearwater Seafoods par une coalition de sept communautés mi’kmaqs, en partenariat avec Premium Brands.

La situation actuelle concernant le droit des Mi’kmaqs de pêcher et de vendre le produit de leur pêche s’inscrit véritablement dans l’enjeu plus général de la souveraineté, de l’autodétermination et de l’autonomie des nations autochtones. En Nouvelle-Écosse, il y a eu un leadership visionnaire de la part de la communauté mi’kmaq ainsi que des progrès extraordinaires dans les dossiers qui touchent l’éducation, la culture, l’eau, l’énergie, les services à l’enfance et à la famille ainsi que le développement économique.

Pour conclure mon intervention à l’appui de la motion no 40, puisque nous avons tous la responsabilité de trouver une façon de résoudre cette crise de manière pacifique et équitable, je crois que nous avons maintenant l’occasion de mieux faire les choses en tant que parties aux traités. Selon le point iii de l’appel à l’action 45 de la Commission de vérité et réconciliation, nous devons :

établir des relations qui se rattachent aux traités et qui sont fondées sur les principes de la reconnaissance mutuelle, du respect mutuel et de la responsabilité partagée, et ce, de manière à ce qu’elles soient durables, ou renouveler les relations de ce type déjà nouées.

C’est essentiel à la réconciliation et absolument essentiel pour l’avenir des nations du pays.

Chers collègues, en joignant notre voix à celle de nos collègues mi’kmaq, nous reconnaissons que le fardeau dont a parlé la poète Rita Joe ne devrait pas seulement être porté par ces peuples. Le fardeau — mais aussi l’occasion — de bâtir un avenir meilleur, afin que nous puissions tous vivre dans la paix, l’amitié et la prospérité, est l’affaire de tous.

Honorables collègues, adoptons la motion no 40, et poursuivons nos travaux urgents. Wela’lioq, merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il semble que les problèmes techniques du sénateur Kutcher aient été réglés, alors nous revenons à lui pour le reste du temps prévu pour son discours.

Le sénateur Kutcher : Je vais reprendre là où la sénatrice Coyle s’est arrêtée et parler de l’importance de développer des relations fondées sur une compréhension accrue et un réel respect de nation à nation, d’individu à individu.

Sans une compréhension mutuelle renouvelée de qui nous sommes, il sera très difficile de nous rendre là où nous devons aller. Personnellement, je suis bien content de voir des avancées à ce sujet avec les discussions qui ont présentement lieu entre les diverses parties impliquées dans le conflit, discussions qui ne visent pas seulement à régler le conflit, mais aussi à établir une meilleure compréhension des facteurs culturels, constitutionnels, juridiques et relevant des traités qui entrent en ligne de compte. Ces discussions ont pour objectif de créer un climat permettant des négociations qui vont au-delà des désaccords relatifs à la pêche côtière, qui mènent à une prise en compte des droits informée et respectueuse.

À mon avis, cela pourrait mener à de meilleures relations humaines entre les personnes, entre les communautés et entre les nations, au genre de relations humaines qui doivent servir de base pour la résolution de la crise, mais aussi pour de nouvelles avancées en matière de réconciliation.

Il faut trouver un terrain d’entente et bâtir à partir de là. Pour la suite des choses, toutes les parties doivent réaliser que la ressource renouvelable que constitue la pêche côtière doit être partagée équitablement dans le respect des droits de la nation mi’kmaq. En même temps, il est essentiel que toutes les parties concernées gèrent de façon durable cette ressource halieutique. Enfin, la santé de nos océans doit être préservée et améliorée. Il s’agit d’un enjeu fondamental pour qu’une pêche soit durable.

Honorables sénateurs, les problèmes que la crise a mis en évidence sont nombreux et complexes. Leur complexité ne doit cependant pas dissuader tous ceux qui travaillent fort pour les régler. En effet, il n’y a pas mieux que le moment présent pour mener les discussions difficiles et parfois pénibles, mais respectueuses qui sont nécessaires pour régler le présent conflit et atteindre l’objectif plus vaste de la réconciliation.

La crise actuelle offre l’occasion de trouver une autre manière d’être ensemble, l’occasion d’aborder nos différences à la lumière de la vérité et de la compréhension et, ce faisant, de tendre vers une société où les différences sont une richesse et non une source de divisions; une société qui peut remplacer les déchirures qui divisent par une cohésion rassembleuse; une société dans laquelle tous reconnaissent que ce n’est que lorsque nous créons un environnement fertile en misant sur nos points communs que nous obtenons les meilleurs résultats.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à appuyer à l’unanimité la motion dont nous sommes saisis. Le Sénat a l’occasion de montrer à tous les Canadiens que nous comprenons la nécessité de remplacer la version divisée de notre société par une version saine, que nous sommes conscients que les liens qui nous unissent sont plus importants que ce qui nous sépare. Honorables sénateurs, nous pouvons donner l’exemple en montrant que nous sommes tous solidaires.

En appuyant cette motion, nous ferions savoir aux Canadiens que la véritable réconciliation est nécessaire et possible. Elle sera alors l’expression de ce qu’il y a de meilleur en nous. Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)

Le système de soins de longue durée

Interpellation—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Seidman, attirant l’attention du Sénat sur les faiblesses du système canadien de soins de longue durée, qui ont été révélées par la pandémie de la COVID-19.

L’honorable Kim Pate : Je vous remercie d’avoir lancé cette interpellation, sénatrice Seidman.

Honorables sénateurs, pendant près de 40 ans, j’ai eu l’honneur et la responsabilité d’accompagner des hommes, des femmes et des enfants à leur entrée, mais surtout à leur sortie de prison. Les personnes qui s’apprêtent à faire une visite en prison pour la première fois me demandent souvent à quoi s’attendre et veulent savoir comment elles doivent se comporter, ce qu’elles doivent dire.

Je leur réponds ce qu’on m’a dit à moi-même : « Traitez les autres comme vous voudriez qu’ils traitent vos enfants, vos parents et vos êtres chers, parce que chaque personne que vous rencontrez dans un contexte institutionnel qui favorise l’isolement et la déshumanisation est aussi l’être cher, l’enfant, la mère, le père, le partenaire, le frère ou la sœur de quelqu’un d’autre. »

Ma mère s’est éteinte pendant la pandémie de COVID-19. Le jour suivant son décès, cela aurait fait un an qu’elle était dans un autre type d’établissement, c’est-à-dire un centre d’hébergement comme on en trouve partout au Canada. Nous avons perdu ma mère après un combat contre la démence qui aura duré près de neuf ans. Bon nombre d’entre vous, honorables sénateurs, avez déjà passé du temps ensemble dans les prisons du pays, que ce soit pour rencontrer un ou une détenue à la salle des visites ou dans les cellules d’isolement. Vous savez donc ce que c’est que de n’avoir qu’une fente dans une porte de cellule pour parler, vous connaissez la triste réalité de ceux que personne ne veut entendre, vous avez vu les violations — souvent impunies — des droits de la personne.

Trop souvent, quand je rendais visite à ma mère, je constatais avec horreur qu’on peut faire de nombreux parallèles entre l’isolement total qui caractérise le milieu carcéral et celui de ce qu’on ose appeler les centres d’hébergement. Un peu moins de deux semaines avant que maman nous quitte, ma fille et moi lui avons rendu visite et, alors que nous nous apprêtions à partir, une femme en fauteuil roulant que j’appellerai seulement « V » s’est mise dans notre chemin. Elle nous a suppliées de l’emmener avec nous afin d’échapper aux coups de l’homme qui devait prendre soin d’elle... et de ma mère. C’était déchirant. Nous avons signalé la situation, puis des mesures adéquates ont fini par être prises, mais nous nous sommes demandé depuis combien de temps elle durait. D’autres employés ont dit que maman et d’autres résidants semblaient avoir peur de lui, mais, étant donné que la plupart étaient atteints de démence, on faisait fi de leurs réactions ou on jugeait qu’elles n’étaient pas crédibles.

(2050)

Madison et moi étions incapables de ne pas éprouver de l’horreur et de la douleur en laissant V et ma mère, la grand-mère de ma fille, ainsi que les centaines d’autres résidants vulnérables.

Il m’arrive parfois d’être submergée par la colère, d’autres fois par le désespoir, alors que je pleure ma mère. Mon cœur se brise pour mon père, comme il l’a fait chaque jour pendant l’année où il a vu la santé de ma mère se détériorer dans cet établissement. Avant la pandémie et quand on a déclaré que ma mère avait besoin de soins palliatifs, mon père a tenu une vigile quotidienne. Presque tous les jours, il la nourrissait à l’heure du dîner et il restait avec elle jusqu’à la tombée de la nuit, même quand ma sœur ou moi arrivions pour lui faire manger son souper, puis il la déshabillait, lui donnait son bain et la préparait pour aller au lit.

Vers la fin de sa vie, on considérait qu’une bonne journée, c’était quand maman se réveillait et ouvrait les yeux, ce qui est arrivé de nombreuses fois. Pour papa, c’était suffisant pour le faire sourire. Il est resté à son chevet, lui a tenu la main et lui a raconté l’histoire des 62 années qu’ils ont passées ensemble.

Je pleure les 81 % de Canadiens morts de la COVID-19 qui vivaient dans des centres d’hébergement. Je pleure les nombreux autres qui, comme ma mère, n’ont peut-être pas contracté la COVID-19, mais sont morts ou ont souffert parce qu’ils étaient séparés de leurs proches et à cause de lacunes empêchant les centres d’hébergement de réagir à la pandémie.

La COVID-19 continue de faire rage dans les établissements de soins de longue durée, exposant du même coup des conditions que de nombreux professionnels de la santé qualifient avec raison de crise humanitaire.

Je pleure et je suis en colère pour ceux qui sont pris dans les établissements privatisés à but lucratif que nous appelons des centres d’hébergement. Malgré les efforts d’un personnel incroyablement dévoué et mal payé, souvent des femmes racialisées, trop de gens vivent et meurent seuls, sans leur famille, sans soins adéquats, sans vêtements et literie propres, sans nourriture ni eau, isolés, sûrement terrifiés, la plupart certainement effrayés. Trop de familles et d’amis sont laissés sans moyen d’obtenir de l’information, sans trop savoir ce qu’il est advenu de l’être qui leur sont cher.

La pandémie a effectivement mis au jour les conséquences de décennies d’un effroyable opportunisme à court terme et motivé par le profit, essentiellement associé à une dévalorisation sexiste, raciste et ségrégationniste du travail de soignant. S’agissant du traitement subi par nos proches âgés et handicapés au moment où ils ont le plus besoin d’aide et où ils sont le plus vulnérables, force est de constater que la situation n’est pas uniquement attribuable à une crise mondiale qui a pris un secteur au dépourvu, mais que c’est l’aboutissement d’années pendant lesquelles on les a négligés, abandonnés et forcés de vivre dans l’indignité. On les a fait disparaître dans un système qui, trop souvent, les perçoit comme étant des numéros, des fardeaux économiques et des dossiers qui doivent être réglés.

Comme nous le rappelle la Société royale du Canada, la pauvreté, le racisme et l’inégalité systémiques continuent de dicter la qualité de vie des gens et la qualité des soins de longue durée. Alors que nous entamons des débats sur l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir, il faut surtout veiller à ce que les personnes qui envisagent de recourir à l’aide médicale à mourir ne se retrouvent pas dans cette position parce qu’il y a un manque de ressources ou de soutien au sein des collectivités ou dans les établissements de soins de longue durée.

Quatre-vingt-cinq pour cent des aînés souhaitent vieillir chez eux le plus longtemps possible. Selon les professionnels de la santé, c’est l’option la plus bénéfique et préférable, mais beaucoup trop de personnes n’ont pas les moyens de se payer tous les traitements dont elles ont besoin, et les soins à domicile sont à la fois inabordables et inaccessibles en raison de la faible popularité des professions dans le domaine des soins.

Pour ce qui est des personnes dont on ne peut pas prendre soin chez elles, le Canada devrait regarder ce que font les Pays-Bas et d’autres pays qui ont instauré des villages et des fermes de soins conçus pour les personnes atteintes de démence, où elles peuvent marcher, explorer, interagir avec d’autres gens, faire de petites tâches ménagères, jardiner, s’occuper d’animaux et fréquenter des commerces et des services dont les employés ont reçu une formation sur le soin des personnes atteintes de démence. Le premier village canadien de ce genre a été établi récemment à Langley, en Colombie-Britannique. À l’heure actuelle, il s’agit toutefois d’une ressource privée et financée par les consommateurs, qui n’est accessible qu’aux mieux nantis.

Nous avons, au Canada, un système de soins de longue durée axé sur les profits, qui repose sur l’exploitation de la main-d’œuvre et dévalorise les travailleurs qui fournissent les soins. Comme ces établissements s’efforcent de réduire leurs coûts, les préposés aux bénéficiaires fournissent maintenant 90 % des soins directs aux résidants; ils font désormais des tâches qu’accomplissaient auparavant des infirmières, des physiothérapeutes et des psychothérapeutes.

Bon nombre de préposés aux soins ne reçoivent qu’un minimum de formation; ils ont les salaires les plus bas du secteur de la santé, souvent le salaire minimum, et n’ont que rarement des avantages sociaux. Il s’agit souvent de travail occasionnel, à temps partiel ou précaire. Étant donné la pénurie d’employés chronique, les travailleurs ont de lourdes charges de travail : 65 % des préposés aux bénéficiaires disent qu’on ne leur laisse pas assez de temps pour accomplir correctement toutes les tâches de soins. Ils sont aussi trop nombreux à devoir cumuler deux ou trois emplois pour joindre les deux bouts, ce qui est impossible pendant la pandémie pour des raisons physiques et sanitaires. Au Canada, jusqu’à 90 % des préposés aux bénéficiaires sont des femmes, particulièrement des femmes racisées ou qui viennent d’arriver au pays.

Comme le dit la Société royale du Canada, nous devons « résoudre la crise » de la main-d’œuvre au moyen de normes nationales fédérales et de transferts fédéraux pour que les emplois dans ce secteur soient à temps plein et que les employés aient accès à de meilleurs salaires, à des avantages, à des congés de maladie, à de la formation et à du soutien en santé mentale.

La privatisation de la prestation de soins, axée sur les profits, nuit aux travailleurs et à ceux que nous devrions aider. Elle met de côté les relations humaines qui mettent l’accent sur la qualité de vie pour faire place à des listes normalisées et à un suivi détaché qui mettent l’accent sur l’achèvement mécanique et accéléré des tâches d’un patient à l’autre.

Un tel effort de déshumanisation mène aux histoires d’horreur dont nous avons malheureusement entendu parler : négligence généralisée, surutilisation de médicaments antipsychotiques pour traiter les personnes atteintes de démence ou politiques institutionnelles de gestion des risques qui entraînent le confinement injustifié de gens aptes à se déplacer ou les forcent sans raison à demeurer dans un fauteuil roulant plutôt que d’avoir recours à d’autres solutions pour éviter les chutes.

Le Canada n’a rien fait non plus pour soutenir les besoins personnels, émotionnels ou financiers des familles et des amis qui, par choix ou par nécessité, décident de donner des soins de façon bénévole. Le pays n’a rien fait pour s’occuper des inégalités systémiques liées au fait que ce travail est principalement accompli par des femmes.

Dans un essai publié dans le Guardian, une femme qui prenait soin de sa mère atteinte d’une maladie mortelle soulignait que la pandémie avait ravivé l’intérêt pour le revenu minimal garanti comme mesure qui permettrait de donner la flexibilité voulue aux personnes qui prodiguent des soins. Elle a écrit :

La COVID-19 nous a fait comprendre ce qui est possible, tout ce que nous pourrions faire pour repenser la société et l’économie afin que les soins occupent une place de choix.

Honorables sénateurs, maintenant que nos yeux sont ouverts, ne détournons pas le regard et ne nous laissons pas aveugler.

Malgré l’excellence de certains fournisseurs de soins individuels, dans le cas de beaucoup de personnes atteintes de démence, comme ma mère, il est trop souvent cruel de prétendre que les institutions où elles sont hébergées sont des « établissements de soins ».

Vingt-cinq pour cent des personnes incarcérées dans les prisons fédérales sont considérées comme des personnes âgées et 99 % d’entre elles sont atteintes d’une maladie chronique comme l’arthrite, le cancer, la sclérose en plaques, la démence, la maladie de Lou Gehrig ou les séquelles d’un accident vasculaire cérébral, pour laquelle ils ne reçoivent pas le traitement médical dont ils ont besoin. Pire encore, leur état est aggravé par les traumatismes supplémentaires qu’ils subissent quotidiennement.

Comment pouvons-nous, en notre âme et conscience, permettre que des gens qui souffrent de ces conditions restent indéfiniment dans des cellules? Je vous exhorte, honorables sénateurs, à imaginer comment un détenu souffrant de démence vivrait des fouilles à nu, l’administration de gaz poivré, l’emploi de moyens de contention et l’isolement cellulaire — ou le confinement aux unités d’intervention structurée, si vous préférez.

Lorsqu’on dit à une personne d’enlever tous ses vêtements devant un gardien armé en uniforme ou lorsqu’on administre du gaz poivré à cette personne pour avoir refusé cet ordre direct ou l’ordre d’entrer dans une unité d’intervention structurée, comment peut-on seulement savoir si elle a compris ce qui se passe? Nous connaissons trop bien les histoires des nombreuses personnes qui ont essayé de remettre en question les ordres ou qui ont été trop lentes à y obéir, et qui ont subi des interventions forcées et des injections, et à qui on a coupé ou déchiré les vêtements pour les leur enlever. Imaginez comment tout cela serait perçu par une personne souffrant de démence et à quel point c’est nuisible au bien-être mental, physique et émotionnel de tous les détenus.

Son Honneur le Président : Sénatrice Pate, je suis désolé de vous interrompre. Il est maintenant 21 heures, et il vous reste du temps de parole. Nous devons ajourner. Lorsque cette question sera appelée de nouveau, vous pourrez utiliser le temps de parole qu’il vous reste.

(À 21 heures, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 27 octobre 2020, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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