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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 43e Législature
Volume 152, Numéro 39

Le jeudi 6 mai 2021
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 6 mai 2021

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard

Félicitations pour l’obtention du prix Frank-McKenna

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd’hui depuis les terres non cédées du peuple mi’kmaq.

Honorables sénateurs, il est souvent facile de rester sur la touche et de regarder le match. Il est facile de faire des commentaires de l’extérieur et de dire ce qui devrait être fait et comment il faudrait le faire. Les bonnes idées, comme les bonnes stratégies de jeu, ne sont bonnes que si elles peuvent être mises en pratique. J’admire beaucoup les gens qui agissent, c’est-à-dire ceux qui sont capables de faire germer des idées et de les transformer en mesures concrètes. Nous avons tendance à penser qu’il est seulement possible de changer les choses aux plus hauts niveaux. Cependant, bien souvent, ceux que nous considérons comme ayant atteint ce statut ont commencé à la base et travaillé avec diligence pour apporter des changements dans leur propre collectivité. J’ai la chance d’être entourée de nombreuses personnes de ce genre, ce qui a d’ailleurs été le cas à toutes les étapes de ma carrière. Or, aujourd’hui, je parle plus particulièrement de notre collègue la sénatrice Wanda Thomas Bernard.

La sénatrice Thomas Bernard est la récipiendaire du prix Franck-McKenna 2020 pour son leadership exceptionnel dans le domaine des politiques publiques dans le Canada atlantique et sa contribution capitale à ce sujet. Je peux dire, sans hésiter, que les Canadiens de l’Atlantique ont eu beaucoup chance de pouvoir bénéficier de l’énergie et de l’enthousiasme dont elle a fait montre dans sa carrière précédente de travailleuse sociale et maintenant en tant que sénatrice. Elle a passé sa vie à défendre les Afro-Canadiens, l’équité en matière d’emploi, la santé mentale, les droits de la personne et les personnes handicapées. Pour les Canadiens, son travail au Sénat est vraiment précieux, parce qu’elle a toujours cultivé le savoir et les compétences et contribué à leur amélioration afin de pouvoir faire des changements en Nouvelle-Écosse et dans le Canada atlantique.

Je félicite aussi la sénatrice Thomas Bernard et le sénateur Kutcher pour leurs excellentes séries sur la pandémie du racisme. Honorables sénateurs, si vous n’avez pas encore vu ces vidéos, je vous encourage à les écouter sur YouTube. Les discussions y sont très approfondies et pertinentes, étant donné le climat actuel. Je tiens à vous remercier tous les deux pour ces discussions franches et honnêtes. C’est le genre de discussions dont nous avons tous besoin pour prendre des décisions éclairées.

Honorables sénateurs, même si je suis heureuse de l’honneur qui a été rendu à la sénatrice Thomas Bernard, nous sommes tous bien conscients, je le sais, qu’il y a plein de Canadiens qui font des choses exceptionnelles dans nos collectivités. Ensemble, nous pouvons imaginer de grandes choses et les réaliser. J’encourage les Canadiens à participer à la vie de leurs collectivités et à inciter les autres à le faire aussi, car ensemble, nous pouvons faire bouger les choses. Merci.

Le Mois du patrimoine asiatique

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, en tant que fière Canadienne d’origine coréenne et fille aînée d’immigrants, le regretté Lee Sung Kim et la regrettée Kye Soon Kim, née Kwon, je suis honorée de parler d’autres Canadiens d’origine asiatique et de leurs contributions à la mosaïque magnifique et haute en couleur de la société canadienne, à l’occasion de cet important Mois du patrimoine asiatique.

Il y a des histoires réjouissantes sur le parcours réussi d’immigrants comme celle de M. Kyu Tae Kim, l’appa, ou papa, de la pièce de théâtre primée écrite par Ins Choi, qui est à l’origine de la télécomédie à succès Kim’s Convenience. Le vrai M. Kim était propriétaire du dépanneur bien avant que celui-ci ne devienne le plateau principal de la série, laquelle a un fervent auditoire partout au Canada et dans le monde.

Né à Sangju, en Corée du Sud, M. Kim n’était qu’un nourrisson lorsque sa famille s’est enfuie à pied après qu’ait éclaté la guerre de Corée. On lui a raconté que sa grand-mère l’avait emmailloté et attaché à son dos, comme l’auraient fait beaucoup d’autres mères et grands-mères avec leurs enfants et petits-enfants, et qu’il a eu de la chance de survivre.

Kyu Kim et sa famille ont immigré au Canada. Ils sont arrivés à Toronto, en Ontario, en 1974 avec seulement 400 $ en poches. M. Kim a vécu de petits boulots avant que sa famille soit en mesure d’acheter ce qui est devenu le plateau de Kim’s Convenience.

Tout comme dans l’émission, M. Kim et son épouse habitaient en haut du dépanneur avec un nouveau-né et un bambin. Ils travaillaient sans relâche, sans presque jamais s’arrêter. Ils étaient déterminés à bâtir une meilleure vie pour leurs enfants et leurs futurs petits-enfants, Marcus et Dominic Chow, qui sont actuellement la principale source de fierté et de joie de leur grand-père Kim.

M. Kim a fini par vendre le dépanneur Kim’s Convenience. Il a continué d’aller à la recherche de nouvelles possibilités, ce qui a mené sa famille et lui à déménager sur la côte Ouest. Il a de nouveau fait de nombreux petits boulots. Après d’innombrables heures de labeur, où il a versé sang, sueur et larmes, il a obtenu du succès comme restaurateur, ainsi que comme gestionnaire et promoteur immobiliers. Son premier projet d’investissement commercial est à l’origine de son entreprise actuelle, qui a commencé en 2001 quand, sous sa direction, un petit groupe d’investisseurs a acheté ce qui est maintenant connu sous le nom d’Hanin Village Mall et qui se trouve le long de la route North, à Burnaby et à Coquitlam, en Colombie-Britannique. Au moment de son achat, plus de 70 % des locaux du centre commercial étaient vacants. Cependant, grâce à l’excellente gestion de M. Kim, tous les locaux ont été loués en l’espace de deux ans, et ce centre est maintenant devenu le cœur de Koreatown, dans la vallée du bas Fraser, en Colombie-Britannique. Depuis ce premier projet, Kyu Kim et son groupe s’emploient à créer des espaces de vente au détail, des bureaux et des espaces communautaires indispensables au cœur de Koreatown.

Honorables sénateurs, l’histoire de succès et de persévérance de cet immigrant, Kye Tae Kim, l’appa original, continue de s’écrire. C’est une histoire importante durant le Mois du patrimoine asiatique, qui viendra s’ajouter aux récits de nombreux autres Canadiens d’origine asiatique ayant marqué l’histoire de notre pays.

La réticence face aux vaccins

L’honorable Rosemary Moodie : Honorables collègues, lors d’un de mes premiers discours au Sénat, j’ai mentionné que la réticence face aux vaccins constituait l’une des 10 principales menaces à la santé mondiale auxquelles nous devons faire face présentement. Plus d’une année plus tard, nous sommes aux prises avec une pandémie et cette menace est d’autant plus grande.

Selon Statistique Canada, 77 % des Canadiens sont prêts à se faire vacciner contre la COVID, mais les inquiétudes face à l’innocuité des vaccins et aux effets secondaires possibles continuent d’alimenter la réticence. Les données montrent également que moins de Canadiens noirs souhaitent se faire vacciner contre la COVID-19, leur nombre atteignant 56 %, ce qui indique que le problème serait plus grave au sein de cette communauté.

Même si la désinformation continue d’être un facteur important soutenant cette réticence, des données émergentes indiquent qu’un autre facteur qui gagne en importance serait lié aux communications de la santé publique. Les Canadiens ont reçu de nombreux messages contradictoires, que ce soit de la part du Comité consultatif national de l’immunisation, des ministères provinciaux de la Santé, de Santé Canada ou de l’Agence de la santé publique du Canada. Pour plusieurs, il est difficile de différencier les rôles que joue chacune de ces entités et, à leur sens, les messages qu’elles diffusent font autorité. Le fait que les décisions prises par les différents ordres de gouvernement soient souvent contradictoires et déconcertantes ne fait rien pour aider.

(1410)

Ces messages contradictoires ont une nette incidence. Un sondage récent mené par Abacus Data révèle que les Canadiens font, avec le temps, davantage confiance à certains vaccins qu’à d’autres, invoquant, comme raison, les préoccupations à l’égard des effets secondaires. Soyons clairs. Les données scientifiques sont solides. Tout vaccin homologué au Canada est sûr et efficace. Les Canadiens méritent d’entendre des messages clairs concernant les vaccins. Il faut mieux harmoniser, contextualiser et clarifier l’information communiquée, et lorsque de nouveaux renseignements font surface, tout changement des messages communiqués doit être synchronisé, uniformisé et soigneusement planifié.

En tant que sénateurs, nous pouvons faire partie de la solution en agissant auprès de notre collectivité à titre de source crédible d’information concernant les vaccins, en repérant et en ciblant les concentrations de personnes réticentes aux vaccins. Nous devons prendre au sérieux notre pouvoir d’influer sur les décisions que les gens prennent concernant leur vie. Honorables sénateurs, la vaccination généralisée est nécessaire pour vaincre cette pandémie. Or, pour y parvenir, nous devons vaincre cette crise de confiance.

Je prends également un instant pour vous exhorter à participer au travail du Groupe de travail consultatif sur la formation en matière de diversité et d’inclusion. Le Sénat embrasse depuis longtemps son rôle et son devoir de protéger les minorités canadiennes et de faire valoir leurs points de vue. Il est crucial que nos politiques internes nous appuient dans ce rôle. Il est crucial que nous entendions autant de voix que possible. J’exhorte tous les sénateurs à y participer.

Merci.

La liberté d’expression

L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, Internet est non seulement l’espace numéro un pour mener des activités commerciales et diffuser des nouvelles et de l’information, mais aussi la plus puissante tribune de communications personnelles qui soit. La majorité des gouvernements ont choisi de ne pas réglementer ou censurer ces échanges. La liberté d’expression, les différences d’opinions, les désaccords, la critique et le débat sont tous des principes fondamentaux de la démocratie. Comme l’a déjà dit avec éloquence John F. Kennedy :

[...] un pays qui craint de laisser son peuple juger librement de ce qui est vrai et de ce qui est faux est un pays qui a peur de son propre peuple.

Je sais que les temps ont changé, mais à l’ère d’Internet, les principes fondamentaux doivent continuer de s’appliquer. En fait, il est d’autant plus important qu’ils s’appliquent, vu l’incessante circulation de l’information.

Laissons les idées s’affronter; celles qui ont du mérite devraient l’emporter. Combattons les mauvaises idées en en proposant de meilleures et exerçons notre jugement. Si vous n’aimez pas le discours d’une personne, changez de poste, annulez votre abonnement ou déconnectez-vous des réseaux. Vous pouvez me mettre en sourdine si vous n’aimez pas ma position. Comme Noam Chomsky l’a dit, si on ne croit pas à la liberté d’expression pour les gens qu’on méprise, on n’y croit pas du tout.

Un plan pour obliger les géants du Web à soutenir financièrement le milieu culturel et le secteur du journalisme du Canada s’est transformé en un moyen de censurer le contenu en ligne, même celui qui est créé par vous et moi sur Facebook, Twitter ou YouTube. Le projet de loi initial excluait les communications personnelles, mais cette protection a été retirée. Le simple fait d’envisager une telle censure est antidémocratique. De nombreux Canadiens ont clairement demandé au gouvernement de lancer une vaste consultation publique sur le sujet, et je me joins à eux. Comme l’a écrit John Stuart Mill dans De la liberté de pensée et de discussion en 1859 — et cette réflexion est toujours d’actualité :

On ne peut jamais être sûr que l’opinion qu’on s’efforce d’étouffer est fausse; et si nous l’étions, ce serait encore un mal.

Merci.

[Français]

Le décès de Claude B. Gingras

L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénateurs, homme d’affaires, philanthrope et ardent défenseur des droits des francophones, Claude Gingras aura été beaucoup mieux connu sous la bannière de la firme Ginsberg Gingras Syndics autorisés en insolvabilité. Né le 12 avril 1944, il est décédé le 26 avril dernier d’un cancer.

Claude B. Gingras a commencé sa carrière au sein du gouvernement fédéral dans le domaine des faillites et de l’insolvabilité en 1973. Puis, en 1980, il fonde, avec son associé Joseph Ginsberg, la firme de syndics de faillites Ginsberg Gingras. Claude y occupera le poste de président-directeur général jusqu’à sa retraite, le 1er janvier 2013. Tout au long de sa carrière, lui et ses collègues s’efforceront de rendre plus humaine la profession de gestion des faillites et de propositions aux créanciers.

En 40 ans, ce modeste bureau s’est transformé en une firme de professionnels en insolvabilité, comptant un nombre important de bureaux d’affaires partout au Québec et dans l’est de l’Ontario.

Bien connu des gens d’Ottawa, Claude s’est impliqué dans un nombre important d’organismes à but non lucratif, que ce soit auprès des jeunes, ou dans les domaines de la francophonie, de la communauté d’affaires, de la santé mentale ou du soutien aux personnes en fin de vie.

Il a été président pendant 20 ans de la Fondation franco-ontarienne, membre du conseil d’administration de La Cité collégiale, de l’Hôpital général d’Ottawa, de la Maison Mathieu-Froment-Savoie et du Festival franco-ontarien. Il s’est engagé auprès de Centraide Outaouais et a agi comme président d’honneur lors de nombreuses activités de collecte de fonds.

Travaillant et généreux, Claude a été récipiendaire de la Médaille du souverain pour les bénévoles, pour l’année internationale des bénévoles, en 2001, de la Médaille du jubilé d’or de la reine Elizabeth II, en 2002, et du grade de chevalier de l’Ordre de la Pléiade, en 2003. Il a été nommé personnalité de l’année de la Chambre de commerce de Gatineau en 2010 et a reçu le Prix Bernard-Grandmaître en 2013, ainsi que l’Ordre d’Ottawa et l’Ordre de l’Ontario, en 2014.

Bon vivant, grand amateur de vin rouge, avide voyageur et fin gourmet, Claude était généreux de sa personne. Il aimait la compagnie des autres, s’amuser et discuter de politiques. Il comptait dans son cercle d’amis un nombre incalculable de gens d’affaires, de politiciens et de proches collaborateurs. Ce grand influenceur a eu un impact très positif sur la vie de toutes les personnes qui ont eu le privilège de le croiser. Il rejoint ses amis Pierre de Blois et Mauril Bélanger, avec qui il pourra améliorer « le paradis » pour les francophones.

Claude quitte notre monde en laissant derrière lui un héritage d’entraide et de générosité.

Repose en paix, cher ami, tu l’as bien mérité, et surtout, merci.

Des voix : Bravo!

Le décès de France Geoffroy

L’honorable Chantal Petitclerc : Honorables sénatrices et sénateurs, le 30 avril dernier, France Geoffroy nous a quittés. La grande majorité d’entre vous ne la connaît probablement pas. Elle a été une battante, une pionnière, une grande artiste et une Canadienne marquante.

À 17 ans, France Geoffroy se dirige vers une formation en danse lorsqu’un accident de plongeon la laisse quadriplégique. C’est donc à partir de son fauteuil roulant qu’elle décide de repousser les limites de la danse. Au Canada, c’est à elle qu’on doit la danse intégrée, un art qui mélange sur scène des artistes handicapés et des artistes sans handicap. À partir de mouvements hors norme, ses chorégraphies transforment la vision du public sur les corps; il s’agit d’une célébration de l’inclusion et de la diversité. Que ce soit pour le danseur avec handicap, pour celui sans handicap ou pour le public, l’expérience est transformatrice.

Elle nous a marqués comme artiste, mais aussi par son combat pour que la danse intégrée soit reconnue dans le milieu. En 2000, France Geoffroy porte la troupe Corpuscule Danse. Elle portera pendant plus de 20 ans les chapeaux de directrice générale, de directrice artistique et d’interprète. C’est grâce à sa persévérance qu’aujourd’hui, le Conseil des arts du Canada reconnaît toute la légitimité de la danse intégrée.

Depuis quelques années, elle se consacrait à l’enseignement, entre autres, dans des camps d’été pour enfants en situation de handicap.

Nos chemins se sont croisés souvent par l’entremise de mon mari, qui est aussi dans le domaine des arts. Elle l’avait marqué avec la clarté de sa démarche artistique et l’audace de ses chorégraphies. Nous n’étions pas proches, mais comme on habite le même quartier, on se croisait deux à trois fois par année au parc La Fontaine et chaque fois, la conversation était chaleureuse, facile, spontanée. France était très drôle, très authentique.

Au cours de la dernière année, France m’a écrit plusieurs fois. Elle souffrait atrocement, elle avait tout tenté et ne souhaitait pas mourir sans dignité. Le 8 février, elle terminait la dernière lettre qu’elle m’a écrite avec les mots suivants, et je la cite :

Je ne peux qu’espérer la possibilité de disposer de mon corps et de tirer ma révérence dignement et avec grâce... comme je savais le faire sur scène.

(1420)

France, on s’était promis d’aller prendre un café cet été au parc La Fontaine. Ce café, je le prendrai pour nous deux, magnifique France, en pensant fort à toi et en te remerciant pour tout ce que tu as fait. Merci.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Projet de loi sur le cadre visant à réduire la récidive

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-228, Loi établissant un cadre fédéral visant à réduire la récidive, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Plett, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Le décès de Donald Poirier

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, avant de poser une question au leader du gouvernement, je tiens à informer les sénateurs et nos collègues que, hier soir, le mari de la sénatrice Poirier, notre estimée collègue et présidente du caucus conservateur, est mort subitement. Il a été foudroyé par une crise cardiaque. Nos pensées et nos prières l’accompagnent.

Cela dit, nous devons malheureusement nous pencher sur certains enjeux.

La santé

La distribution des vaccins contre la COVID-19

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, la question que j’adresse au leader du gouvernement concerne l’intervalle de quatre mois entre l’administration des deux doses de vaccin contre la COVID-19. Ce délai est directement attribuable au fait que le gouvernement Trudeau a mal géré l’approvisionnement en vaccins.

Monsieur le leader, la semaine dernière, une coalition formée de 17 groupes de défense représentant de nombreux patients atteints de divers types de cancer a adressé une lettre ouverte au premier ministre. La coalition demande la révision de la recommandation du Comité consultatif national de l’immunisation pour que les personnes atteintes de cancer reçoivent la seconde dose du vaccin dans un intervalle allant de 21 à 28 jours après la première dose, c’est-à-dire de quatre semaines, et non de quatre mois.

Monsieur le leader, la coalition estime que l’intervalle de quatre mois met en péril la vie des personnes souffrant de cancer. Quelle est la réponse du gouvernement Trudeau à cette lettre ouverte? Que dit le gouvernement aux patients atteints de cancer au Canada et à leur famille à la suite de cette demande?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Le comité consultatif, qui est composé de bénévoles et d’experts, est chargé de fournir des conseils au gouvernement, ce qu’il a fait.

Notre démocratie dépend de la participation active de groupes de défense, que je remercie de leur participation. Toutefois, le gouvernement continue de recevoir et d’examiner les conseils des experts du Comité consultatif national de l’immunisation et de croire que, dans l’ensemble, sa décision de veiller à ce que le plus de Canadiens possible reçoivent une première dose reste dans l’intérêt supérieur de la population.

Le sénateur Plett : Monsieur le leader, selon une étude menée au Royaume-Uni au sujet du vaccin de Pfizer, une dose ne suffit pas à protéger contre les variants de la COVID-19. Les chercheurs qui ont mené cette étude préviennent les responsables de la santé publique qu’ils devraient s’assurer que les gens reçoivent leur deuxième dose, et qu’il existe une fenêtre de vulnérabilité entre la première et la deuxième dose.

Monsieur le leader, je vous ai déjà fait part de mes inquiétudes quant au retard dans l’administration de la deuxième dose aux patients atteints de cancer et aux aînés. Des travailleurs de la santé de première ligne demandent une protection complète contre la COVID-19. Un groupe de scientifiques canadiens a déclaré qu’un délai de quatre mois entre les deux doses pourrait nous rendre vulnérables à des variants résistants aux vaccins. Pourquoi le gouvernement Trudeau continue-t-il de faire la sourde oreille à ces inquiétudes?

Le sénateur Gold : Merci, sénateur. Le gouvernement ne fait pas la sourde oreille à ces inquiétudes. Il tient compte de tous les conseils qu’il reçoit et, comme je l’ai déjà dit, il en est arrivé à la conclusion qu’il s’agit de la façon la plus sûre et la plus prudente de protéger le plus grand nombre possible de Canadiens.

Les fournitures pour lutter contre la pandémie

L’honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, après une année de réponses évasives, les Canadiens savent maintenant qu’au cours des deux années précédant la pandémie de COVID-19, le gouvernement a jeté près de 9 millions d’articles de protection individuelle, dont plus de 5 millions de masques N95 et 2,5 millions de masques chirurgicaux. Nous savons également que non pas un, mais trois entrepôts contenant des fournitures essentielles pour la pandémie ont été fermés afin d’économiser 900 000 $ sur le budget de 645 millions de dollars de l’Agence de la santé publique du Canada. Cela a été fait par souci d’efficacité, mais les résultats ont été mortels pour 24 000 Canadiens.

Sénateur Gold, pouvez-vous nous dire si la ministre de la Santé, Mme Hajdu, a avalisé la décision de jeter des fournitures de lutte contre la pandémie et si elle — ou des gestionnaires de l’agence qui relèvent d’elle — a consulté des spécialistes des maladies infectieuses avant de prendre cette décision calamiteuse?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Je n’ai pas la réponse, mais je vais me renseigner et vous la donner plus tard.

Je me sens obligé de souligner que la mort tragique de tant de Canadiens est le résultat de nombreux facteurs, notamment l’incapacité — notre incapacité collective — à prendre au sérieux les avertissements et les conseils qui nous ont été donnés, comme le respect de la consigne d’éloignement sanitaire. C’est une tragédie. Chaque vie perdue est une tragédie. Concernant la question, je vais certainement me renseigner et vous apporter la réponse.

[Français]

Les affaires étrangères

La pandémie de COVID-19—L’aide internationale

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, je suis déçue du manque de générosité du Canada quant au partage des vaccins avec les pays moins bien nantis. Notre stratégie d’approvisionnement en vaccins fait fi de nos responsabilités internationales en matière de droit de la santé, et ce, même si nous sommes parmi les nations qui ont vacciné le plus d’adultes. Le Canada était en effet le seul pays du G7 à piger dans la banque de vaccins COVAX quand nous étions mal pris. Nous figurons depuis parmi les pays mieux nantis ayant conclu le plus d’ententes directes avec les fabricants, réduisant du même coup la disponibilité pour les autres pays.

(1430)

L’Inde vit une contagion épouvantable, la Suède et la France ont déjà promis entre un demi-million et un million de doses aux pays pauvres — ceux où moins de 1 % de la population a été vaccinée.

Sénateur Gold, allons-nous agir de la même façon?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice.

Comme je l’ai mentionné à plusieurs reprises, le Canada est l’un des plus grands investisseurs dans le programme COVAX qui, à cet égard, continue à travailler avec nos alliés pour faire en sorte que toute la population ait accès aux vaccins dont le monde entier a besoin.

De plus, comme la ministre Gould l’a mentionné, nous tenons des discussions avec nos alliés qui sont partie prenante afin de trouver une voie vers une production élargie, et cela, afin que tous aient accès aux vaccins.

L’innovation, les sciences et le développement économique

Les brevets sur les vaccins contre la COVID-19

L’honorable Julie Miville-Dechêne : J’aimerais avoir des précisions sur cette question.

Comme vous le savez, pour se débarrasser de ce virus, il faut qu’une vaccination de masse ait lieu partout et non pas seulement dans les pays riches. Hier, l’administration Biden a annoncé que les États-Unis étaient maintenant favorables à une suspension temporaire des brevets de vaccins contre la COVID-19, afin de permettre à de nouveaux fournisseurs d’en produire et de combler le manque criant de doses. Étrangement, le Canada n’a pas appuyé cette proposition. Pourquoi?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice.

Pour l’enjeu que vous avez décrit, cela fait longtemps que nous sommes en discussion avec nos alliés et les sociétés qui fabriquent les vaccins. À cet égard, l’annonce du président Biden n’était pas nécessairement prévue, c’est-à-dire que nous avons reçu la nouvelle en même temps que les autres. Cela étant dit, comme la ministre Gould l’a dit — et je vais la citer en anglais, avec votre permission :

[Traduction]

Je me réjouis de cette initiative des États-Unis. C’est une décision très importante [...] Nous avons été ouverts à l’idée. Nous avons été constructifs en essayant de trouver des solutions [...]

[Français]

Chers collègues, cette discussion est en cours et elle se poursuivra.

[Traduction]

La sécurité publique

Le racisme anti-Asiatiques

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Leader, un rapport sans précédent intitulé Une année d’attaques racistes : le racisme anti-asiatique au Canada après un an de pandémie de COVID-19 a été publié par plusieurs groupes de défense des droits, notamment la division de Toronto du Conseil national des Canadiens chinois. Le rapport met en lumière les réalités du racisme enduré par les Asiatiques au Canada au cours de la dernière année en pandémie. Au total, le rapport a examiné plus de 1 150 incidents de racisme. Les conclusions sont déchirantes.

Ma question au leader est la suivante : que fait le gouvernement? Quel message envoie-t-il aux collectivités pour leur indiquer qu’il est solidaire avec elles et qu’il n’acceptera pas ce racisme? Leader, je viens de Vancouver et je n’ai entendu aucun de ces messages de la part du gouvernement.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, chère collègue. Les actes de racisme contre les Canadiens d’origine asiatique — contre n’importe quel Canadien, en fait — sont inacceptables. Le gouvernement a toujours condamné fermement le racisme, le harcèlement et la violence, quelle que soit leur forme, et il les condamne toujours aujourd’hui.

Les outils dont dispose le gouvernement fédéral, dont les différents codes et la Charte, valent pour toutes les victimes. Le gouvernement actuel mise en outre sur la collaboration avec les provinces et les territoires, qui se tournent ensuite vers les municipalités, pour que ces actes fassent l’objet d’enquêtes et, le cas échéant, de poursuites judiciaires.

La sénatrice Jaffer : J’ai une question complémentaire.

Monsieur le leader, je suis contente que vous parliez de poursuites. Le ministre de la Justice pourrait-il nous indiquer combien de ces accusations étaient pour crime haineux?

Le sénateur Gold : Je vais certainement me renseigner afin de voir l’information dont dispose le ministre. Ce n’est pas moi qui vous apprendrai qu’en règle générale, les poursuites relèvent des procureurs généraux des provinces, mais je vais quand même m’informer pour voir dans quelle mesure ces données sont recueillies et compilées. Je ferai part de la réponse au Sénat avec plaisir, sénatrice.

[Français]

La défense nationale

Le mandat de Louise Arbour

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Ma question s’adresse au sénateur Gold.

Depuis une semaine, plusieurs membres des forces armées m’interpellent pour connaître le véritable mandat de la juge Arbour. En tant que membre du gouvernement, vous pourrez peut-être m’éclairer.

J’ai lu dans les médias deux définitions de son mandat : un système indépendant d’accueil et de traitement des plaintes d’inconduite sexuelle et un centre indépendant de responsabilisation en matière de harcèlement et d’agression sexuelle. Pouvez-vous me dire laquelle de ces deux définitions décrit le véritable mandat de Mme Arbour?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour votre question, monsieur le sénateur.

Je ne suis pas en mesure de répondre à votre question telle que vous l’avez posée. Elle est légitime, mais je ne voudrais pas être mal compris. Cependant, je souhaiterais répéter que Mme Arbour a le mandat de mettre la main à la pâte et de mettre en œuvre, entre autres, les recommandations appropriées, mais aussi de travailler au sein des forces armées afin de faire en sorte que la culture puisse changer.

Le sénateur Boisvenu : Comme on le constate, ces deux phrases sont pratiquement identiques sur le plan sémantique. Au fond, de deux choses l’une, c’est le mandat de la juge Arbour, mais c’est aussi le mandat que l’ex-juge Deschamps a rempli en 2015, donc c’est du copier-coller.

Pourtant, sénateur Gold, la Déclaration des droits des victimes du domaine militaire, adoptée en 2019 — comme je vous l’apprenais il y a un mois et demi —, n’est pas encore en vigueur. Cette loi a été adoptée par le Parlement, par nous. J’essaie de comprendre — vous allez peut-être me l’expliquer. Est-ce que vous avez la réponse, après un mois et demi? Pourquoi le ministre de la Défense nationale, qui avait la responsabilité de mettre en œuvre cette loi, ne l’a-t-il pas fait?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question et de votre engagement à l’égard de cette cause.

Nous avons fait des demandes, mais je n’ai pas encore reçu de réponse.

Les allégations à l’endroit du général Vance

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Le ministre de la Défense du Canada, Harjit Sajjan, avait déjà sur son bureau, lorsqu’il a été nommé, le rapport de l’ex-juge Deschamps qui proposait une série de mesures pour mettre fin au harcèlement dans les forces armées. Le ministre occupe ce poste depuis maintenant six ans, et force est de constater qu’il n’a absolument rien fait. Pire, il participe actuellement, avec d’autres membres de l’entourage du premier ministre Trudeau, à une espèce de conspiration pour camoufler des informations sur le comportement du général Vance. Le ministre Sajjan ne mérite plus la confiance des membres des forces armées; il ne mérite plus la confiance des Canadiens et surtout, il ne mérite pas la mienne. Pourtant, il continue de bénéficier de la protection du premier ministre pour des raisons qui semblent mystérieuses aux yeux de plusieurs observateurs.

(1440)

Monsieur le leader, pourriez-vous nous dire si votre premier ministre a l’intention, comme dans le cas de l’organisme UNIS l’été dernier, de mettre fin aux travaux de la Chambre prochainement, pour éviter que les Canadiens apprennent la vérité sur ce qu’il savait vraiment au sujet du général Vance? J’oserais même demander ceci, en m’inspirant de ce qu’a déjà dit l’ex-président des États-Unis, Donald Trump : est-ce que l’hypocrisie va devenir sa marque de commerce?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je n’ai aucune idée pour ce qui est de l’intention du gouvernement. Pour répondre à votre question, les semaines pendant lesquelles nous siégeons, ici et à l’autre endroit, sont prévues au calendrier; au-delà de cela, je ne peux pas en dire plus.

Chers collègues, en fait, il est faux d’affirmer que rien n’a été fait depuis l’arrivée en poste du ministre Sajjan. On a mis en place plusieurs éléments, y compris le Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle pour offrir de l’aide et du soutien et pour conseiller les victimes d’inconduites sexuelles.

Il est vrai, et tout le monde le déplore, qu’il reste beaucoup à faire. C’est pourquoi le gouvernement est prêt à prendre les mesures nécessaires pour continuer le travail, et, ultimement, pour créer un environnement dans lequel les femmes et les hommes de nos forces militaires pourront travailler en sécurité.

Le Conseil privé

Le poste de gouverneur général

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Comme vous ne pouvez pas répondre à ma première question, je vais vous donner l’occasion de répondre à la deuxième. Dans quelques jours, monsieur le leader, il y aura quatre mois que le Canada est sans gouverneur général. Il est particulièrement inquiétant de constater que, encore une fois, le premier ministre n’a toujours pas trouvé de Canadien ou de Canadienne capable d’exercer cette fonction, à la place de celle qu’il avait nommée sans faire les vérifications nécessaires sur son passé.

Monsieur le leader, corrigez-moi si vous le pouvez, mais ai-je raison de croire que le premier ministre a l’intention d’attendre les vacances d’été pour pourvoir le poste, afin d’éviter, comme c’est devenu son habitude, de devoir répondre aux questions de l’autre Chambre sur son choix et sur les méthodes de vérification qu’il aura utilisées pour le confirmer?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Cher collègue, je ne profiterai pas de cette occasion pour dire, comme je le fais souvent, que je n’accepte pas les prémisses de votre question. En fait, je ne suis pas en mesure de répondre pour ce qui est de l’échéancier envisagé pour la nomination de cette personne.

[Traduction]

La santé

Le programme fédéral de soutien aux victimes d’une vaccination

L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Les experts de la santé au Canada demandent la mise en place d’un programme national de soutien aux victimes d’une vaccination depuis le milieu des années 1980. En décembre, quelques jours avant le lancement de la campagne de vaccination contre la COVID-19, j’ai été enchantée d’apprendre que le gouvernement fédéral annonçait le lancement d’un programme pancanadien de soutien aux victimes d’une vaccination. En vertu de ce programme, les Canadiens ont appris qu’ils pourront recevoir de l’aide dans les rares cas où ils pourraient subir une blessure grave et permanente après avoir été vaccinés.

La date limite pour soumettre une demande pour administrer ce programme était le 24 février 2021, mais très peu d’information a filtré depuis. Comme vous le savez peut-être, le Québec — ma province et la vôtre — a instauré son propre programme en 1985. Pourtant, le Canada demeure le seul pays membre du G7 qui n’est pas doté d’un programme national de soutien aux victimes d’une vaccination sans égard à la faute.

Sénateur Gold, le temps est venu de mettre en place un programme pancanadien de soutien aux victimes d’une vaccination. Quand le gouvernement fédéral entend-il instaurer ce programme et fournir l’information nécessaire aux Canadiens pour s’y inscrire en cas de besoin? Merci.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, de soulever la question, madame la sénatrice. J’ai été informé que même si les vaccins sont sûrs et efficaces, le gouvernement est déterminé à faire en sorte que les Canadiens aient accès à de l’aide dans l’éventualité très peu probable où ils subiraient des réactions indésirables. Le gouvernement en est encore à préparer un programme fédéral de soutien en matière de sécurité des vaccins pour tous les Canadiens, peu importe le vaccin, y compris ceux qui traitent ou préviennent la COVID-19. J’ai été informé que ce programme sera lancé bientôt.

La sénatrice Seidman : Je crois comprendre que ces programmes permettront d’offrir des fonds pour les rares cas — comme vous l’avez dit, les rares cas — où quelqu’un subit des effets secondaires graves liés à un vaccin tout en aidant les sociétés pharmaceutiques à produire des vaccins sans craindre d’être tenues responsables de tels cas. Selon un article publié en décembre 2020 dans le New England Journal of Medicine, les fabricants n’acceptent pas de conclure de contrats d’approvisionnement ou d’acheminer des vaccins s’ils n’ont pas de protection de responsabilité.

Sénateur Gold, pouvez-vous nous dire si la création du programme fédéral de soutien aux victimes d’une vaccination était une exigence au titre des contrats d’approvisionnement que le gouvernement fédéral a conclus avec divers fabricants de vaccins?

Le sénateur Gold : Merci de votre question. D’abord, je dois vous dire, sénatrice — et j’aurais dû le mentionner quand j’ai répondu à la première partie de votre question — que le programme que le Canada élabore pour les Canadiens se fonde sur le programme du Québec dont vous avez parlé.

J’ai soulevé ce point à quelques reprises au Sénat, mais je répète que le gouvernement est résolu à fournir autant d’information que possible sur les contrats d’approvisionnement en vaccins qu’il a conclus tout au long de la pandémie sans mettre en péril notre accès essentiel aux vaccins. Nous faisons plusieurs choses à ce chapitre, comme publier les calendriers de livraison et ainsi de suite. Je ne sais pas si ces derniers faisaient partie des contrats ni si je peux les rendre publics. Je vais certainement me renseigner. Bien sûr, s’ils font partie des contrats et que je peux les rendre publics, je vous communiquerai l’information.

Les services aux Autochtones

L’accès à l’eau potable

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, ma question aussi s’adresse au sénateur Gold.

Sénateur Gold, je veux faire un suivi sur des questions que je vous ai déjà posées à propos des avis de faire bouillir l’eau.

Depuis 2015, des progrès ont été réalisés à propos des avis permanents de faire bouillir l’eau, puisque 106 de ces avis ont été levés. Je félicite le ministre Miller d’avoir réussi à faire lever ces avis de faire bouillir l’eau. Cependant, au 9 avril 2021, 52 avis permanents de faire bouillir l’eau étaient toujours en vigueur dans 33 communautés des Premières Nations.

L’échéance du 21 mars que le gouvernement a choisie pour lever tous ces avis est maintenant dépassée, et aucune autre échéance n’a été annoncée. Bien que le nouvel outil en ligne qui permet au public de suivre les progrès réalisés par le gouvernement à cet égard offre beaucoup de transparence — ce qui est une bonne chose —, il ne fournit aucune certitude quant à la date à laquelle le projet sera terminé, si jamais il l’est.

Sénateur Gold, pouvez-vous nous dire pourquoi l’échéance de mars n’a pas été respectée? De plus, quand les communautés des Premières Nations peuvent-elles s’attendre à ce que tous ces avis soient levés?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie beaucoup de votre question, et de rappeler au Sénat l’important travail encore inachevé auquel nous devons nous atteler pour faire en sorte que tous les Canadiens, et les Premières Nations en particulier, aient accès à de l’eau potable.

Il est vrai qu’il reste encore 52 avis permanents. Pour la gouverne de ceux qui nous regardent et à titre de rappel pour les sénateurs, je vais prendre un moment pour donner quelques explications sur ces avis. Il y a une étape d’étude de faisabilité, une étape de conception et une étape de construction, puis la formation et le suivi qui en découlent.

(1450)

En ce qui concerne les 52 avis permanents, 3,8 % se trouvent à l’étape d’étude de faisabilité, 11,5 %, à l’étape de conception, 55,8 % , à l’étape de construction, et les avis seront levés bientôt dans 29 % des cas.

Dernière chose, je crois que le ministre Miller a été on ne peut plus clair à ce sujet, la période de cinq ans concerne un seul avis, d’après ce que l’on me dit, pour lequel une Première Nation devrait lever son avis permanent de faire bouillir l’eau d’ici deux mois, mais le gouvernement s’est engagé à entreprendre des projets d’infrastructures dont la réalisation exigera encore quelques années.

Je vous remercie de votre question.

La sénatrice Cordy : Je vous remercie, sénateur Gold. Vous avez tout à fait raison : tout le monde devrait avoir accès à de l’eau potable. Merci d’avoir décrit toutes les étapes de ce processus. Je ne me rendais pas compte que c’était aussi technique, alors je vous suis d’autant plus reconnaissante de votre explication.

Cependant, quelles mesures concrètes — et je sais que le gouvernement a fourni des fonds supplémentaires — le gouvernement prend-il pour s’assurer que les avis restants seront levés le plus rapidement possible, car, comme vous l’avez si bien dit, tout le monde devrait avoir accès à de l’eau potable au Canada?

Je suis convaincue que les fonds supplémentaires s’avéreront utiles, de même que la construction des infrastructures, ce qui est important, comme vous l’avez déjà dit. Comment pouvons-nous faire en sorte que les avis soient levés le plus rapidement possible?

Le sénateur Gold : Merci de votre question. Pour vous répondre brièvement, il est évidemment très difficile de savoir avec précision quand tous les avis seront levés.

Le fait est que le gouvernement fédéral travaille en collaboration avec les communautés pour concevoir les plans, mettre en place les infrastructures et affecter les ressources humaines nécessaires pour résoudre correctement les problèmes d’approvisionnement en eau. À cet égard, des investissements considérables de plusieurs centaines de millions de dollars ont été faits pour mettre en place des infrastructures et fournir plus de formation. Certaines communautés autochtones ont encore de la difficulté à maintenir en poste le personnel formé pour gérer les infrastructures.

En résumé, le gouvernement fédéral travaille avec diligence auprès des communautés autochtones afin de résoudre les problèmes qui les affligent. Le gouvernement est fier et heureux d’avoir fait des progrès remarquables depuis le début de son mandat. Il y a encore beaucoup de travail à faire, et il en restera encore beaucoup à faire dans les prochaines années.

Le commerce international

L’indemnisation des producteurs laitiers

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse encore au leader du gouvernement. Monsieur le leader, l’industrie laitière canadienne emploie près de 200 000 personnes au Canada, elle contribue à l’économie canadienne à hauteur de près de 16 milliards de dollars par année, et elle génère chaque année des recettes fiscales de 3 milliards de dollars.

Malgré cela, avec chaque nouvel accord commercial, qu’il s’agisse de l’AECG, du PTPGP, et maintenant, de l’ACEUM, cette industrie a vu ses parts de marché diminuer constamment au pays. D’ici 2024, 18 % de la production laitière canadienne sera délocalisée et confiée à des producteurs étrangers. Bien que les producteurs laitiers aient commencé, peu à peu, à recevoir des indemnités pour les pertes occasionnées par l’AECG et le PTPGP, ils attendent toujours une indemnisation équitable en ce qui concerne l’ACEUM.

Sénateur Gold, lors d’un entretien récent, des producteurs laitiers du Manitoba m’ont dit qu’il y a eu des discussions, mais que rien de concret n’a été établi en ce qui concerne le versement d’une indemnité juste et équitable au titre de l’ACEUM. Quand les producteurs peuvent-ils s’attendre à avoir une idée du moment où ils seront indemnisés?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

En ce qui a trait au délai, je devrai me renseigner. Comme nous l’avons mentionné maintes fois au Sénat, il est indéniable que les accords de libre-échange conclus par le Canada, qui, dans l’ensemble, apportent de nombreux avantages aux Canadiens, posent également des difficultés à certains secteurs, notamment celui des produits laitiers.

Récemment, j’ai rencontré les représentants du Québec de la Canadian Cattlemen’s Association et ils m’ont signalé un certain nombre de problèmes. Néanmoins, ils demeurent enthousiastes à l’idée de voir nos marchés d’exportation pour leurs produits prendre de l’expansion, car leurs produits, que ce soit le bœuf ou les produits laitiers, sont de plus en plus recherchés et de plus en plus prisés dans le monde en raison de leur qualité.

Trouver un juste équilibre entre les besoins concurrentiels et les intérêts de notre secteur agricole est une tâche complexe. Je suis heureux de répéter que le gouvernement du Canada est résolu à offrir une indemnisation juste. Je serai ravi de communiquer plus d’information au Sénat dès que j’en saurai davantage au sujet du délai.

Le sénateur Plett : Monsieur le leader, l’une des principales préoccupations des producteurs laitiers du Canada concernant l’Accord Canada—États-Unis—Mexique est la distribution des contingents tarifaires. Les producteurs laitiers soutiennent que celle-ci devrait être optimisée pour les transformateurs laitiers canadiens.

L’an dernier, le gouvernement a consenti à cette demande concernant l’attribution provisoire des contingents tarifaires liés à l’Accord Canada—États-Unis—Mexique. Les producteurs laitiers et leurs diverses associations ont clairement fait savoir à Affaires mondiales Canada que c’est ce qu’ils réclament pour l’attribution permanente. Toutefois, les signes sont peu encourageants au sud de la frontière depuis la nomination de Thomas J. Vilsack à titre de secrétaire à l’Agriculture. Ce dernier méprise ouvertement la gestion de l’offre et déplore l’attribution des contingents tarifaires liés à l’Accord Canada—États-Unis—Mexique. Le secrétaire Vilsack est un ancien lobbyiste de l’industrie laitière des États-Unis et a promis de faire passer de 15 % à 20 % les exportations de celle-ci.

Monsieur le leader, que fait le gouvernement pour s’assurer que l’attribution provisoire des contingents tarifaires liés à l’Accord Canada—États-Unis—Mexique devienne permanente de même que pour optimiser l’attribution aux transformateurs laitiers du Canada?

Le sénateur Gold : Merci. Le gouvernement a su défendre le système canadien de gestion de l’offre, ce qui est dans l’intérêt de nos producteurs laitiers. Nous continuerons de travailler avec diligence pour protéger leurs intérêts et les nôtres lors de toutes nos négociations avec les États-Unis.

Réponses différées à des questions orales

(Le texte des réponses différées figure en annexe.)


ORDRE DU JOUR

Recours au Règlement

Report de la décision de la présidence

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, j’invoque aujourd’hui le Règlement, à contrecœur. J’ai passé beaucoup de temps à me demander si je devais le faire, même jusqu’à l’heure du repas, parce que je ne voulais pas qu’on croie que j’invoque le Règlement pour en tirer un avantage personnel ou une quelconque satisfaction. Cependant, en tant que leader des conservateurs et leader de l’opposition faisant partie des leaders de cette auguste assemblée, je crois que nous devons respecter les règles et nous montrer disciplinés.

Votre Honneur, honorables collègues, le 26 avril, le sénateur Dalphond a envoyé au greffier du Sénat intérimaire une lettre soulevant une prétendue question de privilège. Le lendemain, le greffier a envoyé un courriel à tous les sénateurs et leur personnel, ainsi qu’à plusieurs membres de l’Administration du Sénat, pour les informer de cette question de privilège. La lettre du sénateur Dalphond, dans les deux langues officielles, était jointe au courriel.

Le 27 avril 2021, CBC a publié un article de La Presse canadienne intitulé « Tory senators hold up start of parliamentary review of assisted dying », ou les conservateurs retardent le début de l’examen parlementaire sur l’aide médicale à mourir. Le titre de cet article est l’une des raisons pour lesquelles j’estime qu’il est très important de défendre mon caucus.

Votre Honneur, honorables collègues, permettez-moi tout d’abord de souligner les accusations que le sénateur Dalphond a portées contre moi.

Voici ce que dit le sénateur Dalphond dans sa lettre du 26 avril :

Plus précisément, le sénateur Plett refuse d’identifier un membre du Caucus conservateur pour se joindre au comité mixte spécial et de signer un avis identifiant tous les membres du Sénat du comité mixte spécial [...]

Plus loin, il écrit ceci :

En refusant de signer l’avis au greffier du Sénat, le sénateur Plett fait preuve d’un grand manque de respect envers le Sénat et sa motion, envers la Chambre des communes et son message, et envers le contenu de l’article 5 de la Loi, qui exige que l’examen de l’AMM soit effectué par un comité mixte spécial. L’attitude du sénateur Plett entrave les travaux fondamentaux du Sénat, en l’occurrence un examen critique mandaté par la loi, qui doit être mené par un comité mixte spécial.

(1500)

Le sénateur Dalphond est cité à plusieurs reprises dans l’article de la Presse canadienne. L’une de ces citations dit ceci : « Il veut un chèque en blanc, ce que je ne suis pas prêt à donner. » Il parlait de moi, bien sûr. Il ajoute ensuite :

L’égo d’un homme empêche le système de fonctionner, ce qui m’apparaît très près d’un outrage au Parlement.

Il poursuit :

[Plett] démontre un total manque de respect pour le Sénat, la Chambre des communes et la loi qui exige qu’un comité soit formé dès que possible.

Le sénateur Dalphond conclut ainsi :« C’est prendre le Sénat en otage, la Chambre des communes en otage. »

Bref, le sénateur Dalphond m’a accusé publiquement d’avoir refusé de nommer un sénateur conservateur qui siégerait à un comité mixte et d’avoir refusé de signer l’avis mentionné dans la motion adoptée par le Sénat au sujet du comité mixte. Selon lui, j’ai ainsi empêché le système de fonctionner et nui au fonctionnement du Sénat. J’ai démontré un total manque de respect non seulement pour le Sénat, mais aussi pour la Chambre du communes. J’ai contrevenu à une loi du Canada et j’ai pris le Parlement en otage.

À en croire la lettre du sénateur Dalphond et ses commentaires dans la presse, c’est comme si Don Plett avait enfermé tous les députés et les sénateurs dans une pièce quelque part et les avait rançonnés. À moins de l’accuser d’un crime ou de trahison, je ne crois pas qu’un parlementaire puisse accuser un de ses collègues de quelque chose de plus grave, honorables sénateurs. De toute évidence, il a dû se produire quelque chose de terrible pour que de telles accusations fusent ainsi.

Voyons donc les faits en cause, Votre Honneur.

Le 20 avril 2021, le Sénat a adopté une motion portant création d’un comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir. On pouvait y lire l’extrait suivant :

Que les cinq sénateurs qui seront membres du comité soient nommés après consultation et accord entre le leader du gouvernement au Sénat, le leader de l’opposition au Sénat et le leader ou facilitateur de tout autre parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu au Sénat, au moyen d’un avis signé par le leader du gouvernement au Sénat, le leader de l’opposition au Sénat et le leader ou facilitateur de tout autre parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu au Sénat et remis au greffier du Sénat, au plus tard à la fin de la journée le 23 avril 2021, les noms des sénateurs nommés à titre de membres étant consignés aux Journaux du Sénat [...]

Veuillez noter, Votre Honneur, que la motion ne précisait pas comment les membres du comité seraient choisis, à part en disant qu’ils seraient nommés après consultation et accord entre les leaders et les facilitateurs.

La motion n’indiquait pas combien de membres de chaque groupe du Sénat seraient nommés, contrairement à la motion adoptée à la Chambre des communes. La motion ne précisait pas de quel groupe viendrait le coprésident ou le vice-président, contrairement, encore une fois, à la motion de la Chambre des communes. Tous ceux qui se sont donné la peine de lire la motion ont bien compris que ces questions devraient faire l’objet de négociations et d’une entente entre tous les groupes.

Vous remarquerez aussi, Votre Honneur, que la motion ne prévoyait aucun mécanisme pour l’éventualité où l’avis ne serait pas remis le 23 avril. De toute évidence, au moment de présenter la motion, le gouvernement n’a pas jugé la date du 23 avril si cruciale. Personne n’aurait quoi que ce soit à perdre. Les négociations se poursuivraient.

Le leader du gouvernement a invité tous les leaders à participer à un appel pour discuter de ces questions. Nous sommes rapidement parvenus à une entente. Il y aurait deux membres du Groupe des sénateurs indépendants, et un membre de chaque groupe d’opposition, le Groupe des sénateurs canadiens et le Groupe progressiste du Sénat. On a aussi convenu que le membre conservateur serait coprésident.

Les participants à l’appel se sont entendus à l’unanimité. Nous avons suivi des précédents et des conventions historiques en décidant que le coprésident représentant le Sénat serait un sénateur de l’opposition, étant donné que le coprésident représentant la Chambre allait être un député ministériel.

En ce qui concerne le poste de vice-président, le Groupe des sénateurs indépendants et le Groupe progressiste du Sénat le revendiquaient tous les deux. Les leaders ont convenu tous ensemble de laisser la direction de ces deux groupes discuter de leur désaccord et conclure une entente, qui serait repectée par les autres sénateurs.

Puis, le vendredi 23 avril, avant l’échéance établie dans la motion, le sénateur Woo et la sénatrice Cordy ont envoyé une lettre annonçant que, comme ils n’étaient pas parvenus à s’entendre sur le poste de vice-président, ils avaient décidé d’abandonner ce qui avait été convenu et que l’opposition n’avait plus la garantie d’avoir le poste de coprésident. Cet échec d’une négociation, Votre Honneur, revenait à annuler toute l’entente sur ce qui avait été discuté, c’est-à-dire que le comité devait être composé de deux sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants, d’un sénateur conservateur, d’un sénateur du Groupe progressiste du Sénat et d’un sénateur du Groupe des sénateurs canadiens. Le coprésident allait être un sénateur conservateur. Tout cela constituait une seule et même entente.

Les négociations ont dû être reprises du début. Il n’y avait pas d’entente quant au nombre de sièges accordé à chacun des caucus ou groupes. Il n’y en avait pas non plus au sujet de l’attribution des postes de coprésidents et de vice-présidents. Le sénateur Gold a alors décidé de ne pas faire circuler l’avis qui devait être signé par tous les leaders. Je n’ai pas refusé de signer l’avis le vendredi 23 avril. C’est simplement qu’on ne m’a pas demandé de signer cet avis le 23 avril. On ne m’a pas demandé de le signer, parce qu’il était évident pour toutes les personnes impliquées que l’entente à laquelle les leaders en étaient arrivés était sur le point de tomber à l’eau.

Le sénateur Dalphond était au fait de la situation lorsque, le lundi suivant, il a écrit sa lettre et accordé une entrevue à la Presse canadienne. En vérité, chers collègues, le sénateur avait participé à l’appel lors duquel l’entente avait été établie — lorsque les leaders en sont arrivés à cette entente au départ.

Maintenant que j’ai exposé les faits, permettez-moi d’expliquer pourquoi je considère que la lettre du sénateur Dalphond et l’entrevue qu’il a accordée vont à l’encontre du Règlement du Sénat.

Votre Honneur, à mon avis, le sénateur Dalphond a enfreint le Règlement du Sénat à quatre reprises.

D’abord, il a employé un langage non parlementaire. L’article 6-13(1) du Règlement du Sénat dit ceci : « Les propos injurieux ou offensants sont non parlementaires et contraires au Règlement. »

Il ne fait aucun doute que les propos émis par le sénateur Dalphond sont injurieux et offensants. Chers collègues, il s’agit d’une accusation très grave que de dire qu’un sénateur méprise les deux Chambres du Parlement. La lettre du sénateur Dalphond a été largement distribuée, comme il savait qu’elle le serait, et a fait partie des délibérations du Sénat en tant que question de privilège. Son contenu est donc assujetti à l’article 6-13(1) du Règlement.

De plus, le sénateur Dalphond a décidé de renchérir sur son langage non parlementaire dans son entrevue avec la Presse canadienne. Après avoir mis ses mots par écrit dans les deux langues officielles aux fins de distribution au Sénat, il ne peut pas se défendre en disant qu’ils ont été prononcés dans le feu du débat.

Il s’est ensuite retourné et m’a insulté vertement lorsqu’il s’est confié à un journaliste. À l’évidence, le sénateur Dalphond a volontairement utilisé un langage non parlementaire dans sa lettre du 26 avril, ce qui contrevient au Règlement du Sénat.

(1510)

Deuxièmement, le sénateur Dalphond m’a prêté des motivations. Votre Honneur, permettez-moi de citer une décision que vous avez rendue sur un rappel au Règlement présenté par la sénatrice Bellemare concernant l’utilisation de langage non parlementaire le 15 novembre 2016. Je vous cite :

Je demanderais donc aux sénateurs d’éviter de prêter inutilement des motivations aux sénateurs qui se joignent au débat. Cela n’a pas sa place dans un débat. Nous débattons du contenu des motions et des projets de loi, et non de ce qui sous-tend les motivations personnelles d’un sénateur pour faire ce qu’il fait.

C’est exactement ce que le sénateur Dalphond a fait. En plus de dire que je n’ai pas signé l’avis identifiant les membres — ce qui était faux — il m’a prêté des motivations. Il m’a accusé, pour reprendre ses mots d’« empêcher le système de fonctionner ». Ce qui est encore plus intolérable dans ce cas, c’est qu’il a agi d’une manière qui ne me permettait pas de me défendre. Je ne pouvais pas expliquer ma position.

Le sénateur Dalphond savait très bien qu’en retirant la question de privilège après l’avoir soulevée, et ce, sans s’excuser, ses accusations demeureraient sans que j’aie la possibilité de rétablir les faits ou de me défendre. Il m’a prêté des motivations, ce qui est contraire au Règlement du Sénat, et il l’a fait en sachant parfaitement bien que je ne serais pas en mesure de m’expliquer.

Troisièmement, dans sa lettre du 26 avril dernier, le sénateur Dalphond a délibérément induit le Sénat en erreur. J’ai déjà exposé les faits. Je n’ai pas refusé de signer l’avis. L’avis en question n’a pas été distribué aux sénateurs. Le sénateur Dalphond le savait quand il a écrit sa lettre et il savait pourquoi l’avis n’avait pas été distribué aux sénateurs : deux groupes, dont le sien, avaient renié une entente qu’ils avaient conclue deux jours plus tôt. Je le répète, le sénateur Dalphond a pris part à la conversation téléphonique où tous les groupes ont convenu de la façon de structurer le comité. Il connaissait l’entente et il savait que certains leaders n’avaient pas tenu parole. Il savait que le sénateur Gold avait décidé de ne pas distribuer l’avis. Le sénateur Dalphond savait que je n’avais pas refusé de donner le nom d’un sénateur conservateur pour siéger au comité mixte, mais, par l’entremise d’une question de privilège, il a délibérément décidé de présenter au Sénat une série de faits parallèles qui ne reflétaient pas la réalité. Il a délibérément induit le Sénat en erreur, contrevenant ainsi au Règlement.

Enfin, le sénateur Dalphond a utilisé des informations obtenues de façon confidentielle, ce qui va à l’encontre du devoir d’un sénateur d’agir de bonne foi.

Comme je l’ai mentionné le 20 avril dernier, la motion présentée à cette date était essentiellement une invitation lancée aux leaders pour négocier la rémunération des membres du comité mixte. Depuis 1867, notre institution, comme toutes les chambres parlementaires démocratiques au monde, repose sur la négociation pour faire avancer les projets de loi, établir le programme, doter les comités, et ainsi de suite.

Je participe aux négociations sur les enjeux du Sénat au nom du caucus conservateur depuis un certain temps déjà, et je prends mon rôle très au sérieux. Je m’efforce toujours de tenir parole. Après que la motion sur le comité mixte a été adoptée, j’ai négocié en toute bonne foi, comme mes collègues d’ailleurs. Nous sommes parvenus à un compromis. Comme je l’ai déjà précisé, certains leaders ont décidé de revenir sur leur parole. J’ai été pris au dépourvu, tout comme l’a été le leader du gouvernement. Puis, de manière inattendue, on m’accuse de mettre des bâtons dans les roues d’un processus du Sénat quand, au fond, on m’a plutôt coupé l’herbe sous le pied, tout comme à d’autres leaders d’ailleurs.

Chers collègues, les affaires du Sénat reposent sur des négociations qui se font en coulisses. Parfois le ton est amical, mais, à d’autres moments, les discussions sont très animées. Or, Votre Honneur et chers collègues, la beauté du processus réside dans le fait que tout peut s’arranger au bout du compte.

La question de privilège du sénateur Dalphond crée un dangereux précédent. Tout d’abord, il se sert de conversations privées tenues par les leaders pour lancer des attaques personnelles. Deuxièmement, il accuse à tort un autre sénateur d’adopter des tactiques sournoises et malhonnêtes qui sont assurément fondées sur des renseignements erronés. Une entente avait été conclue, mais certains des leaders ont ensuite refusé de la respecter. J’ai insisté, tout comme les sénateurs Gold et Tannas, pour que les leaders respectent leur engagement. Je n’ai commis aucun abus de procédure. On pourrait plutôt dire qu’il y a eu abus de procédure quand des leaders ont refusé de respecter leur engagement. Quoi qu’il en soit, comme je l’ai déjà dit, nous avons finalement trouvé une solution, comme toujours.

Je remercie le sénateur Gold pour la façon dont il a réussi à ramener tout le monde autour de la table de négociation. Il faut beaucoup de doigté pour présider une réunion comme celle-là.

Le précédent créé par le sénateur Dalphond, qui prétend se fonder sur des conversations privées pour attaquer un leader, risque de nuire considérablement aux travaux du Sénat. Les leaders doivent pouvoir compter sur le fait que leurs conversations resteront privées à moins d’une entente contraire.

Votre Honneur, je vous invite à réfléchir à la décision que vous avez rendue le 2 mai 2019. Dans ce cas, la question de privilège portait sur une entente qui avait fait l’objet d’une fuite dans les médias. Voici un extrait de la décision :

Comme les honorables sénateurs le savent, les discussions privées sur les questions qui touchent le Sénat sont essentielles au bon fonctionnement de notre institution. Le gouvernement, les représentants des différents caucus ou tout autre sénateur peuvent participer à ces échanges. Le Sénat est une institution très humaine et ces consultations informelles favorisent une compréhension commune des attentes relatives au déroulement prévu des travaux du Sénat. Elles permettent également de préciser ce qui, autrement, pourrait ne pas être clair.

Je soutiens, Votre Honneur, que ces paroles s’appliquent à la situation qui nous occupe. Comme le Sénat est composé de cinq groupes distincts, les négociations peuvent être longues et difficiles. Les leaders doivent pouvoir compter sur le fait que ce qui est discuté durant les négociations demeure confidentiel et qu’ils peuvent exposer leur position et exprimer leur opinion librement sans craindre de préjudice.

La question de privilège soulevée par le sénateur Dalphond et les entrevues qu’il a accordées aux médias sur la question n’aident en rien le Sénat et, en fait, elles lui sont nuisibles. En utilisant des conversations confidentielles qui ont eu lieu dans le cadre du processus établi par le leader du gouvernement, le sénateur Dalphond met en péril l’équilibre fragile qui règne au Sénat. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que cette Chambre fonctionne s’il n’y a pas un minimum de confiance et de respect entre tous les leaders.

Bref, Votre Honneur, le sénateur Dalphond a enfreint les règles à quatre égards. Premièrement, il a eu des propos vifs, offensants et accusateurs. Deuxièmement, il m’a prêté des motivations. Troisièmement, il a sciemment induit le Sénat en erreur. Quatrièmement, il s’est servi de conversations confidentielles pour m’attaquer publiquement et a ainsi compromis le fonctionnement du Sénat.

En conclusion, Votre Honneur, encore une fois, j’aimerais ne pas avoir à faire ce recours au Règlement. Je n’en tire aucun plaisir. J’espérais que le Sénateur Dalphond se rendrait compte de ce dont il m’accusait et qu’il retirerait ses propos en retirant sa question de privilège.

J’espérais que le sénateur Dalphond prendrait lui-même la parole dans le cadre d’un rappel au Règlement, cette semaine, pour revenir sur ses déclarations, présenter des excuses, non pas à moi, chers collègues — pas à moi, je n’ai pas besoin qu’on me fasse des excuses —, mais au Sénat. Pourtant, le sénateur Dalphond a choisi de ne pas le faire. Il a délibérément maintenu ses attaques contre moi quand il a envoyé sa lettre pour retirer sa question de privilège. Permettez-moi de citer cette lettre :

Monsieur Lafrenière, cette lettre fait suite à l’avis écrit que je vous ai envoyé, le 26 avril 2021, à propos d’une question de privilège. Je crois comprendre que le processus proposé dans la motion du sénateur Gold du 20 avril a été respecté. En conséquence, il n’y a plus d’infraction présumée et le recours demandé est devenu sans objet. Je retire donc mon avis. Respectueusement, Pierre J. Dalphond.

Il laisse entendre que, grâce à ce qu’il a fait, nous avons réussi à faire ce qu’il fallait faire et ce que nous aurions dû faire depuis le début, alors que nous n’avions jamais rien fait de mal. Nous étions parvenus à une entente, mais en retirant ses propos, le sénateur Dalphond omet de le dire.

C’est pourquoi je dois faire ce que je fais aujourd’hui. Je vous demande donc, Votre Honneur, de conclure que le sénateur Dalphond a effectivement enfreint le Règlement du Sénat en vous envoyant sa lettre le 26 avril. Il a refusé de s’excuser ou de rétracter sa lettre lorsqu’il a retiré sa question de privilège, et je crois qu’il s’agit là d’un facteur aggravant. Voici ce qu’on peut lire à l’article 6-13(3) du Règlement du Sénat :

(1520)

Le Sénat prend les mesures disciplinaires qu’il estime indiquées à l’égard du sénateur qui a tenu des propos non parlementaires sans se justifier, se rétracter ou présenter des excuses jugées satisfaisantes par le Sénat.

Votre Honneur, si vous jugez que le sénateur Dalphond a enfreint le Règlement, je me réserve le droit de demander que ses paroles soient consignées par le greffier, conformément à l’article 6-13(2), et de déposer une motion demandant au Sénat de prendre des mesures disciplinaires à son égard, conformément à l’article 6-13(3) du Règlement. Merci.

Son Honneur le Président : Est-ce que d’autres sénateurs souhaitent participer au débat sur ce rappel au Règlement?

L’honorable Pierre J. Dalphond : J’interviens aujourd’hui en tant que personne qualifiée dans l’article en question de personnage insignifiant, de moins que rien. Je suis persuadé que ces termes ne sont pas désobligeants et qu’ils sont tout à fait acceptables dans le langage parlementaire. Cependant, Votre Honneur, pour revenir aux choses sérieuses, je me demande pourquoi, si nous discutons aujourd’hui d’un recours au Règlement, le sénateur profite de l’occasion pour soulever une question de privilège. Je ne comprends pas vraiment ce que le sénateur tente de dire ou de faire.

En toute franchise, s’il s’agit d’une question de privilège, le sénateur aurait pu envoyer un préavis pour que nous puissions nous préparer en conséquence. Votre Honneur, je vous demanderais de suspendre le débat sur cette question afin que je puisse me préparer à répondre aux allégations dont je fais l’objet le 28 mai, lorsque nous reprendrons nos débats.

Son Honneur le Président : Sénateur Dalphond, cette question est très importante. Cependant, il est clair que le sénateur Plett a invoqué le Règlement et qu’il n’a pas soulevé une question de privilège. Je ne sais pas si cela change votre décision et si vous allez intervenir aujourd’hui ou si vous souhaitez toujours vous réserver le droit de répondre plus tard.

Le sénateur Dalphond : Votre Honneur, j’aimerais me réserver le droit d’intervenir plus tard. Les faits allégués sont nombreux et j’en ignore une bonne partie. En fait, pendant toute son allocution, le sénateur Plett a fait mention de conversations confidentielles entre les leaders, ce dont je n’ai jamais entendu parler auparavant. Par conséquent, avant de répondre, j’aimerais prendre connaissance de la transcription pour être entièrement au courant des faits.

Son Honneur le Président : D’autres sénateurs souhaitent-ils participer au débat?

Le sénateur Plett : Votre Honneur, je voudrais ajouter quelque chose, si vous me le permettez. J’ai déjà participé au débat, mais je veux revenir sur la demande du sénateur Dalphond, qui souhaite reporter la suite des discussions pour pouvoir lire la transcription. Or, les discussions entre les leaders, lors de leurs réunions, ne sont pas transcrites. Il s’agit clairement de faire traîner la question jusqu’à notre retour. D’ailleurs, il a mentionné le 28 mai : je ne sais pas pourquoi il n’a pas plutôt parlé du 25 mai qui, comme nous le savons, est la date de notre retour. Je ne pense pas que le sénateur Dalphond ait besoin de préparer une défense. Il avait toute l’information lorsqu’il a présenté sa question de privilège. Je n’ai révélé rien de nouveau aujourd’hui.

Je m’oppose vivement à ce que nous suspendions le débat sur la question. Si le sénateur Dalphond est d’avis qu’il doit présenter une défense, il peut le faire maintenant au Sénat. Si ce n’est pas le cas, vous allez évidemment prendre la question en délibéré. Vous n’allez pas rendre une décision aujourd’hui, et je ne m’attends pas à ce que vous le fassiez. À mon avis, si personne ne veut débattre de cette question aujourd’hui, il vous faut la prendre en délibéré et revenir avec une décision.

Son Honneur le Président : Sénateur Dalphond, vouliez-vous ajouter quelque chose?

Le sénateur Dalphond : Oui, Votre Honneur. J’aimerais rappeler au Sénat que j’ai invoqué le Règlement, à l’instar de la sénatrice Lankin, en février dernier, au sujet de certains propos tenus par le sénateur Housakos. Vous avez pris la question en délibéré. Lorsque nous avons recommencé à siéger la semaine suivante, le sénateur Plett a demandé votre permission de rouvrir le débat pour présenter ses arguments. Le sénateur Housakos a ensuite complété les observations qu’il avait déjà faites sur le rappel au Règlement soulevé par la sénatrice Lankin et moi.

Je demande que les principes de justice et d’équité soient appliqués dans ce cas-ci et qu’on me donne la même possibilité de m’exprimer sur la question à notre retour. Merci beaucoup, Votre Honneur.

Son Honneur le Président : Y a-t-il d’autres sénateurs qui souhaitent intervenir dans le débat? Je ne vois aucun sénateur lever la main virtuellement.

Honorables sénateurs, il s’agit d’une question très importante. Elle a été soulevée par le sénateur Plett d’une manière que je juge très sérieuse et très détaillée. Dans le passé, j’ai été enclin à accorder plus de temps aux sénateurs lorsqu’une question sérieuse est soulevée à la Chambre et qu’elle ne peut être résolue par l’interprétation immédiate d’une règle. Je suis prêt à prendre la question en délibéré et à donner au sénateur Dalphond le temps de répondre au sénateur Plett.

Toutefois, je dirais qu’il répondra le 25 mai ou à la date de notre retour. Si nous devons reprendre les travaux avant cette date, parce que les affaires du gouvernement nous y obligent, je m’attends à ce que le débat se termine le jour où nous devrons reprendre nos travaux. Pour l’instant, je vais prendre la question en délibéré. Je remercie le sénateur Plett d’avoir soulevé la question. Je remercie le sénateur Dalphond de ses observations.

[Français]

La Loi sur les juges
Le Code criminel

Troisième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénatrice Gagné, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel.

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que porte-parole du projet de loi C-3 à l’étape de la troisième lecture afin de proposer un amendement au projet de loi qui, je l’espère, obtiendra l’adhésion de cette Chambre.

Je prends la parole à la mémoire des 1 400 femmes et enfants assassinés au Québec depuis 1989 et en solidarité avec leurs familles, qui se questionnent sur des décisions judiciaires qui, à leurs yeux, ont conduit à la fin dramatique de plusieurs des victimes.

Au Québec, seulement depuis le début de l’année, 10 femmes ont été assassinées. Dix femmes sont tombées sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint violent. Dix femmes ont laissé derrière elles plus d’une vingtaine d’enfants orphelins, privés de leur mère pour la vie. Pour ces enfants, ces drames représentent une sentence à vie, que le système de justice aurait pu éviter. Les meurtres de ces mères de famille auraient pu être évités si notre système de justice les avait mieux protégées. De plus, si le système de justice avait été plus présent, il aurait évité que des suicides et des meurtres d’enfants soient commis. Pour presque tous ces meurtres, le système de justice et les services de police savaient que ces femmes étaient en danger, mais cela n’a malheureusement pas empêché leurs agresseurs de froidement les assassiner.

Honorables sénateurs, savez-vous ce qui me blesse le plus? C’est que ces femmes sont mortes parce qu’un jour, elles ont eu le courage de puiser au plus profond de leur corps la force nécessaire pour dénoncer leur agresseur, avec une détermination dont nous n’avons pas la moindre idée et qui les aura conduites à y laisser leur vie. Voilà ce que ces femmes veulent que les juges comprennent : le fait qu’elles ont joué avec leur vie pour être entendues et, surtout, pour être comprises.

À ce sujet, j’aimerais parler d’Elisapee Angma, la première femme assassinée cette année au Québec. Dix jours avant son assassinat, le meurtrier de cette femme avait été remis en liberté après avoir brisé pour la troisième fois les conditions qui lui avaient été imposées par le tribunal. En effet, le délinquant n’avait pas le droit de s’approcher de sa victime. Cette ordonnance faisait suite à des accusations qui avaient été portées contre lui pour agression armée contre sa conjointe.

Ce n’est toutefois pas la seule chose qui me préoccupe. Ce criminel avait déjà été condamné par la justice pour d’autres agressions très graves. En 20 ans, il a comparu devant la justice pour une cinquantaine d’épisodes de violence conjugale. Il a même brisé une trentaine de fois les conditions qui lui avaient été imposées. Au lieu de placer cet homme violent et dangereux en détention pour avoir brisé une troisième fois ses conditions, la juge a préféré croire en sa bonne foi, malgré le fait qu’il avait accusé sa conjointe d’être responsable de son état et qu’il n’a exprimé aucun remords pour tous les délits qu’il avait commis. Il a donc été remis en liberté, et la première chose qu’il a faite, c’est d’assassiner sa conjointe.

Pourquoi la juge n’a-t-elle pas voulu croire la version de la plaignante, qui craignait pour sa sécurité et pour sa vie? Pourquoi a‑t-elle préféré croire la version de la défense, malgré tous les éléments alarmants que contenait le dossier de ce délinquant?

(1530)

Je tiens également à souligner que, en octobre 2020, dans une autre affaire, cette même juge de première instance avait imposé une peine de deux ans moins un jour à un récidiviste qui avait battu sa femme au point de lui faire perdre — tenez-vous bien — un litre de sang. La juge a proposé une peine inférieure à celle que la défense demandait, soit 44 mois de détention. La Cour d’appel, qui a été saisie de ce dossier, a décidé de doubler la sentence qui avait été imposée par cette juge de première instance. Ces décisions sont au cœur de la perte de confiance des femmes violentées à l’égard de notre système de justice. Nous ne pouvons plus rester silencieux face à ces drames. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur un projet de loi qui ignore ces drames. Vous me direz que le contexte social inscrit dans le projet de loi prend en compte le contexte de la violence conjugale, comme on me l’a affirmé au comité lorsque j’ai déposé mon amendement.

Les assassinats trop nombreux de ces femmes et mères de famille ne font-ils partie que d’un contexte social? Quelle est notre responsabilité, votre responsabilité? Poser des gestes concrets et prendre les décisions qui s’imposent, c’est la seule façon de lutter contre cette pandémie, contre les meurtres de ces Canadiennes. Les tribunaux de juridiction criminelle examinent chaque jour de très nombreux meurtres liés à la violence familiale et les statistiques sont dramatiques et inquiétantes. En 2020, 60 % des causes criminelles devant les tribunaux concernaient la violence entre partenaires intimes; 60 %, pensez-y. Ce pourcentage n’est-il pas alarmant? Ne devrait-il pas résonner en chacun de nous, comme un appel à l’aide de celles qui vont dénoncer leur agresseur? Si la justice ne comprend pas, ces femmes risquent leur vie, « Assez, c’est assez », disent ces femmes, « pas une de plus ».

C’est ce que 52 % des femmes canadiennes vous disent aujourd’hui. Je vous rappelle le témoignage émouvant de Mme Diane Tremblay devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui, malheureusement, a bien montré la méconnaissance du sujet dont font preuve certains juges. Pendant quatre ans, Mme Tremblay a été sauvagement agressée et, malgré le fait qu’elle ait dénoncé son agresseur, les décisions des juges n’ont jamais pu mettre un terme à cette violence, jusqu’au jour où elle a failli perdre la vie. Pire, la clémence du tribunal était, aux yeux de la victime, une permission accordée à l’agresseur de récidiver. J’aimerais vous citer un passage de son témoignage devant notre comité :

À la suite des procédures judiciaires intentées, mon agresseur avait été déclaré par un juge comme étant un « délinquant dangereux ». Malheureusement, à la suite d’une autre comparution, un second juge a estimé que le statut de « délinquant dangereux » n’était plus approprié à la situation et a décidé de le retirer.

Cette décision a eu des conséquences sur moi-même ainsi que sur d’autres personnes, car mon agresseur a récidivé avec d’autres victimes sous le même modus operandi. Je ne comprends pas jusqu’à ce jour sur quels motifs le juge s’est basé pour retirer ce statut de « délinquant dangereux » qui nous a mises encore plus en danger.

Voilà, honorables sénateurs et sénatrices, la définition d’une permission de récidiver.

Mon amendement vise simplement à honorer la mémoire des femmes assassinées et à mettre fin à des décisions judiciaires qui sont prises sans comprendre ce que vivent ces femmes. Je poursuis.

Je vous raconte mon histoire personnelle pour vous prouver à quel point mes enfants et moi avons subi de la violence, alors que les juges et le système de justice étaient déjà saisis de nos plaintes. Je ne me suis pas sentie écoutée par les juges, car j’avais ce sentiment qu’ils ne comprenaient pas la situation que je vivais, mais surtout qu’ils ne comprenaient pas que mon ex‑conjoint était dangereux, violent et manipulateur.

Après avoir entendu pendant deux ans des témoignages sur les souffrances d’une centaine de femmes violentées par des conjoints, je peux vous affirmer que le témoignage de Mme Tremblay représente, en 2021, la réalité de centaines de femmes qui ont fait l’expérience de notre système de justice. Les statistiques en matière de condamnations indiquent que les peines imposées à ces agresseurs sont, dans 49 % des cas, des périodes de probation. De plus, 31 % des causes se sont soldées par des peines d’emprisonnement, qui, dans une proportion de 85 %, ont été des incarcérations de moins de six mois. Ces délinquants auront la possibilité d’être libérés après avoir purgé le sixième ou le tiers de leur peine et, en général, ils sortent de prison après un mois, encore plus en colère que lorsqu’ils ont été incarcérés et en posant un plus grand risque encore pour la sécurité de ces victimes.

Je reconnais que le projet de loi actuel représente une avancée pour les victimes d’agression sexuelle, mais il faut le rendre plus efficace et il doit être modifié afin de prévoir une formation spécifique sur la violence familiale, qui permettra aux juges d’être plus sensibles à la violence entre partenaires intimes, à la violence faite aux enfants et à la violence faite aux aînés.

La vie conjugale est un lieu secret où peuvent se dérouler des drames terribles où se produisent la majorité des crimes commis contre les personnes. Ce serait une erreur de croire que le contexte social suffirait à traiter la question de la violence familiale. Pire, il la banaliserait encore et encore.

Lors de l’étude au comité, j’ai discuté avec l’honorable C. Adèle Kent, chef de l’Institut national de la magistrature, sur le sujet de la formation actuelle des juges. En sept ans, seulement sept formations sur la violence familiale ont été organisées par la magistrature, soit une par année.

Voilà l’importance que nous accordons aux femmes violentées dans le contexte familial. Mme Kent a mentionné qu’il était extrêmement important que tous les juges au Canada puissent avoir accès à une formation de qualité en matière de violence familiale, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Mon amendement fera en sorte d’élargir ce projet de loi en ajoutant une formation obligatoire et spécifique sur la violence familiale, en plus d’une formation sur les agressions sexuelles et le contexte social. Cet amendement prévoit également que le Conseil canadien de la magistrature doit s’assurer que cette formation est élaborée avec des personnes ayant survécu à la violence familiale ainsi que des personnes, groupes et organismes qui appuient notamment les dirigeants autochtones et les représentants des communautés autochtones.

J’aimerais vous citer les recommandations qui ont été faites par Mme FitzGerald, directrice de la BC Society of Transition Houses, lors de son témoignage devant le comité :

[...] nous aimerions que le projet de loi soit amendé pour qu’il tienne compte de la prévalence de la violence familiale et du continuum de violence dans les cas de violence conjugale. Nous recommandons d’ajouter l’expression « violence familiale » au libellé de l’exigence de formation sur les agressions sexuelles et d’exiger que cette formation soit élaborée en se fiant aux expériences des survivants de violence familiale et des groupes qui les aident.

Mme FitzGerald, qui fait également partie du conseil d’administration d’Hébergement femmes Canada, a mentionné que 12 000 femmes et enfants sont hébergés, chaque année, dans des centres d’hébergement, et ce, seulement en Colombie-Britannique. À ce sujet, lorsque nous avons traité de cette question au comité, 8 témoins sur 14 ont exprimé leur soutien à mon amendement. Ces huit témoins représentaient les associations autochtones, les groupes de lutte contre le racisme et les associations de lutte contre la violence conjugale.

Les représentants des groupes autochtones ont tous appuyé mon amendement en précisant que le contexte de la violence conjugale est particulier lorsqu’il existe au sein d’une communauté autochtone où tout le monde se connaît. Mme Michel, qui représentait le groupe Femmes autochtones du Québec, a mentionné que son association avait organisé des capsules en matière de violence familiale et que le Conseil de la magistrature pourrait s’appuyer sur son expertise si le projet de loi était amendé.

Honorables sénateurs, nous sommes des législateurs à part entière, dont le principal rôle est d’améliorer les projets de loi que nous examinons, afin d’améliorer la vie des Canadiennes et des Canadiens. Au début de l’étude du projet de loi au comité, le représentant du gouvernement au Sénat et le porte-parole du projet de loi ont mis les témoins en garde en leur affirmant que tout amendement à ce projet de loi, qui pourrait en améliorer la portée, le mettrait en péril et empêcherait qu’il soit adopté par le gouvernement. D’une part, de telles affirmations que l’on fait à des témoins n’ont pas leur place. D’autre part, ces affirmations remettent fondamentalement en question le rôle du Sénat et de ses comités, qui est, avant toute chose, de bonifier les projets de loi du gouvernement.

De plus, si de telles modifications ne sont pas acceptables aux yeux du gouvernement, pourquoi réunir un comité pour quatre séances, qui ont mobilisé les ressources du Sénat, qui ont pris tout notre temps et qui ont forcé à convoquer plusieurs témoins, qui ont dû s’ajuster à notre ordre du jour et se préparer pour que, ultimement, nous ne puissions pas bonifier ce projet de loi, sous le prétexte que nous manquons de temps, que le projet de loi risque de mourir au Feuilleton et que le gouvernement est minoritaire? Dans de pareilles circonstances, est-ce que vous vous interrogez sur les raisons d’être membre de cette honorable Chambre?

(1540)

Pour terminer, chers collègues, j’estime que les erreurs de jugement commises par certains juges méritent toute notre attention et que ne rien faire ne contribuera qu’à accentuer le risque que courent ces femmes et leurs enfants, qui sont victimes de violence familiale, d’être un jour victimes d’homicide.

À titre de critique de ce projet de loi, je demande aux sénateurs et aux sénatrices de l’adopter à l’étape de la troisième lecture et de voter en faveur de mon amendement. Il est urgent d’agir afin de sauver le plus de vies possible et pour que ces femmes soient mieux comprises lorsqu’elles dénoncent la violence dont elles sont victimes.

Rejet de la motion d’amendement

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-3 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié :

a) au préambule, à la page 1, par substitution, à la ligne 23, de ce qui suit :

« tif aux agressions sexuelles, à la violence familiale et au contexte social; »;

b) à l’article 1, à la page 2, par substitution, à la ligne 21, de ce qui suit :

« agressions sexuelles, à la violence familiale et au contexte social, lequel com- »;

c) à l’article 2 :

(i) à la page 2, par substitution, à la ligne 29, de ce qui suit :

« sexuelles, à la violence familiale et au contexte social, lequel comprend le ra- »,

(ii) à la page 3, par adjonction, après la ligne 13, de ce qui suit :

« (4) Le Conseil devrait veiller à ce que les colloques portant sur des questions liées à la violence familiale organisés au titre de l’alinéa (2)b) soient élaborés après consultation des personnes, groupes ou organismes qu’il estime indiqués, tels que les personnes ayant survécu à la violence familiale ainsi que les personnes, les groupes et les organismes qui les appuient, notamment les dirigeants autochtones et les représentants des communautés autochtones. »;

d) à l’article 3, à la page 3, par substitution, à la ligne 20, de ce qui suit :

« sexuelles, à la violence familiale et au contexte social, lequel comprend le ra- ».

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous passons au débat sur l’amendement.

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je tiens d’abord à féliciter le sénateur Boisvenu de son projet de loi S-231, dont il a amorcé la deuxième lecture hier, et de son implication dans le dossier des femmes victimes de violence, notamment de violence conjugale, un dossier qui m’interpelle comme beaucoup d’autres Québécois avec qui j’ai marché le vendredi 2 avril dernier à Montréal.

Selon des études de plus en plus nombreuses, la violence contre la conjointe est souvent associée à une volonté de l’agresseur de contrôler la victime. De plus, en cas de séparation, cet agresseur est plus susceptible que toute autre personne dans la société de commettre le meurtre de sa conjointe.

Les chiffres les plus récents au Québec en matière de féminicide démontrent que ce phénomène commande une stratégie coordonnée entre les gouvernements, tant fédéral que provinciaux, avec l’aide d’experts dans le domaine, y compris ceux qui sont responsables des ressources visant à aider les personnes violentes et ceux qui sont impliqués dans le soutien aux personnes violentées, comme les refuges pour femmes victimes d’abus et de violence.

À ce titre, je tiens à souligner deux rapports québécois rendus publics en décembre dernier. D’abord, il y a celui du Comité d’examen des décès liés à la violence conjugale, chapeauté par le Bureau du coroner du Québec, qui inclut 28 recommandations, et celui du Comité d’experts sur l’accompagnement des personnes victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale, intitulé Rebâtir la confiance, qui énonce 190 recommandations, notamment la formation de tous les intervenants sociojudiciaires. Les deux rapports et leurs recommandations visent tant les intervenants du milieu que les gouvernements et font état de la complexité de la problématique.

Plus tôt aujourd’hui, le gouvernement du Québec a annoncé un budget de 71 millions de dollars pour favoriser une meilleure prise en charge des victimes de violence conjugale et une surveillance accrue des contrevenants.

Il demeure cependant que, pour l’instant, la triste réalité de la violence conjugale fait partie du contexte social dont tous les intervenants, y compris ceux du monde judiciaire, doivent tenir compte.

L’amendement proposé par le sénateur Boisvenu vise à indiquer au Conseil canadien de la magistrature que le Parlement souhaite inclure la violence conjugale dans la conception de la formation obligatoire pour les nouveaux juges et dans la formation offerte à ceux qui sont déjà en poste

Devant cette proposition d’amendement, nous devons nous demander aujourd’hui deux choses : d’une part, quels sont les avantages qui découleraient de l’ajout de ces mots et, d’autre part, quelles en seraient les conséquences sur l’entrée en vigueur du projet de loi qui évolue dans le processus parlementaire depuis plus de quatre ans?

[Traduction]

Comme je l’ai dit plus tôt, la triste réalité de la violence conjugale fait partie du contexte social dont tous les intervenants, y compris ceux du monde judiciaire — comme les policiers, les avocats et les juges —, doivent tenir compte.

La décision rendue par la Cour suprême le 18 septembre 2020 dans l’affaire Michel c. Graydon, qui portait sur le droit de la famille, contient des observations pertinentes pour notre discussion d’aujourd’hui. En voici des extraits :

Les femmes sont plus susceptibles que les hommes d’être victimes de violence aux mains d’un partenaire intime [...]. Les femmes sont en conséquence davantage susceptibles de laisser derrière elles leur foyer et leurs effets personnels — ainsi que leur sécurité financière — et d’aller chercher refuge ailleurs ou de devenir sans abri. [...]. L’impact d’antécédents de violence sur la santé émotionnelle d’une personne, les craintes potentielles de cette personne d’entrer en contact avec son ancien agresseur ainsi que ses réticences ou son incapacité à le faire du fait de cette violence ont un impact tout aussi évident. De plus, [...] « il peut arriver que certains pères violents instrumentalisent le processus [lié] au paiement du soutien alimentaire pour enfants afin de continuer d’exercer une domination et un contrôle sur leur ex-épouse ». [...]

Étant donné la dynamique entre les genres dans le droit relatif au soutien alimentaire au profit des enfants, les règles de droit ne doivent pas faire abstraction des réalités qui façonnent la vie des femmes et qui les exposent à des expériences et à des risques auxquels les hommes sont moins susceptibles d’être exposés. Par exemple, les femmes sont davantage susceptibles d’être victimes de violence de la part d’un partenaire intime, d’assumer une part plus importante des travaux domestiques non rémunérés — conjuguée à l’expérience de travail moins grande et aux revenus inférieurs en découlant — et de devoir se charger de la plupart des obligations liées au soin des enfants.

Autrement dit, la violence familiale fait partie du contexte social que les juges, tous les juges, doivent prendre en considération lorsqu’ils examinent les affaires dont ils sont saisis, qu’il s’agisse de droit de la famille, de droit civil ou de droit pénal.

Pour cette raison, en plus des 6 millions de dollars investis habituellement dans la formation des juges chaque année, le 26 avril 2017, l’honorable Jody Wilson-Raybould, ministre de la Justice et procureure générale du Canada de l’époque, a annoncé un nouveau financement de près de 100 000 $ par année accordé à l’Institut national de la magistrature pour, et je cite :

[...] élaborer une formation destinée aux juges nommés par le gouvernement fédéral et par les provinces qui se concentrera sur la violence fondée sur le sexe, y compris les agressions sexuelles et la violence familiale.

Quand la juge Adèle Kent, de l’Institut national de la magistrature, a témoigné devant le comité sénatorial au début de l’année, elle a indiqué que l’institut a donné 21 séances de formation sur les cas d’agression sexuelle, la violence familiale, la traite de personnes, les droits des victimes et le traitement éclairé par les traumatismes. Elle a ajouté que, depuis peu, l’Institut national de la magistrature offre de la documentation entièrement consacrée à la psychologie et au droit en matière de violence familiale et de violence contre un partenaire intime.

(1550)

En d’autres mots, les juges ont maintenant accès à de la formation et à des outils sur la violence familiale. Peut-être que cela aurait dû être fait il y a longtemps, mais mieux vaut tard que jamais. Je suis toutefois convaincu qu’il reste beaucoup à faire.

La formation juridique sur la violence familiale est obligatoire, car elle est une partie intégrante des modifications qui ont été apportées à la Loi sur le divorce. Celles-ci sont entrées en vigueur le 1er mars cette année.

Sans surprise, les juges sont de plus en plus informés sur la violence familiale et sur la nécessité d’y mettre fin et de promouvoir la sensibilisation à cette problématique. Par exemple, il y a quelques semaines, la Cour d’appel du Québec, dans la décision R. c. Davidson, a autorisé un appel interjeté par la Couronne pour doubler la peine infligée à un homme. En effet, ce dernier, sous l’effet de l’alcool, a violemment attaqué sa partenaire intime pour la forcer à lui rembourser de l’argent qu’il avait prêté à son enfant. Dans ce cas, la Cour d’appel du Québec a infirmé un jugement qui avait été rendu par un juge nommé par le gouvernement provincial. Malheureusement, la nouvelle loi ne s’applique pas dans ce cas. Si vous me le permettez, j’aimerais vous citer quelques passages de ce jugement :

[…] la Cour a insisté plus d’une fois sur le poids additionnel qui doit être accordé aux objectifs de dénonciation et de dissuasion dans le contexte de la violence familiale. En fait, la détermination de la peine dans ces cas vise à satisfaire à deux exigences : dénoncer le caractère inacceptable et criminel de la violence familiale et accroître la confiance des victimes et du public dans à l’égard de l’administration de la justice.

[…] même quand un accusé démontre des signes encourageants de réadaptation, l’objectif de la réadaptation ne doit pas primer les objectifs de dénonciation et de dissuasion en ce qui concerne la violence familiale.

[Français]

Permettez-moi d’ajouter que les juges de première instance ne sont pas en reste.

Dans un article de Droit-Inc. publié en août 2020, on cite les propos du juge Buffoni de la Cour supérieure du Québec, qui a affirmé ceci :

L’époque où la femme est la propriété de l’homme est révolue, mais ça continue malheureusement de sévir.

Dans un autre jugement rapporté dans le même article, on cite sa collègue la juge Hélène di Salvo de la Cour supérieure du Québec, qui a déclaré ce qui suit :

Trop de femmes sont assassinées par un conjoint jaloux incapable d’accepter la rupture.

Saisis de dossiers de droit criminel — comme on le sait, au Québec, 98 % des dossiers criminels se rendent devant les juges de la Cour du Québec, qui sont nommés par le gouvernement provincial, et non par le gouvernement fédéral —, les juges de la Cour du Québec ont mis l’accent, eux aussi, sur l’importance de s’attaquer à la violence familiale.

Dans le même ordre d’idées, j’aimerais citer quelques jugements très récents de la Cour du Québec qui, eux aussi, ont mis l’accent sur l’importance de s’attaquer à la violence conjugale.

Dans le jugement R. c. Michel, qui a été rendu en mars dernier, la juge Julie Riendeau a écrit ce qui suit :

[...] ici, une peine autre que l’incarcération occulterait [...] la nécessité d’exprimer que la violence conjugale n’est pas tolérée [...]

Le 26 mars 2021, un quotidien rapportait que son collègue le juge David Bouchard, dans une autre affaire, avait dit ce qui suit à un agresseur :

Vous êtes le seul et unique responsable des gestes que vous avez posés [...]. […]

De plus en plus la société dénonce les comportements à cet égard. Il importe de dénoncer [ce] comportement et de vous dissuader également de récidiver […]

Le lendemain, le 27 mars, le journal La Presse citait le juge Érick Vanchestein dans la décision R. c. Cormier :

[...] l’augmentation des cas de violence conjugale depuis la dernière année et une série de meurtres de femme depuis le début de l’année 2021 démontre l’importance de cet enjeu social.

Ainsi, sans négliger les objectifs de réhabilitation et de réinsertion sociale, la présente affaire commande d’accorder une attention particulière aux objectifs de dénonciation et de dissuasion.

En d’autres mots, la magistrature montre qu’elle est désormais très consciente de cet élément du contexte social que constitue la violence conjugale.

En commentant cette jurisprudence, la directrice générale de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes du Québec, Mme Manon Monastesse, a déclaré ce qui suit : « C’est dans l’air du temps, c’est encourageant ».

Tout cela doit faire partie de notre évaluation quant à l’absolue nécessité ou non de l’amendement proposé.

Par ailleurs, il faut bien constater que nous sommes le 6 mai et que les semaines qu’il reste au calendrier parlementaire avant l’ajournement prévu, pour l’instant, vers le 23 juin sont peu nombreuses. Pendant cette courte période, de nombreux projets de loi, y compris des mesures budgétaires, devront être adoptés.

Or, si nous amendons le projet de loi C-3, un message devra être envoyé à la Chambre des communes, auquel le ministre de la Justice devra proposer une réponse, après décision du Cabinet. Il devra ensuite demander que cette réponse soit acceptée par la Chambre des communes où, comme tout le monde le sait, le gouvernement n’est pas majoritaire et où il semble avoir de la difficulté à contrôler l’ordre du jour.

Bien consciente de tout cela, l’honorable Rona Ambrose nous a invités, lors de sa comparution devant le comité sénatorial le 31 mars dernier, à ne pas faire d’amendements additionnels et à nous empresser d’adopter ce projet de loi à l’étape de la troisième lecture.

À mon tour, je vous invite à adopter ce projet de loi qui chemine depuis plus de quatre ans. Je vous remercie de votre attention. Meegwetch.

Le sénateur Boisvenu : J’aimerais poser une question.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Dalphond, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Dalphond : Me reste-t-il du temps, madame la Présidente?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Il vous reste 1 minute 45 secondes.

Le sénateur Dalphond : Merci.

Le sénateur Boisvenu : Vous savez que la Cour suprême, depuis environ deux ans, a émis des directives intéressantes pour ce qui est des crimes commis contre les enfants dans le contexte des agressions sexuelles et de la violence conjugale, et a demandé aux juges d’être beaucoup plus sévères dans les sentences prononcées.

Quand vous parlez du fait que la violence conjugale fait partie du contexte social, je vous dirais que les agressions sexuelles, dans bien des cas, font partie du contexte social. Je trouve que vous avez là un argument trop facile pour évacuer la violence conjugale.

Prenez-vous en compte le fait qu’au moins 30 % des crimes à caractère sexuel sont liés à des cas de violence conjugale? N’est-ce pas là un facteur important pour faire en sorte que ce projet de loi devrait tenir compte de ces deux éléments, soit la violence conjugale et les agressions sexuelles, parce que ce sont deux éléments qui sont interreliés et qu’ils font partie du contexte social? Sinon, modifions le projet de loi pour ne tenir compte que du contexte social.

Le sénateur Dalphond : Je répondrai rapidement. Le projet de loi ne visait que les agressions sexuelles, et la Chambre des communes l’a modifié pour y ajouter le contexte social afin d’élargir la formation qui doit être donnée aux juges. En faisant cela, elle a inclus les autres dimensions de la violence interpersonnelle, y compris la violence familiale.

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-3, et plus précisément au sujet de l’amendement présenté par notre collègue le sénateur Boisvenu, qui propose que la violence familiale fasse l’objet d’une formation obligatoire pour les juges.

Tout d’abord, je tiens à remercier le sénateur Boisvenu pour l’intention qui sous-tend la présentation de cet amendement. Cher collègue, vos expériences personnelles sont à l’origine de la passion avec laquelle vous cherchez à corriger les iniquités dans le travail de la police et le système de justice.

Personnellement, comme j’ai soutenu les efforts d’une personne chère qui cherchait à quitter une relation abusive, je peux dire que je comprends votre objectif. J’applaudis votre engagement envers les femmes qui vivent des situations de violence ou qui sont à risque, ainsi que votre travail inlassable en leur faveur. Cependant, je crains que votre proposition, quoique bien intentionnée, puisse empêcher le projet de loi C-3 de devenir loi, ce qui nous ramènerait à la case départ — une chose qu’aucun d’entre nous ne souhaite. Ce faisant, je rappelle également, comme l’a fait le ministre de la Justice, que ce concept de violence familiale fait déjà partie du projet de loi C-3. C’est pourquoi je demande respectueusement à mes collègues de voter contre l’amendement.

Ce qui est proposé repose sur des intentions louables, intentions que partage le gouvernement, comme l’a exprimé le sénateur Gold durant les délibérations du comité. La question de la violence familiale devrait être au cœur de la formation de la magistrature. Cependant, l’amendement ne changerait pas, ni sur le fond ni dans la pratique, la portée du projet de loi, car celui-ci vise déjà la violence familiale.

(1600)

Le projet de loi C-3 recommande qu’il y ait une formation spécifique sur « des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et au contexte social », et l’application du « contexte social » dans le projet de loi inclut la violence conjugale et la violence familiale. Prétendre le contraire serait sous-entendre qu’il n’y a pas de lien entre la violence familiale et les « questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et au contexte social ».

En tant que législateurs, nous savons qu’il n’est pas nécessaire d’inclure une liste exhaustive de problèmes dans un texte de loi lorsqu’ils y sont manifestement couverts par des concepts plus généraux. Chers collègues, l’éducation en matière de contexte social est un concept général et, sans aucun doute, il incorpore la violence familiale.

Lors de sa comparution devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le ministre de la Justice a indiqué que la définition de « contexte social » qu’emploie le Conseil canadien de la magistrature comprend expressément « la violence familiale ».

Durant son témoignage, le ministre a déclaré ceci, et je cite :

[…] j’aimerais souligner que pendant mes remarques préparatoires, vous avez entendu une définition du contexte social. Dans cette définition, la violence familiale a été citée comme faisant partie du contexte social. Je dirais que cela fait déjà partie du travail qu’on est en train de faire en ce qui concerne la notion de contexte social.

De plus, lorsque la juge Kent, de l’Institut national de la magistrature, a comparu devant le comité, elle a précisé dans son témoignage que la violence familiale fait partie du contexte de l’agression sexuelle. La juge a expliqué qu’au-delà des séances de formation sur l’agression sexuelle qu’offre l’institut, et je cite :

[…] 21 autres séances se sont concentrées sur des questions liées aux affaires d’agressions sexuelles, telles que la violence familiale, la traite des personnes, les droits des victimes et les traitements tenant compte des traumatismes.

Elle a également précisé ceci :

Dès 1990, le Conseil canadien de la magistrature a exigé que tous les programmes de formation comportent un volet sur le contexte social, particulièrement les programmes de formation destinés aux juges nouvellement nommés, afin qu’ils soient conscients des défis auxquels sont confrontés les groupes vulnérables de la société.

Bien que je ne sois pas juriste, à titre de législatrice, je comprends que le droit canadien prévoit la nécessité de donner un sens et un effet à l’inclusion, dans un texte de loi, d’une expression générale telle que le concept de contexte social en matière d’agression sexuelle. Il s’agit du principe de la présomption de l’effet utile, lequel découle de l’adage ancien selon lequel le législateur ne parle pas pour ne rien dire.

[Traduction]

Comme le dit la Loi d’interprétation fédérale :

La règle de droit a vocation permanente [...] [et] s’applique [...] de façon que le texte produise ses effets selon son esprit, son sens et son objet.

[Français]

En l’espèce, je souhaite être claire au nom du gouvernement en incluant le contexte social au projet de loi C-3. L’intention du gouvernement est notamment d’y inclure la violence familiale et la violence conjugale.

Chers collègues, notre Chambre a le pouvoir d’amender les propositions législatives du gouvernement, mais nos amendements doivent présenter une valeur ajoutée. L’amendement proposé apporte peu de valeur ajoutée au projet de loi C-3 puisque les préoccupations du sénateur Boisvenu y sont déjà prises en compte.

De plus, un tel amendement est inapplicable dans les faits. Par respect pour le principe fondamental de l’indépendance de la magistrature, la Loi sur les juges donne au Conseil canadien de la magistrature le pouvoir d’établir des séances de formation continue, sans toutefois l’exiger. Par conséquent, même si le projet de loi était amendé pour traiter spécifiquement de la violence conjugale ou familiale — qui, je le répète, figure déjà au projet de loi C-3 —, la magistrature indépendante conserve le pouvoir de choisir la formation qu’elle offrira.

L’amendement du sénateur Boisvenu, aussi bien intentionné qu’il soit, n’aurait qu’un effet pratique et fondamental limité. La formation est déjà offerte, et la violence conjugale ou familiale est incluse en termes plus généraux dans la loi. Je crois que le projet de loi C-3 traite déjà suffisamment de la question, et je pense sincèrement qu’un amendement est inutile.

L’Institut national de la magistrature a déclaré que « le droit et […] la psychologie de la violence familiale » font déjà partie du programme de formation offert aux juges. Je ne mets pas en doute les propos de l’institut.

[Traduction]

Ce que je crains surtout, en fait, c’est qu’en modifiant inutilement le projet de loi C-3, nous en signions l’arrêt de mort. Comme l’a entendu le comité et comme je le répète ici aujourd’hui, quand l’honorable Rona Ambrose — qui a déjà dirigé l’opposition officielle et qui a présenté le projet de loi original, qui portait alors le numéro loi C-337 — nous demande, que dis-je, nous presse d’adopter le projet de loi C-3 tel quel, je crois que nous devrions l’écouter.

D’autres témoins ont eux aussi dit craindre que le projet de loi ne passe à la trappe s’il est amendé à la dernière minute. Je pense par exemple à Amy Fitzgerald, qui enseigne la criminologie à l’Université de Windsor et qui a fondé l’Animal and Interpersonal Abuse Research Group. Mme Fitzgerald souhaitait que le projet de loi exige que les juges suivent aussi une formation sur la violence familiale, mais quand on lui a demandé si le texte devait être amendé par le Sénat aussi tard dans le processus parlementaire, sa réponse était sans équivoque :

Je serai honnête : nous ne voulons pas provoquer la mort du projet de loi. Ainsi, si c’est une possibilité qui vous préoccupe, alors nous nous contenterions d’une observation sur ce que nous avons dit ici.

Pour la gouverne des sénateurs et des Canadiens qui suivent nos délibérations, j’aimerais lire deux observations tirées du rapport du comité à ce sujet. On les trouve dans la section « Violence fondée sur le sexe » :

Le comité exhorte le gouvernement du Canada à s’assurer qu’un financement adéquat est disponible pour que tous les juges suivent de la formation judiciaire au Canada sur les questions relatives à la violence fondée sur le sexe.

Puis, sous la rubrique « Violence familiale » se trouve le passage suivant :

Le comité souligne que l’Institut national de la magistrature, lors de sa comparution devant le comité, a indiqué que « la psychologie et le droit en lien avec la violence familiale et la violence entre partenaires intimes » font partie du programme de formation offert par l’Institut aux juges. La Loi sur le divorce, récemment mise à jour, comprend des dispositions qui mettent l’accent, pour la première fois, sur la violence familiale et sa définition, qui comprend « un comportement coercitif et dominant ». Pour que ces changements aient l’effet désiré, il faut que tous les juges en droit de la famille au Canada reçoivent une formation adéquate dans ce domaine. Le comité demande au gouvernement du Canada à veiller à ce qu’un financement adéquat soit disponible pour atteindre cet objectif.

Il y a aussi une observation sur l’importance de la formation judiciaire sur le lien entre les différentes formes de violence, c’est-à-dire le lien étayé par des données probantes entre la violence envers les personnes, ou violence interpersonnelle, et la violence envers les animaux, ou cruauté animale. Voici cette observation :

[...] la formation judiciaire sur le lien entre les différentes formes de violence peut contribuer à dissiper les mythes et les stéréotypes entourant le comportement des victimes. Par exemple, le comité a appris que les animaux de compagnie peuvent être utilisés pour réduire les victimes au silence, que les mauvais traitements envers un animal sont associés à un risque accru de maltraitance grave envers un partenaire intime, y compris de violence sexuelle, et que de nombreuses victimes tardent à quitter leur partenaire parce qu’elles craignent pour la sécurité de leur animal de compagnie. Ces facteurs peuvent aider à comprendre le comportement de la victime et à empêcher que la victimisation se poursuive. Pour ces raisons, le comité suggère que de la formation sur le lien entre les différentes formes de violence soit incluse dans les colloques de formation judiciaire sur le contexte social.

(1610)

Je demande au comité, honorables sénateurs, d’écouter attentivement les témoins et de prendre la décision judicieuse de faire de l’adoption du projet de loi C-3 une priorité. Ce devrait déjà être chose faite. Afin de rassurer les Canadiens et d’apporter des précisions pour ceux qui auront un jour à interpréter le projet de loi C-3, j’invite du même coup le comité à indiquer clairement ce qui suit dans ses observations : la violence familiale est comprise dans le projet de loi C-3.

Je peux aussi garantir à mes collègues que le gouvernement examinera avec beaucoup d’intérêt les observations du comité et qu’il tiendra compte de sa sagesse et de son point de vue sur ces questions.

[Français]

Le projet de loi C-3 nous est arrivé après avoir reçu l’appui unanime de l’autre endroit. Notre comité sénatorial a entendu des témoignages qui affirmaient que la question de la violence familiale et de la formation dont ont besoin les juges est traitée par le projet de loi. Sénateur Boisvenu, vos efforts et votre engagement à l’égard de la protection des victimes de violence sont louables et méritent toute notre gratitude. Il me faut croire que l’adoption du projet de loi C-3 serait considérée comme une victoire pour ces victimes au nom desquelles vous poursuivez votre combat. Je comprends parfaitement la motivation derrière ce que vous proposez, mais je vais voter contre cet amendement pour toutes les raisons que je viens de mentionner. J’incite mes honorables collègues à faire de même, afin que le projet de loi soit adopté le plus tôt possible.

Merci, meegwetch.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Gagné, il vous reste une minute et demie.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénatrice Gagné, accepteriez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Gagné : Oui.

Le sénateur Plett : Sénatrice Gagné, vous avez laissé entendre que le projet de loi risquait de ne pas être adopté si nous lui ajoutions des amendements raisonnables — pas seulement raisonnables, en fait, mais de très bons amendements. Pour un motif obscur, vous croyez que le projet de loi ne sera pas adopté. J’aimerais que vous m’expliquiez l’argument invoqué par le ministre. Il doit vous avoir dit pourquoi vous devriez voter contre cet amendement.

Il y a quelques semaines, nous avons adopté un amendement fort controversé sur l’aide au suicide portant sur la maladie mentale. C’est sans doute le projet de loi le plus controversé que nous ayons étudié dans cette enceinte depuis que nous sommes, vous et moi, au Sénat. Nous avions des échéances serrées. Pourtant, vous et le gouvernement que vous représentez avez appuyé des amendements controversés à un projet de loi controversé qui étaient loin de faire l’unanimité au Sénat ou à l’autre endroit. Votre gouvernement a appuyé un amendement qui risquait grandement d’entraîner d’autres retards.

Cependant, après que les tribunaux du Québec aient repoussé l’échéance à maintes reprises...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Plett, je suis désolée. Le temps de parole de la sénatrice Gagné est écoulé, et nous allons maintenant continuer le débat.

L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer l’amendement du sénateur Boisvenu au projet de loi C-3.

Le sénateur Boisvenu et moi-même avons appuyé le projet de loi dès le début, lorsqu’il a été proposé pour la première fois par la chef du Parti conservateur, Rona Ambrose. La formation des juges pour qu’ils comprennent mieux les agressions sexuelles et les expériences des victimes d’agressions sexuelles est non seulement nécessaire, mais aussi attendue depuis longtemps.

La proposition du sénateur Boisvenu d’inclure la violence familiale à la formation des juges est également attendue depuis longtemps. Plusieurs femmes ont témoigné en ce sens devant le Comité sénatorial des affaires juridiques. Certaines d’entre elles étaient des survivantes de maltraitance, d’autres représentaient des organisations qui aidaient les victimes de violence familiale et certaines étaient des Autochtones. Elles ont été témoins de ce qui arrive aux survivantes de la violence familiale chaque semaine dans les tribunaux ou l’ont vécu personnellement. Jean Teillet, de l’Association du Barreau autochtone, nous a dit que « la violence familiale est un enjeu très important [et] l’ajout de cet enjeu dans le projet de loi [...] serait possible et nécessaire ».

Voilà pourquoi j’ai trouvé tellement incroyable que deux sénateurs masculins, au Comité des affaires juridiques, dont l’un est le leader du gouvernement au Sénat, rejettent du revers de la main cet amendement très judicieux visant à inclure le thème de la violence familiale dans la formation donnée aux juges. Ils ont affirmé que ce n’était pas nécessaire. Pas nécessaire? Allez dire cela à Diane Tremblay et aux innombrables victimes de violence familiale qui ont vu leur conjoint violent ne recevoir qu’une simple réprimande de la part des tribunaux et des juges qui, de l’avis de Mme Tremblay, n’ont pas compris la situation. Allez dire cela aux femmes autochtones qui sont victimes de trois plus d’agressions de la part de leur conjoint que les femmes non autochtones.

Certains sénateurs ont lancé l’idée qu’il n’est pas nécessaire d’amender le projet de loi C-3 parce qu’il s’agit déjà d’un bon premier pas. Je rappelle, honorables sénateurs, que la situation exige bien davantage qu’un premier pas. Il est grand temps de faire un véritable changement. Si nous convoquons des experts pour témoigner devant le comité au sujet de projets de loi, nous devrions à tout le moins tenter de mettre en application ce qu’ils recommandent. Or, ces experts nous disent qu’il ne suffit pas d’inclure la violence familiale dans le concept général de « contexte social ». Voici ce que Me Jean Teillet, une Autochtone, a dit à ce sujet :

Je parle à titre de personne qui est représentée par ces contextes sociaux dont vous parlez. Vous parlez de moi. Il existe des colloques complets sur les peuples autochtones. Ce contexte social, c’est nous. Cela dit, selon moi, ce terme est quelque peu inapproprié.

Il est temps de nous attaquer au problème et de le faire correctement.

Certains sénateurs ont laissé entendre que toute modification du projet de loi C-3 à ce stade retarderait à nouveau le processus et rendrait l’adoption du projet de loi impossible. À cela, je réponds que la vitesse à laquelle un amendement peut être adopté dépend uniquement du gouvernement Trudeau. Comme nous l’avons vu dans le cas du projet de loi C-7, un amendement majeur et controversé a été adopté par la Chambre des communes en quelques heures, une fois que le gouvernement s’y est rallié et l’a appuyé.

Si nous adoptons l’amendement au projet de loi du gouvernement, le projet de loi serait renvoyé à la Chambre des communes à titre de message du Sénat et serait étudié au début des travaux, ce qui permettrait aux députés d’en discuter rapidement. Si le gouvernement Trudeau acceptait l’amendement, un grand nombre de députés libéraux du gouvernement minoritaire et de députés conservateurs l’appuieraient, ce qui signifie qu’il serait adopté rapidement à la Chambre des communes.

Honorables sénateurs, si nous adoptons aujourd’hui cet amendement très nécessaire et louable, il reviendrait au gouvernement Trudeau de l’adopter rapidement. Il a tenu de beaux discours sur le soutien aux femmes et il est maintenant temps de joindre le geste à la parole. Quel gouvernement véritablement féministe refuserait?

Veuillez vous joindre à moi pour appuyer cet amendement et voter « oui ». Faisons le nécessaire pour aider les femmes vulnérables et les victimes de violence familiale. Merci.

Le sénateur Plett : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de l’amendement proposé par le sénateur Boisvenu. Je veux remercier le sénateur d’avoir proposé cet amendent et remercier la sénatrice Batters du discours qu’elle a prononcé aujourd’hui.

La plupart des gens ici savent bien que j’ai quelques inquiétudes concernant ce projet de loi. Je ne partage pas entièrement les opinions exprimées par le sénateur Boisvenu et par la sénatrice Batters dans le cadre du débat au sujet du projet de loi C-3, mais je suis d’accord avec eux sur le fond. Le projet de loi à l’étude m’inquiète, comme m’ont inquiété ses précédentes moutures. Comme je l’ai dit, ce n’est pas que je n’appuie pas l’intention derrière cette initiative. Je crois que le système judiciaire doit fonctionner de façon à soutenir les victimes de violence sexuelle et à les inciter à porter plainte. Nous avons tous été choqués par les commentaires tout simplement épouvantables et clairement fondés sur des stéréotypes et sur l’ignorance des enjeux liés à une question complexe que des juges ont faits à des victimes d’agression sexuelle.

Les études ont montré l’effet effroyable que ce genre de commentaires et le processus en général ont sur la probabilité que les victimes portent plainte. C’est inacceptable.

Cependant, je crois en l’importance capitale de l’indépendance de la magistrature et je m’inquiète des répercussions que le projet de loi C-3 pourrait avoir sur cette indépendance. Lorsque le juge J. Michael MacDonald, ancien directeur exécutif du Conseil canadien de la magistrature, est venu témoigner au Comité de la justice de la Chambre des communes, il a affirmé qu’il était essentiel que la formation que les juges reçoivent demeure entièrement à la discrétion de la magistrature. Il a souligné le dangereux précédent que ce projet de loi risquerait de créer en permettant à de futurs gouvernements d’adresser des directives d’inspiration politique à la magistrature. Il a dit :

Le problème, c’est que dans 20 ans, si le gouvernement d’alors décide d’instruire les juges de recevoir une formation sur le mythe des pensionnats autochtones ou n’importe quoi d’autre qui ne partirait pas d’une bonne intention, on voudra que la magistrature riposte courageusement qu’on ne peut pas dire aux juges sur quoi ils doivent se former parce que si on leur dicte ce qu’ils doivent apprendre, on se trouve à leur dire ce qu’ils doivent penser.

(1620)

Dans le même ordre d’idées, le juge en chef Wagner de la Cour suprême du Canada a déclaré en février 2020 :

La magistrature dans son ensemble doit être libre de décider de la formation que les juges reçoivent pour leur permettre de bien faire leur travail.

L’Association du Barreau canadien, entre autres, a soulevé des préoccupations semblables lors de son témoignage au Comité sénatorial.

Bien entendu, certains témoins, comme l’Institut national de la magistrature, ne partagent pas cette préoccupation et considèrent que ce projet de loi établit un juste équilibre.

Chers collègues, pour ces raisons, je ne sais pas encore si j’appuierai ce projet de loi lors du vote final. Cependant, je considère qu’il revient au Sénat de chercher à améliorer du mieux qu’il peut tous les projets de loi dont il est saisi.

Le sénateur Boisvenu a présenté un amendement qui s’appuie sur les témoignages de victimes qui ont pu démontrer précisément comment la sensibilisation de la magistrature à des questions liées à la violence familiale pourrait prévenir des agressions violentes et sauver des vies. Ces femmes courageuses ont présenté des témoignages bouleversants et convaincants. La plupart des témoins étaient favorables à l’inclusion de cet aspect important et ont même explicitement exhorté le Sénat à apporter ce changement lors de leur témoignage.

Je trouve inquiétant d’entendre certains sénateurs dire à ces témoins que l’adoption des amendements qu’elles proposent risquerait de faire avorter le projet de loi. Il est honteux qu’ils tentent de brandir la menace d’un rejet du projet de loi et d’insinuer que ces témoins en seraient responsables pour tenter de les convaincre de retirer leur appui à cet amendement. Les personnes qui témoignent devant un comité ne sont pas là pour influer sur l’échéancier législatif, mais bien pour donner leur opinion sur un projet de loi.

J’ai trouvé cette série de questions à la fois inappropriée et trompeuse. Cet amendement, bien qu’il puisse certainement avoir des répercussions importantes, n’est pas très complexe, et son étude ne prendrait pas beaucoup de temps. Pour ceux qui appuient ce projet de loi, cet amendement va essentiellement de soi, étant donné que ce projet de loi est largement appuyé à la Chambre des communes, et je crois qu’on peut en dire autant du Sénat.

Je ne comprends pas pourquoi un amendement très simple mettrait tant en danger la survie du projet de loi. C’est encore plus difficile à comprendre quand on sait que le gouvernement et ses représentants étaient tout à fait disposés à accepter que des amendements majeurs et complexes soient apportés au projet de loi sur l’aide médicale à mourir il y a quelques semaines à peine. Comme je tentais de le faire comprendre à la sénatrice Gagné, c’était un projet de loi complexe, assorti d’un délai. Pourtant, le gouvernement y a accepté des amendements. L’adoption de l’amendement en question ne devrait pas faire perdre beaucoup de temps aux deux Chambres et ne devrait pas avoir une grande incidence sur l’échéancier.

Nous sommes le 6 mai. Nous voterons sur le projet de loi aujourd’hui. Si un amendement est apporté, le projet de loi sera renvoyé à la Chambre des communes. La semaine prochaine, elle pourra l’étudier. Cela pourrait se faire en un rien de temps, honorables collègues. La leader adjointe soutient, notamment, que le projet de loi pourrait mourir au Feuilleton parce que nous n’avons pas le temps d’examiner l’amendement proposé. Or, nous travaillons selon le calendrier fixé par le gouvernement et, si celui-ci veut prendre le temps nécessaire pour l’adopter, il le fera.

Si les sénateurs ne sont pas tenus d’envisager des moyens d’améliorer les mesures législatives et qu’on dissuade les témoins de suggérer des améliorations, que faisons-nous ici, chers collègues? À quoi ont servi les audiences du comité? Pourquoi tenons-nous des débats si nous avons comme seul rôle d’approuver aveuglément les mesures législatives du gouvernement?

J’aimerais demander au leader du gouvernement au Sénat et à la leader adjointe à quel moment ils ont reçu la directive de s’opposer à tous les amendements. Cela fait combien de temps? Ont-ils reçu cette directive avant même de savoir quels seraient les amendements? Si l’on s’en tient à leur argument, l’enjeu est tout simplement trop élevé pour risquer de faire mourir le projet de loi au Feuilleton. Mais est-ce le cas? Quelles seraient les conséquences pour les personnes qui ont survécu à une agression sexuelle? L’Institut national de la magistrature, l’entité responsable de la formation des juges, a informé le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles que, de 2014 à mars dernier, il a offert 51 séances de formation, qu’il s’agisse de formations approfondies portant uniquement sur les affaires d’agressions sexuelles ou de séances dans le cadre d’autres programmes. Il a offert 51 de ces séances au cours des six dernières années. En outre, il a offert 21 autres séances qui se portaient principalement sur des questions liées aux affaires d’agressions sexuelles, telles que la violence familiale, la traite des personnes, les droits des victimes et les traitements tenant compte des traumatismes.

Lorsque le sénateur Campbell a demandé à la juge Adèle Kent, de l’Institut national de la magistrature, ce qu’apportera le projet de loi à la formation qui est déjà offerte dans l’ensemble du Canada, elle a répondu :

Dans un sens, je dirais que la formation va continuer d’évoluer comme elle l’a fait, et dans un autre sens, je pourrais dire que le projet de loi n’apportera rien de plus sur le plan de la formation. Cependant, je dois dire que, depuis 2017, lorsque Mme Ambrose a présenté le projet de loi C-337, le dialogue entre la magistrature et le Parlement ainsi que le dialogue avec des représentants de groupes de victimes se sont révélés fort utiles.

En substance, elle affirme que rien ne changerait, mais que les conversations qu’ils ont eues à la suite de la présentation du projet de loi de Rona Ambrose, en 2017, ont été précieuses et ont contribué à faire évoluer leur formation.

Chers collègues, je ne vois pas pourquoi nous devrions nous abstenir d’amender ce projet de loi — un amendement que les victimes de violence familiale et conjugale demandent —, alors que, selon la juge Kent, ce projet de loi sera largement symbolique et ne changera rien à la formation existante en ce qui concerne les agressions sexuelles.

Il est arrivé, chers collègues, que nous adoptions des mesures législatives boiteuses parce qu’il nous fallait respecter une échéance imminente pour éviter de graves conséquences. Par exemple, bon nombre des mesures relatives à la relance prises par le gouvernement pendant la pandémie de COVID-19 étaient très imparfaites, mais nous les avons adoptées à cause des délais.

Quoi qu’il en soit, étant donné que la formation sur les agressions sexuelles se poursuivra, que le projet de loi soit adopté ou non, ces pressions n’existent tout simplement pas, dans le cas présent. Si le Parlement décide des sujets à propos desquels les juges doivent être formés, nous avons l’obligation d’élaborer un bon projet de loi pour les victimes de violence conjugale. Il n’y a aucune raison, chers collègues, pour que l’étude de cet amendement soit pénible ou qu’elle prenne beaucoup de temps. Si le gouvernement peut adopter en quelques heures un amendement donnant l’accès à l’aide médicale à mourir en cas de problème de santé mentale, il est absurde de dire qu’un projet de loi ayant reçu le soutien unanime de la Chambre des communes nécessiterait un long débat sur un amendement très simple.

Je crois qu’en appuyant cet amendement, nous remplissons notre rôle de Chambre de second examen objectif, et je voudrais féliciter le sénateur Boisvenu pour ses efforts inlassables et admirables en faveur des victimes de violence, notamment de violence familiale. Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

L’honorable David Richards : Je voudrais poser une question au sénateur Plett, si c’est possible.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Absolument. Sénateur Plett, voulez-vous répondre à une question?

Le sénateur Plett : Bien sûr, j’en serai ravi.

Le sénateur Richards : Merci, sénateur. Je crois que le projet de loi est bien intentionné, tout comme l’amendement, mais ce qui me dérange, c’est la façon de s’y prendre pour s’assurer que l’encadrement législatif n’amène pas les juges à se sentir contraints ou forcés de trouver davantage d’accusés coupables au fil du temps. C’est l’une des inquiétudes que j’ai concernant cette partie du projet de loi. Vous avez peut-être une réponse à me donner là-dessus, sénateur, ou vous pourriez peut-être me dire ce que vous en pensez.

Le sénateur Plett : Je peux vous dire, sénateur Richards, que je pense que vous auriez dû poser cette question au sénateur Boisvenu. C’est plutôt lui le spécialiste du droit.

Sénateur Richards, je crois que, comme je l’ai dit plus tôt, il y a eu des cas horribles où des juges ont tenu des propos très désobligeants, ont agi d’une certaine façon et ont dit certaines choses, mais je crois que la formation donnée depuis a déjà permis de corriger ce genre de situations.

Maintenant, cela ne veut pas dire que le projet de loi n’a pas son importance. Cependant, je conçois mal de ne pas inclure les victimes de violence conjugale dans ce projet de loi. Je ne suis pas certain que le projet de loi fera ce qu’il est censé faire. Je souscris sans conteste à son intention, mais si nous voulons adopter ce projet de loi, il faut, à mon avis, inclure les victimes de violence conjugale. J’espère que cela répond à votre question, monsieur le sénateur.

(1630)

Le sénateur Richards : Merci beaucoup, monsieur le sénateur. C’est très bien.

[Français]

L’honorable Julie Miville-Dechêne : J’ai une question à poser au sénateur Plett.

[Traduction]

Sénateur Plett, comme vous le savez, je me soucie aussi grandement des victimes de violence conjugale, mais je me demande ce que vous voulez faire au juste. Si j’ai bien compris, le Conseil de la magistrature a dit que les juges fédéraux reçoivent déjà de la formation sur la violence conjugale. Cela existe déjà. Elle n’est sans doute pas parfaite, mais de toute façon, nous n’avons pas un mot à dire sur ce qui est enseigné ou pas. Si cela se fait déjà, que la formation se donne déjà, pourquoi l’inscrire dans la loi? Voilà ma première question. Ensuite, comment pouvons-nous dire que cela changerait grandement la situation de la violence conjugale, puisque, normalement, ce sont les juges des cours provinciales qui entendent ces causes. Je ne comprends pas très bien votre argument.

Le sénateur Plett : D’abord, madame la sénatrice, pour être franc, l’amendement n’est pas de moi, mais du sénateur Boisvenu. Je l’appuie et j’encourage les autres sénateurs à faire de même.

Je ne sais pas si j’ai nécessairement une opinion au sujet de votre affirmation selon laquelle l’amendement ne changera rien étant donné que cela relève des provinces. Les juges reçoivent déjà de la formation sur les agressions sexuelles, et pourtant, le projet de loi est important, dit-on. Pourquoi est-il important si les juges reçoivent déjà ce genre de formation? Ce que je dis, c’est que, si vous voulez adopter le projet de loi, faisons au moins en sorte qu’il englobe le plus de crimes violents possible. Que le projet de loi soit adopté ou non aujourd’hui, j’espère que les juges continueront à recevoir de la formation comme c’était le cas avant.

Vous dites ne pas comprendre mon argument, alors que, moi, je ne comprends pas du tout le bien-fondé de votre question.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je dirais seulement, sénateur Plett, que la formation sur les agressions sexuelles, ce n’est pas la même chose que la formation en matière de violence conjugale et de violence familiale. Ce que l’on comprend, c’est que cette formation en matière de violence conjugale et de violence familiale existe déjà. Elle fait notamment suite à la Loi sur le divorce. Donc, en quoi serait-il nécessaire de l’inclure dans ce projet de loi, si cette formation est déjà offerte? Ce n’est pas répétitif et inutile. Peut-être que ma question n’était pas claire, mais la voilà.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Je ne pense pas que votre question ait manqué de clarté. Toutefois, je n’en ai pas vu la pertinence parce que vous dites qu’il est peut-être inutile d’inclure cette formation dans le projet de loi, étant donné qu’elle est déjà donnée. Ce que je dis, c’est qu’une formation sur les agressions sexuelles est déjà donnée, et pourtant, les gens veulent que nous adoptions le projet de loi C-3. Mon raisonnement est que, si nous comptons adopter le projet de loi C-3, nous devrions adopter également cet amendement. Je vous l’ai dit au début, je ne sais pas si j’appuierai ou non le projet de loi C-3, mais je voterai pour l’amendement.

Une voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Plett, souhaitez-vous répondre à une autre question?

Le sénateur Plett : Oui.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Sénateur Plett, je crois comprendre que vous dites que le projet de loi est inutile, mais que l’amendement est indispensable. Est-ce bien ce que vous dites?

Le sénateur Plett : Sénateur Dalphond, on m’a accusé de beaucoup de choses, mais ne pas être clair n’en est pas une. Je pense que vous avez parfaitement compris ce que j’ai dit. J’ai dit que si le projet de loi est nécessaire, alors faisons en sorte qu’il soit aussi inclusif que possible. C’est ce que j’ai dit et c’est ce que je défends, et vous le savez.

Le sénateur Harder : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Une voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l’emportent.

Je vois deux sénateurs se lever.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous procéderons à un vote par appel nominal.

L’agente de liaison du gouvernement et la whip de l’opposition se sont entendues sur la durée du vote, qui sera d’une heure. Le vote aura lieu à 17 h 36. Convoquez les sénateurs.

(1730)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : l’honorable sénateur Boisvenu, avec l’appui de l’honorable sénateur Plett, propose que le projet C-3 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié... puis-je me dispenser de lire l’amendement?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Merci.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Je veux entendre l’amendement.

Son Honneur le Président : Le sénateur Patterson souhaite entendre l’amendement :

Que le projet de loi C-3 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié :

a) au préambule, à la page 1, par substitution, à la ligne 23, de ce qui suit :

« tif aux agressions sexuelles, à la violence familiale et au contexte social; »;

b) à l’article 1, à la page 2, par substitution, à la ligne 21, de ce qui suit :

« agressions sexuelles, à la violence familiale et au contexte social, lequel com- »;

c) à l’article 2 :

(i) à la page 2, par substitution, à la ligne 29, de ce qui suit :

« sexuelles, à la violence familiale et au contexte social, lequel comprend le ra- »,

(ii) à la page 3, par adjonction, après la ligne 13, de ce qui suit :

« (4) Le Conseil devrait veiller à ce que les colloques portant sur des questions liées à la violence familiale organisés au titre de l’alinéa (2)b) soient élaborés après consultation des personnes, groupes ou organismes qu’il estime indiqués, tels que les personnes ayant survécu à la violence familiale ainsi que les personnes, les groupes et les organismes qui les appuient, notamment les dirigeants autochtones et les représentants des communautés autochtones. »;

d) à l’article 3, à la page 3, par substitution, à la ligne 20, de ce qui suit :

« sexuelles, à la violence familiale et au contexte social, lequel comprend le ra- ».

La motion d’amendement de l’honorable sénateur Boisvenu, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Anderson McCallum
Ataullahjan Mockler
Batters Moodie
Bernard Ngo
Boisvenu Oh
Carignan Pate
Deacon (Ontario) Patterson
Duffy Plett
Griffin Ravalia
Housakos Richards
Kutcher Seidman
Lankin Smith
MacDonald Stewart Olsen
Manning Wallin
Martin Wells
Massicotte Wetston—32

CONTRE
Les honorables sénateurs

Bellemare Francis
Black (Ontario) Gagné
Boehm Gold
Boniface Greene
Bovey Harder
Boyer Hartling
Brazeau Jaffer
Busson Klyne
Campbell LaBoucane-Benson
Christmas Loffreda
Cordy Lovelace Nicholas
Cormier Marwah
Coyle Mégie
Dagenais Mercer
Dalphond Miville-Dechêne
Dasko Munson
Dawson Omidvar
Deacon (Nouvelle-Écosse) Petitclerc
Dean Simons
Duncan Tannas
Forest White
Forest-Niesing Woo—44

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Black (Alberta) Moncion
Dupuis Saint-Germain—5
Galvez

(1750)

Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénatrice Gagné, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Débat

L’honorable Peter Harder propose que le projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada et apportant des modifications corrélative et connexes à d’autres lois, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole à distance aujourd’hui pour débattre du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada et apportant des modifications corrélative et connexes à d’autres lois. Le projet de loi vise à mettre à jour la Loi sur le Parlement du Canada afin de mieux tenir compte de la nouvelle réalité au Sénat.

Un peu plus de cinq ans se sont écoulés depuis mon arrivée au Sénat. Au cours de cet intervalle, le Sénat s’est transformé de l’intérieur à bien des égards. Je ne sais pas ce à quoi s’attendaient les sénateurs de la cuvée de 2016 lorsqu’ils ont prêté serment ce premier jour. Personnellement, il m’était intimidant de savoir que nous nous aventurions en territoire inconnu.

De nouveaux sénateurs qui n’avaient pas l’avantage de pouvoir obtenir du soutien et des instructions d’un parti établi se sont réunis. Ils souhaitaient discuter des problèmes, échanger des idées, se familiariser avec les exigences du Sénat et apprendre les règles, les procédures et les activités de l’institution, qui sont parfois obscures et difficiles à comprendre. Les nouveaux sénateurs ne pouvaient pas fonctionner efficacement en cloisonnements individuels. Étant donné que de plus en plus de collègues ont été nommés, ils se sont regroupés pour se soutenir mutuellement et se sont ensuite organisés en groupes aux vues similaires, ce qui représente une évolution naturelle.

Alors que nous tentions de nous y retrouver et de faire de notre mieux pour remplir nos rôles constitutionnels, nous étions aussi en train d’imprimer notre marque sur l’institution et de la faire avancer. C’est ainsi qu’a commencé le parcours jusqu’à aujourd’hui.

Je dois admettre qu’au cours des cinq dernières années, tous les sénateurs ont reconnu que les choses changeaient et ont agi en conséquence, parfois à contrecœur, mais toujours avec respect. Tous les sénateurs, même ceux qui préféraient la division traditionnelle en deux partis, étaient prêts à adapter les règles et la procédure rigoureuses du Sénat pour arriver à une façon de faire plus moderne.

Le principe fondamental selon lequel tous les sénateurs sont égaux a mené à un examen réfléchi et à une modification des règles, afin que nos nouveaux collègues disposent de sièges dans les comités et que les divers caucus et groupes qui sont apparus au Sénat soient tous traités équitablement. Le projet de loi S-4, une mesure déjà attendue, viendrait formaliser dans la loi des pratiques déjà instaurées par le Sénat et des changements entrepris par le gouvernement et déjà traités, bien qu’il ne soit pas nécessaire de les inscrire dans la loi.

Je suis ravi de présenter ce projet de loi au nom du gouvernement. Il s’agit selon moi d’une étape importante de l’engagement visant à bâtir un Sénat moins partisan et plus indépendant, transparent et responsable.

Depuis 2016, le processus du Comité consultatif indépendant sur les nominations a servi à nommer 52 sénateurs. Il y a actuellement 14 sièges vacants. La principale conséquence de cette réforme, c’est que trois groupes de sénateurs qui ne sont affiliés à aucun parti se sont formés au Sénat : le Groupe des sénateurs indépendants, le Groupe des sénateurs canadiens et le Groupe progressiste du Sénat.

À mesure que ces groupes voyaient le jour, le Sénat a modifié ses règles internes afin de leur faire une place, de leur accorder des fonds de recherche et de leur assigner un nombre de sièges au sein des divers comités proportionnel au nombre de sénateurs qui en font partie. Cette façon de faire n’a rien de nouveau, alors l’argument qui dit que les choses doivent se faire de telle manière parce que c’est ainsi qu’elles se sont toujours faites n’a aucun poids.

L’autre endroit compte de multiples partis depuis longtemps. Le projet de loi S-4 tient compte du fait que de nombreux groupes composent désormais le Sénat et adapte la rémunération de ses dirigeants en conséquence, exactement comme le fait l’autre endroit.

Cette mesure législative permet également d’actualiser la loi afin qu’elle reflète la nature moins partisane du Sénat. Cet engagement électoral figurait dans la lettre de mandat du ministre LeBlanc en 2019 et il figurait aussi dans celle du ministre Rodriguez, qui avait pour tâche de seconder le ministre LeBlanc.

Le premier ministre a en effet promis de modifier la Loi sur le Parlement du Canada lorsqu’il a annoncé la mise sur pied du Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat, en décembre 2015. La modification de la loi est l’aboutissement du processus qui s’est entamé avec la création de ce comité. Je prends un instant pour féliciter le ministre LeBlanc, le représentant du gouvernement, le sénateur Gold, les leaders et les facilitateurs — les sénateurs Plett, Woo, Cordy et Tannas —, qui nous ont tous permis d’arriver où nous en sommes aujourd’hui.

(1800)

Avant la rédaction du projet de loi S-4, de vastes consultations ont eu lieu auprès de tous les leaders. Leurs points de vue ont été entendus, et le projet de loi dont nous débattons reflète une grande partie de ce qui a été soulevé...

Son Honneur le Président : Pardon, sénateur Harder. Je suis désolé, mais je dois vous interrompre. Comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement et aux ordres adoptés le 27 octobre et le 17 décembre 2020, je suis obligé de quitter le fauteuil jusqu’à 19 heures, à moins que le Sénat ne consente à ce que la séance se poursuive. Si vous voulez suspendre la séance, veuillez dire « suspendre ».

Le sénateur Plett : Suspendre.

Une voix : Suspendre.

Son Honneur le Président : C’était presque le cas. J’ai entendu un « suspendre ». Sénateur Harder, vous disposerez donc du reste de votre temps de parole lorsque nous reprendrons les travaux. La séance est suspendue jusqu’à 19 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(1900)

[Français]

La sanction royale

Son Honneur le Président informe le Sénat qu’il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 6 mai 2021

Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de vous aviser que le très honorable Richard Wagner, administrateur du gouvernement du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l’annexe de la présente lettre le 6 mai 2021 à 18 h 27.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma haute considération.

Le secrétaire du gouverneur général,

Ian McCowan

L’honorable

Le Président du Sénat

Ottawa

Projets de loi ayant reçu la sanction royale le jeudi 6 mai 2021 :

Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique déposé au Parlement le 30 novembre 2020 et mettant en œuvre d’autres mesures (projet de loi C-14, chapitre 7, 2021)

Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel (projet de loi C-3, chapitre 8, 2021)

[Traduction]

L’ajournement

Adoption de la motion

Consentement ayant été accordé de passer aux affaires du gouvernement, motions, article no 50 :

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 5 mai 2021, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 25 mai 2021, à 14 heures.

Honorables sénateurs, je demande le consentement du Sénat pour que la motion no 50 sous la rubrique « Affaires du gouvernement » soit présentée maintenant et, si le consentement est accordé, je propose l’adoption de la motion.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Harder, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Gold, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada et apportant des modifications corrélative et connexes à d’autres lois.

L’honorable Peter Harder : Honorables sénateurs, j’aimerais vous rappeler qu’avant la rédaction du projet de loi S-4, des consultations intensives ont été tenues auprès de tous les leaders. Les points de vue ont été entendus, et le projet de loi dont nous sommes saisis reflète en grande partie ce qui a été exprimé. Le gouvernement a reconnu qu’il avait la responsabilité de consulter ceux qui seraient le plus touchés par une quelconque modification de la loi. Le projet de loi vise à faire en sorte que la Loi sur le Parlement du Canada, qui régit les principaux aspects du fonctionnement du Sénat, autorise l’organisation actuelle du Sénat. Le projet de loi S-4 étend la reconnaissance officielle aux nouveaux groupes qui se sont formés. Il précise les rôles dans la gouvernance du Sénat et le processus de nomination à certains postes au Parlement. Il prévoit le versement d’une indemnité aux leaders des groupes qui est proportionnelle au nombre de sièges occupés par le groupe au Sénat.

Les modifications apportées à la Loi sur le Parlement du Canada et à d’autres lois misent sur ces mesures et sont essentielles pour refléter la réalité du fonctionnement actuel du Sénat.

Premièrement, le projet de loi S-4 ferait en sorte que le plus gros groupe — à part celui du gouvernement et de l’opposition — recevrait des indemnités équivalentes à celles de l’opposition. Les deux groupes suivants dans l’ordre selon la taille recevraient des indemnités équivalant à environ la moitié de celles de l’opposition. Les nouvelles indemnités entreraient en vigueur le 1er juillet 2022 et aideraient les partis ou les groupes reconnus à assumer leur rôle consistant à donner leur avis lors des seconds examens objectifs.

Deuxièmement, le projet de loi modifie la Loi sur le Parlement du Canada et apporte des modifications corrélative et connexes à d’autres lois qui autorisent le leader ou facilitateur de chacun des autres partis ou groupes parlementaires reconnus au Sénat à apporter des changements à la composition du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration. De plus, tous les leaders doivent être consultés au sujet des nominations des hauts fonctionnaires et agents du Parlement suivants : le conseiller sénatorial en éthique, le vérificateur général, le commissaire au lobbying, le commissaire aux langues officielles, le commissaire à l’intégrité du secteur public, le commissaire à la protection de la vie privée, le commissaire à l’information et le directeur parlementaire du budget.

Tous les leaders devront être consultés au sujet des nominations des sénateurs au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Les nominations de ces hauts fonctionnaires et agents du Parlement sont essentielles pour le bon fonctionnement du gouvernement et, par extrapolation, du pays. Je dois ajouter que le premier ministre a consulté, autant durant la législature actuelle que lors de la précédente, tous les leaders au sujet de ces nominations, même si ce n’était pas prévu par la loi.

Troisièmement, le projet de loi S-4 apporterait des modifications à la Loi sur les mesures d’urgence pour qu’au moins un sénateur de chaque parti siège au comité parlementaire formé en vertu de la loi.

À l’heure actuelle, la Loi sur les mesures d’urgence exige qu’un comité d’examen parlementaire mixte de la Chambre et du Sénat soit mis sur pied pour examiner la façon dont le gouvernement a exercé ses pouvoirs après avoir déclaré une situation de crise. Selon la loi actuelle, le comité doit comprendre au moins un député de chaque parti reconnu à la Chambre des communes et au moins un sénateur de chaque parti représenté au Sénat. En reconnaissant officiellement le Groupe des sénateurs indépendants, le Groupe progressiste du Sénat et le Groupe des sénateurs canadiens, comme le propose le projet de loi S-4, on permettrait à chaque groupe d’obtenir un siège au sein de cet important comité d’examen, le cas échéant.

Enfin, le projet de loi S-4 permettra d’ajouter les titres de représentant du gouvernement au Sénat, de coordonnateur législatif auprès du représentant du gouvernement au Sénat et d’agent de liaison du gouvernement, selon les besoins, pour refléter la structure actuelle du bureau du représentant du gouvernement.

Le projet de loi S-4 prévoit également des indemnités pour cinq postes occupés par les représentants du gouvernement au Sénat et cinq postes occupés par l’opposition, ainsi que pour quatre postes occupés par les représentants de chacun des trois autres partis ou groupes qui comptent le plus grand nombre de sénateurs.

Le Sénat est depuis toujours le produit de la Confédération. La Chambre haute de notre système bicaméral est un pilier de notre démocratie parlementaire. Elle joue un rôle important dans l’étude des mesures législatives et la représentation des régions et des minorités. Le Sénat est maître de ses affaires, et c’est ce qui lui a permis d’adapter ses règles selon l’évolution de ses besoins. Cependant, il ne s’agissait que de solutions ponctuelles temporaires qui ne tenaient évidemment pas compte d’un principe juridique établi depuis longtemps. Le gouvernement a déterminé, à juste titre, que les mesures proposées dans le projet de loi S-4 devaient venir du Sénat. Puisqu’elles portent sur le cadre institutionnel et les processus organisationnels du Sénat, ce sont les premiers concernés qui devraient en discuter et en débattre en premier. En raison de la convention de longue date qui interdit au Sénat de dépenser des fonds publics, le projet de loi S-4 contient une disposition de non-affectation de crédits qui permettrait à ce projet de loi d’entrer en vigueur seulement une fois que les crédits ont été affectés par le Parlement, ce qui explique que nous devions adopter ce projet de loi pour ensuite le renvoyer à l’autre endroit, afin de permettre à la Chambre appropriée de présenter le projet de loi nécessaire pour finaliser les changements.

(1910)

Pour ceux qui remettraient en question la capacité d’un projet de loi du Sénat de prévoir la dépense de fonds, l’article 17 du projet de loi S-4 définit le mécanisme approprié :

17 (1) Sous réserve du paragraphe (2), la présente loi entre en vigueur à la date fixée par décret.

(2) Le décret visé au paragraphe (1) ne peut être pris que si, d’une part, le gouverneur général a recommandé l’affectation de crédits pour l’application de la présente loi et, d’autre part, le Parlement a affecté ces crédits.

Le 24 février 2009, le Président Kinsella a défini les grands principes régissant les projets de loi ayant des répercussions financières :

On ne peut certes pas affirmer que tous les projets de loi qui ont des répercussions financières quelconques requièrent nécessairement une recommandation royale. Lorsqu’il est confronté à ces questions, le Président doit examiner le texte même du projet de loi [...] Dans ces situations, le Président cherche à ne pas interpréter des questions constitutionnelles ou des questions de droit.

Le sénateur qui invoque le Règlement doit exposer ses motifs, expliquant au Sénat pourquoi la recommandation royale est nécessaire en prenant soin d’indiquer exactement ce qui, dans le libellé soumis au Sénat, donne lieu à ce rappel, et non en justifiant le rappel par des décisions qui pourraient ou non être prises à un moment donné après l’adoption du projet de loi [...]

Lorsque la situation est ambiguë, certains Présidents du Sénat ont préféré supposer que la question était recevable, à moins d’indication contraire ou jusqu’à preuve du contraire. Ce parti pris en faveur du débat, sauf lorsque la question est clairement irrecevable, est essentiel au maintien du rôle du Sénat en tant que chambre de discussion et de réflexion.

En outre, l’ouvrage La procédure du Sénat en pratique explique ce qui suit à la page 155 :

[...] certains Présidents ont déterminé dans leurs décisions qu’un projet de loi nécessitant normalement une recommandation royale demeure recevable si une disposition de ce projet de loi précise clairement que la loi n’entrera en vigueur que lorsque le Parlement aura attribué les fonds nécessaires.

C’est ce que l’article 17 de ce projet de loi permet.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-4 est une mesure législative respectueuse. Il vise à assurer le traitement égal de tous les leaders et renforce l’équité accordée à tous les groupes en matière de consultation, notion qui existe déjà en pratique, mais n’est pas concrétisée par la loi. Il reconnaît aussi la nomenclature que les groupes ont choisi d’utiliser. Étant donné que le Sénat a évolué au cours des dernières années, on peut considérer que le projet de loi S-4 reflète cette évolution. Il n’a pas besoin d’être révolutionnaire pour répondre à nos besoins.

Il aura fallu deux législatures pour proposer des modifications à la Loi sur le Parlement du Canada et pour donner force de loi à de nombreux changements que nous avons nous-mêmes apportés. Le projet de loi S-4 reflète les arrangements que nous avons déjà conclus. Le gouvernement n’impose pas des modifications dans le cadre de ce projet de loi. Le projet de loi est permissif, et non prescriptif, ce qui est conforme à la façon dont nous menons la majorité de nos travaux.

D’ailleurs, notre étude aujourd’hui du projet de loi S-4 n’aurait pas été possible sans une entente entre le représentant du gouvernement et le ministre. Je peux le confirmer personnellement. Le fait que le premier ministre a autorisé l’envoi d’une copie confidentielle du projet de loi à tous les groupes afin que leurs membres puissent réfléchir à son contenu montre que le gouvernement, aux plus hauts échelons, tient à ce que le fonctionnement du Sénat soit multilatéral et moins partisan.

Honorables sénateurs, je demande que le projet de loi S-4 soit étudié promptement. Le Sénat a commencé à demander de tels changements à la loi il y a plusieurs années. C’est dans l’intérêt de tous les sénateurs de faire avancer ce projet de loi pour qu’il puisse être renvoyé à l’autre endroit aussitôt que possible. Nous ne devons pas rater cette occasion.

Certains diront que le projet de loi S-4 ne va pas assez loin. Je ne suis pas d’accord. Il reflète respectueusement le Sénat tel qu’il existe aujourd’hui. À l’heure actuelle, les leaders et les facilitateurs de certains groupes parlementaires ont un statut ambigu, voire aucun statut lorsque vient le temps de fournir des commentaires ou des conseils à propos des nominations gouvernementales, ils n’ont pas le pouvoir législatif pour modifier la composition des comités les plus influents du Sénat et ils doivent compter sur la bienveillance de collègues « reconnus » pour financer et gérer leur groupe et leur personnel de recherche sans allocations. Il faut que cela change, et c’est ce que fera le projet de loi.

Le projet de loi S-4 ne vise aucunement à mettre fin à la réforme et à la modernisation du Sénat. Toutefois, il vise à légiférer les modifications que nous avons nous-mêmes élaborées et mises en pratique. Il reflète le Sénat tel qu’il existe aujourd’hui, et non comme on souhaiterait qu’il soit dans l’avenir. Nous n’allons nulle part et nous aurons la chance de poursuivre la modernisation du Sénat, étant donné que la Loi sur le Parlement du Canada ne sera plus un obstacle à la réforme institutionnelle.

Je soumets ce projet de loi à votre attention. Merci.

Son Honneur le Président : Sénateur Harder, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Harder : Certainement.

Son Honneur le Président : Sénatrice Batters, souhaitez-vous poser une question?

L’honorable Denise Batters : Oui.

Sénateur Harder, nous nous rencontrons de nouveau. J’ai examiné le projet de loi S-4 et il ne semble conférer à l’opposition ou au leader de l’opposition aucun pouvoir supplémentaire comparativement à la Loi sur le Parlement du Canada en vigueur.

Plutôt, à ce que je peux comprendre, le projet de loi S-4, dans ses quelques mentions de l’opposition, confère les mêmes pouvoirs à trois groupes parlementaires supplémentaires non définis. Par conséquent, il semble diluer les pouvoirs clés de l’opposition et l’important rôle historique de cette dernière en faisant en sorte que l’opposition ne soit plus qu’un groupe parmi d’autres au Sénat.

Sénateur Harder, le projet de loi S-4 prévoit-il le moindre pouvoir de l’opposition qui ne soit pas déjà conféré par la Loi sur le Parlement du Canada en vigueur ou comporte-t-il la moindre mention de l’opposition qui soit nouvelle?

Le sénateur Harder : Madame la sénatrice, merci de votre question. Vous me rendez presque nostalgique en me rappelant la période des questions de l’époque où j’étais représentant du gouvernement. Je dirai que le projet de loi vise à refléter l’évolution du Sénat. Il ne modifie pas le rôle et la fonction de l’opposition ni ne circonscrit son rôle, ses attributions et ses compétences. En ce qui a trait à la nomination de mandataires du Parlement, le projet de loi reflète la pratique du gouvernement, tant à la législature précédente qu’à l’actuelle.

La sénatrice Batters : Sénateur Harder, l’une des principales caractéristiques du projet de loi S-4, tel que vous l’avez décrit, est l’enchâssement d’une toute nouvelle nomenclature dans la Loi sur le Parlement du Canada. Des termes comme « leader du gouvernement », « leader de l’opposition » et « whip » existent au Sénat et dans de nombreux autres systèmes et instances parlementaires depuis des décennies, voire des siècles.

Toutefois, ce qui est fondamentalement nouveau, historiquement parlant, c’est la terminologie employée dans le projet de loi S-4; on y voit des termes comme « facilitateur », « agent de liaison » et « représentant du gouvernement », entre autres. En fait, les termes en question n’ont été utilisés pour la première fois par certains sénateurs qu’il y a quelques années, depuis que le gouvernement Trudeau est au pouvoir.

Sénateur Harder, je remarque qu’aucun des nouveaux termes n’est défini dans le projet de loi S-4. Ainsi, si le projet de loi est adopté, la Loi sur le Parlement du Canada ne comprendra pas de définitions pour ceux-ci. Aux termes du projet de loi S-4, les personnes qui occupent ces postes non définis recevront des sommes importantes de l’argent des contribuables pour une durée indéterminée.

Sénateur Harder, pourquoi les termes en question ne sont-ils pas définis? Que pensez-vous que le gouvernement devrait faire pour corriger la situation?

Le sénateur Harder : Je vous remercie de votre question, sénateur. Je crois que le gouvernement ne doit pas intervenir dans les pratiques du Sénat, sous aucun prétexte. Ce projet de loi permet une certaine souplesse pour pouvoir utiliser les titres qui correspondent aux préférences des divers groupes. Il n’impose pas ces modifications, mais ne fait que les permettre. Sénateur, je pense que vous constaterez que les pratiques et l’expérience des deux dernières législatures seront pérennisées, et nous savons tous quels rôles chacun y jouait. En outre, il faut bien reconnaître que la Loi sur le Parlement du Canada n’a jamais défini les rôles se rattachant aux titres qui étaient employés.

(1920)

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, je ne m’attendais pas à être le prochain, mais je suis prêt à prendre la parole. J’aimerais tout d’abord remercier le sénateur Harder d’avoir parrainé ce projet de loi et le bureau du représentant du gouvernement de lui avoir donné le jour. Je remercie également les autres leaders, qui nous feront part de leurs réflexions — que je souhaite pondérées — et qui, espérons-le, donneront leur appui au projet de loi. C’est sans oublier le ministre LeBlanc, que je remercie d’avoir saisi la balle au bond au nom du gouvernement.

Pour faire écho aux propos du sénateur Harder, je joins ma voix à la sienne et à celle des autres sénateurs qui ont pris la parole ce soir et j’offre mon appui et celui du Groupe des sénateurs indépendants au projet de loi. J’improvise quelque peu, mais c’est en partie parce que j’estime nécessaire de faire comme le sénateur Harder nous a demandé de faire, c’est-à-dire appuyer le projet de loi et insister sur l’urgence de la situation : le Sénat doit adopter rapidement ce projet de loi afin qu’il puisse être étudié ensuite par la Chambre.

Comme le sénateur Harder, j’estime moi aussi que ce texte est le reflet d’une évolution et non d’une révolution. C’est d’ailleurs la norme ici au Sénat, car chaque fois qu’il y a eu des changements, il s’est toujours agi non pas d’une révolution, mais simplement d’une évolution, et nous devrions en être fiers. Nous ne sommes pas du genre à tout mettre sens dessus dessous pour une question de mode et de tendance ou parce qu’une poignée de sénateurs en a le caprice. Nous avons toujours tâché de regarder vers l’avant et d’être progressistes, sans pour autant renier les traditions et l’histoire de notre institution.

Il se peut bien que cette étape de l’évolution du Sénat passe aux annales comme l’une des réformes sénatoriales les plus importantes dans notre longue histoire.

Je dis cela parce que, pour faire écho au sénateur Harder, le projet de loi S-4 ajoute des éléments, mais n’en enlève pas. Il permet, mais ne prescrit pas. Il inscrit dans la loi la réalité du Sénat que nous connaissons déjà, dans la mesure où il existe des groupes non affiliés, en plus du gouvernement et de l’opposition. À bien des égards, le projet de loi S-4 est simplement une mise à jour conforme à la nouvelle réalité du Sénat.

Toutefois, le projet de loi ne fait pas simplement écho à ce qui se passe déjà dans cette institution. Il permet les activités qui devraient avoir lieu au Sénat, mais qui sont impossibles tant qu’une loi n’a pas adoptée. J’insiste sur ce point parce qu’il y a d’autres choses que le Sénat peut faire lui-même en modifiant ses propres règles; toutefois, les mesures dont nous sommes saisis aujourd’hui se limitent à ce que le gouvernement peut changer au moyen de la Loi sur le Parlement du Canada et elles nous sont maintenant présentées sous la forme du projet de loi S-4.

Lorsque je précise que le projet de loi ajoute des éléments, mais n’en enlève pas, et qu’il permet, mais ne prescrit pas, je veux dire qu’il respecte non seulement la réalité actuelle du Sénat, mais aussi ses traditions et ses pratiques.

Certains d’entre vous ont peut-être une vision particulière de ce que pourrait comprendre une future réforme du Sénat, mais le projet de loi est agnostique à ce sujet. Il permet une variété de directions et de permutations puisque le Sénat peut continuer d’évoluer. Il ne nous enferme pas dans une case particulière, mais il reconnaît la réalité actuelle et instaure un certain niveau d’égalité et d’équité, en tenant compte de la réalité des multiples groupes reconnus au Sénat.

Chers collègues, je souhaite, pour donner l’exemple, m’en tenir à une brève intervention sur le sujet à l’étude et encourager tout le monde à faire avancer ce projet de loi rapidement, pour que nous puissions l’envoyer à la Chambre des communes — il a commencé ici —, en signalant clairement à la Chambre que le Sénat l’appuie vigoureusement. Après être né ici, y avoir été élevé et cultivé, il sera envoyé affectueusement à nos collègues de la Chambre des communes, qui seront conscients de recevoir un projet de loi qui a tout notre appui et pour lequel nous espérons aussi leur appui afin de pouvoir devenir réellement la Chambre complémentaire et moderne de second examen objectif du Parlement du Canada. Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je suis heureuse de participer aux débats d’aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-4, qui modifierait la Loi sur le Parlement du Canada. Je crois que ce projet de loi reflète mieux la situation actuelle ici, au Sénat du Canada. Je tiens à remercier le sénateur Harder qui a donné un excellent aperçu de la mesure législative à l’étude.

Sénateur Harder, je dois dire que vous n’avez rien perdu de votre habileté à répondre aux questions.

Je voudrais aussi remercier le ministre LeBlanc d’avoir présenté ce projet de loi et d’avoir consulté tous les leaders avant de le déposer.

Honorables sénateurs, le Sénat envisage une partie de ces changements depuis longtemps; en fait, depuis 20 ans. En 2001, le Comité du Règlement, présidé par l’ancien sénateur Jack Austin, a recommandé que le Sénat modifie ses règles pour tenir compte de l’existence de partis reconnus ne faisant partie, ni du gouvernement ni de l’opposition. Ce changement a été apporté en 2002 : les partis reconnus ont inclus ceux qui étaient enregistrés conformément à la Loi électorale du Canada et qui comptaient au moins cinq membres. Comme nous le savons, les partis reconnus doivent maintenant compter neuf membres.

À l’époque, le Comité du Règlement a aussi recommandé que la Loi sur le Parlement du Canada soit modifiée pour refléter ce changement en prévoyant des indemnités supplémentaires pour le leader, le leader adjoint et le whip de tous les partis reconnus, comme c’est le cas à la Chambre des communes.

Comme nous le savons, la recommandation du Comité du Règlement n’a par la suite jamais été mise en œuvre par les gouvernements qui se sont succédé. Le Sénat a donc fait tout ce qu’il pouvait pour assurer l’égalité entre les partis et les groupes. La première fois que la modification apportée au Règlement en 2001 a été appliquée fut en 2015, avec les anciens libéraux indépendants du Sénat, qui ne faisaient partie ni de l’opposition ni du gouvernement après les élections, mais qui ont tout de même été reconnus comme parti tiers aux termes du Règlement du Sénat.

Peu de temps après, le leader du gouvernement à la Chambre des communes a communiqué avec notre ancien collègue, le sénateur Jim Cowan, pour lui proposer ceci : si des modifications à la Loi sur le Parlement du Canada devaient s’avérer nécessaires, il serait heureux de collaborer avec lui à titre de ministre responsable de cette loi.

Dans sa réponse, le sénateur Cowan avait porté à l’attention du ministre le rapport de 2001 du Comité du Règlement et la recommandation qu’il contenait et qui n’avait toujours pas été mise en œuvre. Entretemps, le Règlement du Sénat a continué d’évoluer. Il a été de nouveau modifié en 2017 afin d’inclure d’autres groupes parlementaires reconnus et de leur donner les mêmes droits procéduraux que les caucus des partis reconnus.

Comme je l’ai dit, les nombreux changements que nous avons apportés à l’institution que nous représentons n’ont pas donné lieu à des modifications à la loi, mais il est grand temps que ces modifications soient apportées. Lorsque le Comité sur la modernisation du Sénat a débuté son étude sur le traitement équitable des groupes parlementaires, le légiste et conseiller parlementaire du Sénat lui a remis une lettre d’information datée du 15 mai 2018 au sujet des différentes lois du Parlement qui devraient être modifiées pour conférer aux groupes parlementaires reconnus les mêmes droits qu’aux partis reconnus. Cette note d’information se trouve à l’annexe B du rapport de 2018 du comité intitulé Refléter la nouvelle réalité du Sénat. Je sais que l’ancien sénateur Joseph Day a fait porter cette note d’information à l’attention du gouvernement à deux reprises dans les années qui ont suivi. La note est un excellent document et offre une base solide pour les changements nécessaires.

(1930)

En fait, une grande partie du contenu de la note d’information a été repris dans le projet de loi à l’étude aujourd’hui. Celui-ci modifie la Loi sur le Parlement du Canada en vue d’offrir une indemnité annuelle supplémentaire aux sénateurs qui occupent un poste de direction, tout comme c’est le cas les députés qui occupent un poste de direction à la Chambre des communes. Le projet de loi modifie également la loi en ce qui concerne les changements à la composition du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration.

Dans la version actuelle de la loi, seuls le gouvernement et l’opposition peuvent modifier la composition de ce comité lorsque celui-ci forme une autorité intersessionnelle lors des périodes de prorogation ou de dissolution. Pour le Groupe progressiste et les autres groupes parlementaires de la Chambre, cela aurait pu causer un grave problème lors de la prorogation du Parlement l’été dernier. Je me réjouis de voir ce changement particulier.

Nous savons également que le projet de loi S-4 prévoit des consultations avec les leaders de tous les partis reconnus avant la nomination d’un haut fonctionnaire du Parlement ou d’un membre du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Indépendamment des lois actuelles, le gouvernement a mené de telles consultations au cours des dernières années. Je suis heureuse que l’on consacre dans la loi ce qui a été fait en pratique jusqu’à présent.

Comme je l’ai dit, le Sénat a déjà fait ce qui était en son pouvoir pour assurer une représentation équitable des groupes et des partis reconnus. Je crois que ce projet de loi permettra de mieux tenir compte de la situation actuelle sans retirer des droits ou des désignations établis dans les lois en vigueur.

Lors de sa comparution devant le Comité de la modernisation, le 21 novembre 2018, le sénateur Day a appelé à un « nivellement vers le haut » des pouvoirs des leaders et des facilitateurs, de la même manière que le légiste l’envisageait dans son document d’information, c’est-à-dire de manière à accorder des droits supplémentaires aux leaders des groupes et des partis parlementaires sans modifier les droits déjà établis pour les leaders du gouvernement ou de l’opposition. Cette approche, reprise dans ce projet de loi, assure un processus juste et équitable pour tout le monde.

Honorables sénateurs, les pratiques et les procédures du Sénat évoluent depuis très longtemps, et je n’ai aucun doute que cette évolution se poursuivra longtemps après notre départ de cette Chambre. D’autres sénateurs, d’autres gouvernements et d’autres structures contribueront à façonner l’avenir du Sénat. Le projet de loi S-4 est un pas dans la bonne direction, et je suis heureuse de l’appuyer. J’espère que le projet de loi S-4 sera adopté rapidement et renvoyé à la Chambre des communes. Merci, meegwetch.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, j’espérais pouvoir me lever aujourd’hui pour dire simplement « moi aussi », puis me rasseoir. Cela aurait probablement été la meilleure façon de faire avancer le projet de loi parce que, en toute franchise, les membres du caucus conservateur et moi appuyons une grande partie, voire la majorité, de ses dispositions.

Toutefois, je dois prendre quelques instants pour réfléchir au mythe véhiculé par le sénateur Harder, quand il a affirmé que le Sénat est devenu moins partisan. Je ne suis pas sûr que nous siégeons dans la même enceinte. Je croyais que c’était le cas, mais il est clair que je ne perçois pas cette assemblée de la même manière que lui en ce qui a trait à son caractère partisan. Néanmoins, je pense que nous sommes tous en mesure d’avoir des désaccords et réussir à nous entendre malgré tout.

En fait, comme les sénateurs Harder, Woo et Cordy l’ont dit, le projet de loi à l’étude découle de l’établissement d’un consensus entre les divers groupes et partis représentés au Sénat, Je suis fier d’y avoir pris part.

Je pense que le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui touche l’un des principes fondamentaux du Sénat, soit sa capacité d’établir un consensus entre divers groupes et partis. C’est de cela que j’ai parlé plus tôt aujourd’hui, lors de mon intervention pas très agréable.

Après une période de consultation, nous avons conclu une entente acceptable qui reflète la réalité actuelle. Je ne partage peut-être pas l’avis du sénateur Harder au sujet de la partisanerie, mais je conviens qu’il faut tenir compte de la réalité actuelle du Sénat tout en reconnaissant l’importance historique du rôle des représentants du gouvernement et de l’opposition.

Chers collègues, le Sénat suspend ses travaux pendant deux semaines. Il ne s’agit pas d’une interruption parce que les comités poursuivront leurs travaux et ainsi de suite. Or, nous ne serons pas ici pendant les deux prochaines semaines, et le projet de loi n’ira nulle part pendant ce temps-là. Cela dit, je m’engage à prendre la parole à ce sujet le premier jour de notre retour, soit le 25 mai. Il est évident que notre caucus ne tentera absolument pas d’entraver le cheminement du projet de loi. Je m’engage à faire tout mon possible pour le faire avancer. Cela dit, chers collègues, j’aimerais ajourner le débat pour le reste du temps de parole dont je dispose. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Plett, avec l’appui de l’honorable sénatrice Batters, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

L’honorable Terry M. Mercer : Non.

Son Honneur le Président : J’ai entendu un « non ».

Je vais le redemander. Que les sénateurs qui sont contre la motion d’ajournement du débat veuillent bien dire non.

Le sénateur Mercer : Non.

Son Honneur le Président : J’ai entendu un « non ».

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont présents dans la salle du Sénat veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont présents dans la salle du Sénat veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.

Le débat est ajourné.

(Sur la motion du sénateur Plett , le débat est ajourné avec dissidence.)

Le budget de 2021

Interpellation—Ajournement du débat

L’honorable Diane F. Griffin conformément au préavis donné par le sénateur Gold le 20 avril 2021 :

Qu’il attirera l’attention du Sénat sur le budget intitulé Budget 2021 : Une relance axée sur les emplois, la croissance et la résilience, déposé à la Chambre des communes le 19 avril 2021 par la ministre des Finances, l’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, et au Sénat le 20 avril 2021.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour porter à l’attention des sénateurs un problème dans le projet de loi d’exécution du budget qui, s’il n’est pas rectifié, précipitera une politique déficiente qui entraîne depuis sept ans une inégalité à l’Île-du-Prince-Édouard.

En 2014, l’Île-du-Prince-Édouard est passée d’une seule région économique de l’assurance-emploi à deux : une pour la capitale et une pour le reste de la province. En pratique, cela signifie que deux personnes qui travaillent l’une à côté de l’autre dans une usine de transformation du poisson ou chez un marchand de glaces pourraient être admissibles à différentes prestations d’assurance-emploi selon l’endroit où est située leur résidence.

En février 2020, par exemple, les travailleurs habitant dans la région de la capitale avaient besoin de 665 heures d’emploi assurables pour être admissibles à l’assurance-emploi, tandis que ceux qui habitaient en dehors de la région de la capitale en avaient besoin de 490.

Cette politique a une incidence disproportionnée sur les Prince-Édouardiens qui louent leur habitation. Selon les données du recensement de 2015, 51,8 % des habitations privées de Charlottetown étaient locatives, par opposition à 29,6 % des habitations de l’ensemble de l’Île-du-Prince-Édouard.

En 2015, le revenu médian après impôt et le revenu total médian des ménages de Charlottetown étaient inférieurs à ceux des ménages de l’ensemble de l’Île-du-Prince-Édouard. La politique a également une incidence disproportionnée sur les immigrants : à Charlottetown, les personnes immigrantes comptent pour 12,4 % de la population, contrairement à 6,4 % dans l’ensemble de la province.

(1940)

Ce problème a été signalé au gouvernement de nombreuses fois. En 2016, le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de l’autre endroit a publié un rapport intitulé Exploration des conséquences des récents changements à l’assurance-emploi et des moyens d’améliorer l’accès au programme.

Le rapport faisait remarquer :

Notamment la [c]ommissaire représentant les travailleurs et les travailleuses de la [Commission de l’assurance-emploi du Canada], Mary-Lou Donnelly, a expliqué que les gens ont trouvé très difficiles les changements apportés aux régions économiques en 2014, tant les habitants du Nord que ceux de l’Île-du-Prince-Édouard .

La sixième recommandation du rapport proposait :

[...] au gouvernement fédéral de reconsidérer les nouvelles régions économiques de l’assurance-emploi qui ont été créé[e]s en 2014, et de revenir au découpage précédent.

Le gouvernement n’a pas tenu compte de cette recommandation.

Le renversement de cette politique est une priorité pour les syndicats, les maires et le gouvernement de la province. En 2018, Carl Pursey, président de la fédération du travail de l’Île-du-Prince-Édouard, a déclaré au journal The Guardian :

Il faut que l’Île-du-Prince-Édouard constitue une seule région, parce qu’il s’agit ni plus ni moins d’une même zone de travail et que les gens se déplacent d’un bout à l’autre de l’île pour travailler.

Imaginez deux personnes travaillant au même endroit (en ce moment) : en fonction du lieu de résidence, l’une touchera le chômage plus longtemps que l’autre.

En 2019, le maire de Charlottetown, Philip Brown, la mairesse de Cornwall, Minerva McCourt, et le maire de Stratford, Steve Ogden, ont écrit une lettre commune pour faire part de leur souhait de voir l’Île-du-Prince-Édouard revenir à une seule zone d’assurance-emploi. Selon eux, la province est trop petite pour fonctionner avec deux zones.

En février 2020, le maire Brown s’est rendu à Ottawa pour faire du lobbying auprès du premier ministre, de la vice-première ministre, des membres du Cabinet et d’autres parlementaires concernant quatre priorités : le logement, les infrastructures, le patrimoine et une politique d’assurance-emploi plus équitable.

En janvier 2020, l’honorable Matthew MacKay, ministre de la Croissance économique, du Tourisme et de la Culture de l’Île-du-Prince-Édouard, a écrit à la ministre fédérale de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes handicapées pour lui demander « d’envisager de modifier le Règlement sur l’assurance-emploi afin que l’Île-du-Prince-Édouard redevienne une seule région économique ».

Depuis des années, ce changement est une priorité pour les représentants de la province, mais le gouvernement fédéral n’a toujours pas agi.

En août 2020, en réponse à la COVID-19, le gouvernement a fixé artificiellement le taux d’emploi minimum à 13,1 % dans toutes les zones. Cette mesure temporaire, qui assure l’équité pour tous les habitants de l’Île-du-Prince-Édouard, va bientôt prendre fin. Par conséquent, on rétablira l’iniquité entre les habitants qui vivent dans la zone de Charlottetown et ceux qui n’y vivent pas. C’est pourquoi j’ai été particulièrement déçue lorsque la loi d’exécution du budget de 2021 a établi, à l’annexe VI, Régions pour l’application des prestations pour travailleurs saisonniers, deux régions pour la province : celle de Charlottetown et celle qui englobe le reste de l’Île-du-Prince-Édouard.

Le gouvernement avait l’occasion d’assurer l’équité pour les travailleurs de l’Île-du-Prince-Édouard, mais le projet de loi C-30 ne fait rien pour l’iniquité. En fait, la situation est pire, car normalement, les zones de l’assurance-emploi sont définies par les règlements. Par conséquent, changer la politique pour les travailleurs saisonniers maintenant, si le projet de loi C-30 est adopté, nécessiterait une nouvelle loi du Parlement.

Honorables sénateurs, je comprends que la question d’une zone de l’assurance-emploi puisse sembler mineure ou insignifiante. Elle ne l’est pas. Je ne suis qu’une des quatre personnes de ma province au Sénat. Pour paraphraser l’ancien premier ministre MacLauchlan, nous sommes peut-être petits, mais nous sommes puissants. Cependant, les habitants de l’Île-du-Prince-Édouard ont besoin de l’aide de nos amis de la Confédération qui sont dans cette enceinte.

Honorables sénateurs, nous avons besoin du même appui que démontre le Sénat lorsque les grandes provinces expriment leurs préoccupations régionales. Par souci d’équité régionale, je demande au Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie d’entendre, dans le cadre de son étude préalable, des témoins de l’Île-du-Prince-Édouard lorsqu’il entreprendra son examen de la section 36 du projet de loi C-30.

Honorables sénateurs, l’Île-du-Prince-Édouard est une île et une collectivité économique, ce qui ne nécessite qu’une seule zone de l’assurance-emploi. Le budget offre une rare occasion de commencer à corriger une politique déficiente qui a des répercussions sur les personnes qui vivent à Charlottetown, le berceau de la Confédération. En modifiant la politique, le gouvernement fédéral démontrerait qu’il accorde autant d’importance à un problème qui touche la population de l’Île-du-Prince-Édouard qu’à un problème qui touche une plus grande province.

Honorables sénateurs, j’envisage de proposer une modification à la Loi d’exécution du budget pour faire de l’Île-du-Prince-Édouard une zone de l’assurance-emploi pour les travailleurs saisonniers. Toutefois, j’espère que les députés de l’Île-du-Prince-Édouard amenderont le projet de loi C-30 avant que j’aie la chance de le faire. Je vous remercie.

L’honorable Frances Lankin : Sénatrice Griffin, je vous remercie d’avoir attiré notre attention sur cette question.

Je n’étais pas au courant de la situation à l’Île-du-Prince-Édouard. Je savais bien qu’il y avait des iniquités entre les différentes zones de l’assurance-emploi, mais sans plus. Je sais que votre province dénonce la situation et réclame des changements depuis longtemps, mais je tenais aussi à vous signaler que les provinces les plus populeuses estiment aussi que la manière dont ces zones sont divisées est injuste.

Quand la disposition qui regroupe toutes les zones de l’Île-du-Prince-Édouard en une seule viendra-t-elle à échéance?

J’ai cru comprendre que le gouvernement s’apprête à revoir l’assurance-emploi de fond en comble. C’est un dossier que je suis de près. J’ai même fait partie du groupe de travail sur l’assurance-emploi du centre Mowat, qui était coprésidé de main de maître par notre collègue la sénatrice Omidvar et l’honorable Roy Romanow. Il était beaucoup question d’iniquités dans le rapport du groupe de travail.

Croyez-vous que l’examen à venir serait le bon moment pour corriger la situation dans laquelle se trouve l’Île-du-Prince-Édouard ou est-ce trop urgent pour attendre? Savez-vous s’il y a d’autres provinces qui sont dans la même situation?

La sénatrice Griffin : Il y a beaucoup d’éléments dans votre question.

Le problème, c’est qu’il s’agit d’une loi. Normalement, les zones sont traitées dans un règlement. Dans ce cas-ci, ce sera inscrit dans la loi, une situation bien différente.

Je crois, comme vous, qu’il faudrait soumettre l’ensemble du système à un bon examen. Je représente une île, et tant l’Assemblée législative provinciale que les maires des grandes régions de la capitale sont très mécontents.

(1950)

Il y a deux ans, en décembre, j’ai rencontré un prestataire de l’assurance-emploi convaincu d’avoir été traité injustement, et j’ai dû convenir qu’il avait raison. Il travaillait pour le service des travaux publics de Charlottetown et vivait à Charlottetown. Quelques semaines plus tard, j’ai assisté à ses funérailles, même si je l’avais rencontré à peine quelques semaines plus tôt, quand il avait communiqué avec moi. Depuis cette expérience, je suis fermement convaincue qu’il est absolument essentiel de corriger le système, un système qui pénalise des gens, particulièrement les immigrants et les locataires. C’est tout simplement injuste. Il est temps de rectifier la situation.

L’honorable Ratna Omidvar : J’aurais une question pour la sénatrice Griffin, si elle le veut bien.

La sénatrice Griffin : Je l’accepte volontiers.

La sénatrice Omidvar : Je vous remercie, sénatrice Griffin. Je n’étais pas au courant de cette injustice qui touche l’Île-du-Prince-Édouard. Je repense au rôle que j’ai joué dans l’étude menée par le Mowat Centre au sujet des politiques publiques. Il y a beaucoup d’inégalités à même l’examen de l’assurance-emploi. Quelle que soit l’issue de vos démarches — je suis décidément favorable aux démarches en vue de corriger les inégalités qui concernent l’Île-du-Prince-Édouard —, ne pensez-vous pas qu’il serait temps que le système, le Sénat ou peut-être la Chambre des communes examine en profondeur l’assurance-emploi?

La sénatrice Griffin : Je crois qu’il est temps, et même urgent, de le faire. Merci de cette observation.

(Sur la motion de la sénatrice Gagné, le débat est ajourné.)

Le Code criminel
La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’honorable Salma Ataullahjan propose que le projet de loi S-204, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (trafic d’organes humains), soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, j’aimerais prendre la parole très brièvement aujourd’hui en tant que marraine du projet de loi S-204, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (trafic d’organes humains). Ce projet de loi est le résultat de plus de 12 ans de travail parlementaire sur le dossier pressant du trafic d’organes.

Honorables sénateurs, le trafic d’organes est une pratique prédatrice horrible qui vise et exploite les gens pauvres et vulnérables. Cette pratique viole les principes d’équité, de justice et de respect de la dignité humaine. Soyons des chefs de file mondiaux dans la lutte contre le trafic d’organes en adoptant le projet de loi S-204 dès maintenant. Merci.

L’honorable David Richards : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer la sénatrice Ataullahjan et le projet de loi S-204. Je serai bref. Je dirai simplement que le temps est venu d’adopter ce projet de loi et je vous prie de l’appuyer.

Je pense que s’il n’y a aucune loi qui érige en infraction criminelle le trafic d’organes, que s’il n’y a aucune juridiction pour juger les gens qui sont coupables d’une telle coercition et qui s’en prennent aux plus vulnérables, nous avons abdiqué notre responsabilité envers le bien de l’humanité. Je suis conscient qu’il n’y a aucune façon de complètement éradiquer cette pratique et qu’elle est parfois difficile à déceler, mais il y a toujours moyen de lutter contre celle-ci en nous appuyant sur l’intégrité morale que Dieu nous a donnée. Je ne vais pas citer ou répéter des données statistiques. Je me contenterai de dire qu’elles sont aussi désastreuses que l’on peut s’imaginer et qu’elles heurtent la conscience de toutes les personnes intègres, hommes ou femmes.

On nous a souvent demandé de lutter contre la noirceur qui nous menace en ce monde, de continuer la lutte pour les justes causes. Au cours des quatre dernières années au Sénat, c’est ce que j’ai observé. Je pense que le projet de loi S-204 et la sénatrice Ataullahjan sont les porte-étendard de cette bataille, et je vous demande votre appui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

[Français]

La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bovey, appuyée par l’honorable sénateur Woo, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (artiste visuel officiel du Parlement).

L’honorable René Cormier : Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la troisième lecture pour exprimer mon appui au projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (artiste visuel officiel du Parlement).

Je tiens d’abord à remercier la marraine de ce projet de loi, la sénatrice Patricia Bovey, qui fait preuve d’une détermination sans faille pour que ce projet de loi soit adopté dans cette Chambre très bientôt, enfin je l’espère.

Je tiens aussi à souligner l’engagement exceptionnel de la sénatrice Bovey dans la défense des arts et des artistes au Canada depuis de nombreuses décennies. Sa contribution est remarquable et mérite toute notre admiration. Merci, madame la sénatrice.

Chers collègues, le projet de loi S-205, s’il est adopté, marquera une étape importante dans le dialogue que les parlementaires canadiens entretiennent entre eux avec l’art de façon générale. Nous avons déjà le privilège d’avoir un poète officiel au Parlement, mais il est plus que temps que d’autres artistes se joignent à nous.

Au Parlement du Canada, vous le savez, les seuls moyens de communication et d’expression officiels qui sont permis dans les enceintes que sont la Chambre des communes et le Sénat sont la parole et l’écrit. Au cœur de nos débats, les mots et les idées qui les sous-tendent sont les instruments qui nous permettent d’approfondir les projets de loi que nous devons examiner et les sujets d’intérêt dont nous devons traiter.

Or, ce flot de mots auxquels nous sommes confrontés, bien que ces mots soient essentiels et fondamentaux à nos travaux, nous submergent parfois, j’en conviens. Ils occupent souvent toutes nos pensées et notre esprit et laissent bien peu de place à l’utilisation de nos sens, qui sont aussi des atouts nous permettant d’appréhender le monde qui nous entoure, de le comprendre et de le transformer en élargissant la vision que nous en avons.

Comme le précise Valérie Gauthier, professeure associée au Département des langues et cultures à l’École des hautes études commerciales de Paris, dans une chronique publiée en 2016 et portant le titre « Le sens du monde », et je cite :

Tout d’abord l’utilisation de nos sens premiers – la vue, l’ouïe, le toucher, le goût, l’odorat – est une source incomparable de compréhension du monde. Nos sens nous permettent d’entrer en relation directe et vraie avec la nature et avec les gens. Pourvu que l’on parvienne à laisser cette relation s’installer sans que notre cerveau n’y mette quelque interprétation ou analyse pour la brouiller! Les sens nous procurent alors des sensations [...] où « les parfums, les couleurs et les sons se répondent », comme le dit Baudelaire. La sensibilité est ainsi une capacité cognitive à capter la réalité de ce qui est, des choses et des personnes telles qu’elles sont et non pas pour ce que l’on voudrait qu’elles représentent.

Mme Gauthier poursuit ainsi :

J’évoque ici l’intelligence sensible à l’origine de l’empathie, cette capacité rare d’un leader à écouter l’autre pour ce qu’il dit, et non pour ce qu’il a envie d’entendre ou de lui faire dire. Arme redoutable contre les conflits, elle engendre un respect plus grand pour l’intégrité de l’autre et de soi-même.

(2000)

L’art fait appel à toutes ces dimensions, chers collègues. Or, pour certains, l’art n’est pas d’un grand intérêt, il est considéré souvent comme une décoration ou un simple divertissement, ou pire encore, comme une échappatoire permettant de fuir la réalité. Pourtant, si l’art fait partie intégrante des civilisations humaines depuis 30 000 ans, ce n’est pas le fruit du hasard. Le rôle de l’art est beaucoup plus important que cela, et c’est sans doute pourquoi les neurosciences se sont penchées sur les réactions du cerveau quand un individu contemple une œuvre d’art. La réponse a de quoi nous étonner puisque notre cerveau sécréterait de la dopamine, l’hormone du bonheur, notamment associée à l’état amoureux. Un lien irréfutable est donc établi et confirmé par des études entre l’art et les émotions humaines. En d’autres mots, l’art nous prend souvent de court, et nous interpelle en stimulant les émotions les plus intimes et les plus profondes qui sommeillent en nous.

Selon une étude, l’art abstrait nous est particulièrement attirant puisqu’il permettrait au cerveau de se libérer de l’emprise de la réalité en lui donnant accès à certains états autrement inaccessibles et en le dotant de la capacité de créer divers assemblages émotionnels et cognitifs. Être en contact avec des œuvres d’art plus difficiles à comprendre et dont l’esthétique est plus difficile à apprécier suscite une réelle réflexion en nous. Nous ne faisons pas que contempler une œuvre d’art, nous l’examinons et l’observons, nous cherchons à la comprendre, et nous tentons même de la déchiffrer. Toutes ces actions contribuent au développement de notre capacité d’abstraction et accroissent conséquemment nos habilités de résolution de problèmes.

L’art est source de conversation et d’échange, il permet d’accroître notre sentiment d’empathie, cette faculté essentielle à notre société — tout comme à notre Parlement — puisqu’elle nécessite une écoute active et la compréhension d’autrui.

En bref, chers collègues, l’art nous apprend à écouter, à regarder, à observer, à comprendre et à imaginer. Il en est ainsi de toutes les formes d’art, y compris celles qui n’utilisent pas la parole, comme les arts visuels, la musique, la danse et les arts performatifs.

En tant que législateurs, nous sommes entourés d’œuvres d’art magnifiques dans les différents édifices du Parlement où nous travaillons. La majorité de ces œuvres sont d’une autre époque, certaines relatent des pans de l’histoire de notre pays. Or, l’arrivée d’un artiste visuel contemporain au Parlement du Canada nous incitera à porter un nouveau regard sur notre institution et influencera sûrement notre manière d’assumer notre rôle de parlementaires, car, de tout temps les œuvres d’art cherchent à transformer nos regards et nous poussent à nous indigner et à agir face aux injustices.

Voilà pourquoi je voterai en faveur de ce projet de loi et vous invite à faire de même.

J’en profite pour remercier tous les artistes canadiens qui illuminent notre monde et toutes les associations qui les soutiennent, comme l’Association des groupes en arts visuels francophones dont je respecte énormément le travail.

Enfin, honorables sénateurs, permettez-moi d’exprimer le souhait que nous puissions aussi, dans un avenir rapproché, créer un poste de compositeur officiel du Parlement, comme cela existe ailleurs, pour le bien de tous. Vous pouvez compter sur moi pour vous le rappeler dans le cadre d’un projet de loi. Si cela n’est pas suffisant, je le ferai en chantant, en dansant et en utilisant tous les sens et les moyens à ma disposition pour vous en convaincre.

Je vous remercie de votre attention.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

[Traduction]

La Loi constitutionnelle de 1867
La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

À l’appel des autres affaires, projets de loi d’intérêt public du Sénat, deuxième lecture, article no 1, par l’honorable Terry M. Mercer :

Deuxième lecture du projet de loi S-201, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur le Parlement du Canada (présidence du Sénat).

L’honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, je demande le consentement du Sénat pour que l’étude de cet article soit reportée à la prochaine séance.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est reporté à la prochaine séance du Sénat.)

[Français]

La Loi sur la procréation assistée

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Lucie Moncion propose que le projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur la procréation assistée, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je ne prendrai pas la parole sur ce projet de loi. Je vais plutôt l’ajourner pour le reste du temps de parole qui m’est alloué.

(Sur la motion de la sénatrice Moncion, le débat est ajourné.)

Projet de loi visant à changer le nom de la circonscription électorale de Châteauguay—Lacolle

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Pierre J. Dalphond propose que le projet de loi S-206, Loi visant à changer le nom de la circonscription électorale de Châteauguay—Lacolle, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, comme la sénatrice Moncion, je propose d’ajourner le débat.

(Sur la motion du sénateur Dalphond, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Projet de loi sur la Journée internationale de la langue maternelle

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l’honorable sénateur Woo, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-211, Loi instituant la Journée internationale de la langue maternelle.

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

(2010)

La Loi de l’impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l’honorable sénateur Woo, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (utilisation des ressources).

L’honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-222, Loi sur l’efficacité et la responsabilité des organismes de bienfaisance. Je remercie la sénatrice Omidvar d’avoir présenté le projet de loi. Je tenterai de ne pas trop répéter ce qu’elle a dit, car je tiens à vous faire part de mes propres réflexions. Le préambule du projet de loi montre clairement que des règles et des règlements désuets, complexes et onéreux nuisent au travail formidable que font les organismes de bienfaisance au nom des Canadiens, pas seulement au pays, mais un peu partout dans le monde.

Comme nous l’avons constaté dans le rapport du Comité spécial sur le secteur de la bienfaisance, ce n’est là qu’un des nombreux problèmes qu’il faut régler. Que feront les changements proposés dans le projet de loi pour aider le secteur? Je cite le sommaire :

[le projet de loi] modifie la Loi de l’impôt sur le revenu afin d’autoriser les organismes de bienfaisance à mettre leurs ressources à la disposition d’une personne qui n’est pas un donataire reconnu lorsqu’ils prennent des mesures raisonnables pour s’assurer que les ressources sont utilisées exclusivement à des fins de bienfaisance

Actuellement, les organismes de bienfaisance utilisent leurs ressources pour financer des projets dans le cadre de leurs activités de bienfaisance. Cependant, qu’arrive-t-il quand ils veulent financer un projet semblable de concert avec organisme qui n’a pas le statut d’organisme de bienfaisance au Canada ou dans un autre pays?

Ils peuvent le faire, mais les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu concernant la direction et le contrôle énoncent expressément le genre de contrôle que l’organisme de bienfaisance enregistré doit exercer sur le projet pour qu’il respecte l’esprit et la lettre de la loi.

Cette mesure visait, à une époque, à protéger l’argent des donateurs et l’intégrité de l’organisme de bienfaisance. Il est maintenant impossible pour de nombreux petits groupes de s’y conformer. Par conséquent, le formidable travail de bienfaisance que beaucoup d’entre eux veulent accomplir est malheureusement limité. Comme l’a souligné à juste titre la sénatrice Omidvar, le processus de partenariat est truffé de problèmes. Le rapport en témoigne en ces termes :

Selon les intervenants, exercer une direction et un contrôle dans ce genre de partenariat suppose des « ententes écrites complexes » et de « lourdes exigences en matière de déclaration », ce qui occasionne des frais d’administration « inutiles ».

Et :

De l’avis de l’Association du Barreau canadien, les lignes directrices de l’ARC sur la direction et le contrôle pourraient être assouplies sans pour autant contrevenir aux exigences légales.

La sénatrice Omidvar a passé en revue quelques exemples de la façon dont ce régime nuit aux plus petits organismes qui souhaitent aider et qui seraient soutenus par un organisme de bienfaisance plus important et reconnu.

Je me demande également pourquoi un organisme de bienfaisance qui souhaite financer un organisme de bienfaisance moins connu qui se trouve à des centaines de kilomètres — ou même à l’autre bout du monde — doit exercer le plein contrôle du projet. Qui est sur le terrain? Qui comprend les besoins d’une communauté pour déterminer où affecter les fonds? Vous l’aurez deviné, c’est l’organisme qui est moins connu.

Comment pourrions-nous faire en sorte qu’il soit plus facile pour un organisme de bienfaisance et une autre organisation d’atteindre les objectifs caritatifs qu’ils ont en commun? Adam Aptowitzer, avocat, Secteur caritatif et à but non lucratif chez Drache Aptowitzer LLP, s’est exprimé comme suit lorsqu’il a comparu devant le comité :

Je ne suis pas en faveur du critère portant sur le contrôle et la direction. Comme mes collègues l’ont dit, dans certains cas, il est ridicule de suggérer que le Canada, de par sa participation secondaire à un projet international, devrait avoir le contrôle du projet. C’est simplement impossible dans bon nombre de circonstances. C’est certainement offensant dans bien des situations, et cela ne rend pas service au Canada.

Il ajoute ensuite, à propos du contrôle et de la direction :

Le critère qui le remplace, comme j’espère que le comité le suggérera, renforce l’idée que les Canadiens doivent rendre des comptes sur les dépenses de fonds, mais montre aussi au gouvernement canadien que les fonds sont dépensés comme ils devaient l’être à l’origine.

C’est ce que le projet de loi vise à faire, je crois.

Les témoins entendus par notre comité ont proposé différentes façons d’améliorer la situation. Voici par exemple ce qu’a dit Kevin Perkins, directeur général de Radios Rurales Internationales :

À mon avis, au lieu de mettre l’accent sur la direction et le contrôle des décisions relatives aux dépenses quotidiennes ou des activités menées par les intermédiaires, nous devrions nous concentrer sur la diligence raisonnable, la surveillance et l’assurance.

Il ajoute :

Pour ce faire, il faudrait veiller, entre autres, à ce qu’il y ait un système de surveillance qui permettrait de s’assurer que le partenaire respecte ses engagements et utilise l’argent de la façon prévue. Aussi, en plus d’accorder davantage d’importance à la diligence raisonnable, il faudrait donner aux partenaires une plus grande souplesse et les laisser prendre plus de décisions par rapport aux priorités de la collectivité concernée.

Je ne saurais mieux dire, honorables sénateurs.

Certains témoins ont utilisé le modèle américain comme exemple de système axé sur la diligence raisonnable. Comme le dit la sénatrice Omidvar, même si les Américains parlent de « responsabilité des dépenses » et que son projet de loi préfère le terme « utilisation responsable des ressources », ces deux approches permettent d’exercer une surveillance, sauf qu’ils n’obligent plus les organismes de bienfaisance à garder la direction et le contrôle de tout ce qu’ils font. La mesure législative à l’étude pourrait bien résoudre le dilemme qui se pose à eux.

Si les organismes de bienfaisance prennent des « mesures raisonnables » pour s’assurer que leurs ressources sont utilisées à bon escient, tant que l’objectif général qu’ils poursuivent est respecté, ce changement législatif devrait leur permettre de prendre de l’essor et de faire ce qu’ils font le mieux, c’est-à-dire le bien, ici et ailleurs sur la planète.

Tout le monde doit rendre des comptes sur ses activités, et les services offerts demeurent dignes de confiance.

J’espère que ce projet de loi sera vite renvoyé au comité afin que les sénateurs puissent en analyser davantage les objectifs et voir s’ils pourront être atteints. Je vous invite également à lire le rapport du comité spécial.

Comme la sénatrice Omidvar et moi l’avons dit récemment dans une lettre d’opinion, les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif font partie des secteurs qui ont été le plus durement touchés par la pandémie de COVID-19. Je ne saurais dire à quel point les Canadiens ont eu besoin de l’aide des organismes de bienfaisance pendant cette crise. Leurs services seront plus que jamais nécessaires après la pandémie. Essayons de trouver des façons de les aider à faire de leur mieux et à mener leurs activités le plus efficacement possible afin que les Canadiens en tirent le maximum. Merci, honorables sénateurs.

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, je souhaite intervenir dans le débat sur le projet de loi S-222, qui vise à modifier la Loi de l’impôt sur le revenu concernant utilisation des ressources.

Je suis honorée de pouvoir vous parler aujourd’hui depuis le Mi’kma’ki, le territoire non cédé du peuple mi’kmaq.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-222 est important. Il porte sur le secteur canadien des organismes de bienfaisance. Ce secteur emploie environ 2 millions de Canadiens et génère une activité économique de 135 milliards de dollars, soit 8,1 % du PIB. À lui seul, le secteur de la coopération internationale comprend plus de 1 200 organismes de bienfaisance, emploie 14 000 Canadiens et dépense plus de 5 milliards de dollars par année.

La marraine du projet de loi, la sénatrice Omidvar, a expliqué qu’il vise à modifier le libellé de la Loi de l’impôt sur le revenu, car, actuellement, cette loi autorise seulement les organismes de bienfaisance enregistrés à consacrer leurs ressources à leurs propres activités ou à celles d’un autre organisme de bienfaisance canadien. Si, comme nous l’espérons, le projet de loi est adopté et que l’Agence du revenu du Canada conçoit le cadre réglementaire nécessaire, les organismes de bienfaisance pourront développer et adapter leurs relations financières avec des organismes sans but lucratif, des organisations partenaires internationales, des entreprises sociales, des organisations autochtones et d’autres organismes, à condition que le financement soit utilisé à des fins de bienfaisance reconnues.

(2020)

Plus précisément, aux termes du projet de loi, les fonds seraient encore utilisés à des fins de bienfaisance. Cependant, on pourrait désormais les employer de nouvelles façons, et par l’intermédiaire d’autres personnes. Cela permettrait ainsi de libérer des ressources pour atteindre les objectifs fixés et d’améliorer les relations entre les organismes partenaires.

Dans un article publié le 19 février et intitulé Making it Easier to do Good: Doing Away with the “Own Activities” Requirement, un groupe de 37 avocats travaillant régulièrement avec des organismes de bienfaisance enregistrés au Canada a fait le commentaire suivant :

Les règles actuelles sont inefficaces, excessivement complexes et déphasées par rapport à celles des autres acteurs mondiaux. Elles font perdre des occasions en rendant difficile, voire impossible, la réalisation d’œuvres de bienfaisance légitimes. En outre, elles entravent les partenariats entre organismes de bienfaisance canadiens et étrangers.

La solution de la sénatrice Omidvar, qui est décrite dans le projet de loi S-222, consiste à modifier la Loi de l’impôt sur le revenu de manière à délaisser le critère de « propres activités » et l’exigence connexe d’une « direction » et d’un « contrôle » qu’un organisme de bienfaisance canadien exerce sur un donataire en vue de mettre plutôt l’accent sur l’utilisation responsable des ressources.

Les modifications proposées par le projet de loi à la loi remplacent dans tout le texte la référence aux « activités de bienfaisance menées par [l’œuvre] » par les mots « activités de bienfaisance ». On modifie aussi un article de la loi pour élargir la définition des « activités de bienfaisance » afin de permettre aux organismes d’utiliser leurs ressources à des fins de bienfaisance en prenant des mesures raisonnables, puis on ajoute un article pour expliquer ce que signifie « mesures raisonnables ».

La Loi de l’impôt sur le revenu ne définit pas les expressions « activités de bienfaisance » ou « fins de bienfaisance ». L’Agence du revenu du Canada se sert de la définition de la common law, selon laquelle un organisme de charité est un organisme fondé pour l’une des raisons suivantes : le soulagement de la pauvreté, l’avancement de l’éducation, l’avancement de la religion et d’autres fins qui sont utiles à la communauté d’une manière qui relève de la bienfaisance aux yeux de la loi.

Comme plusieurs d’entre vous le savent, chers collègues, avant de devenir sénatrice, j’ai travaillé pendant des décennies dans le secteur sans but lucratif et dans le secteur de la bienfaisance, autant au Canada qu’à l’étranger. Il y a 41 ans, j’étais coopérante de CUSO dans des industries des régions rurales du Botswana; j’ai ensuite été conseillère en développement rural en Indonésie, par l’entremise de l’Université de Guelph; j’ai été directrice de Calmeadow, ONG canadienne qui s’occupe de microfinancement au Canada et partout dans le monde; j’ai été directrice du Coady International Institute de l’Université St. Francis Xavier; j’ai soutenu Stephen Lewis dans les premières années de sa fondation et Roméo Dallaire pour son initiative sur les enfants soldats. Plus récemment, j’ai collaboré avec des leaders haïtiens à la création du Haitian Centre for Leadership and Excellence. J’ai donc pu constater ce que la communauté de développement peut accomplir au pays et à l’international grâce à de bons partenariats.

Pour la plupart, mes remarques porteront sur ce que pourrait faire le projet de loi S-222 pour améliorer le rôle que joue le Canada en matière de coopération internationale. Cependant, je voudrais d’abord souligner rapidement certains des enjeux critiques concernant les liens entre le secteur de la bienfaisance et la communauté autochtone du Canada.

Kris Archie est directrice générale de l’organisme The Circle of Philanthropy and Aboriginal Peoples in Canada. The Circle est un réseau ouvert qui fait valoir le don, le partage et la philanthropie pour soutenir l’autonomisation des collectivités des Premières Nations, inuites et métisses ainsi que de leurs membres pour ce qui est de bâtir un avenir plus fort et plus sain.

Dans une récente allocution, Mme Archie a dénoncé la loi actuelle régissant les œuvres de bienfaisance, qu’elle dit fondée sur une perception paternaliste des Canadiens autochtones qu’elle perpétue. Non seulement la Loi de l’impôt sur le revenu lie les mains des œuvres de bienfaisance qui cherchent des moyens novateurs de faire progresser la communauté par la philanthropie, elle cause du tort en entérinant les histoires coloniales, en nuisant à l’établissement de partenariats horizontaux proposés par des communautés ou des groupes autochtones ou faisant intervenir ces derniers, en imposant des fardeaux administratifs écrasants et, surtout, en faisant manquer d’innombrables occasions essentielles pour bâtir l’autonomie, la prospérité et le bien-être.

Mme Archie a poursuivi en disant que l’obligation des œuvres de bienfaisance de conserver « la direction et le contrôle » prévue dans la Loi de l’impôt sur le revenu soulève également de graves préoccupations au sujet de l’appropriation des droits de propriété intellectuelle et culturelle des Autochtones.

On pourrait en dire beaucoup plus encore sur le sujet, mais je vais m’arrêter ici pour le moment. À mon avis, Mme Archie serait une excellente témoin à inviter lorsque le comité étudiera ce projet de loi.

Honorables collègues, le Canada est un joueur important sur la scène internationale et il s’est engagé à faire valoir fermement le développement durable et l’atteinte des objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Le préambule de l’ouvrage Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030, souligne que l’élimination de la pauvreté constitue non seulement le problème le plus important que nous ayons à résoudre, mais aussi que c’est une condition indispensable au développement durable. Il est impossible pour les gouvernements d’éliminer à eux seuls la pauvreté. Cette entreprise nécessite un réseau de partenaires qui travaillent ensemble dans le monde entier.

L’engagement à agir par l’intermédiaire de partenariats est bien enchâssé dans la politique étrangère et la stratégie de coopération internationale du Canada depuis de nombreuses années. Affaires mondiales Canada se décrit comme étant fermement résolu à faire progresser le développement durable au pays et à l’étranger. En collaboration avec un large éventail de partenaires, Affaires mondiales Canada contribue à l’élimination de la pauvreté et des inégalités et à l’édification d’un monde plus pacifique, inclusif, prospère et résilient pour tous. Le Canada s’est engagé à adopter une approche pangouvernementale et pansociétale pour mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030 au pays et à l’étranger.

De plus, la Politique d’aide internationale féministe du Canada, qui vise à atteindre les personnes les plus pauvres et les plus vulnérables, notamment en favorisant l’égalité entre les hommes et les femmes et en autonomisant les femmes et les filles, est censée souligner l’importance de la dignité humaine, défendre les droits des femmes et des filles et contribuer à l’amélioration des capacités locales en matière de durabilité.

Voilà qui est clair. Le Canada s’engage à travailler avec un large éventail de partenaires et à adopter une approche pansociétale. Il veut accroître la résilience et s’engage à améliorer les capacités locales. Les règles actuelles qui régissent le secteur caritatif canadien dans la Loi de l’impôt sur le revenu vont à l’encontre de ces engagements stratégiques.

En mai 2016, au Sommet humanitaire à Istanbul, le Canada a adhéré au Grand Bargain, une entente sans précédent visant à donner plus de moyens aux gens dans le besoin et à améliorer l’efficacité et l’efficience de l’action humanitaire. Parmi les engagements inclus dans le Grand Bargain, soulignons des mesures de soutien et des outils de financement additionnels pour les intervenants locaux et nationaux, et des efforts pour assurer la participation des gens qui reçoivent l’aide dans la prise de décisions touchant leur vie.

Pour atteindre l’objectif général du Grand Bargain, en cette période où la pandémie de COVID a des effets de plus en plus dévastateurs dans le monde, les organismes humanitaires canadiens et leurs partenaires ont besoin que l’on apporte de toute urgence le simple changement à la Loi de l’impôt sur le revenu. Comme l’a expliqué la sénatrice Omidvar, le libellé de la Loi de l’impôt sur le revenu et des lignes directrices de la politique administrative oblige les organismes de bienfaisance qui travaillent avec d’autres types d’organismes à l’étranger à leur imposer une orientation et à exercer un contrôle sur eux.

La version actuelle de la Loi de l’impôt sur le revenu exige que toutes les ressources de ce qu’elle définit comme un organisme de bienfaisance soient consacrées aux activités de bienfaisance exercées par l’organisme. Elle précise également que son statut d’organisme de bienfaisance pourrait être compromis s’il fait un cadeau à un donataire non reconnu.

En pratique, cela signifie que, pour recevoir du financement, les organismes locaux à l’étranger doivent essentiellement céder le contrôle à l’organisme caritatif canadien avec lequel ils ont établi un partenariat. Comme c’est le cas des partenariats avec les Autochtones, cette approche paternaliste et colonialiste imprègne et colore notre travail de bienfaisance à l’étranger.

Le projet de loi S-222 donne suite à la recommandation du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance, voulant que le gouvernement du Canada enjoigne à l’Agence du revenu du Canada de revoir la ligne directrice CG 002 intitulée « Les organismes de bienfaisance canadiens enregistrés qui exercent des activités à l’extérieur du Canada ».

Le libellé actuel de la Loi de l’impôt sur le revenu est contraire au concept important de prise en charge locale, ce qui, comme l’a souligné Coopération Canada, est central à toute approche efficace de développement.

Dans son témoignage, Kevin Perkins, directeur général de Radios rurales internationales, a fait la déclaration suivante :

Nous cherchons en effet d’abord et avant tout à aider nos partenaires locaux dans cet effort de développement à accroître leur efficacité et leur viabilité à long terme. En confinant ces organismes au rôle d’intermédiaires chargés de fournir des services, on risque de miner leur capacité à contribuer concrètement au développement, si bien qu’il peut devenir plus difficile de tendre vers l’autonomie, le grand objectif à long terme.

(2030)

Les organismes canadiens veulent contribuer à un monde meilleur, mais il se heurtent à un cadre réglementaire allant à l’encontre des pratiques exemplaires.

Honorables collègues, en me basant sur mes expériences au fil des ans, je comprends la frustration et, franchement, l’embarras qu’ils ressentent. Après le tremblement de terre dévastateur qui a frappé Haïti en 2010, les autres pays se sont empressés de l’aider à composer avec cette urgence humanitaire. Puis, ils ont contribué aux efforts cruciaux visant à rebâtir Haïti en mieux pour qu’il devienne plus fort et résilient à l’avenir et, comme mes collègues haïtiens le disaient, qu’il ne soit plus le cimetière d’initiatives bien intentionnées, mais coûteuses, non viables et susceptibles de le rendre dépendant d’autrui. Les organismes haïtiens sont les mieux placés pour rejoindre la population locale, répondre aux besoins locaux et saisir les occasions qui sont offertes là-bas. Le recours à un intermédiaire canadien exige davantage de ressources, risque de ne pas cerner et résoudre pleinement les problèmes et nuit au développement des capacités institutionnelles locales.

Comme Ilana Landsberg-Lewis, cofondatrice de la Fondation Stephen Lewis, l’a dit en parlant de la Loi de l’impôt sur le revenu :

Ces dispositions laissent un arrière-goût d’impérialisme colonial et constituent un legs regrettable d’un modèle de développement international désuet que le Canada aurait dû déjà abandonner. Le XXIe siècle en est un de collaboration au développement, pas de développement dicté.

Chers collègues, la communauté de développement international sait depuis longtemps qu’il existe de meilleures solutions. Il est temps de s’adapter. Le projet de loi S-222 rendra possible cette adaptation cruciale.

Les modifications positives qui seraient apportées mèneraient les organismes de charité canadiens à se partager le pouvoir plutôt qu’à le garder jalousement devant leurs partenaires internationaux. Elles favoriseraient et soutiendraient la prise en charge locale et l’accroissement des capacités en vue d’obtenir davantage de résultats et de meilleurs résultats. Elles réduiraient le fardeau administratif et garantiraient que davantage de fonds serviraient à des fins de bienfaisance.

Le projet de loi améliorera la responsabilisation. Il permettra aux organismes de charité canadiens de mettre en commun plus facilement leurs fonds pour répondre aux situations d’urgence. Il réduira la dépendance et contribuera à l’établissement de partenariats fondés sur la confiance, le respect mutuel et l’égalité.

Chers collègues, plus important encore, le projet de loi réduira la pauvreté, améliorera la santé et l’éducation, donnera davantage d’opportunités économiques, réduira le fossé économique, solidifiera les démocraties, augmentera l’égalité des genres, réduira la violence et assainira la planète au profit de tous. Chers collègues, qui pourrait être contre tout cela?

Honorables sénateurs, je vous prie de vous joindre à moi et d’appuyer le projet de loi S-222 afin de le renvoyer le plus rapidement possible au comité pour qu’il soit étudié plus en détail. Merci. Wela’liog.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi sur le droit d’auteur

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Débat

L’honorable Claude Carignan propose que le projet de loi S-225, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur (rémunération pour les œuvres journalistiques), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour soutenir le projet de loi S-225, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, à l’étape de la deuxième lecture. Par ce projet de loi, je vise à recréer un équilibre entre les médias traditionnels et les plateformes numériques et, surtout, à faire en sorte qu’une rémunération équitable soit attribuée à ceux qui produisent du contenu, pour que des compensations soient versées par ceux qui en profitent gratuitement actuellement.

La crise que traversent les médias traditionnels depuis une bonne dizaine d’années ne semble pas vouloir se résorber d’elle-même et nos gouvernements tardent à agir. Les plateformes numériques reçoivent des revenus publicitaires, et ce, sans verser de compensations ou de redevances aux producteurs de contenu. Ce transfert financier a de graves conséquences sur la survie de bon nombre de quotidiens et de médias traditionnels. Nous sommes impuissants face à cette hécatombe et nous ne pouvons que la déplorer, car le tarissement des sources d’information multiples éclairées et vérifiées ne peut que nuire à la connaissance avérée des citoyennes et des citoyens.

On le dit souvent, l’information est l’un des piliers de nos démocraties modernes. Ces sources crédibles de connaissances doivent contrer le phénomène des fake news que l’on voit apparaître en grand nombre sur les médias sociaux. Cependant, le problème est réellement pernicieux, car ces mêmes réseaux sociaux viennent s’emparer des revenus publicitaires des médias traditionnels. Cela a pour effet de placer ces derniers dans un état d’agonie, car les médias doivent continuer à produire du contenu vérifié et pertinent, mais n’obtiennent pas les revenus générés par l’intérêt à l’égard de leurs produits. Ce déséquilibre dans l’écosystème médiatique ne permet plus aux médias de jouer leur rôle essentiel dans notre société, soit celui d’informer adéquatement et avec justesse la population.

On estime que les revenus publicitaires tirés du contenu des médias écrits par les GAFAM — Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft — atteignent de 200 à 600 millions de dollars par année au Canada, de l’argent qui est versé principalement aux États-Unis.

À Ottawa, le gouvernement Trudeau n’a toujours pas proposé de cadre qui permettrait aux médias écrits de toucher une part des revenus que génère leur contenu.

Le 17 février dernier, le même jour où je déposais mon projet de loi, de nombreux éditeurs québécois ont interpellé le premier ministre Trudeau à ce sujet dans une lettre ouverte et à grands coups de publicité dans... les journaux, notamment.

Le message que ces éditeurs avaient à transmettre au premier ministre était essentiellement celui-ci, et je cite :

Nous sommes privés de notre juste part des revenus numériques. […]

Nous exhortons le gouvernement et le Parlement du Canada à agir le plus rapidement possible […]

La lettre était entre autres cosignée par les patrons de La Presse, du Journal de Montréal et du Journal de Québec et des coopératives de l’information, qui comptent Le Droit, Le Nouvelliste, Le Soleil, Le Quotidien, La Tribune et La Voix de l’Est.

Ce message dit tout, et je crois que la démonstration de la crise que traverse la presse écrite n’a plus besoin d’être faite. Elle frappe le Canada, certes, mais aussi tous les pays du monde. Par exemple, en France, selon un quotidien économique, c’est une véritable lame de fond qui a bouleversé les médias traditionnels. Dans un contexte de crise économique et de révolution technologique, presse, télévision ou encore radio ont subi de plein fouet la montée en puissance des GAFAM. Les chiffres d’une étude menée par le cabinet de conseil BearingPoint pour le ministère de la Culture et le Conseil supérieur de l’audiovisuel sont spectaculaires : entre 2000 et 2017, sur un marché publicitaire de la communication et des médias qui est passé de 12 à 10,3 milliards d’euros, les recettes des médias historiques français, comme la télévision, la presse, la radio, l’affichage et le cinéma se sont effondrées de 43 % pour atteindre 6,7 milliards d’euros. Dans le même temps, la part des revenus publicitaires d’Internet — principalement Google et Facebook — est passée de quasiment 0 % à 35 %, et se monte à 3,6 milliards d’euros.

Je mentionnais précédemment qu’ici, on estime qu’entre 200 et 600 millions de dollars de revenus publicitaires seraient redirigés vers les GAFAM. C’est énorme, surtout si l’on tient compte du fait que ces revenus publicitaires se font sur la base de contenu produit très largement par les médias traditionnels. Cherchez l’erreur. C’est comme si un producteur vinicole trimait dur toute une saison, payait des salaires et des fournitures et dépensait son énergie, mais que c’était son voisin producteur de laitues qui vendait une bonne partie de ses bouteilles de vin sans lui verser de dividendes. C’est insensé, mais c’est pourtant ce qui se passe avec les médias traditionnels qui se font littéralement écumer leur contenu journalistique.

L’Australie vient tout juste d’adopter une loi qui oblige les plateformes numériques à s’entendre avec les médias écrits sur un partage de revenus. Ainsi, le gouvernement proposait d’adopter un code des médias. Son projet de loi vise à contraindre les plateformes numériques, principalement Google et Facebook, à rémunérer les médias pour leur contenu, au risque de devoir payer de lourdes amendes. Il s’agit de l’une des initiatives les plus dynamiques contre les deux géants du Web, qui la combattent. Ce « code de conduite contraignant », qui est censé gouverner les relations entre des médias en grande difficulté financière et les géants qui dominent Internet, arrive après 18 mois de négociations qui n’ont pas permis de rapprocher les deux camps.

(2040)

Outre l’obligation de payer en échange des contenus, ce « code de conduite contraignant » traite de questions comme l’accès aux données des usagers, la transparence des algorithmes et l’ordre d’apparition des contenus dans les flux d’information des plateformes et les résultats de recherche.

Vous en avez certainement entendu parler, les GAFAM de ce monde n’ont pas beaucoup apprécié ceci et sont allés jusqu’à retirer de leur plateforme numérique les nouvelles du pays. Comme le gouvernement australien a tenu tête à ces géants du Web, ces derniers n’ont eu d’autre choix que d’accepter de négocier et d’en arriver à une entente. Quelques jours avant l’adoption du projet de loi, le gouvernement australien a présenté une nouvelle disposition qui accorde dorénavant deux mois de délai pour favoriser les négociations entre les médias numériques et les médias traditionnels avant que le code ne s’applique et qu’un arbitre ne tranche en faveur de l’un des deux protagonistes. L’Australie est devenue ainsi le premier pays à mettre en œuvre une loi pour rétablir un certain équilibre entre les plateformes numériques et les médias écrits.

De son côté, l’Union européenne a adopté en mars 2019 de nouvelles règles sur le droit d’auteur sur Internet. Le partage d’extraits d’articles d’actualité expressément exclus du champ de la directive pourra continuer comme avant. Toutefois, la directive contient également des dispositions visant à éviter que les agrégateurs de nouvelles n’abusent de cette possibilité. L’extrait pourra donc continuer d’apparaître sur un fil d’actualités Google News, par exemple, ou lorsqu’un article est partagé sur Facebook, à condition qu’il soit « très court ».

La France a été le premier pays européen à mettre en vigueur cette directive, par le biais de la Loi no 2019-775. Pour répondre à la loi, Google a décidé unilatéralement de ne pas afficher les extraits d’articles, les photographies, les infographies et les vidéos, sauf si les éditeurs lui en donnaient l’autorisation à titre gratuit.

En avril 2020, l’Autorité de la concurrence, en France, a enjoint à Google de négocier avec les éditeurs et les agences de presse la rémunération qui leur est due au titre de la Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins pour la reprise de leurs contenus protégés. Un extrait du texte donne l’explication suivante :

Saisie en novembre 2019 par plusieurs syndicats représentant les éditeurs de presse (Syndicat des éditeurs de la presse magazine, l’Alliance de la presse d’information générale) ainsi que par l’Agence France-Presse (AFP) de pratiques mises en œuvre par Google à l’occasion de l’entrée en vigueur de la loi du 24 juillet 2019 sur les droits voisins, l’Autorité de la concurrence ordonne aujourd’hui des mesures d’urgence dans le cadre de la procédure de mesures conservatoires. L’Autorité a estimé que les pratiques de Google à l’occasion de l’entrée en vigueur de la loi sur les droits voisins étaient susceptibles de constituer un abus de position dominante, et portaient une atteinte grave et immédiate au secteur de la presse.

Elle enjoint ainsi à Google, dans un délai de trois mois, de conduire des négociations de bonne foi avec les éditeurs et agences de presse sur la rémunération de la reprise de leurs contenus protégés. Cette négociation devra couvrir, de façon rétroactive, les droits dus à compter de l’entrée en vigueur de la loi le 24 octobre 2019.

L’Autorité de la concurrence a imposé des mesures d’urgence dont l’objectif était de permettre aux éditeurs et aux agences de presse qui le désirent :

[...] d’entrer en négociation de bonne foi avec Google en vue de discuter tant des modalités d’une reprise et d’un affichage de leurs contenus que de la rémunération pouvant y être associée.

Google a fait appel de la décision de l’Autorité de la concurrence le 3 juillet 2020. Comme vous le constatez, chers collègues, il s’agit d’enjeux majeurs où le nerf de la guerre tourne autour de profits mirobolants que les géants du Web rechignent à partager avec les médias traditionnels, qui en sont pourtant les auteurs.

Toutefois, je constate que ces deux régimes ouvrent la porte à de multiples négociations entre les GAFAM et l’ensemble des médias écrits, ce qui multiplie les risques de dérapage.

Parlons maintenant du Canada.

En janvier 2020, le Groupe d’examen du cadre législatif en matière de radiodiffusion et de télécommunications a publié un rapport à l’intention des ministres Bains et Guilbeault intitulé L’avenir des communications au Canada : le temps d’agir. L’introduction comprend la recommandation suivante, et je cite :

une intervention réglementaire visant à garantir que les créateurs de nouvelles soient rémunérés pour l’utilisation de leur contenu original par les fournisseurs de plateforme en ligne;

La section 3.4.2, qui s’intitule « Moderniser le cadre réglementaire du CRTC », est également fort intéressante. En voici un extrait :

Il y a également un déséquilibre entre les plateformes de médias sociaux et les organisations médiatiques de nouvelles. Un très petit nombre de plateformes dominantes constitue une source cruciale de lecteurs pour les organismes médiatiques de nouvelles. En raison de déséquilibre dans les rapports de force en matière de négociations, les créateurs de contenu de nouvelles ne sont pas en mesure de négocier individuellement les modalités d’utilisation de leur contenu par les plateformes de médias sociaux. Le CRTC devrait également avoir la compétence de déterminer et d’approuver les modalités des ententes commerciales s’il juge que cette mesure est nécessaire pour équilibrer les rapports de force en ce qui a trait au contenu des nouvelles.

Le gouvernement Trudeau est en poste depuis l’automne 2015 et rien n’a encore été fait. C’est incompréhensible, car c’est vraiment un enjeu de taille. Si une société libre et démocratique s’appuie notamment sur une presse libre et forte, elle doit également s’appuyer sur des règles du jeu équitables et égalitaires. Or, ce qui se passe actuellement dans le monde de l’information est tout à fait déséquilibré et inéquitable.

Le projet de loi vise à créer un cadre pour que les médias traditionnels se voient compensés pour leur matériel journalistique qui est récupéré et diffusé par les GAFAM sans compensation financière. Il permettra de créer un nouveau droit, soit le droit à la rémunération pour les œuvres journalistiques.

En modifiant la Loi sur le droit d’auteur, je suggère d’utiliser le système législatif actuel pour la protection et la gestion du nouveau droit à la rémunération sur les œuvres journalistiques. Cet ajout des œuvres journalistiques permettra de bénéficier d’un cadre connu, qui a su démontrer son efficacité pour les autres droits d’auteur au Canada.

Le projet de loi ne crée pas un nouveau droit d’auteur. Il crée un nouveau droit de rémunération au profit des organisations journalistiques pour la reproduction ou la publication sur une plateforme numérique des œuvres journalistiques dont elles sont titulaires. Ce droit de rémunération est distinct de tout autre droit octroyé par la Loi sur le droit d’auteur. La rémunération que le projet de loi vise à procurer s’additionnerait donc à tout revenu obtenu par ces organisations en raison de l’exploitation de leurs droits d’auteur.

La loi prévoit que les organisations journalistiques pourront se regrouper pour former une société de gestion collective. Cette société, une fois reconnue par la Commission du droit d’auteur, entreprendra des négociations avec les plateformes désignées par le gouvernement, soit les GAFAM.

Qu’est-ce qu’une société de gestion exactement? Avant toute chose, parlons du droit d’auteur. Le droit d’auteur est l’un des trois principaux champs de la propriété intellectuelle, avec le droit des brevets et celui des marques de commerce. Le droit d’auteur vise à maintenir un juste équilibre entre, d’une part, le fait d’encourager la créativité et de lutter contre la contrefaçon et, d’autre part, le fait d’assurer la circulation des idées et du savoir et de protéger la liberté d’expression. Le droit d’auteur y parvient en régissant certaines pratiques commerciales applicables à des biens incorporels circonscrits. Le droit d’auteur octroie notamment au titulaire d’une œuvre les droits exclusifs d’en reproduire, exécuter ou représenter en public et d’en publier la totalité ou une partie importante ou, si l’on veut, des « droits économiques ».

Les droits économiques permettent à leur titulaire de contrôler l’exploitation commerciale de l’œuvre afin d’en tirer un revenu. Le titulaire peut notamment tirer un revenu de l’œuvre en cédant un ou plusieurs droits d’auteur ou en accordant une « licence » à une tierce partie en échange de redevances. Pour empêcher que les titulaires de droits d’auteur s’approprient une partie du discours public et entravent ainsi la création d’œuvres futures, le droit impose des limites et des exceptions aux droits économiques. L’une de ces limites est la durée des droits. Au Canada, les droits économiques s’éteignent généralement 50 ans après la mort de l’auteur ou la publication de l’œuvre, selon le cas.

(2050)

Il existe cependant une exception à cette règle : la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015 a étendu à 70 ans la durée de la protection du droit d’auteur sur un enregistrement sonore publié ou sur une prestation fixée au moyen d’un enregistrement sonore publié.

Il peut être peu pratique pour un utilisateur d’obtenir la permission d’utiliser plusieurs œuvres. Prenez par exemple le cas d’une station de radio qui diffuse des dizaines, voire des centaines de chansons dans le cadre de sa programmation quotidienne. Dans ce cas, la direction de la station devrait obtenir la permission de chacun des titulaires pour diffuser chacune des œuvres musicales. Il en résulterait d’énormes coûts qui pénaliseraient à la longue les titulaires de droit d’auteur. Dans de telles conditions, il est probable que peu de radiodiffuseurs accepteraient d’accorder les sommes et les efforts nécessaires pour ajouter des œuvres protégées à leur programmation.

Ainsi, pour réduire ces coûts transactionnels, la Loi sur le droit d’auteur met en place un régime de gestion collective des droits d’auteur dans certains secteurs d’exploitation. Les titulaires de droits d’auteur peuvent ainsi confier l’administration de leurs droits à une société de gestion collective de droits d’auteur. Pour maintenir l’efficacité du régime, plusieurs de ces sociétés détiennent un monopole sur la gestion collective dans leur secteur respectif. Puisque ces monopoles risquent d’encourager des pratiques anticoncurrentielles, la loi confie à la Commission du droit d’auteur du Canada la tâche d’arbitrer les relations entre les sociétés de gestion et les utilisateurs. Composée d’experts indépendants, la commission établit les redevances devant être versées pour l’utilisation d’œuvres dont l’administration est confiée à une société de gestion.

C’est ainsi que, par l’intermédiaire de mon projet de loi, les médias écrits pourront se constituer en société de gestion, qui devra ensuite se faire reconnaître par la Commission du droit d’auteur. La société de gestion établira ses tarifs et les fera approuver par la commission. En vue de l’établissement des redevances à verser relativement aux droits qu’elles administrent, les sociétés de gestion peuvent déposer un projet de tarif auprès de la commission.

Si les GAFA refusent de négocier et de s’entendre, ils ne pourront tout simplement plus autoriser la publication d’articles de presse sur leurs plateformes, puisqu’ils s’exposeraient à des sanctions pour violation des droits d’auteur d’œuvres journalistiques. Ils auront donc tout intérêt à négocier et à s’entendre avec la société de gestion collective.

L’un ou l’autre peut, en cas de mésentente, interpeller la commission afin qu’elle tranche le litige. À défaut d’une entente sur les redevances à verser relativement aux droits prévus ou sur toute modalité afférente, la société de gestion ou l’utilisateur peut, après en avoir avisé l’autre partie, demander à la commission de les fixer, à l’exclusion des redevances visées aux paragraphes 29.7(2) ou (3) ou à l’alinéa 31(2)d).

Soulignons que les médias écrits n’auront pas l’obligation de se constituer en société de gestion.

Enfin, l’article 26.2 du projet de loi donne au gouverneur en conseil le pouvoir de désigner un fournisseur de plateforme numérique qui aura l’obligation de rémunérer les organisations journalistiques pour la reproduction ou la publication de contenu sur lesdites plateformes.

En ce sens, le projet de loi ne diffère pas du régime australien. Le Sénat pourrait amender le projet de loi pour établir un ou plusieurs critères objectifs conformément auxquels on désignerait ces fournisseurs, mais le contexte spécifique dans lequel le projet de loi est présenté mènerait à un résultat semblable : ces critères seraient développés pour englober le petit nombre de fournisseurs qui sont déjà reconnus comme étant au cœur du problème, comme Facebook, Google et Twitter.

Le 29 mars dernier, devant le Comité permanent du patrimoine canadien des Communes, le dirigeant de Facebook Canada, M. Kevin Chan, a déclaré qu’il tenterait d’éviter une répétition du black-out de nouvelles qui avait été imposé par le géant technologique en Australie, « pourvu que la législation imminente au pays ne l’oblige pas à agir de la sorte ». Il a vraiment dit : « pourvu que la législation au pays ne l’oblige pas à agir de la sorte ». La menace est à peine voilée. Il faisait référence au fait que Facebook a bloqué toutes les actualités sur sa plateforme en Australie pendant cinq jours le mois dernier pour répondre à un projet de loi qui aurait obligé les géants du numérique à payer des redevances aux médias d’information pour les liens vers leur contenu.

Toutefois — et j’en ai eu la confirmation tout récemment —, il faut que les pays agissent en bloc et de manière déterminée pour faire plier les géants du Web. En ce sens, un mouvement de concertation est en train de naître. J’ai reçu tout récemment un appel de Berlin de la part d’une entreprise de médias et de technologie active qui œuvre dans plus de 40 pays. Cette entreprise tente actuellement de créer un réseau formé d’un très grand nombre de médias traditionnels à travers le monde sur cet enjeu des médias électroniques. À leur avis — et je le partage —, la force du nombre viendra mettre une pression énorme sur les plateformes électroniques, et il est donc essentiel que le plus grand nombre de législatures possible à travers le monde adoptent des lois encadrant les GAFA. Sinon, c’est l’un des piliers de nos démocraties, soit la presse écrite et le journalisme traditionnel dans son ensemble, qui s’en trouvera gravement affaibli.

Pour conclure, honorables sénateurs, vous en conviendrez, cet enjeu est important et fait couler beaucoup d’encre. Ce projet de loi nous donnera l’occasion d’entendre des témoins fort intéressants qui pourront nous éclairer davantage sur tous les aspects entourant la question des plateformes électroniques et de l’usage des contenus produits par les médias traditionnels.

Je vous invite donc à appuyer ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture afin qu’il puisse être étudié en comité dans les meilleurs délais.

Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Trois sénateurs ont levé la main. J’aimerais souligner qu’il sera 21 heures dans environ trois minutes et demie.

L’honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, je vais tenter d’être brève.

Sénateur Carignan, je suis emballée par votre projet de loi. J’appuie l’objectif que vous tentez d’atteindre.

J’ai une question précise sur les ententes que les nouveaux médias ont maintenant sur le partage de contenu. Par exemple, un regroupement de journaux nationaux possède et exploite un service de presse qui leur envoie des nouvelles. C’est une entente contractuelle. Le même type d’entente s’applique aux agrégateurs de nouvelles et aux banques d’images, comme Getty Images.

Je me demande si la structure des tarifs ou des redevances aurait des répercussions sur les tarifs actuels qui ont été négociés et qui s’appliquent pour ces services de partage. Merci.

[Français]

Le sénateur Carignan : En fait, ce sont des compagnies de gestion collective qui pourront être créées et, si elles le désirent, être accréditées. Ces compagnies pourront négocier des tarifs en fonction de leur intérêt et de leur propre société. Elles pourront également établir leur stratégie de négociation et identifier ce qui pourrait représenter une compensation équitable. Elles pourront faire la demande de négociation avec les membres des GAFA, les membres des sociétés ou les plateformes numériques qui seront identifiées par le gouverneur en conseil. On peut présumer que les Google et Facebook de ce monde en feront partie.

En cas de mésentente, le litige sera tranché par la Commission sur le droit d’auteur. Tout cela fera partie de la négociation. Le projet de loi vise à créer ce cadre de négociation entre les parties pour pouvoir en arriver à une entente qui sera adaptée à chacune des situations, y compris celle que vous venez de nous exposer.

[Traduction]

L’honorable Patricia Bovey : Merci, sénateur Carignan.

La question est complexe, et je suis heureuse que vous alliez de l’avant dans ce dossier, et ce, pour de multiples plateformes. Je vais aborder un autre aspect.

Vous avez parlé des musiciens et du fait que des artistes pourraient joindre des regroupements, mais qu’ils n’y seraient pas obligés. J’aimerais en savoir plus sur la façon dont vous entrevoyez les recoupements entre les créateurs — les artistes — de toutes les disciplines qui travaillent avec un média ayant recours à ces grandes plateformes électroniques.

(2100)

Nous avons vu ce qui s’est passé à l’international lorsque des œuvres se sont retrouvées sur Internet. J’aimerais vous entendre sur le sujet, si possible. Je suis certaine que nous aurons l’occasion d’en discuter plus en profondeur.

[Français]

Le sénateur Carignan : En fait, c’est la société de gestion. Comme vous le savez, pour les écrivains, par exemple, selon les différentes œuvres ou les différents artistes, une société d’intérêts communs se crée. Il peut s’agir d’organes de presse, de médias écrits ou de groupes de producteurs de contenu, et ce sera à eux de se faire accréditer et de procéder aux négociations pour l’artisan ou la personne qui produit des œuvres. Tout cela est compris dans le cadre contractuel avec le média ou avec le journal. C’est donc prévu dans le cadre de rémunération, mais rien n’empêcherait, lors de la négociation de la rémunération de l’artiste ou du journaliste, de négocier un contenu ou une redevance à cette publication ou à son nom lorsque le cadre et les conventions seront créés.

Une fois que tout cela sera mis en place, je crois que les différents producteurs de contenu — par exemple, un journaliste — pourront négocier une partie de cette redevance dans leur rémunération. Alors, tout sera ouvert à ce moment-là.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Carignan, il est maintenant 21 heures. Cependant, je désire vous informer qu’il vous reste toujours 17 minutes de temps de parole dans le cadre de ce débat pour répondre aux questions des sénateurs lorsque cet article sera appelé à l’ordre du jour.

(À 21 heures, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 27 octobre 2020 et le 17 décembre 2020, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 25 mai 2021, à 14 heures.)

ANNEXE

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

La santé

La mise en quarantaine obligatoire

(Réponse à la question posée le 17 novembre 2020 par l’honorable Diane F. Griffin)

Agence des services frontaliers du Canada (ASFC)

Tous les voyageurs, à quelques exceptions près, doivent utiliser ArriveCAN pour fournir des renseignements sur les voyages, sur les personnes-ressources et sur les détails de quarantaine à leur entrée au Canada, que ce soit par avion ou par voie terrestre. Cette information est essentielle à la réponse du Canada à la COVID-19 et est partagée avec l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) pour la conformité et l’exécution de la loi.

Tous les voyageurs arrivant par avion, à quelques exceptions près, devront fournir la preuve d’un test moléculaire COVID-19 valide avant de monter à bord de l’avion vers le Canada, et à l’entrée au Canada. Les voyageurs devront passer un test moléculaire COVID-19 avant de quitter l’aéroport, et le huitième jour de leur quarantaine de 14 jours. À quelques exceptions près, les voyageurs aériens doivent séjourner dans un hôtel autorisé par le gouvernement pendant trois nuits après leur entrée au Canada.

Tous les voyageurs qui entrent au Canada à la frontière terrestre, à quelques exceptions près, devront fournir la preuve d’un test moléculaire COVID-19 valide effectué aux États-Unis. Ils devront aussi passer un test moléculaire COVID-19 le premier et le huitième jour de leur quarantaine de 14 jours. Certains points d’entrée offrent des lieux de test sur place gérés par l’ASPC.

Les agents des services frontaliers dirigent les voyageurs symptomatiques aux agents de l’ASPC. Il est interdit aux ressortissants étrangers symptomatiques d’entrer au Canada.

L’ASFC surveille l’entrée de tous les voyageurs au Canada et tient des dossiers sur le nombre de voyageurs référés aux agents de l’ASPC.

Les affaires étrangères

Le financement accordé à l’Office de secours et de travaux des Nations unies

(Réponse à la question posée le 8 février 2021 par l’honorable Linda Frum)

Le Canada aide les réfugiés palestiniens qui reçoivent les services de l’UNRWA. Cette aide bénéficie à plus de 500 000 enfants palestiniens. Des représentants canadiens suivent les activités de cet organisme et siègent à sa Commission consultative, ce qui permet d’exercer une surveillance et une influence, en plus d’intervenir dans des dossiers clés.

Le Canada et d’autres gouvernements donateurs s’attendent à ce que, dans ses activités, l’UNRWA respecte les valeurs et les principes humanitaires de l’ONU, comme la neutralité. La contribution canadienne renforce ses efforts en ce sens, y compris le travail de son personnel pour surveiller et identifier les atteintes à ces principes, et y remédier. Il n’y a aucune place pour la haine ou l’incitation à la violence.

La distribution de matériel pédagogique problématique est très préoccupante. L’UNRWA a reconnu son erreur et veille à ce que les valeurs onusiennes soient respectées. De même, la ministre du Développement international et les représentants canadiens collaborent étroitement avec des partenaires et des responsables de l’UNRWA pour remédier à la situation. La poursuite de cet engagement permet au Canada d’insister sur l’importance que cet organisme agisse de manière responsable et transparente, y compris en apportant d’autres correctifs, au besoin.

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