Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 14
Le vendredi 17 décembre 2021
L’honorable George J. Furey, Président
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le vendredi 17 décembre 2021
La séance est ouverte à 10 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
PÉRIODE DES QUESTIONS
Le revenu national
Le transfert d’une petite entreprise
L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, comme vous le savez, le projet de loi C-208 du député conservateur Larry Maguire a reçu la sanction royale en juin dernier. Il visait à corriger des iniquités fiscales lors du transfert d’une PME aux membres d’une même famille.
Lors du débat sur le projet de loi C-208, le porte-parole du gouvernement, le sénateur Woo, le sénateur Harder, le sénateur Dalphond et vous-même avez prétendu que l’adoption du projet de loi allait créer une brèche immense dans le système fiscal. Je vous cite :
[...] dans sa forme actuelle, le projet de loi C-208 créerait des échappatoires dans le système fiscal qui offriraient de nouvelles possibilités d’évitement fiscal aux plus riches, aux dépens des personnes que l’on cherche à aider de façon légitime avec ces mesures.
Nous voilà maintenant six mois plus tard et votre gouvernement n’a toujours pas jugé nécessaire d’apporter des amendements à la Loi de l’impôt sur le revenu. Ma question est simple, sénateur Gold : le gouvernement a-t-il induit les sénateurs en erreur lors du débat sur le projet de loi C-208?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question et merci pour la citation de mes remarques dans cette enceinte.
La position du gouvernement, dont je vous ai fait part, reste la même. Les priorités du gouvernement pour cette période étaient bien établies et bien communiquées, et heureusement, nous sommes en train de faire notre part pour faire en sorte que les priorités législatives du gouvernement soient mises en œuvre.
[Traduction]
Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, si ce que vous et vos collègues avez dit au Sénat au nom du gouvernement est vrai, comment expliquez-vous que la ministre des Finances n’ait rien fait pour éliminer l’énorme échappatoire créée par le projet de loi C-208? Selon votre propre discours ainsi que les propos du sénateur Harder, le Trésor public aurait perdu des centaines de millions de dollars à cause du projet de loi C-208.
Le gouvernement a eu deux occasions de corriger cette lacune, soit avec les projets de loi C-2 et C-8. Pourquoi n’a-t-il rien fait? Est-ce parce que ce que vous avez dit était faux, parce que le gouvernement dort aux commandes ou parce qu’il fait seulement preuve de négligence?
Le sénateur Gold : Merci de votre question. Elle me donne la possibilité de répondre brièvement. Comme vous avez posé trois questions, la réponse est non, ce que j’ai dit n’était pas faux; non, le gouvernement ne dort pas aux commandes; et non, il ne fait pas preuve de négligence.
La justice
La Charte canadienne des droits et libertés
L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Sénateur Gold, nous avons tous entendu parler de Fatemeh Anvari, une enseignante de troisième année qui s’est fait retirer de sa classe parce qu’elle portait un hidjab. Malheureusement, il ne s’agit que d’une histoire parmi tant d’autres. J’aimerais vous dire exactement combien de Canadiens ont été touchés par le projet de loi no 21 depuis son entrée en vigueur en 2019, mais il n’existe aucune donnée de ce genre.
Sénateur Gold, quand le gouvernement s’engagera-t-il à enquêter et à recueillir des données sur les conséquences du projet de loi no 21?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Comme je l’ai mentionné à maintes reprises au Sénat, le gouvernement observe attentivement le déroulement des procédures judiciaires concernant la loi 21. En ce qui concerne la collecte des données et les répercussions, en raison des lois provinciales et fédérales sur la protection de la vie privée, la collecte et la protection de ce genre de données relèvent en grande partie, sinon exclusivement, de la compétence provinciale.
Je n’ai pas de réponse pour vous, mais, à mon avis, la réponse est que ce n’est pas un domaine qui relève vraisemblablement du gouvernement fédéral, mais je peux certainement me renseigner et vous revenir avec une réponse.
(1010)
La sénatrice Ataullahjan : Sénateur Gold, des ONG et différentes études universitaires nous disent que la loi 21 a eu des répercussions négatives sur des centaines de Canadiens. Par exemple, des familles ont dû déménager après avoir fait un choix impossible entre leur carrière et leur foi. Certaines personnes n’avaient pas d’autre choix que de retourner aux études pour changer de champ d’expertise. À cause de leur foi, beaucoup de personnes ont de la difficulté à trouver un emploi valorisant et souffrent maintenant d’une mauvaise santé mentale.
Sénateur Gold, quelles mesures prévoit le gouvernement pour offrir des services et du soutien financier aux Canadiens dont la vie a été bouleversée à cause de la loi 21?
Le sénateur Gold : Merci de vos questions au sujet de la position du gouvernement fédéral à l’égard de cette loi. La position du gouvernement est claire : il n’écarte pas la possibilité d’interpeller les tribunaux, contrairement aux chefs d’autres partis nationaux.
Le gouvernement du Canada offre du soutien aux Canadiens par l’entremise d’une foule de programmes. À ma connaissance, aucun programme n’est envisagé pour les personnes qui décident de déménager ou dont la vie a été perturbée à cause de la loi 21.
Les sénateurs savent déjà ce que je pense de cette loi. Ils connaissent aussi la position du gouvernement au sujet de la loi 21, qui constitue une ingérence inacceptable dans la liberté des individus à croire en ce qu’ils veulent et à exprimer cette croyance par leur tenue vestimentaire. Le gouvernement regrette aussi l’invocation assez libérale de la disposition de dérogation. À part cela, sénatrice, je crains de ne pas pouvoir vous en dire plus pour répondre à votre question.
[Français]
La sécurité publique
Le Service correctionnel du Canada—L’accessibilité au sein des pénitenciers
L’honorable Chantal Petitclerc : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.
Un article paru la semaine dernière dans le Toronto Star a attiré mon attention. L’article en question concerne le manque d’accessibilité au sein des pénitenciers fédéraux. Il relate l’histoire de Kitten Keyes, qui est détenue à la prison de Grand Valley et qui utilise un fauteuil roulant.
Elle affirme avoir été forcée de dormir sur le sol pendant 21 jours consécutifs. Puisque sa cellule n’était pas dotée de mesures d’adaptation, en plus de ne pas pouvoir atteindre son lit, Keyes dit avoir fait ses besoins sur elle, car elle ne pouvait pas non plus atteindre la toilette de sa cellule. Cela m’a tellement perturbée qu’en creusant davantage, j’ai découvert que le problème est bien réel, comme le confirme le rapport intitulé Vieillir et mourir en prison : enquête sur les expériences vécues par les personnes âgées sous garde fédérale, publié en 2019 par le Bureau de l’enquêteur correctionnel et la Commission canadienne des droits de la personne.
Lors de l’adoption de la Loi canadienne sur l’accessibilité, le gouvernement fédéral s’était engagé à transformer le Canada en un pays exempt d’obstacles, en commençant par les lieux qui sont sous son autorité directe.
C’est donc clair : l’accessibilité doit être universelle pour tous, y compris les prisonniers. Sénateur Gold, que compte faire le gouvernement afin de corriger ce problème? Ce problème, je l’ai d’ailleurs constaté lors de la visite d’une prison en compagnie de la sénatrice Pate.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, qui souligne non seulement l’importance de l’enjeu, mais aussi le droit de chacun d’être traité de façon appropriée et équitable, y compris les personnes incarcérées.
Pour le moment, je n’ai pas la réponse à votre question. Cela m’interpelle et je m’engage à communiquer avec le ministre, et je reviendrai le plus tôt possible avec une réponse.
La sénatrice Petitclerc : Sénateur Gold, pouvez-vous également vous informer pour savoir à quand remonte le plus récent audit réalisé dans le système correctionnel fédéral en ce qui concerne le niveau d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap ou pour celles qui vivent avec des problèmes de mobilité?
Si aucun examen complet n’a été entrepris, est-il prévu d’en faire un, et si oui, quand?
Le sénateur Gold : J’ajouterai cela à mes questions à poser au gouvernement. Merci.
[Traduction]
La justice
La Charte canadienne des droits et libertés
L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s’adresse elle aussi au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur, je vous ai posé en partie cette question hier. J’aimerais citer une déclaration claire du premier ministre en 2015 :
La diversité du Canada est notre grande force, une force unique. Nous sommes le seul pays au monde à avoir compris comment être fort, non pas malgré nos différences, mais grâce à elles. Le premier ministre de ce pays a donc la responsabilité de rassembler les gens et non de les diviser en se pliant aux craintes de certains.
Hier, monsieur le leader, vous avez déclaré que le premier ministre allait intervenir en temps opportun. Avez-vous une idée de ce que signifie « opportun »?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, sénatrice. En ma qualité de représentant du gouvernement, j’aimerais d’abord réitérer les propos que j’ai essayé de préciser à deux occasions. Le gouvernement du Canada — le premier ministre — a déclaré qu’il n’élimine pas la possibilité d’intervenir au moment opportun. Cela ne signifie pas qu’il a décidé d’intervenir. Quant au moment opportun, sénatrice, je n’ai pas la réponse. Cependant, la réponse dépendra en partie de la manière dont les procédures juridiques évoluent au Québec. Le dossier est entre les mains d’un tribunal inférieur à l’heure actuelle. Néanmoins, il pourrait être renvoyé à d’autres instances judiciaires et, à chaque étape, le gouvernement du Canada examinera les options qui s’offrent à lui afin d’agir de la manière appropriée.
La sénatrice Jaffer : Sénateur Gold, vous avez dit — à juste titre d’ailleurs — que le gouvernement examine la manière dont les procédures juridiques évoluent. On sait que le coût de telles procédures est très élevé. Les Villes de Toronto et de Brampton ont décidé d’intervenir pour défendre les libertés civiles — d’organisations sikhes et musulmanes — en contestant la décision devant les tribunaux. Le premier ministre va-t-il aussi les aider financièrement? Autrement, les chances ne sont pas égales. Vous n’êtes pas sans savoir qu’il est très difficile de se battre contre un gouvernement devant les tribunaux. Le premier ministre aidera-t-il ces organisations pour garantir l’équilibre des forces devant les tribunaux?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Il ne fait aucun doute que les litiges coûtent cher. C’est pourquoi le gouvernement libéral a rétabli le Programme de contestation judiciaire, qui avait été éliminé par un gouvernement précédent. Différents mécanismes peuvent soutenir les plaignants qui contestent une loi, qu’elle soit provinciale ou fédérale, en raison d’une possible violation de la Charte. Le gouvernement se réjouit que les plaignants admissibles puissent y avoir recours.
Les transports
La chaîne d’approvisionnement nationale
L’honorable Jim Quinn : Honorables sénateurs, les membres de la Chambre haute ont beaucoup entendu parler des changements climatiques ces dernières semaines. Il en a été question dans les discours des sénateurs, dans le discours du Trône et, hier soir, dans les commentaires de la ministre des Finances. De toute évidence, les changements climatiques ont de profondes répercussions sur l’économie canadienne et sur les emplois associés aux transports.
Je suis ravi d’apprendre que le gouvernement du Canada tiendra un sommet qui réunira des responsables de l’industrie et des transports pour discuter de la chaîne d’approvisionnement et des infrastructures essentielles au début de 2022. Pour qu’un tel sommet soit un succès, il faut absolument qu’il regroupe une vaste gamme de participants. Alors que le Canada atlantique joue un rôle de premier plan dans le secteur canadien des transports, il arrive parfois que la région soit peu représentée lors d’événements de ce genre.
Pendant la planification de l’événement, il faudrait donc voir à ce que le Canada atlantique soit bien représenté. Je pense particulièrement au secteur des ports et au port de Saint-Jean : il occupe le troisième rang au pays sur le plan du volume, et c’est le seul port du Canada atlantique qui soit desservi par les deux lignes ferroviaires nationales. Le gouvernement pourra-t-il voir à ce que le port de Saint-Jean soit invité au sommet?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénateur Quinn. Le gouvernement a été très heureux d’annoncer la tenue d’un sommet national sur la chaîne d’approvisionnement qui permettra de discuter des défis et des stratégies que vous avez mentionnés et, surtout, des prochaines étapes qui assureront la reprise de la chaîne d’approvisionnement du transport au Canada.
(1020)
Pour répondre à votre question, le gouvernement est très conscient de l’importance du port pour le Canada dans son ensemble, et encore plus pour les provinces de l’Atlantique et votre province en particulier. On m’a informé que la liste des invités et des participants n’a pas encore été finalisée. On m’a dit que différents ordres de gouvernement et divers représentants de l’industrie qui s’intéressent aux chaînes d’approvisionnement, notamment — et explicitement — les ports, les compagnies ferroviaires et les alliances de camionnage, seront présents.
Son Honneur le Président : Sénateur Quinn, avez-vous une question complémentaire?
Le sénateur Quinn : Sénateur Gold, pouvez-vous nous donner l’assurance que vous demanderez aux personnes qui décideront de la liste des participants d’inclure le port de Saint-Jean?
Le sénateur Gold : Bien sûr. Je le ferai avec plaisir.
Les ressources naturelles
Le programme 2 milliards d’arbres
L’honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, la question que je souhaite poser au leader du gouvernement au Sénat porte sur les deux milliards d’arbres à planter. En janvier, le directeur parlementaire du budget a calculé que ce programme coûterait 5,7 milliards de dollars. Selon Ressources naturelles Canada et le gouvernement, très peu de progrès ont été faits jusqu’ici. Puisque vous avez dû revoir les projections initiales, croyez-vous que les chiffres d’abord avancés par le gouvernement tiennent toujours et que ce programme coûtera encore 3,16 milliards de dollars? Qui a raison?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Même si je suis incapable de vous donner de chiffres précis, je peux vous confirmer que, malgré un départ un peu lent, je vous le concède, le gouvernement demeure déterminé à atteindre son objectif et à planter 2 milliards d’arbres d’un bout à l’autre du Canada.
Le gouvernement a mis la dernière main à ses plans et, grâce aux ententes conclues cet été avec divers partenaires, le Canada devrait être en mesure de planter 30 millions d’arbres d’ici la fin de l’année. Ces partenaires feront état des chiffres définitifs au printemps 2022. Cette semaine, le gouvernement a aussi annoncé un deuxième appel de propositions, ce qui devrait permettre au programme de prendre son rythme de croisière.
Le sénateur Mockler : Monsieur le leader, beaucoup de questions demeurent sans réponse. Je vous demande de transmettre les questions suivantes au gouvernement afin que l’on informe les Canadiens et une industrie qui crée des centaines de milliers d’emplois. Étant donné que le Canada atlantique est un chef de file au chapitre de la plantation d’arbres, que ses forêts ne subissent pas de pertes considérables liées aux incendies et aux phytoravageurs, qu’on parle d’une augmentation de la plantation d’arbres de 30 % à l’échelle du pays et que cet effort exigera des investissements pour les semences et la production en pépinière, comment le gouvernement tient-il compte de la façon dont le Canada atlantique peut contribuer à ce programme? Comment le gouvernement propose-t-il d’attribuer ces fonds au Canada atlantique en tenant compte des divers régimes fonciers à l’échelle du pays qui ont différentes répercussions en ce qui concerne les intérêts industriels, les propriétaires privés et les terres publiques?
Le sénateur Gold : Merci. C’est une très bonne série de questions. Je vais certainement m’informer, et je serai ravi de vous transmettre l’information lorsque je recevrai une réponse.
Les finances
La politique budgétaire du gouvernement
L’honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, en novembre 2020, j’ai demandé à la ministre Freeland, au sujet du projet de loi C-9, si le gouvernement avait prévu des cibles budgétaires, ou « garde-fous budgétaires » comme elle les a appelés, pour guider les décisions en matière de dépenses à ce moment-là.
La ministre a répété que les dépenses engagées pour vaincre la pandémie de COVID-19 seraient « limitées et temporaires ».
La question que je pose cette fois-ci — puisque nous en sommes aux troisième et quatrième vagues de la COVID-19 — est très simple : quelles cibles budgétaires, le cas échéant, sont employées à l’heure actuelle pour guider les décisions du gouvernement en matière de dépenses? Pouvez-vous nous fournir des exemples précis?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Comme la ministre l’a indiqué et comme la Mise à jour économique et financière 2021 l’a révélé, le gouvernement a mis en place des indicateurs afin d’assurer que, malgré les investissements qui doivent malheureusement se poursuivre pour soutenir les Canadiens durant la pandémie, la situation économique et financière demeure stable et est même sur le point de s’améliorer. Les indicateurs comprennent des références au ratio dette-PIB. Comme la ministre l’a mentionné hier dans cette enceinte, le gouvernement se réjouit du fait que les marchés internationaux et les agences de notation continuent de considérer l’économie du Canada comme solide et durable.
Le sénateur Smith : Sénateur Gold, hier, pendant les délibérations du comité plénier sur le projet de loi C-2, la ministre Freeland a souligné que le ratio dette-PIB du Canada, qui devrait rester à 48 % pour l’exercice 2021-2022, était le plus bas des pays du G7. Cependant, dans un récent communiqué, CPA Canada a indiqué clairement qu’il recommandait « au gouvernement de remplacer le ratio de la dette fédérale au PIB par “une cible et un cadre budgétaires” ».
Un tel cadre financier irait au-delà du simple ratio et comprendrait une série de paramètres nous permettant de dresser un tableau plus complet de l’économie, mais rassurerait aussi les ménages et les entreprises sur le fait que le gouvernement se soucie des déficits gigantesques et du niveau d’endettement.
Sénateur Gold, pourquoi le gouvernement ne délaisse-t-il pas le ratio dette-PIB au profit d’une série de cibles budgétaires qui offrirait de meilleures mesures de reddition de comptes et qui procurerait une certitude aux entreprises et aux consommateurs?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement du Canada est convaincu que les mesures qu’il a mises en place — qui ont été présentées et qui continueront d’être rendues publiques au cours de mois précédant le prochain budget — sont adéquates pour protéger l’économie canadienne contre les vicissitudes et les forces du monde entier qui la secouent, ainsi que pour procurer une plateforme solide à la relance économique du Canada.
[Français]
La santé
Le Régime canadien d’accès aux médicaments
L’honorable Marie-Françoise Mégie : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.
Dans Le Devoir du 11 décembre 2021, le texte des professeurs Gold, Liu et Morin des universités McGill et Laval soulignait que :
Les contribuables des pays riches ont largement financé le développement de nouveaux vaccins à travers la recherche publique, les subventions et les promesses d’achat. Ces mêmes contribuables peuvent légitimement insister pour que les populations des pays en développement aient elles aussi accès aux vaccins.
Les professeurs proposaient que l’on modifie le Régime canadien d’accès aux médicaments (RCAM) pour y inclure les vaccins, les tests et les autres produits pharmaceutiques nécessaires pour combattre la COVID-19.
Ce régime permet la production et l’exportation de produits pharmaceutiques à bas prix vers des pays en développement en situation d’urgence sanitaire, sans attendre l’autorisation des titulaires de brevet.
Est-ce que notre gouvernement compte modifier le RCAM pour ainsi répondre favorablement à ces demandes d’élargir la liste des produits médicaux et créer des conditions favorables pour mettre fin à cette pandémie?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour votre question, sénatrice. Elle est d’une grande importance.
Le gouvernement est au courant des études des professeurs que vous avez mentionnés. Je suis ami avec le professeur Gold, mais je n’ai aucun lien de parenté avec lui, en passant.
(1030)
Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, le gouvernement travaille avec ses partenaires et avec les organisations internationales pour que le monde entier puisse avoir accès aux vaccins rapidement. Il y a plusieurs moyens d’y arriver, y compris en travaillant sur la question de la propriété intellectuelle. Le gouvernement participe à des discussions avec ses partenaires pour changer les règles du jeu, entre guillemets, en ce qui concerne la propriété intellectuelle, particulièrement en ce qui a trait à l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, conclu sous les auspices de l’Organisation mondiale du commerce.
La sénatrice Mégie : Le Canada est l’un des derniers pays membres de l’Organisation mondiale du commerce à ne pas s’être exprimé clairement sur la question de la suspension temporaire des règles, même si vous avez dit qu’il travaille très fort là-dessus. La quasi-totalité des pays en développement, la France et les États-Unis ont déjà appuyé cette initiative. Pour que cette suspension soit efficace, le Canada doit insister pour qu’elle s’accompagne d’un transfert de savoir-faire et d’équipement vers les pays en développement. Plusieurs pays seraient capables de produire des vaccins s’ils étaient libres de le faire et s’ils pouvaient compter sur notre appui. Le gouvernement fédéral compte-t-il appuyer cette suspension? Sans cet appui, cela ne fonctionnera pas.
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je vais m’informer auprès des responsables du gouvernement et vous répondrai dans les plus brefs délais.
[Traduction]
L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
Les réfugiés afghans
L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, cette semaine, le 16 décembre dernier, les lettres de mandat tant attendues ont été publiées. Dans la lettre de mandat du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, l’honorable Sean Fraser, on peut lire ce qui suit :
Avec l’appui de la ministre des Affaires étrangères, continuer de faciliter le passage sécuritaire et la réinstallation des personnes vulnérables d’Afghanistan, en mettant l’accent sur les personnes qui ont aidé le Canada et nos alliés au cours des deux dernières décennies, les femmes, les personnes LGBTQ2, les défenseurs des droits de la personne [...]
Je vais m’arrêter ici, mais la liste se poursuit. La phrase se conclut ainsi : « augmenter le nombre de réfugiés admissibles de 20 000 à au moins 40 000. »
Sénateur Gold, il y a beaucoup de gens désespérés en Afghanistan. Une partie d’entre eux répondent toutefois aux critères de ce groupe prioritaire. L’une de ces personnes m’a écrit il y a plus de trois mois. J’ai parlé de sa situation à quelques sénateurs et à des gens très haut placés. Nous avons tous voulu l’aider parce que cette femme — elle s’appelle Zora — répond à tous les critères. Ses collègues au sein d’une organisation non gouvernementale entièrement financée par le Canada ont quitté le pays. Nous avons fait de nombreuses démarches — j’en compte cinq jusqu’à maintenant. Des documents ont été perdus. Des réponses automatiques ont été envoyées alors que la demande méritait une attention particulière. Zora et sa famille ont été victimes de menaces de mort documentées. Les obstacles se multiplient.
Tout ce que je vous demande, sénateur Gold, c’est de communiquer cette information au ministre, au premier ministre et à tous ceux pour qui il est clair que notre pays a pris cet engagement. La lettre de mandat confirme que nous devons augmenter ce chiffre jusqu’à au moins 40 000 personnes. De grâce, pourrions-nous faire en sorte que les choses avancent et qu’on se concentre sur les cas les plus exposés, notamment ceux des femmes comme Zora?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question et d’avoir parlé du cas de Zora qui est malheureusement représentatif d’un trop grand nombre de cas.
En effet, la lettre de mandat réaffirme ou concrétise l’engagement déjà pris par le gouvernement, comme je l’ai dit, d’accueillir au moins 40 000 réfugiés afghans. On a déjà traité 10 000 dossiers, et plus de 5 000 réfugiés sont déjà sur notre sol. Il reste encore beaucoup de travail, et cela se fera aussi rapidement que possible. C’est avec plaisir que je transmettrai vos questions et vos préoccupations aux ministres concernés.
ORDRE DU JOUR
Le Code criminel
Le Code canadien du travail
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L’honorable Hassan Yussuff propose que le projet de loi C-3, Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je suis honoré de prononcer aujourd’hui mon premier discours au Sénat, lequel portera sur le projet de loi C-3, Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail. Je doute qu’il puisse y avoir meilleur projet de loi que celui-ci pour marquer ce jalon personnel. Beaucoup de gens m’ont demandé pourquoi j’ai choisi de devenir sénateur et ce qui me guidera dans mon rôle. Je leur réponds simplement : « Ce qui est bon pour le pays l’est aussi pour moi. » J’estime que le projet de loi à l’étude aujourd’hui est bon pour le pays et j’aimerais expliquer pourquoi il mérite notre appui.
Le projet de loi se fonde sur les leçons apprises au cours de la pandémie et vise à améliorer le sort des Canadiens en offrant une protection supérieure aux travailleurs malades et en facilitant l’accès au système de santé. La pandémie nous a appris que c’est le strict minimum pour assurer notre bien-être économique, social et mental. Le projet de loi reconnaît le droit fondamental des travailleurs de s’absenter du travail pour des raisons de santé et de bien-être en toute liberté, sans que cela compromette leur sécurité d’emploi ou leur sécurité financière.
Il reconnaît également le droit fondamental des travailleurs du secteur de la santé de pouvoir se rendre au travail sans entrave et sans intimidation, tout en protégeant le droit constitutionnel de grève, la liberté de réunion pacifique et la liberté d’expression.
La pandémie a mis en lumière de nombreuses failles et lacunes dans notre société. Elle a montré le meilleur et le pire de la population canadienne ainsi que des programmes et des mesures de protection sur lesquels celle-ci compte pour assurer son bien-être économique, social et physique.
Je veux parler des lacunes mises en évidence, ainsi que des raisons pour lesquelles le projet de loi C-3 s’impose. La pandémie a permis aux travailleurs de prendre conscience de la faiblesse des protections d’emploi offertes à eux et à leurs employeurs en cas de maladie. Cela les force à choisir entre leur bien-être financier et leur bien-être physique.
Pour mettre les choses en perspective, pensons à un travailleur sous compétence fédérale touchant le salaire minimum qui doit s’absenter pour maladie et qui perd une journée, deux journées ou trois journées de salaire uniquement parce que son employeur n’accorde pas de congés de maladie payés. Ce travailleur aurait du mal à payer son loyer, à faire l’épicerie et à s’occuper de sa famille.
Honorables sénateurs, nous savons qu’une telle situation est inacceptable au Canada. Le projet de loi C-3 cherche à y remédier. Je sais que nous avons beaucoup de travail à faire à l’échelle provinciale et territoriale, mais ce projet de loi répond aux préoccupations fondamentales des personnes ayant répondu à l’appel quand la pandémie a frappé notre pays. Ces gens ne se sont pas cachés. Ils sont allés travailler pour offrir les services dont la population a besoin, même s’ils savaient qu’ils risquaient de tomber malades, même s’ils savaient qu’ils risquaient de devoir s’absenter du travail et de ne pas être payés. Ils ont rempli leur devoir. Ce projet de loi arrive à point pour répondre aux préoccupations de ces travailleurs.
(1040)
De plus, en déposant ce projet de loi, le gouvernement fédéral envoie un signal fort aux gouvernements des provinces et des territoires, soit qu’il faut en faire plus pour protéger les travailleurs au pays. J’espère que vous tracerez la voie.
La fédération canadienne est unique en son genre. Les différents gouvernements ont différentes compétences en ce qui concerne le Code du travail et il faut respecter cet état de fait, mais, en même temps, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de leader et je crois que c’est ce qu’il fait au moyen du projet de loi C-3.
Présentement, le fédéral offre trois jours de congé de maladie payé qui peuvent être utilisés en cas de maladie ou de blessure. Les habitants de seulement deux provinces disposent de congés de maladie payés garantis. À l’Île-du-Prince-Édouard, un travailleur obtient un jour de congé de maladie payé après cinq années continues avec le même employeur — une journée après cinq années de service. Au Québec, le travailleur obtient deux journées de congé de maladie payé après un an — deux jours. Récemment, soit depuis le 1er janvier 2021, la Colombie-Britannique garantit cinq jours de congé de maladie payé. Ces données l’indiquent, il reste beaucoup à faire au pays et le projet de loi à l’étude ne règle qu’une partie du problème.
En 2019, les travailleurs canadiens ont pris en moyenne 8,5 jours de congé de maladie et d’invalidité. Il est clair que le droit aux congés prévu par le Code canadien du travail est insuffisant dans sa forme actuelle.
La question plus générale de l’adoption du projet de loi C-3 établira un processus par lequel le gouvernement fédéral consultera les provinces et les territoires sur les améliorations possibles. Je pense qu’il s’agit du rôle légitime d’un gouvernement fédéral, c’est-à-dire faire preuve de leadership tout en travaillant avec les provinces et les territoires de manière à améliorer les choses.
Honorables sénateurs, vous savez comme moi que nous ne sommes pas encore sortis de la pandémie. Nous avons peut-être encore beaucoup de chemin à faire. Alors que nous sommes sur le point d’ajourner, nous sommes confrontés à un nouveau variant. Nous ne savons pas quelles seront les conséquences pour l’économie et les travailleurs, mais nous savons une chose : les efforts déployés dans le cadre du projet de loi donneront certainement aux travailleurs plus de certitude. S’ils tombent malades ou doivent prendre congé et qu’ils relèvent de la compétence fédérale, ils bénéficieront de ce projet de loi. Ils attendent avec impatience son adoption.
Il a certes toujours été difficile pour les travailleurs de réaliser des progrès dans la promotion de leurs intérêts, individuels ou collectifs. Nul besoin de préciser qu’ils sont des millions d’un bout à l’autre du pays à travailler dans des conditions précaires, chaque jour. Ces travailleurs ne se plaignent pas, mais ils espèrent que leurs représentants à la Chambre des communes et au Sénat comprennent mieux les défis et les difficultés liés à leur situation. Je crois que ce projet de loi offre une solution pour s’attaquer au noyau du problème.
J’aimerais remercier mes honorables collègues pour leurs efforts dans le but d’améliorer ce projet de loi. Si l’on compare la version actuelle du projet de loi à la version initiale au moment où il avait été présenté, on peut affirmer sans aucun doute que toutes les personnes présentes dans cette enceinte ont collaboré pour y apporter des améliorations. Ces efforts ont été reconnus par l’autre endroit, car le projet de loi a été ajusté et amélioré. Je tiens à remercier mes collègues qui ont apporté leur contribution, offert de précieux conseils et de l’aide, en plus de faire preuve de leadership pour m’appuyer, bien entendu, dans l’accomplissement de ce travail. Encore une fois, cela démontre que le Sénat joue un rôle essentiel pour améliorer les mesures législatives du gouvernement, ce qui fait partie de nos responsabilités dans cette enceinte.
Le projet de loi offrira aux travailleurs qui relèvent du fédéral quelque chose qu’aucun autre travailleur du pays n’a à l’heure actuelle, c’est-à-dire 10 jours de congé de maladie payé. Vous croisez plusieurs de ces travailleurs dans vos déplacements. Lorsque vous irez à l’aéroport, que ce soit aujourd’hui, demain ou pendant le temps des Fêtes, prenez le temps de songer au fait que bon nombre des employés qui s’y trouvent travaillent au salaire minimum et n’ont aucun jour de congé de maladie payé. Cette mesure législative fera une différence dans leur vie.
Songez à tous les camions, les autoroutes et les routes qui sont de compétence fédérale et qui permettent d’acheminer biens et services en cette période à la fois importante et difficile. Bon nombre de ces camionneurs travaillent de longues heures, mais ne bénéficient pas de la protection de jours de congé de maladie payé. Cette mesure législative changera cette réalité.
Plus important encore, elle enverra aussi le message suivant aux travailleurs de ce pays qui ont consenti tellement de sacrifices pendant les pires moments de la pandémie : ils peuvent compter sur nous.
Les congés de maladie payés aideront les employés qui souffrent d’une maladie temporaire de trois façons. Primo, ces congés protégeront les revenus des travailleurs pour qu’ils n’aient pas à se demander s’ils pourront payer leur épicerie ou leur loyer à la fin du mois. Secundo, ils protégeront l’emploi des travailleurs en leur permettant de préserver la relation qu’ils ont avec leur employeur alors qu’ils sont en congé de maladie. Tertio, ils protégeront la santé des travailleurs en leur permettant de se rétablir plus rapidement à la maison au lieu de continuer à travailler alors qu’ils sont malades. Les congés de maladie payés favorisent aussi un milieu de travail plus sain en encourageant les travailleurs malades à ne pas se rendre au travail, ce qui réduit les risques de propagation des maladies transmissibles.
Passons maintenant à la façon d’acquérir des jours de congé de maladie payé. Les employés acquerront un jour de congé payé pour raisons médicales après 30 jours de travail sans interruption pour le même employeur, jusqu’à concurrence de 10 jours par année. L’acquisition de jours de congé de maladie commencera dès la première journée de travail. Après les 30 premiers jours, les employés recevront trois jours de congé de maladie payé pour mieux les protéger au début de leur emploi. Les jours de congé de maladie payé non pris dans l’année civile seront reportés à l’année civile suivante et seront soustraits des 10 jours pouvant être acquis dans cette année. Par exemple, un employé à qui il reste six jours de congé de maladie payé pourra en acquérir un maximum de quatre au cours de l’année civile suivante. Le gouvernement a amendé le projet de loi pour fournir trois jours de congé après les 30 premiers jours de travail pour tenir compte de l’avis de l’opposition de l’autre endroit, évidemment, ainsi que de l’avis de nombreuses personnes qui ont témoigné devant le Comité des affaires sociales et des sénateurs qui ont soutenu que nous devions faire mieux relativement à cette partie du projet de loi.
L’objectif est d’augmenter le nombre de congés de maladie dans l’ensemble des provinces et des territoires. Les modifications au Code canadien du travail indiqueront clairement que les travailleurs du pays ont besoin d’un meilleur filet de sécurité. Évidemment, j’espère que nos homologues de toutes les provinces discuteront avec le gouvernement fédéral en vue de déterminer comment améliorer les choses. Cette mesure ne s’applique qu’à environ 1 million de travailleurs assujettis à la réglementation fédérale, mais le gouvernement s’est engagé à assumer un rôle de chef de file en travaillant avec les provinces et les territoires pour que tous les travailleurs du pays aient accès à des congés de maladie.
Le projet de loi C-3 porte aussi sur des aspects liés à la protection des travailleurs de la santé. Ces travailleurs doivent composer depuis longtemps avec des conditions de travail difficiles, y compris de la violence et des menaces de violence en milieu de travail. Cette situation s’est aggravée dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Le gouvernement du Canada a décidé d’agir en proposant des modifications au Code criminel afin de renforcer les mesures de protection en vigueur pour les travailleurs de la santé, et en veillant à ce que tout le monde puisse accéder en toute sécurité à des services de santé dans l’ensemble de notre grand pays. Pour protéger les travailleurs de la santé et les personnes qui veulent obtenir des soins, ces modifications créeront des infractions visant plus particulièrement le fait d’intimider et le fait d’empêcher l’accès à des services de santé.
Pour bien des travailleurs de la santé, ces modifications au Code criminel répondent à des inquiétudes de longue date sur la possibilité de travailler dans un milieu exempt de violence et de menaces. Selon les résultats préliminaires du Sondage national sur la santé des médecins de 2021, que m’a fait parvenir l’Association médicale canadienne, plus de 75 % des médecins ont déjà subi de l’intimidation et du harcèlement au travail, et le problème touche encore plus les femmes, avec un pourcentage de 80 %. Plus de 33 % des répondants ont vécu ce genre d’expérience au moins quelques fois par mois.
Honorables sénateurs, nous avons la chance de travailler dans un milieu où nous n’avons pas à faire face à du harcèlement et de la violence. Nous n’avons pas à offrir des services dans un environnement où nous nous sentons menacés. Nous n’allons pas au travail, jour après jour, en sachant que nous subirons le même genre de harcèlement que la veille, parce que le Sénat reconnaît que de tels comportements sont inacceptables. Pourquoi les travailleurs de la santé ne pourraient-ils pas, eux aussi, profiter d’un climat de travail sans harcèlement, comme nous? Je crois que le projet de loi s’attaque au nœud du problème et transmet un message clair.
(1050)
En 2019, le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes a publié un rapport intitulé Violence subie par les travailleurs de la santé au Canada, selon lequel les travailleurs de la santé ont quatre fois plus de risque de subir de la violence au travail que les travailleurs des autres professions, bien que la plupart des cas de violence ne soient pas signalés. La plupart des Canadiens ne sont pas conscients de ces statistiques parce que lorsque nous nous présentons à l’hôpital, nous recevons les soins dont nous avons besoin. En effet, les professionnels de la santé ne se soustraient pas à leurs responsabilités malgré leur contexte de travail difficile. Ils sont présents, ils font leur travail et ils voient à ce que les Canadiens reçoivent les soins de santé dont ils ont besoin. Ils le font parce qu’ils savent qu’ils peuvent faire une différence dans la vie des personnes qui se présentent pour obtenir les services auxquels elles ont droit.
Tout le monde a le droit de faire son travail en toute sécurité, y compris les personnes qui prodiguent des soins médicaux. Il s’agit d’une évidence. Les travailleurs de la santé et le personnel de soutien doivent pouvoir faire leur travail sans crainte d’être blessés ou intimidés, et les Canadiens qui ont besoin de soins ou qui veulent rendre visite à un proche malade doivent avoir accès aux établissements de santé sans mettre leur sécurité en péril.
Le gouvernement du Canada envoie un message clair: intimider les travailleurs de la santé et les citoyens qui ont besoin de soins est inacceptable, tout comme les empêcher d’entrer dans les établissements de santé. La disposition que cette modification ajoutera au Code criminel obligera les tribunaux à envisager des sanctions plus sévères contre les personnes qui s’en prennent aux travailleurs de la santé dans l’exercice de leurs fonctions ou qui empêchent autrui d’obtenir des soins. Toute personne qui instille la peur chez les travailleurs de la santé ou les personnes qui veulent obtenir des soins ou qui les empêchent soit d’offrir ces soins, soit d’y avoir accès, pourrait être inculpée d’une nouvelle infraction d’intimidation qui la rendrait passible à une peine d’emprisonnement maximale de 10 ans si elle est poursuivie par voie de mise en accusation.
Rien dans tout cela ne rend les piquets de grève à l’extérieur des hôpitaux illégaux. Le gouvernement fédéral respectera toujours la Charte canadienne des droits et libertés, y compris le droit à la libre expression et aux rassemblements pacifiques. Les changements qui seront apportés à la loi ne limitent aucunement le droit qu’ont les travailleurs d’exercer des moyens de pression et de se regrouper ou celui qu’ont les Canadiens d’exprimer leur mécontentement et leurs inquiétudes de manière pacifique, sans mettre la sécurité de qui que ce soit en danger. Il s’agit d’un aspect fondamental de la Constitution, et je crois que nous serons tous d’accord pour dire qu’il s’agit aussi d’un aspect inaliénable. C’est de l’identité même du Canada qu’il s’agit. Honorables sénateurs, je crois que ce projet de loi ne répond peut-être pas aux attentes de tout le monde, mais il s’agit néanmoins d’une grande avancée.
L’autre endroit a adopté un amendement au projet de loi. Honorables sénateurs, la perte d’un membre de sa famille cause une douleur incommensurable. Perdre un enfant est dévastateur. Ces pertes ont parfois de profondes répercussions sur le bien-être mental d’une personne ainsi que sur son travail. Selon un rapport du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, 2 720 enfants de moins de 18 ans sont décédés et 3 063 bébés sont mort-nés en 2016. Un amendement a été apporté au projet de loi C-3 pour offrir huit semaines de congé aux parents qui doivent faire face à une telle tragédie indescriptible. Il s’agit d’un amendement bienveillant qui soutiendra les parents au moment où ils en ont le plus besoin. Nul d’entre nous ne peut dire que ce n’est la bonne chose à faire.
En conclusion, le projet de loi vise à bâtir un Canada meilleur à partir des leçons tirées de la pandémie. Je sais qu’il reste encore beaucoup à faire, mais, surtout, chers collègues, ce que le projet de loi C-3 propose dans ces deux articles fera avancer le pays de manière considérable. Beaucoup trop de personnes au pays travaillent dans des conditions précaires. Elles ont besoin de savoir que nous sommes à l’écoute et que nous les entendons lorsqu’elles réclament un changement pour de meilleures conditions de travail. Il est crucial que nous comprenions l’impact profond du projet de loi pour les travailleurs. J’ai eu l’honneur de représenter plus de 3 millions d’entre eux pendant 22 ans. Je n’aurais jamais pensé me retrouver dans cette enceinte à poursuivre cet effort avec des collègues.
Le projet de loi C-3 prévoit des protections pour que près de 1 million de travailleurs aient droit à des jours de congé de maladie payé — ce qu’aucun autre gouvernement au pays n’a fait. Il nous fait atteindre la norme mondiale de l’Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE. Il est regrettable qu’il ait fallu une pandémie pour que nous prêtions attention à la question, mais, comme on dit, il n’est jamais trop tard. Le projet de loi contribuera également à protéger la santé physique et mentale des travailleurs de la santé, qui travaillent dur pour sauver la vie de Canadiens frappés par la COVID et administrer des vaccins qui protègent des millions de Canadiens de la maladie.
Bien entendu, je veux souligner le travail des sénateurs et des témoins qui se sont présentés devant le comité sénatorial pour exposer leurs arguments en faveur de ce projet de loi. L’Association médicale canadienne ne tarit pas d’éloges face à l’adoption de cette mesure législative. La Service Employees International Union, qui est le principal syndicat du milieu de la santé au pays, m’a supplié de l’adopter. Certains membres de ce syndicat sont morts à cause de leur travail durant la pandémie parce qu’ils n’avaient pas accès à de l’équipement de protection individuelle ni à des congés de maladie. Quand la pandémie a frappé, ils ne pouvaient pas fournir de soins de santé en restant chez eux. Il fallait qu’ils se présentent au travail.
Le SCFP représente des travailleurs de la santé dans de nombreuses régions du pays ainsi que du personnel d’entretien exposé à des actes de violence, mais qui doivent quand même aller travailler tous les jours pour s’acquitter de leurs responsabilités. Les travailleurs de la santé affiliés à Unifor, la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers, le Syndicat national des employées et employés généraux du secteur public et le Congrès du travail du Canada nous ont exhortés à adopter ce projet de loi afin d’envoyer un message clair à ces travailleurs, qui devront à nouveau enfiler leur équipement de protection pour veiller à faire le nécessaire maintenant que le nouveau variant a atteint notre pays, comme ils l’ont fait auparavant.
Honorables sénateurs, je vous remercie de m’avoir écouté. Par‑dessus tout, je vous remercie de votre dévouement et de votre amitié.
Son Honneur le Président : Sénateur Yussuff, je vois que quelques sénateurs ont levé la main, sans doute pour vous poser une question. Accepteriez-vous de répondre à quelques questions?
Le sénateur Yussuff : Oui.
L’honorable Scott Tannas : Merci, sénateur Yussuff, de votre discours très inspirant.
J’ai examiné l’étude préalable menée par notre Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. On y fait état du manque de clarté entourant le « cumul » de droits. Des prestations de maladie sont offertes à la plupart des employés des secteurs assujettis à la réglementation fédérale. C’est essentiellement grâce à votre bon travail et à celui du mouvement syndical, de même qu’aux bonnes relations de travail qui existent au sein des très nombreuses organisations sous réglementation fédérale — je pense aux banques et à d’autres grandes institutions sous surveillance fédérale.
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a demandé si les prestations prévues dans la mesure législative sont censées s’ajouter aux prestations déjà touchées par les employés ou si elles sont censées être le minimum dont tous les employés devraient bénéficier. Ce n’était pas très clair. Pouvez-vous apporter des éclaircissements à ce sujet? On avait recommandé d’en apporter dans le projet de loi, mais je ne crois pas que cela a été fait. Pourriez-vous nous éclairer? Des précisions ont peut-être été fournies, et je ne les ai pas vues. Nous avançons rapidement. Pouvez-vous, s’il vous plait, nous donner quelques éclaircissements sur la question?
(1100)
Le sénateur Yussuff : Je vous remercie, sénateur Tannas, de votre question.
Vous avez raison : cette question a été soulevée par les témoins qui ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, notamment par mes anciens collègues et amis de l’Association des Employeurs des transports et communications de régie fédérale.
Je crois que le ministre, dans une lettre qu’il a envoyée, a expliqué que la question sera réglée dans les règlements. Plus important encore, les 10 jours de congé sont prévus pour les travailleurs des secteurs sous réglementation fédérale, et je crois qu’il est important que le gouvernement clarifie ce point dans les règlements. Je pense que ces sujets sont inclus dans la lettre.
[Français]
L’honorable Diane Bellemare : Merci beaucoup, sénateur Yussuff, pour votre présentation. Cela a été très instructif.
Je suis d’accord avec ce projet de loi, évidemment. C’est une question de travail décent, de normes minimales et de santé publique, en cette période où les gens qui n’ont pas de protection ont de la difficulté à rester chez eux lorsqu’ils sont atteints d’une maladie transmissible, parce qu’ils ne le savent pas toujours. Je pense que c’est un élément fort important de ce projet de loi.
Ma question tourne un peu autour de la capacité ou de la volonté des entreprises dans ce domaine.
D’une part, je sais qu’on couvre ici les entreprises de compétence fédérale. Ce sont généralement de plus grandes entreprises qui offrent déjà des avantages sociaux. De ce que je sais de l’histoire, le Code canadien du travail a souvent été modifié par un processus de négociation entre les grandes centrales syndicales et les entreprises.
Est-ce que ce projet de loi a une incidence réelle, importante, ou est-ce que les grandes entreprises offraient déjà ce genre d’avantages minimaux?
D’autre part, souhaitez-vous toujours, à l’avenir, que le Code canadien du travail soit modifié dans le contexte de négociations entre les grandes associations ou encore entre le mouvement syndical et les entreprises?
Je voulais vous entendre là-dessus. Merci.
[Traduction]
Le sénateur Yussuff : Je vous remercie, sénatrice Bellemare, de votre question.
Comme vous le savez, un certain nombre d’employés et d’employeurs ont déjà établi un congé de maladie payé par l’entremise de négociations ou d’autres moyens. La réalité, c’est que beaucoup trop de travailleurs n’ont pas de tels avantages sociaux parce qu’ils n’ont pas réussi à négocier 10 jours de congé de maladie payé.
À mon avis, les modifications proposées seront avantageuses pour les gens qui n’ont pas ces jours de congé, mais elles montreront aussi que, dans les cas où les conditions offertes sont meilleures que ce qui est prévu dans le code, nous pouvons apprendre de ces employeurs et de ces syndicats. Plus important encore, pour les secteurs sous réglementation provinciale, qui représentent 90 % des travailleurs de ce pays, il y a beaucoup de chemin à faire. Selon les données statistiques que j’ai fournies ce matin, nous savons qu’il y a d’énormes lacunes, que ce soit à l’Île-du-Prince-Édouard ou au Québec, ou plus récemment en Colombie-Britannique. En Ontario, seules des mesures d’urgence prévoient des jours de congé de maladie. Il n’y a aucune modification permanente au code en Ontario. Je pense que c’est une discussion que nous devrons avoir.
J’espère que l’adoption de ce projet de loi entraînera une plus forte mobilisation pour reconnaître que le congé de maladie payé devrait être un droit fondamental pour tous les Canadiens, quel que soit l’endroit où ils travaillent. Nous ne savons que trop bien ce que cette pandémie a mis en lumière. Si quelqu’un a des symptômes du virus mais qu’il va au travail parce qu’il ne peut pas faire autrement, cette décision aura des conséquences sur autrui. Ces conséquences pourraient être graves sur le lieu de travail et pour les collègues.
On déploie des efforts pour essayer de protéger les Canadiens de la maladie — au moyen de la vaccination, du port du masque et du lavage des mains —, mais force est de reconnaître que les jours de congé de maladie payé permettent aux travailleurs de prendre le temps de guérir quand ils en ont besoin. En outre, il me semble que les employeurs et les syndicats devraient déployer davantage d’efforts pour que tous les travailleurs canadiens aient accès à ce droit fondamental qu’est le congé de maladie payé. Ce droit est respecté dans de nombreux pays européens. Au Canada, il nous reste du chemin à faire avant d’atteindre cet objectif.
L’honorable Paula Simons : Le sénateur Yussuff accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Yussuff : Oui.
La sénatrice Simons : Comme la plupart des Canadiens, j’ai été horrifiée lorsque j’ai vu des foules hostiles intimider des travailleurs et des patients devant des hôpitaux ou insulter des parents et leurs enfants devant des cliniques de vaccination, mais je m’inquiète également des conséquences imprévues de cette mesure. À la lecture du projet de loi, je crains que les gouvernements provinciaux ne s’en servent à mauvais escient contre des grévistes, surtout s’il s’agit de travailleurs de la santé qui font le piquet de grève devant un hôpital et que les émotions sont à fleur de peau.
Vous qui avez beaucoup d’expérience dans le mouvement syndical, quelle assurance pouvez-vous donner aux Canadiens quant aux protections prévues pour empêcher que cette mesure législative ne soit utilisée à mauvais escient, notamment pour limiter le droit de grève et le droit des grévistes de manifester devant les établissements du système de santé?
Le sénateur Yussuff : Je vous remercie de votre question, sénatrice.
Vous le savez, le ministre de la Justice est venu témoigner devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et cette question lui a été posée pendant la séance. Il a affirmé très clairement que ce n’était pas l’objectif du projet de loi et que ces droits fondamentaux étaient protégés.
En tant qu’ancien dirigeant du Congrès du travail du Canada, j’ai passé beaucoup de temps dans les piquets de grève et les manifestations et je comprends fondamentalement ce que signifient ces droits. Je crois que des protections sont prévues, mais, évidemment, la magistrature au pays est indépendante. Si un gouvernement provincial devait outrepasser les limites du projet de loi, il serait possible de demander que l’équilibre soit rétabli, le cas échéant. Je suis bien conscient de cet enjeu. C’est pour cette raison que j’ai posé la question au ministre lorsqu’il a comparu devant le Comité des affaires juridiques.
L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au sénateur Yussuff. Accepteriez-vous d’y répondre?
Le sénateur Yussuff : Oui.
La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup.
Comme beaucoup l’ont dit, le projet de loi C-3 est le bienvenu et il se fait attendre depuis longtemps. Les problèmes qu’il cherche à résoudre, soit l’élargissement des congés de maladie payés et des mesures de protection dont les travailleurs de la santé ont malheureusement besoin afin de contrer la violence, le harcèlement et les agressions, ont été identifiés au tout début de la pandémie, il y a presque deux ans. Des pressions vigoureuses ont été exercées sur le gouvernement pour l’amener à présenter ce projet de loi. Nous en sommes maintenant saisis et il est important que nous l’étudiions aussi rapidement que possible.
Cependant, sénateur Yussuff, comme vous l’avez dit, le projet de loi ne s’applique qu’aux travailleurs relevant de la compétence fédérale, ce qui représente moins de 10 % de la main-d’œuvre canadienne. Ma question porte sur la mise en œuvre des normes et des mesures de protection prévues dans le projet de loi.
Nous sommes optimistes quant au projet de loi. Cependant, comme nous l’avons tous vu à maintes reprises auparavant, l’espoir et l’optimisme ne se traduisent pas toujours par une mesure législative et la mise en œuvre d’une nouvelle loi.
Compte tenu de votre longue expérience professionnelle auprès des syndicats canadiens et des travailleurs, y a-t-il des suggestions ou des stratégies particulières que vous préconisez ou préconiserez afin que des négociations fédérales et provinciales aient lieu et que le processus de mise en œuvre des mesures de protection de cette loi soit beaucoup plus large?
Le sénateur Yussuff : Merci, sénatrice, de votre question.
Une fois ce projet de loi adopté, il ne fait aucun doute qu’il faudra trouver comment aborder la question avec les provinces et les territoires afin d’étendre la protection des travailleurs à ces administrations.
Comme vous le savez, notre fédération a toujours posé certains défis. Il y a de bons moments où l’optimisme règne et où les choses changent, et d’autres moments plus difficiles.
Il y a un certain temps déjà, nous avons entrepris des démarches afin de lutter contre la violence familiale. À l’époque, pas une seule province, incluant le gouvernement fédéral, ne protégeait les travailleurs victimes de violence familiale. En très peu de temps — moins de sept ans —, toutes les administrations du pays ont adopté des lois protégeant les travailleurs contre la violence familiale. Ces lois leur permettent d’obtenir des congés payés.
Je sais que certaines provinces pourraient rechigner à l’idée d’offrir des jours de congé de maladie payé aux travailleurs, mais je suis persuadé que le mouvement syndical verra cela comme une motivation à redoubler d’efforts pour que cela se réalise. Bien sûr, d’autres militants et groupes se joindront à l’effort du mouvement syndical visant à tenter de convaincre notre province... J’espère également que le ministre du Travail convoquera très bientôt son homologue provincial, comme il l’a indiqué dans sa lettre, pour tenir un débat de fond sur la façon de collaborer pour atteindre cet objectif.
(1110)
Le gouvernement fédéral a assurément fourni beaucoup de ressources aux provinces pour les aider à assurer une certaine équité dans la façon de gérer la pandémie. J’espère aussi que le gouvernement fédéral exercera un certain leadership auprès des provinces pour qu’elles instaurent des congés de maladie payés afin de compléter ce que nous faisons ici à l’échelle fédérale.
L’honorable Donna Dasko : Sénateur, acceptez-vous de répondre à une autre question?
Le sénateur Yussuff : Oui.
La sénatrice Dasko : Je vous remercie d’avoir parrainé ce projet de loi. Il s’agit d’une mesure législative essentielle qui vise à octroyer 10 jours de congé de maladie payé aux travailleurs sous réglementation fédérale. Ces jours de congé de maladie sont particulièrement importants avec l’arrivée du nouveau variant qui inquiète la population. Le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership dans ce dossier.
Lors des réunions du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie — dont je suis membre —, une série de points ont été soulevés. Votre discours portait d’ailleurs sur certains d’entre eux, notamment l’entrée en vigueur de cette loi. Toutefois, je me questionne encore sur ce point — qui avait été examiné par le Comité —, car j’estime que ce n’est pas encore clair. À un certain moment, on avait laissé entendre qu’elle n’entrerait pas en vigueur tant que les négociations n’étaient pas terminées. Cette information ne me semblait pas exacte. J’aimerais avoir des éclaircissements à cet effet.
Il ne fait aucun doute que les négociations avec les provinces ne seront pas faciles, car je peux déjà entrevoir les vives protestations d’au moins une province — celle où j’habite — avant que les esprits récalcitrants n’adoptent la position du gouvernement fédéral.
Sénateur, pouvez-vous nous donner des éclaircissements sur la date où ce projet de loi, cette loi, entrera en vigueur dans le contexte urgent de la COVID-19 où les travailleurs ont cruellement besoin de ces jours de congé de maladie payé?
Le sénateur Yussuff : Merci de votre question, sénatrice.
Pour ce qui est de la mise en œuvre du projet de loi, le gouvernement fédéral n’a pas besoin du consentement des provinces, évidemment.
Il est nécessaire d’avoir un cadre réglementaire pour compléter la mise en œuvre de la loi et il existe un processus pour ce faire. Les règlements doivent être publiés dans la Gazette du Canada. Le gouvernement peut adopter un décret pour accélérer le processus par rapport à la façon traditionnelle de procéder, qui prend environ 90 jours.
Il y a eu des discussions et on a reconnu que le gouvernement fédéral devra consulter les employeurs, les syndicats et d’autres intervenants au sujet de la mise en œuvre. J’estime que cela peut être fait en très peu de temps. La loi peut certainement être appliquée et profiter aux travailleurs relevant de la compétence fédérale dans les 60 prochains jours, puisque nous serons dans cette position. J’espère que le ministre et son personnel travailleront diligemment à cette fin. Il existe un mécanisme pour cela. D’après mon expérience, le gouvernement dispose de moyens pour le faire s’il le désire.
Pour ce qui est de la négociation avec les provinces, vous avez raison de souligner la réalité. Je ne pense pas que les provinces vont simplement se présenter à la table et dire : « Merci beaucoup, nous ferons ce que vous nous demandez de faire. » Il n’en est jamais ainsi. Je ne crois pas qu’il en sera ainsi avec le projet de loi à l’étude.
Je crois que la volonté est là de reconnaître que c’est autant grâce aux travailleurs qui relèvent des provinces qu’à ceux de ressort fédéral si l’économie a continué de rouler. Or, ces travailleurs devraient avoir le droit d’être malades sans devoir renoncer à une partie de leur salaire. Il s’agit d’une façon de lutter contre la pandémie et même de la vaincre. Il s’agit aussi d’une bonne façon de faire comprendre à ces mêmes travailleurs qu’ils comptent aux yeux de l’État et que le gouvernement est là pour eux.
J’espère que les dirigeants des provinces suivront les conseils du gouvernement fédéral, qu’ils sauront s’en inspirer et que, tous ensemble, nous pourrons améliorer les conditions de vie de tous les Canadiens.
L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, je souhaite remercier le sénateur Yussuff de son travail remarquable sur ce projet de loi.
Hier, notre groupe a subi des pressions importantes l’incitant à ne pas refuser le consentement unanime qui nous aurait permis d’adopter le projet de loi hier soir. Je ne dirais pas qu’il y a eu de l’intimidation, mais il y a certainement eu de la pression, et beaucoup. D’ailleurs, quand nous avons rejeté le consentement demandé par le sénateur Gold, j’ai entendu un sénateur dire « c’est honteux ».
Pour la gouverne de certains nouveaux sénateurs et même de ceux d’entre nous qui sont au Sénat depuis un certain temps, j’aimerais rappeler la marche à suivre à l’étape de la deuxième lecture de ce projet de loi.
Il doit y avoir un discours du parrain du projet de loi, ce que nous avons eu. Il doit y avoir un discours du porte-parole pour le projet de loi, ce que nous n’avons pas eu. D’autres doivent également prononcer des discours, ce que nous sommes en train de faire. À titre de sénateurs, nous devrions écouter attentivement ces discours en pensant à l’intention du projet de loi et nous demander si celui-ci est digne d’un examen plus approfondi. Voilà ce à quoi sert un vote à l’étape de la deuxième lecture, auquel nous procéderons bientôt. Ce vote indique si le projet de loi est digne d’un examen plus approfondi. Habituellement, lorsqu’un projet de loi est adopté à l’étape de la deuxième lecture, il est renvoyé à un comité pour examen.
Dans ce cas-ci, le comité a fait une étude préalable. Mais même lorsqu’il y a une étude préalable, on renvoie normalement le projet de loi au comité pour l’étude article par article. Le comité étudie alors la version finale; il regarde si des changements ont été apportés depuis l’étude préalable et si les préoccupations qu’il avait soulevées alors ont été réglées par le gouvernement et par les amendements de la Chambre des communes, l’une des raisons qui motivent parfois une étude préalable.
Dans ce cas précis, des changements ont été apportés. La plupart des préoccupations soulevées par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles n’ont pas été prises en compte. Par ailleurs, le projet de loi comporte maintenant un nouvel article à propos d’un congé en cas de décès. J’ai remarqué que le sénateur Yussuff l’avait mentionné à la toute fin de son discours, puisqu’il s’agit d’un ajout de dernière minute fait par la Chambre des communes. Certes, la Chambre a fait cet ajout pour les meilleures raisons qui soient, mais il n’en demeure pas moins que les détails de cet amendement et de ce nouvel article ne sont disponibles que depuis hier soir.
Normalement, je m’attendrais à ce que le comité ayant mené l’étude préalable procède à l’étude article par article du projet de loi, propose des amendements et présente un rapport final avant l’étape de la troisième lecture. C’est ainsi que les choses devraient se dérouler. Si elles s’étaient déroulées ainsi, nous aurions pu apporter des amendements au projet de loi, ou nous pourrions au moins avoir sous la main un rapport indiquant si toutes nos préoccupations ont été réglées et, si ce n’est pas le cas, lesquelles subsistent. Nous pourrions ensuite dire que nous avons terminé l’étape cruciale de contrôle de la qualité, que nous avons procédé à un second examen objectif, et que nous pouvons maintenant débattre du projet de loi en troisième lecture en étant pleinement informés. Rien de cela ne se produira. Pourquoi?
C’est parce que certaines personnes nous ont dit que le projet de loi est si urgent que nous ne pouvons tout simplement pas attendre. La sénatrice McPhedran a souligné que certains de ces problèmes précèdent l’apparition de la COVID et que, même s’ils ont été mis en lumière par celle-ci, cela fait deux ans que la pandémie a commencé. Je pense que cela met un peu en doute l’urgence de ce projet de loi et la nécessité de l’adopter d’un coup de baguette magique.
(1120)
On nous a aussi dit que même s’il y a eu des amendements de dernière minute et beaucoup de rebondissements à la Chambre des communes, nous ne pouvions en aucun cas adopter d’amendements pour améliorer ce projet de loi étant donné que la Chambre des communes ne siège plus, et qu’il serait donc inutile de proposer des amendements. Cela en dit très long sur certains points que je ne perdrai pas de temps à exposer.
Le dernier signal d’alarme qui montre qu’il y a un problème avec ce projet de loi est la fameuse lettre du ministre qui nous précise que la situation sera corrigée ultérieurement, et je constate que c’est aussi le cas pour ce projet de loi.
Chers collègues, dans quelques instants, il nous sera demandé de renoncer à nos droits et à nos obligations au lieu de faire notre travail scrupuleusement à propos de ce projet de loi qui aura eu un parcours législatif très surprenant à la Chambre des communes, c’est le moins qu’on puisse dire.
Ce projet de loi modifie profondément le Code criminel et le droit du travail de façon permanente, et d’aucuns pourraient arguer qu’il ne s’agit pas d’un projet de loi urgent contre la COVID-19. Ce projet de loi contient beaucoup de points alarmants qui nécessitent un second examen objectif, nonobstant les répercussions significatives et positives qu’il pourrait avoir sur les travailleurs canadiens.
J’estime que c’est regrettable. Il est regrettable que nous ne soyons pas en mesure de remplir notre devoir entièrement. Il est regrettable que nous ne disposions pas du temps nécessaire pour le faire et pour tenter d’améliorer ce projet de loi du mieux que nous pouvons.
À la fin de la dernière session, en juin, je pense que nous avons tous ressenti beaucoup de fierté pour le travail bien fait, et que nous envisagions l’avenir avec optimisme. Je n’ai plus ce sentiment aujourd’hui. Je pense que nous devrons amorcer une réflexion et peut-être prendre des mesures afin que nous puissions, en tout temps, faire le travail que notre mandat constitutionnel et les Canadiens exigent de nous.
Son Honneur le Président : Sénatrice Lankin, vouliez-vous poser une question ou intervenir dans le débat?
L’honorable Frances Lankin : Je voudrais poser une question, Votre Honneur.
Son Honneur le Président : Sénateur Tannas, accepteriez-vous de répondre à une question?
Le sénateur Tannas : Certainement.
La sénatrice Lankin : Merci, sénateur Tannas. Je tiens à dire d’emblée que je souscris à tout ce que vous avez dit. Je suis tout à fait d’accord avec vous. Je dirais que tous les sénateurs sont probablement de votre avis, même si je ne peux en être sûre. Je crois cependant pouvoir dire avec certitude que la majorité d’entre eux sont d’accord avec vous. D’autres ont parlé de ce problème lors de l’étude d’autres projets de loi et dans d’autres circonstances, et le problème persiste.
À un moment donné, le Sénat doit se mobiliser sur ce sujet, et je crois qu’à l’aube d’une nouvelle année, avec la nouvelle session qui s’amorce, ce moment est venu. J’aimerais vous demander si vous seriez prêt à travailler avec des représentants de chacun des groupes au Sénat afin de rédiger une proposition ou d’élaborer un plan en vue de rallier le Sénat derrière une déclaration de principes qui énoncerait nos attentes dans notre relation et nos échanges de renseignements avec la Chambre des communes ainsi que pour mettre au point une stratégie de communication avec le gouvernement fédéral, par exemple, proposer et adopter une motion, bref, comment faire franchir aux mesures à l’étude les étapes du processus législatif sans compromettre notre capacité de faire un travail utile. Car, l’une des choses que vous avez omises, mais que vous pensez, je le sais, c’est que nous empêcher de faire notre travail ne sert pas l’intérêt des Canadiens. Ils n’en ont pas pour leur argent, l’argent qu’ils paient pour faire fonctionner le Sénat, lorsque des projets de loi comportant une erreur, représentant des occasions ratées et ayant une incidence profonde, bonne ou mauvaise, sur la population canadienne passent par le Sénat sans faire l’objet de l’examen attentif qui s’impose. Je vous remercie de me donner l’occasion de solliciter votre leadership à l’égard de cette question.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Tannas : Merci. Je suis d’accord. Le moment est venu. Nous devons nous engager — peut-être est-ce en raison de l’esprit de Noël — à proposer de façon posée et réfléchie, lorsque nous ne serons pas acculés au pied du mur, une déclaration du genre en vue de ce type d’interaction avec la Chambre des communes pour mettre fin au cycle infernal où nous sommes contraints de renoncer à la possibilité de faire notre travail par faute de temps.
L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) : Le sénateur Tannas accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Tannas : Bien sûr.
Le sénateur Housakos : Sénateur Tannas, je comprends votre point de vue. D’ailleurs, je l’ai défendu à maintes reprises au Sénat.
Dans ce cas particulier, étant donné que le projet de loi a été adopté à l’unanimité à la Chambre des communes, ne pensez-vous pas que nous avons l’obligation, à la Chambre haute, de respecter la volonté démocratique de la Chambre élue?
Ensuite, un certain nombre d’amendements présentés par le Sénat depuis le début de la 44e législature — dont l’exemple que vous avez donné — et beaucoup d’autres amendements et propositions d’amendements présentés au cours de la 43e législature ont été ignorés. Ne croyez-vous pas qu’il serait bénéfique que certains honorables sénateurs participent aux réunions du caucus national au pouvoir qui ont lieu chaque semaine à l’autre endroit? Je sais que nos collègues en rient, mais j’ai vécu une époque où nous avions une certaine influence sur l’élaboration des mesures législatives au sein du caucus national. Seriez-vous d’accord avec moi sur ce point?
Le sénateur Tannas : Je suis d’accord. En fait, dans votre discours d’hier soir, vous avez exprimé votre malaise face à cette façon de traiter le projet de loi. Je suis d’accord.
En ce qui a trait à l’unanimité à la Chambre des communes et au fait que ce serait un signal pour nous de renoncer à nos droits et à nos obligations, je pourrais soutenir le contraire. Nous sommes ici pour nous dissocier de la politique et, croyez-moi, il faudrait que nous soyons les créatures les plus naïves sur Terre pour penser que ce qui est arrivé dans le cas de ce projet de loi n’impliquait pas une bonne part de politique hier soir. C’est la première chose qu’on devrait regarder lorsqu’une décision unanime nous est transmise par la Chambre.
Nous en avons eu un autre exemple. C’était peut-être un résultat du projet de loi C-4. Nous espérions tous pouvoir adopter ce projet de loi. Or, le fait qu’il a été adopté à l’unanimité devrait nous inciter à réfléchir, et non à donner le feu vert et à l’adopter d’emblée, sans avoir fait notre travail.
L’honorable Denise Batters : Sénateur Tannas, je suis heureuse que vous ayez signalé que certains éléments d’un débat normal ont été omis lors de l’étude de certaines de ces mesures. Je voudrais mentionner une autre chose que j’ai souvent remarquée. En général, le leader du gouvernement au Sénat ne prononce pas de discours sur les grands projets de loi d’initiative ministérielle. Or, ce genre d’intervention donnerait aux sénateurs l’occasion de poser des questions, d’entendre un long exposé sur les raisons pour lesquelles le gouvernement considère le projet de loi important et ensuite d’entendre un membre du Conseil privé répondre à leurs questions plus en détail pendant une période de questions beaucoup plus longue. Convenez-vous qu’il s’agit là d’un élément important qui a été omis lors de l’étude de trop de projets de loi d’initiative ministérielle?
Le sénateur Tannas : Je ne veux surtout pas mettre mon ami et collègue le sénateur Gold mal à l’aise, mais vous avez raison, sénatrice Batters. Le sénateur George Baker, dont le souvenir perdure dans cette enceinte — et ceux qui le connaissent assez bien savent qu’il nous regarde probablement en ce moment de chez lui à Terre-Neuve —, avait l’habitude de parler de la façon dont les tribunaux suivaient les transcriptions du Sénat et fondaient leurs jugements sur ces documents.
(1130)
L’une des choses les plus importantes que nous puissions faire est de poser une question à un représentant du gouvernement, et c’est d’ailleurs ce que nous avons fait, le printemps dernier, au sujet du projet de loi C-15, et le sénateur Gold a fait des déclarations qui pourraient finalement s’avérer importantes si les tribunaux se penchent là-dessus.
Ne serait-ce que pour cette raison, je dirais qu’il n’est pas absolument nécessaire de faire un discours magistral, mais j’espère que le sénateur Gold envisagera à l’avenir de dire quelques mots et de faire en sorte que ce genre de questions puissent figurer au compte rendu.
C’est une très bonne observation, sénatrice Batters.
[Français]
L’honorable Renée Dupuis : Est-ce que le sénateur Tannas accepterait de répondre à une autre question?
[Traduction]
Le sénateur Tannas : Oui.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Ma question sera en deux volets. Le premier volet est le suivant. Je suis d’accord avec tout ce que vous avez dit, à l’exception de votre dernière phrase. Vous avez dit dans votre première phrase que votre groupe avait subi énormément de pression hier, même de l’intimidation — ce sont les mots que vous avez utilisés —, et que vous n’êtes pas d’accord avec cela; vous dites que vous avez même entendu le mot shame. J’ai entendu aussi ce mot et je considère que c’est un vocabulaire qui est non parlementaire et inacceptable.
Ma question pour vous est la suivante : comment devons-nous interpréter la dernière phrase de votre intervention d’aujourd’hui, lorsque vous dites que ce projet de loi amène des changements majeurs au Code du travail et au Code criminel, mais que vous terminez en disant this is a shame? Comment voulez-vous qu’on interprète ce genre de phrase alors que vous venez tout juste de vous en plaindre au début de votre intervention?
Je suis tout à fait d’accord avec vous. N’est-ce pas de la pression et de l’intimidation que vous faites, en utilisant ces termes-là?
[Traduction]
Le sénateur Tannas : Vous aviez deux questions, mais je n’en ai entendu qu’une seule.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Le deuxième volet de ma question est le suivant. Vous avez parlé de la procédure habituelle qui n’avait pas été suivie — je suis d’accord. Dans le cadre de notre travail, ne devrait-on pas mentionner le fait que nous acceptons de limiter le travail des comités parce que nos représentants, qu’ils soient facilitateurs ou leaders, ont convenu d’une façon de procéder que le gouvernement nous oblige à adopter ou du moins essaie de nous obliger à adopter? Cet élément ne devrait-il pas faire partie du travail que vous avez qualifié de bonne idée?
[Traduction]
Le sénateur Tannas : Je vous remercie, sénatrice Dupuis. Vous avez tout à fait raison. Je ne voudrais pas qu’on pense qu’à mes yeux, ce projet de loi est une honte. Il est tout à fait valable et il améliorera les conditions de travail des employés de ressort fédéral. Je crois aussi qu’il devrait inciter les provinces à faire la même chose. Il s’agit d’une mesure importante, comprenons-nous bien, mais c’est seulement dommage qu’elle n’ait pas été valorisée autant qu’elle aurait dû l’être — en bonne partie à cause de la manière désordonnée dont son étude a pris fin à la Chambre des communes. Je vous remercie de m’avoir permis de préciser ma pensée.
Pour ce qui est de votre seconde question, la procédure d’étude accélérée que nous avons réinstaurée il y a quelques jours repose sur le principe de la transparence. Pour y avoir recours, il faudra qu’une personne explique, à ses collègues sénateurs et aux Canadiens en général, pourquoi l’étude d’une mesure devrait être accélérée et pourquoi le processus éprouvé que nous suivons depuis maintenant 152 ans devrait être court-circuité. De cette façon au moins, la discussion se fera en public et non entre les leaders des différents groupes, et sans qu’on ait besoin de tordre le bras de qui que ce soit.
Alors oui, vous avez tout à fait raison. Cet aspect doit faire partie de notre réflexion et nous devrions nous y mettre avant d’être mis devant le fait accompli, comme aujourd’hui.
L’honorable Terry M. Mercer : Acceptez-vous de répondre à une question?
Le sénateur Tannas : Oui.
Le sénateur Mercer : Merci de vos observations, sénateur Tannas. La première partie de ma question est ma diatribe habituelle à ce moment-ci du cycle parlementaire. Vous l’entendrez en décembre, puis vous en entendrez une semblable en juin. Quand accorderons-nous nos violons et rejetterons-nous un projet de loi ou refuserons-nous de débattre d’un projet de loi que la Chambre des communes, de l’autre côté de la rue, souhaite désespérément voir adopter?
Rien ne sert d’avoir le pouvoir de le faire si on ne se sert jamais de ce pouvoir. Certes, ce n’est pas la mesure législative pour agir de la sorte parce qu’elle est importante pour les travailleurs canadiens. Néanmoins, on se fait dire constamment : « Oh, la Chambre des communes ajourne ses travaux aujourd’hui. En passant, voici deux projets de loi que vous devez adopter avant de pouvoir rentrer chez vous. » Eh bien, devinez quoi? Nous sommes maîtres de notre destin. Nous pouvons présenter le projet de loi, ignorer le projet de loi, ne rien faire avec le projet de loi ou rejeter le projet de loi. Toutefois, tôt ou tard, les sénateurs devront prendre position et dire : « Non, nous sommes désolés. Nous sommes le 28 juin, et nous rentrons chez nous. Nous nous reverrons en septembre. » Nous laisserions ensuite la Chambre des communes s’occuper du problème qu’elle a créé, car ce n’est pas nous, les sénateurs, qui l’avons créé.
Sénateur Tannas — je dois poser une question maintenant afin de ne pas enfreindre le Règlement —, diriez-vous que nous tous, les 105 sénateurs, devons décider d’un moment, d’une mesure législative que nous laisserons au Feuilleton ou que nous rejetterons simplement afin d’attirer l’attention du gouvernement — pas seulement celle du gouvernement, mais aussi celle de tous les députés de la Chambre des communes — afin que nous fassions tous preuve de respect les uns envers les autres — car dans le cas présent, ce n’est pas faire preuve de respect.
Le sénateur Tannas : Je crois que nous devons essayer de changer d’état d’esprit. Cela ressemble beaucoup à l’époque où vous, moi et d’autres faisions partie d’un caucus et que nous devions accepter la décision du whip sans trop poser de questions. Nous avions un travail à faire, et c’était de promouvoir l’option que nos collègues de l’autre endroit nous demandaient de promouvoir. Je crois que nous vivons une période de transition nécessaire et que nous devons agir en toute connaissance de cause.
Quant à l’idée de rejeter un projet de loi, je vous comprends. Il pourrait être tout aussi efficace d’amender un projet de loi une fois qu’ils sont rentrés chez eux, faire notre travail, puis renvoyer les amendements à une Chambre vide pour voir à quel point ce projet de loi est important. Nous pouvons aussi simplement réitérer qu’il importe peu que la Chambre des communes siège ou pas. Si nous voyons que des amendements sont nécessaires, agissons en conséquence. C’est probablement une solution plus facile, plus simple et qui peut se présenter plus souvent, comme dans le cas présent j’imagine. Nous pourrions ainsi faire notre travail sans tout faire sauter.
Le sénateur Mercer : Merci, sénateur Tannas. Je suis d’accord.
[Français]
L’honorable Pierre J. Dalphond : Est-ce que le sénateur Tannas accepterait de répondre à une autre question?
[Traduction]
Le sénateur Tannas : Oui.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Merci pour ces commentaires très importants, sénateur. Vous soulevez une question fondamentale sur le rôle du Sénat.
J’aimerais vous entendre sur deux sujets.
Tout d’abord, ne faut-il pas faire une distinction entre une revue attentive, même d’une loi adoptée unanimement par la Chambre des communes, et le respect de la Chambre des communes lorsqu’elle répond à nos propositions d’amendement? Dans un premier temps, lorsqu’on étudie un projet de loi, le fait qu’il ait été adopté unanimement est-il un élément déterminant? Je ne suis pas certain. Lorsque la réponse revient à nos propositions, la déférence envers la Chambre élue est importante.
Mon deuxième point est le suivant : ne faut-il pas adresser nos commentaires non seulement au gouvernement, mais aussi, à l’occasion, à l’opposition au Sénat qui, par exemple, dans le cas du projet de loi sur les thérapies de conversion, a fait en sorte que le projet de loi soit adopté sans que le Sénat n’ait tenu un vrai débat en deuxième lecture, ni en troisième lecture, ni même une étude préalable du projet de loi?
(1140)
C’est un projet de loi que nous avons adopté en un seul après-midi, sans tenir un vrai débat ni en faire l’analyse. Nous n’avons pas rempli notre devoir constitutionnel et, cette fois-ci, je crois qu’on ne peut pas blâmer le gouvernement.
[Traduction]
Le sénateur Tannas : Je suis d’accord. Je crois qu’il nous incombe à tous, quelle que soit notre allégeance politique, de nous rappeler le mandat de second examen objectif du Sénat lorsque nous faisons face à ce type de situation. Cela pourrait facilement prendre la forme, comme ce fut le cas, d’une motion du leader de l’opposition.
Vous avez raison : nous avons raté une occasion. Ce n’est pas la faute du leader de l’opposition. Il a présenté la motion pour des raisons légitimes; il pensait que c’était la bonne chose à faire. C’était notre travail — le mien, celui des autres leaders et, bien sûr, celui de tous les sénateurs — d’intervenir et de demander des précisions ou de prendre toute autre mesure nécessaire. Nous ne l’avons pas fait. Nous avons donc adopté un projet de loi qui aurait peut-être mérité un examen plus approfondi. C’est une excellente observation, sénateur Dalphond. Merci.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Est-ce que le sénateur Tannas accepterait de répondre à une autre question?
Le sénateur Tannas : Oui.
La sénatrice Bellemare : Je suis d’accord avec plusieurs de vos propos. Ils sont d’une grande sagesse. Ils nous permettent aussi de nous questionner sur nos processus et de parler de la modernisation du Sénat.
Ce qui m’amène à vous poser une question, ce sont vos commentaires par rapport à la nécessité de discours qui seraient présentés par le représentant du gouvernement au Sénat. Ne trouvez-vous pas qu’il serait temps que le responsable ministériel d’un projet de loi vienne nous le présenter au Sénat? On pourrait avoir une période consacrée à cette présentation, qui serait ouverte et différente de la tenue d’un comité plénier. Le sénateur qui présente le projet de loi viendrait répondre à nos questions avant que nous en fassions l’étude, peut-être à l’étape de la deuxième lecture. Le fait qu’il y ait un parrain des projets de loi au Sénat n’empêche pas d’avoir un porte-parole. De plus, le ministre responsable pourrait comparaître devant nous pour présenter son projet de loi, afin que l’on puisse lui poser des questions. Il resterait à déterminer si cet exercice devrait se faire à l’étape de la deuxième lecture ou de la troisième lecture. Toutefois, j’aimerais entendre vos commentaires sur ce point.
[Traduction]
Le sénateur Tannas : Je ne suis pas certain, mais je pense que c’est une proposition que nous pourrions examiner. C’est un aspect important. Cependant, à l’initiative du sénateur Plett, qui occupe le rôle de leader de l’opposition, nous avons déjà fait parvenir un message à l’autre endroit pour réitérer un principe qu’on a toujours appliqué : « pas de ministre, pas de projet de loi ». Nous voulions que le ministre responsable comparaisse devant le comité qui avait été choisi pour réaliser les travaux fastidieux de recherche pour un projet de loi donné.
Le sénateur Plett et l’opposition avaient déclaré que les ministres doivent comparaître devant les comités, sinon les comités ne renvoient pas les projets de loi au Sénat. Je crois que cela a jeté les bases de la collaboration des ministres avec les comités.
Nous devons déterminer si nous nous en remettons à la participation des ministres aux séances des comités ou au sénateur Gold — ou à tout autre futur représentant du gouvernement au Sénat, à titre d’agent du gouvernement — pour fournir toutes les informations ou les déclarations requises pour répondre à nos questions. Cela dit, je ne suis pas en mesure de dire quelle serait l’option à privilégier.
L’honorable Ratna Omidvar : Sénateur Tannas, accepteriez-vous de répondre à une autre question?
Le sénateur Tannas : Bien sûr.
La sénatrice Omidvar : Je vous remercie, sénateur. Je suis d’accord avec vous sur presque toute la ligne. Bien que je prévoie voter en faveur du projet de loi et que le moment me semble mal choisi pour des acrobaties politiques, il m’apparaît approprié d’avoir cette discussion maintenant. Il ne fait aucun doute, comme l’a signalé le sénateur Mercer, que des situations semblables surviendront encore et encore et que nous dirons alors, fanfarons, « plus ça change, plus c’est pareil ».
Le Sénat est aux prises avec un problème systémique et doit trouver une solution systémique. Je suis au Sénat depuis six ans et, au cours de cette période, nous avons discuté d’une variété de problèmes et de solutions et nous avons déposé le rapport La modernisation du Sénat, mais les choses ne progressent pas.
Sénateur Tannas, à la lumière de votre intervention, pouvons-nous nous attendre, à notre retour, à ce qu’une motion soit présentée par vous ou par quelqu’un d’autre — elle devrait venir de vous, je crois, puisque vous avez soulevé cette question — à propos du problème systémique qu’il faut régler, peut-être de la façon mentionnée par la sénatrice Lankin? Il nous faut absolument une solution qui nous évitera de nous retrouver dans une situation où nous devons agir à la hâte, à la presse, ce qui nous empêche de faire le travail que nous sommes censés faire, bien que nous soyons membres de la Chambre non élue. C’est la condition que j’ajouterais.
Le sénateur Tannas : Tout d’abord, je peux vous dire que j’assumerai cette responsabilité. Je vous remercie de votre intervention. Durant le congé, je vais essayer de mettre en place un genre de processus de consultation avec les personnes intéressées, ce qui pourrait aboutir à une motion que je présenterai au nom du groupe en question.
Je veux aussi remercier tous ceux qui ont participé à la discussion. Il ne m’est que trop évident que je suis assis confortablement chez moi, après avoir quitté Ottawa hier matin, tandis que des sénateurs et tout le personnel travaillent un jour de plus pour que nous puissions avoir cette conversation. Nous devons exécuter le travail nécessaire, étant donné ce que le Groupe des sénateurs canadiens a fait pour mettre le problème en lumière. Merci à tous. J’apprécie tous les commentaires.
Son Honneur le Président : Sénateur Quinn, avez-vous une question?
L’honorable Jim Quinn : Oui, j’ai une question pour le sénateur Gold.
Son Honneur le Président : La question doit être adressée au sénateur Tannas.
Le sénateur Quinn : Je vais poser la question au sénateur Tannas.
Je veux commencer par remercier le sénateur Yussuff de son discours éloquent, qui était bien ficelé. Je suis honoré d’avoir été appelé au Sénat et d’y avoir été assermenté le même jour que le sénateur Yussuff.
Quand le premier ministre m’a téléphoné pour me proposer de devenir sénateur, il m’a dit :
Vous ne serez pas toujours d’accord avec les politiques mises en avant par le gouvernement. Votre travail consiste à en rehausser la valeur. Une fois que tout aura été dit, vous serez peut-être toujours en désaccord avec ce que le gouvernement propose, mais cela fait partie de votre travail, et je vous demande de vous en acquitter.
Durant l’éloquent discours qu’il a prononcé hier soir, le sénateur Housakos a soutenu que le Sénat ne devrait pas se contenter de tout approuver les yeux fermés. Je ne me suis certainement pas joint au Sénat en pensant que j’allais tout approuver les yeux fermés. Cependant, les trois premières semaines que j’ai passées au Sénat m’ont plutôt fait croire qu’il en était ainsi. Tout cela semble constituer un défi depuis un bon moment pour ceux qui siègent au Sénat depuis plus longtemps que moi.
Je suis d’accord avec les commentaires de divers sénateurs voulant qu’il soit primordial de préserver la réputation du Sénat, non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour les processus parlementaire et législatif et, par-dessus tout, pour les Canadiens.
Sénateur Tannas, ne convenez-vous pas qu’il est important de tenir compte du conseil que m’a donné le premier ministre et qui a été répété par l’honorable leader de l’opposition ici, au Sénat?
Le sénateur Tannas : Merci, sénateur Quinn. Je suis d’accord avec vous. Au bout du compte, l’un des héritages les plus importants que nous laissera le premier ministre Trudeau sera les changements qu’il a apportés au Sénat; du moins, si nous choisissons de saisir cette occasion, d’accepter ce que ces changements signifient pour notre institution et de procéder aux modifications nécessaires à l’accomplissement de nos tâches sénatoriales et à nos interactions avec la Chambre des communes. Je suis impatient de faire ce travail avec tous les sénateurs.
(1150)
[Français]
L’honorable Marie-Françoise Mégie : Sénateur Tannas, accepteriez-vous de répondre à une question?
[Traduction]
Le sénateur Tannas : Il me reste sans doute peu de temps, mais oui.
[Français]
La sénatrice Mégie : Sénateur Tannas, avec l’émergence du variant Omicron et la hausse des cas de COVID-19, consentiriez-vous à ce que les travailleurs aient la possibilité de bénéficier immédiatement de mesures qui leur permettraient de s’absenter de leur travail en cas de maladie, même s’ils ont des symptômes légers, au lieu d’aller contaminer les autres sur les lieux de travail par peur de perdre leur salaire? Consentiriez-vous à ce que l’on puisse appliquer cette mesure pour les rassurer et pour qu’ils ne soient pas obligés de se rendre au travail parce qu’ils ont peur de ne pas être payés? À mon avis, c’est la raison pour laquelle il est urgent d’adopter ce projet de loi.
Je comprends tout ce que vous avez dit et je suis d’accord pour dire que c’est bel et bien un « processus chronique » qui nous oblige à adopter des projets de loi à toute vitesse à la veille du congé des Fêtes. Je comprends tout cela et vous avez raison, mais pour ce qui est de la situation qui nous occupe aujourd’hui, j’aimerais savoir ce que vous en pensez.
[Traduction]
Le sénateur Tannas : Je ne suis pas certain que la mesure législative entrera immédiatement en vigueur, même si nous l’adoptons aujourd’hui. Il faudra prendre des règlements pour apporter des précisions.
La pandémie a commencé il y a deux ans, et d’autres mesures et initiatives ont été mises en place pour permettre aux gens de s’absenter quand ils contractent la COVID, sans être ruinés financièrement. Ce n’est pas nouveau. Nous nous rendons juste compte maintenant de la situation dans laquelle se trouvent certaines personnes. De plus, je pense que tous les employeurs encore actifs disposent d’une stratégie pour composer avec une telle situation, du moins à court terme.
Cela dit, le projet de loi à l’étude et l’évolution actuelle de la COVID font ressortir la nécessité de ces prestations, comme le sénateur Yussuff l’a fait valoir avec tant d’éloquence. Le plus tôt sera le mieux, bien sûr, mais cette mesure n’entrera certes pas en vigueur dès demain. Merci.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Yussuff, avec l’appui de l’honorable sénatrice Dasko, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Débat
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
L’honorable Hassan Yussuff : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5b) du Règlement, je propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois maintenant.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
L’honorable Vernon White : Honorables sénateurs, j’aimerais féliciter le sénateur Yussuff de parrainer ce projet de loi et de ses efforts dans ce dossier.
D’emblée, je tiens à préciser que j’appuie le raisonnement qui sous-tend le projet de loi C-3. Toutefois, j’aimerais soulever quelques préoccupations à l’égard du processus qui nous a menés où nous en sommes et je vais proposer un amendement qui s’impose, je crois, et qui pourrait permettre aux policiers d’intervenir à l’égard d’actes que ce projet de loi érigerait en infractions au Code criminel du Canada.
Nous avons notamment entendu que ce projet de loi ajouterait une infraction au Code criminel du Canada assortie d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 10 ans. Dans son étude du projet de loi, l’autre endroit a consacré la majorité de son temps sur les aspects sociaux et relatifs au travail. D’ailleurs, c’est le Comité des ressources humaines qui a étudié le projet de loi, et la majorité de son étude et des amendements proposés portaient sur les jours de congé de maladie qui seraient offerts à certains employés. De prime abord, cela semble être une politique sociale appropriée et importante pour les Canadiens qui vivent et travaillent sans cette protection.
En premier lieu, nous devrions nous poser la question suivante : pourquoi deux mesures législatives aussi différentes — l’une porte sur les jours de congé de maladie pour les employés, qui relèvent du Code du travail, et l’autre, sur des modifications au Code criminel et de lourdes peines d’emprisonnement pour les personnes reconnues coupables — se retrouvent-elles dans un même projet de loi? Cela me dépasse. La vérité, c’est que ces deux importantes mesures n’ont absolument rien en commun.
On nous a demandé de faire une étude préalable du projet de loi et, en toute logique, nous avons séparé l’étude en deux afin que le Comité des affaires sociales se charge de la partie qui concerne les ressources humaines et que le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles étudie la partie concernant les nouvelles dispositions sur les infractions et la détermination de la peine, qui relèvent du Code criminel. La suite des événements devrait nous amener à y réfléchir à deux fois lorsqu’on nous demandera à nouveau de faire l’étude préalable d’un projet de loi.
Je vais m’en tenir aux parties de la mesure législative que j’ai examinées, étant donné que le projet de loi adopté à l’autre endroit n’a jamais été examiné par un comité du Sénat. Nous avons rencontré et entendu un seul témoin dans le cadre de notre étude préliminaire portant sur les changements apportés au Code criminel, soit le ministre de la Justice. Au cours de cette rencontre, le ministre s’est fait demander à maintes reprises pourquoi le projet de loi était nécessaire et pourquoi la police et les procureurs de la Couronne n’utilisaient pas les dispositions du Code criminel déjà prévues pour l’intimidation, le harcèlement, les menaces, etc. En fait, j’aurais espéré que nous aurions pu poser ces questions à la police et aux procureurs de la Couronne. En fait, après la première rencontre, beaucoup ont déclaré que, quand le projet de loi nous serait renvoyé, nous pouvions nous attendre à entendre d’autres témoins, qui pourraient nous dire si les nouvelles infractions étaient nécessaires. Peut-être qu’il est nécessaire de modifier les infractions déjà prévues au Code criminel pour gérer les situations soulevées afin de protéger les travailleurs et les représentants du milieu de la santé.
Peut-être que le projet de loi est nécessaire. Il ne fait aucun doute que des mesures doivent être prises. Par contre, il serait peut-être bon de connaître les suggestions d’autres experts juridiques ou de personnes touchées par les actions décrites, comme des travailleurs de la santé, des policiers et la Couronne, à qui, à notre avis, n’a pas tous les outils nécessaires à l’heure actuelle. Je ne remets absolument pas en question l’importance de nos travailleurs de la santé et l’importance de mettre en place des mesures pour les protéger. Par contre, je suis d’avis que nous devons bien faire les choses.
Peu importe la résistance à l’égard du projet de loi, le ministre a insisté sur le fait que cette mesure législative est nécessaire pour soutenir les travailleurs de la santé dans nos communautés. C’est un argument valable, mais qu’en est-il de la mesure législative elle-même?
Le ministre a spécifiquement été questionné sur l’ampleur des nouvelles infractions et la nouvelle portée du projet de loi. Les propos suivants échangés entre la sénatrice Simons et le ministre mettent en évidence mes inquiétudes, à mon humble avis. La sénatrice a posé la question suivante au ministre :
Et qu’en est-il d’une personne à la maison? Parce que nous avons entendu des histoires concernant des travailleurs de la santé qui ont reçu des menaces en ligne, qui ont reçu la visite de manifestants à leur domicile, mais — plus grave encore — qui ont vu des photos d’eux dans les médias sociaux, et j’en passe.
Le ministre Lametti lui a répondu ce qui suit :
Cette mesure législative s’applique absolument en ligne et elle a été spécifiquement conçue pour s’appliquer au contenu diffusé en ligne.
Le ministre a ensuite ajouté ce qui suit :
Étant donné ce que j’ai dit plus tôt, si un médecin ou une infirmière offre des services de santé de sa maison dans une région éloignée, par exemple, je crois que la loi s’appliquerait. S’il s’agit uniquement du lieu de résidence d’un travailleur de la santé, alors je crois qu’il faudrait s’en remettre à [... ] d’intimidation en vertu du Code.
Autrement dit, dans le cas d’infractions qui existent déjà, le projet de loi ne s’appliquerait pas.
Bien que cette nouvelle infraction puisse être nécessaire, je crains qu’elle ne s’applique pas à la résidence des travailleurs de la santé et des responsables de la santé publique. Elle ne s’applique pas aux incidents qui ont eu lieu ces derniers mois partout au Canada, notamment en Colombie-Britannique, en Saskatchewan, en Ontario et, je crois, à l’Île-du-Prince-Édouard, où des responsables de la santé publique, en particulier, ont été intimidés, harcelés et même menacés dans leur propre maison.
Je ne suis pas convaincu que le projet de loi augmentera grandement le nombre d’outils dont la police dispose déjà, mais le message pourrait bien être très important pour les gens qui participeraient à de telles activités. Il est important que nous disions aux harceleurs, aux intimidateurs et aux personnes qui menacent les travailleurs de la santé que le gouvernement du Canada fera ce qu’il faut pour soutenir ces travailleurs dans la mesure du possible.
N’est-il toutefois pas aussi important de le faire de la bonne façon?
Pensez-y un peu. On a entendu un seul témoin à propos d’un aspect extrêmement important qui aura pour effet de créer une infraction considérée comme un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de 10 ans. Je suis profondément préoccupé par le processus qui a été utilisé et j’accepte ma part de responsabilité dans son déroulement puisque je siège au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles et à son comité directeur, mais je soutiens qu’il serait bon, et même nécessaire et essentiel, de faire mieux. Nous devons faire en sorte que ces projets de loi soient soumis à des examens et à des études approfondis.
Pendant le témoignage du ministre, j’ai trouvé préoccupant que plusieurs membres du comité posent des questions à propos de la nécessité d’avoir des articles distincts concernant de nouvelles infractions au Code criminel. J’avoue avoir été troublé de voir des travailleurs de la santé se faire harceler et intimider au cours des derniers mois. Je suis aussi d’avis que les travailleurs de la santé devraient se sentir tout aussi protégés par la loi lorsqu’ils sont ailleurs qu’au travail, et surtout lorsqu’ils sont chez eux.
Nous aurions pu envisager d’apporter des amendements à beaucoup d’autres points si nous avions pu regarder l’ensemble du projet de loi après son adoption à la Chambre des communes. Nous aurions pu envisager, par exemple, la saisie de véhicules utilisés dans la commission d’une infraction criminelle ou des régimes d’amendes immédiates, bref, différents mécanismes qui permettent une action immédiate à l’endroit des délinquants.
(1200)
C’est très difficile sans une étude article par article et quand on n’a pas accès à la version adoptée par la Chambre. Voilà pourquoi, selon moi, il faudrait que ce projet de loi protège les travailleurs de la santé où qu’ils se trouvent et pourquoi je propose qu’il soit amendé.
Mon amendement corrigera un défaut dont le ministre a lui-même reconnu l’existence, puisqu’il a admis que le projet de loi ne s’appliquera pas aux événements fâcheux qui pourraient se produire au domicile des travailleurs de la santé.
Rejet de la motion d’amendement
L’honorable Vernon White : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :
Que le projet de loi C-3 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à l’article 2, à la page 1, par substitution, à la ligne 12, de ce qui suit :
« 423.2 (1) Commet une infraction quiconque, à tout endroit, agit de ».
Son Honneur le Président : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur White?
Le sénateur White : Absolument.
L’honorable Paula Simons : Sénateur White, c’est moi qui ai abordé avec le ministre le sujet de l’intimidation qui pourrait se produire au domicile des travailleurs de la santé. Cet aspect me fait tiquer moi aussi, mais j’ai cru comprendre à vous entendre aujourd’hui — et je crois que c’est aussi ce que disaient certains membres du comité — que nous n’avons pas vraiment besoin de ce projet de loi, puisque ces méfaits sont déjà sanctionnés par le Code criminel.
Vous qui avez déjà été policier, et qui plus est chef de police, croyez-vous que votre amendement est vraiment nécessaire ou les travailleurs de la santé sont-ils déjà suffisamment protégés par les dispositions actuelles du Code criminel?
Le sénateur White : Merci de la question, sénatrice. De mon point de vue, je ne crois pas nécessairement que le projet de loi va améliorer les outils dont les services de police ont besoin, mais si on considère que le rôle des travailleurs de la santé et des responsables de la santé publique est si important que nous devrions mieux nous occuper d’eux et le faire différemment, alors nous devrions les protéger contre l’intimidation dont ils ont été victimes chez eux.
Au bout du compte, je ne suis pas sûr que cela va améliorer les choses, mais si nous croyons que cela peut aider, alors nous devrions en faire le plus possible.
La sénatrice Simons : Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?
Le sénateur White : Toujours.
La sénatrice Simons : C’est un aspect déterminant pour la façon dont je voterai sur cet amendement. Je viens de l’Alberta, où des travailleurs de la santé ont bel et bien été victimes d’intimidation chez eux, où ils ont reçu des menaces de mort, où des agressions troublantes et terrifiantes ont eu lieu, et cela a eu des répercussions non seulement sur les travailleurs de la santé, mais sur le tissu social. Malgré cela, nombre de mes collègues spécialistes des questions juridiques et policières me disent que ce changement n’est pas du tout nécessaire.
Si ces mesures sont superflues, alors pourquoi devrions-nous appuyer cet amendement, puisque vous ne croyez pas que ces mesures serviront à quoi que ce soit?
Le sénateur White : Merci, madame la sénatrice. En fait, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a déjà soulevé la question du chevauchement des infractions criminelles. Il a fait valoir que nous devons cesser de modifier le Code criminel existant et plutôt rédiger un nouveau code criminel.
Je reviens toujours au même point : si nous pensons que ces dispositions seront utiles et si nous avons l’intention de voter pour ce projet de loi, l’amendement que je propose l’améliorera.
Je vais voter en faveur de ce projet de loi, même si je m’inquiète du peu de temps — si on considère qu’il y en a eu — que nous avons consacré à l’améliorer, notamment au moyen de mesures immédiates. À mon avis, si nous trouvons la situation assez préoccupante pour nous faire dire que le projet de loi est important, l’amendement améliorera la mesure législative et protégera les travailleurs de la santé. Il enverra un message à ces personnes — et c’est ce que le ministre tente de faire, à mon avis — selon lequel elles ne doivent pas se rendre au domicile de quelqu’un, qu’elles se feront arrêter parce qu’il s’agit d’une infraction grave.
Je reviens toujours au même point. J’ai l’impression que la discussion sur la nécessité d’un tel amendement aurait dû avoir lieu au comité, mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Elle a plutôt lieu ici, à l’étape de la troisième lecture.
Son Honneur le Président : Sénateur White, d’autres sénateurs souhaitent vous poser des questions, mais votre temps de parole est presque écoulé. Accepteriez-vous de répondre à quelques questions supplémentaires?
Le sénateur White : Volontiers.
Son Honneur le Président : Je prierais les sénateurs qui posent des questions d’être brefs. Nous manquons de temps.
L’honorable Frances Lankin : Merci, sénateur White, de votre contribution et de l’amendement que vous proposez.
Je suis d’accord avec vous et je partage vos préoccupations. Je ne veux plus parler de cela. Nous avons passé plus de temps aujourd’hui à parler de ce problème que du projet de loi que nous déplorons ne pas avoir le temps de débattre.
Pour revenir au projet de loi et à votre amendement en particulier, comme vous l’avez indiqué, beaucoup de gens pensent que les dispositions visant à modifier le Code criminel permettent d’attirer l’attention sur la situation, de montrer qu’on se soucie de la sécurité des travailleurs de la santé et d’exprimer notre soutien, mais que la version actuelle du Code criminel permet de prendre les mesures nécessaires. Et voilà que vous proposez cet amendement. Je comprends votre raisonnement : si ça l’améliore, pourquoi pas?
La plupart des mesures d’application de la loi dont il est question relèvent des provinces. Celles-ci ont les outils pour procéder. Je pense notamment à l’époque où j’étais ministre de la Santé de l’Ontario et Marion Boyd, procureure générale. Nous avons fait prononcer une injonction de la procureure générale en réponse à l’attentat à la bombe contre la clinique Morgentaler et aux menaces dont les médecins faisaient l’objet chez eux.
Quelles recherches avez-vous effectuées pour voir ce que les autres provinces ont fait concernant l’application de la loi et la nécessité de cette mesure? Compte tenu de toutes les discussions que nous avons eues sur la possibilité de trouver une façon de corriger le processus, mais que ce n’est pas le bon projet de loi pour une confrontation — un argument qui, je le sais, revient souvent —, pourquoi, d’après vous, ce projet de loi devrait être celui que nous renvoyons à la Chambre des communes, au risque de repousser davantage son adoption et la mise en œuvre des mesures qu’il contient et qui visent seulement à venir en aide aux Canadiens dans le besoin? Merci.
Le sénateur White : Nous ne sommes pas la veille de Noël. La vérité, c’est qu’amender le projet de loi ne signifierait pas qu’il ne serait pas traité. Nous le savons, tout peut se faire à distance. L’adoption du projet de loi pourrait se faire plus tard aujourd’hui, lundi ou mardi. À part le fait qu’on nous a dit qu’il était urgent d’adopter le projet de loi, rien ne justifie que nous l’adoptions de toute urgence. D’ailleurs, la semaine dernière, le ministre a affirmé qu’il était ouvert à d’éventuels amendements proposés par la Chambre ou par le Sénat si de tels amendements s’avéraient nécessaires à l’adoption du projet de loi. À mon avis, si le projet de loi est nécessaire, cet amendement est important.
Au sujet du premier point, je n’ai pas vérifié ce que d’autres provinces ont fait, mais si cela concerne le Code criminel, contrairement à d’autres pays comme l’Australie, cela relève exclusivement du fédéral. S’il est question d’infractions inscrites au Code criminel, il n’y a qu’un endroit pour en traiter et c’est ici. Merci.
Son Honneur le Président : Nous débattons de l’amendement. Le sénateur Tannas a la parole.
L’honorable Scott Tannas : Merci, Votre Honneur. J’ai écouté les questions et les discussions. Puisque tout ce que je voulais dire a déjà été dit, pour gagner du temps, je vais laisser la parole aux autres sénateurs. Merci.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole pour discuter brièvement de l’amendement proposé par le sénateur White au projet de loi C-3, auquel le gouvernement s’oppose.
Je tiens à préciser que le gouvernement avait envisagé attentivement cette question lors de l’étude préalable du Sénat, alors qu’il cherchait une réponse proactive aux préoccupations soulevées par le Sénat. Par contre, des raisons de politique font en sorte que le gouvernement ne peut pas appuyer cette proposition.
[Français]
Je suis certainement d’accord avec le sénateur White pour dire que nous devrions faire tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger les travailleurs de la santé. Ils n’ont été rien de moins que des héros tout au long de cette pandémie, et s’ils ont obtenu le respect et la gratitude de la plupart des Canadiens, ils ont malheureusement aussi été victimes d’intimidation et d’abus.
En fait, il s’agit d’un problème qui existe depuis longtemps et qui a été exacerbé et mis en évidence par la pandémie. C’est pourquoi le gouvernement s’est engagé, au cours de la récente campagne électorale, à faire de ce projet de loi une priorité — et c’est effectivement le cas — comme en témoigne le fait qu’il soit devant nous en ce moment.
(1210)
[Traduction]
Chers collègues, il convient de souligner que les travailleurs de la santé appuient fortement le projet de loi. Selon la représentante de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada qui a comparu devant le Comité des affaires sociales, le projet de loi C-3 aiderait à protéger les travailleurs de la santé contre les menaces et le harcèlement, en plus de favoriser le maintien en poste des infirmières.
Dans un mémoire, l’Association médicale canadienne dit qu’elle :
[…] applaudit le gouvernement fédéral d’avoir pris l’initiative de présenter rapidement un projet de loi pour protéger les travailleurs de la santé contre les menaces, l’intimidation et la violence […] et exhorte respectueusement le Parlement à appuyer son adoption.
Il est clair que les gens que le projet de loi est censé protéger pensent qu’il vise juste.
Comme nous l’avons entendu, le projet de loi C-3 créerait deux nouvelles infractions criminelles. La première, l’intimidation, englobe toute tentative de provoquer la peur en vue d’empêcher l’offre ou l’obtention de soins médicaux. Cette infraction ne serait pas spécifique à un lieu ni à un moment. Si quelqu’un aborde un travailleur de la santé et lui dit : « Arrêtez de vacciner les gens, sinon je vais vous battre », il est coupable de cette infraction, peu importe s’il a prononcé ces mots dans un hôpital, dans une résidence privée, à l’épicerie ou ailleurs. Fait important, le projet de loi vise aussi l’intimidation qui se fait en ligne.
La deuxième infraction englobe le fait de gêner l’accès légitime par autrui à un endroit où des services de santé sont offerts par un professionnel de la santé. Cela ne s’applique pas seulement aux hôpitaux et aux cliniques. Cela pourrait aussi s’appliquer à une résidence privée si des soins de santé y sont prodigués ou même à un gymnase d’école si on y tient une clinique de vaccination. Ce n’est pas l’endroit qui compte, mais la prestation de services de santé.
Je signale également que la loi prévoit une protection considérable pour les résidences privées, souvent davantage que pour les espaces publics. Par conséquent, en fonction des actes commis, les personnes se livrant à des actes d’intimidation à la résidence d’un médecin, par exemple, pourraient être reconnues coupables de crimes contre les biens aux termes des lois provinciales ou territoriales, ou d’autres infractions telles que l’intrusion ou le méfait. Comme je l’ai dit, cela dépend des circonstances.
Pour ces raisons, même si je reconnais — et que je salue — l’objectif du sénateur White lorsqu’il a proposé cet amendement, je ne pense pas que ce dernier est nécessaire.
Honorables sénateurs, c’est là la position du gouvernement, et je voulais vous en faire part.
Cependant, j’aimerais aussi prendre un instant pour exprimer mon point de vue sur la collaboration ayant sous-tendu le parcours du projet de loi C-3 au Parlement.
Le projet de loi C-3 a entamé son parcours législatif en tant que projet de loi d’initiative ministérielle, mais aujourd’hui, il est le fruit du travail de tous les partis de la Chambre des communes. Je voudrais en particulier saluer la contribution du député Tom Kmiec, à l’origine du projet de loi C-211 qui a été transposé dans une large mesure dans le projet de loi maintenant à l’étude. Ces nouvelles dispositions traitent du congé de décès pour les parents ayant perdu un enfant, une question personnelle pour M. Kmiec qui a malheureusement perdu sa petite fille il y a quelques années. Je suis heureux que nous puissions aujourd’hui présenter ce projet de loi.
Sénateurs, moi aussi j’aurais voulu disposer de plus de temps pour étudier ce texte de loi. Je comprends vos préoccupations. Je les partage. Pourtant, je suis convaincu que le projet de loi C-3 est aussi en grande partie le fruit du travail du Sénat, car notre étude préliminaire a largement influencé les amendements qui ont été soigneusement négociés et adoptés dans l’autre endroit. Ce résultat, chers collègues, est précisément un des objectifs de l’étude préliminaire du Sénat. Elle permet au Sénat de transmettre au plus tôt ses préoccupations, dans le cas précis par l’intermédiaire de mon bureau et grâce au formidable travail du parrain auprès du ministre et d’autres collègues du gouvernement qui ont attentivement écouté nos préoccupations et qui ont travaillé dur pour y répondre. Tout ceci dans un gouvernement minoritaire où il ne suffisait pas à celui-ci de répondre par oui ou par non, mais où il a fallu négocier avec les députés des autres partis de la Chambre. Ce type de négociations, comme nous le savons bien ici, ont toujours un prix et ne se font pas du jour au lendemain.
[Français]
Je tiens à remercier les présidentes des deux comités : la sénatrice Jaffer et la sénatrice Omidvar. Le travail que vous avez facilité grâce à votre leadership nous a donné, à moi et au gouvernement, les outils nécessaires pour mieux comprendre les préoccupations du Sénat et chercher à y répondre, en collaboration avec toutes les parties de l’autre endroit.
Je tiens également à remercier le sénateur Yussuff de tout le travail accompli pour défendre les travailleurs de la santé et les travailleurs en général pendant notre étude du projet de loi C-3 et, franchement, pendant de nombreuses années auparavant. Il a fait un excellent travail en s’engageant auprès des sénateurs, en écoutant et en communiquant les préoccupations des sénateurs, et les amendements substantiels qui ont été apportés au projet de loi témoignent de ces efforts.
[Traduction]
Honorables sénateurs, l’un des objectifs prioritaires déclarés publiquement par le gouvernement en ce début de 44e législature consiste à obtenir la sanction royale pour le projet de loi C-3 avant la pause de Noël. Les travailleurs de la santé pourront ainsi se sentir plus en sécurité tandis que la pandémie se poursuit, et une politique moderne de congés de maladie payés sera enfin inscrite dans une loi fédérale.
Alors qu’une autre vague de COVID-19 s’amorce et que le variant Omicron se propage au pays, cet objectif est plus important que jamais.
Pour y parvenir, le gouvernement a misé sur l’établissement d’un consensus et l’écoute active, tendant la main à l’opposition à l’autre endroit et ici même au Sénat. Résultat : bien que nous ayons reçu le projet de loi C-3 à une date beaucoup trop tardive, il porte nettement les empreintes du Sénat.
Je sais que les contraintes de temps qui nous sont imposées en offusquent plusieurs. Croyez-moi, je vous comprends. Toutefois, honorables sénateurs, à quelle fréquence voit-on un projet de loi proposant une politique sociale considérable ainsi que des modifications au Code criminel adopté avec l’appui de tous les partis et même de tous les députés à l’autre endroit? Non seulement cela, mais à quelle fréquence un tel projet de loi nous parvient-il avec des amendements adoptés à l’unanimité par l’autre endroit reflétant, de toute évidence, le travail d’étude préalable réalisé par le Sénat ainsi que les interventions et communications continues effectuées en coulisses auprès du gouvernement afin de transmettre les préoccupations des sénateurs?
À titre de représentant de gouvernement, je veux que vous sachiez que je suis très fier de présenter ce projet de loi au Sénat. Pour toutes ces raisons, j’estime que le projet de loi C-3, qui a été adopté par l’autre endroit et dont nous sommes maintenant saisis, mérite amplement notre appui. Ultimement, je suis sûr que nous voulons tous protéger autant que possible les travailleurs de la santé. Le projet de loi représente un progrès important à ce chapitre. Les médecins et le personnel infirmier appuient le projet de loi dans sa forme actuelle et ils nous ont demandé de l’adopter ainsi. J’encourage les honorables sénateurs à suivre leur conseil.
C’est pourquoi le gouvernement ne peut pas appuyer l’amendement présenté par l’honorable sénateur White, et je vous invite aussi à le rejeter. Merci, chers collègues.
L’honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de l’amendement au projet de loi C-3.
Le projet de loi C-3 est en réalité deux projets de loi. À n’importe quel autre moment, nous parlerions d’un projet de loi omnibus, où deux éléments différents sont inclus dans le même projet de loi. En fait, pendant plusieurs années, sous le gouvernement précédent, nous nous plaignions toujours des projets de loi omnibus, qui portaient sur plusieurs questions différentes. Une partie du projet de loi modifie le Code canadien du travail pour offrir des prestations aux travailleurs, tandis que l’autre partie modifie le Code criminel. J’appuie sans réserve les modifications apportées au Code canadien du travail.
Ce qui me pose problème, ce sont les modifications apportées au Code criminel. Il existe déjà des dispositions dans le Code criminel pour les infractions prévues dans le projet de loi C-3, et je n’arrive pas à comprendre comment les changements au Code criminel amélioreront la sécurité des travailleurs de la santé. La police et la Couronne devraient se fonder sur les lois actuelles au lieu de créer de nouvelles infractions.
(1220)
Pensez-vous réellement qu’un tribunal va condamner quelqu’un à 10 ans de prison pour cette nouvelle infraction? Je ne crois pas. Cela dit, j’appuie l’amendement du sénateur White, car il permettra au moins de réellement protéger les travailleurs de la santé peu importe où ils se trouvent.
J’ai une autre préoccupation au sujet des manifestations, qui font partie intégrante de notre démocratie. Je songe notamment aux syndicats et aux divers groupes qui souhaitent exprimer leurs opinions. Chaque fois que nous limitons cela, nous réduisons nos libertés. Je condamne totalement les gestes d’une minorité de Canadiens qui tentent de harceler et d’intimider les travailleurs de la santé. Ces gens sont des poltrons et ils devraient être punis, mais il ne faudrait pas se servir de la COVID pour restreindre les droits des gens.
Tout aussi important peut-être est la façon dont le projet de loi a été reçu. Peu importe le gouvernement au pouvoir — libéral ou conservateur —, trois fois par année nous recevons à la dernière minute des projets de loi pour qu’on les examine : avant Noël, avant Pâques et avant la relâche estivale. Cela fait plus de 16 ans que je suis au Sénat, et nous n’avons jamais cessé d’espérer que l’autre endroit respecte le rôle du Sénat et qu’il nous renvoie les projets de loi en temps opportun afin que nous puissions vraiment faire notre travail. Mais chaque année, que ce soit avant Noël, avant Pâques ou avant la pause estivale, la même chose se reproduit encore et encore.
Est-ce cela la démocratie? Est-ce ainsi que le gouvernement du Canada est censé gouverner? Nous parlons d’indépendance et de la fierté que nous éprouvons à l’égard du fait que nos actions ne sont pas dictées par l’autre endroit et que nous pouvons effectuer notre travail sans avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Pendant l’intersession, j’espère que tous les sénateurs se pencheront sur ce problème. J’ai hâte d’entendre ce que le sénateur Tannas a à dire sur la façon d’atteindre cet objectif.
J’espère que nous pourrons revenir avec des mesures pour mettre fin à ce processus antidémocratique de la part du gouvernement. Je souhaite aux sénateurs et au personnel de joyeuses Fêtes. Soyez prudents. Merci.
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente intérimaire : Avez-vous une question, sénateur Kutcher?
L’honorable Stan Kutcher : Oui. Le sénateur Campbell accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Campbell : Absolument.
Le sénateur Kutcher : Je vous remercie de votre intervention, sénateur Campbell. Les travailleurs de la santé ont été débordés et surchargés de travail pendant la pandémie et ils ont été victimes de harcèlement sur leur lieu de travail et leur domicile. On les qualifie souvent de héros, mais c’est une maigre consolation. Je pense qu’ils veulent des mesures concrètes.
Mettez-vous à la place d’un travailleur de la santé qui fait de son mieux, qui est au bord de l’épuisement professionnel et qui travaille d’arrache-pied pendant la pandémie. Vous sentiriez-vous mieux et plutôt soulagé si le gouvernement disait aux gens qu’ils ne peuvent pas aller chez vous et faire du piquetage, menacer vos enfants à la maison et vous invectiver et crier après vous?
Le sénateur Campbell : Merci de votre question. Honnêtement, je ne pourrais pas faire ce que font les travailleurs de la santé. Je ne pense pas que j’y arriverais.
Cela dit, le gouvernement a tous les outils à portée de main et il devrait dire aux travailleurs de la santé qu’il va les implanter. La police et la Couronne doivent agir en invoquant les différents articles du Code criminel. Je crois que le gouvernement a envoyé le mauvais message en ne demandant pas à ce que des accusations soient portées chaque fois que cela s’est produit — pour chacun des gestes rapportés. Ces gestes surviennent en public. On ne peut pas dire que les gens s’en cachent, et la situation perdure. Si j’étais un travailleur de la santé en ce moment, je serais complètement démoralisé. Je ne sais pas où ils trouvent la force d’accomplir leur travail. Cela me dépasse.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Kutcher, avez-vous d’autres questions à poser?
Le sénateur Kutcher : Non, Votre Honneur. Le sénateur Campbell souhaitait exprimer ses inquiétudes, et j’ai simplement voulu lui donner une avenue pour le faire.
L’honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur White d’avoir présenté cet amendement important, car il permettrait de mieux prévenir les actes de harcèlement qui sont susceptibles, comme le dit le projet de loi, de provoquer la peur chez les professionnels de la santé et, par extension, chez leurs proches. Ces gens travaillent extrêmement dur et ils ont fait d’énormes sacrifices pour nous depuis le début de cette pandémie qui n’en finit plus de finir.
Nous avons eu un exemple de ce type de comportement déplorable la semaine dernière, lorsque le domicile de la directrice de la santé publique de l’Île-du-Prince-Édouard a été la cible de manifestants. La Dre Heather Morrison, qui est native de l’île, est boursière de la fondation Rhodes; nous avons donc de la chance de pouvoir compter sur son expertise dans la lutte contre la COVID. Grâce à son travail et aux efforts de nombreux autres habitants de la province, l’Île-du-Prince-Édouard est la seule province à ne dénombrer pour le moment aucun décès attribuable au coronavirus.
La Dre Morrison et son personnel ont profité du fait que nous habitons sur une île pour faire subir un premier test à chaque personne qui pénétrait sur le territoire de la province, puis un second quatre jours plus tard. Pour avoir le droit d’entrer sur l’île, on doit se munir au préalable d’un laissez-passer sur lequel est indiqué son statut vaccinal. Je ne vous apprendrai rien en disant que bon nombre de ces mesures ont été très mal accueillies par les personnes récalcitrantes depuis le début. Les antivaccins déplorent que personne ne les écoute, alors qu’en réalité, c’est plutôt le contraire. Les professionnels de la santé ont écouté tous leurs arguments et les ont rejetés un à un, car ils défiaient le bon sens médical et scientifique.
Les manifestants qui se sont présentés à la résidence de la Dre Morrison ont vraiment dépassé les bornes. C’est pourquoi j’appuie fermement l’amendement au projet de loi C-3 que propose le sénateur White. Ainsi, une personne qui tenterait de nouveau une pareille manœuvre s’exposerait à des sanctions sévères.
Honorables sénateurs, entre rejeter un projet de loi et l’adopter à la hâte, il y a une ligne de démarcation très ténue dont je souhaite parler brièvement. À ce stade-ci, même les sénateurs qui se sont joints au Sénat depuis peu ont pu constater que le gouvernement souhaite voir ses projets de loi être adoptés rapidement. Bien que ce souhait soit tout à fait légitime, il n’en demeure pas moins que le Sénat a le droit et la responsabilité d’examiner les projets de loi pour déceler, selon le cas, des erreurs, des conséquences imprévues ou des amendements nécessaires, comme celui du sénateur White, qui améliorerait le projet de loi à l’étude.
Au fil des ans, les membres de gouvernements successifs ont poussé, exhorté ou encouragé les sénateurs à adopter des projets de loi aussi vite que possible. C’est compréhensible, comme je l’ai dit. Cela dit, je crois que nous devrions prendre le temps dont nous avons besoin, à la fois par principe et à cause des conséquences qui peuvent survenir quand nous ne le faisons pas, comme nous l’avons découvert en 2007.
Le rapport de 2019 du directeur parlementaire du budget sur les modifications apportées aux prestations d’invalidité pour les anciens combattants au titre de la Nouvelle Charte des anciens combattants nous a permis de tirer des leçons utiles sur les effets négatifs à long terme qui peuvent survenir quand on adopte des mesures législatives à la hâte. Le gouvernement du Canada, avec l’entière collaboration de tous les partis de l’opposition à la Chambre des communes, a décidé d’adopter la Nouvelle Charte des anciens combattants le plus rapidement possible. À cet égard, on peut dire qu’ils ont eu du succès. Trois jours se sont écoulés entre le premier discours sur le projet de loi et l’obtention de la sanction royale. Les délibérations à la Chambre et au comité ont duré moins de cinq heures. Seulement deux minutes de ces cinq heures de délibérations ont eu lieu à la Chambre des communes. Le reste du débat s’est tenu au Sénat.
Soyons clairs, tout le monde a agi avec de bonnes intentions, mais nous savons tous quelle route en est pavée. Or, la route qui a mené à l’adoption de la Nouvelle Charte des anciens combattants a surtout été pavée par le Sénat. En un mot, honorables collègues, le Sénat a manqué à ses obligations. Nous n’avons pas étudié attentivement ce projet de loi. Nous n’avons pas corrigé ses lacunes. Nous avons fait notre travail avec empressement. Parfois, et même souvent, notre travail est justement de ne pas précipiter les choses.
Nous ne pouvons pas dire que nous n’avons pas été prévenus. En effet, lors d’une réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales — car le Sénat était tellement pressé qu’il a envoyé le projet de loi à ce comité plutôt qu’au Comité des anciens combattants ou au Comité de la défense nationale —, Sean Bruyea, un capitaine des Forces canadiennes à la retraite qui milite depuis longtemps pour les anciens combattants, a témoigné devant le comité. Il a dit ceci :
Nous savons tous que le gouvernement veut paraître honorer les anciens combattants, mais cela ne veut pas forcément dire que sa charte des anciens combattants est exempte d’erreurs [...] Nous croyons que les anciens combattants handicapés et les FC préféreraient que la charte soit bonne, plutôt qu’imparfaite et injuste comme elle l’est maintenant.
(1230)
Malheureusement, nous n’avons pas suivi ses conseils.
Le rapport de 2019 du directeur parlementaire du budget indique que ce manquement du Sénat à ses obligations a coûté aux anciens combattants handicapés et à leur famille des millions de dollars en prestations perdues. Pensez-y bien, chers sénateurs. Nous avons tenté d’aider les anciens combattants et leur famille. Ces personnes ont été blessées pendant qu’elles servaient le Canada et, alors qu’elles étaient handicapées et qu’elles avaient besoin d’aide, nous avons permis l’adoption d’un projet de loi qui leur a coûté des millions de dollars. Parmi les changements majeurs qui figurent dans la Nouvelle Charte des anciens combattants, on retrouve le remplacement d’une prestation mensuelle de retraite de longue date par un paiement forfaitaire. Comme l’a indiqué le directeur parlementaire du budget, ce changement a entraîné des conséquences financières négatives pour les anciens combattants et leur famille. C’est notre faute. C’est la faute du Sénat.
Ce projet de loi a été adopté à l’unanimité à la Chambre des communes. Aujourd’hui, certaines personnes ont déclaré : « Si cela fait l’unanimité à la Chambre des communes, alors nous avons les mains liées. » Encore cette fois-ci, la Chambre des communes a adopté le projet de loi en quelques minutes seulement. Comme je l’ai déjà dit, il ne s’agit pas de remettre en question les intentions des députés. Ils croyaient bien faire, mais ils n’ont pas remarqué que le projet de loi contenait des erreurs. En s’empressant de faire ce qu’il croyait devoir faire, le Sénat n’a fait qu’aggraver les choses. Voilà pourquoi le Sénat doit prendre le temps de bien faire les choses.
Honorables sénateurs, au fil des ans, nous avons vu beaucoup de ministres faire pression sur le Sénat. Je vais vous donner un petit exemple. En 2016, la ministre Freeland, qui était alors ministre du Commerce international, a comparu au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international pour discuter de la ratification de l’Accord sur la facilitation des échanges de l’Organisation mondiale du commerce. Le Canada avait signé l’accord, mais ne l’avait pas encore ratifié. La ministre a fait savoir à quel point ce serait gênant si le Canada ne ratifiait pas l’accord, car ce dernier nécessitait l’approbation de 110 pays membres de l’Organisation mondiale du commerce pour entrer en vigueur. Quand la ministre a comparu au comité, 96 pays avaient ratifié l’accord. La ministre a affirmé qu’il était important que le Canada soit perçu comme un participant efficace et dynamique au sein de la communauté du commerce multilatéral. C’est à ce moment qu’elle a dit au comité qu’il fallait passer à l’action.
Chers collègues, il convient de noter qu’à ce moment-là, le projet de loi était au Sénat depuis cinq semaines. Il avait fallu 27 semaines pour qu’il soit adopté à la Chambre des communes. J’ajouterai qu’il a été appuyé par tous les grands partis à la Chambre. On a mis du temps à participer de façon dynamique à ce processus.
À la réunion du Comité des affaires étrangères, plusieurs questions ont été posées : « Quelle est l’urgence? » « Pourquoi le délai est-il aussi serré? » « Si le Canada ratifie l’accord après que les 110 pays membres l’ont ratifié, il ne perd pas son adhésion à l’accord. Où est l’urgence? »
La ministre a balayé ces questions du revers de la main et dit qu’il fallait ratifier l’accord maintenant parce que l’on s’attendait à ce que 14 pays le ratifient au cours de la semaine suivante.
Lorsque nous l’avons interrogée sur ce point, elle a répondu : « Absolument ». Quand d’autres membres du comité sont intervenus pour exprimer eux aussi leur doute, elle a affirmé : « Tout le monde est en train d’agir dans ce dossier. » Autrement dit, chers collègues, il n’y avait pas de temps à perdre et nous devions agir rapidement. Le comité a mis de côté ses préoccupations en raison du sentiment d’urgence exprimé par la ministre. Le comité a tenu une autre réunion et a déposé son rapport au Sénat le jeudi 24 novembre. Deux jours de séance plus tard, soit le 30 novembre, le rapport était adopté. Le Sénat a donc pris un total de six semaines pour mener son étude, ce qui est moins du quart du temps qu’a pris la Chambre.
Quand l’Organisation mondiale du commerce a-t-elle reçu les 110 ratifications? Le 22 février 2017, soit trois mois après que la ministre s’est dite absolument certaine que l’OMS les recevrait en une semaine.
Je ne vous raconte pas cette petite histoire pour remettre en question le jugement de la ministre ou ses pouvoirs de prédiction. Elle ne faisait que ce que tous les ministres font : elle a tout mis en œuvre pour faire adopter son projet de loi. Tous les ministres veulent voir leur projet de loi adopté. Ils sont convaincus que leur projet de loi est parfait tel qu’il est et que, de toute manière, les problèmes peuvent être réglés après l’adoption. Les nouveaux sénateurs n’ont peut-être pas encore entendu cet argument concernant les règlements ou les ajustements promis, mais rarement concrétisés, mais je suis certain qu’ils l’entendront.
Il nous arrive aussi de bien faire notre devoir, par exemple, en décembre 2015, lorsqu’est arrivé au Sénat le projet de loi C-3, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2016. Encore une fois, la Chambre des communes a agi avec une célérité impressionnante. Les étapes de la première lecture, de la deuxième lecture, du comité plénier et de la troisième lecture ont été expédiées en 17 minutes. Bien entendu, une telle rapidité s’avère possible quand on n’examine pas vraiment le projet de loi. Ce n’est qu’une fois que le projet de loi C-3 est arrivé au Sénat que le sénateur Day a souligné qu’il en manquait une partie. Une annexe à laquelle le projet de loi faisait référence en était absente. Prétextant une erreur administrative, la Chambre des communes a fait parvenir la version corrigée le lendemain. Il va sans dire qu’aucun commentaire n’a été émis à l’autre endroit à savoir que c’est au Sénat que l’on s’est aperçu de cette erreur pour la faire corriger.
Chers collègues, je ne cesse d’entendre parler du nouveau Sénat, du fait qu’il est non partisan, qu’il jouit d’un processus de nomination fondé sur le mérite et qu’il est indépendant. Or, hier soir, on se serait cru à l’époque de l’ancien Sénat. Les menaces fusaient et la pression se faisait sentir pour passer outre à toute discussion ou tout examen par rapport au projet de loi. « La Chambre des communes a adopté le projet de loi à l’unanimité, nous devons l’adopter aussi. » « Rentrons à la maison et profitons du temps des Fêtes. » Le sénateur Tannas et le sénateur White ont subi la plus grande partie des pressions, mais c’est le Groupe des sénateurs canadiens qui a décidé de défendre une motion présentée au Sénat à au moins deux occasions parce que nous voulons au moins cinq jours de débat sur chaque projet de loi pour ne pas être bousculés.
Chers collègues, si la Chambre des communes comprend qu’aucun projet de loi ne sera adopté sans cinq jours de débat, nous savons ce qui arrivera. Les projets de loi nous seront renvoyés cinq jours plus tôt parce qu’ils veulent qu’ils soient adoptés.
En conclusion, je voudrais citer encore une fois l’un des fondateurs du Sénat, sir John A. Macdonald :
Une Chambre haute ne serait d’aucune utilité si elle n’exerçait pas, quand elle le juge opportun, le droit de s’opposer à un projet de loi de la Chambre basse, de l’amender ou de le retarder. Elle ne serait d’aucune utilité si elle se bornait à sanctionner les décrets de la Chambre basse.
Honorables collègue, si notre travail se limite à approuver, alors notre approbation est futile. Ne l’oublions pas à l’avenir. Je vous remercie, honorables sénateurs.
[Français]
L’honorable Diane Bellemare : L’honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Downe : Oui.
La sénatrice Bellemare : Merci. Je vous ai entendu et mon réflexe spontané a été de dire qu’effectivement, le sénateur White pourrait présenter un projet de loi au retour de la pause des Fêtes pour modifier le Code criminel, afin de bonifier ce projet de loi et de le rendre plus beau, plus parfait. C’est une réalité, ce serait possible de le faire.
Je comprends vos frustrations, sénateur Downe, et je crois que nous les partageons tous. Cela dit, ma question est la suivante : ne trouvez-vous pas qu’il serait plus légitime de procéder comme l’a suggéré le sénateur Tannas, en révisant de manière plus complète les relations entre le Sénat et la Chambre des communes? Cela éviterait de prendre ce projet de loi en otage pour le rendre plus parfait, comme le disait le sénateur White. En tout état de cause, ce dernier nous a bel et bien dit qu’il va voter en faveur de ce projet de loi. C’est un prix à payer. J’opte pour la solution suivante, qui serait d’amorcer un dialogue un peu plus organisé avec la Chambre des communes au sujet de nos frustrations. N’êtes-vous pas d’accord?
[Traduction]
Le sénateur Downe : Juste pour que ce soit bien clair, le sénateur Tannas n’a pas dit qu’il allait voter contre les amendements. Le sénateur Tannas veut la même chose que nous, c’est-à-dire améliorer le projet de loi. En un mot, pourquoi reporter ces améliorations si on peut les faire maintenant?
Ce n’est pas notre problème si la Chambre des communes est ajournée. Si la Chambre des communes respectait le Sénat, elle aurait attendu — même après avoir été ajournée — que nous ayons pu étudier ces projets de loi. C’est chose facile, en particulier avec les séances hybrides, de rappeler la Chambre des communes pour qu’elle prenne une heure afin d’étudier l’amendement. Si la Chambre acceptait l’amendement, ce projet de loi serait meilleur. Si elle le refusait, nous reconnaîtrions, comme nous le faisons toujours, la sagesse des députés élus.
Par contre, il est totalement inacceptable que la Chambre des communes déclare : « Allez, la session est ajournée. Tous en vacances. Le Sénat n’aura qu’à accepter ». Le Sénat peut modifier tout projet de loi, et dans le cas présent, il proposerait une amélioration. Si la Chambre des communes prend ce projet de loi au sérieux, on peut lui demander de revenir pour une heure, comme l’a expliqué le sénateur Tannas. En outre, en séance hybride, c’est même moins coûteux.
Le sénateur Gold : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Downe : Oui.
(1240)
Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Downe, demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre à une question?
Le sénateur Downe : Oui. Je ne veux pas retarder la procédure mais, avec le consentement des sénateurs, j’aimerais avoir cinq minutes de plus.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé?
Des voix : D’accord.
Le sénateur Gold : Merci, sénateur Downe. Je pose cette question pour tenter de revenir au projet de loi dont nous sommes saisis ou du moins à l’amendement qui y est proposé.
Quand le représentant du gouvernement au Sénat prend la parole dans cette enceinte pour dire que le gouvernement du Canada estime que cet amendement est couvert par le libellé actuel du projet de loi C-3, en gardant à l’esprit les remarques de notre ancien collègue le sénateur Baker, qui avait affirmé que les tribunaux prennent au sérieux les déclarations que nous faisons dans cette enceinte et dans les comités, ne convenez-vous pas que la position gouvernementale à l’égard de cet amendement, qui a été énoncée par le représentant du gouvernement, sera prise en considération comme il se doit, non seulement par les tribunaux, mais aussi par les sénateurs?
Le sénateur Downe : Merci de votre question. Évidemment, ce qui pose problème, c’est qu’au fil des ans, nous avons entendu toutes sortes de choses de la part de divers gouvernements dans de nombreux projets de loi. Sénateur Gold, comme je l’ai mentionné dans mon discours, nous avons entendu beaucoup de promesses et d’engagements concernant l’objet de projets de loi qui ont été présentés à la Chambre des communes.
Permettez-moi de parler brièvement de la Charte des anciens combattants. On nous a assuré que la nouvelle Charte des anciens combattants bonifierait les prestations versées aux anciens combattants et à leur famille. Non seulement l’ensemble des partis de l’opposition ont appuyé la Charte sans réserve, mais la plupart des groupes d’anciens combattants de l’époque l’ont également appuyée. Certains anciens combattants s’y opposaient, et ils étaient nombreux à dire qu’ils croyaient que le but était de réduire les coûts. Nous avons découvert par la suite qu’ils avaient raison. D’anciens combattants se sont vu refuser des prestations; des gens qui ont perdu un membre lorsqu’ils ont servi le Canada à l’étranger. Des millions de dollars ont été perdus. C’est ce que le directeur parlementaire du budget a recensé dans le document que nous lui avons demandé de préparer. Le gouvernement a affirmé qu’il ne s’agissait pas d’une mesure d’économie. Les anciens combattants ont dit que le directeur parlementaire du budget avait vérifié, et il a découvert qu’il s’agissait effectivement d’une mesure d’économie.
Revenons au point que vous avez soulevé concernant le projet de loi. Ce qui est dit au sujet de l’amendement du sénateur White et comment il est interprété ne sera pas matière à discussion si l’amendement est adopté. L’amendement permet de dissiper quelques incertitudes au sujet d’une situation qui me préoccupe particulièrement, à savoir la manifestation qui s’est déroulée samedi dernier devant la résidence de la médecin hygiéniste en chef de l’Île-du-Prince-Édouard. Il y avait des manifestants devant maison de la Dre Morrison, où elle habite avec sa famille et ses enfants. L’amendement du sénateur White réglera sans doute ce genre de problèmes, et c’est pour cette raison que je l’appuie.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Batters, avez-vous une question?
L’honorable Denise Batters : J’aimerais poser une brève question au sénateur Downe.
Le sénateur Downe : J’accepte d’y répondre.
La sénatrice Batters : Merci. À la lumière de ce qu’a dit le sénateur Gold concernant le poids des observations du représentant du gouvernement à ce sujet, ne seriez-vous pas d’accord pour dire qu’il est donc important de souligner qu’aujourd’hui, le leader du gouvernement a dit qu’il s’était reporté à l’étude préalable et que cette question avait été adéquatement examinée lors de l’étude préalable du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles? Cela dit, n’est-il pas important de mentionner que l’étude préalable s’est résumée à seulement une heure de comparution du ministre de la Justice et des fonctionnaires qui l’accompagnaient? Il ne s’agissait pas d’une étude exhaustive ayant duré toute une semaine ni même une journée entière, loin de là. Est-il nécessaire de tenir compte de ce fait par rapport à cette observation?
Le sénateur Downe : Merci, sénatrice Batters. Premièrement, le projet de loi qui nous a été transmis par la Chambre des communes est très différent de celui que le comité sénatorial a étudié. Le sénateur Tannas en a parlé en détail, alors je ne répéterai pas ce qu’il a dit.
Deuxièmement, malgré tout le respect que j’ai pour le sénateur Gold, que j’aime beaucoup personnellement, il n’est pas membre du Cabinet. S’il l’était, ses paroles auraient plus de poids que celles d’un représentant du gouvernement au Sénat. Il faut également tenir compte de la division du pouvoir et des responsabilités.
L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je prends la parole pour participer au débat sur l’amendement. Je comprends que certains se disent insatisfaits du processus, mais je n’ai pas l’intention de parler du processus. Je souhaite uniquement parler de l’amendement et je peux assurer aux honorables sénateurs qu’il ne me faudra pas 15 minutes.
J’inviterais les honorables sénateurs à prendre un exemplaire du projet de loi C-3. Si vous l’avez à portée de main, prenez-le parce que je vais en lire des extraits et c’est plutôt ennuyant, alors, avec le texte, ce sera peut-être plus facile à suivre. Il est question de détails.
Il n’y a pas beaucoup de modifications au Code criminel qui sont proposées. Il n’y en a que deux importantes, à l’article 2 du projet de loi. Le projet de loi modifie le Code criminel en y ajoutant une infraction d’intimidation. Cela signifie menacer quelqu’un ou provoquer la peur chez lui.
La deuxième infraction créée est le fait d’empêcher ou de gêner l’accès. Cela signifie empêcher l’accès, par exemple lorsque des personnes manifestent devant une clinique et empêchent les gens d’y entrer; ce pourrait être une clinique, le cabinet d’un médecin ou tout établissement où des soins de santés sont prodigués.
Il ne faut pas confondre les deux infractions. Elles sont complètement distinctes.
Commençons par la première infraction, celle que le sénateur White propose d’amender. Je vais vous lire ce qu’on entend par intimidation dans le projet de loi.
Commet une infraction quiconque agit de quelque manière que ce soit dans l’intention de provoquer la peur...
— il y a ensuite une liste de personnes, essentiellement des travailleurs de la santé.
L’infraction consiste donc à agir de quelque manière que ce soit dans l’intention de provoquer la peur. La sénatrice Simons a posé la question suivante :
Qu’en est-il d’une personne dans sa maison? Nous avons entendu des travailleurs de la santé dire qu’on les menaçait en ligne, que des manifestants se présentaient chez eux, mais surtout, que des gens publiaient leur photo, par exemple.
Voici ce que le ministre Lametti a répondu :
La loi s’applique à ce qui se passe en ligne, sans aucun doute : c’est son objectif.
Donc, cette infraction peut prendre diverses formes, que ce soit du piquetage devant une maison, des lettres de menaces, des appels téléphoniques, des courriels ou d’autres actes commis en ligne.
L’amendement proposé ferait en sorte que l’article se lirait comme suit :
Commet une infraction quiconque, à tout endroit, agit de quelque manière que ce soit dans l’intention de provoquer la peur...
On ajoute ainsi un élément à l’infraction proposée. Cela doit se passer à tout endroit. En toute honnêteté, on pourrait considérer que cet amendement restreint la portée plutôt vaste qui est prévue en ajoutant une sorte d’élément matériel. Il faut que ce soit « à tout endroit ». Par conséquent, les actes en ligne pourraient ne plus être considérés comme faisant partie des éléments visés par l’infraction.
Je sais que c’est très technique et je m’en excuse si cela vous rebute. Voyez-vous, dans mon ancienne carrière, j’ai consacré 20 années à lire et à décortiquer le sens des mots. Je vous assure que nous devrions porter une attention particulière à l’ajout de ces mots, car je pense qu’ils pourraient restreindre les comportements que le Parlement souhaite désigner comme une infraction.
Je ne fais pas référence au processus. Je parle de l’amendement, point final. J’aurais préféré que le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles puisse débattre de cet amendement. Nous aurions aussi pu en débattre dans cette enceinte, mais il n’est jamais trop tard. Nous en avons l’occasion maintenant et je tiens à vous assurer que je ne suis pas contre l’intention de mieux protéger nos travailleurs de la santé. Je suis par contre convaincu que cet amendement n’a pas sa place parmi ces mesures législatives. Si nous insistons pour l’inclure, cela augmentera le risque que les avocats de la défense plaident devant les tribunaux qu’un élément de l’actus reus, l’aspect matériel de l’infraction, doit répondre au critère « à tout endroit ».
(1250)
J’ai bien peur que cela rende le processus encore plus compliqué que ce qui est souhaité. Par conséquent, je suis contre l’amendement proposé. Merci.
La sénatrice Lankin : Honorables sénateurs, je serai brève. J’approuve la proposition que vient de faire le sénateur Dalphond. Je pense que la raison que le sénateur White a donnée pour appuyer l’amendement était la suivante : selon sa description, l’amendement s’applique à la deuxième disposition des modifications au Code criminel prévues dans le projet de loi, c’est-à-dire celle qui n’interdit pas l’accès aux services de santé juridiques. D’ailleurs, comme le sénateur Dalphond vient de le souligner, l’acte d’intimidation fait l’objet d’une autre disposition du projet de loi. C’est celle qui accorde actuellement une protection aux gens si le crime est commis à leur domicile. S’il se trouve qu’ils fournissent des services de santé médicaux à partir d’un bureau à domicile, l’autre disposition s’applique également.
Non seulement la disposition est possiblement redondante par rapport aux mesures de protection et aux dispositions déjà prévues dans le Code criminel, mais elle ne s’applique également pas à la même disposition que celle décrite par le sénateur White dans son scénario. Je pense qu’elle ferait l’objet des mêmes objections et préoccupations qui sont soulevées lorsque nous faisons avancer à toute vitesse le processus que nous entamons.
Pendant une grande partie du débat d’aujourd’hui, des sénateurs ont évacué leurs frustrations à l’égard du gouvernement, qui ne respecte pas le processus nécessaire pour qu’ils accomplissent bien leur travail. Selon moi, c’est tout ce que le Sénat demande. Tout le monde veut que les Canadiens obtiennent ces prestations aussitôt que possible, et tout le monde reconnaît l’urgence d’agir. On pourrait en dire autant d’autres circonstances invoquées par certains sénateurs, où une telle chose s’est déjà produite.
Toutefois, selon ce que plusieurs sénateurs ont déjà indiqué, je crois que nous aurions tort de retarder l’adoption de ce projet de loi pour en faire un exemple de cas où nous établissons notre limite. J’ai hâte de collaborer avec le sénateur Tannas et d’autres sénateurs pour trouver une façon stratégique d’aller de l’avant pour discuter de cette question avec le gouvernement, mais je voterai contre l’amendement qui a été présenté, même si je comprends le point qui a été soulevé. Merci beaucoup.
L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, je tenterai d’être bref et j’essayerai, dans une certaine mesure, de faire suite aux observations formulées par le sénateur Dalphond.
Au Comité des affaires juridiques, certaines personnes ont laissé entendre que la mesure législative était plutôt symbolique et qu’elle n’était pas absolument nécessaire. J’appuie la mesure et le message qu’elle transmet. J’accepte l’idée voulant que l’amendement du sénateur White vise à renforcer le projet de loi, mais en toute honnêteté, je pense que même si le sénateur Dalphond avait tort, cela ne changerait pas grand-chose. Je pense qu’il a raison en ce qui concerne les préoccupations liées à la réduction accidentelle de la portée d’une infraction.
Mon argument est un peu différent. Prenons quatre dispositions différentes dans le Code criminel : proférer des menaces, méfait, harcèlement criminel et intimidation. Selon moi, chacune de ces dispositions est directement liée au problème que le sénateur White veut corriger dans la disposition. À mon avis, ce qui importe, ce n’est pas de modifier légèrement la mesure législative, mais bien d’accorder aux forces de l’ordre et aux procureurs les outils dont ils ont besoin pour réagir de manière proactive — lorsque les circonstances le justifient — aux situations qui ont été abordées avec tant de conviction par le sénateur Downe, entre autres.
Je pense qu’il vaut mieux s’opposer à l’amendement et avoir confiance que le Code criminel fait ce qu’il doit faire et que la disposition en question aidera un peu à cet égard. C’est ce que je pense. Merci.
L’honorable Hassan Yussuff : Honorables sénateurs, j’aimerais m’exprimer au sujet de l’amendement proposé par mon collègue, le sénateur White. Je le remercie de m’accorder son amitié et de partager son point de vue avec moi.
Je comprends qu’il souhaite faire en sorte que le projet de loi couvre toutes les possibilités afin de protéger de l’intimidation les travailleurs de la santé. Je crois qu’aucun sénateur n’est en désaccord avec lui. Toutefois, j’estime que les modifications proposées dans le projet de loi, ainsi que d’autres articles du Code criminel, répondent aux préoccupations de mon collègue concernant les infractions d’intimidation. Par conséquent, l’amendement n’est pas nécessaire et je ne l’appuierai pas.
La nouvelle infraction d’intimidation créée par le projet de loi C-3 vise les circonstances où des travailleurs de la santé ou des personnes cherchant à obtenir des services de santé font l’objet d’intimidation, ce qui peut comprendre des menaces ou d’autres formes de violence qui ont pour but d’inciter la peur, de déranger un travailleur de la santé dans l’exercice de son devoir ou d’empêcher une personne de recevoir des services de santé. Bien que l’acte d’intimidation vise à apeurer les travailleurs de la santé au point de les empêcher d’exécuter leur tâche, l’acte d’intimidation n’a pas à avoir lieu pendant que la personne est en train d’exécuter sa tâche.
Les gestes qui visent à provoquer la peur peuvent être faits n’importe où et n’importe quand, que ce soit en personne ou en ligne, quel que soit le moyen utilisé. Par conséquent, l’endroit où se trouve le professionnel de la santé lorsqu’il subit de l’intimidation n’a aucune importance légale. L’amendement proposé, qui préciserait « à tout endroit » à propos de la nouvelle infraction concernant l’intimidation, serait donc inutile. Nous ne devrions pas l’appuyer selon moi. Merci.
[Français]
Son Honneur le Président : Sénatrice Dupuis, voulez-vous poser une question ou prendre la parole?
L’honorable Renée Dupuis : Je vais prendre la parole, monsieur le Président.
L’amendement proposé par le sénateur White pose un problème, comme à peu près tous les amendements qui sont proposés lorsqu’on n’a pas eu l’occasion d’en analyser les conséquences. On se plaint d’un projet de loi qui est arrivé trop rapidement et dont l’étude a été bousculée. Cet amendement veut répondre, en partie, à la préoccupation soulignée par plusieurs membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, à savoir que certaines dispositions du Code criminel ne seraient pas appliquées à l’heure actuelle dans les cas de manifestations de violence contre des travailleurs de la santé ou contre des citoyens qui essaient d’accéder à des établissements de santé.
Je pense que le problème posé par la non-application de la loi ou sa mauvaise application, ou l’application insuffisante des dispositions du Code criminel jusqu’ici dans le cadre de la COVID, est un problème différent qui ne peut pas être réglé. Si l’amendement du sénateur White est adopté, rien n’en garantit l’application. Je pense que c’est un argument qui est inutile. Il vient introduire un élément offrant la possibilité d’une interprétation plus restrictive, qui serait faite par les tribunaux et qui, même s’il était adopté, ne remédierait pas à l’absence d’application de la loi, telle qu’elle existe ou telle qu’elle sera modifiée si le projet de loi est adopté.
[Traduction]
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : J’ai entendu un non. Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.
Et deux honorables sénateurs s’étant levés :
Son Honneur le Président : Je vois deux sénateurs se lever. Y a‑t-il entente au sujet de la sonnerie? Le vote aura lieu à 14 heures. Convoquez les sénateurs.
(1400)
La motion d’amendement de l’honorable sénateur White, mise aux voix, est rejetée :
POUR
Les honorables sénateurs
Ataullahjan | Martin |
Batters | Mockler |
Black | Oh |
Boisvenu | Patterson |
Campbell | Poirier |
Carignan | Quinn |
Downe | Smith |
Greene | Tannas |
Griffin | Verner |
Housakos | Wallin |
Kutcher | Wells |
MacDonald | White—24 |
CONTRE
Les honorables sénateurs
Anderson | Gerba |
Arnot | Gignac |
Audette | Gold |
Bellemare | Harder |
Boehm | Hartling |
Boniface | Jaffer |
Bovey | Klyne |
Boyer | LaBoucane-Benson |
Brazeau | Lankin |
Busson | Loffreda |
Clement | Marwah |
Cordy | McPhedran |
Cormier | Mégie |
Cotter | Mercer |
Coyle | Miville-Dechêne |
Dalphond | Omidvar |
Dasko | Pate |
Deacon (Nouvelle-Écosse) | Petitclerc |
Deacon (Ontario) | Ringuette |
Dean | Saint-Germain |
Duncan | Wetston |
Dupuis | Woo |
Francis | Yussuff—47 |
Gagné |
ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun
(1410)
Projet de loi modificatif—Troisième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Yussuff, appuyée par l’honorable sénatrice Dasko, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-3, Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail.
L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-3, Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail. Je vais aborder la partie de cet important et urgent projet de loi, qui porte sur le Code du travail.
Au départ, lors de l’étude du projet de loi C-3 par le Comité des affaires sociales, mon intention était de proposer un amendement au projet de loi. Or, comme il nous a été renvoyé à la dernière minute assorti d’amendements adoptés par la Chambre et compte tenu de l’importance d’accorder des congés de maladie payés aux travailleurs sous réglementation fédérale avec l’arrivée du variant Omicron, je suis prêt à accepter le projet de loi dans sa forme actuelle, mais avec de nombreuses réserves.
Je vais aborder les principales inquiétudes que j’ai au sujet de l’article 7, en particulier en ce qui a trait au paragraphe 239(1.6) concernant l’exigence d’un certificat délivré par un professionnel de la santé. Je comprends que ce qui est écrit dans l’article est « peut » et non « doit », mais, à mon avis, et de celui de nombreux professionnels de la santé, il n’y a aucun avantage à exiger des employés un tel certificat lorsqu’ils déclarent être malades. En fait, le risque sanitaire pour le public et pour les professionnels de la santé serait accru par une telle pratique.
De plus, cette exigence irait à l’encontre des conseils de santé publique que nous devons absolument respecter à l’heure actuelle, surtout avec l’apparition du variant Omicron, qui est très contagieux. Si on est malade, on reste à la maison. Il faut surtout éviter que les travailleurs malades se déplacent pour obtenir un billet médical et qu’ils transmettent la maladie aux autres en cours de route. Il faut également éviter que les travailleurs malades se présentent dans des établissements de santé parce qu’ils ont besoin d’un billet médical et qu’ils infectent des patients, et il faut éviter que les travailleurs malades se rendent au travail parce qu’ils préfèrent travailler plutôt que d’aller chercher un billet médical.
J’aimerais souligner ce dernier point. En 2018, un sondage Ipsos indiquait que 82 % des travailleurs canadiens préféraient se rendre au travail lorsqu’ils étaient malades plutôt que de faire les démarches pour obtenir un billet médical faisant état de leur maladie. Les données révèlent que lorsqu’ils sont malades, les travailleurs sont moins productifs, se blessent plus facilement et sont plus à risque de contaminer les autres. Nous avons là tous les éléments nécessaires à une tempête parfaite.
Qui plus est, on a collé une affiche sur la porte du bureau de mon médecin et de mon dentiste pour avertir les gens qui sont malades qu’ils ne peuvent pas entrer. J’imagine qu’une affiche de la sorte est apposée sur la majorité des portes des fournisseurs de soins de santé au Canada. Il faut être chanceux pour réussir à obtenir un billet médical par téléphone.
C’est sans parler des centaines de milliers de personnes au Canada qui n’ont même pas de médecin de famille. Plus de 80 000 habitants de ma province, la Nouvelle-Écosse, n’ont pas de médecin de famille.
Les cliniques sans rendez-vous n’offrent pas non plus une solution simple à ce problème. Que voit-on quand on se rend dans une de ces cliniques? Vous l’avez deviné : une affiche apposée sur la porte avertissant les gens de ne pas entrer s’ils présentent certains symptômes. Or, les gens ont besoin d’un billet pour confirmer qu’ils présentent ces symptômes.
En outre, le fardeau de demander un billet repose surtout sur les épaules des gens qui peuvent le moins se le permettre. Certains doivent parcourir de grandes distances juste pour obtenir un billet. Certains ont de jeunes enfants à domicile. D’autres n’ont pas les moyens de payer les frais supplémentaires souvent imposés parce qu’une telle visite n’est pas couverte par les régimes provinciaux ou territoriaux d’assurance-maladie.
Parlant de soins de santé, nous ne voulons pas que les gens soient forcés d’utiliser des ressources en santé déjà mises à rude épreuve uniquement pour obtenir un billet médical.
Il me semble totalement insensé que le gouvernement du Canada, qui a admirablement montré sa volonté d’améliorer les mesures de soutien offertes aux employés dans le cadre de cette pandémie, donne force de loi à une pratique aussi anachronique et problématique.
Pour rendre la situation encore plus complexe, le projet de loi permet à l’employeur de demander un billet du médecin dans les 15 jours suivant le retour de l’employé. C’est une autre disposition qui n’a aucun sens. Les médecins ne peuvent pas fournir un certificat médical, d’un point de vue éthique, s’ils n’ont pas vu le patient. Un employé qui n’a pas vu son médecin lorsqu’il était malade ne peut pas demander un billet 10 ou 15 jours après son retour au travail.
Enfin, le projet de loi tel qu’il a été amendé à l’autre endroit établit le seuil à partir duquel un billet est nécessaire : cinq jours. Pourquoi a-t-on choisi cinq jours? Pourquoi pas quatre jours et demi ou six jours? C’est un nombre complètement arbitraire. Quel est l’objectif? Quels sont les résultats? Malheureusement, je pense que c’est une autre modification qui n’a pas été mûrement réfléchie.
En tant que médecin, je suis bien au fait des nombreux problèmes liés à la délivrance de certificats médicaux. J’ai parlé de cette question à de nombreux collègues : aucun d’entre eux n’appuie cette disposition, et c’est aussi mon cas.
En conclusion, j’ai demandé à nos collègues sénateurs qui sont médecins de me permettre de vous transmettre ce qu’ils pensent de cette question. Ils m’ont gentiment donné l’autorisation de le faire dans ce discours.
La sénatrice Mégie qui est médecin a dit :
Malheureusement, [cette mesure] ne tient pas compte des obligations éthiques des médecins, ce qui rend la disposition des « 15 jours » impossible à appliquer.
En pratique, un professionnel de la santé doit consigner la situation d’un patient dans son dossier et fonder diligemment son opinion médicale sur l’évaluation médicale. Ainsi, un médecin qui évalue un patient ou un employé le 9e ou le 14e jour suivant son retour au travail pourrait ne pas être en mesure d’évaluer la situation de cette personne de la même manière qu’il aurait été possible de le faire au cours des premiers jours de sa maladie. Par conséquent, le médecin pourrait refuser de donner au patient la note requise par son employeur, puisqu’un certificat médical rétroactif pourrait exposer le médecin à des sanctions disciplinaires.
La sénatrice Moodie a dit :
Nous savons qu’il est très difficile pour les employés d’obtenir un rendez-vous avec leur médecin, un hôpital, une clinique ou même un fournisseur de services de télésanté afin de recevoir un certificat médical. Cet obstacle touche de manière disproportionnée les communautés marginalisées et celles qui manquent de médecins […] Les médecins ont déjà déploré le fardeau administratif que cela leur impose […] Les données à ce sujet sont éloquentes. Les certificats médicaux n’aident pas les médecins à fournir de meilleurs soins. Ainsi, il faut que les employeurs cessent de les exiger pour justifier un congé de maladie de courte durée afin de mieux soutenir le secteur de la santé et les travailleurs canadiens.
Le sénateur Ravalia a dit :
Quand j’exerçais la médecine, je me rappelle le lourd fardeau que la demande d’un billet médical nous imposait, à moi et à mes collègues. Au moment où des milliers de Canadiens n’avaient même pas accès aux soins primaires, d’autres se voyaient placés devant le défi énorme d’obtenir un tel billet médical. En outre, dans de nombreuses régions, ce service n’est pas couvert par l’assurance-maladie, ce qui ne fait qu’augmenter le stress financier.
Honorables sénateurs, l’octroi de congés de maladie payés à tous les Canadiens constitue une importante mesure de santé publique. Toutefois, il est contre-productif d’incorporer des obstacles aux mesures utiles, et il est probable que cela alourdisse inutilement la charge de tous.
(1420)
J’appuierai ce projet de loi pour les motifs que j’ai déjà énoncés, mais je continuerai à exprimer mes préoccupations à l’égard des pratiques superflues en matière de ressources humaines qu’il serait possible de corriger par d’autres moyens. Je continuerai aussi à demander au gouvernement fédéral de ne pas alourdir le fardeau du système de santé, déjà débordé, ni celui de ces employés qui sont déjà les plus vulnérables.
Merci. Wela’lioq.
L’honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, je commencerai par remercier le sénateur Yussuff d’avoir parrainé ce projet de loi, de l’avoir piloté jusqu’à cette étape et d’avoir répondu à nos questions. Je le remercie également pour sa transparence et ses échanges. Il a fait un travail remarquable. Je le félicite aussi pour son premier discours, qu’il a prononcé dans cette auguste enceinte cet après-midi.
Je voudrais remercier les membres du Comité des affaires sociales dont j’ai l’honneur de faire partie. Avec le peu de temps qui lui était imparti, le comité a réalisé un formidable travail dans le cadre de son étude des mesures proposées dans le projet de loi au regard du Code du travail. Les modifications au Code criminel ont été étudiées de plus près par le Comité des affaires juridiques, même si nous avons participé en posant des questions sur la constitutionnalité des dispositions et sur leur conformité à la Charte.
Quant à ma contribution à ce débat sur la troisième lecture, j’aimerais aborder trois points. Tout d’abord, j’appuie le projet de loi et j’expliquerai rapidement pourquoi. Je pense que ce projet de loi est bon, même s’il n’est pas parfait, et j’exposerai brièvement mon point de vue et les modifications qui auraient pu l’améliorer. Pour finir, je préciserai pourquoi je ne vais pas proposer d’amendement et pourquoi je vais appuyer ce projet de loi tel qu’il nous a été présenté par la Chambre des communes.
Tout d’abord, mon soutien à l’égard du projet de loi. D’autres sénateurs ont déjà parlé de l’importance de ce projet de loi. Même lorsque nous discutions de la façon dont ce projet de loi nous est parvenu, il était question de l’importance de cette mesure et de l’incidence qu’elle aura dans la vie des travailleurs, en particulier ceux qui occupent un emploi précaire ou à faible salaire, et dont bon nombre se trouvent dans des secteurs essentiels, comme on a pu le constater pendant la pandémie.
Il est urgent d’adopter ce projet de loi. Compte tenu de la vitesse de propagation actuelle du variant Omicron, je n’en aurais peut-être pas parlé si j’avais prononcé ce discours il y a deux semaines à peine. Les événements se bousculent à une vitesse phénoménale. Avec ce qu’on sait en ce moment, la vitesse à laquelle cette mutation du virus se propage est incroyablement troublante et terrifiante. Maintenant, encore plus qu’au début de la pandémie, il faut que les travailleurs de la santé bénéficient de mesures permettant à la fois de protéger leur santé et la santé publique et communautaire en général. L’adoption de ce projet est donc importante et urgente, en plus d’être une question d’équité et de gros bon sens.
J’ai dit — et je le pense encore — que le projet de loi est bon, sans être excellent. Nous avons entendu les arguments des sénateurs qui siègent au Comité des affaires juridiques et des commentaires sur les dispositions du Code criminel. Des doutes ont été exprimés sur la nécessité d’inclure ces dispositions, mais le ministre a répondu qu’il s’agit de lancer un message clair, c’est-à-dire que les Canadiens sont solidaires des travailleurs de la santé et qu’ils les appuient de même que les patients qui essaient d’obtenir des soins légaux et qu’ils seront protégés du harcèlement et des actes violents, comme on a pu en voir lors de protestations devant certains hôpitaux.
Je pense qu’il aurait été préférable de discuter davantage de ces dispositions législatives. Par contre, selon ce que je comprends des interventions dans cette enceinte et de mes entretiens avec d’autres collègues du Sénat, cela ne nuit pas au projet de loi. Il est important de diffuser ce message, tout comme d’utiliser cette occasion pour éduquer le public et les employeurs des secteurs sous l’autorité fédérale à propos de ces nouvelles mesures législatives et de leur portée.
Je suis plus préoccupée par les parties du projet de loi qui ont été examinées par le Comité des affaires sociales. Le sénateur Kutcher vient d’expliquer admirablement les préoccupations que je partage avec lui et d’autres sénateurs concernant l’exigence d’un certificat du médecin. Appelons un chat un chat : je pense que le préjugé selon lequel les travailleurs sont enclins à abuser des congés maladie est au cœur de la décision politique qui a été prise. Sinon, pourquoi exiger un certificat? Étant donné que les députés et nous avons fait pression à cet égard, des changements ont été apportés à la Chambre des communes afin qu’il ne soit maintenant question que d’une absence de plus de cinq jours. Si vous êtes absent pendant plus de cinq jours, vous êtes probablement plus susceptible d’être malade que si vous étiez absent une seule journée. Il est impossible de savoir la vérité dans ces circonstances. C’est absurde et cela n’aide pas à promouvoir les objectifs stratégiques déclarés du projet de loi.
Le point que je souhaitais traiter dans un amendement portait sur le rythme d’accumulation des jours de congé de maladie que la loi prévoit pour les travailleurs. Beaucoup d’entre nous étaient d’avis que ces congés devaient être disponibles dès la première journée. Croire qu’il devrait en être autrement, c’est se laisser influencer par la vieille croyance selon laquelle les travailleurs ont tendance à faire un usage abusif des congés de maladie, une croyance qui a été réfutée. L’amendement que j’envisageais aurait rendu les travailleurs admissibles dès leur première journée de travail. Après en avoir discuté avec le gouvernement et avec des sénateurs, nous avons toutefois décidé que l’admissibilité devrait commencer le 30e jour, donc après une brève période probatoire ou une brève période d’attente.
Il y a peu de justifications stratégiques en faveur d’une admissibilité au 30e plutôt qu’au premier jour, si ce n’est qu’après 30 jours les travailleurs ont déjà apporté une certaine contribution et « mérité » le congé. Je ne donnerai pas suite à cet amendement puisque, comme vous le savez, la Chambre des communes a modifié le rythme d’accumulation des congés et l’a quelque peu amélioré. Cela dit, l’amendement adopté par la Chambre des communes ne soutient pas aussi bien l’objectif du projet de loi que ne l’aurait fait l’amendement qu’aurait pu envisager le Sénat.
Pourquoi ne pas pousser la chose plus loin, alors? Parce que, même si je ne suis pas la première à le signaler, je rappelle que la Chambre des communes a non seulement donné son consentement unanime, mais en plus elle l’a fait dans un contexte minoritaire, à la suite de négociations et de tractations portant sur toutes sortes de choses, pas seulement ce projet de loi. Cela ne lie aucunement le Sénat, si ce n’est que celui-ci doit déférence à la Chambre élue, les Communes, dont les élus rendent des comptes aux citoyens. Or, les députés voient au-delà de ce seul projet de loi. Voilà pourquoi j’estime avoir la responsabilité, lorsque je constate qu’un texte pourrait enfreindre la Charte ou se répercuter négativement sur les régions ou les minorités, d’en tenir compte dans ma réflexion. Ce n’est pas parce que je ne partage pas le point de vue du gouvernement et qu’en ce qui me concerne, j’irais plus loin que lui, que je dois voter contre cette mesure législative, qui été étudiée par l’autre endroit, et qui, à l’issue de négociations entre les partis, a été adoptée à l’unanimité, malgré un contexte minoritaire.
Je vous remercie.
L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-3, Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail.
Je tiens d’abord à dire que, en tant que porte-parole responsable du projet de loi, je suis heureux d’avoir eu l’occasion d’établir ce que je considère comme une très bonne relation de travail avec le parrain du projet de loi et l’un de nos nouveaux collègues, soit le sénateur Yussuff, au cours de l’étude très condensée du projet de loi.
Je tiens à préciser que j’appuie le fait de protéger les travailleurs de première ligne contre la violence et le harcèlement, ainsi que le droit à des congés de maladie payés. Je suis tout à fait conscient que la partie du projet de loi modifiant le Code canadien du travail a une importance capitale pour les travailleurs sous réglementation fédérale. Le gouvernement fédéral prévoit aussi de discuter avec les provinces et les territoires pour utiliser le projet de loi comme un minimum pour améliorer les prestations de maladie des travailleurs partout au Canada.
(1430)
Dans tout le contexte de la pandémie de COVID-19, il s’agit d’une mesure importante.
Cependant, honorables sénateurs, je voudrais aussi d’abord exprimer ma consternation devant la façon dont l’étude de ce projet de loi a été menée, et je ne suis évidemment pas le seul à formuler cette critique.
Le Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a tenu une réunion d’organisation le mardi 7 décembre 2021. Lors de cette réunion, non seulement avons-nous élu la présidente et la vice-présidente et adopté les motions habituelles, mais les membres du comité ont aussi reçu à la dernière minute une liste de témoins possibles pour une étude préalable du projet de loi C-3 et ont été informés qu’ils pouvaient seulement accueillir quatre groupes de témoins, dont un serait formé du ministre et de fonctionnaires.
Ensuite, je suis allé directement à une réunion du comité directeur, où nous devions immédiatement réduire le nombre de témoins pour respecter le très court échéancier. Les convocations ont été envoyées le jour même, et nous avons entendu les premiers groupes de témoins le mercredi 8 décembre. Plusieurs convocations ont été refusées; il n’est pas clair si c’était en raison d’un manque d’intérêt à participer, d’un manque de disponibilité ou de l’incapacité de préparer une présentation avec un échéancier si serré.
Cela a donné lieu à un déséquilibre dans la composition de la liste des témoins, puisque les employeurs étaient sous-représentés. À mon avis, c’était une grave lacune, puisque ce sont les employeurs, et non le gouvernement, qui seront obligés de payer pour les mesures proposées dans le projet de loi. Si certains employeurs ne sont pas capables de payer pour les mesures, ce sont leurs entreprises qui seront à risque, et ce sont leurs travailleurs qui perdront leur emploi.
Le ministre a comparu à notre réunion suivante, le lundi 13 décembre, à 18 h 30, puis nous avons entendu les trois derniers témoins. Nous avions une ébauche de rapport en main avant la réunion du comité directeur qui s’est tenue le lendemain, soit le mardi 14 décembre, à 9 heures. Nous avons ensuite tenu une réunion pendant la séance du Sénat le même jour afin que tout le comité puisse étudier très rapidement le rapport non pas ligne par ligne, mais paragraphe par paragraphe. Le rapport a été présenté au Sénat le mercredi 15 décembre.
Je me permets d’ajouter que l’étude préalable — qui ne mérite pas d’être appelée ainsi, à mon avis — sur les mesures de ce projet de loi qui portent sur le harcèlement des travailleurs de la santé a aussi été effectuée à la hâte par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui n’a entendu qu’un seul témoin, soit le ministre de la Justice, ainsi que des fonctionnaires, pendant une heure seulement.
Si la période semble bien courte pour assimiler toute l’information et suivre tous les processus, c’est parce que c’était le cas. Tout devait se faire en vitesse, y compris les réunions de comité. C’était un véritable tourbillon. Une mesure législative d’une telle importance pour beaucoup de travailleurs et d’entreprises ne devrait pas être étudiée de cette façon.
Entretemps, à l’autre endroit, le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées a entendu le ministre le mardi 14 décembre. Plus tard le même jour, il a effectué l’étude article par article. Il a renvoyé le projet de loi avec deux amendements le jour où le comité sénatorial a présenté son rapport. Il y a ensuite eu consentement unanime à la Chambre des communes pour renvoyer le projet de loi amendé au Sénat.
Ainsi, chers collègues, le rapport d’étude préalable du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie n’a eu aucune incidence sur les délibérations à l’autre endroit. Nous n’avons donc eu aucune influence sur l’élaboration du projet de loi ou la rédaction d’amendements pour combler des lacunes potentielles.
Étant donné que la Chambre des communes a déjà ajourné ses travaux pour la pause hivernale, et que le Sénat s’apprête à faire de même, nous devons maintenant déterminer si nous sommes prêts à défendre nos principes en rappelant la Chambre des communes si nécessaire pour adopter des amendements ou si nous allons, encore une fois, céder à la volonté de la Chambre élue en tenant un débat réduit au minimum.
Je suis tout à fait d’accord avec les commentaires formulés par le sénateur Tannas pendant le débat à l’étape de la deuxième lecture. En effet, il a très clairement dénoncé ce mépris lamentable pour le Sénat et la tradition établie depuis longtemps voulant que nous fassions un second examen objectif. Le sénateur Downe a aussi exprimé les mêmes doléances lorsqu’il s’est exprimé au sujet de l’amendement du sénateur White, et d’autres ont fait aussi.
J’ai bien peur que nous soyons passés de la Chambre de second examen objectif à la Chambre des formalités.
Jeudi dernier, j’ai été nommé porte-parole de l’opposition officielle. Mon bureau a immédiatement demandé la tenue de l’habituelle séance d’information pour le porte-parole avant la comparution du ministre au comité le lundi suivant. Le vendredi, le bureau du ministre nous a dit que ce n’était pas possible, car les fonctionnaires devaient préparer deux réunions de comité. Nous nous sommes donc contentés d’obtenir des réponses écrites. Ces réponses nous sont uniquement parvenues après la comparution du ministre devant le comité.
Honorables sénateurs, je sais que bon nombre d’entre vous n’ont peut-être jamais été porte-parole d’un projet de loi, et que certains n’ont même jamais été parrain. Selon moi, le rôle du porte-parole est extrêmement important. Ce dernier doit poser les questions difficiles. Quand un porte-parole fait bien son travail, le travail de second examen objectif peut prendre tout son sens. Quand il ne peut pas bien faire son travail, le second examen objectif n’est qu’un slogan.
Même le ministre O’Regan, devant le comité, n’a pas été en mesure d’expliquer la différence entre les séances d’information technique s’adressant aux parlementaires en général et les séances d’information s’adressant aux porte-paroles.
Permettez-moi d’expliquer les différences entre une séance d’information technique et une séance d’information s’adressant aux porte-paroles. La séance d’information s’adressant aux porte-paroles comporte un élément technique, mais c’est aussi l’occasion de communiquer toute préoccupation directement au cabinet du ministre et aux fonctionnaires. Il s’agit d’un moyen profitable à tous pour éviter les retards, puisqu’on peut régler facilement les problèmes en produisant des informations supplémentaires et laisser le comité s’occuper des problèmes plus importants comme ceux qui sont soulevés par les intervenants ou ceux qui ont trait aux divergences idéologiques. C’est également le premier point de contact entre le porte-parole, le ministre et les hauts fonctionnaires au sujet d’un projet de loi donné et cela permet d’ouvrir les voies de communication qui favorisent l’adoption d’un projet de loi sans heurts.
Dans le cas présent, on m’a finalement offert une séance d’information le jour suivant le témoignage du ministre et nous avons demandé que cette séance ait plutôt lieu hier afin que je puisse comprendre le raisonnement derrière la décision d’accepter certains amendements et de refuser les autres. J’ai également pu poser d’autres questions que je me suis posées à la lecture des réponses écrites du cabinet du ministre.
Comme je l’ai dit, j’ai fini par avoir ma séance d’information en tant que porte-parole hier. J’ai pu demander que le ministre envoie une lettre au sénateur Gold pour expliquer les amendements de dernière minute relatifs à la méthode de la comptabilité d’exercice et l’ajout d’un congé de deuil, ainsi que pour apporter d’importantes précisions concernant des questions qui ont été soulevées au cours de notre brève étude de ce projet de loi. La lettre nous a été transmise par courriel par le sénateur Gold hier soir. Franchement, j’aurais espéré que le sénateur Gold la dépose au Sénat. Mon bureau l’a également fait circuler au cas où un sénateur n’aurait pas vu le courriel envoyé par le sénateur Gold en fin de journée hier.
J’ai passé beaucoup de temps à parler du processus qui a mené ce projet de loi à cette étape-ci, car, nous devons nous rendre à l’évidence : trop souvent, on nous demande d’accélérer l’étude des projets de loi considérés comme prioritaires. Or, s’il est vrai que ce projet de loi est une priorité, pourquoi le gouvernement ne l’a-t-il pas présenté avant? Chandra Pasma, agente principale de recherche pour le Syndicat canadien de la fonction publique, a déclaré ceci au comité :
[...] [I]l est décevant que ce projet de loi n’ait pas été présenté en avril 2020. Le moment aurait été mieux choisi, mais comme on ne l’a pas fait, le meilleur moment, c’est maintenant. Il faut instaurer ces congés sans tarder.
(1440)
Les ministres pourraient prétendre que la question devait être étudiée attentivement et qu’il fallait d’abord évaluer ses diverses répercussions. Toutefois, deux faits sont incontestables. Le premier, c’est que, lors de la deuxième session de la dernière législature, au cours de la pandémie actuelle, le gouvernement a accordé la priorité à 36 autres projets de loi qu’il jugeait plus importants que celui dont nous sommes saisis aujourd’hui. Le deuxième, c’est que le gouvernement a ensuite déclenché des élections fédérales au beau milieu d’une pandémie, puis il a laissé le Parlement à l’arrêt jusqu’au mois dernier. Les élections ont coûté plus de 600 millions de dollars aux Canadiens.
Je crois que nous devons réfléchir aux problèmes graves auxquels nous aurions pu nous attaquer à l’aide de ces 600 millions de dollars s’ils n’avaient pas été gaspillés pour des élections inutiles.
Entretemps, les travailleurs n’ont pas reçu toute l’aide dont ils avaient besoin. Voici ce que Deena Ladd, directrice générale du Workers Action Centre, a déclaré au comité :
Je crois vraiment qu’il faut agir rapidement dans le dossier des jours de congé de maladie payé. Les travailleurs en ont désespérément besoin, et il ne faut pas que des travailleurs se sentent obligés de se rendre au travail alors qu’ils sont malades, comme c’est le cas en ce moment.
Pourtant, même si l’on nous pousse à franchir rapidement et, à mon avis, imprudemment toutes les étapes du processus législatif, les travailleurs ne jouiront pas de 10 jours de congé de maladie payé avant près d’un an. Le gouvernement a bien précisé qu’il était arrivé au chiffre 10 en raison des exigences d’isolement liées à la COVID. Cependant, le projet de loi utilise une méthode d’accumulation et, dans sa forme modifiée, ne permettrait à un employé d’accumuler que 3 jours de congé de maladie payé après les 30 premiers jours de travail sans interruption. Il commencerait ensuite à accumuler 7 jours de congé de maladie supplémentaire à raison d’un jour de plus par 30 jours de travail, jusqu’à concurrence de 10 jours.
Il ne s’agit pas d’un droit rétroactif, et les jours de congé de maladie payé ne commenceront à s’accumuler qu’à la date d’entrée en vigueur du projet de loi, qui sera fixée par le gouverneur en conseil. Combien de temps faudra-t-il pour que le projet de loi entre en vigueur? Selon les réponses écrites du cabinet du ministre qui ont été déposées au comité :
La nouvelle proposition de droit à 10 jours de congé de maladie payé représente un important changement au Code canadien du travail. Il est proposé que ces modifications entrent en vigueur à la date fixée par décret afin de permettre des consultations avec les parties prenantes, la formation des inspecteurs, la tenue d’activités d’éducation et de sensibilisation pour les employeurs et les employés, ainsi que l’élaboration de règlements, au besoin.
Donc, à la question « Quand ce projet de loi entrera-t-il en vigueur? », je suppose que la réponse est : « Qui sait? ». Si des règlements s’avèrent nécessaires — et je crois que ce sera le cas —, cela pourrait vouloir dire des mois avec le processus de publication dans la Gazette, même si j’admets que le ministre, dans sa lettre au Sénat, a indiqué que son ministère allait « accélérer le processus tout en veillant à bien faire les choses pour les employeurs et les employés. »
Disons deux mois, pour être optimistes. Selon le régime proposé, les employés ne pourraient pas bénéficier de 10 jours complets de congé de maladie payé avant octobre prochain.
La majorité des témoins qui ont comparu au sujet de ce projet de loi représentaient des syndicats et des groupes de défense des droits des travailleurs. Tous ces témoins ont demandé une banque de congés et veulent que les travailleurs aient accès à la totalité des congés après un certain temps. Certains ont parlé de deux semaines, d’autres d’un mois. Un représentant des employeurs nous a dit qu’en général il faut attendre trois mois avant d’avoir droit à ces avantages.
Selon des réponses écrites du ministre :
Octroyer, dès le départ, 10 jours de congé payé pour raisons médicales pourrait entraîner des coûts pour les employeurs œuvrant dans des industries à fort roulement de personnel, comme le transport routier, un secteur où les employés changent fréquemment d’employeur. Si l’accumulation des congés payés est étalée tout au long de l’année, les nouveaux employés et ceux qui partent se verront octroyer des jours de congé payé pour raisons médicales pour les mois où ils travaillaient pour un employeur particulier, ce qui restreindra les coûts que doivent assumer les employeurs dans les industries où le roulement de personnel est élevé.
Je peux comprendre qu’octroyer 10 jours dès le début pourrait imposer un fardeau à certains employeurs. Je me réjouis donc que l’autre endroit ait adopté à l’unanimité, hier, un compromis raisonnable : les employés auront ainsi accès à 3 jours de congé payé pour raisons médicales après 30 jours d’emploi continu. Ces congés pourront être combinés aux autres jours de congé personnel déjà prévus par le Code canadien du travail et permettre aux employés d’avoir, au moins, accès à six jours de congé payé pour raisons médicales peu après l’entrée en vigueur du projet de loi.
Je suis heureux que le ministre nous ait fourni des précisions importantes dans sa lettre d’hier. Il a notamment précisé que le projet de loi établissait un seuil, c’est-à-dire des droits minimums, et qu’il ne donnait pas de droits supplémentaires aux travailleurs qui ont déjà droit à des congés égaux ou supérieurs grâce à leur employeur ou à leur convention collective.
Quand Derrick Hynes, président et chef de la direction de l’Association des Employeurs des transports et communications de régie fédérale, a témoigné devant notre comité, il nous a signalé un problème :
[...] qui d’après nous constitue une sérieuse lacune dans le libellé du projet de loi. Nous croyons que cela peut être interprété comme un congé qui peut être ajouté à d’autres congés, ce qui conduira malheureusement et inévitablement à des conflits en milieu de travail.
Je suis content de savoir que ses inquiétudes et les inquiétudes des autres intervenants ont été prises au sérieux et que des ajustements ont été faits en conséquence.
J’ai aussi demandé si ces congés pourraient être pris par les personnes qui en ont besoin pour des raisons de santé mentale ou pour suivre un traitement, par exemple pour traiter une dépendance à une drogue. Au comité, on m’a répondu que oui, ces congés peuvent être pris pour des raisons de santé mentale, mais en ce qui concerne les absences pour le traitement d’une dépendance, Mme Hassan, la représentante ministérielle, a précisé, qu’à l’heure actuelle, elle n’était pas en mesure de répondre à cette excellente question.
Voilà pourquoi nous avons été ravis de recevoir, par l’intermédiaire du sénateur Gold, la réponse du ministre dont une copie conforme a été acheminée à la sénatrice Omidvar, présidente du Comité des affaires sociales, et moi-même, en ma qualité de porte-parole. Dans cette lettre, on pouvait lire ce qui suit :
Les employés seraient admissibles à utiliser un congé de maladie payé pour une maladie, une blessure, un don d’organe ou de tissu, ou pour se rendre à un rendez-vous médical durant les heures de travail. Cela pourrait inclure une absence pour des raisons de santé mentale ou afin de suivre un traitement pour une dépendance à une drogue.
J’ai aussi demandé des précisions pendant l’étude préalable en comité pour savoir si cette mesure s’appliquerait aux employés à temps partiel et à court terme ainsi qu’à ceux envoyés dans des ministères fédéraux ou des sociétés d’État par des agences de placement. Il faut savoir qu’en ce moment, ces employés n’ont pas les mêmes avantages que les employés à temps plein nommés pour une période déterminée ou indéterminée. La réponse était de moins bon augure. Mme Sandra Hassan, la sous-ministre du Travail, nous a dit que cette mesure s’appliquerait bel et bien aux employés à temps partiel et à ceux nommés à court terme. Elle a poursuivi en disant :
En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, c’est-à-dire les agences de placement, il sera important de prendre en compte le statut de l’employé. Le projet de loi s’applique aux employés sous le régime de réglementation fédéral. Une personne embauchée par l’entremise d’une agence de placement pourrait potentiellement être couverte par la loi provinciale.
Il faudra donc évaluer chaque cas pour voir si le poste de la personne est sous réglementation fédérale ou provinciale...
(1450)
Autrement dit, le personnel d’agence pourrait être abandonné à son sort même si ce projet de loi était adopté.
Il s’agit d’un problème important, chers collègues, et nous devons en tenir compte dans notre étude.
Plusieurs témoins entendus par le comité du Sénat ont dit qu’ils n’avaient pas été consultés. Bien honnêtement, le gouvernement aurait pu profiter de l’été pour mener des consultations, mais il a préféré plonger le pays en campagne électorale, et c’est donc sans avoir consulté qui que ce soit qu’il a présenté son projet de loi quelques jours avant Noël, en mode panique, comme d’habitude.
L’absence de consultations aura très certainement des répercussions sur les PME. J’ai été étonné, pour ne pas dire alarmé, de lire dans la lettre du ministre que « les chefs de petite entreprise [...] représentent environ 96 % des employeurs du secteur sous réglementation fédérale et de secteurs industriels ciblés ».
Le vice-président aux affaires nationales de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, Jasmin Guénette, a prévenu ainsi le Comité sénatorial des affaires sociales :
Si le projet de loi C-3 est adopté, de nombreuses entreprises pourraient être forcées de couper du personnel pour absorber les coûts supplémentaires qui leur seront imposés — si tant est qu’elles survivent à la pandémie.
Il a clairement dit que les PME sont en mauvaise posture :
L’optimisme des chefs de petite entreprise est à un creux quasi absolu. L’inflation, les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et les pénuries de main-d’œuvre leur font très mal, sans parler de la COVID-19 et de toutes les restrictions qui leur sont imposées par ricochet.
Il a ajouté ceci :
La dernière chose que je vais mentionner est l’actuelle pénurie de main-d’œuvre. Elle est extrêmement pénible pour les petites entreprises, qui peinent à trouver et à garder des employés. Tout projet de loi qui rendra la gestion de la feuille de paie plus difficile et plus coûteuse pour les propriétaires d’entreprise causera des dommages énormes.
Nous ne pouvons pas ignorer le fait que le projet de loi à l’étude aura une incidence considérable sur les PME sous réglementation fédérale. Nous ne pouvons pas ignorer le fait que la ministre a clairement affirmé que le projet de loi et ses dispositions servira de norme lorsque :
[...] le gouvernement du Canada [convoquera] les provinces et les territoires au début de 2022 pour discuter d’un plan pour légiférer sur les jours de congé de maladie payé dans tous les secteurs de compétence provinciale et territoriale au pays.
Il faut écouter les PME et leurs représentants, comme M. Guénette, qui donne le conseil suivant :
Si le projet de loi C-3 est adopté, le gouvernement doit trouver des moyens de diminuer les coûts pour les propriétaires d’entreprise, comme geler l’augmentation du taux de cotisation au RPC. Le gouvernement pourrait aussi diminuer la cotisation de l’employeur à l’assurance-emploi et offrir à plus d’entreprises l’accès aux programmes de soutien liés à la COVID.
Autrement dit, avant d’entamer des discussions avec les provinces et les territoires, le gouvernement doit faire ce qu’il n’a pas fait jusqu’à présent. Il doit élaborer une stratégie coordonnée, tenir compte des coûts pour les entreprises et envisager des compromis. Pour s’y prendre efficacement, le gouvernement doit consulter activement les intervenants concernés.
Si le ministre avait mené des consultations avant de présenter ce projet de loi, on aurait pu prendre en considération certaines préoccupations auxquelles nous voulions désespérément que l’on réponde, et les sénateurs, tout comme les travailleurs et les employeurs, n’auraient pas eu à attendre avec impatience ces réponses importantes qui sont arrivées à la dernière minute.
Par ailleurs, même si nous avons entendu l’avis de plusieurs organismes nationaux qui représentent des travailleurs, ces organismes ne représentent pas les travailleurs assujettis à la réglementation fédérale aussi bien qu’une organisation régionale. Par souci d’équité, j’aurais aimé que nous puissions entendre l’avis d’un plus grand nombre d’associations d’entreprises nationales et régionales qui auraient pu enrichir les données dont nous disposons.
Honorables sénateurs, je tiens par ailleurs à saluer le fait d’avoir inclus dans ce projet de loi les dispositions du projet de loi d’initiative parlementaire C-211, du député Tom Kmiec. Augmenter le nombre de jours de congés de deuil jusqu’à huit semaines est extrêmement important pour les personnes qui ont dû vivre une expérience horrible comme la mort d’un enfant.
Ce qui est dommage, c’est que, comme d’habitude, on s’est empressé d’inclure ces dispositions à la dernière minute. Si on avait pu consulter les députés et étudier les questions importantes pour les parlementaires, le processus législatif aurait être mieux coordonné dès le départ. Après tout, M. Kmiec se penche sur la question des congés de deuil depuis au moins 2018.
En plus de permettre de mieux refléter les idées des députés, la consultation aide à bâtir une bonne volonté à l’égard des projets de loi. Bien entendu, je suis reconnaissant que ces dispositions aient été intégrées au projet de loi. J’aurais simplement souhaité que le processus commence beaucoup plus tôt, au lieu qu’il se tienne à la dernière et qu’il fasse l’objet d’une pression extrême pour que le projet de loi soit adopté.
Honorables sénateurs, il faut également se rappeler que ce projet de loi comporte deux parties : une qui concerne les journées de congé de maladie payé, et une autre qui vise à protéger les travailleurs de première ligne.
Je crois que tous les sénateurs conviendraient qu’il faut protéger les travailleurs de la santé. Ces héros canadiens nous permettent de résister à la pandémie. Il faut le reconnaître.
L’avocat en moi m’incite toutefois à remettre en question l’à‑propos de ces dispositions. Le Code criminel contient déjà des dispositions sur le harcèlement et les agressions, et les policiers et les procureurs ont déjà le pouvoir d’intervenir en cas de manifestation illégale ou non pacifique visant à intimider ou à gêner l’accès à ceux qui cherchent à se rendre au travail, y compris dans le cas d’un hôpital.
Voici ce que le ministre O’Regan a déclaré au Comité sénatorial des affaires sociales :
La première fois que j’ai présenté ce projet de loi au ministre Lametti, certains m’ont dit : « Vous savez, bon nombre de ces pouvoirs existent déjà, et ce n’est qu’une question de politique. » Pour être précis, les amendes et les peines augmenteront manifestement. Pour le reste, la politique n’est pas toujours une si mauvaise chose.
Je comparerai cette déclaration avec le rapport déposé par le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles, dans lequel on peut lire ceci :
Bien que le comité reconnaisse l’importance de protéger les professionnels de la santé et l’accès aux services de santé, les membres du comité ont soulevé plusieurs questions sur la nécessité d’introduire de nouvelles infractions proposées par le projet de loi C-3, étant donné que le Code criminel contient déjà les infractions d’intimidation (article 423) et de méfait (article 430). Ces infractions peuvent être utilisées par la police en réponse à des situations où des personnes sont intimidées, entravées ou empêchées d’accéder à des services de santé ou de les fournir. […] Le comité s’est déjà dit préoccupé de la façon dont le Code criminel a fait l’objet d’une multitude de modifications ponctuelles et est devenu un document lourd et très complexe.
Alors, honorables collègues, on nous pousse à adopter un projet de loi que nous n’avons pas pu étudier à fond. On nous a imposé des délais si serrés que nous n’avons pas pu entendre toutes les personnes touchées. Je remercie le sénateur White d’avoir vaillamment tenté de faire son travail en améliorant le projet de loi. Malheureusement, toute tentative par le Sénat d’améliorer cette mesure législative a été contrecarrée avant même qu’elle nous soit renvoyée. Nous avons déposé un rapport d’étude préalable au moment même où le projet de loi amendé était renvoyé à l’autre Chambre et, étant donné que le Parlement devrait s’ajourner pour six semaines, les probabilités de faire adopter des amendements à cette étape auraient été pratiquement nulles.
Nous devons protéger les travailleurs de première ligne et nous devons soutenir les travailleurs en général. J’aurais voulu que le gouvernement renforce davantage les dispositions actuelles du Code criminel, en proposant des peines plus sévères et certaines sanctions. J’aurais voulu que nous disposions de plus de temps pour consulter les PME, qui seront démesurément touchées dans les secteurs sous réglementation fédérale, et encore plus lorsque des dispositions similaires seront adoptées dans les provinces et les territoires.
Malgré ces frustrations, je ne veux pas faire obstacle à ces initiatives permettant d’améliorer la situation des travailleurs de première ligne, qui sont bien malmenés. Je soutiens aussi le fait de pouvoir offrir des jours de congé de maladie payé aux employés.
Je vais appuyer ce projet de loi, mais je le fais en indiquant qu’il va rapidement falloir fixer des limites, comme il a été dit dans ce débat. Nous ne pouvons pas continuer à approuver aveuglément des projets de loi imparfaits et précipités. Celui-ci a des conséquences à long terme. Il serait préjudiciable pour le Canada et déloyal pour le Sénat de continuer ainsi à approuver les yeux fermés des initiatives peu réfléchies.
Honorables sénateurs, je vous remercie. Qujannamiik. Taima.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)
Les travaux du Sénat
Expression de vœux pour un joyeux temps des Fêtes
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de poursuivre, j’invite les leaders à faire quelques courts commentaires avant l’ajournement hivernal.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avant de pouvoir lire mon texte, je dois présenter des excuses. Tout d’abord, je m’excuse auprès du sénateur Woo parce que je vais utiliser un poème, ou du moins la structure d’un poème, qu’il a déjà élégamment récité. Je me sens également obligé de présenter des excuses aux Yeats et aux Shakespeare du monde entier pour ce que je m’apprête à faire à la langue anglaise et aussi à la langue de Molière, comme vous le verrez dans un instant.
(1500)
J’invite mes collègues à m’accorder un brin de licence poétique. Je croyais que je réciterais ce poème le soir, peut-être même hier soir. J’ai donc dû le modifier légèrement. Voici donc, sans plus tarder, mes observations à votre intention ainsi qu’à l’intention de tous ceux qui nous regardent.
C’était la veille de l’ajournement, et au Sénat,
Les projets de loi continuaient d’arriver parce que la Chambre ne comprenait pas.
Les députés se sont entendus puis ont regagné leur foyer
Sans penser à nous, pauvres sénateurs esseulés.
Courriels, appels et textos nous avons échangés,
Pour déterminer comment, sans tout le tralala, légiférer.
Des études nous avons déposées, des discours nous avons prononcés,
Tous les efforts nous avons déployés pour la troisième lecture amorcer.
Puis, le fil d’arrivée à l’horizon s’est pointé,
Plus qu’une heure avant que minuit ait sonné.
En attendant que Rideau Hall donne son assentiment,
Je tiens à dire une autre chose sincèrement.
Puisque la COVID en a forcé plus d’un à s’isoler,
Qu’il faut porter le masque, garder nos distances et parler par écrans interposés,
Je dois à tous une chaleureuse accolade virtuelle pour vous être néanmoins acquittés de vos tâches avec le brio habituel.
[Français]
Il y en a un ou deux qui méritent une mention,
Ils connaissent bien cet endroit, les règles et conventions.
Ils aident ou ils gênent, dépendant du jour,
Ça fait partie de mon job, je l’apprécie, je vous jure.
[Traduction]
Il y a les sénateurs Gagné, Benson, Plett et Pau Woo,
Ou encore Cordy, Tannas et Housakos, que ferions-nous sans vous?
À certains, je dis merci et le pense sincèrement,
Par un jour comme celui-ci, on voit les choses plus clairement.
Nous sommes ici pour le pays; nous voulons ce qu’il y a de plus louable,
Nos objectifs sont les mêmes; c’est indisputable.
Nos familles nous attendent, alors filons les rejoindre sans plus tarder.
Joyeuses Fêtes à tous, et à tous une très belle journée.
[Français]
L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) : Au nom de l’opposition officielle, j’aimerais remercier tous nos collègues de leur engagement, leur coopération et leur amour pour notre beau pays qu’est le Canada. Merci à tous les leaders et à la direction de tous les groupes sénatoriaux. Au cours des trois dernières semaines, et donc en très peu de temps, nous avons accompli beaucoup de choses en ce début de 44e législature. Nous avons renvoyé plusieurs projets de loi d’intérêt public pour qu’ils soient étudiés en comité et nous en avons renvoyé également plusieurs à la Chambre des communes, et ce, dans un esprit de coopération. J’espère qu’au début de l’année prochaine, nous pourrons poursuivre nos travaux avec enthousiasme et avec le même esprit de coopération.
[Traduction]
J’imagine, chers collègues, que la collaboration dont nous avons été témoins au cours des dernières semaines est en grande partie attribuable à l’esprit de Noël. Évidemment, l’esprit de Noël signifie célébrer la naissance de Jésus-Christ, mais c’est également l’esprit du don et du partage célébré avec nos proches et nos amis. À l’approche de Noël, nous repensons également aux moments heureux et à toutes les bonnes choses dont nous avons la chance de jouir, mais nous pensons également aux défis qui attendent le pays. Pas plus tard que l’année dernière, nous avons terminé la session avant Noël avec un vent d’optimisme prudent face à la nouvelle année. Nous avons avancé, puis reculé, mais nous allons partir pour la relâche avec encore plus d’espoir et d’optimisme concernant la nouvelle année qui arrive.
Il faut également prendre le temps de penser aux 30 000 Canadiens qui ont été emportés pendant cette crise qui frappe le pays et menace notre existence. Nous devons aussi avoir une pensée pour les trois collègues que nous avons perdues au cours des 12 derniers mois, nos bonnes amies les sénatrices Elaine McCoy, Josée Forest-Niesing et Judith Keating. Au cours des derniers mois, j’ai souvent pensé à elles.
Nous n’oublions pas non plus nos collègues bien vivants qui ont pris leur retraite cette année : le sénateur Doug Black, la sénatrice Linda Frum et la sénatrice Carolyn Stewart Olsen.
Nous nous réjouissons par ailleurs de l’arrivée de sang neuf et de personnes talentueuses.
Je m’en voudrais également de ne pas dire au revoir à mon collègue et ami, le sénateur Thanh Hai Ngo, qui prendra sa retraite le 3 janvier. Il a quitté la Chambre aujourd’hui avec l’humilité et le calme avec lesquels il est entré il y a de nombreuses années. Il a toutefois déployé beaucoup d’énergie dans cet endroit, notamment lorsqu’il défendait des dossiers qui lui tenaient à cœur. Il est un membre très respecté de la communauté vietnamo-canadienne et il est tout aussi respecté par ses collègues. Nous lui souhaitons bonne chance.
Je ne veux pas m’étendre plus longtemps. Je tiens à remercier les leaders des caucus et des groupes de leur générosité au cours des dernières semaines.
Je remercie l’ensemble de l’Administration du Sénat, chacun des employés qui y travaillent. Nous ne pourrions faire notre travail sans eux.
Je veux remercier Son Honneur et la vice-présidente de tenir le gouvernail et d’accomplir leur travail avec dignité et impartialité.
Joyeux Noël à tous. Ce que je souhaite à tous, d’abord et avant tout, c’est de la santé pour cette nouvelle année.
[Français]
L’honorable Raymonde Saint-Germain : Chers collègues, au moment de clore cette session d’automne, j’éprouve des sentiments partagés, entre la tristesse et l’optimisme. Je tiens tout d’abord à exprimer mes condoléances à nos collègues qui ont perdu des proches pendant l’année. J’ai une pensée pour les familles de nos trois collègues décédées, la sénatrice McCoy, la sénatrice Keating et la sénatrice Forest-Niesing. Je pense aussi à nos collègues qui, présentement, pour des raisons de maladie, ne peuvent être parmi nous.
J’aimerais également souligner, comme vient de le faire le sénateur Housakos, les services d’un éminent collègue qui nous quittera au début de l’année prochaine. Le sénateur Ngo a servi cette institution pendant 10 ans avec élégance et mérite. Sénateur Ngo, je m’ennuierai de votre élégance, et en particulier de celle que porte votre voix lorsque vous vous exprimez dans la langue de Molière. Je vous offre tous nos vœux pour une retraite valorisante.
Chers collègues, cette pandémie qui persiste et perdure ne nous aura pas permis de servir nos compatriotes autant que nous l’aurions voulu. Elle a aussi rendu, il faut le reconnaître, nos échanges plus complexes. Elle a certainement nui aux relations et aux discussions dans la salle du Sénat, de même que dans les coulisses des comités. Ces discussions sont importantes pour la collégialité et pour la qualité de notre vivre-ensemble. C’est la dure réalité, mais elle n’est pas sans avoir un côté positif, d’où l’aspect optimiste que prennent maintenant, comme il se doit, ces vœux de fin d’année.
Nous avons accompli beaucoup, malgré tout, pour servir la cause de la justice et de la paix dans notre pays et dans le monde. Tel est notre devoir, un devoir que le Président nous rappelle chaque jour durant le moment de réflexion qui précède le début de la séance. C’est pourquoi, sur ce ton positif, je veux souligner quelques-unes de nos réalisations sur des questions contemporaines au cours de cette année de pandémie 2021. Ces réalisations ont maintenant un impact majeur dans la vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Je pense au projet de loi devenu loi sur l’aide médicale à mourir, au projet de loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, à l’instauration de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation et, plus récemment, au bannissement des thérapies de conversion. Je n’en parlerai pas plus longuement, mais il y a d’autres réalisations importantes dont nous devons nous réjouir en cette fin de session d’automne.
Cela dit, chers collègues, ne laissons pas cette pandémie prendre le dessus sur notre démocratie. J’ai bon espoir que, tant qu’il le faudra, nous saurons utiliser ce que nous offre la technologie et que nous conviendrons de siéger au maximum de notre capacité, au Sénat comme en comité. Je propose que ce soit là notre résolution collective pour la prochaine année. J’ai bon espoir que celle-là, contrairement aux résolutions sur les régimes alimentaires ou sur l’entraînement au gymnase cinq fois par semaine, nous la respecterons en 2022. J’ai d’autant plus confiance dans le fait que nous allons la respecter, à la lumière des observations que j’ai entendues aujourd’hui, dans cette Chambre, sur l’importance de jouer pleinement notre rôle de second examen attentif.
[Traduction]
En terminant, je tiens à remercier toutes les personnes compétentes et dévouées qui, chaque jour, nous aident à exécuter notre mandat exigeant. J’exprime une profonde reconnaissance à tous ceux et celles qui œuvrent au sein de l’Administration du Sénat, dans cette enceinte et aux comités, ainsi qu’aux membres de notre personnel.
Au nom du Groupe des sénateurs indépendants, je souhaite à tous de joyeuses Fêtes, ainsi qu’une période de repos en toute quiétude. Merci.
(1510)
L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j’aimerais commencer mon allocution par reconnaître que je prends la parole depuis Mi’kma’ki, le territoire ancestral et non cédé des Mi’kmaqs.
Une fois de plus, nous arrivons à la fin de nos séances avant la pause des vacances. Nous avons été très occupés depuis notre retour. Le Sénat a adopté des lois cruciales. Nos comités sont sur pied et à l’œuvre et beaucoup d’entre vous ont soumis des questions importantes à discuter dans cette enceinte. Nous avons affronté bien des défis, mais nous avons toujours été à la hauteur de la situation. J’espère que nous avons amélioré et facilité la vie des Canadiens grâce au travail que nous faisons au Sénat.
Je tiens à remercier tous ceux qui rendent notre travail possible pendant des jours comme celui-ci. Je ne dirai pas « moments sans précédent », car après presque deux ans, les moments sans précédent sont en fait devenus la norme. Merci aux greffiers, aux pages, aux interprètes, aux sténographes, à la Direction des services de l’information, aux services des immeubles, au Service de protection parlementaire et au personnel de l’Administration du Sénat, pour leur dévouement et leur travail acharné qui assurent le bon fonctionnement du Sénat. Sans vous, nous ne serions tout simplement pas ici, et ce fait n’a jamais été aussi évident qu’aujourd’hui.
Merci, Président Furey, de nous montrer la voie en ayant toujours à cœur l’intérêt du Sénat et des gens qui assurent son bon fonctionnement. Le souci que vous manifestez pour la sécurité de tout le personnel reflète fidèlement votre personnalité, et je vous en remercie. Je remercie aussi la sénatrice Ringuette, qui a été élue Présidente intérimaire deux fois en 2021.
Je tiens à prendre un instant pour remercier l’équipe de direction du Groupe progressiste du Sénat, soit les sénateurs Dalphond, Bovey et Francis, ainsi que tous mes collègues de ce groupe, de leur soutien et de leur collaboration cette année. Le Groupe progressiste du Sénat est composé de joyeux sénateurs, et je ne pourrais être plus heureuse de la façon dont nous avons uni nos forces. Lors de nos rencontres, tenues dans un esprit de collégialité, nous échangeons une foule d’idées et avons des discussions franches, mais nous rions aussi beaucoup. J’attends avec impatience le jour où nous pourrons de nouveau nous retrouver dans la même pièce et profiter de tout ce que nous avons bâti ensemble. C’est un privilège de travailler avec chacun de vous.
Je m’en voudrais de ne pas remercier le personnel du Groupe des sénateurs progressistes. Chaque bureau du groupe, et j’oserais dire chaque bureau sur la Colline, compte d’excellents employés qui travaillent fort au nom de leur sénateur. Merci beaucoup. Un énorme merci au personnel de nos leaders — Melanie, Caitlin, David, Natasha et Heather, qui est en congé de maternité — pour tout ce que vous faites. Comme nous le savons tous, qu’il s’agisse des membres du personnel des sénateurs ou des leaders, leur horaire de travail ne se limite pas à du 9 à 5.
Enfin, j’aimerais remercier mes collègues leaders et facilitateurs, les sénateurs Gold, Plett, Housakos, Woo et Tannas. Nos discussions ne sont pas toujours des plus harmonieuses, mais nous finissons par mettre nos divergences de côté lorsque cela compte et faisons de notre mieux pour le Sénat et pour les Canadiens.
Sénateur Woo, comme vous quittez le poste de facilitateur du Groupe des sénateurs indépendants, j’espère que vous garderez un bon souvenir de la période pendant laquelle vous avez occupé ce poste et que vous serez fier de vos nombreuses réalisations. Sénatrice Saint-Germain, j’ai hâte de travailler avec vous au cours de la prochaine année. Je suis persuadée qu’il sera agréable d’avoir deux femmes dans le groupe des leaders.
Honorables sénateurs, dans des circonstances ordinaires, nous nous empresserions de retourner dans notre province respective pour nous reposer et relaxer. Pour mes collègues qui devront parcourir de longues distances, je vous souhaite de voyager en toute sécurité. Toutefois, nombre d’entre nous vont simplement cliquer sur le bouton « Quitter la réunion » pour ensuite se diriger vers une autre pièce. Que vous ayez à vous déplacer d’un bout à l’autre du pays ou seulement à quitter votre bureau, je vous souhaite de joyeuses Fêtes de fin d’année au nom du Groupe progressiste du Sénat. Soyez prudents, et au plaisir de vous revoir tous très bientôt.
L’honorable Scott Tannas : Merci, honorables sénateurs. Je sais très bien que, comme je suis le dernier à intervenir, je suis tout ce qui vous sépare de la fin de la semaine et de tout. Je tiens tout d’abord à remercier notre personnel, qui continue d’être aussi efficace qu’à l’habitude pendant ces temps inédits et difficiles.
Honorables sénateurs, je rends hommage à votre esprit, à votre bonne volonté et à votre sagesse. C’est un honneur de servir à vos côtés. Si Dieu le veut, nous nous retrouverons bientôt pour continuer à œuvrer ensemble au service des Canadiens. Je sais que nous déploierons encore plus d’efforts pour travailler encore mieux qu’auparavant.
Entretemps, au nom du Groupe des sénateurs canadiens, je souhaite à tous les sénateurs et aux membres de la famille du Sénat un joyeux temps des Fêtes et du repos pendant la pause hivernale. Que Dieu vous bénisse.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant d’ajourner nos travaux et de retrouver nos proches et nos amis pour la pause hivernale, j’aimerais prendre un moment pour remercier chaleureusement tous les sénateurs, leurs employés, les employés de l’Administration du Sénat et, bien évidemment, les pages, qui continuent d’exercer fidèlement leurs tâches ici au Sénat même s’ils sont en pleine période d’examens.
Je remercie plus particulièrement les leaders des différents groupes et caucus de leur compréhension. Merci de nous avoir aidés à protéger la santé et à assurer la sécurité de tous les sénateurs et employés tout au long de nos délibérations, et plus particulièrement depuis l’éclosion du très dangereux variant Omicron.
[Français]
Tous les membres de notre famille sénatoriale travaillent ensemble pour offrir leur soutien aux sénateurs, afin qu’ils puissent faire leur travail au nom de leurs concitoyens. Je suis très fier des défis que nous avons relevés cette année et des progrès que nous avons réalisés ensemble.
[Traduction]
Je sais que je parle au nom de tous les sénateurs quand je dis un gros merci à tous ceux et celles qui nous offrent leur soutien jour après jour. J’inclus bien sûr le personnel du Sénat, les collègues de la Bibliothèque du Parlement, le Service de protection parlementaire, la Direction des affaires internationales et interparlementaires, les Services de restauration et le Bureau de la traduction. Tous ces gens sont absolument essentiels au bon fonctionnement de notre institution.
[Français]
Nous sommes tous reconnaissants de votre dévouement, de votre expertise et de vos nombreuses contributions à notre Chambre. Merci pour tout ce que vous faites pour nous.
[Traduction]
Je vous souhaite une période des Fêtes des plus joyeuses et chaleureuses, et j’espère que vous passerez tous d’agréables moments en toute sécurité avec votre famille et vos amis. J’espère que vous reviendrez avec plus de détermination que jamais en 2022.
Lorsque vous tenterez de passer du bon temps avec votre famille et vos amis, je vous invite à demander à un parent ou à un ami de cacher votre téléphone cellulaire. Soyez tous bien prudents.
[Français]
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :
Que la séance soit suspendue jusqu’à nouvelle convocation de la présidence pour attendre l’annonce de la sanction royale, et que la sonnerie pour la convocation des sénateurs se fasse entendre pendant cinq minutes.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(La séance du Sénat est suspendue.)
(Le Sénat reprend sa séance.)
(1550)
La sanction royale
Son Honneur le Président informe le Sénat qu’il a reçu la communication suivante :
RIDEAU HALL
Le 17 décembre 2021
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur de vous aviser que la très honorable Mary May Simon, gouverneure générale du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l’annexe de la présente lettre le 17 décembre 2021 à 15 h 24.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma haute considération.
Le secrétaire du gouverneur général et chancelier d’armes,
Ian McCowan
L’honorable
Le Président du Sénat
Ottawa
Projets de loi ayant reçu la sanction royale le vendredi 17 décembre 2021 :
Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2022 (projet de loi C-6, chapitre 25, 2021)
Loi visant à fournir un soutien supplémentaire en réponse à la COVID-19 (projet de loi C-2, chapitre 26, 2021)
Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail (projet de loi C-3, chapitre 27, 2021)
[Traduction]
L’ajournement
Adoption de la motion
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 1er février 2022, à 14 heures.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
(À 15 h 54, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 1er février 2022, à 14 heures.)