Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 13
Le jeudi 16 décembre 2021
L’honorable George J. Furey, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- L’ombudsman des contribuables
- Banques et commerce
- Énergie, environnement et ressources naturelles
- Transports et communications
- Le Budget des dépenses de 2021-2022
- Le Code criminel
- Le Code canadien du travail
- Projet de loi visant à modifier le nom de la circonscription électorale de Châteauguay—Lacolle
- Projet de loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant
- La Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)
- Le Sénat
- Banques et commerce
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le jeudi 16 décembre 2021
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
La République du Kazakhstan
Le trentième anniversaire de son indépendance
L’honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner le 30e anniversaire de l’indépendance de la République du Kazakhstan.
Au cours des trois dernières décennies, le Kazakhstan a réalisé d’énormes progrès dans la réforme de son tissu social. Bien que ce processus ne fut pas toujours facile, le Kazakhstan a persisté et a accompli d’importantes réformes économiques, sociales et démocratiques dont les Kazakhs ont bénéficié. Il a fallu beaucoup de temps et d’efforts de la part de nombreux Kazakhs courageux pour obtenir ces progrès et ils continueront de montrer la voie aux autres pays d’Asie centrale.
Nos pays connaissent une riche histoire de collaboration depuis 1992. De nos jours, le Kazakhstan est notre principal partenaire commercial en Asie centrale et les investissements étrangers directs du Canada au Kazakhstan dépassent maintenant 5 milliards de dollars. Le Canada continue de travailler avec le Kazakhstan pour favoriser un commerce équitable et réciproque, ce qui contribue à la croissance de nos économies respectives et à la création d’emplois tant au Kazakhstan qu’au Canada.
Le Canada a été un ami du Kazakhstan et il continuera de l’être. Nos pays respectifs partagent des valeurs communes dans divers dossiers internationaux clés, comme les changements climatiques, l’égalité des genres, la sécurité internationale, le multiculturalisme et la non-prolifération des armes nucléaires. Ces points communs continueront d’orienter le travail bilatéral à faire et notre coopération dans divers forums multilatéraux et au sein du conseil de commerce Kazakhstan-Canada.
En tant que membre du Groupe d’amitié parlementaire Canada-Kazakhstan, je me réjouis du travail à venir qui renforcera davantage les relations entre nos pays et nos objectifs communs dans les domaines social, politique, économique et scientifique.
Chers collègues, je vous demande de vous joindre à moi pour féliciter le Kazakhstan et souligner le 30e anniversaire de son indépendance.
Merci.
Le décès de Paul Cronin Weiler, O.C.
L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, Paul Cronin Weiler est décédé le 7 juillet dernier à l’âge de 82 ans. Il est né à Port Arthur, a grandi dans le Nord de l’Ontario et a étudié le droit à la Faculté de droit Osgoode Hall. Bien des gens, dont son proche ami et cochambreur de l’époque le juge Dennis O’Connor, ont décrit Paul Weiler comme le diplômé le plus remarquable de l’histoire de cette faculté. Il a par la suite enseigné à cet établissement, à l’instar de nombreux autres grands esprits juridiques, avant de déménager en Colombie-Britannique pour y présider le Labour Relations Board de la Colombie-Britannique et y réécrire le Code du travail de cette province, qui est un modèle en la matière en Amérique du Nord.
M. Weiler a été conseiller du premier ministre Trudeau pendant les négociations constitutionnelles de 1979-1981. C’est son influence qui a mené à l’adoption de la disposition de dérogation dans la Constitution, ce qui a permis de faire débloquer les négociations. Selon l’ancien premier ministre Roy Romanow, le document et la fougue de Paul Weiler concernant la disposition de dérogation ont été la clé de cette résolution.
Il a ensuite été attiré par la Faculté de droit de l’Université Harvard. C’est là que ses compétences et son engagement à l’égard de l’amélioration de la réforme du droit du travail ont fait en sorte que Bill Clinton, le président des États-Unis de l’époque, lui a demandé de faire partie des conseillers de la Commission Dunlop, qui portait sur l’avenir des relations patronales-syndicales.
J’ai appris à connaître Paul Weiler par l’intermédiaire des sports. Tous les Weiler — surtout Paul et ses frères Bobby et Joe — sont des passionnés de sport. Certains diraient même qu’ils sont des fanatiques. L’enthousiasme de Paul envers cette passion a influencé son choix d’études, car il a jumelé son intérêt pour le droit du travail avec les sports. Au fil des années, il est devenu un professeur légendaire à Harvard et doyen des études en droit du sport à travers l’Amérique du Nord. Paul était très admiré par ses pairs, dont je fais partie.
Paul entretenait des liens très étroits avec les membres de sa famille et ses amis. Il était aussi très apprécié par tous ses étudiants, dont nombre d’entre eux se retrouvent au Sénat tandis que d’autres ont réussi une brillante carrière dans les hautes sphères sportives. L’un d’eux est Brian Burke, qui agit comme président des opérations hockey des Penguins de Pittsburgh. Il a décrit Paul Weiler comme un pionnier dans les domaines du droit et des sports. Son livre intitulé Sports and the Law est considéré comme la bible en matière de droit du sport en Amérique du Nord.
Il y a approximativement 20 ans, Paul Weiler a reçu un diagnostic de maladie neurologique dégénérative rare, qui a causé son décès au mois de juillet dernier. Il a rendu son dernier souffle entouré de son épouse adorée, Florrie Darwin. Fidèle à sa personnalité avenante et à son attitude positive, il a gardé le sourire jusqu’à la fin. Je me souviens d’une phrase que son frère Joe m’avait dite : « Paul considérait chaque journée comme un cadeau et voyait le verre toujours à moitié plein. »
Paul a été investi de l’Ordre du Canada en 2016. Il a été un citoyen canadien éminent et honorable qui a été une source d’inspiration pour un grand nombre de personnes, y compris — si je peux me permettre — le sénateur Gold et moi-même. Merci.
Des voix : Bravo!
[Français]
Le décès de Marie-Claire Blais, C.C., O.Q.
L’honorable Diane Bellemare : Chers collègues, « Quand rien ne presse, on trouve toujours son chemin ». C’est ce qu’a écrit Marie-Claire Blais dans son livre Une saison dans la vie d’Emmanuel en 1965.
Je souhaite aujourd’hui rendre hommage à Marie-Claire Blais, grande romancière, dramaturge, scénariste et poète québécoise décédée le 30 novembre dernier à l’âge de 82 ans. J’offre d’ailleurs toutes mes condoléances à la famille et aux amis de Mme Blais.
Dès ses 20 ans, elle publie un premier roman intitulé La Belle Bête. Rapidement remarquée, elle reçoit une bourse de la Fondation Guggenheim et se met à écrire Une saison dans la vie d’Emmanuel, ouvrage pour lequel elle obtiendra le prix Médicis en 1966. Auteure prolifique, elle écrit à toute vitesse et compte de nombreux romans, cinq pièces de théâtre et plusieurs recueils de poésie.
Elle aura marqué la littérature canadienne-française pendant plus de 60 ans et continuera certainement de le faire encore longtemps. Elle était d’ailleurs une militante convaincue pour la Francophonie.
Elle aura reçu plusieurs prix littéraires pour l’essentiel de son œuvre et elle est également plusieurs fois lauréate du Prix du Gouverneur général.
(1410)
Sans nommer ici toutes ses récompenses, elle aura reçu, entre autres, l’Ordre du Canada en 1975, la Médaille commémorative du 125e anniversaire de la Confédération du Canada en 1992, et l’Ordre national du Québec en 1995.
Elle aura mis en mots et en poèmes les réalités parfois très difficiles du Québec, et ce, sur plusieurs décennies : la pauvreté, la Grande Noirceur, la Révolution tranquille.
Dans l’article du Devoir publié le 2 décembre dernier, on dit de Blais, et je cite :
À l’avant-garde, elle écrit dès la fin des années 1960, au Québec, sur l’homosexualité. En avance sur son époque, elle s’intéresse bien avant l’heure au racisme, aux luttes LGBTQ+, aux itinérants, aux opprimés de toutes sortes.
Elle a dit, lors d’une entrevue :
Je crois [que mes personnages] croient tous à un mouvement devant eux, pas derrière, un mouvement de réparation, de rédemption sociale, pacifique. Ils y croient, ils espèrent.
Ses œuvres sont traduites dans de nombreuses langues. Elle nous a quittés, mais son œuvre est toujours présente, et vous pouvez la consulter pour comprendre de grands pans de l’histoire du Québec.
Je vous invite à le faire, chers collègues, et à découvrir cette grande auteure du Canada français.
Merci.
[Traduction]
L’accès à des réseaux à haute vitesse à large bande
L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la numérisation du secteur agricole.
Nous savons que la technologie joue un rôle de plus en plus important dans le monde. Or, le secteur agricole reste figé dans le passé depuis des années, en grande partie à cause des problèmes de connexion.
J’ai rencontré récemment des représentants de Telus Agriculture, une nouvelle division de l’entreprise Telus qui cherche à innover et à explorer des solutions technologiques pour mieux soutenir les collectivités rurales, numériser les données agricoles et faciliter la diffusion de l’information dans l’ensemble du système alimentaire.
Il est évident que les technologies numériques — des dispositifs de connexion à Internet les plus simples aux systèmes d’intelligence artificielle les plus avancés — sont en train de changer le secteur agricole et le système alimentaire. On peut en voir des exemples à toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, de l’ensemencement des terres jusqu’à l’arrivée des produits finaux sur les rayons des détaillants.
Le Canada doit exploiter ce potentiel technologique pour améliorer et renforcer l’un de ses secteurs les plus anciens et les plus importants. Le monde aura de nombreux défis à relever pour garantir la sécurité alimentaire à mesure que la population continuera de croître. Le Canada aura de meilleures chances de continuer de nourrir les familles du monde entier si nous contribuons au virage numérique du secteur agricole, qui passe par la connectivité.
Honorables sénateurs, le secteur agricole de l’avenir sera plus novateur, mieux connecté et capable de faire les choses plus intelligemment. Cependant, il n’y arrivera pas à moins que le gouvernement s’efforce d’aider les collectivités agricoles et rurales à obtenir un accès à Internet fiable. Si nous voulons que le secteur agricole canadien demeure un chef de file mondial, nous devons nous mettre au travail dès maintenant pour connecter les collectivités rurales, éloignées et du Nord.
Merci.
[Français]
Les élections municipales de 2021 au Québec
L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, je voudrais prendre un moment pour revenir sur les élections municipales qui ont eu lieu en novembre dernier, au Québec.
On peut certainement dire qu’un vent de changement a soufflé sur la politique municipale québécoise, alors que plusieurs femmes et des jeunes ont pris le pouvoir dans plusieurs grandes villes du Québec.
Du côté des femmes, 5 des 10 plus grandes villes du Québec ont maintenant une femme à la mairie. Dans les 22 villes de plus de 50 000 habitants que compte le Québec, 10 femmes ont été élues mairesses, soit 45 %, ce qui est fort encourageant.
Si on regarde l’évolution au Québec, depuis 2005, on est passé de 2 000 à 2 909 femmes élues dans les conseils municipaux, une augmentation de 46 %!
Bien que la représentation des femmes à la mairie reste toujours loin de la parité, avec 23 % des postes cette année, et que 52 % des conseils municipaux n’atteignent pas le seuil minimal de la zone paritaire, les élections municipales de novembre 2021 marquent une avancée significative vers la parité hommes-femmes, particulièrement dans les grandes villes.
Quant aux jeunes, je suis tout aussi encouragé par le fait que ces élections municipales ont été marquées par un certain vent de jeunesse. Notamment, trois des dix plus grandes villes du Québec — Laval, Longueuil et Sherbrooke — sont maintenant dirigées par un élu ou une élue de moins de 35 ans. Le symbole est très fort.
Fait à noter, en portant au pouvoir Isabelle Lessard, âgée seulement de 21 ans, la ville de Chapais, dans le Nord du Québec, a élu cette année la plus jeune mairesse de l’histoire de la province. Bravo, Isabelle!
Ainsi donc, même si les avancées se font surtout dans les villes de moyenne et grande tailles, on peut penser que la force des symboles fera son œuvre et que nous ferons encore mieux la prochaine fois. Plus les femmes et les jeunes seront visibles dans les postes de pouvoir, plus cela suscitera les vocations dans ces groupes démographiques.
L’élection de Valérie Plante à la tête de notre métropole, en 2017, à l’âge de 43 ans, n’est sans doute pas étrangère au renouveau que l’on a senti en novembre 2021.
En conclusion, j’aimerais saluer les organisations qui travaillent à améliorer la présence des femmes et des jeunes en politique municipale. Je pense particulièrement à l’Union des municipalités du Québec, où j’avais à l’époque, comme président, instauré le prix Francine-Ruest-Jutras afin de reconnaître une contribution féminine exceptionnelle. Je pense également au directeur général des élections et à la Commission Femmes et gouvernance qui ont notamment développé un programme de mentorat et lancé diverses initiatives pour interpeller les jeunes et les femmes.
Je salue aussi les associations qui travaillent activement à l’amélioration de la représentativité des conseils municipaux. J’ai notamment à l’esprit le Groupe Femmes, Politique et Démocratie, piloté par Mmes Thérèse Mailloux et Pascale Navarro.
Je vous remercie.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
La réinstallation des réfugiés—Les organismes de l’Alberta
L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, je sais que je ne suis pas la seule au Canada à m’inquiéter du terrible sort des réfugiés afghans qui ont quitté leur pays ou qui tentent de le faire pour fuir le régime taliban.
Je sais que plusieurs parmi nous sont frustrés par la lenteur des processus, même si nous comprenons les défis qu’implique la situation.
Aujourd’hui, je suis heureuse de pouvoir célébrer une petite victoire. Cette semaine, un groupe de 184 réfugiés d’Afghanistan est arrivé au Canada. Ils seront dirigés vers leur nouvelle demeure à Edmonton, à Calgary et à Airdrie, une banlieue-dortoir près de Calgary. Aujourd’hui, je veux souligner le travail de deux des plus importants organismes qui travaillent à la réinstallation des réfugiés en Alberta : Catholic Social Services à Edmonton et la Calgary Catholic Immigration Society.
Malgré l’impression que pourrait vous donner le nom de ces organismes, ces derniers ont réellement une vocation œcuménique dans le sens noble du terme. Depuis des décennies, ils offrent des services de réinstallation aux réfugiés en Alberta. Au fil des décennies, des réfugiés ont été accueillis de différentes régions du monde : Vietnam, Éthiopie, Soudan du Sud, Myanmar et Syrie, entre autres.
Lorsque des réfugiés arrivent, le personnel et les bénévoles font tout en leur pouvoir pour les aider à s’adapter à la vie au Canada et à trouver un logement, un travail et une école et pour leur apprendre comment il faut s’habiller pour l’hiver en Alberta, comment utiliser les transports en commun et comment faire l’épicerie. C’est un travail difficile, mais essentiel, qui profite à tous les Albertains.
Ces personnes se préparent depuis des mois à l’arrivée de ces réfugiés afghans : ils ont recueilli des fonds, préparé des logements et trouvé un juste milieu entre la nécessité de se préparer à accueillir les nouveaux arrivants et leur responsabilité d’établir d’autres réfugiés en provenance d’endroits comme le Yémen et l’Érythrée.
Fariborz Birjandian, de la Calgary Catholic Immigration Society de l’Alberta, a dirigé les efforts en vue de faire venir et d’établir des réfugiés afghans ici. Je tiens à les remercier, lui et son équipe, de tout le travail qu’ils ont accompli.
En tant qu’Albertaine, je suis fière de ces organismes, qui font un travail essentiel pour aider certains des nouveaux Canadiens les plus vulnérables à s’adapter à la vie au Canada. Je suis fière de tous les Albertains, qui ne ménagent aucun effort pour faire de l’Alberta un refuge accueillant pour les gens.
Si vous me le permettez, à titre de sénatrice de l’Alberta, je tiens aussi à souhaiter la bienvenue à ces 184 nouveaux arrivants dans la province la plus remarquable, la plus ouverte et la plus intéressante de toutes. Je vous souhaite la bienvenue au nom de ma grand-mère et de ma mère, qui sont elles-mêmes venues s’établir au Canada comme réfugiées. Je suis très fière que vous ayez choisi de vous établir chez nous. Nous voulons faire preuve de générosité à votre égard comme vous avez fait preuve de confiance à notre égard.
Vous croyez peut-être que vous êtes chanceux d’être ici, mais je crois que c’est plutôt nous qui sommes chanceux que votre courage, votre détermination, votre cœur et votre sagesse enrichissent à tous les égards notre province et notre pays. Merci. Hiy hiy.
AFFAIRES COURANTES
L’ombudsman des contribuables
Dépôt du rapport annuel de 2020-2021
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2020-2021 de l’ombudsman des contribuables, intitulé S’adapter et livrer dans une période sans précédent.
(1420)
Banques et commerce
Dépôt du rapport visé à l’article 12-26(2) du Règlement
L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, conformément à l’article 12-26(2) du Règlement du Sénat, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le premier rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui porte sur les dépenses engagées par le comité au cours de la deuxième session de la quarante-troisième législature.
(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 179.)
[Français]
Énergie, environnement et ressources naturelles
Dépôt du rapport visé à l’article 12-26(2) du Règlement
L’honorable Paul J. Massicotte : Honorables sénateurs, conformément à l’article 12-26(2) du Règlement du Sénat, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le premier rapport du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, qui porte sur les dépenses engagées par le comité au cours de la deuxième session de la quarante-troisième législature.
(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 180.)
Transports et communications
Dépôt du rapport visé à l’article 12-26(2) du Règlement
L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 12-26(2) du Règlement du Sénat, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le premier rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui porte sur les dépenses engagées par le comité au cours de la deuxième session de la quarante-troisième législature.
(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 180.)
Le Budget des dépenses de 2021-2022
Le Budget supplémentaire des dépenses (B)—Dépôt du deuxième rapport du Comité des finances nationales
L’honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales intitulé Budget supplémentaire des dépenses (B) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2022. Avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5f) du Règlement, je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Sur la motion du sénateur Mockler, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)
Le Code criminel
Le Code canadien du travail
Projet de loi modificatif—Dépôt du deuxième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles sur la teneur du projet de loi
L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le deuxième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui porte sur la teneur du projet de loi C-3, Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail.
(Conformément à l’ordre adopté le 2 décembre 2021, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)
Projet de loi visant à modifier le nom de la circonscription électorale de Châteauguay—Lacolle
Présentation du troisième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles
L’honorable Mobina S. B. Jaffer, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :
Le jeudi 16 décembre 2021
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l’honneur de présenter son
TROISIÈME RAPPORT
Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-207, Loi visant à modifier le nom de la circonscription électorale de Châteauguay—Lacolle, a, conformément à l’ordre de renvoi du 9 décembre 2021, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.
Respectueusement soumis,
La présidente,
MOBINA S. B. JAFFER
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Dalphond, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
[Traduction]
Projet de loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant
Première lecture
L’honorable Kim Pate dépose le projet de loi S-233, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Pate, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
[Français]
La Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)
Projet de loi modificatif—Première lecture
L’honorable Claude Carignan dépose le projet de loi S-234, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (élimination définitive de déchets plastiques).
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
[Traduction]
Le Sénat
Préavis de motion tendant à autoriser une modification à la Constitution (Loi sur la Saskatchewan) par proclamation de Son Excellence la gouverneure générale
L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Attendu que l’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que la Constitution du Canada peut être modifiée par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l’assemblée législative de chaque province concernée,
Le Sénat a résolu d’autoriser la modification de la Constitution du Canada par proclamation de Son Excellence la gouverneure générale sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l’annexe ci-jointe.
ANNEXE
MODIFICATION DE LA CONSTITUTION DU CANADA
1.L’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan est abrogé.
2.L’abrogation de l’article 24 est réputée remonter au 29 août 1966 et produit ses effets à partir de cette date.
Titre
3.Titre de la présente modification : Modification constitutionnelle de [année de promulgation] (Loi sur la Saskatchewan).
Banques et commerce
Autorisation au comité d’étudier toute question concernant les banques et le commerce en général
L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :
Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à étudier toute question concernant les banques et le commerce en général, tel que précisé à l’article 12-7(8) du Règlement;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 30 juin 2023 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
PÉRIODE DES QUESTIONS
L’emploi et le développement social
Le Plan d’action pour l’inclusion des personnes en situation de handicap
L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, dans le discours du Trône de septembre 2019, le gouvernement Trudeau a promis de créer de nouvelles prestations canadiennes d’invalidité. Malheureusement, ce n’est qu’à la toute dernière minute que le projet de loi a finalement été présenté en juin dernier, un jour seulement avant la fin de la session parlementaire qui a été suivie de la dissolution du Parlement pour procéder à l’élection inutile du premier ministre. Finalement, deux mois après cette élection eut lieu le discours du Trône dans lequel il n’y a aucune promesse ni aucune mention de cette question, qui d’ailleurs n’a pas non plus été évoquée dans la mise à jour économique et budgétaire de mardi dernier.
(1430)
Monsieur le leader, si les besoins des Canadiens handicapés sont importants pour le gouvernement Trudeau, pourquoi aucune mesure législative n’a-t-elle été présentée et pourquoi a-t-on a négligé cette question?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénateur. Les préoccupations des Canadiens handicapés sont prises très au sérieux par le gouvernement. Comme je l’ai mentionné à d’autres occasions, lorsque des questions de cette nature ont été soulevées, et je le répète une fois de plus, le gouvernement est résolu à travailler avec différents groupes et membres de la communauté des personnes handicapées partout au pays et il a commencé ce travail afin de pouvoir présenter, en temps et en heure, un programme qui a l’adhésion et l’appui de cette communauté.
[Français]
Le sénateur Housakos : Monsieur le représentant du gouvernement au Sénat, le Feuilleton de l’autre endroit ne fait aucune mention de ce projet de loi. Si vous vous renseignez auprès de votre secrétaire parlementaire, M. Gerretsen, il pourra sûrement vous le confirmer. Le gouvernement Trudeau a déposé ce projet de loi à la toute dernière minute le printemps dernier, ne laissant pas le temps au débat, et on dirait bien qu’il ne le présentera pas à nouveau cette année.
Malheureusement, cela semble s’inscrire dans une série de comportements récurrents. Vous avez tenté de retirer le financement, pendant la pandémie, consacré au matériel de lecture accessible aux Canadiens et Canadiennes qui ne pouvaient lire de documents imprimés. Les bénéficiaires du crédit d’impôt pour personnes handicapées ont reçu la prestation de l’aide liée à la COVID longtemps après que de nombreux autres groupes ont reçu un soutien d’urgence. Monsieur le représentant du gouvernement au Sénat, qu’est-ce qui s’est passé? À quand la présentation du projet de loi?
Le sénateur Gold : Je vous remercie pour la question. Comme je viens de le dire, le gouvernement est saisi de cet enjeu important et travaille avec les groupes pertinents là-dessus, et aussitôt qu’il y aura des nouvelles d’un projet de loi, je serai le premier à le communiquer à cette Chambre.
[Traduction]
La pénurie de main-d’œuvre
L’honorable Rose-May Poirier : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. La plupart des petites entreprises un peu partout au Canada sont aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre, mais le Nouveau-Brunswick est l’une des provinces les plus durement touchées puisque 60 % des petites entreprises sont incapables de combler leurs besoins en personnel. Au Nouveau-Brunswick, il y a pénurie de travailleurs dans de nombreux secteurs, particulièrement ceux de la construction, des soins de santé et des transports.
Monsieur le leader, il n’a été fait aucune mention de cette grave pénurie de main-d’œuvre au Canada lors de la présentation, le mois dernier, du discours du Trône. De plus, dans la mise à jour économique présentée mardi, le gouvernement s’est contenté de promettre la mise en place, l’année prochaine, d’une stratégie pour remédier au problème. Que faites-vous pour aider les entreprises du Nouveau-Brunswick qui sont confrontées à cette pénurie de main-d’œuvre et qui ont besoin d’aide maintenant, et non dans plusieurs années?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénatrice Poirier. La pénurie de main-d’œuvre constitue un problème grave dans de nombreuses provinces et régions. Le gouvernement a mis en place diverses mesures et collabore avec ses partenaires provinciaux et territoriaux pour s’y attaquer. Parmi ces mesures, mentionnons une réforme des programmes d’immigration économique afin d’élargir les possibilités d’obtenir la résidence permanente pour les travailleurs étrangers temporaires, une collaboration avec les collectivités et les employeurs pour accueillir des réfugiés qualifiés, et l’établissement d’un système d’employeurs de confiance afin de simplifier le processus de demande pour que les travailleurs temporaires puissent avoir du travail à temps plein.
Pour ce qui est de certains groupes de travailleurs en particulier, je rappelle que diverses initiatives gouvernementales, notamment les services de garde, permettent d’augmenter le nombre de femmes sur le marché du travail — le programme de garderies du Québec l’illustre de façon remarquable — et contribuent donc à réduire la pénurie de main-d’œuvre et à stimuler l’économie.
L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
L’arriéré de traitement des demandes d’asile
L’honorable Rose-May Poirier : Monsieur le leader, mardi dernier, la sénatrice Ataullahjan vous a parlé de l’arriéré de presque 1,8 million de demandes à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. En octobre, on comptait plus de 775 000 demandes de résidence temporaire et de permis de travail en attente. Les entreprises du Nouveau-Brunswick et de partout au Canada demandent au gouvernement Trudeau de les aider à combler leurs besoins en main-d’œuvre en améliorant et en simplifiant le processus.
Monsieur le leader, dans la mise à jour financière de mardi, on promet de verser 85 millions de dollars l’an prochain pour qu’un plus grand nombre de demandes soient traitées, mais on n’indique nullement combien de demandes on s’attend à traiter grâce à ce financement.
Combien de temps faudra-t-il pour éliminer l’arriéré actuel dans le traitement des demandes de permis de travail? Comment le gouvernement simplifiera-t-il le processus d’approbation concernant les travailleurs étrangers temporaires?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de poser la question et de mentionner l’investissement additionnel et l’engagement du gouvernement dans ce dossier.
Comme je crois l’avoir mentionné dans mes réponses à des questions antérieures, le gouvernement travaille fort pour appuyer les activités d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Le Canada est en bonne voie d’atteindre son objectif de 401 000 nouveaux résidents permanents cette année. Comme je l’ai dit, il a déjà accueilli 325 000 nouveaux résidents permanents.
Pour répondre à votre autre question, le gouvernement continue de chercher des moyens d’améliorer et de simplifier les processus en place pour les demandes de permis de travail, entre autres.
La justice
La Charte canadienne des droits et libertés
L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat, le sénateur Gold.
Sénateur Gold, le Sénat et le gouvernement du Canada ont l’obligation de protéger les minorités au Canada. Hier, la sénatrice Ataullahjan a parlé de l’incidence de la loi 21 au Québec sur une enseignante en particulier, Fatemeh Anvari, qui a été retirée de ses fonctions d’enseignante parce qu’elle portait le hidjab.
Comme nous le savons tous, le Québec a invoqué la clause dérogatoire de la Charte canadienne des droits et libertés à l’égard de la loi 21. Lors des négociations qui ont mené à l’adoption de la Charte, le ministre de la Justice de l’époque, Jean Chrétien, avait déclaré à l’autre endroit que la cause dérogatoire ne devait servir qu’à corriger des situations absurdes.
Sénateur Gold, en l’occurrence, il ne s’agit pas d’une situation absurde. Comme nous pouvons le constater, cela a des conséquences réelles sur les gens. Que fera le gouvernement du Canada pour protéger les droits des minorités, quel que soit l’endroit où elles vivent, et qu’entend faire le gouvernement pour contester cet emploi de la clause dérogatoire qui va potentiellement trop loin?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Le Sénat connaît bien mon opinion personnelle par rapport à cette loi. J’en ai parlé dans une déclaration de sénateur il y a quelques années. Quoi qu’il en soit, je vais répondre à la question en ma qualité de représentant du gouvernement.
Le premier ministre Trudeau, le seul parmi les chefs de partis fédéraux et provinciaux, a déclaré à maintes occasions qu’il se réserve le droit d’intervenir en temps opportun par rapport au litige en cours devant les tribunaux du Québec. Le gouvernement du Canada a également fait savoir clairement qu’il désapprouve fondamentalement les dispositions de la loi 21 qui privent des personnes de leur droit de travailler simplement en raison de ce qu’elles portent. Le gouvernement du Canada demeure résolu à suivre de près le litige et prendra, en temps opportun, toute décision qu’il jugera appropriée.
La sénatrice Omidvar : Sénateur Gold, je vais citer vos propos de mai 2019. Vous aviez dit ceci :
[…] en tant que sénateurs, nous ne sommes ni les agents ni les représentants de nos gouvernements provinciaux. Nous n’avons pas non plus été désignés pour simplement canaliser l’opinion publique, même si elle exprime une position ferme. […] nous avons la responsabilité d’agir dans l’intérêt national, et il est dans l’intérêt national que nous défendions les droits des minorités religieuses lorsqu’elles sont visées par un projet de loi discriminatoire.
Sénateur Gold, est-ce que vous répétez ces paroles à vos collègues du Cabinet?
Le sénateur Gold : Je vous remercie d’avoir cité mes paroles dans cette enceinte. Comme je l’ai dit dans ma réponse à votre première question, je maintiens ce que j’ai dit, à titre personnel, en tant que sénateur, citoyen, Canadien et juif. À titre de représentant du gouvernement, je ne peux que répéter que le gouvernement prend les mesures qu’il juge nécessaires au moment qu’il juge approprié et nécessaire.
(1440)
Pour ce qui est de mes conversations avec mes collègues du Cabinet, vous comprendrez que je ne peux pas en dévoiler la teneur.
Le contenu préjudiciable en ligne
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement.
Le gouvernement Trudeau a maintes fois promis de prendre des mesures pour s’attaquer à ce qu’il appelle le contenu préjudiciable en ligne. Cette promesse faisait partie de la plateforme électorale du Parti libéral. Le gouvernement l’a aussi répétée dernièrement, quand il a dit que son projet de loi sur le contenu préjudiciable en ligne serait considéré comme prioritaire. Dans ce contexte, voici ce qu’a dit cette semaine la chanteuse pop Billie Eilish, âgée de 20 ans :
J’ai commencé à regarder de la porno quand j’avais, genre, 11 ans. Je pense que ça m’a vraiment détruit le cerveau et aujourd’hui je suis dévastée d’avoir été exposée à autant de pornographie.
Les premières fois où j’ai eu, eh bien, des relations sexuelles, je ne savais pas dire non à des choses qui n’étaient pas bonnes pour moi, tout ça parce que je pensais que j’étais censée être attirée par ces choses.
Elle a dit que la pornographie lui avait « détruit le cerveau ». Nous devrions tous réfléchir à cette phrase tragique, je crois.
Sénateur Gold, alors que le gouvernement s’apprête à présenter un projet de loi sur le contenu préjudiciable en ligne, pourriez-vous nous dire si un problème évident, celui du risque que pose la pornographie en ligne pour les mineurs, fera partie de cette mesure? Si ce n’est pas le cas, pourquoi?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Madame la sénatrice, je vous remercie d’aborder cet enjeu.
On m’a assuré que le gouvernement avait l’intention de présenter un nouveau projet de loi dans les meilleurs délais, et que celui-ci obligerait même les organismes médiatiques à prendre des mesures pour contrer le contenu illégal, notamment le contenu sexuellement explicite qui exploite des enfants, et à le retirer.
Pour ce qui est des questions plus précises concernant les risques que pose la pornographie pour les jeunes, permettez-moi de transmettre vos préoccupations et votre question au gouvernement, puis de vous revenir avec une réponse.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Sénateur Gold, je prends note de votre prudence, mais sachez que des pays ont déjà agi pour protéger les enfants contre la pornographie en ligne ou le feront dans les mois à venir. L’Allemagne a commencé à bloquer des sites qui n’ont pas de processus de vérification d’âge, la France est sur la même voie et la Grande-Bretagne agira bientôt, fort probablement. J’ai déposé un projet de loi sur cet enjeu au Sénat. Malheureusement, le Canada n’a pas bougé.
Voici ma question : le gouvernement est-il prêt à appuyer le projet de loi S-210 ou à présenter son propre projet de loi afin que les préjudices en ligne ne risquent plus de détruire le cerveau des enfants?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Je joindrai cette question à la précédente et je vous reviendrai avec une réponse dans les plus brefs délais.
[Traduction]
Les affaires étrangères
Le Dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre la COVID-19 (Accélérateur ACT)
L’honorable Peter Harder : Honorables sénateurs, le Canada a jusqu’à maintenant promis 51 millions de doses de ses surplus de vaccins au programme COVAX de même que dans le cadre de dons bilatéraux, mais, à ce jour, on m’informe qu’à peine quelque 10 millions de ces doses ont déjà été distribuées.
Je pose donc encore la question au représentant du gouvernement. Que fait le gouvernement pour accélérer la distribution des doses promises, et envisage-t-il d’augmenter son engagement? Comme chacun le sait, seulement 7 % de la population des pays à faible revenu a déjà reçu ne serait-ce qu’une dose de vaccin.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénateur Harder, et de militer sans relâche pour cet enjeu important.
Comme je l’ai peut-être déjà dit auparavant, mais que je vais répéter, le gouvernement a dépensé 2,5 milliards de dollars pour soutenir la lutte mondiale contre le virus. Cela comprend une somme de 1,3 milliard de dollars pour soutenir le Dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre la COVID-19, ou l’Accélérateur ACT, pour veiller à ce que non seulement des vaccins, mais aussi des produits thérapeutiques et de diagnostic soient distribués dans le monde entier.
Lors du sommet du G7 en juin dernier, les dirigeants du G7 ont annoncé un engagement collectif de plus de 2 milliards de doses de vaccins. La part du Canada s’élève à 100 millions de doses, mais le gouvernement s’est engagé à donner l’équivalent d’au moins 200 millions de doses de vaccins contre la COVID-19 au programme COVAX d’ici la fin de 2022.
Le Canada poursuit sa collaboration avec des partenaires internationaux afin d’éliminer les obstacles menant à un accès équitable aux vaccins. On m’a également informé que le premier ministre avait annoncé un investissement allant jusqu’à 15 millions de dollars destiné aux partenaires du groupe de travail sur la fabrication des vaccins du programme COVAX, afin de soutenir la création d’un carrefour de transfert technologique en Afrique du Sud. Le gouvernement continuera de travailler avec diligence pour contribuer à la lutte contre la pandémie mondiale.
Le sénateur Harder : Je reconnais que, depuis le début, le Canada est un ardent défenseur de l’Accélérateur ACT et du mécanisme COVAX, comme le sénateur Gold l’a indiqué. Cependant, la pandémie est loin d’être terminée, et les partenaires de l’Accélérateur ACT ont déterminé que, en plus des fonds déjà engagés, un financement supplémentaire s’impose de toute urgence pour 2022 afin de pouvoir effectuer des tests, offrir des traitements, acheter de l’équipement de protection individuelle, administrer de l’oxygène et se procurer d’autres doses de vaccin. Les pays en développement auront besoin d’une aide financière urgente.
Le gouvernement du Canada prévoit-il d’autres mesures de soutien pour contribuer à l’éradication de cette pandémie mondiale? En effet, comme nous le savons tous, nous devons agir de toute urgence, car les Canadiens seront seulement en sécurité quand le monde entier aura accès à des vaccins. Nous devons en faire davantage.
Le sénateur Gold : Il est clair que, comme vous l’avez dit, nous devons en faire davantage. Le gouvernement en est conscient. Il collabore avec ses partenaires internationaux, et il examinera sérieusement les demandes d’aide supplémentaire.
Je me renseignerai auprès du gouvernement, sénateur Harder, et je me ferai un plaisir de vous faire part de la réponse dès que je l’obtiendrai.
La Société canadienne d’hypothèques et de logement
Le logement abordable
L’honorable Vernon White : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.
En juin dernier, j’ai posé une question sur l’explosion du prix des maisons et sur ce que ferait le gouvernement pour juguler le problème. Six mois se sont écoulés, et la situation ne s’améliore pas. Hier, dans la mise à jour budgétaire du gouvernement, la ministre des Finances a dit qu’il faudrait des années de travail pour relever les défis qui rendent le marché immobilier du Canada inabordable. Le Canada a vu une hausse record du prix des maisons pendant la pandémie. À l’échelle nationale, le prix moyen des maisons a augmenté de 18 % d’octobre 2020 à octobre 2021.
Pouvez-vous nous dire les mesures que le gouvernement prendra exactement pour aider à accroître la disponibilité de logements pour les personnes qui sont dans le besoin?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de poser cette question et de soulever ce point important.
Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement a aidé plus d’un million de familles à trouver un logement qui répond à leurs besoins. Ce n’est pas suffisant; le gouvernement sait qu’il reste du travail à faire.
Dans le discours du Trône, comme mes collègues le savent, le gouvernement a souligné son engagement continu à rendre les logements plus abordables. Il s’agit notamment de mettre en œuvre un Fonds pour accélérer la construction de logements d’une valeur de 4 milliards de dollars, de travailler à mettre fin à l’itinérance chronique et d’offrir un incitatif à l’achat d’une première propriété plus souple et un programme de location avec option d’achat pour aider les locataires à devenir propriétaires.
Au cours de ce mandat, le gouvernement cherchera aussi à resserrer la surveillance fédérale du marché immobilier en établissant le premier organisme national d’application de la loi à se consacrer exclusivement à enquêter et à lutter contre toutes les formes de crimes financiers graves, notamment la présence de blanchiment d’argent dans le secteur du logement.
Le sénateur White : Merci beaucoup de votre réponse, monsieur le sénateur.
La ministre a affirmé qu’il faudra des années de travail, mais elle n’a pas précisé quelles mesures seraient prises. Cela nous porte tout de même à croire qu’une analyse a été faite de ce qui s’est passé, surtout au cours de la dernière année. Est-ce que le bureau du leader a reçu une analyse du genre qu’il pourrait partager avec le Sénat?
Le sénateur Gold : À ma connaissance, il n’y en a pas, monsieur le sénateur White. Je vais me renseigner et vous revenir avec une réponse.
La santé
La pandémie de COVID-19—Les tests de dépistage rapide
L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai une question au sujet de l’important dossier des tests de dépistage rapide.
De nombreuses provinces distribuent des tests de dépistage rapide en réaction au variant Omicron. Au cours du présent exercice, le gouvernement fédéral a affecté 1,7 milliard de dollars aux tests de dépistage rapide, mais en novembre 2020, à la question de savoir si ces tests allaient permettre la réouverture des entreprises, la ministre des Finances a répondu ceci :
Nous ne pouvons pas offrir de solutions miracles aux Canadiens [...]
Sénateur Gold, pourquoi la ministre Freeland dirait-elle que la distribution de tests de dépistage rapide est une solution miracle?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, monsieur le sénateur. Comme je ne connais pas entièrement le contexte dans lequel la question a été posée et dans lequel la réponse a été donnée, j’hésite à émettre des hypothèses sur la raison pour laquelle la ministre a répondu cela.
(1450)
De toute évidence, les tests de dépistage rapide constituent d’importants outils pour continuer à affronter la pandémie. On sait que si les tests rapides ne remplacent pas les tests de dépistage moléculaire, ils sont tout de même un outil important. Voilà pourquoi le gouvernement fédéral a fait un investissement substantiel pour en acquérir et les mettre à la disposition des provinces et des territoires.
L’utilisation qu’en font les provinces et la compréhension qu’en a la population est une question distincte. Malheureusement, je ne peux répondre à votre question sans connaître le contexte dans lequel elle a été posée et dans lequel on y a répondu.
Le sénateur MacDonald : Monsieur le sénateur, j’apprécie le sérieux avec lequel vous abordez cette question. J’ai du mal à croire qu’une ministre ait pu faire une remarque si désinvolte au sujet d’un enjeu aussi important.
Étant donné la gravité de la situation sanitaire, des propos comme ceux-là ne vous font-ils pas douter de la stratégie de communication du gouvernement du Canada?
Le sénateur Gold : Le gouvernement estime que le travail réalisé pour fournir des trousses de dépistage rapide à l’ensemble des provinces et territoires constitue un progrès important.
Encore une fois, je suis convaincu que le gouvernement du Canada et les ministres concernés prennent cet important dossier très au sérieux et continueront de le faire.
Les relations Couronne-Autochtones
La consultation des organismes intéressés
L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, comme vous le savez, la question des consultations est l’une des grandes préoccupations qui ont été soulevées lors de la dernière législature dans le cadre de notre débat sur le projet de loi C-15, qui portait sur la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. En particulier, des chefs qui représentent des nations signataires de traités historiques ont soulevé la question des consultations bâclées, inadéquates ou, dans certains cas, inexistantes au cours de la rédaction du projet de loi C-15. En raison de ces lacunes évidentes en matière de consultation, les détenteurs de droits de diverses régions du Canada ont dénoncé ou carrément rejeté le projet de loi C-15. Les ministres Lametti et Bennett ont alors promis très explicitement que le gouvernement serait inclusif lorsqu’il consulterait les peuples autochtones sur la création du plan d’action et ils se sont engagés à améliorer le terrible processus utilisé pour élaborer le projet de loi C-15 à l’avenir.
Sénateur Gold, j’aimerais savoir quels efforts ont été déployés par le ministère de la Justice et le ministère des Relations Couronne-Autochtones pour consulter véritablement les détenteurs de droits qui ont soulevé ces préoccupations, notamment les Premières Nations visées par les traités 6, 7 et 8, l’Association des Iroquois et des Indiens alliés, Manitoba Keewatinowi et le conseil mohawk de Kahnawà:ke.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Bien sûr, le gouvernement du Canada est au courant des préoccupations qui ont été exprimées et dont vous venez de parler. Toutefois, le gouvernement du Canada n’est pas d’avis que le processus était lamentable — je ne me souviens pas du terme exact que vous avez employé —, même s’il était imparfait, comme tous les processus. Le gouvernement du Canada est fier et heureux que le Sénat, le Parlement du Canada, les comités chargés d’étudier le projet de loi et les parrains de celui-ci dans les deux Chambres aient fait adopter cette mesure législative historique. Le travail et l’élaboration du plan de mise en œuvre commencent maintenant. Le gouvernement demeure résolu à tenir de véritables consultations avec tous les intervenants concernés.
Le sénateur Patterson : Sénateur Gold, j’aurais peut-être dû parler du « processus imparfait de consultation ». Toutefois, en discutant des consultations entourant le projet de loi C-15, nous avons aussi appris que des organismes citoyens comme Idle No More, Defenders of the Land et Truth Before Reconciliation se sont sentis complètement exclus des discussions. J’aimerais savoir si des efforts ont été déployés jusqu’à maintenant pour dialoguer avec ces organismes citoyens, notamment.
Le sénateur Gold : Merci de votre question, sénateur. Je vais devoir m’informer au sujet des groupes dont vous venez de parler et je vous ferai certes part des résultats de mes recherches.
[Français]
L’emploi et le développement social
Le Plan d’action pour l’inclusion des personnes en situation de handicap
L’honorable Chantal Petitclerc : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, mon collègue le sénateur Housakos a lu dans mes pensées. Permettez-moi de revenir sur sa question, qui est vraiment cruciale.
[Traduction]
Permettez-moi de commencer avec une citation :
La COVID-19 touche de façon démesurée les Canadiens en situation de handicap et a mis en lumière des problèmes qui durent depuis longtemps. Le gouvernement présentera son plan pour l’inclusion des personnes handicapées, lequel prévoit :
une nouvelle prestation canadienne pour les personnes en situation de handicap qui sera inspirée du Supplément de revenu garanti destiné aux aînés [...]
Vous vous souviendrez peut-être que cette citation provient du discours du Trône de septembre 2020. Aucune mesure n’a été prise depuis.
Le 22 juin dernier, la veille de la relâche d’été, le projet de loi C-35, Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées, a été présenté et n’a évidemment pas franchi l’étape de la première lecture. Ensuite, ce fut le silence radio. Puis, il y a quelques jours, dans la plus récente mise à jour économique et financière, il a été question des façons d’aider les Canadiens. Une fois de plus cependant, il n’y a rien eu à l’intention des personnes handicapées. Pas un seul mot à leur sujet.
Sénateur Gold, je sais, à la réponse que vous avez donnée à notre collègue, que vous ne disposez pas encore de toutes les réponses, mais comme il est question de rebâtir en mieux, je dois savoir — en fait, 6,2 millions de Canadiens handicapés doivent savoir — à quel moment des gestes, des engagements et des résultats vont remplacer les paroles car, bien franchement, on dirait que ces gens sont laissés pour compte une fois de plus.
Sénateur Gold, pouvez-vous faire en sorte que nous obtenions ces réponses?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, sénatrice. Je comprends vraiment la frustration à laquelle vous faites référence. Je vais certainement faire de mon mieux pour savoir rapidement quels sont les plans du gouvernement. Je vais m’efforcer de présenter une réponse au Sénat dès que possible.
La justice
La Charte canadienne des droits et libertés
L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s’adresse également au représentant du gouvernement au Sénat. Monsieur le sénateur, en mai 2019, vous avez exprimé avec ferveur que vous étiez contre le projet de loi 21, Loi sur la laïcité de l’État. La sénatrice Omidvar en a aussi parlé ce matin. À cette époque, vous aviez déclaré ce qui suit : « Le projet de loi no 21 enfreint les droits fondamentaux de tous les citoyens qui choisissent d’exprimer leurs convictions religieuses en public. »
Bien qu’il s’applique à de nombreuses minorités religieuses, y compris les juifs et les sikhs pratiquants, il s’adresse principalement aux femmes musulmanes qui portent un hidjab ou un voile. Sénateur, en entendant ces paroles, j’étais fière d’être l’une de vos collègues.
Vous avez dit à la sénatrice Omidvar que le premier ministre interviendrait au moment opportun. Monsieur le sénateur, nous savons que l’islamophobie prend de l’ampleur d’un bout à l’autre du Canada et que la communauté musulmane vit dans la peur. La communauté musulmane demande au premier ministre d’intervenir comme il l’avait fait en 2015. Quand le premier ministre se lèvera-t-il pour défendre la communauté musulmane dont les droits sont fortement minés au Québec?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement du Canada — tout comme la population canadienne — s’inquiète profondément de la montée de l’islamophobie, de l’antisémitisme et de toute autre forme de discrimination, d’intolérance et de haine dans notre pays.
(1500)
Je tiens à être clair, madame la sénatrice. Ce que j’ai dit, c’est que le premier ministre a indiqué sans détour qu’il laisse la porte ouverte à une intervention possible, si une telle approche est considérée comme appropriée à un moment donné. Je veux que ce soit consigné clairement au compte rendu.
En ce qui concerne la situation que vous décrivez, je répète la position du gouvernement : personne ne devrait être privé du droit de travailler simplement en raison de ses vêtements ou de ses croyances religieuses. Il est réconfortant de voir les habitants de Chelsea se mobiliser pour soutenir l’enseignante et défendre leur voisine. Cela dit, le gouvernement suit la situation — laquelle fait l’objet de débats non seulement devant les tribunaux au Québec, mais également au sein de la société québécoise et au-delà — et il n’a pas fermé la porte à une intervention ou à des représentations sur cette question dans l’avenir.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la période des questions est terminée.
ORDRE DU JOUR
Le Budget des dépenses de 2021-2022
Le Budget supplémentaire des dépenses (B)—Adoption du deuxième rapport du Comité des finances nationales
Le Sénat passe à l’étude du deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, intitulé Budget supplémentaire des dépenses (B) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2022, déposé au Sénat le 16 décembre 2021.
L’honorable Percy Mockler propose que le rapport soit adopté.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
[Français]
Le discours du Trône
Motion d’adoption de l’Adresse en réponse—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,
Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence la gouverneure générale du Canada :
À Son Excellence la très honorable Mary May Simon, chancelière et compagnon principal de l’Ordre du Canada, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite militaire, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite des corps policiers, gouverneure générale et commandante en chef du Canada.
QU’IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :
Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu’elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.
L’honorable Mary Coyle : Construire une économie résiliente, un avenir plus propre et plus sain pour nos enfants.
[Note de la rédaction : La sénatrice Coyle s’exprime dans une langue autochtone.]
[Traduction]
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour répondre au discours du Trône. Le 23 novembre, notre gouverneure générale, Mary May Simon, la première gouverneure générale autochtone dans l’histoire du Canada, a prononcé le discours du Trône pour marquer l’ouverture de la première session de la 44e législature du Canada.
La gouverneure générale Simon, une Inuite accomplie du Nunavik, possède des dizaines d’années d’expérience dans les domaines du leadership organisationnel, de la diplomatie, du journalisme, de la politique, de la fonction publique et de la vie. Je l’admire depuis des années et j’ai été très émue lorsque je l’ai entendue prononcer le discours du Trône en inuktut, en français et en anglais.
Je remercie la gouverneure générale Simon d’avoir mis en lumière, devant tous les Canadiens, la langue originale des peuples du Nunatsiavut, du Nunavik, du Nunavut et de la région des Inuvialuits. Merci d’avoir souligné l’importance de toutes les langues autochtones au Canada.
Dans son discours, la gouverneure générale nous a rappelé la chose suivante :
Notre planète est en danger. Qu’il s’agisse des effets du réchauffement de l’Arctique ou des ravages toujours plus importants des catastrophes naturelles, notre terre et nos populations ont besoin d’aide.
[Note de la rédaction : La sénatrice Coyle s’exprime dans une langue autochtone.]
Honorables sénateurs, la situation n’est pas nouvelle. Je cite le discours du Trône prononcé en octobre 1970 par le gouverneur général d’alors, Roland Michener :
Tous les efforts que nous déployons pour promouvoir une prospérité stable et fonder une société vraiment humaine, resteront sans lendemain si nous ne réagissons pas rapidement, et avec énergie, au spectre qui menace notre bien-être et celui des générations futures : la pollution du milieu.
Honorables collègues, l’année prochaine, cela fera 30 ans que le Canada a ratifié la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques au Sommet de la Terre de Rio de Janeiro, 25 ans qu’il a adopté le Protocole de Kyoto et 22 ans qu’il a signé l’Accord de Copenhague. Tout comme le reste de la communauté internationale, le Canada n’a pas respecté les engagements qu’il a pris dans le cadre de ces accords historiques.
C’est le non-respect de ces engagements qui nous a menés à l’important Sommet sur les changements climatiques de Paris, en 2015. Lors de la COP21 de Paris, le gouvernement du Canada s’est engagé à limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 degré Celsius, à éliminer graduellement les combustibles fossiles, à investir dans les énergies propres et à aider les pays en développement à atteindre leurs cibles.
Dans le plus récent rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, publié en août dernier, on peut lire ceci :
La température à la surface de la Terre continuera d’augmenter au moins jusqu’au milieu du siècle dans tous les scénarios d’émissions envisagés. Le réchauffement dépassera les objectifs de 1,5 et de 2 degrés Celsius au cours du présent siècle si les émissions de dioxyde de carbone et d’autres gaz à effet de serre ne sont pas réduites considérablement lors des prochaines décennies.
Chers collègues, au cours des derniers jours, la sénatrice Galvez, la sénatrice Pate, la sénatrice McCallum, le sénateur Forest, la sénatrice Mégie, la sénatrice Miville-Dechêne, la sénatrice Griffin et la sénatrice Gagné ont tous, dans le cadre du débat au sujet de la motion sur l’urgence climatique présentée par la sénatrice Galvez, décrit de façon bien précise le danger évident qui guette à la fois la planète, les générations futures et toutes les espèces. Comme l’a dit le premier ministre du Royaume-Uni, Boris Johnson, lors de la COP26 : « Il est minuit moins une et il faut agir maintenant. »
Vous vous dites peut-être : « D’accord, mais le Canada a sûrement fait des progrès. » C’est effectivement le cas. Depuis le sommet de Paris, le Canada a pris des mesures pour lutter contre les changements climatiques. La sénatrice Gagné en a abordé quelques-unes lors de son intervention.
Chers collègues, permettez-moi de vous donner des exemples de ces mesures, ainsi que les engagements pris par le Canada.
Le Canada s’est engagé à réduire ses émissions de 40 % d’ici 2030. Le gouvernement a augmenté la tarification du carbone et il continuera de l’augmenter de 15 $ la tonne par année jusqu’à atteindre 170 $ la tonne d’ici 2030. Il a devancé la cible de 100 % de véhicules sans émission vendus de 2040 à 2035. Il s’est engagé à fixer de nouvelles cibles de réduction des émissions de méthane et à planter 2 milliards d’arbres sur 10 ans.
Le budget de 2021 proposait de réserver 17,6 milliards de dollars pour une relance verte et la création d’emplois, pour une économie propre et pour la lutte et la protection contre les changements climatiques.
La nouvelle Stratégie canadienne pour l’hydrogène établit un cadre ambitieux faisant de l’hydrogène un élément clé du cheminement du Canada sur la voie de la carboneutralité d’ici 2050 et faisant du Canada un leader mondial dans les technologies de l’hydrogène.
Le Canada projette de réduire les émissions de méthane dans les secteurs pétrolier et gazier et a proposé son Règlement sur les combustibles propres.
Quelques jours avant le discours du Trône, les 276 membres de la délégation officielle du Canada, ainsi que de nombreux autres Canadiens, ont participé à la COP26, à Glasgow, en Écosse, en compagnie de 40 000 participants inscrits et 120 dirigeants mondiaux. À Glasgow, le Canada s’est engagé à mettre fin à la déforestation d’ici 2030; il a reconfirmé son soutien à l’engagement mondial sur le méthane; il a de nouveau demandé la création d’une norme mondiale sur la tarification de la pollution; il s’est engagé à garantir la conservation du quart des terres et des océans du Canada d’ici 2025; il s’est engagé à verser 5,3 milliards de dollars pour l’aide aux pays en voie de développement, dont 20 % seront consacrés à des solutions axées sur la nature; et il s’est engagé à garantir que 80 % de son enveloppe pour la lutte contre les changements climatiques favorisa les résultats en matière d’égalité des sexes.
Le Canada s’est engagé à appuyer financièrement les pays en voie de développement pour les aider à s’adapter aux changements climatiques; il a signé la déclaration visant une transition mondiale du charbon vers l’énergie propre; il a réaffirmé son appui des 12 recommandations de la Commission mondiale sur les transitions énergétiques propres centrées sur les personnes de l’Agence internationale de l’énergie; il s’est engagé à réduire la pollution par le carbone provenant des transports; il s’est engagé à affecter 10 millions de dollars sur cinq ans au Fonds en fiducie de la Coalition pour le climat et l’air pur; et il a accepté de diriger conjointement une mission axée sur l’élimination du dioxyde de carbone.
Honorables sénateurs, même avec tous ces engagements — et il est important que nous sachions tous quels engagements sont pris —, la situation n’est toujours pas ce qu’elle devrait être.
(1510)
Selon le Climate Action Tracker, les cibles fixées pour 2030 sont tout à fait insuffisantes, puisqu’elles conduiraient à une hausse de température de 2,4 degrés d’ici la fin du siècle. Chers collègues, nous pouvons déjà constater les effets d’une hausse de 1,1 degré.
Honorables sénateurs, comme nos collègues du Groupe d’action sénatorial pour la prospérité le soulignent dans leur récent rapport :
Le Canada possède d’énormes atouts et forces, compte tenu de son statut de 10e économie mondiale, de son adhésion au G7 et de son classement constant parmi les meilleurs pays du monde pour la qualité de vie.
Nous prospérons, mais nous ne pouvons pas nous asseoir sur nos lauriers. Notre prospérité dépendra de notre capacité à atténuer les effets des changements climatiques et à nous y adapter. Le Canada figure parmi les trois plus grands émetteurs de gaz à effet de serre, par habitant, sur la planète. Ce n’est pas le genre de palmarès où on souhaite arriver en tête de liste.
Comme nous le rappelle Mark Carney :
L’idée n’est plus de considérer le changement climatique comme un risque : il s’agit d’y voir une occasion à saisir et de transposer cela véritablement en un objectif unique, consistant à amener le plus rapidement possible nos économies vers un bilan neutre des émissions.
Que signifie se tourner le plus rapidement possible vers un bilan neutre des émissions, et pourquoi devrions-nous le faire? La raison est évidente. Le réchauffement dont les scientifiques nous parlent depuis des décennies nous menace déjà. Il a incendié des maisons, causé des inondations, dévasté des collectivités et des entreprises, dégelé le sol sous les maisons dans le Nord, détruit des infrastructures essentielles et causé d’importants mouvements de population. Les dangers se multiplient de façon effrénée.
L’autre aspect sur lequel M. Carney et le Groupe d’action sénatorial pour la prospérité se concentrent, ce sont les débouchés. Nous connaissons tous l’expression qui dit que l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. Or, honorables collègues, l’atteinte de la carboneutralité est un impératif économique, et plus tôt nous orienterons nos choix et nos efforts en ce sens, mieux nous nous porterons tous.
Honorables sénateurs, je n’ai pas le temps aujourd’hui de m’attarder sur les façons d’atteindre la carboneutralité. Je dirais cependant qu’il est urgent que nous consacrions nos efforts et notre attention à la recherche et à la mise en œuvre de solutions, et ce, avec encore plus d’empressement, d’innovation et de collaboration que nous en avons vus à l’égard des mesures liées à la pandémie de COVID-19.
Inspirons-nous de ces réussites. Chers collègues, les comités du Sénat disposent d’amples ressources capables de produire des études de qualité. Nous pouvons améliorer et présenter des projets de loi. Nous pouvons convoquer des experts et le public. Nous pouvons collaborer par l’intermédiaire du nouveau groupe des sénateurs pour l’action climatique avec nos collègues parlementaires de l’autre endroit et d’autres pays.
À la COP26, à Glasgow, Barack Obama a déclaré que la survie de la planète n’est pas une question partisane. La nature, la physique et la science n’ont que faire des affiliations politiques. Honorables sénateurs, il nous incombe d’exiger des comptes du gouvernement. Avec l’adoption de la Loi sur la responsabilité en matière de carboneutralité en juin dernier, nous disposons d’un outil puissant pour nous assurer que les cibles fixées par le gouvernement et les plans formulés pour les atteindre sont transparents, respectés et mis en œuvre. Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique a récemment reporté au 29 mars 2022 la date limite pour établir le plan de réduction des émissions de 2030. Tâchons d’être à l’affût ce jour-là.
En conclusion, honorables sénateurs, j’aimerais citer les propos de sir David Attenborough, qui a résumé le cœur du problème de manière irréfutable à la COP26, lorsqu’il a demandé à l’assistance :
Est-ce ainsi que notre histoire est censée se terminer? Comme le récit de l’espèce la plus intelligente, condamnée par une caractéristique on ne peut plus humaine, celle de négliger le tableau d’ensemble dans sa poursuite de buts à court terme?
Chers collègues, en guise de réponse à sir Attenborough, j’aimerais citer un extrait du livre Oh, les endroits où vous irez! de l’un de mes auteurs préférés, Dr Seuss :
Vous avez un cerveau dans votre tête. Vous avez des pieds dans vos chaussures. Vous pouvez vous diriger dans la direction que vous voulez.
Honorables sénateurs, choisissons la direction la plus sensée et la plus rapide menant à la carboneutralité. Comme la gouverneure générale Mary May Simon l’a dit dans le discours du Trône : « Le temps est venu d’aller plus loin, plus vite. » Honorables sénateurs, chers concitoyens canadiens, choisissons nos chaussures, ou fauteuil roulant, de course les plus rapides, qui conviennent aussi bien pour le sprint que pour le marathon, et filons dans cette course contre la montre.
Merci. Wela’lioq. Nakurmiik.
(Sur la motion de la sénatrice Gagné, le débat est ajourné.)
Les travaux du Sénat
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :
Que la séance soit suspendue jusqu’à 17 heures pour attendre le comité plénier, la sonnerie se faisant entendre pendant cinq minutes avant la réunion du comité.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(La séance du Sénat est suspendue.)
(Le Sénat reprend sa séance.)
(1700)
[Français]
Projet de loi visant à fournir un soutien supplémentaire en réponse à la COVID-19
Étude de la teneur du projet de loi en comité plénier
L’ordre du jour appelle :
Le Sénat en comité plénier afin de recevoir l’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, vice-première ministre et ministre des Finances, accompagnée d’au plus quatre fonctionnaires afin d’étudier la teneur du projet de loi C-2, Loi visant à fournir un soutien supplémentaire en réponse à la COVID-19.
(La séance est suspendue et le Sénat se forme en comité plénier sous la présidence de l’honorable Pierrette Ringuette.)
La présidente : Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier pour étudier la teneur du projet de loi C-2, Loi visant à fournir un soutien supplémentaire en réponse à la COVID-19.
Honorables sénateurs, durant un comité plénier, les sénateurs s’adressent à la présidente, mais ne sont pas obligés de se lever. Conformément au Règlement, le temps de parole est de 10 minutes — questions et réponses y comprises. Cependant, tel qu’il est ordonné, si un sénateur n’utilise pas tout son temps de parole, il peut céder le temps qu’il lui reste à un autre sénateur. Le comité accueillera l’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, vice-première ministre et ministre des Finances, et je l’invite maintenant à nous rejoindre, accompagnée de fonctionnaires.
(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, l’honorable Chrystia Freeland et les fonctionnaires qui l’accompagnent se joignent à la séance par vidéoconférence.)
La présidente : Madame la ministre, j’ai le plaisir de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à présenter vos fonctionnaires et à faire vos observations préliminaires d’au plus cinq minutes.
L’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, vice-première ministre et ministre des Finances : Je suis accompagnée aujourd’hui de M. Nick Leswick, sous-ministre délégué, et de M. Trevor McGowan, directeur général, Division de la législation de l’impôt, du ministère des Finances.
[Traduction]
Je suis également accompagnée de deux représentants de la Direction générale des compétences et de l’emploi du ministère de l’Emploi et du Développement social, notamment Elisha Ram, sous-ministre adjoint délégué, et George Rae, directeur, Initiatives et analyse des politiques, Politique de l’assurance-emploi.
Je ferai quelques observations liminaires puis, bien sûr, je m’efforcerai de répondre à vos questions.
Honorables sénateurs, comme le variant Omicron nous le rappelle, la pandémie sévit toujours et, cette fois, le virus est encore plus transmissible qu’auparavant.
Mardi, le gouvernement a publié une mise à jour économique et financière qui prévoit des investissements ciblés pour terminer la lutte contre la COVID.
[Français]
Tout d’abord, les vaccins sont notre meilleure ligne de défense contre le virus. C’est pourquoi nous avons investi plus de 7,3 milliards de dollars pour acheter des vaccins pour tous les Canadiens et les Canadiennes admissibles, y compris des vaccins pédiatriques. Ce montant comprend également l’achat de doses de rappel.
[Traduction]
Étant donné la présence du variant Omicron, les vaccins de rappel sont plus importants que jamais. J’exhorte les Canadiens qui nous écoutent à recevoir une dose de rappel aussitôt qu’ils y seront admissibles. Il y a suffisamment de vaccins pour tout le monde. Le gouvernement fédéral assure aux Canadiens la gratuité de la troisième dose de vaccin et des vaccins de rappel.
Il s’engage également à consacrer 2 milliards de dollars à l’achat de médicaments, notamment des antiviraux. Ces produits sauveront des vies. En attendant l’homologation de ces médicaments par Santé Canada, nous avons conclu des ententes pour l’obtention de 1 million de traitements de Pfizer et la livraison initiale de 500 000 traitements de Merck, avec la possibilité d’une livraison additionnelle de 500 000 autres traitements.
Les tests de dépistage rapide sont également importants. Dans la mise à jour économique et financière de 2021, nous avons annoncé un investissement de 1,7 milliard de dollars pour l’acquisition et la distribution de 180 millions de tests de dépistage rapide additionnels.
Nous avons également mis en place des mesures permettant aux autorités de la santé publique de prendre les décisions nécessaires — même si elles sont parfois difficiles —, et au besoin, d’imposer des restrictions pour limiter la propagation du virus. Il va sans dire que la mise en œuvre par le gouvernement fédéral de mesures pour soutenir les travailleurs et les entreprises aidera les responsables de la santé publique à prendre les décisions qui s’imposent.
Cela m’amène à parler des mesures prévues dans le projet de loi C-2, notamment la Prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement. Le gouvernement offre cette nouvelle prestation de revenu parce que la situation sanitaire demeure incertaine et imprévisible.
[Français]
La Prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement prévoit le versement de 300 $ par semaine aux travailleurs qui sont directement touchés par un ordre de confinement local lié à la COVID-19. Elle sera offerte immédiatement aux travailleurs admissibles, rétroactivement au 24 octobre 2021.
Nous prenons cette mesure parce que nous voulons nous assurer que personne n’est laissé pour compte, y compris les travailleurs vulnérables.
Ce projet de loi propose également de prolonger jusqu’au 7 mai 2022 l’admissibilité à la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique et à la Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants.
Nous comprenons bien que certaines restrictions de voyage auront un impact sur les entreprises touristiques, qui ont déjà traversé 21 mois très difficiles. C’est pourquoi le nouveau Programme de relance pour le tourisme et l’accueil offrira aux employeurs, comme les hôtels, les restaurants, les agences de voyages et les voyagistes, des subventions salariales et des subventions pour le loyer pouvant atteindre 75 %. Le projet de loi comprend des détails sur les types d’entreprises qui seraient admissibles au programme.
[Traduction]
Pour les entreprises de tous les secteurs, le Programme de relance pour les entreprises les plus durement touchées que nous proposons fournira un soutien aux employeurs ayant essuyé des pertes importantes et durables par l’intermédiaire de subventions salariales et de subventions pour le loyer à un taux maximal de 50 %.
Le Programme de soutien en cas de confinement local est particulièrement important en ce moment. Il offrira aux employeurs touchés par de nouveaux confinements locaux temporaires un taux de subvention maximal pour la subvention salariale et la subvention pour le loyer de 75 %. Comme les travailleurs et les entreprises seront soutenus, les autorités locales et les responsables de la santé publique pourront continuer d’adopter les bonnes mesures de santé publique.
Alors que le gouvernement poursuit ses efforts pour endiguer la propagation du variant Omicron, il sait qu’il doit aussi se concentrer sur la relance économique. Nous voulons que les entreprises continuent à se développer et à se remettre. C’est pourquoi nous proposons de prolonger le Programme d’embauche pour la relance du Canada jusqu’au 7 mai 2022, à un taux de subvention salariale accru, soit 50 %. Cela encouragera les entreprises à réembaucher des travailleurs, à augmenter leurs heures de travail et à créer des emplois.
Honorables sénateurs, pour lutter contre la COVID-19, il a fallu dépenser des sommes colossales de fonds publics au Canada et partout dans le monde. Les Canadiens ont appuyé ces dépenses colossales parce qu’ils savaient non seulement que c’était ce que la compassion nous commandait de faire, mais aussi que c’était la bonne chose à faire sur le plan économique. Nous savons que les Canadiens travaillent fort pour gagner leur vie et qu’ils s’attendent à ce que nous soyons prudents avec leur argent. Nous savons que nous avons le devoir de faire ce qui s’impose pour aujourd’hui et pour demain.
Le gouvernement continuera de gérer les fonds publics de façon responsable et prudente. L’objectif du projet de loi est de passer de programmes de soutien généraux à des mesures ciblées et moins coûteuses qui continueront à fournir de l’aide à ceux qui en ont besoin tout en appuyant une politique de santé publique efficace.
[Français]
Lorsque nous avons présenté ces programmes en octobre, nous avions prévu qu’ils coûteraient 7,4 milliards de dollars, mais avec la menace croissante liée au variant Omicron, nous avons décidé de mettre de côté 4,5 milliards de dollars supplémentaires pour ces programmes, ainsi que d’autres mesures nécessaires pour contrôler la propagation.
(1710)
[Traduction]
En conclusion, personne ne souhaite avoir à s’occuper du variant Omicron juste avant les Fêtes, mais je crois que nous avons tous compris, après 21 mois de lutte contre ce virus, que prendre des décisions difficiles rapidement et agir avec prudence rapportent à long terme. Le gouvernement a...
[Français]
La présidente : Madame la ministre, je vous remercie beaucoup pour votre présentation. Nous devons maintenant passer à la période des questions et des réponses, qui prendra la forme de blocs de 10 minutes.
[Traduction]
La plupart sont partagés entre deux sénateurs. Lorsque c’est le cas, chaque sénateur dispose de cinq minutes pour les questions et les réponses.
Nous commençons le premier bloc de 10 minutes avec le sénateur Housakos.
Le sénateur Housakos : Bienvenue au Sénat, madame la ministre. Nous vous remercions du temps que vous nous accordez.
Madame la ministre, l’organigramme de Finances Canada indique que vous avez 10 sous-ministres adjoints, une sous-ministre adjointe par intérim et une sous-ministre adjointe principale. Cette semaine, le Globe and Mail a rapporté que vous n’aviez pas rencontré certains de vos sous-ministres adjoints depuis des mois. Pouvez-vous nous dire lesquels vous n’avez pas rencontrés pendant la préparation du projet de loi C-2, dont nous sommes saisis aujourd’hui, et pourquoi? Après tout, comme nous le savons tous, les sous-ministres adjoints contribuent des renseignements précieux à la rédaction d’une mesure législative, et nous comptons énormément sur eux lorsque vient le temps d’appliquer la loi.
Mme Freeland : Merci de votre question, sénateur. Il fait bon entendre les conservateurs appuyer et approuver le rôle important que joue la fonction publique. Assurément, en tant que ministre, je compte beaucoup sur l’excellence et le professionnalisme des fonctionnaires du ministère des Finances.
Bien entendu, le sous-ministre Michael Sabia, dont la vaste expérience des affaires et de la fonction publique est un atout énorme pour le Canada, est le plus important fonctionnaire de mon ministère, et je travaille en étroite collaboration avec lui. Je crois qu’il est juste d’affirmer que je parle à M. Sabia au téléphone quatre, cinq, peut-être six fois par jour, et parfois plus souvent.
Je collabore étroitement avec beaucoup d’autres fonctionnaires du ministère des Finances. En fait, Nick Leswick est avec nous aujourd’hui. C’est un fonctionnaire avec qui je travaille étroitement et qui a participé activement à la rédaction du projet de loi. Il est le numéro deux du ministère des Finances et a été intimement lié à l’élaboration du projet de loi.
Je ne vais pas nommer chacun des fonctionnaires avec qui je travaille. Je veux seulement déclarer publiquement que je suis très reconnaissante des efforts et du dévouement des fonctionnaires du ministère des Finances. Bien entendu, étant donné les précautions que nous prenons en raison de la COVID — en fait, je comparais devant vous virtuellement pour cette raison —, la plupart de nos conversations ont lieu au téléphone ou à l’écran.
Le sénateur Housakos : Madame la ministre, la COVID ne nous empêche pas de consulter les hauts fonctionnaires et les membres de notre personnel. Vous n’avez pas vraiment répondu à la question à propos de la nouvelle selon laquelle beaucoup de sous-ministres adjoints, anciens et actuels, disent ne pas avoir eu la chance de se faire entendre.
Madame la ministre, selon un article publié dans le Globe and Mail cette semaine, vous participez rarement à des séances d’information ministérielles, et vous leur préférez des activités de communication politique.
Madame la ministre, ma question est très brève et cruciale. Combien de séances d’information avez-vous reçues de la part des fonctionnaires de votre ministère en 2021? Combien portaient sur ce projet de loi très important? En effet, madame la ministre, les sénateurs conservateurs, comme tous les sénateurs, ont beaucoup de respect pour le rôle important que joue la fonction publique, particulièrement les hauts fonctionnaires qui jouent un rôle clé, comme je l’ai dit, dans la préparation des projets de loi qu’adopte le Parlement.
Madame la ministre, comment expliquez-vous — et ce sont des choses qui me préoccupent — le piètre moral qui existe dans votre ministère et le roulement extrême qu’on constate parmi le personnel chevronné, selon un article récent du Globe and Mail?
Mme Freeland : Monsieur le sénateur, je m’entretiens de nombreuses fois par jour avec de hauts fonctionnaires du ministère des Finances, à commencer par notre remarquable sous-ministre, Michael Sabia. Bien honnêtement, je serais très étonnée si j’avais moins d’une demi-douzaine de conversations par jour avec de hauts fonctionnaires du ministère des Finances, y compris les fins de semaine, de très tôt le matin jusqu’au soir. Je leur demande souvent de préparer des notes d’information pour moi et je les appelle après les avoir lues pour leur poser des questions. Laissez-moi vous assurer que les hauts fonctionnaires du ministère des Finances travaillent très fort et me consultent souvent.
Cela dit, je dois dire, monsieur le sénateur, que je n’ai jamais prétendu qu’Ottawa avait le monopole des bonnes idées. C’est donc tout à fait intentionnellement que je consacre beaucoup de temps à parler aux Canadiens, aux entreprises et aux dirigeants syndicaux de l’ensemble du pays, ainsi qu’aux économistes indépendants du Canada et d’ailleurs dans le monde.
Au cours des deux dernières semaines seulement, j’ai participé à une réunion regroupant des dirigeants du secteur des pièces automobiles, je me suis entretenue avec un groupe de femmes d’affaires réunies grâce à Rona Ambrose, et j’ai eu une très bonne conversation avec Stephen Poloz, un ancien gouverneur de la Banque du Canada et un économiste brillant. J’aime discuter avec des économistes de partout dans le monde, car je pense qu’il est impératif d’avoir une perspective internationale.
Le sénateur Housakos : Madame la ministre, le fait que vous parliez souvent à vos sous-ministres est rassurant. Cependant, comme je l’ai mentionné dans ma question, à laquelle vous n’avez pas répondu, je suis très préoccupé par le roulement élevé des hauts fonctionnaires au ministère des Finances. Le fait que vous consultiez des économistes de l’extérieur ne change rien au fait qu’il y a un roulement anormalement élevé de hauts fonctionnaires dans votre ministère.
Madame la ministre, les mises à jour économiques et budgétaires montrent que notre produit intérieur brut est environ un point de pourcentage moindre que ce qui était prévu dans le budget. Selon une récente prévision de l’Organisation de coopération et de développement économiques, le Canada connaîtra la plus faible croissance du produit intérieur brut du G20 entre 2020 et 2030. Comme l’a souligné le Globe and Mail plus tôt cette semaine dans son article sur votre ministère, vous n’avez pas de programme de croissance et vous n’avez pas réduit les dépenses. Comment votre gouvernement paiera-t-il toutes ses dépenses, y compris celles prévues dans le projet de loi C-2? Certaines d’entre elles sont tout à fait nécessaires, mais, au bout du compte, vous devez avoir les fonds nécessaires pour pouvoir réaliser l’objectif fixé.
Mme Freeland : Monsieur le sénateur, avec tout le respect que je vous dois, je suis fortement en désaccord avec la prémisse et le fil de vos questions.
Permettez-moi de parler de la politique économique du Canada durant la COVID, de ce que nous avons fait, des raisons pour lesquelles nous l’avons fait et de ce que nous avons accompli. Je commence par rappeler à tous les sénateurs qu’à cause de la COVID, le Canada a traversé la plus grave récession depuis la Grande Dépression. Notre économie a rétréci de 17 % et nous avons perdu 3 millions d’emplois. De nombreux économistes étaient très préoccupés de notre avenir, à juste titre. Le gouvernement est donc passé à l’action. Nous avons mis en place des programmes extraordinaires pour aider les travailleurs et les entreprises.
Honorables sénateurs, ces programmes ont porté leurs fruits. Le Canada a maintenant récupéré 106 % des emplois perdus à cause de la COVID. En comparaison, les États-Unis n’en ont récupéré que 83 %. Au troisième trimestre, notre PIB a augmenté de 5,4 %. C’est un rythme plus rapide qu’aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Japon et en Australie.
Je souligne aussi que nous avons conservé notre cote de crédit AAA de Standard & Poor’s et de Moody’s. Ces firmes l’ont confirmé à l’automne. En outre, nous avons toujours le plus bas ratio dette-PIB des pays du G7.
Pour finir, j’aimerais citer un économiste qui n’est plus à l’emploi du gouvernement du Canada, qui a été nommé par Stephen Harper et que je consulte assez souvent. Il s’agit de l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz. Voici ce qu’il a dit sur les ondes de Global News la fin de semaine dernière :
Ne sommes-nous pas chanceux que les politiques aient bien fonctionné pour prévenir la seconde Grande Dépression que de nombreux économistes craignaient lorsque la COVID-19 a frappé?
Je suis d’accord avec le gouverneur Poloz, sénateur.
(1720)
Le sénateur Housakos : Permettez-moi d’énumérer quelques autres faits, madame la ministre. L’année 2021 a coûté cher aux familles canadiennes. Vous ne l’avez peut-être pas remarqué puisque le gouvernement n’a plus de ministre de la Prospérité de la classe moyenne. Hier, Statistique Canada a annoncé que l’inflation demeure plus élevée qu’elle ne l’a été depuis 18 ans, ayant atteint un taux de 4,7 % par rapport à l’année précédente. Le prix des habitations a augmenté de 25 %. L’an prochain, la famille moyenne dépensera 1 000 $ de plus pour son épicerie. La plupart des sources prédisent une hausse des taux d’intérêt en 2022. Aucun économiste ne peut le nier. L’inflation s’est accrue beaucoup plus rapidement que les salaires au cours de la dernière année.
Par conséquent, la seule chose que cette inflation a accomplie est que les Canadiens des classes moyenne et défavorisée croulent sous les impôts, comme en témoigne la hausse des recettes fiscales. La raison, c’est que les Canadiens paient plus cher pour l’essence, la nourriture, le logement, les meubles et les vêtements.
Madame la ministre, pourquoi croyez-vous que les Canadiens peuvent continuer de payer plus qu’ils ne paient à l’heure actuelle pour survivre au jour le jour?
Mme Freeland : Madame la présidente, puisque mon temps est limité, j’exhorte les sénateurs à considérer, comme je le fais, le Canada dans une optique mondiale.
Parlons d’inflation. Aux États-Unis, le taux d’inflation était de 6,8 % en novembre, ce qui est plus élevé qu’en octobre. En Allemagne, il était de 6 % en novembre, ce qui est également plus élevé qu’en octobre. En Grande-Bretagne, le taux d’inflation était de 5,1 % en novembre, une augmentation par rapport à octobre. Au Canada, le taux d’inflation est inférieur à celui de chacun de ces trois pays, nos pairs, et n’a pas augmenté d’octobre à novembre.
[Français]
Le sénateur Forest : Merci, madame la ministre, d’être parmi nous aujourd’hui. Je vais revenir à l’objet du comité plénier, soit le projet de loi C-2. Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a demandé à plusieurs reprises à votre gouvernement de mieux cibler son aide. Le projet de loi C-2 et la mise à jour fiscale et économique vont dans ce sens. En ce qui a trait au Programme de relance pour le tourisme et l’accueil, les entreprises doivent démontrer qu’elles ont subi une perte de revenus d’au moins 40 % pour avoir droit à une subvention pouvant atteindre 75 % du salaire. En ce qui concerne ce seuil unique de 40 % de perte de revenus, avez-vous envisagé de moduler ce critère en fonction de la taille des entreprises, afin de donner un coup de pouce de plus aux plus petites entreprises, qui ont souvent peu de moyens ou d’autres sources pour se financer et traverser la crise? Par ailleurs, je me fais le relais de la sénatrice Duncan, qui a soulevé une question qui nous est souvent posée par l’industrie : si le projet de loi C-2 est adopté avant la pause des Fêtes, quand croyez-vous que l’aide commencera à être versée aux entreprises qui se qualifient?
Mme Freeland : Je vous remercie de la question. Vous avez raison. Quand nous avons annoncé les mesures relatives au projet de loi C-2, nous avions l’intention, correcte et importante, plutôt que d’adopter une approche générale, qui était nécessaire au début de la crise, mais qui nous a coûté cher, de nous diriger vers une approche plus ciblée. Il s’agit d’une approche mieux appropriée pour la situation dans laquelle nous nous trouvons et d’une approche prudente en ce qui concerne les finances du Canada.
En ce qui a trait à votre question au sujet des plus petites entreprises, la plupart des entreprises appartenant au secteur touristique et hospitalier qui seront les bénéficiaires de cette aide sont de petites et moyennes entreprises. C’est l’une des raisons pour lesquelles cette approche et ces mesures sont si importantes pour nous. Je vous rappelle, comme vous le savez très bien, qu’il y a aussi d’autres programmes visant directement les petites et moyennes entreprises, comme le Programme canadien d’adoption du numérique et le crédit du Compte d’urgence pour les entreprises.
Le sénateur Forest : Si on adopte le projet de loi C-2 avant les Fêtes, quand pensez-vous que l’aide pourra commencer à être versée aux entreprises qui se qualifient?
Mme Freeland : Merci. Je suis désolée de ne pas avoir répondu à la deuxième partie de votre question. Nous comprenons que ces entreprises se trouvent dans une situation difficile. Voilà pourquoi nous avons annoncé que nous avions l’intention de le faire à la fin d’octobre, pour donner au gouvernement le temps de se préparer. Je veux aussi vous rappeler que l’on prévoit des rétroactions jusqu’à la fin d’octobre. Nous ferons de notre mieux pour mettre le tout en œuvre dès que possible. Nous utiliserons les plateformes que nous avons utilisées pour la Subvention salariale d’urgence du Canada et la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer, afin d’accélérer le processus. Je dois dire que, avec le variant Omicron et les mesures supplémentaires que nous avons mises en place aux frontières, c’était plus important que jamais. J’aimerais vous remercier, honorables sénateurs, pour le travail que vous avez effectué à cet effet.
Le sénateur Forest : Merci. Je vous souhaite une période des Fêtes réconfortante en famille.
[Traduction]
Le sénateur Boehm : Je vous remercie de comparaître au Sénat, madame la ministre. Je sais que le temps file, et je vais essayer de poser deux questions très rapides. J’espère que mon préambule ne sera pas trop long. Les questions sont très différentes. La première porte sur la comparaison des mesures de soutien économique dans les différents pays. Vous avez eu des réunions avec vos homologues des pays du G7, du G20 et de l’OCDE. Dans différents pays, différentes mesures ont été prises, comme des prestations de soutien de l’emploi à court terme en Europe et des suppléments de revenu offerts au Canada, en Australie et au Royaume-Uni.
Les dispositions quant au début et à la fin des mesures ont varié d’un pays à l’autre, selon les compétences propres à chacun, mais aussi en fonction de la propagation de la pandémie.
J’aimerais savoir si vous avez des pratiques exemplaires ont été communiquées. Y a-t-il des choses que vous et votre équipe avez apprises à cet égard, et est-ce que les échanges se poursuivent?
Ma deuxième question porte sur les agents de voyage indépendants, dont la grande majorité sont des femmes qui subissent maintenant un autre coup dur à cause du nouveau variant. Elles font du télétravail. Comment seront-elles appuyées par le Programme de relance pour le tourisme et l’accueil? J’ai déjà soulevé cette question auprès de vous il y a un certain temps, quand nous parlions du projet de loi C-14. Je suis déterminé à défendre ce groupe de personnes. Merci, madame la ministre.
Mme Freeland : Je vous remercie, sénateur Boehm, de cette question et de tout le travail que vous avez accompli pour ce projet de loi.
Pour ce qui est des comparaisons avec ce qui s’est fait ailleurs dans le monde et ce qui se fait présentement, c’est une excellente question à laquelle je consacre pas mal de temps, autant dans mes réflexions que dans les discussions que j’ai avec d’autres personnes. Je crois que c’est extrêmement utile pour le gouvernement du Canada de regarder ce que font ses pairs ailleurs sur la planète et de comprendre qu’il est possible d’apprendre des autres et que, parfois, les autres aussi peuvent apprendre de nous.
Je dirais que j’ai été très chanceuse d’avoir de très bonnes discussions avec Olaf Scholz avant qu’il devienne chancelier d’Allemagne. Nous avons pu le recevoir à souper à l’ambassade canadienne à l’automne lorsque se tenaient les réunions de la Banque mondiale et du FMI, et ce fut très utile pour apprendre de l’expérience allemande. Nous avons également passé beaucoup de temps avec la secrétaire Yellen et son équipe du département du Commerce des États-Unis, ainsi qu’avec nos homologues britanniques.
En ce qui concerne l’expérience internationale, sénateur — je sais que, comme moi, vous aimez les comparaisons —, un très bon article de Chris Giles a été publié, le 10 décembre, je crois, dans le Financial Times. Je l’ai lu ce matin et je l’ai transmis à mon équipe. L’auteur fait une analyse comparative des leçons apprises depuis le début de la pandémie de COVID-19.
(1730)
L’auteur conclut notamment, et je suis d’accord avec lui, qu’un programme de subventions salariales, comme celui instauré au Canada, aide les travailleurs à maintenir leur lien d’emploi. Dans les pays qui ont adopté une approche similaire, on constate que la relance de l’emploi se fait plus rapidement, comme au Canada. En effet, on a récupéré 106 % des emplois sur les 3 millions d’emplois qui avaient été perdus. Je suis ravie que nous ayons accompli cet exploit.
De mon point de vue, perdre un emploi est probablement l’épreuve économique la plus traumatisante pour une personne ou une famille. C’est pourquoi j’étais très préoccupée par la perte de 3 millions d’emplois. Je suis fière que nous ayons mis en place des mesures pour remédier à cette situation de manière efficace.
En ce qui concerne les agents de voyage indépendants, je suis consciente de vos efforts continus pour défendre leurs intérêts, sénateur, et j’estime que vous faites un travail inestimable pour ce groupe de travailleurs.
Comme vous le savez, les mesures que nous vous présentons offrent une aide ciblée directe aux entreprises. Deux niveaux de soutien sont prévus pour le secteur du tourisme et de l’hôtellerie — le plus haut niveau —, et un niveau plus global pour les entreprises les plus durement touchées. Cependant, ces mesures d’aide sont destinées aux entreprises uniquement.
En l’absence de confinement, ces mesures ne visent pas à fournir une aide financière directement aux travailleurs. C’est voulu ainsi, car nous savons que le temps est venu de passer d’une aide générale à des mesures plus ciblées.
En effet, il est plus compliqué d’offrir de l’aide générale aux travailleurs plutôt que de l’aide ciblée aux entreprises. Évidemment, je réitère la nécessité d’aider l’économie canadienne et les travailleurs canadiens.
La présidente : Madame la ministre, je suis désolée, mais nous passons maintenant à la prochaine période de 10 minutes.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Merci d’être parmi nous, madame la ministre. J’aimerais d’abord vous remercier de l’entente conclue avec la Banque du Canada, et je vous remercie également d’avoir reconnu l’importance du marché du travail.
Ma question concerne le financement du soutien au revenu qui a été accordé, au cours de cette pandémie, pour les personnes se trouvant sur le marché du travail. Le soutien au revenu qui sera accordé, dans le cadre du projet de loi C-2, aux personnes frappées par la pandémie ainsi qu’aux proches aidants non couverts par l’assurance-emploi sera financé à partir des revenus globaux. Cependant, le soutien au revenu pour les personnes couvertes par le régime d’assurance-emploi sera financé à partir du compte de l’assurance-emploi. Comme vous le savez, ce sont les employeurs et les salariés qui assument les coûts de l’assurance-emploi. Ceci comprend les coûts supplémentaires liés à l’assurance-emploi dite simplifiée et temporaire. Or, le mode de financement actuel est très régressif pour les salariés et les entreprises.
Même si les taux de cotisation ont été gelés à 1,58 $ par tranche de 100 $ de rémunération assurable, le taux d’équilibre est de 1,83 $. Cela veut dire que les déficits continuent de s’accumuler en ce qui a trait au compte de l’assurance-emploi. La facture risque donc d’être salée pour les entreprises et les salariés quand le gel des cotisations cessera.
Comme le régime d’assurance-emploi joue aussi un rôle de stabilisateur économique, ne serait-il pas logique et équitable que le gouvernement en devienne officiellement un partenaire financier, comme ce fut le cas au début du régime et jusque dans les années 1990? Le gouvernement a-t-il l’intention d’assumer les coûts supplémentaires des mesures prises dans le cadre du régime simplifié?
Mme Freeland : Madame la sénatrice, il est évident que, en tant qu’économiste, vous prenez très au sérieux les principes fondamentaux de notre approche vis-à-vis du financement, de même que notre approche économique et budgétaire. J’apprécie le fait que vous vous souciiez du fondement de notre système et que vous posiez des questions à ce sujet.
Dans la première partie de votre intervention, vous avez parlé du mandat de la Banque du Canada, qui a été annoncé par le gouverneur et moi lundi dernier. Je tiens d’abord à vous remercier de votre travail à cet égard depuis plusieurs années. J’ai lu les articles que vous avez rédigés, pendant mes discussions avec les fonctionnaires, les économistes et le gouverneur de la Banque du Canada, et j’en ai tenu compte dans l’élaboration de cette décision, tout comme pour les décisions précédentes. Je vous en remercie.
Pour ce qui est de votre question, je dois dire qu’en ce moment nos efforts visent à mettre l’accent sur trois objectifs. Nous voulons d’abord en finir avec la lutte contre la COVID-19. C’est une bataille de très longue haleine et elle nécessite beaucoup de travail. Nous devons mettre l’accent sur cet objectif. Cela suppose de fournir l’appui nécessaire aux personnes qui en ont besoin.
Deuxièmement, nous misons sur une approche prudente pour ce qui est des finances publiques. Nous avons beaucoup dépensé et nous comprenons également que la lutte n’est pas terminée. Il faut donc faire attention aux enjeux budgétaires. Je crois qu’il est très important de maintenir la crédibilité du Canada sur les marchés internationaux.
Le troisième objectif est de travailler à une relance économique robuste, rapide et inclusive.
Les questions fondamentales comme celles que vous avez posées sont très importantes. Je crois que la crise liée à la COVID a démontré l’importance et la solidité du régime d’assurance-emploi que nous avons au Canada. Nous sommes heureux d’avoir un tel système. Nous comprenons aussi que celui-ci a besoin d’être renouvelé. Je pense que l’on doit parler de...
La présidente : Madame la ministre, je regrette, mais nous devons passer au prochain bloc de cinq minutes.
Le sénateur Gignac : Je suis très honoré de prendre la parole aujourd’hui pour la première fois dans cette Chambre, dans le cadre de ce comité plénier et, de surcroît, en votre présence, madame la vice-première ministre et ministre des Finances. Merci d’être parmi nous.
La performance du Canada, depuis le début de cette pandémie, se démarque nettement des autres pays du G7, que ce soit sur le plan de la vaccination ou de la création d’emplois. D’ailleurs, je profite de cette tribune pour féliciter votre gouvernement et votre leadership à cet égard. Toutefois, il y a un aspect qui me préoccupe en tant qu’économiste. C’est la léthargie ou le déclin des investissements des entreprises canadiennes.
Selon les données les plus récentes, les investissements non résidentiels au Canada sont inférieurs de 9 % à ceux que l’on a observés avant le début de cette pandémie et de 24 % inférieurs à ceux qui ont été observés il y a six ans. Pendant ce temps, on enregistre des niveaux records d’investissements des entreprises au sud de la frontière. Comme vous le savez, on ne peut dépendre éternellement de l’aide gouvernementale, de l’immobilier ou de la consommation des ménages.
Ma question est donc la suivante. Est-ce que cette léthargie que l’on observe dans les investissements chez nos entreprises vous préoccupe? Quelles avenues votre gouvernement envisage-t-il pour y remédier?
Mme Freeland : Merci, monsieur le sénateur. Vous posez une excellente question. Je sais que vous vous entretenez souvent avec M. Sabia. Vous savez donc fort bien que cette question me préoccupe, tout comme elle préoccupe M. Sabia.
(1740)
J’aimerais aussi remercier les économistes de la Banque Nationale pour le travail qu’ils ont fait à ce sujet. C’est une question que nous avons posée au sujet de l’économie canadienne depuis longtemps. Je suis également d’accord avec vous pour dire que l’on doit continuer d’essayer de trouver des solutions viables pour accroître les investissements domestiques et les investissements étrangers au Canada, dans des entreprises canadiennes.
Si vous me le permettez, j’aimerais en même temps souligner aux sénateurs que nous avons eu beaucoup de succès, même en pleine pandémie, dans le secteur des technologies. La Narwhal List, qui a été publiée en mars 2021, a identifié 50 entreprises qui sont en voie d’atteindre le statut de « licornes ». Comme vous le savez, cela représente des entreprises en démarrage évaluées à 1 milliard de dollars et plus. Il s’agit d’une augmentation de 20 % par rapport à l’an dernier.
Deuxièmement, même si nous n’avons des données que pour les trois premiers trimestres de l’année, l’activité du capital-risque au Canada a déjà atteint un record historique en 2021, avec des investissements dans des entreprises en démarrage canadiennes et des entreprises en croissance d’une valeur de 11,8 milliards de dollars sur près de 600 transactions.
Enfin, quatre universités canadiennes ont été répertoriées dans le classement PitchBook parmi les 50 meilleures institutions au monde pour ce qui est des fondateurs d’entreprises en démarrage. Trois de nos quatre institutions ont amélioré leur classement au cours de la dernière année. Il y a donc beaucoup de gens qui sont très intelligents au Canada et qui sont d’excellents entrepreneurs. Le Canada mène plusieurs activités dans le secteur des entreprises en démarrage technologiques.
Cependant, je veux souligner que la question que vous avez posée est excellente et importante. C’est une question qui me préoccupe et qui préoccupe l’ensemble du ministère des Finances. Nous avons essayé de présenter des solutions dans le budget.
[Traduction]
Le sénateur Quinn : Pourriez-vous clarifier les modalités d’accès à la Prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement dans le contexte des diverses mesures mises en place par le Nouveau-Brunswick? Par exemple, jusqu’au 19 novembre, le Nouveau-Brunswick avait pris des mesures coupe-circuit qui limitaient les déplacements dans certaines régions de la province, et les résidants de ces régions étaient priés — sans y être obligés par la loi — de s’en tenir aux déplacements essentiels seulement. Aux termes du projet de loi, toutes ces régions seraient-elles considérées comme des régions en confinement, et les mesures de santé publique coupe-circuit pourraient-elles être considérées comme des ordres de confinement, de telle sorte que les personnes ayant subi une baisse ou une perte de revenus puissent demander les prestations pour la période du 24 octobre au 19 novembre?
Mme Freeland : Merci infiniment de la question, sénateur.
Comme vous l’avez indiqué, à juste titre, la Prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement est un régime d’assurance offert en cas d’imposition de mesures restrictives par les autorités locales en santé publique. Les critères concernant le confinement sont établis dans le projet de loi. Si on imposait une mesure comme les mesures coupe-circuit que le Nouveau-Brunswick a adoptées plus tôt pendant la pandémie, la fermeture des entreprises non essentielles ou un ordre de confinement, alors cela donnerait certainement droit à la prestation.
En ce qui concerne les mesures de confinement imposées depuis le 24 octobre, advenant l’adoption de ce projet de loi par le Sénat et la mise en place de cette prestation, nous serions ravis de discuter avec les gouvernements du pays qui estiment avoir déjà mis en place des mesures admissibles. Nous serions heureux de nous pencher sur ces détails et sur la façon dont les mesures législatives s’appliqueraient. Cependant, je tiens à dire que nous aimerions obtenir votre appui à l’égard de ce projet de loi, car nous croyons que certains endroits au Canada auront besoin de ces mesures et que, dans certains cas, ces mesures pourraient déjà être admissibles de façon rétroactive à partir du 24 octobre, et nous serions ravis de nous pencher là-dessus après l’adoption du projet de loi.
Le sénateur Quinn : Je vous remercie, madame la ministre. J’ai une autre question connexe. Demain, le 17 décembre, l’Agence de la santé publique du Nouveau-Brunswick demandera aux restaurants et aux centres de divertissements, comme les théâtres, de réduire leur taux d’occupation de 50 % en respectant la distance de deux mètres entre chaque personne. Si nous prenons les exemples du Théâtre Imperial de Saint John ou du Playhouse de Fredericton, le taux d’occupation pourra baisser de 21 % dans certains cas. Cela entraînera une perte de revenus qui pourrait avoir des répercussions sur les salaires des employés, voire sur leur emploi. Les réductions du taux d’occupation pourraient-elles être considérées dans certains cas par le gouvernement fédéral comme une situation de confinement aux termes des dispositions de ce projet de loi?
Mme Freeland : J’aimerais apporter quelques précisions. Tout d’abord, même en l’absence d’une indemnité en cas de confinement, les entreprises du secteur du tourisme et de l’hôtellerie — et les entreprises les plus touchées en général — pourront obtenir du soutien si elles tombent dans la catégorie ciblée, comme dans le cas du tourisme et de l’hôtellerie, et si leur perte de revenus correspond à ce qui est précisé dans la disposition connexe. Voilà pour la première couche de protection.
Pour ce qui est de l’indemnité de confinement, les détails sur l’admissibilité se trouvent dans le projet de loi. La situation évolue très rapidement sur le terrain alors que les provinces et les territoires commencent, comme il se doit si je puis dire, à prendre de nouvelles mesures pour lutter contre la COVID-19 et le variant Omicron.
Sénateur, je voudrais dire, à vous ainsi qu’à tous les dirigeants provinciaux et territoriaux au Canada, qu’une fois que cette loi sera adoptée, je serais très heureuse de parler à tous, d’étudier les mesures mises en place, de m’adresser aux autorités sanitaires et de définir où les travailleurs et les entreprises pourraient être admissibles à l’indemnité de confinement.
Lorsque nous avons élaboré la mise à jour économique et financière, nous avons anticipé ce besoin et nous avons alloué 4,5 milliards de dollars de plus à cette fin uniquement.
Le sénateur Tannas : Je vous remercie de votre présence, madame la ministre. Au sujet de votre dernière réponse au sénateur Quinn, vous avez annoncé les détails de ce projet de loi alors que personne n’avait encore entendu le mot « Omicron ». Êtes-vous convaincue qu’il répond aux situations qui pourraient se présenter? Comme vous le dites, les choses évoluent rapidement. Le projet de loi semble être muet sur certains aspects et semble inclure des mesures beaucoup plus fortes dans d’autres domaines.
Êtes-vous convaincue que le projet de loi est toujours pertinent compte tenu du variant Omicron? J’ai vu qu’il y a un filet de sécurité qui permet au ministre de l’Emploi de désigner toute région pour quelque raison que ce soit. Cette disposition du projet de loi constitue-t-elle une forme de filet de sécurité?
Mme Freeland : Merci beaucoup, sénateur Tannas, de cette importante question. Vous avez tout à fait raison : nous avons annoncé les mesures prévues dans le projet de loi C-2 à la fin d’octobre, avant que l’un d’entre nous n’ait entendu parler du variant Omicron.
Permettez-moi de vous dire ainsi qu’à tous les sénateurs que je suis très certainement heureuse que nous ayons fait preuve de prudence et que, lorsque nous avons décidé de passer du soutien général à des mesures ciblées, nous nous soyons dit : « Vous savez quoi? Il pourrait y avoir une autre vague de COVID. Faisons en sorte que le gouvernement fédéral continue de disposer des outils pour soutenir les gens si cela devait se produire. »
Nous avons donc fait preuve de prudence. J’avais alors expliqué aux fonctionnaires du ministère et au premier ministre que c’était comme souscrire une police d’assurance. Quand nous avons élaboré ces mesures, j’espérais grandement que nous n’aurions jamais besoin d’y avoir recours; nous l’espérions tous, je crois. Vous avez aussi raison de dire qu’à cause du variant Omicron, nous aurons probablement besoin davantage de ces mesures que nous l’espérions et le prévoyions à la fin octobre. Dans ce contexte, j’ai ajouté une provision de 4,5 milliards de dollars au cadre financier dans la mise à jour. Vous avez aussi raison de dire, sénateur, que nous avons inclus dans la mesure législative le pouvoir d’avoir recours à des règlements pour nous adapter à l’évolution de la situation.
(1750)
Le sénateur Tannas : Merci. Mon temps de parole tire à sa fin.
Madame la ministre, vous êtes l’une des ministres les plus importantes du gouvernement, et il semble que le Sénat reçoit deux projets de loi ce soir. La Chambre a déjà ajourné pour le temps des Fêtes, à ma connaissance. Le Sénat a donc peu de marge de manœuvre pour faire le travail qui lui incombe en vertu de la Constitution, c’est le moins qu’on puisse dire.
Pourriez-vous vous engager, d’une certaine manière, à utiliser votre influence auprès de vos collègues pour qu’ils planifient les travaux un peu mieux et que nous ne soyons pas acculés au pied du mur et incapables d’accomplir, pour des projets de loi, le travail que nous avons juré d’accomplir? Nous savons que cela n’est pas facile, mais nous en avons assez de ce genre de situation.
Mme Freeland : Sénateur, permettez-moi de vous dire que je vous comprends. Je prends le commentaire que vous venez de faire très au sérieux. Bien qu’il soit difficile de prendre le pouls d’une salle sur Zoom, je vois beaucoup de vos collègues sénateurs hocher la tête. Je vous promets que je prends ce point très au sérieux. C’est un point raisonnable.
Avec l’arrivée du variant Omicron au Canada, je suis reconnaissante à vous tous d’avoir fait avancer rapidement le projet de loi C-2. Nous en aurons encore plus besoin que nous le pensions et je me réjouis à l’idée de continuer à travailler avec vous. Dans le cadre de mon travail avec le Sénat, j’ai constaté que vous travaillez tous très fort et que vous posez des questions très importantes.
De plus, lorsque nous ne nous trouvons pas dans des situations comme la situation actuelle, beaucoup de gens m’envoient des courriels avec des idées. La sénatrice Bellemare m’envoie parfois ses articles, ce que j’apprécie vraiment. Pour être nommée au Sénat, une personne doit être sérieuse et avoir déjà accompli beaucoup de choses dans sa vie. J’accepte que, en tant que gouvernement, nous devions créer les circonstances grâce auxquelles cette sagesse peut être mise à profit dans les mesures législatives du Canada.
Le sénateur Tannas : Nous verrons à ce que vous respectiez votre promesse.
Merci, madame la ministre.
La sénatrice Marshall : Bienvenue, madame la ministre. Merci d’avoir indiqué les coûts du programme ainsi que les coûts révisés dans vos observations préliminaires. Il arrive qu’on ne réalise pas les coûts associés à ces programmes. Nous allons chercher l’information sur les coûts de ces programmes dans les comptes publics de 2022, mais j’aimerais parler des comptes publics de 2021 parce qu’ils ont tant tardé.
C’est un grave problème pour les parlementaires. La semaine dernière, nous avons dû examiner à la fois le projet de loi C-6 et le Budget supplémentaire des dépenses (B) sans pouvoir bénéficier de ces documents, que nous utilisons bel et bien. Comme nous les lisons vraiment, nous en avons besoin en temps opportun, et le dépôt de cette année a été très tardif. En fait, ces documents n’ont jamais été déposés aussi tard depuis au moins 1994.
Certains parlementaires aimeraient qu’on modifie la Loi sur la gestion des finances publiques parce que la date limite pour le dépôt des comptes publics est le 31 décembre. Le 31 octobre semble être une date plus raisonnable et permettrait qu’on dispose de l’information pertinente en temps opportun.
Seriez-vous en faveur de modifier la Loi sur la gestion des finances publiques afin d’avancer la date limite du 31 décembre à la fin d’octobre?
Mme Freeland : Sénatrice, j’aimerais d’abord vous dire que je suis consciente que les sénateurs consultent attentivement les comptes publics et les documents financiers. Au fil de mes présences devant le Sénat, j’ai constaté que vous possédez une expertise pointue dans le domaine des finances. Je sais que vous lisez judicieusement tous les documents publiés par le gouvernement. Je reconnais la valeur de votre travail et l’importance de votre rôle.
Toutefois, j’ai la responsabilité de gérer les finances d’un pays en cette période très difficile où règne une grande incertitude — l’incertitude de la COVID-19, comme l’a si bien dit le sénateur Tannas. Au mois d’octobre, quand nous avons présenté les principales mesures du projet de loi C-2, personne n’aurait pu prédire l’émergence du variant Omicron. Par contre, au moment de préparer ce projet de loi, je crois que nous avons fait du très bon travail pour essayer de prévoir ce qui risquerait de nous pendre au bout du nez. Il ne faut pas oublier que c’est la première fois dans l’histoire de l’humanité que nous vivons l’incertitude de rouvrir l’économie mondiale après un confinement lié à une pandémie. Tout ce processus est à la merci d’un grand nombre d’éléments difficiles à prévoir. J’en arrive maintenant aux comptes publics : dans le contexte des décisions judiciaires relatives aux obligations du gouvernement du Canada, ce dernier fait face à de l’incertitude, à l’instar de tous les gouvernements.
En raison de toute l’incertitude qui plane, tous les gouvernements doivent pouvoir bénéficier d’une certaine souplesse pour remplir leurs obligations. Nous prenons très au sérieux notre responsabilité de présenter des mesures législatives et des comptes publics. Le gouvernement du Canada a rempli ses obligations et il va continuer de le faire.
La sénatrice Marshall : Je suis consciente que nous sommes en pleine pandémie. Au cours des sept dernières années, les comptes publics ont été déposés trois fois en décembre, ce qui est très tard. Or, ce ne sont pas juste les comptes publics qui ont été déposés tardivement, mais aussi d’autres documents comme les rapports sur les résultats ministériels. L’année dernière, nous les avons reçus le 7 décembre. Cette année, nous ne les recevrons pas — du moins, c’est ce qu’on nous a dit — avant le 31 janvier. Pendant que vous énumériez certaines des dépenses liées à la COVID — je vous l’ai déjà mentionné —, vous vous êtes interrompue. Vous avez recommencé, uniquement pour vous interrompre à nouveau.
J’ai l’impression — et j’espère que vous me direz que j’ai tort — que le gouvernement publie sensiblement moins de documents de reddition de comptes. Nous attendons souvent ces documents, et nous ne parvenons pas à les obtenir, ou vous arrêtez de les produire. Cela donne l’impression que le gouvernement tente délibérément de ne pas fournir les documents de reddition de comptes ou de les fournir à une date si tardive que cela nous empêche de les utiliser dans nos examens. Pourriez-vous dissiper mes inquiétudes à cet égard?
Mme Freeland : Je ne dispose que de 30 secondes. Je vous dirai donc ceci, madame la sénatrice : je peux certainement dissiper vos préoccupations. Nous n’essayons absolument pas d’éviter la transparence. J’ai déjà été journaliste. Je crois donc que la transparence est cruciale, et nous continuerons à agir de manière transparente.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Madame la ministre, bienvenue au Sénat.
Le projet de loi C-2 ajoutera des milliards de dollars au déficit du pays. Or, on sait que les Canadiens ont critiqué la façon dont le gouvernement a dépensé ces fonds et, surtout, son manque de rigueur. On a lu dans La Presse récemment qu’un groupe criminalisé de Montréal s’est servi de la PCU pour se procurer des armes à feu illégales. On a également appris dans le même article que des gens qui étaient incarcérés avaient reçu la PCU. Nous savons aussi qu’il y a eu très peu de contrôle à l’intérieur des pénitenciers pour empêcher ces gens de recevoir la PCU. Vous aviez promis que les criminels ne recevraient pas la PCU, et qu’elle serait destinée aux honnêtes citoyens.
Pendant que le premier ministre Trudeau avoue qu’il est presque impossible d’établir des critères permettant de gérer adéquatement et de façon rigoureuse tous ces milliards et que les criminels en profitent illégalement, on assiste dans les Maritimes à un affrontement entre le ministère du Revenu et les pêcheurs qui avaient rempli les formulaires de demande de façon tout à fait honnête. Par contre, aujourd’hui, on leur demande de rembourser des millions de dollars, alors qu’aucune action n’est prise par votre gouvernement quant aux groupes criminalisés.
(1800)
Avez-vous une idée du nombre de groupes criminalisés qui seront surveillés ou poursuivis pour fraude fiscale par l’Agence du revenu? Est-ce que l’Agence du revenu se montrera aussi tolérante envers les pêcheurs de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick qu’envers les criminels?
Finalement, mes collègues de la Chambre des communes ont demandé la tenue d’une enquête publique sur la gestion des fonds de la PCU en ce qui concerne la malversation. Est-ce que votre gouvernement s’engage à mettre sur pied cette enquête publique?
Mme Freeland : Merci de votre question, sénateur. Je veux commencer en disant que je suis convaincue, et je pense que tous les sénateurs seront d’accord avec moi, que la grande majorité des Canadiens et Canadiennes sont honnêtes, que la grande majorité des travailleurs et des entreprises qui ont été touchés par la COVID et qui ont reçu l’appui du gouvernement sont des gens honnêtes qui en ont eu vraiment besoin.
Le sénateur Boisvenu : Madame la ministre, ma question n’est pas là. Je suis convaincu que les Canadiens sont très honnêtes.
Mme Freeland : Vous m’avez posé trois questions. Voulez-vous que j’y réponde?
Le sénateur Boisvenu : Ne prenez pas cinq minutes pour m’expliquer des choses que je ne vous ai pas demandées.
Mme Freeland : Il est important pour moi, sénateur, de souligner devant les Canadiens que je crois en leur honnêteté. De plus, je veux souligner que l’intégrité de notre système est importante pour notre gouvernement. Je comprends très bien que les sommes que nous dépensons proviennent des Canadiens et qu’on doit s’assurer que les dépenses sont justes et que l’argent est bien distribué aux gens qui y ont droit.
Je suis convaincue que l’Agence du revenu contrôle toutes ces dépenses. C’était une crise, c’était un moment d’urgence, sénateur. On a promis de contrôler les dépenses, on a pris des mesures d’intégrité et on continuera à les appliquer.
Cependant, je ne suis pas d’accord avec vous lorsque vous dites qu’on tolère les criminels. Ce n’est pas vrai, sénateur. Notre gouvernement n’a pas de tolérance à l’égard des criminels, mais nous avons compris que, pendant les moments les plus difficiles de la crise, il est important que le gouvernement soit là, et le gouvernement est là.
Le sénateur Boisvenu : Alors, pourquoi M. Trudeau a-t-il dit aux étudiants qui avaient reçu la PCU de façon non conforme, lorsque ceux-ci se sont exprimés publiquement, qu’aucun étudiant n’aurait à rembourser ces montants, alors que vous obligez les honnêtes pêcheurs de la Nouvelle-Écosse, qui ont fait face à de la bureaucratie, à rembourser ces montants? Ils travaillent fort pour nourrir les Canadiens. Alors, pourquoi y a-t-il deux poids, deux mesures?
La présidente : Sénateur Boisvenu, votre temps de parole est écoulé.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Madame la ministre, merci de vous joindre à nous. Comme vous l’avez déjà souligné aujourd’hui, à l’instar des mesures d’aide précédentes, la Prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement proposée dans le projet de loi C-2 s’adresse uniquement aux personnes qui, précédemment, avaient un emploi rémunéré. En outre, le gouvernement a annoncé des paiements ponctuels pour les aînés à faible revenu qui, parce qu’ils se sont prévalus de la Prestation canadienne d’urgence, voient maintenant leurs versements de Supplément de revenu garanti réduits ou entièrement annulés. Les effets de cette récupération sont amplifiés par le fait que ces personnes ont réclamé de bonne foi l’aide offerte pendant la pandémie pour ensuite apprendre qu’elles n’y étaient pas admissibles et qu’elles doivent maintenant rembourser cet argent en dépit du fait qu’elles ont perdu leurs autres formes de soutien. La prestation pour les travailleurs en cas de confinement causera probablement le même problème. Le gouvernement promet-il d’éliminer et de rembourser entièrement la récupération des prestations du Supplément de revenu garanti et des autres formes de soutien essentiel telles que l’Allocation canadienne pour enfants, que cette récupération soit liée au fait d’avoir touché la Prestation canadienne d’urgence ou tout autre programme d’aide pendant la pandémie? De plus, libérera-t-il les personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté de l’obligation de rembourser les prestations touchées étant donné que ce remboursement risque fort de compromettre leur sécurité alimentaire et leur capacité de payer leur logement?
Mme Freeland : D’accord. Eh bien, merci beaucoup de vos questions, sénatrice Pate, et merci d’attirer constamment notre attention sur les personnes les plus vulnérables. Je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire qu’il y a des personnes qui avaient déjà des difficultés avant la pandémie, et beaucoup d’entre elles ont été particulièrement touchées par la crise, surtout les personnes âgées.
C’est pour cette raison que j’étais heureuse de m’engager, lorsque j’ai annoncé la mise à jour économique de l’automne, à indemniser les personnes âgées qui étaient admissibles à la PCU et qui l’ont reçue, mais qui ont ensuite perdu le Supplément de revenu garanti ou en reçoivent moins qu’avant parce que les prestations de la PCU étaient considérées comme un revenu. Des habitants de ma propre région m’ont dit qu’ils étaient touchés par cette situation. Je vous vois hocher la tête, madame la sénatrice, donc je pense que certaines personnes de votre région sont dans le même bateau.
Je peux dire en toute honnêteté que les histoires que j’ai entendues m’ont beaucoup émue. On a fait valoir que le calcul en question était fait selon les règles, et que le gouvernement avait été transparent lorsqu’il a dit que la PCU, comme tout autre revenu, comptait dans le calcul des prestations du Supplément de revenu garanti. Vous connaissez tous les arguments, madame la sénatrice.
Ces arguments ne sont pas sans fondement, mais, à mon avis, et de l’avis du gouvernement, ce qui comptait le plus était la situation vécue par les gens, par les plus vulnérables d’entre nous, les aînés — une personne âgée qui est admissible au Supplément de revenu garanti est une personne très pauvre que nous devrions tous avoir le sentiment de devoir aider, je crois.
Ainsi, les aînés les plus vulnérables ont pu recevoir la Prestation canadienne d’urgence, ce qui est une bonne chose. Cela les a aidés à traverser le pire de la pandémie. Peut-être que ces personnes n’avaient pas lu tous les détails et qu’ils ont eu la surprise de voir leur Supplément de revenu garanti être réduit.
C’est pour cette raison que nous avons annoncé mardi avoir réservé une somme de 750 millions de dollars pour corriger la situation, et c’est un engagement que je suis heureuse d’avoir pris. En matière d’aide aux Canadiens les plus vulnérables, je peux dire que le bilan du gouvernement est remarquable avec l’Allocation canadienne pour enfants, les paiements supplémentaires versés aux personnes qui ont des enfants pendant la COVID et l’augmentation du Supplément de revenu garanti.
Sénatrice, vous êtes une experte des personnes vulnérables et de la pauvreté au Canada et vous savez que, depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement a fait passer le nombre de personnes qui vivent dans la pauvreté d’environ 5,2 millions à quelque 3,78 ou 3,79 millions. Ce sont 3,79 millions de personnes de trop, mais c’est un progrès, qui a été obtenu grâce aux investissements du gouvernement. Personnellement, je peux vous dire que j’ai hâte de continuer de travailler avec vous pour trouver des façons de réaliser encore plus de progrès.
Vous avez parlé des enfants, et je voudrais simplement dire qu’un programme universel d’apprentissage et de garde des jeunes enfants à 10 $ par jour aidera grandement les enfants partout au pays, en particulier ceux qui vivent dans la pauvreté, et j’espère que tous les sénateurs m’aideront à convaincre les gouvernements de l’Ontario et du Nunavut de conclure une entente; ce sont les deux seuls qui ne l’ont pas encore fait.
La sénatrice Pate : Je pense que vous reconnaissez que nous...
La présidente : Sénatrice Pate, votre temps est écoulé.
[Français]
Le sénateur Loffreda : Merci, madame la ministre Freeland, d’être parmi nous. Je sais que vous avez connu une semaine très chargée, et votre présence ici ce soir est très appréciée.
[Traduction]
Madame la ministre, je suis un optimiste, alors j’ai bien apprécié certaines bonnes nouvelles que vous avec partagées dans la Mise à jour économique et budgétaire de 2021. Comme vous l’avez dit, la création d’emplois a pris une bonne longueur d’avance sur les prévisions, puisque nous avons récupéré 106 % des emplois perdus au plus fort de la pandémie. Une autre bonne nouvelle économique est que le ratio de la dette par rapport au PIB est maintenant de 48 %, ce qui est un sommet pendant l’exercice en cours. Ainsi, je vous félicite; bravo.
(1810)
Je suis préoccupé par les taux d’intérêt et l’inflation et je m’interroge à leur sujet. Sur combien de programmes comme ceux proposés dans le projet de loi C-2 l’inflation a-t-elle une incidence? Craignez-vous que nous risquions de dépenser beaucoup plus que prévu en raison de l’inflation et de la hausse des taux d’intérêt? Il s’agit d’une préoccupation majeure pour les Canadiens et j’aimerais entendre vos observations sur le sujet. Des spécialistes de l’économie prédisent trois hausses d’intérêt majeures en 2022.
Mme Freeland : Merci beaucoup, sénateur. Merci de commencer votre intervention en soulignant des points positifs. Je comprends que tout le monde ici a pour tâche de poser des questions difficiles, mais je pense qu’au bout du compte, nous faisons tous partie d’Équipe Canada et que la confiance est importante dans une économie. Il nous incombe à tous de rassurer les Canadiens à propos du fait que la reprise économique du Canada est forte et robuste, et que notre situation financière nous permet de continuer à lutter contre la pandémie.
Vous avez posé une question importante. J’aimerais vous renvoyer aux pages 68 à 71 de la version française de la Mise à jour économique et budgétaire. Vous y trouverez l’analyse des scénarios de relance plus lente et plus rapide, ainsi que l’incidence qu’ils auraient sur la situation financière du Canada. Il y aurait une incidence, mais, même dans le cas du scénario de relance lente, nous serions dans une situation raisonnable.
Ensuite, si vous prenez les pages 72 à 74, vous trouverez un test de résistance, que le ministère des Finances effectue depuis quelques années. Cet exercice teste toutes nos hypothèses avec une augmentation du taux d’intérêt de 100 points de base. Cela s’ajoute aux hypothèses sur la croissance, les taux d’intérêt et l’inflation, qui sont actuellement incorporées aux prévisions financières. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, les hypothèses de base entourant la conjoncture économique que nous utilisons pour élaborer le cadre financier — pour nous assurer que nous ne croyons pas aveuglément dans nos idées — se fondent sur un sondage mené auprès d’un groupe d’économistes, et la liste contenant leurs noms se trouve dans la mise à jour économique.
Je suis convaincue que les chiffres que j’ai présentés aux Canadiens et aux sénateurs mardi dernier montrent déjà de façon fort raisonnable ce que les économistes de Bay Street pensent en général de la direction que prendra l’économie, y compris les taux d’intérêt et l’inflation. Je sais aussi que nous avons présenté des scénarios de relance plus rapide et plus lente, et que nous avons montré à quoi ressemblerait un test de résistance à une augmentation des taux d’intérêt plus élevée que prévue.
Je vais m’arrêter ici. J’ai une autre chose à dire au sujet de l’inflation, mais je vais vous laisser poursuivre.
Le sénateur Loffreda : Merci. J’en ai pris connaissance. Je pense simplement à la stratégie dans sa globalité. Nous constatons que le variant Omicron peut être endémique. Vous discutez sans doute de stratégies avec l’équipe et j’aimerais vous entendre parler des stratégies que vous envisagez et élaborez. En cas d’endémie, avec de plus en plus de variants, dans quelle mesure ce que vous proposez est-il viable?
La présidente : Merci, sénateur Loffreda. Votre temps de parole est écoulé.
Le sénateur Smith : Merci, madame la ministre, et bienvenue. Tout d’abord, je crois que tous les Canadiens applaudissent ce qui a été fait pour nous faire passer au travers de la première vague de COVID. J’aimerais m’attarder là-dessus un instant.
Au début de la pandémie de COVID-19, on s’attendait à ce que les gouvernements imposent des restrictions pour un certain temps, jusqu’à ce que nous soyons en mesure de contrer la propagation. À l’heure actuelle, les attentes sont très différentes et — pour revenir aux propos du sénateur Loffreda — on qualifie de plus en plus la maladie d’endémique. L’idée est que la COVID-19 n’est plus une menace ponctuelle envers la société, mais une chose avec laquelle il faudra vivre et qu’il faudra gérer pendant encore des années.
Je dis cela parce que le gouvernement peut sembler pris, d’une certaine façon, dans un cycle de réaction. Lorsqu’il y a une action, il doit y avoir une réaction. Par exemple, la Mise à jour économique et financière de cette semaine a pour thème central le variant Omicron et reporte à l’an prochain des éléments majeurs comme les dépenses de logement et les transferts au titre de la santé.
Madame la ministre, pourriez-vous nous donner une idée de ce que le gouvernement compte faire, à long terme, pour s’éloigner de cette approche stratégique réactionnaire — pas au sens péjoratif, mais dans la mesure où on réagit aux problèmes — et de ces dépenses déficitaires pour adopter des mesures plus proactives afin de sortir non seulement les Canadiens, mais aussi toute l’économie, de ce cycle de restrictions et de mesures de confinement? Je vous saurais gré d’en dire davantage sur les mesures que vous comptez prendre, outre celles qui visent à combattre les principaux problèmes, soit la COVID no 1, la COVID no 2, la COVID no 3, et maintenant, le nouveau variant.
Mme Freeland : Je vous remercie de la question, sénateur. En fait, je crois que c’est une question fort complexe. Je vais tenter d’y répondre ainsi.
Premièrement, en ce qui concerne la mise à jour économique de l’automne, notre intention depuis le début n’était pas de proposer un mini-budget. Nous avons présenté un budget considérable en avril, et nous étions d’avis que la bonne chose à faire à ce moment-là était de faire ce que dit le titre, c’est-à-dire fournir aux législateurs et aux Canadiens une mise à jour sur l’état des finances du pays. Voilà quelle était notre intention. Comme vous l’avez indiqué, à juste titre, nous avons aussi inclus des mesures pour terminer le combat contre la COVID-19, et des mesures considérables pour acheter des vaccins, des tests de dépistage rapide et des produits thérapeutiques. Deuxièmement, nous avons inclus les mesures dont nous discutons ce soir, soit les mesures d’aide économique pour la dernière étape du combat.
Je ne vais pas m’excuser — et je ne crois pas que vous me le demandiez — d’avoir inclus et mis en place ces mesures. Bien au contraire, lorsque la vague du variant Omicron est arrivée, j’étais bien contente que nous soyons en train d’acheter des produits thérapeutiques, des tests de dépistage rapide et des doses de rappel. N’est-il pas formidable que nous ayons suffisamment de doses de rappel pour tout le monde au Canada? Je suis certainement de cet avis. Je suis heureuse que nous ayons mis en place ces mesures d’aide aux entreprises et d’aide en cas de confinement. Le gouvernement doit se montrer prévoyant. C’est ce que nous avons voulu faire. Voilà pour le premier volet de ma réponse.
Le second volet de ma réponse, monsieur le sénateur, c’est qu’à mon avis, les données montrent que les Canadiens sont résilients et que, bien qu’aucun d’entre nous ne veuille de cette nouvelle vague du variant Omicron, nous sommes un des pays les mieux placés dans le monde pour y faire face. Notre taux de vaccination est très élevé, à l’instar de la volonté d’obtenir les doses de rappel. Nous disposons des outils de santé qu’il nous faut pour lutter contre ce variant. Notre économie a largement récupéré les pertes que la COVID nous a infligées en mars et, par-dessus tout, nous avons constaté au cours des 21 derniers mois que notre économie se montre de plus en plus résiliente et qu’elle est capable de s’adapter aux mesures de restriction nécessaires pour protéger notre santé. Je crois que nous l’avons tous constaté dans notre vie personnelle. On le constate aussi par le fait que nous travaillons au Sénat aujourd’hui à distance plutôt qu’en personne.
Les Canadiens s’adaptent bien à l’évolution de la situation. Je crois que c’est ce que nous avons fait auparavant et aussi ce que nous ferons...
La présidente : Je vous remercie, madame la ministre. Nous passons à la prochaine période de cinq minutes. La sénatrice Martin a la parole.
(1820)
La sénatrice Martin : Madame la ministre, je vous remercie d’être ici aujourd’hui.
Ma première question porte sur ce qu’a dit le sénateur Boehm et sur ce que vous lui avez répondu à propos des agents de voyage indépendants. Vous avez dit que vous délaissiez les programmes généraux au profit des programmes ciblés, mais j’aimerais simplement vous rappeler que les agents de voyage indépendants étaient exclus des programmes généraux et qu’ils n’étaient donc admissibles à aucune aide. De toute évidence, ils en souffrent.
Accepteriez-vous d’examiner attentivement la situation pour essayer de trouver une mesure que vous n’auriez pas déjà prise afin d’aider des groupes de Canadiens comme les agents de voyage indépendants? Je crois vraiment qu’ils méritent notre aide.
Mme Freeland : Merci beaucoup pour cette défense bien sentie.
Mon collègue Randy Boissonnault, le ministre du Tourisme et ministre associé des Finances, travaille en étroite collaboration avec ces entrepreneurs. Le sénateur Boehm a souligné que ce sont surtout des femmes. Il évalue si nous pouvons faire quelque chose pour les aider.
La sénatrice Martin : Merci, madame la ministre.
Grâce au projet de loi C-2, les entreprises seront admissibles au Programme de relance pour les entreprises les plus durement touchées à la condition qu’elles satisfassent à deux critères. Premièrement, elles devront avoir connu une baisse mensuelle moyenne de revenus d’au moins 50 % au cours des 13 premières périodes d’admissibilité à la Subvention salariale d’urgence du Canada. Deuxièmement, elles devront avoir subi une baisse de revenus d’au moins 50 % pendant le mois en cours. Quant au Programme de relance pour le tourisme et l’accueil, il faudra une perte de revenus d’au moins 40 %.
Ce sont là d’importantes pertes de revenus à soutenir pour n’importe quelle entreprise sur une période de 12 mois. La situation actuelle nous préoccupe. Je ne sais même pas combien d’entreprises seront encore en activité pour bénéficier de cette aide, car il s’agit de pertes vraiment importantes sur une année.
Ajoutons à cela le fait qu’après une chute de 50 % des revenus, le secteur le plus durement touché n’a droit qu’à une subvention de 10 %, ce qui porte à croire qu’il ne constitue pas du tout une priorité pour le gouvernement.
Madame la ministre, pourquoi avez-vous choisi des pertes de 50 % et de 40 %, et pouvez-vous expliquer cette insultante subvention de 10 % pour le secteur le plus durement touché?
Mme Freeland : Madame la sénatrice, j’aimerais simplement dire que je ne considère pas que l’aide offerte par le gouvernement du Canada aux entreprises depuis le début de la pandémie est insultante. Je ne crois certes pas que les entreprises croient que l’aide gouvernementale qu’elles reçoivent est insultante.
Quant aux niveaux de soutien offerts dans le cadre du Programme de relance pour le tourisme et l’accueil et du Programme de relance pour les entreprises les plus durement touchées, nous avons tenu compte de deux facteurs. Premièrement, nous avons déterminé que certaines entreprises continuaient d’avoir besoin de soutien. Même avant l’arrivée du variant Omicron, nous avions constaté que certaines entreprises, particulièrement dans les secteurs du tourisme et de l’hôtellerie, n’étaient tout simplement pas en mesure de rouvrir complètement, et nous estimions que ces entreprises avaient besoin d’un soutien continu. C’est pourquoi nous vous avons renvoyé ce projet de loi.
La sénatrice Martin : Juste avant...
Mme Freeland : Attendez! Laissez-moi terminer ma réponse, sénatrice.
En même temps, nous devions établir un juste équilibre entre ce besoin de soutien continu et le fait qu’il fallait passer de programmes généraux très coûteux à des programmes plus ciblés et moins coûteux.
La sénatrice Martin : Oui.
Mme Freeland : Le projet de loi C-2 vise à trouver un équilibre entre la nécessité de fournir de l’aide et la nécessité d’adopter une approche financière équilibrée et prudente.
La sénatrice Martin : Je vous ai entendue donner cette réponse à plusieurs reprises. Savez-vous combien d’entreprises ont dû fermer leurs portes au cours des 12 derniers mois parce qu’elles avaient subi de telles pertes de revenus, et avez-vous une idée du nombre d’entreprises au Canada qui seront admissibles à ces programmes de soutien durant la période où ils seront offerts? Combien d’entreprises ont complètement fermé leurs portes? Avez-vous des données à ce sujet?
Mme Freeland : Oui, j’ai des chiffres. En fait, il y a eu moins de faillites dans les 12 derniers mois que dans une période similaire d’avant la pandémie, et il y a 6 000 entreprises actives de plus qu’en 2019. On peut donc dire que les entreprises s’en sont bien sorties, grâce à leur résilience et grâce au soutien du gouvernement.
La sénatrice Coyle : Ministre Freeland, je viens de Nouvelle-Écosse, une province qui dépend énormément du tourisme estival. Le projet de loi C-2 met en œuvre des mesures d’aide pour le secteur du tourisme et de l’hôtellerie. Il est prévu que ces mesures se terminent le 7 mai, avec une possible prolongation jusqu’à début juillet. En Nouvelle-Écosse, la saison estivale est très brève et ne commence véritablement qu’à partir du début du mois de juillet.
Pourquoi avoir choisi cette première date — qui est un peu tôt dans l’année — pour mettre fin à ces prestations? Que fera le gouvernement pour aider le secteur du tourisme à traverser l’été si le nouveau variant Omicron continue d’être préoccupant ou si un nouveau variant arrive? Merci.
Mme Freeland : Je vous remercie de votre question, sénatrice.
Dans la lutte contre la COVID-19, je pense que nous avons tous compris qu’il faut être souple et savoir s’adapter, et qu’il nous faut rester humblement réalistes face à ce contexte de pandémie mondiale et d’interventions économiques à l’échelle planétaire que nous n’avons jamais expérimenté auparavant.
Tout en gardant cela à l’esprit, il nous semble important que nos interventions restent souples. Nous avons prolongé ces programmes jusqu’à une date qui nous semble aujourd’hui appropriée; mais comme vous l’avez vous-même remarqué, nous nous sommes laissé un peu de marge de manœuvre pour pouvoir nous adapter si la situation venait à évoluer.
La sénatrice Omidvar : Merci, madame la ministre, d’être parmi nous aujourd’hui. Je veux attirer votre attention sur les répercussions que le projet de loi C-2 aura sur le secteur des organismes de bienfaisance et des organismes à but non lucratif. Comme nous le savons tous, ce secteur ne se limite pas à faire le bien : il représente près de 8,3 % du PIB canadien et emploie près de 2,4 millions de personnes à l’échelle du pays.
Madame la ministre, ma question porte sur la structure du Programme de relance pour les entreprises les plus durement touchées et du Programme de relance pour le tourisme et l’accueil prévus dans le projet de loi C-2, qui ne semble pas tenir compte du modèle d’affaires du secteur des organismes de bienfaisance et des organismes à but non lucratif. Le problème est le suivant : ces deux types d’organismes n’enregistrent pas toujours des revenus à la même période de l’année. Les comparaisons d’une année à l’autre pour un mois donné sont donc difficiles. Par exemple, les camps d’été peuvent fonctionner 12 mois par année, mais ils ne sont admissibles à une aide que durant les mois où ils administrent le camp. De façon semblable, de nombreux organismes génèrent des revenus pour l’année au moyen de campagnes de financement saisonnières.
Le gouvernement en a-t-il tenu compte lors de la rédaction du projet de loi C-2? Est-il disposé à offrir une plus grande marge de manœuvre en ce qui concerne la prévision de la baisse des revenus et à permettre aux demandeurs d’établir une baisse moyenne des revenus sur 12 mois au lieu de devoir le faire sur une base mensuelle?
Mme Freeland : Sénatrice Omidvar, je vous remercie de votre travail acharné. Je suis toujours très heureuse d’entendre ce que vous avez à dire. J’apprécie l’attention que vous apportez au secteur caritatif.
Je suis entièrement d’accord avec vous que ce secteur a connu des défis particuliers depuis le début de la pandémie. De plus, les efforts déployés par les nombreux organismes du secteur caritatif sont essentiels en ces temps difficiles.
Je suis bien au fait des circonstances que vous avez mentionnées. Je pourrais aussi parler des circonstances similaires dans d’autres secteurs de notre économie, par exemple, les secteurs saisonniers, dont a parlé la sénatrice Coyle.
Quand nous avons conçu ces deux programmes, nous nous sommes d’abord penchés sur celui à l’intention des secteurs du tourisme et de l’hôtellerie. Nous nous sommes demandé alors quelles étaient les entreprises qui ne peuvent pas reprendre leur plein régime à l’heure actuelle. Voilà ce que nous avons accompli au mois d’octobre. Ensuite, nous avons créé un filet de sécurité additionnel pour les entreprises les plus durement touchées, parce que nous nous sommes dit que certaines organisations — dont le secteur caritatif — ne s’inscrivent dans aucun programme ciblé déjà en place. C’est pourquoi nous avons créé un niveau de soutien additionnel. Cependant, comme ce niveau est conçu pour équilibrer les mesures d’aide en vigueur, il est normal que les sommes soient un peu moins généreuses.
Voilà la seconde partie de ma réponse. Tous ces efforts avaient pour but de fournir un soutien sur mesure à des secteurs précis qui vivent des expériences précises, ce que nous avons essayé de faire. Il fallait trouver un équilibre entre deux défis : le simple défi technique de cibler et de fournir des solutions adaptées à chaque entreprise dans un pays incroyablement diversifié, et le défi fiscal, que je prends au sérieux. Nous avons abordé cette question en tenant compte de la nécessité de passer de programmes très généraux, qui couvraient tout le monde de manière très généreuse, à une approche plus ciblée. Une approche plus ciblée ne sera forcément pas parfaite pour toutes les circonstances, et je l’accepte.
(1830)
La sénatrice Omidvar : Merci, madame la ministre.
[Français]
Le sénateur Cormier : Bonsoir, madame la ministre. Comme vous le savez, le secteur des arts et de la culture a été frappé de plein fouet par la pandémie et de nombreux travailleurs culturels ont quitté ce secteur, alors que d’autres sont en grande difficulté et le seront pendant plusieurs années encore.
Le projet de loi C-2, que nous étudions aujourd’hui, ne prévoit pas de soutien financier équivalent à la PCRE pour les travailleurs autonomes, notamment ceux qui travaillent dans le domaine de la culture. Votre récente mise à jour économique pourrait être la solution, alors que vous avez accordé des fonds de 60 millions de dollars en 2022-2023 pour établir le nouveau Fonds pour la résilience des travailleurs du secteur des spectacles sur scène du Canada. Or, de nombreux artistes et travailleurs culturels ne semblent pas être directement visés par ce fonds d’aide ponctuel, notamment ceux des secteurs des arts visuels, des arts littéraires et de l’audiovisuel.
Dans ce contexte, madame la ministre, comment et quand votre gouvernement entend-il venir en aide aux travailleurs culturels qui ne sont pas visés par le Fonds pour la résilience des travailleurs du secteur des spectacles sur scène du Canada, et pourquoi n’avez-vous tout simplement pas reconduit la PCRE dans le projet de loi C-2?
Mme Freeland : Merci de cette question très importante.
Premièrement, j’aimerais mentionner que je suis d’accord avec vous, monsieur le sénateur, pour dire que le secteur culturel est particulièrement touché par les restrictions liées à la COVID-19. J’aimerais mentionner également que j’apprécie le rôle particulier joué par le secteur culturel et les travailleurs de ce secteur. Il est important pour tous les Canadiens d’avoir des gens qui enrichissent la culture canadienne. C’est particulièrement important pour le Québec, et je suis reconnaissante de tout cela.
Deuxièmement, beaucoup d’entreprises du secteur culturel recevront du soutien grâce aux mesures annoncées dans le projet de loi C-2. C’est donc une bonne nouvelle pour ce secteur.
Troisièmement, notre gouvernement est d’avis qu’il est nécessaire d’avoir des appuis directs, non seulement pour les entreprises qui sont touchées par le projet de loi C-2, mais également pour les travailleurs autonomes du secteur culturel. Comme vous venez de le mentionner, c’est ce que nous avons annoncé dans la mise à jour économique de mardi dernier, et un montant de 60 millions de dollars a été prévu à cette fin. Nous avons essayé de cibler les travailleurs qui sont particulièrement touchés parce qu’ils ne peuvent tout simplement pas travailler en raison des restrictions sanitaires.
Je pense que vous avez terminé en me demandant pourquoi le gouvernement n’a tout simplement pas continué à verser la PCU. La réponse est que cette mesure coûte très cher. La PCU, en général, n’était plus nécessaire pour l’économie canadienne. Nos résultats économiques sont très forts, particulièrement en ce qui concerne le niveau des emplois au Canada.
Le sénateur Cormier : Je parlais plutôt de la PCRE, madame la ministre. Merci.
[Traduction]
La sénatrice Bovey : Bienvenue, madame la ministre. Vous ne trouverez pas étonnant que ma question poursuive dans la même voie que celle du sénateur Cormier, même si je ne l’avais pas prévu ainsi.
Premièrement, je tiens à dire que le secteur des arts et les artistes de toutes les disciplines sont reconnaissants au gouvernement du soutien qu’il leur a fourni depuis presque deux ans. Ils lui en sont très reconnaissants, car les artistes et les organisations du secteur des arts ont été durement touchés par la pandémie.
Madame la ministre, je sais que vous êtes consciente de toute l’importance que revêtent les arts et la culture pour l’industrie touristique. En effet, sans les galeries, les musées et les théâtres, pour ne nommer que ceux-là, le tourisme artistique n’aurait pas la vigueur qu’on lui connaît. Nous avons donc besoin d’organisations artistiques solides et d’artistes en santé, pour qu’ils puissent travailler dans le secteur des arts et avoir un effet positif sur le tourisme.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus? Pourriez-vous parler de l’éventail des mesures de soutien que ce projet de loi mettra à la disposition de l’ensemble du secteur artistique et culturel, un secteur qui est l’âme même de notre nation?
Mme Freeland : Merci beaucoup pour cette question, sénatrice Bovey.
Comme je l’ai dit au sénateur Cormier, je suis profondément convaincue, comme vous, que les arts et la culture sont un moteur économique important au Canada. Comme vous l’avez souligné, ils jouent un rôle important dans l’industrie du tourisme. Ils sont aussi importants parce que c’est par l’art et la culture que nous racontons les histoires qui expriment notre identité. Je suis certaine que, même si ceux qui participent à la conversation de ce soir ont des points de vue divergents sur une multitude de sujets, nous sommes tous de fiers Canadiens et nous avons tous besoin de raconter nos histoires.
Êtes-vous une sénatrice du Manitoba, madame la sénatrice?
La sénatrice Bovey : Oui.
Mme Freeland : J’espère que, comme moi, vous être très fière du Royal Winnipeg Ballet. J’ai eu une excellente conversation par vidéoconférence avec des gens du Royal Winnipeg Ballet pendant la pandémie et les danseurs ont raconté à quel point il est difficile de demeurer en forme pendant la pandémie et de répéter, pour ainsi dire, dans leur cuisine. Ce qu’ils ont fait est très impressionnant. D’importantes organisations qui sont l’âme du Canada, telles que le Royal Winnipeg Ballet, ont reçu un soutien essentiel du gouvernement tout au long de la pandémie, jusqu’à la fin octobre, grâce à nos très généreux programmes à grande échelle. Je suis heureuse que ces mesures aient été là pour les soutenir.
Des gens tels que ces merveilleux danseurs ont reçu une aide directe et m’ont dit à quel point cela a été important pour eux.
Dans ce projet de loi, nous offrons deux formes de soutien. L’une s’adresse directement aux organismes, et ceux qui ne peuvent pas reprendre entièrement leurs activités devraient être admissibles au niveau de soutien maximal, ce dont je me réjouis. C’est pour cela que nous avons créé ce programme. Puis, comme j’en ai discuté avec le sénateur Cormier, nous mettons en place un programme d’aide ciblé pour l’industrie du spectacle sur scène qui s’adresse non seulement aux organismes, mais également aux travailleurs. Nous reconnaissons que ce secteur d’activité est particulièrement spécialisé et que ces personnes ont des compétences très particulières. Nous voulons qu’elles puissent continuer d’exploiter leur talent pour nous faire bénéficier de leurs créations culturelles. Voilà pourquoi nous créons ces programmes qui, je le crois, aideront notre secteur culturel à traverser la pandémie.
(1840)
Pour terminer sur une note positive, une chose qui m’a beaucoup marquée, c’est la créativité dont font preuve les travailleurs des arts et de la culture, notamment le Royal Winnipeg Ballet, qui ont créé du contenu pour les nouveaux médias et qui ont trouvé des moyens de raconter notre histoire pendant la COVID. Nous devons les appuyer dans leurs efforts et devenir de fervents amateurs de culture canadienne, même si nous y accédons par voie numérique.
La sénatrice Bovey : Et ils disent à nos...
La présidente : Je suis désolée, sénatrice Bovey, mais votre temps de parole est écoulé.
L’honorable Robert Black : Merci, madame la ministre, d’être ici aujourd’hui. Je remercie le gouvernement de tous les efforts qu’il a déployés au cours des 21 derniers mois pour aider les Canadiens à traverser la pandémie.
Comme les sénateurs le savent, je suis un défenseur de l’industrie agricole, des collectivités rurales et des jeunes. Au Canada, les foires et les expositions agricoles constituent depuis des siècles une partie importante et intégrante du tissu social et du monde rural. Nombre d’entre elles existaient déjà avant la Confédération. Ces organisations reconnues organisent des événements de premier plan et aménagent des infrastructures de loisirs qui contribuent à établir et à maintenir notre identité nationale. Il y a 743 organisations à travers le Canada qui organisent plus de 17 000 événements chaque année. Elles sont sans aucun doute parmi les groupes les plus durement touchés par la pandémie. Non seulement elles comptent sur les grands rassemblements pour générer des revenus, mais la majorité de ces revenus ont un caractère saisonnier. Elles seront les dernières à pouvoir rétablir complètement leurs activités et à se remettre sur pied.
Ces organisations favorisent le tourisme en région rurale, le bénévolat, la santé mentale, la participation des jeunes et le développement économique. La liste d’organisations admissibles qui figurent dans le projet de loi est longue, mais ce dernier ne fait aucune mention des foires et des expositions. L’histoire nous montre que lorsque les programmes de financement fédéraux ne prévoient pas explicitement du financement pour les foires et les expositions, c’est parce qu’elles ont été oubliées. C’est exactement ce qui est arrivé pendant la pandémie. Par conséquent, madame la ministre, pourriez-vous nous dire si ces organisations seront admissibles au programme proposé?
Mme Freeland : Je vous remercie de la question, sénateur; elle est excellente. La réglementation proposée prévoit que les organismes admissibles seront ceux dont plus de 50 % des revenus avant la pandémie provenaient d’activités admissibles. Cela comprend l’organisation, la planification, la tenue, la promotion et le soutien de salons, foires commerciales, festivals, mariages, fêtes et autres événements du genre.
En règle générale, les foires et les expositions agricoles seront admissibles au programme, pourvu qu’elles répondent aux critères d’admissibilité, y compris aux deux exigences clés dont nous avons déjà parlé plus tôt aujourd’hui.
Évidemment, dans le cadre de la discussion que nous avons, je ne suis pas en mesure de dire si telle ou telle entreprise ou organisation sera admissible. Il me faudrait beaucoup plus d’informations. Il serait malavisé pour moi de trancher une telle question à brûle-pourpoint; l’Agence du revenu du Canada sera mieux placée que moi pour confirmer si ces entreprises sont admissibles. C’est la meilleure réponse globale que je puisse donner.
Le sénateur Black : Je vous remercie, madame la ministre. Je suis heureux que vous ayez parlé des foires et des expositions.
Pendant la pandémie, il y a eu des perturbations des chaînes d’approvisionnement partout sur la planète. Cette semaine, l’Ontario Agricultural Commodity Council a souligné de nombreux problèmes qui ont un impact sur le système alimentaire canadien et qui concernent également le Canada. La CBC a également parlé d’un de ces problèmes, qui avait été mentionné dans rapport de RH Camionnage Canada, quant au fait qu’il manquerait présentement 18 000 camionneurs. Cette pénurie sera exacerbée par les nouvelles exigences vaccinales liées à la COVID qui entreront en vigueur à la mi-janvier. Les autres problèmes à l’heure actuelle sont le coût des conteneurs, la congestion dans les ports et les pénuries d’intrants qui s’aggravent pour les engrais, les produits de protection des cultures, ainsi que pour des matériaux qui ont des impacts sur les chaînes d’approvisionnement.
Il est essentiel que ces questions soient rapidement réglées afin d’atténuer les risques entraînés par la sécurité alimentaire et les pénuries alimentaires, qui s’ajoutent au prix des aliments déjà en hausse. Pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer si le gouvernement entend régler ces problèmes et offrir le soutien nécessaire pour assurer la solidité de la chaîne d’approvisionnement alimentaire?
Mme Freeland : Tout d’abord, permettez-moi de dire merci. Je suis quelqu’un qui pense avant tout aux excellents agriculteurs du Canada.
Dans la mise à jour, vous trouverez des mesures de soutien pour aider les agriculteurs qui ont été frappés par les sécheresses qui ont durement touché les Prairies cet été. Vous avez également parlé des ports, sénateur, et je tiens à souligner les mesures de soutien que nous avons fourni dans la mise à jour pour aider les ports à désengorger la chaîne d’approvisionnement. En ce qui concerne les camionneurs, nous avons des mesures de soutien qui visent à mettre en place des programmes d’apprentissage et des partenariats supplémentaires. Bien sûr, grâce au Programme des travailleurs étrangers temporaires, nous accueillons davantage de camionneurs lorsqu’il n’y a pas de Canadiens pour occuper ces emplois.
[Français]
La présidente : Honorables sénateurs, le comité siège depuis maintenant 95 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, je suis obligée d’interrompre les délibérations afin que le comité puisse faire rapport au Sénat.
Madame la ministre, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être jointe à nous aujourd’hui et de nous avoir aidés dans nos travaux concernant ce projet de loi. Je tiens également à remercier vos fonctionnaires.
Des voix : Bravo!
La présidente : Au nom de tous les sénateurs, nous vous souhaitons de joyeuses Fêtes et une bonne année 2022.
Mme Freeland : J’aimerais aussi vous remercier et remercier tous les sénateurs de leur travail acharné. J’espère que vous aurez tous de joyeuses Fêtes et que vous recevrez tous une dose de rappel du vaccin.
Merci encore une fois pour votre travail.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que la témoin a été entendue?
Des voix : D’accord.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.
[Français]
Rapport du comité plénier
L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, le comité plénier, qui a été autorisé par le Sénat à étudier la teneur du projet de loi C-2, Loi visant à fournir un soutien supplémentaire en réponse à la COVID-19, signale qu’il a entendu la témoin.
[Traduction]
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté le 14 décembre 2021, je suis obligé de quitter le fauteuil jusqu’à 19 heures, à moins que le Sénat ne souhaite pas suspendre la séance. Si quelqu’un veut suspendre la séance, veuillez le dire.
La séance se poursuit.
[Français]
Première lecture
Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-2, Loi visant à fournir un soutien supplémentaire en réponse à la COVID-19, accompagné d’un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
[Traduction]
Deuxième lecture
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-6(1)f) du Règlement, je propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois maintenant.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Le sénateur Boehm : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-2, Loi visant à fournir un soutien supplémentaire en réponse à la COVID-19.
En tant que parrain de ce projet de loi au Sénat — et je remercie la vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland, de m’avoir confié cette responsabilité —, il va de soi que je l’appuie fortement.
À titre de parrain, je dispose de 45 minutes pour en parler. Cependant, comme la période des Fêtes approche, je vais tous vous faire un cadeau et je serai bref, du moins relativement parlant.
(1850)
Le Canada a réalisé d’énormes progrès dans la lutte contre la pandémie de COVID-19, en grande partie grâce au haut taux national de vaccination — qui, je l’espère, s’étendra aux enfants maintenant qu’ils sont admissibles aux vaccins — et aux obligations en matière de santé publique, des masques à la vaccination, notamment pour tous les employés sous réglementation fédérale.
Bien entendu, le variant Omicron est en train de prendre le dessus, ce qui est effrayant et frustrant après presque deux très longues années. Chers collègues, nous ressentons tous les effets de la pandémie.
Certains endroits s’en sont mieux tirés que d’autres, mais aucun n’a évité les tragédies de la pandémie. En plus des souffrances et des ravages subis par trop de familles canadiennes qui ont perdu des êtres chers à cause du coronavirus — dont la famille du Sénat —, beaucoup ont été durement frappées financièrement : certaines personnes ont perdu leur emploi ou leur entreprise.
Le projet de loi C-2 vise à maintenir l’appui offert aux Canadiens et aux propriétaires d’entreprise.
[Français]
Comme l’a annoncé la ministre Freeland le 21 octobre et comme l’a indiqué le discours du Trône le 23 novembre, le gouvernement estime qu’il est temps de mettre en œuvre des programmes plus ciblés que ceux qui ont été offerts au pire de la pandémie l’an dernier.
Comme vous le savez, les programmes généraux de soutien au revenu et aux entreprises, comme la Prestation canadienne de la relance économique, ont pris fin le 23 octobre 2021.
Toutefois, si la santé publique et la situation économique ont nettement progressé, en grande partie grâce à ces bouées de sauvetage temporaires, de nombreux Canadiens et entreprises ont encore besoin d’un soutien ciblé.
À cette fin, le projet de loi C-2 modifie la Loi de l’impôt sur le revenu afin d’inscrire dans la loi les programmes qui sont entrés en vigueur le 24 octobre. Il s’agit du Programme de relance pour le tourisme et l’accueil, du Programme de relance pour les entreprises les plus durement touchées et du Programme de soutien en cas de confinement local.
Le projet de loi instaure également la nouvelle Prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement qui, comme son nom l’indique, prévoit le versement de prestations aux travailleurs en cas de confinement.
De plus, le projet de loi C-2 modifie la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique et vient prolonger la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique et la Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants au-delà du 20 novembre, cette première date limite étant maintenant derrière nous.
Enfin, le projet de loi propose de bonifier et de prolonger le Programme d’embauche pour la relance économique du Canada.
[Traduction]
Chers collègues, passons maintenant à la partie intéressante du discours, où j’explique les tenants et les aboutissants des éléments que je viens de souligner et ce qu’ils feront si le projet de loi est adopté.
La première nouvelle prestation, celle du Programme de relance pour le tourisme et l’accueil, fournirait un appui aux entreprises, dont les hôtels, les voyagistes, les restaurants et les agences de voyage, par l’intermédiaire de subventions salariales et de subventions pour le loyer. Ce groupe très ciblé bénéficierait d’un taux de subvention de 40 % pour les demandeurs ayant une perte de revenus de 40 %, et ce taux augmenterait en fonction de leurs pertes, jusqu’à concurrence de 75 %.
La deuxième mesure, le Programme de relance pour les entreprises les plus durement touchées, offrirait aussi du soutien sous forme de subventions salariales et de subventions pour le loyer aux employeurs en mesure de démontrer qu’ils ont subi des pertes de revenus importantes et durables. Le taux de subvention pour ce groupe serait de 10 % pour les demandeurs ayant subi des pertes de revenus d’au moins 50 %. Les employeurs ayant perdu 75 % de leurs revenus auraient droit à une subvention maximale de 50 %.
Deux critères serviront à déterminer l’admissibilité à ces deux premiers programmes : l’employeur devra premièrement démontrer qu’il a subi des pertes de revenus importantes au cours des 12 premiers mois de la pandémie, puis pendant le mois en cours.
La dernière des nouvelles initiatives prévues à la partie 1, le Programme de soutien en cas de confinement local, tient compte du fait qu’il pourrait encore y avoir des confinements temporaires dans certaines régions du pays au cours des prochains mois. Ce n’est malheureusement pas impossible, puisque nous sommes au début de l’hiver, une saison qui nous pousse à passer plus de temps à l’intérieur, et que de nouveaux variants font leur apparition, le plus récent étant Omicron. Comme il l’avait fait en mars 2020, le gouvernement a annoncé le 15 décembre qu’il encourage les Canadiens à éviter tous les voyages non essentiels à l’étranger à cause de la propagation rapide du variant Omicron. Les prochains mois seront remplis d’incertitude, chers collègues. Le Programme en cas de confinement local offrirait aux employeurs dont l’entreprise est touchée par un nouveau confinement local un soutien à hauteur du montant maximal offert par les programmes de subvention salariale et de subvention pour le loyer.
Quand le projet de loi C-2 aura été adopté, ces nouveaux programmes prendront effet rétroactivement à partir du 24 octobre 2021 jusqu’au 7 mai 2022. Du 13 mars 2022 au 7 mai 2022, le taux de subvention sera réduit de moitié, un changement qui va de pair avec l’intention du gouvernement de préparer une pleine reprise économique et la fin des programmes de prestations associés à la pandémie.
La partie 2 du projet de loi propose d’édicter une nouvelle loi afin d’établir la prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement. Cette prestation ciblée, qui sera versée par l’Agence du revenu du Canada, fournira un soutien au revenu aux travailleurs — notamment aux travailleurs autonomes — qui sont dans l’impossibilité de travailler en raison de restrictions imposées par un confinement local lié à la COVID-19 entre le 24 octobre 2021 et le 7 mai 2022. Les travailleurs admissibles recevront une aide au revenu de 300 $ par semaine. Cette prestation sera cruciale, car les régions pourront imposer un confinement nécessaire qui donne priorité à la santé et à la sécurité des travailleurs sans nuire à leur situation financière.
Je ne préciserai pas ici tous les critères d’admissibilité à la prestation pour confinement, mais je tiens à en mentionner un, étant donné que les employeurs de plusieurs secteurs, dont le nôtre, demandent aux employés d’être vaccinés.
Pour avoir droit à la prestation, les demandeurs devront attester que, s’ils ont perdu leur emploi, n’ont pas pu exécuter un travail autonome, ont été incapables de travailler ou ont subi une réduction de revenus, ce n’est pas parce qu’ils ont refusé de se conformer à une obligation de vaccination. C’est un point important, chers collègues. Il a beaucoup retenu l’attention lorsqu’on a annoncé que les fonctionnaires fédéraux devraient être vaccinés.
[Français]
Le projet de loi C-2 modifierait aussi la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique et son règlement, prolongeant jusqu’au 7 mai 2022 la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique et la Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants.
De plus, les modifications prolongeraient de deux semaines la période maximale des prestations. Plus précisément, la prestation pour les proches aidants passerait de 42 à 44 semaines, et la prestation de maladie de 4 à 6 semaines. À ce jour, plus d’un million de Canadiens ont pu bénéficier de ce programme.
Enfin, le projet de loi C-2 prolongerait également jusqu’au 7 mai 2022 le Programme d’embauche pour la relance économique du Canada pour les employeurs admissibles dont les pertes de revenus actuelles sont supérieures à 10 %. Le taux de subvention passerait également à 50 %.
Cette prolongation aiderait les entreprises à continuer de réembaucher des travailleurs et à créer les emplois supplémentaires dont le Canada a besoin pour se remettre complètement des pertes encourues en raison de la pandémie.
[Traduction]
Du 24 octobre 2021 au 7 mai 2022, le gouvernement prévoit que le coût total des mesures décrites dans le projet de loi C-2 s’élèvera à 7,4 milliards de dollars. C’est une goutte d’eau dans l’océan par rapport aux 289 milliards de dollars que le gouvernement a dépensés dans le cadre des mesures extraordinaires de soutien du revenu et des entreprises depuis le début de la pandémie l’an dernier.
À ce point-ci, j’avais dans mes notes une dissertation sur l’inflation. Toutefois, comme cette discussion a eu lieu entre la ministre Freeland et le sénateur Housakos, je ne vais pas répéter ce dont ils ont parlé. Bien entendu, l’inflation est inquiétante. La vérité, c’est que l’inflation n’est pas le résultat de politiques ou de partisanerie — même si c’est certainement le cas en ce qui concerne la façon dont on la décrit —, pas plus qu’elle n’est causée par des programmes d’aide fort nécessaires qui ont aidé des gens pendant une crise mondiale qui n’arrive qu’une fois par siècle. L’inflation est mondiale, et elle est le reflet de nombreux facteurs. À mon avis, le Canada est dans une très bonne position pour une reprise, en grande partie grâce aux dépenses liées aux programmes extraordinaires de prestations temporaires.
Honorables sénateurs, nous ne sommes pas sortis du bois, loin de là. L’hiver sera probablement difficile, mais il y a de la lumière au bout du tunnel. Trêve de métaphores, le fait est que même si beaucoup de Canadiens et d’entreprises canadiennes ont toujours besoin d’aide, le Canada est maintenant rendu à un point où il convient de concentrer cette aide vers ceux qui en ont le plus besoin.
(1900)
Nous avons vécu des moments pénibles et la population du Canada, ainsi celle de toute la planète, souffre énormément. Cela ne fait aucun doute, chers collègues.
Voilà presque deux ans que nous combattons la COVID-19, plus précisément depuis que l’Organisation mondiale de la santé a déclaré que nous étions touchés par une pandémie mondiale il y a 20 mois. Tout a changé depuis, y compris les normes sociales élémentaires et le quotidien que nous tenions pour acquis. Qu’il s’agisse de nos lieux et nos méthodes de travail ou de nos interactions avec notre famille et nos amis, toutes les facettes de notre vie ont été profondément transformées.
Il a fallu manquer des anniversaires, reporter des mariages et dire adieu à des êtres chers.
Malgré la douleur causée par la pandémie, l’humanité a montré ce qu’elle a de mieux à offrir. Nous avons été témoins de l’entraide entre les communautés canadiennes d’un océan à l’autre et entre les pays partout dans le monde. À titre d’exemple, les percées scientifiques remarquables qui ont mené aux vaccins qui nous protègent et qui nous permettront de vaincre le virus.
Les mesures d’aide ciblée pour les travailleurs et les entreprises canadiennes inscrites dans le projet de loi C-2 ne peuvent pas changer le passé, chers collègues. Cependant, ce projet de loi peut offrir de l’espoir et de l’aide à ceux qui en ont besoin, tout en envoyant un signal fort que nous sommes sur le point de nous sortir de cette pandémie.
Nous recevons tous des courriels de Canadiens très inquiets en raison de la pandémie.
Chers collègues, adoptons ce projet de loi pour nous donner l’élan final vers la sortie du tunnel. Merci.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)
Troisième lecture
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5b) du Règlement, je propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois maintenant.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
L’honorable Marty Deacon : Merci beaucoup.
Honorables sénateurs, je souhaite intervenir brièvement ce soir dans le débat sur le projet de loi C-2.
Dans les 21 derniers mois, nous en avons beaucoup appris au sujet des divers projets de loi sur les mesures d’urgence relatives à la COVID-19 ainsi que de l’aide essentielle qu’ils apportent aux Canadiens. Le projet de loi C-2 vise à continuer d’offrir de l’aide pendant que nous devons vivre avec un virus imprévisible et très contagieux.
Le projet de loi et l’exposé que la ministre Freeland a donné ce soir devant le comité plénier nous indiquent que ce projet de loi vise à créer des programmes ou à bonifier des programmes déjà en place, notamment en prolongeant le Programme d’embauche pour la relance économique du Canada, en offrant une aide ciblée aux industries le plus durement touchées comme l’hôtellerie et le tourisme, et en mettant en place la Prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement.
Ce soir, j’aimerais parler de ce qui pourrait être une autre conséquence imprévue de ce projet de loi qui s’ajoute aux autres qui ont été observées dans les 21 derniers mois.
La pandémie a eu diverses conséquences pour les entreprises, mais les industries du tourisme, de l’hôtellerie et du spectacle ont été le plus durement et le plus longuement touchées, et comme nous l’avons vu dernièrement, leur avenir demeure incertain.
En général, les gens qui représentent ces secteurs ne suivent pas quotidiennement les processus — surprise, surprise — ou le contenu et les décisions prises par le Sénat et l’autre endroit. Ils n’ont pas l’habitude de suivre les délibérations parlementaires. Dans leur langage et leurs activités quotidiennes, il n’est pas question de projets de loi à la première, deuxième ou troisième lecture et de renvoi au comité.
Toutefois, la pandémie a modifié les choses à cet égard. Par pur désespoir financier, beaucoup de secteurs suivent de très près les délibérations du Parlement afin de savoir exactement quand ils peuvent être assurés de recevoir un soutien financier continu et quelle sera la nature de ce soutien.
Je cite l’une des nombreuses demandes de renseignements que j’ai reçues au sujet du projet de loi C-2 :
Sénatrice Deacon, je m’adresse à vous encore une fois afin de voir si vous avez des renseignements concernant le Programme de relance pour le tourisme et l’accueil. Nous essayons de suivre tous les projets de loi. Nous pensons qu’il s’agit du projet de loi C-2. Nous avons appris aujourd’hui que le projet de loi a été « déposé ». Est-ce que cela signifie qu’il est déjà au Sénat? Nous nous efforçons de comprendre les premières et deuxièmes lectures, les comités, les dépôts. Tout cela est très compliqué pour mon personnel et moi-même. Mais nous et nos clients essayons de suivre le projet de loi, car, pour nous, la situation est urgente. En raison de la période qui sépare la fin des subventions salariales et d’aide au loyer et le nouveau programme, nous sommes vraiment en difficulté. Nous nous sommes ajustés, réorientés et regroupés maintes fois. Nous voulons maintenir notre entreprise locale ouverte. Nous suivons la progression des choses tous les jours, mais nous aimerions vraiment savoir quand le projet de loi sera terminé ou adopté ou quand vous obtiendrez plus d’informations. Nous vous remercions d’avance, Robin et Bill.
Je suis certaine que tous les sénateurs sont témoins chaque jour de ce genre de désespoir. Cela nous rappelle que l’on nous regarde, écoute et surveille plus que jamais. Il faut saisir cette occasion pour montrer aux Canadiens qui nous sommes et ce que nous sommes, et que nous nous renseignons auprès des Canadiens et que nous écoutons chacun d’entre eux.
Il faut se rappeler que, face à la situation dans laquelle notre pays est plongé, il n’y a pas de manuel d’instruction. Les gens veulent savoir quelles sont les dates d’échéance des programmes ou quelles limites nous imposerons aux dépenses du gouvernement fédéral pour soutenir les Canadiens, tous les Canadiens. Or, nous devons faire preuve de souplesse et comprendre que nous n’avons d’autre choix que de gérer la situation une journée à la fois et de faire ce que nous pouvons pour venir en aide aux personnes les plus touchées. À mon avis, c’est ce que propose le projet de loi C-2 et c’est pourquoi j’espère qu’il sera adopté très rapidement. Merci. Meegwetch.
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Votre Honneur, le sénateur Housakos, qui est notre porte-parole pour ce projet de loi, a l’intention de prononcer un discours plus tard. Je pourrais peut-être poser une question à la sénatrice Deacon maintenant.
Son Honneur le Président : Sénatrice Deacon, accepteriez-vous de répondre à une question?
La sénatrice M. Deacon : Oui.
La sénatrice Martin : Sénatrice Deacon, j’en ai presque la tête qui tourne. La situation a évolué rapidement tout au long de la journée. Il s’agit d’un projet de loi très important. Pourtant, une de nos sommités au Sénat — une ancienne vérificatrice générale, la sénatrice Marshall — nous a expliqué plus tôt les efforts qu’elle doit déployer pour recueillir l’information que les sénateurs devraient déjà avoir sous la main. Vous venez d’exprimer votre frustration par rapport au défi que votre personnel et vous avez dû relever pour vous préparer cette fois-ci.
Je comprends l’importance du projet de loi pour les Canadiens. Avez-vous quelque chose à ajouter à propos des frustrations que vous avez vécues ou de ce que vous auriez aimé avoir? Est-ce que vous auriez simplement voulu avoir plus de temps? J’aimerais entendre vos observations sur le processus.
La sénatrice M. Deacon : Je remercie la sénatrice de sa question. Il y a deux choses qui me viennent à l’esprit en guise de réponse. Tout d’abord, je me demande comment nous pouvons continuer de nous assurer que nous représentons les intérêts de tous les Canadiens, que nous en tenons compte, et que nous nous empressons de les satisfaire. Dans le cadre de notre travail, nous devons vraiment être à l’écoute du désir de tous les Canadiens d’obtenir plus d’information et de comprendre les processus, les politiques, les produits et les mesures législatives, un peu comme s’il s’agissait de consommateurs.
Je peux vous dire avec franchise que j’admire énormément la sénatrice Marshall. J’ai siégé avec elle au Comité des finances. Nous avons continué et nous continuerons — tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du comité — de changer et de réclamer des processus sensés, des délais conciliables et des projets de loi liés aux budgets, aux finances et aux prévisions budgétaires un peu plus cohérents et homogènes.
C’est une tâche colossale. C’est un grand défi à relever. Cependant, je reconnais que c’est quelque chose d’important, car ne serait-il pas merveilleux que tous les sénateurs comprennent clairement tout ce que cela implique et qu’ils soient en mesure de bien l’expliquer à nos utilisateurs, les Canadiens?
La sénatrice Martin : Oui, je suis tout à fait d’accord. Merci beaucoup. Merci à vous et à tous les sénateurs ayant siégé au sein de ce comité d’avoir fait le gros du travail.
Je vous remercie, madame la sénatrice, de votre intervention, et je tiens aussi bien sûr à remercier le parrain de ce projet de loi et tous les membres des deux comités, soit le Comité des affaires sociales et le Comité des finances. Je confonds les projets de loi. En tout cas, je veux saluer tout le travail que vous avez effectué.
(1910)
L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la troisième lecture — les choses vont très vite — du projet de loi C-2 , Loi visant à fournir un soutien supplémentaire en réponse à la COVID-19.
On dirait que de nos jours, les seules choses définitives sont la mort, les impôts et les projets de loi visant à fournir un soutien supplémentaire en réponse à la COVID-19. Je crois qu’il s’agit du septième projet de loi de la sorte présenté par le gouvernement. Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, comme le dit le proverbe. On a comme une impression de déjà-vu. Je pense aussi que nous reconnaissons tous que le gouvernement nous demande encore une fois d’agir rapidement.
Nous parlons du gouvernement qui a demandé inutilement la dissolution du Parlement pour déclencher des élections inutiles — qui ont coûté aux Canadiens plus de 600 millions de dollars — à peine deux ans après les élections précédentes, pour se retrouver avec un gouvernement minoritaire quasi identique au précédent.
Puis, à la suite de ces élections urgentes, que le premier ministre a tenté d’attribuer aux Canadiens en affirmant qu’ils les réclamaient, le premier ministre a attendu tranquillement pendant encore deux mois — l’appel de Tofino aidant — avant de convoquer le Parlement afin de pouvoir y présenter ce projet de loi urgent qu’il faut étudier à la hâte à la veille de Noël.
Cela me rappelle un de mes dictons préférés : un manque de planification de votre part n’entraîne pas une urgence pour moi.
N’oubliez pas que le projet de loi a été présenté à la Chambre le 24 novembre. Le comité de la Chambre en a été saisi le 6 décembre. Il était censé en faire l’étude article par article le 10 décembre, soit après seulement quatre séances et quelques heures après avoir reçu la ministre. Bien sûr, c’était avant que les députés de l’opposition membres du comité insistent pour avoir plus de temps pour étudier le projet de loi, ce qui est leur droit et leur devoir, chers collègues.
Il a été présenté au Sénat il y a à peine quelques minutes — il y a très peu de temps. On nous dit maintenant qu’il faut régler l’étude en un temps record. Est-ce la première fois que le gouvernement agit de la sorte, chers collègues? De nombreuses raisons expliquent ce comportement.
[Français]
Chers collègues, je suis au Sénat depuis longtemps, soit depuis 13 ans le mois prochain. En fait, je sais que chaque mois de décembre et chaque mois de juin, nous faisons l’objet de pressions pour adopter des projets de loi avant l’ajournement des travaux.
Habituellement, lorsqu’un projet de loi prévoit 7 milliards de dollars de dépenses sur sept mois, nous avons assez de temps pour le passer au peigne fin avant de l’amender ou de l’adopter tel quel. Nous aurions eu amplement de temps pour traiter le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui, même en tenant compte du temps perdu à cause de l’élection inutile de l’été dernier. Cependant, comme je l’ai dit, le gouvernement de Justin Trudeau a décidé de laisser passer huit semaines avant de rappeler le Parlement, et ce, même s’il savait depuis le début qu’il aurait des dossiers à traiter, comme le projet de loi actuel.
[Traduction]
Je vais citer Don Martin, un chroniqueur :
[...] prendre du retard [...] en n’agissant pas est devenu aussi contagieux que le variant Omicron au sein du gouvernement, alors que ce dernier avait présenté les élections de l’automne comme une nécessité pour lui permettre d’agir, avant de se mettre au travail à pas de tortue.
Martin en rajoute : « Trudeau a élevé les atermoiements au rang d’art sinistre en politique. »
En outre, comme c’est toujours le cas avec le premier ministre actuel, ce qui est bon pour lui ne l’est pas pour les autres. Alors qu’il a pris tout son temps pour démarrer la nouvelle législature, maintenant qu’elle est en cours, il nous dit qu’il faut adopter le projet de loi à l’étude à toute vitesse, projet de loi qui, en passant, ressemble étrangement à un autre projet de loi présenté à la législature précédente.
Il nous a expliqué qu’il fallait tenir des élections pour que les Canadiens puissent donner leur avis au sujet de décisions gouvernementales qui auront des incidences non pas sur les prochains mois, mais sur les prochaines décennies. Que nous demande-t-on d’étudier, chers collègues? Un projet de loi présentant des dépenses de 7 milliards de dollars qui seront faites uniquement dans les mois à venir. Je vous présente le nouveau patron; c’est le même patron qu’avant.
Tout cela n’est qu’un gigantesque effort pour éviter de rendre des comptes. Tout est calculé. Tout est prémédité. Le gouvernement a maintenant comme pratique courante de faire ses affaires dans l’ombre, lorsqu’il peut le faire impunément, bien sûr. Chers collègues, il le fait impunément depuis bien longtemps.
Dans cette enceinte, combien de fois avons-nous entendu dans les 18 derniers mois : « Il faut le faire, honorables collègues, l’urgence de la situation nous l’impose, mais cela ne se reproduira plus »?
Au cours des 18 derniers mois, les sénateurs indépendants nommés par Trudeau ont pris la parole au Sénat au sujet de ces dizaines de milliards de dollars, et à chaque fois, ils déclarent : « Nous le faisons cette fois-ci, mais il ne faudrait pas que cela devienne une habitude. » Honorables collègues, nous avons dépassé le stade de l’habitude depuis longtemps. On peut dire que ce modus operandi est devenu une dépendance pour le gouvernement.
Nous parlons d’un gouvernement qui se vantait en 2015 d’être ouvert et transparent par défaut, et qui nous a montré exactement le contraire. Parmi tous les efforts qu’il déploie pour se soustraire à tout examen, celui-ci n’est que le dernier en date. Comme je l’ai dit, tout a commencé à peine six mois après l’arrivée au pouvoir du gouvernement « transparent par défaut » de Trudeau.
Nombreux sont ceux qui se souviendront de la motion no 6 qui nous a été présentée au printemps 2016 — ce n’était pas il y a si longtemps, alors ne l’oublions pas — et qui a soulevé à juste titre un tollé de la part de l’opposition, étant donné que cette motion consistait à supprimer de nombreux instruments de procédure dont l’opposition disposait pour demander des comptes au gouvernement Trudeau.
Bien des fois, nous avons entendu que ces tentatives de modernisation visaient à changer des règles et des procédures qui rendaient le Parlement archaïque. Oui, le Parlement est archaïque : il s’attend à ce que le gouvernement rende des comptes. Il se fait l’écho des voix minoritaires de ce pays, qui veulent que le gouvernement rende des comptes.
[Français]
Ces outils de procédure, dont disposait également le représentant du gouvernement au Sénat à l’époque, existent pour protéger la majorité. Il représente un élément crucial de notre système parlementaire. La motion no. 6, que le magazine Maclean’s a qualifiée de mesure draconienne, a fait l’objet d’une telle indignation de la part de l’opposition que le gouvernement a éventuellement été forcé de la retirer.
Loin de s’avouer vaincus, les libéraux ont fait une autre tentative au printemps de 2017 afin de se soustraire à l’examen de la Chambre en proposant d’éliminer les séances du vendredi et de réserver une journée par semaine aux questions posées au premier ministre. Cela signifie que M. Trudeau n’était pas tenu d’être présent à la Chambre des communes les autres jours de séance au cours de la semaine pour répondre aux questions.
[Traduction]
Tout cela et d’autres mesures au nom de ce que le gouvernement appelle l’efficacité. Or, comme le dit un chroniqueur du Times Colonist de Victoria, les changements proposés :
[...] semblent avoir pour objectif non pas tant d’accroître l’efficacité, mais surtout de réduire les obstacles au programme du gouvernement, notamment en soustrayant celui-ci autant que possible à l’examen de l’opposition.
Tant de gens estiment peu charitable de suggérer que, lorsque la pandémie a frappé, le gouvernement en a profité pour se soustraire encore davantage à l’examen du Parlement. Chers collègues, ce genre de proposition est peut-être une stratégie politique judicieuse pour n’importe quel gouvernement, mais ce n’est pas une bonne façon de gouverner. Cela n’offre aucune transparence. Cela ne respecte aucunement le Parlement.
Toutefois, puisque les libéraux ont pris l’habitude de « faire ce pour quoi ils auraient chapitré Stephen Harper », pour reprendre l’expression d’un chroniqueur, il est difficile de ne pas parvenir à cette conclusion, d’autant plus que dès mars 2020, le même mois où l’Organisation mondiale de la santé, ou l’OMS, a déclaré la pandémie, le gouvernement Trudeau a déposé un projet de loi d’urgence visant à lui conférer le pouvoir unilatéral de percevoir des impôts et de dépenser à sa guise durant presque deux ans sans la moindre surveillance du Parlement, la taxation sans représentation allant pourtant à l’encontre du cœur même du système parlementaire de Westminster. Chers collègues, cette tentative a été effectuée dans nos jours les plus sombres il n’y a pas si longtemps de cela.
Même le Toronto Star, qui est généralement favorable aux libéraux, était consterné. On pouvait y lire : « Ces mesures extraordinaires [...] [vont] bien plus loin que ce dont le premier ministre Justin Trudeau ou le ministre des Finances Bill Morneau avaient discuté publiquement [...] »
Ils ont été contraints encore une fois de faire marche arrière après avoir suscité une vive protestation, mais ce n’est pas faute d’avoir essayé, chers collègues. La tendance s’est poursuivie et se poursuit encore.
L’enquête du comité de la Chambre des communes responsable du scandale SNC-Lavalin a été étouffée par le Cabinet du premier ministre, et il en va de même pour l’enquête du commissaire à l’éthique qui, bien qu’on lui ait refusé l’accès à certains témoins, comme il l’a déploré dans son rapport, a reconnu le premier ministre coupable d’avoir enfreint les lois sur l’éthique.
Dans le même ordre d’idées, les libéraux n’ont pas raté une occasion de faire obstruction à l’enquête du comité de la Chambre responsable du scandale de l’organisme UNIS, puis le premier ministre est allé jusqu’à proroger le Parlement, alors qu’il avait juré aux Canadiens qu’il ne le ferait jamais. Il s’agit de son droit constitutionnel, mais vous vous souviendrez qu’il avait fait cette promesse noir sur blanc dans son programme électoral de 2015, le même programme dans lequel il promettait une Chambre haute plus indépendante, plus transparent et plus efficace.
(1920)
Cependant, ce qui est plus exaspérant que le manque de transparence et les efforts apparemment inépuisables du gouvernement Trudeau pour éviter de rendre des comptes, c’est son cynisme flagrant et son mépris pour les Canadiens et pour le travail du Parlement, notamment ici même au Sénat, qui vise à lui demander des comptes au nom des contribuables canadiens. C’est exactement le genre de comportement qui s’est manifesté dans un gazouillis publié vendredi dernier par la députée libérale et ancienne leader parlementaire Bardish Chagger. En effet, c’est arrivé après que les conservateurs à la Chambre ont proposé que le comité chargé d’étudier le projet de loi C-2 scinde le projet de loi en vue d’accorder aux industries de l’hôtellerie et du tourisme le soutien dont elles ont tant besoin avant l’ajournement du Parlement, après quoi le comité poursuivrait son travail et étudierait le reste du projet de loi.
En réponse à cette proposition judicieuse, Mme Chagger a déclaré ceci :
Je suis à la Chambre aujourd’hui. Il est triste de constater que les conservateurs préfèrent se servir de tactiques dilatoires à la #Cdc pour ralentir l’adoption du projet de loi C-2 que de mettre en œuvre les mesures de soutien prévues dans le projet de loi qui sont tant nécessaires pour les entreprises, les travailleurs, l’industrie touristique et les autres industries au Canada.
Chers collègues, je suis heureux de savoir que Mme Chagger était à la Chambre cette journée-là, mais, au cours des deux mois précédents, il y a eu de nombreux jours où les députés auraient pu siéger à la Chambre pour que cette mesure de soutien soudainement si indispensable soit adoptée facilement, mais ils ont choisi de ne pas le faire. Le premier ministre a choisi de prendre des vacances. Les conservateurs, eux, qui agissent comme des parlementaires responsables en accomplissant le travail pour lequel ils ont été élus, se font accuser de recourir à des tactiques dilatoires.
Maintenant, nous sommes saisis d’un nouveau projet de loi de dépenses de 7 milliards de dollars. On s’attend à ce que le Sénat, la Chambre de second examen objectif, adopte ce projet de loi en y jetant à peine un coup d’œil. Combien de sénateurs ont examiné le projet de loi avant que nous en soyons saisis il y a quelques minutes? Est-ce trop demander que le gouvernement en place ne nous traite pas avec tant de mépris? Est-ce trop demander que les Canadiens ne se fassent pas traiter avec une telle condescendance?
Chers collègues, comme je l’ai dit, nous sommes intervenus à maintes reprises au Sénat. Nous avons dit à l’autre endroit et au gouvernement actuel — mais aussi à d’autres gouvernements —, surtout ces derniers mois, que le Sénat ne devrait pas tolérer une telle chose, qu’il est une institution importante pour exiger des comptes du gouvernement.
Ainsi, il semblerait que nous ayons beaucoup parlé d’accroître la pertinence et l’indépendance du Sénat, d’y réduire la partisanerie et d’y demander des comptes au gouvernement, mais il me semble que c’est toujours le même petit groupe de sénateurs qui posent les questions difficiles.
Cette semaine seulement, le gouvernement a présenté les comptes publics, lesquels font état des dépenses de 600 milliards de dollars effectuées l’an dernier. Les comptes publics fournissent une ventilation détaillée de la façon dont les deniers publics sont dépensés. Nous avons entendu la sénatrice Marshall interroger le leader du gouvernement au Sénat. Cela fait des mois qu’elle lui demande les comptes publics. Encore une fois, je n’ai entendu personne d’autre, à part ce petit caucus de ce côté-ci de la chambre, insister autant au nom des contribuables.
Cela veut dire que plus de huit mois après la fin de l’exercice financier de 2020-2021 — et alors qu’un comité de la Chambre examinait le projet de loi C-2, qui demandait 7 milliards de dollars en nouvelles dépenses —, nous n’avions toujours aucun détail sur la manière dont l’argent de l’exercice précédent avait été dépensé.
Chers collègues, on nous paie beaucoup d’argent pour être ici. Oui, nous ne sommes pas élus et il est de plus en plus difficile pour cette institution de rendre des comptes, car de nombreux groupes au Sénat ont coupé leurs liens avec la Chambre qui rend des comptes. Nous devrions toutefois nous regarder dans le miroir et nous demander ce que nous sommes censés accomplir au Sénat au nom des contribuables. Si nous nous contentons d’approuver automatiquement les projets de loi, on peut évidemment s’interroger sur la légitimité de cet endroit à l’avenir. C’est une question qui va se poser. Si nous continuons à être une simple Chambre d’écho, les Canadiens vont commencer à se demander ce qu’ils obtiennent pour leurs 130 millions de dollars par année. L’histoire ne s’arrête pas là.
Permettez-moi de souligner un point. China Mobile et d’autres entreprises d’État chinoises ont reçu une partie des subventions salariales liées à la pandémie qui étaient destinées aux entreprises canadiennes durement touchées. Nous avons posé des questions au leader du gouvernement au Sénat. Toutefois, il ne s’agit là que des questions provenant d’un petit groupe de sénateurs partisans qui veulent revenir aux vieilles méthodes au Sénat, c’est-à-dire demander des comptes au gouvernement. Pourtant, nous n’avons toujours pas reçu de réponse claire du gouvernement.
Pour ceux qui ne le sauraient pas, China Mobile a eu de maigres revenus d’à peine 152 milliards de dollars en 2020. Cette société a aussi été sanctionnée par les États-Unis pour avoir collaboré avec l’Armée populaire de libération. Nous savons qu’elle s’est associée avec Huawei et qu’elle a été en activité au Canada de 2015 jusqu’à cette année sans avoir fait l’objet d’un examen de sécurité, comme l’exige la Loi sur Investissement Canada.
Selon les constatations de cet éventuel examen de sécurité, la présence de China Mobile au Canada pourrait faire en sorte que des entreprises canadiennes servent de levier à des fins non commerciales. Cette société a reçu l’ordre de fermer ses succursales au Canada, mais pas sans les avoir exploitées pendant six ans à l’insu du gouvernement et avoir bénéficié de subventions salariales instaurées pendant la pandémie pour aider des entreprises canadiennes. Il y a encore mieux — ou pire, selon qu’on soit un demandeur fraudeur d’aide liée à la pandémie ou un contribuable canadien.
Comme je l’ai indiqué dans une question au leader du gouvernement au Sénat il y a quelques semaines, le crime organisé a fraudé le programme de la Prestation canadienne d’urgence, ou PCU, en présentant de multiples demandes grâce à des identités volées. Pourtant, soit le gouvernement ne peut pas, soit il ne veut pas nous dire combien d’argent destiné à la PCU s’est retrouvé dans les poches du crime organisé.
[Français]
Tout cela, nous le savons grâce à une décision rendue récemment par un juge de la Cour supérieure du Québec, qui a conclu qu’un gang de rue de Montréal a obtenu frauduleusement plus de 100 000 $ provenant de la Prestation canadienne d’urgence afin de financer des opérations de contrebande d’armes illégales. Un article de La Presse a révélé qu’un autre gang de rue a profité d’une échappatoire de la PCU pour obtenir des dizaines de milliers de dollars, qu’il a sans doute utilisés pour acheter des armes sur le marché noir. Tout cela se produit au moment où les crimes qui mettent en cause une arme à feu subissent une hausse marquée à Montréal, comme Pierre Paul-Hus, mon collègue de l’autre endroit, l’a écrit dans une lettre au ministre.
[Traduction]
Ces circonstances démontrent à quel point le gouvernement Trudeau a mal planifié les choses — et disons-le clairement, cette mauvaise planification de nos mesures d’urgence était intentionnelle — de façon à ce qu’un projet de loi soit présenté au Parlement pour distribuer à pleines mains 7 milliards de dollars, alors qu’aucune reddition de comptes n’a encore été faite pour les dépenses de 600 milliards de dollars de l’exercice précédent, chers collègues. Tous les sénateurs, peu importe leur allégeance politique, leurs tendances partisanes ou autres, devraient être scandalisés. Tous les contribuables devraient être scandalisés.
Évidemment, le gouvernement Trudeau dira de mes arguments que le parti de l’opposition au Sénat lui rebat les oreilles avec son insatisfaction partisane. Or, même Kevin Page — fait-il de la partisanerie lui aussi? —, l’ancien directeur parlementaire du budget à l’époque de Stephen Harper, qui a souvent empoisonné la vie de M. Harper, est tout aussi critique à l’égard du gouvernement actuel pour son incapacité à déposer les comptes publics avant cette semaine.
Avant la publication des comptes publics, le Globe and Mail citait les propos de M. Page, comme suit :
[...] il ne voit pas pourquoi le gouvernement semble attendre avant de diffuser de l’information essentielle, comme les comptes publics et une mise à jour économique de l’automne.
M. Page a déclaré lui-même :
Ils devraient être rendus publics au début [de la présente session de quatre semaines] [...] C’est la façon courante de procéder et il s’agit d’une bonne pratique. Je ne suis pas certain qu’il y ait une raison de faire autrement. Je suis persuadé que le travail sur les comptes publics est terminé et qu’il n’y a aucune raison de ne pas les déposer. Finances Canada a eu amplement de temps.
M. Page affirme que de savoir comment l’argent a été dépensé l’an dernier peut éclairer le débat sur la demande de fonds supplémentaires de la part du gouvernement. « Tous ces renseignements peuvent être utiles pour façonner le débat et obliger le gouvernement à rendre des comptes. »
Le dépôt de mardi est trop tard — trop tard pour nos délibérations. C’est ce que soutient M. Page, qui a ajouté: « [...] les comités devraient siéger également afin d’examiner les demandes de dépenses. »
Honorables sénateurs, le second examen objectif, c’est pratiquement notre mot d’ordre. C’est là une chose à laquelle nous devrions tous nous intéresser. Nous devrions poser des questions à cet égard et exiger des réponses. La Constitution nous y autorise parce que, bien entendu, le Sénat est inspiré du modèle de Westminster.
Comme je l’ai souvent répété, nous portons peut-être le fardeau d’être une assemblée non élue, mais nous avons la responsabilité de créer de la valeur pour les contribuables du pays. Par conséquent, s’il y a une activité que nous devons mener, c’est bien la reddition de comptes liée aux comptes publics. Il ne s’agit pas d’un exercice partisan, mais bien d’un exercice on ne peut plus administratif. Il faut s’assurer que l’ensemble de l’administration utilise les fonds publics d’une manière aussi efficiente que possible et être en mesure de signaler à la Chambre des communes les erreurs et les lacunes. Cela fait partie intégrante de nos principales responsabilités cette année, et c’est malheureusement une responsabilité que nous avons négligée au cours des dernières années, chers collègues.
Au tout début de la pandémie, on pouvait comprendre que le gouvernement s’empresse de mettre en place des mesures de soutien essentielles de toute urgence mais, après 20 mois de pandémie, la situation a changé. Le Sénat a fait preuve de patience pendant les 12 premiers mois. Nous nous sommes présentés au Sénat sur demande; nous avons ouvert, sur demande, les robinets par lesquels allaient passer des milliards de dollars. Cependant, nous avons aussi vu des abus, et on devrait nous accorder le temps nécessaire pour faire notre travail et veiller à ce que l’on mette fin à ces abus.
(1930)
Lorsque nous sommes saisis d’un projet de loi de cette nature qui prévoit des dépenses de 7 milliards de dollars, nous devrions faire ce pour quoi nous avons été nommés au Sénat en étudiant ce projet de loi en détail. Nous ne devrions pas hésiter à le faire. S’il y a des manœuvres procédurales qui retardent l’aide dont les entreprises ont désespérément besoin — surtout dans les secteurs le plus durement touchés comme le tourisme et l’hôtellerie —, alors nous devrions y remédier.
Cependant, ce projet de loi a été présenté dans un contexte où nous devons faire face à autre chose de préoccupant. C’est ce que la revue The Economist a récemment appelé le « danger qui nous guette », c’est-à-dire l’inflation. C’est un mot que nous avons entendu à plusieurs reprises dans cette enceinte au cours des dernières semaines. Compte tenu de l’inaction du gouvernement, je peux vous assurer que nous allons encore en entendre parler pendant de nombreuses années.
La revue The Economist n’a pas mentionné les dépenses effrénées du gouvernement Trudeau. On indique cependant que les mesures de relance tout aussi excessives mises en place par Joe Biden ont fait surchauffer l’économie, au point où les prix à la consommation ont augmenté de 6 % aux États-Unis.
Quant aux dépenses incontrôlées du gouvernement du Canada, elles ont contribué à un taux d’inflation de 4,7 %, soit le taux le plus élevé depuis 18 ans.
La ministre vient tout juste de comparaître devant nous, il y a quelques minutes à peine. Elle soutient que puisque trois autres pays du G7 connaissent une inflation pire que le Canada, nous devrions nous réjouir de la situation. C’est vraiment placer la barre très bas. Incroyable, donc nous sommes heureux et la ministre des Finances est heureuse parce qu’il existe trois autres pays dans le monde où l’inflation est pire qu’au Canada.
En toute franchise, cela ne tient pas la route. C’est tout simplement insensé. Cela ne tient pas la route du tout et c’est une façon complètement irresponsable d’aborder la situation. Je suis assez vieux pour me souvenir d’une des crises économiques les plus existentielles que le Canada ait connue, au milieu des années 1980, et qui a fini par affliger le pays d’une dette dont le remboursement nous a accaparés pendant trois décennies. Il a fallu plusieurs gouvernements successifs, autant libéraux que conservateurs — M. Jean Chrétien, M. Paul Martin, M. Brian Mulroney et M. Stephen Harper —, pour ramasser les pots cassés d’un autre gouvernement Trudeau, en 1984, dont la dette était éléphantesque elle aussi.
Je me souviens qu’au début des années 1980, on entendait le même argumentaire et la même justification : l’inflation est un phénomène mondial. J’ai entendu notre honorable collègue déclarer la même chose dans le discours qu’il a prononcé plus tôt au Sénat en appui au projet de loi. Eh bien, vous savez quoi? Je ne crois pas que dire que c’est un phénomène mondial explique tout, parce qu’au bout du compte, sénateur Boehm, un pays comme le Canada peut changer les choses grâce à sa politique monétaire, à de saines habitudes de dépenses, à de bonnes habitudes fiscales et, surtout, à des gains d’efficience, et ces éléments font tous défaut en ce moment.
Quand on met sur pied des programmes qui se trouvent exploités par le crime organisé et les fraudeurs et que le Parlement ne prend pas le temps de faire un travail consciencieux, bien sûr que cela créera de l’inflation. Cela entraîne une foule de problèmes.
Honorables sénateurs, puisqu’il l’a admis si candidement durant les récentes élections inutiles, nous savons tous que la politique monétaire est le cadet des soucis de Justin Trudeau. C’est ce qu’il a dit. Je n’en croyais pas mes oreilles. Il a dit que cela ne faisait pas partie de ses préoccupations.
Le manque d’intérêt de Justin Trudeau envers la politique financière a été confirmé au début de la semaine dans un article du Globe and Mail . On pouvait y lire que ni M. Trudeau ni sa vice-première ministre ne s’intéressent particulièrement au ministère des Finances. En effet, selon cet article, la ministre des Finances Chrystia Freeland participe rarement à des séances d’information ministérielles, et elle n’a pas parlé à certains ministres depuis des mois.
Dans le cadre de mes questions à Mme Freeland aujourd’hui, je lui ai demandé sérieusement combien de séances d’information sur l’inflation elle avait reçues des divers sous-ministres du ministère. Elle m’a répondu qu’elle parle souvent au téléphone avec son sous-ministre. Eh bien, les sous-ministres délégués ont des rôles à jouer au sein du ministère des Finances. Or, le roulement du personnel au sein du ministère a atteint un niveau record, et la ministre se contente de me servir la même rengaine.
Chrystia Freeland n’est pas une ministre comme les autres, ceux qui ont l’habitude de nous répéter les messages politiques du moment lorsqu’ils témoignent devant nos comités. Elle est la ministre des Finances, et ses prédécesseurs ont placé la barre haute. J’ai l’habitude des ministres des Finances comme Joe Oliver, Paul Martin et Jim Flaherty, qui assumaient la responsabilité des données économiques qu’on nous présentait et des défis de l’heure. Trouver des excuses, dire que trois pays ont des taux d’inflation pires que le nôtre et renvoyer la balle ne sera pas suffisant. Nous avons besoin d’un plan concret. Nous avons besoin d’une reconnaissance de la situation actuelle. Nous avons besoin d’une cible budgétaire. Voilà ce dont nous avons besoin pour les finances publiques du Canada.
Le peu d’intérêt du premier ministre et de la ministre responsable a fait en sorte que le sous-ministre vedette des Finances, Michael Sabia, n’a pas pu freiner les dépenses publiques. C’était pourtant l’une des raisons pour lesquelles il a accepté le poste. M. Sabia est un homme très compétent. Il faut lui permettre de faire son travail.
Scott Clark a été sous-ministre à l’époque de Paul Martin, qui était considéré comme un des ministres libéraux des Finances les plus compétents. Je pense que nous avons tous du respect pour Paul Martin et les services qu’il a rendus à notre pays. Je vais citer son sous-ministre de l’époque :
Le premier ministre actuel ne s’intéresse pas vraiment au ministère des Finances. Si le premier ministre n’est pas vraiment intéressé, pas plus que la ministre des Finances, la personne qui est recrutée importe peu. L’échec est inévitable.
Selon le Globe and Mail, Chris Ragan, directeur de l’École de politiques publiques Max Bell de l’Université McGill, a dit qu’il « […] n’entend pas Mme Freeland parler suffisamment de limites aux dépenses gouvernementales ». Il a ajouté : « On dirait qu’ils ne pensent tout simplement pas qu’il y ait lieu de s’inquiéter. Et c’est ce qui m’inquiète. »
Les Canadiens aussi sont inquiets. Ces dépenses effrénées du gouvernement font grimper le coût de la vie et on n’en voit pas la fin.
Combien d’entre nous sont allés à une station-service dernièrement? Combien d’entre nous se sont rendus dans une épicerie pour acheter un litre de lait, du pain ou des vêtements? L’inflation nuit à la plupart des Canadiens de la classe moyenne et des pauvres. L’inflation n’est bonne que pour les Canadiens riches. Nous ne pouvons donc pas avoir un gouvernement qui dit se soucier énormément de la classe moyenne et des pauvres du Canada, mais qui ne s’inquiète pas de l’inflation. Que c’est juste un genre de phénomène international qui se réglera tout seul, de ne pas nous en faire.
Le Financial Post a récemment prédit que les Canadiens en ressentiraient encore plus les effets en 2022. Le prix des produits essentiels courants grimpe en flèche. Selon la douzième édition du Rapport annuel sur les prix alimentaires 2022 publié par l’Université Dalhousie, l’Université de Guelph, l’Université de Colombie-Britannique et l’Université de la Saskatchewan, les dépenses alimentaires devraient augmenter de 1 000 $ cette année. Comme je l’ai déjà dit à maintes reprises, 1 000 $, c’est beaucoup d’argent pour bien des familles canadiennes.
Le coût du logement est en hausse de 4,8 % et celui de l’énergie, d’un impressionnant 25,5 %. Nous vivons dans un pays froid. Les Canadiens doivent dépenser beaucoup pour se chauffer. Le prix de l’essence, lui, a connu une hausse astronomique de 41,7 %.
Bien entendu, la ministre des Finances est heureuse. Ses revenus sont en hausse. Par contre, cette hausse se produit au détriment de la pauvre classe moyenne du Canada, qui ne peut se le permettre.
C’est simple, honorables sénateurs. Dépenser plus d’argent pour acheter moins de biens, cela signifie une hausse des prix. C’est le b.a.-ba de l’économie. Je ne suis pas économiste, ce n’est que le gros bon sens. Un demi-billion de dollars de déficit se font concurrence pour des biens peu abondants et font grimper les prix.
Le très vénéré économiste américain Thomas Sowell a déjà publié un article dans lequel il explique comment les diverses catégories d’impôts affectent certaines personnes plus durement que celles qui signent les chèques pour payer le gouvernement. Les entreprises peuvent refiler le total de leurs impôts aux consommateurs. Les cotisations sociales ou les prestations d’emploi imposées par le gouvernement peuvent être assumées par l’employeur, réduisant ainsi la valeur de ses employés. Son article était vraiment bien rédigé.
Pour illustrer l’argument selon lequel un gouvernement peut cibler une tranche de la société pour lui faire payer de l’impôt ou des cotisations sociales dans le but d’en faire profiter le reste de la société, pensons à un concessionnaire automobile qui afficherait une bannière sur laquelle on pourrait lire : « Nous escroquons votre voisin pour vous faire économiser. »
Thomas Sowell a ajouté ceci :
L’économie n’est pas un jeu à somme nulle où certains font des gains tandis que d’autres sont des perdants. C’est toute l’économie qui perd des plumes quand des politiques mal conçues servent à faire un gain politique, mais à étouffer la croissance économique.
De l’avis de Sowell, l’impôt le plus élevé n’est pas une ponction fiscale, c’est l’inflation. C’est exactement là où je veux en venir, chers collègues. L’inflation fait souffrir les Canadiens les plus pauvres et appauvrit la classe moyenne, pendant que les riches s’esclaffent en voyant leur compte de banque.
Quand le gouvernement dépense l’argent qu’il a créé, il transfert une part de la valeur de cet argent dans ses propres coffres. Cela s’appelle de l’impôt silencieux, mais ce sont souvent tous les contribuables qui en paient le prix, aussi pauvres qu’ils puissent être.
Honorables sénateurs, le gouvernement a muselé l’homme qui croyait avoir été embauché pour freiner les dépenses publiques et stimuler la croissance économique, j’ai nommé : Michael Sabia, sous-ministre des Finances. Comme le Globe and Mail l’a souligné, le gouvernement Trudeau préfère imposer les sociétés et les Canadiens riches pour financer de nouvelles dépenses publiques. L’ensemble de l’économie et tous les Canadiens sont pénalisés à cause de ces politiques irréfléchies. Ceux qui en profitent, ce sont les riches. Les grands perdants sont les pauvres.
Je précise que, depuis le début de la pandémie, les conservateurs appuient le fait d’aider les Canadiens qui ne peuvent pas travailler en raison des restrictions du gouvernement. Aujourd’hui, nous appuyons les travailleurs du secteur du tourisme et de l’hôtellerie touchés par les restrictions concernant les voyages. C’est pourquoi les conservateurs ont présenté une motion pour scinder le projet de loi en deux afin de fournir plus rapidement de l’aide à ceux qui en ont désespérément besoin.
(1940)
Ce que nous ne soutenons pas, ce sont les dépenses excessives, les abus, l’inflation galopante, les recettes qui vont dans les poches du crime organisé et des entreprises contrôlées par l’État chinois — alors que ce pays est en train de commettre un génocide, sans parler du fait qu’il détenait alors deux Canadiens prisonniers en otage. Ce que nous ne soutenons pas, honorables collègues, c’est le manque de mécanismes de contrôle, de vérification, de suivi et d’examen.
À ce sujet, je conclurai en mentionnant le témoignage rendu lundi dernier par la vérificatrice générale au Comité des finances de la Chambre des communes, où le projet de loi était à l’étude. Elle parlait du travail de son bureau pour réaliser un audit sur la Prestation canadienne d’urgence, qui a été conçue en mettant largement l’accent sur le fait que l’argent devait être distribué rapidement et que des vérifications après paiements seraient faites, afin de s’assurer que ces paiements avaient été versés à la bonne personne. Pourtant, ces vérifications ne semblent pas avoir été faites. Je cite la vérificatrice générale :
D’après nos travaux d’audit sur la conception initiale des programmes, les deux programmes devront s’appuyer fortement sur la vérification après paiement, ce qui prendra du temps et sera coûteux.
Elle ajoute :
Le travail après paiement sur ces deux programmes devait faire l’objet d’un audit de mon bureau devant commencer début 2022. Cependant, l’Agence nous a informés qu’elle a reporté ou retardé ses travaux et qu’il est très peu probable qu’une quantité importante de travaux après paiement soit achevée d’ici 2023. Étant donné qu’il y aura très peu de choses à auditer, nous avons reporté notre travail.
Autrement dit, comme l’a dit clairement le porte-parole de mon parti pour ce projet de loi à la Chambre, malgré le fait que le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, ou CANAFE, a découvert que des gens vivant à l’étranger ont reçu la Prestation canadienne d’urgence, que certaines personnes ont reçu deux ou trois versements de cette prestation en moins d’une semaine et qu’un tribunal légitime du Québec a confirmé que des organisations criminelles avaient touché la Prestation canadienne d’urgence, l’Agence du revenu du Canada n’a toujours pas vérifié si les bénéficiaires de ce programme y étaient admissibles et ne le fera probablement pas pour une bonne partie de ces bénéficiaires même d’ici 2023.
Honorables sénateurs, je le répète, cela n’a rien à voir avec de la politique partisane. Cela a à voir avec la raison pour laquelle nous avons tous été nommés au Sénat, c’est-à-dire représenter nos régions, nos concitoyens et les contribuables qui s’attendent à ce que leur gouvernement fonctionne de manière efficace et efficiente.
Honorables sénateurs, étant donné tous les problèmes dont je viens de faire état, nous devrions soumettre ce projet de loi à un processus d’approbation rigoureux, l’étudier en comité, en débattre, questionner le gouvernement à son sujet, entendre des témoins et nous assurer qu’il prévoit des mesures de sauvegarde adéquates pour prévenir la fraude, protéger les contribuables et favoriser le retour à la prudence économique en ce pays. Nous demander de l’approuver aveuglément est, une fois de plus, un véritable affront envers cet endroit et tous les sénateurs, quelle que soit leur affiliation politique ou quel que soit leur groupe d’appartenance, devraient s’en indigner.
Je signale à mes collègues qui sont au Sénat depuis peu que ce n’est pas nouveau. Je parle du fait de recevoir un projet de loi à la dernière journée de séance et d’entendre le gouvernement nous dire, depuis l’autre endroit : « Il faut l’adopter, car sinon, les torts seront supérieurs aux avantages. » En définitive, on nous demande de légiférer avec un couteau sur la gorge, et non de procéder à un second examen objectif. On nous cajole et on nous tord le bras, et ce, très souvent. C’est cela, de la politique partisane. C’est à cela que l’on se livre de l’autre côté : des pressions publiques, des cajoleries, des menaces, et j’en passe. Nous nous enorgueillissons d’être la Chambre de second examen objectif, celle qui peut prendre du recul. Au cours des dernières années, nous avons tiré une fierté réelle du fait que nous sommes indépendants.
Les sénateurs savent-ils d’où vient notre indépendance? J’en parle constamment. Elle vient du fait que nous sommes nommés à titre inamovible, ce qui est un énorme privilège. Peu importe qui vous a nommé, s’il s’agit d’un premier ministre libéral ou conservateur. Peu importe de quel côté ou dans quel groupe on choisit de siéger. Je vais conclure sur ceci : nous ouvrons les vannes avec le projet de loi et le vote de ce soir — car il sera adopté. Nous en sommes conscients. Nous l’adoptons en raison des pressions que l’on exerce sur nous. Nous n’envisagerons pas des amendements légitimes qui méritent un examen légitime.
Divers sénateurs, dont le sénateur White, ont des préoccupations légitimes qui permettraient d’améliorer le projet de loi et d’en accroître l’efficience, mais ils se sentent sous pression parce qu’on nous dit qu’on ne peut pas rappeler la Chambre des communes pour qu’elle étudie nos amendements, qu’on ne peut pas faire ceci ou cela. Au final, chers collègues, nous approuvons une mesure de 7 milliards de dollars à la vitesse grand V, sans prendre le temps de l’examiner avec toute l’attention nécessaire. Comme tous les sénateurs, quand je fais un achat pour la maison, quand nous changeons le système de climatisation, la cuisinière ou le frigo, nous prenons le temps de magasiner et de faire nos devoirs — mon épouse est d’ailleurs un as du magasinage. Bref, nous portons plus d’attention à cet achat que nous ne le faisons au Sénat aujourd’hui, alors qu’il s’agit d’un achat de 7 milliards de dollars. Nous l’avons fait à répétition, 400 milliards de fois, et c’est l’une des causes de la mauvaise utilisation des ressources qui se produit parfois : elle se produit parce que nous n’avons pas fait preuve de la diligence requise, ce qui a mené à l’inflation, et ce n’est qu’un début.
Honorables collègues, comme je l’ai dit, nous disons sans cesse qu’une telle situation ne devrait jamais se produire de nouveau, mais elle se reproduit sans arrêt. J’exhorte tout le monde à trouver la volonté politique nécessaire pour corriger la situation. Les Canadiens en ont besoin. Si nous voulons que cette institution demeure pertinente et le soit davantage, l’important n’est pas de se demander si nous sommes partisans, si nous sommes indépendants ou si nous suivons telle ou telle stratégie politique au Sénat, mais plutôt de veiller à ce que nous remplissions notre mandat constitutionnel en faisant le nécessaire pour exiger des comptes à l’autre endroit et au gouvernement.
Merci, honorables collègues.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Boehm, avec l’appui de l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.
Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : J’ai entendu un non. Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent. Je vois deux sénateurs se lever.
Et deux honorables sénateurs s’étant levés :
Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?
Une voix : Quinze minutes.
Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 20 h 1. Convoquez les sénateurs.
(2000)
La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté :
POUR
Les honorables sénateurs
Anderson | Harder |
Arnot | Hartling |
Audette | Jaffer |
Black | Klyne |
Boehm | LaBoucane-Benson |
Boniface | Lankin |
Bovey | Loffreda |
Boyer | Marwah |
Brazeau | McCallum |
Busson | McPhedran |
Campbell | Mégie |
Clement | Mercer |
Cordy | Miville-Dechêne |
Cormier | Moncion |
Coyle | Moodie |
Dasko | Omidvar |
Deacon (Nouvelle-Écosse) | Pate |
Deacon (Ontario) | Quinn |
Dean | Ravalia |
Downe | Ringuette |
Duncan | Saint-Germain |
Dupuis | Simons |
Forest | Sorensen |
Francis | Tannas |
Gagné | Wetston |
Galvez | White |
Gerba | Woo |
Gignac | Yussuff—57 |
Gold |
CONTRE
Les honorables sénateurs
Ataullahjan | Martin |
Batters | Mockler |
Boisvenu | Oh |
Carignan | Patterson |
Housakos | Poirier |
MacDonald | Richards |
Manning | Smith—15 |
Marshall |
ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun
(2010)
Le Code criminel
Le Code canadien du travail
Projet de loi modificatif—Première lecture
Son Honneur le Présidentannonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-3, Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail, accompagné d’un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
(À 20 h 15, le Sénat s’ajourne jusqu’à 10 heures demain.)