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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 22

Le mardi 1er mars 2022
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 1er mars 2022

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée internationale des femmes

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, le 8 mars marque la Journée internationale des femmes. Voici le thème de cette année : #BreakTheBias

Au Canada, le gouvernement a choisi le thème « L’inspiration au féminin », et il invite la population à saluer les femmes qui inspirent et font preuve de leadership dans les sphères sociale, économique, environnementale, culturelle et politique.

Imaginez un Canada diversifié, équitable et inclusif où toutes les jeunes femmes et les jeunes filles sont incitées à viser et à saisir les occasions de leadership, à l’abri des influences, des stéréotypes et de la discrimination.

En 2008, une femme sur quatre dans les établissements carcéraux fédéraux était Autochtone alors que les Premières Nations ne représentent que 4 % de la population totale. En 2016, cette proportion était passée à une femme sur trois et, en 2022, elle approche une femme sur deux.

Les injustices signalées il y a 30 ans contre les femmes autochtones criminalisées et emprisonnées persistent toujours. La majorité de ces femmes ont fréquenté les pensionnats autochtones ou ont un membre de leur famille qui y est allé. Bon nombre d’entre elles appartiennent aux générations volées. Par surcroît, plus de neuf de ces femmes sur dix ont été victimes d’abus physiques ou sexuels, ou les deux.

Les problèmes à l’origine de la disparition et de l’assassinat des femmes autochtones sont les mêmes qui les conduisent à l’itinérance et à constituer la population carcérale qui croît le plus rapidement.

Il est temps que nous consentions un effort collectif pour déboulonner les préjugés systémiques liés à la classe sociale, au sexisme et au racisme. Parmi les femmes purgeant une peine dans un établissement fédéral, une sur deux est Autochtone et une sur dix est Noire. Imaginez si ces chiffres correspondaient à la proportion de femmes occupant un poste de direction dans les milieux des affaires, de l’éducation et du gouvernement. Imaginez comment un espace public plus inclusif et égalitaire pourrait bénéficier à l’ensemble de la société et l’enrichir.

Au Canada, imaginez ce que pourrait signifier l’actualisation des thèmes de la Journée internationale des femmes de 2022 si nous prenions des mesures pour établir et renforcer des mesures de soutien et des systèmes sociaux, économiques et sanitaires inclusifs, équitables et accessibles. Imaginez que nous rallions les gens au lieu de les pousser en marge de la société, où ils finissent par être attirés par des idées antigouvernementales, antidémocratiques et anti-égalitaires ou par se faire plus facilement leurrer par ces idées. Imaginez que nous mettions en œuvre tous les appels à la justice lancés par l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. De plus, cette année, il y a un poste vacant jusqu’à présent et nous espérons vraiment que les prochains juges à être nommés à la Cour suprême du Canada seront des femmes autochtones et noires.

Honorables sénateurs, brisons vraiment les préjugés et encourageons le leadership des femmes dans tous les domaines. Meegwetch, d’akuju, merci.

L’Ukraine—Les agissements de la Russie

L’honorable Peter Harder : Honorables sénateurs, voici une lettre à Igor Chouvalov :

Je vous écris en tant qu’ami et ancien collègue pour vous faire part de ma vive opposition aux actions offensives entreprises par les forces armées russes en Ukraine. Notre travail ensemble au milieu des années 2000 semble à des lieux de l’agression, de la violation du droit international et de la destruction dont l’Ukraine a été victime ces derniers jours. Je garde un excellent souvenir de votre travail en tant que représentant personnel du président et principal sherpa pour le sommet de 2006 à Saint-Pétersbourg. Nos visites dans diverses régions de la Russie et nos discussions sur les questions politiques et économiques importantes de l’époque ont été enrichies par vos perspectives et votre expérience.

Je me souviens très bien de ma visite dans votre bureau à l’époque. C’était le bureau de Léonid Brejnev, situé dans l’ancien bâtiment du Parti communiste soviétique. Vous aviez pris plaisir à me montrer les boutons électroniques sur le côté de votre bureau, un vestige de l’époque de Brejnev. Vous avez appuyé sur un bouton, et les rideaux du mur latéral se sont ouverts. Vous avez appuyé sur un autre bouton, et une carte de l’URSS s’est déroulée, ainsi qu’une autre carte indiquant l’emplacement des ogives nucléaires de l’époque. Puis, vous avez appuyé sur un troisième bouton, et une carte indiquant l’emplacement des troupes soviétiques stationnées sur le territoire visé par le Pacte de Varsovie s’est déroulée. Nous avons parlé du fait que l’époque de la guerre froide était révolue et nous nous sommes réjouis de la participation de la Russie au G-8 et à d’autres institutions multilatérales. Vous m’avez ensuite emmené au bout du couloir, à quelques pas de votre bureau, dans une grande salle de réunion lambrissée de chêne où se trouvait une table rectangulaire gigantesque pouvant accueillir plusieurs dizaines de fonctionnaires. En entrant, vous avez déclaré que c’était dans cette salle qu’avait été prise la décision fatidique d’envahir l’Afghanistan en décembre 1979. Une décision, nous en avons convenu, qui a largement contribué à l’effondrement de l’ancienne Union soviétique dix ans plus tard. L’occupation de ce pays a entraîné non seulement la perte de nombreuses vies, mais aussi des difficultés économiques qui ne pouvaient être ni justifiées ni soutenues. Nous avons également parlé de l’Ukraine. Je vous ai raconté que mes parents avaient quitté l’Ukraine en 1924 pour venir au Canada et que Staline s’était occupé des membres de ma famille restants. Vous avez parlé avec affection de l’Ukraine et dit que les Ukrainiens étaient vos « cousins ».

Igor, cela semble si loin aujourd’hui. L’ère d’espoir est révolue. Les tensions de la guerre froide sont de retour. L’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie est en cours. Je ne sais pas de quoi auront l’air les prochains jours, mais je sais qu’on ne fait pas subir une telle effusion de sang à des cousins.

Ce n’est pas le temps de débattre sur la façon dont nous en sommes arrivés à ce point. Il y aura un moment pour cela, et je suis certain que nous conviendrons tous deux qu’il y a eu des occasions ratées en ce qui a trait à la diplomatie.

Ce que je sais, toutefois, c’est que nos successeurs visiteront un jour le Kremlin, comme je l’ai fait en 2006, et seront emmenés à ce qui sera alors l’ancien bureau du président Poutine. On leur dira que c’est l’endroit où la décision fatidique d’envahir l’Ukraine a été prise, avec les terribles conséquences que cette décision aura eues. Ce jour n’est peut‑être pas près d’arriver, mais il arrivera assurément.

Bien que vous ne soyez plus premier vice-premier ministre, je sais que votre voix porte encore à ce jour, particulièrement en ce qui a trait aux enjeux économiques internationaux. Dans vos fonctions actuelles de président d’une société d’État pour le développement, je vous exhorte à élever votre voix pour mettre fin à cette invasion d’un pays souverain, en particulier un pays avec qui nous entretenons des relations familiales et historiques.

Nos enfants et petits-enfants méritent mieux.

Cordialement, Peter.

[Français]

Le Mois de la sensibilisation à la dégénérescence maculaire liée à l’âge

L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénatrices, honorables sénateurs, le mois de février est le Mois de la sensibilisation à la dégénérescence maculaire liée à l’âge.

La dégénérescence maculaire liée à l’âge, ou DMLA, est une maladie incurable qui provoque une perte progressive de la vision, une vision trouble et une distorsion visuelle, qui finit par entraîner des taches sombres dans la vision et la cécité légale. La DMLA provoque la dégradation de la macula, la partie de la rétine qui permet de voir les détails.

Près de 2 millions de Canadiens et 196 millions de personnes dans le monde sont atteints de la DMLA. Il s’agit de la principale cause de perte de vision chez les personnes de plus de 50 ans. Elle représente 90 % des nouveaux cas de cécité au Canada. Il s’agit d’un grave problème qui ne fera qu’empirer avec le vieillissement de la population.

Il est très probable que vous connaissiez quelqu’un atteint de la DMLA, une maladie qui chamboule la vie de Canadiens et qui les prive de leur qualité de vie à la retraite. Au fil du temps, les personnes atteintes perdent la capacité de conduire une voiture, de lire un livre, de pratiquer de nombreux sports et activités, de vivre une retraite confortable et indépendante, ce qu’elles mériteraient pourtant après avoir travaillé dur toute leur vie. Elles ne peuvent plus habiter dans leur maison et sont forcées de déménager dans un endroit où on s’occupera d’elles. C’est un diagnostic bouleversant, principalement parce qu’il n’existe pas de remède.

(1410)

Grâce à la recherche menée au Canada, il y a de l’espoir. Un traitement est en cours d’élaboration et les essais cliniques sont encourageants. Un nouveau traitement attend l’approbation réglementaire de Santé Canada. Il pourrait avoir d’importantes répercussions positives pour les millions de Canadiens et de Canadiennes qui souffrent de DMLA.

Veuillez vous joindre à moi pour accroître la sensibilisation à la DMLA. Soutenons nos compatriotes canadiens dans leur lutte et appuyons la mise au point et l’homologation de traitements contre cette maladie dévastatrice.

Merci.

[Traduction]

L’Ukraine—Les agissements de la Russie

L’honorable Patti LaBoucane-Benson : Honorables sénateurs, depuis six jours, les Canadiens regardent l’horrible et violente attaque menée par la Russie contre l’Ukraine. Témoins d’une guerre menée contre des Ukrainiens innocents, nous sommes choqués par cet assaut contre un pays libre, fier et démocratique. Des marches de protestation ont eu lieu partout au Canada en fin de semaine en solidarité avec l’Ukraine et par égard pour la crainte qu’éprouvent des centaines de milliers de Canadiens d’origine ukrainienne pour la sécurité de leurs proches là-bas.

Même si je vous parle aujourd’hui des terres traditionnelles du peuple algonquin anishinaabe, je vis sur le merveilleux territoire du Traité no 6, où nous sommes tous visés par les traités. Même si le peuplement du Canada est une histoire de colonisation et d’aliénation, il existe aussi de nombreuses histoires de bonté, de compassion et de collaboration en vue d’en retirer des avantages mutuels.

Le chef Billy Morin, de la nation crie d’Enoch, a écrit ceci :

Les familles ukrainiennes ont été parmi les premières à venir s’installer sur le territoire du Traité no 6, avant même que l’Alberta ne devienne une province. Il existe de nombreux exemples d’amitié entre les peuples autochtones et ukrainiens qui illustrent l’esprit et l’intention du Traité no 6.

Je suis totalement d’accord. Les Ukrainiens et les Autochtones ont tissé des liens très étroits et ces liens existent encore de nos jours. Je peux vous garantir que je ne suis pas la seule Métisse à avoir des ancêtres ukrainiens en Alberta. Soulignons les relations importantes entre les femmes autochtones et les immigrantes ukrainiennes à l’époque de la colonisation. Toutes ces femmes avaient vécu le traumatisme de l’oppression — que ce soit ici ou en Ukraine — et elles essayaient d’élever des enfants en santé malgré les épreuves. Les femmes autochtones ont partagé leur savoir sur les plantes indigènes et les remèdes locaux pour préserver la santé de leur famille. Les Ukrainiennes ont partagé leurs recettes faites à partir des ingrédients cultivés sur leurs terres : les pérogies, les holopchis, les pirojkis.

Les Ukrainiennes ont également fait connaître aux femmes autochtones les foulards qu’elles avaient coutume de porter sur leur tête. Les femmes autochtones portent ces belles pièces de tissu pour vaquer à leurs activités quotidiennes depuis des années. De nos jours, on retrouve ces foulards à l’île de la Tortue comme accessoire ou tenue cérémoniale lors des pow-wow. Depuis près d’une semaine, mes comptes de réseaux sociaux sont inondés de publications pour démontrer du soutien et de l’admiration au courageux Ukrainiens. De nombreuses femmes autochtones ont publié des photos d’elles arborant de beaux foulards aux motifs floraux, avec la légende « Portez votre foulard de Kokum pour afficher votre solidarité envers l’Ukraine ».

Chers collègues, ces foulards sont devenus un symbole d’empathie, d’union, de résilience et de solidarité. Ils sont le fruit des échanges commerciaux et de la collaboration entre les Autochtones et les colons ukrainiens. Ils représentent le partage des ressources et la sagesse, la collaboration et l’entraide.

Chers collègues, je porte ce foulard aujourd’hui comme symbole de solidarité, mais aussi comme signe des traumatismes que la guerre et la souffrance infligeront aux Ukrainiens pour les années à venir. J’espère sincèrement que le gouvernement du Canada va continuer de déployer des efforts non seulement pour mettre fin à cette guerre, mais aussi pour rebâtir l’Ukraine et aider le peuple ukrainien à guérir dans le même esprit d’amitié qui existe sur le territoire du Traité no 6 depuis tant d’années.

Slava Ukraini. Gloire à l’Ukraine. Hiy hiy.

Le Concours international d’études de cas John-Molson

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour attirer votre attention sur la 14e édition du Concours international d’études de cas John-Molson à l’intention des étudiants de premier cycle, et pour rendre hommage à mon alma mater, l’Université Concordia.

Du 28 février au 5 mars, l’École de gestion John-Molson de l’Université Concordia tiendra son concours international d’études de cas à l’intention des étudiants de premier cycle. Pendant une semaine, des équipes d’étudiants en gestion du monde entier pourront s’affronter et résoudre des études de cas en direct. Fortes de leurs compétences, de leurs connaissances et de leur débrouillardise, les équipes présenteront leur analyse à un jury composé de spécialistes de l’industrie qui évalueront leur travail et établiront un classement. J’aurai, une fois de plus, l’honneur de servir de juge samedi, lors de la finale. En fait, je contribue à ce concours depuis sa création en 2009.

Chaque année, je suis époustouflé par le sens aigu des affaires et l’intelligence générale des étudiants qui prennent part au concours. Ils brillent par leur passion, leur esprit et leur dynamisme, les trois piliers décrits dans l’énoncé de mission du concours. Une chose est sûre : les dirigeants d’entreprise et les entrepreneurs de demain sont prêts à partir à l’assaut du monde. Leur intelligence et leur cœur — une combinaison parfaite — les aideront sûrement à réussir dans la vie. Ils sont vraiment impressionnants.

Au fil des ans, j’ai pu constater de mes propres yeux à quel point ce concours peut changer la vie de ces étudiants et les former. Ils acquièrent des compétences durables qui leur permettront de devenir de meilleurs entrepreneurs et gens d’affaires, mais surtout de meilleurs citoyens du monde. Parmi ces compétences figurent la réflexion stratégique, la résolution innovante de problèmes et la prise de décisions judicieuses.

Depuis sa création, le Concours international d’étude de cas John-Molson est devenu le plus grand en son genre et réunit chaque année 28 universités de partout dans le monde. Au total, 54 cas ont été analysés et près de 1 400 étudiants universitaires ont concouru. À mon avis, ce qui rend ce concours si populaire et si attrayant pour les étudiants, c’est le fait qu’il se déroule dans l’une des plus belles villes du monde et qu’il est organisé par l’une des grandes institutions postsecondaires du Canada. Malheureusement, pour la deuxième fois consécutive, le concours se déroule de manière virtuelle cette année et les concurrents n’ont pas pu explorer tous les sites et les sons que Montréal a à offrir.

Honorables sénateurs, joignez-vous à moi pour féliciter le comité organisateur de cette année d’avoir tenu un autre événement de calibre mondial malgré les défis liés à la pandémie et pour souhaiter à tous les participants un concours passionnant et mémorable.


AFFAIRES COURANTES

La Loi sur la sécurité de la vieillesse

Projet de loi modificatif—Présentation du troisième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

L’honorable Ratna Omidvar, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant :

Le mardi 1er mars 2022

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l’honneur de présenter son

TROISIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-12, Loi modifiant la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Supplément de revenu garanti), a, conformément à l’ordre de renvoi du 24 février 2022, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La présidente,

RATNA OMIDVAR

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons‑nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Cordy, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Le Budget des dépenses de 2022-2023

Préavis de motion tendant à autoriser le Comité des finances nationales à étudier le Budget principal des dépenses

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget principal des dépenses pour l’exercice se terminant le 31 mars 2023;

Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.

(1420)

[Français]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Pierrette Ringuette dépose le projet de loi S-239, Loi modifiant le Code criminel (taux d’intérêt criminel).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons‑nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Ringuette, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après‑demain.)

[Traduction]

Sécurité nationale et défense

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l’article 12-18(2) du Règlement, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé, pour le reste de la présente session, à se réunir à l’heure habituelle approuvée telle qu’établie par le troisième rapport du Comité de sélection, adopté par le Sénat le 7 décembre 2021, le lundi précédant immédiatement un mardi où le Sénat doit siéger, même si le Sénat est alors ajourné pour une période de plus d’une semaine.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La défense nationale

La souveraineté dans l’Arctique

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse encore une fois au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, le Canada affiche sa solidarité avec l’Ukraine et son peuple. L’attaque de l’Ukraine par la Russie devrait nous alarmer vu l’ampleur du manque de préparation du gouvernement Trudeau pour défendre la souveraineté et la sécurité du Canada, surtout dans l’Arctique.

L’an dernier, monsieur le leader, des avions de chasse russes ont survolé des eaux revendiquées par le Canada au pôle Nord. Le gouvernement du Canada n’a pas réagi. En 2017, le gouvernement a publié un énoncé de sa politique de défense qui promettait de moderniser le Système d’alerte du Nord. Rien de cela ne s’est produit. Le gouvernement a promis de faire un appel d’offres pour remplacer nos avions de chasse vieux de 40 ans. Cela n’a pas été fait. Il a promis des véhicules aériens sans pilote pour surveiller les eaux canadiennes. Rien n’a été fait.

Monsieur le leader, quand le gouvernement compte-t-il procéder à ces modernisations grandement nécessaires, et quelles formes prendront-elles?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour votre question. Le gouvernement du Canada est résolu à défendre la souveraineté du Canada, surtout dans l’Arctique. Il est au courant des questions que vous avez soulevées et s’affaire à fournir les biens physiques et le soutien nécessaires pour veiller à préserver notre souveraineté.

Le sénateur Plett : Vous avez répété ce que j’ai dit, monsieur le leader. Je vous ai posé une question. Que va-t-on faire et quand le fera-t-on? Vous dites que le gouvernement est résolu à faire quelque chose. C’est aussi ce que j’ai lu. J’ai lu ce qu’il a promis de faire. Monsieur le leader, il faut donner des réponses dans cette enceinte au lieu de répéter simplement nos questions.

Monsieur le leader, j’ai d’autres questions inscrites au Feuilleton auxquelles le gouvernement n’a pas répondu. Elles portent sur l’état de la défense au Canada et sur l’état de préparation de la Garde côtière. Par exemple, quelle est l’estimation des coûts de construction de deux brise-glaces polaires? Quand commencera‑t‑on à construire les brise-glaces de taille moyenne? Pourquoi la mise en œuvre du plan de modernisation des hélicoptères de recherche et de sauvetage a-t-elle été suspendue, selon l’information que nous avons reçue? Quand les avions de chasse usagés que le gouvernement Trudeau a achetés à l’Australie, en 2018, seront-ils entièrement opérationnels?

Monsieur le leader, pourquoi ne donne-t-on aucune réponse, sauf pour dire que le gouvernement est résolu? Le gouvernement Trudeau compte-t-il remettre constamment les décisions à plus tard et nous dire simplement qu’il est résolu à agir au lieu de faire quelque chose de concret?

Le sénateur Gold : La réponse à votre question est non. Les questions que vous soulevez sont importantes et légitimes. Elles ont été transmises au gouvernement. Les sénateurs devraient savoir que notre bureau travaille fort pour faire comprendre au gouvernement à quel point recevoir des réponses en temps opportun est important pour les sénateurs — et à vrai dire pour mon bureau, puisque je dois représenter le gouvernement devant vous —, et nous allons poursuivre nos efforts. J’espère que vous pourrez obtenir vos réponses en temps opportun. Nous faisons de notre mieux pour que cela se produise.

[Français]

Les finances

Le gel de comptes bancaires

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Le 18 février dernier, la ministre des Affaires étrangères, pour justifier l’utilisation de la Loi sur les mesures d’urgence, a dit ce qui suit :

[...] nous savons qu’il y a une ingérence étrangère et c’est pourquoi nous avons décidé d’aller de l’avant.

Cela dit, en parlant du financement, elle a aussi affirmé ceci : « [...] cette campagne d’information, d’où vient-elle, son financement, d’où vient-il? »

Ces motifs ont servi à justifier la saisie des comptes bancaires de personnes qui ont participé aux différentes manifestations. Selon vous, ces motifs justifiaient-ils la violation de l’article 8? S’agissait‑il d’une raison suffisamment urgente, réelle et grave pour justifier la saisie de comptes bancaires sans mandat?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de cette question.

Comme je l’ai expliqué à plusieurs reprises la semaine dernière, le gouvernement était convaincu que toutes les mesures mises en place et l’invocation des mesures d’urgence étaient nécessaires pour répondre à la crise.

Heureusement, l’état d’urgence est terminé et les mesures qui avaient été mises en place ne le sont plus.

Le sénateur Carignan : Lors de la levée de l’état d’urgence, la ministre des Finances Chrystia Freeland a déclaré ce qui suit : « Les comptes ont été gelés pour convaincre les gens qui faisaient partie des occupations et blocages illégaux de partir. »

Comment pouvez-vous justifier une saisie de comptes bancaires sans mandat et sans autorisation judiciaire, avec le seul objectif de convaincre les gens de déplacer des véhicules stationnés sur la rue Wellington?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de cette question. Encore une fois, la réponse est claire : toutes ces mesures étaient nécessaires pour mettre fin à cette occupation à Ottawa qui a causé beaucoup de torts, non seulement aux résidants d’Ottawa, mais aussi ailleurs au Canada.

(1430)

Le patrimoine canadien

Le prochain plan d’action pour les langues officielles

L’honorable René Cormier : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

[Traduction]

Je voudrais d’abord souligner qu’il s’agit de la dernière semaine de la sénatrice Griffin dans cette enceinte. Je veux la remercier chaleureusement du travail qu’elle a fait au nom de tous les Canadiens, en particulier de ceux des Maritimes. Merci, sénatrice Griffin.

[Français]

Sénateur Gold, en ce Mois de la Francophonie et en ce jour mémorable du dépôt à la Chambre des communes du projet de loi C-13 visant à moderniser la Loi sur les langues officielles, je suis ravi de rappeler les résultats d’un récent sondage d’opinion publique. Celui-ci a été mené à l’automne dernier par Environics Research pour le compte du Commissariat aux langues officielles et révèle que plus de 87 % des Canadiens et des Canadiennes appuient les langues officielles. Le commissaire aux langues officielles, M. Raymond Théberge, a d’ailleurs noté que les chiffres du sondage devraient, et je cite, « aider les dirigeants à élaborer le prochain Plan d’action sur les langues officielles ».

Il va sans dire que le Plan d’action pour les langues officielles qui vient à échéance en 2023 est une mesure positive clé pour favoriser l’épanouissement et la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Ma question est la suivante, sénateur Gold. Quand le gouvernement compte-t-il entreprendre la rédaction du prochain plan d’action pour les langues officielles? De plus, comment entend-il consulter et prendre en compte les besoins des communautés de langue officielle en situation minoritaire dans ce processus de rédaction?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie d’avoir soulevé cette question.

En effet, comme vous l’avez mentionné, le Plan d’action pour les langues officielles actuel est en vigueur jusqu’en 2023. On m’avise que le gouvernement entame des consultations sur le prochain plan d’action sous peu et que les détails à ce sujet devraient être annoncés dans les prochains mois.

Le sénateur Cormier : Sénateur Gold, actuellement, selon le Plan d’action sur les langues officielles 2018-2023, le gouvernement s’est engagé à verser un montant de 2,5 millions de dollars sur cinq ans à des initiatives menées par des partenaires comme la Ville d’Ottawa. Nous le savons, les municipalités, particulièrement les municipalités en milieu minoritaire, ont un rôle crucial à jouer pour appuyer le développement et l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Sénateur Gold, bien que les municipalités relèvent de la compétence des provinces, comment le gouvernement fédéral va‑t‑il appuyer leur apport inestimable au développement et à l’épanouissement des communautés linguistiques, que ce soit par l’entremise d’une disposition dans la nouvelle mouture de la loi, de mesures ciblées dans le prochain plan d’action sur les langues officielles ou par d’autres moyens?

Le sénateur Gold : Je vous remercie pour la question. Depuis son entrée en fonction en 2015, le gouvernement a fait des investissements importants en matière de langues officielles, lesquels renforcent d’ailleurs les institutions et les infrastructures qui soutiennent les communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM). Dans le cadre de ces obligations positives à l’égard de la Loi sur les langues officielles, le gouvernement encourage et appuie les gouvernements à favoriser le développement des minorités francophones et anglophones, notamment en leur offrant des services municipaux dans les deux langues officielles et en leur permettant de recevoir des instructions dans leur propre langue.

Je note de surcroît que la nouvelle mouture du projet de loi inclut l’appui aux organismes sans but lucratif qui offrent des services innombrables en soutien aux CLOSM.

[Traduction]

L'immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les réfugiés ukrainiens

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, j’aimerais moi aussi féliciter la sénatrice Griffin de son travail remarquable au Sénat.

Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, il y a quelques semaines à peine, Sean Fraser, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, a présenté un plan d’immigration ambitieux. Cependant, comme nous le savons, les événements bouleversent les plans, et ceux de la dernière semaine en Ukraine peut-être encore plus que la plupart des autres.

Le gouvernement prendra-t-il des engagements supplémentaires permettant d’accueillir une vague de réfugiés ukrainiens sans empiéter sur ses engagements envers les réfugiés afghans, entre autres?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice. Permettez-moi de joindre ma voix à celles de mes collègues pour féliciter la sénatrice Griffin de ses contributions au fil des ans.

Les circonstances dans lesquelles des Ukrainiens cherchent à fuir, à l’instar des Afghans et d’autres, sont tragiques. Je ne peux donner de réponse définitive à votre question. Je me renseignerai, mais je peux vous dire ceci : depuis maintenant plus d’un mois, le gouvernement accorde la priorité au traitement des demandes provenant de l’Ukraine et il renforce sa capacité opérationnelle dans la région. Depuis le 19 janvier, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a approuvé près de 2 000 demandes émanant d’Ukrainiens et de personnes vivant en Ukraine dans le cadre de divers programmes. Le gouvernement a annoncé des mesures supplémentaires — dont je ne vous ferai pas la liste, chers collègues — pour soutenir les citoyens ukrainiens et canadiens vivant dans la région, notamment en établissant un mode de service réservé aux demandes faites par les Ukrainiens et ainsi de suite. À mesure que la situation évolue, le gouvernement prépare des mesures supplémentaires et il redoublera d’efforts pour accueillir des Ukrainiens au Canada.

La sénatrice Omidvar : Je dois mentionner que la qualité du son est très mauvaise et que je n’ai entendu qu’une petite partie de ce que le sénateur Gold a dit. Je pourrai le lire dans le hansard, mais peut-être voudrez-vous le noter, Votre Honneur.

Sénateur Gold, le Canada est extrêmement privilégié de compter la deuxième diaspora ukrainienne en importance au monde. Nous savons que les Canadiens d’origine ukrainienne sont profondément attachés à leurs amis, à leur famille et à leur communauté. Ils s’en font énormément pour leurs compatriotes, qui vivent dans une précarité inimaginable et qui affrontent un grave danger.

Le gouvernement annoncera-t-il une augmentation du nombre de parrainages privés pour que l’énergie et l’enthousiasme des Canadiens d’origine ukrainienne servent à fournir un contexte sécuritaire aux Ukrainiens vulnérables?

Le sénateur Gold : Merci, sénatrice. J’espère que la piètre qualité du son n’était pas due à ma voix. J’espère que vous m’entendez.

Je vais m’informer à propos de votre demande. J’aurais dû mentionner, dans ma réponse à la question que vous avez posée précédemment, que le Canada est non seulement la patrie des Ukrainiens qui s’y sont installés, mais également une terre d’accueil pour de nombreux Ukrainiens qui n’ont ni la citoyenneté ni le statut de résident permanent. J’aimerais que les sénateurs comprennent que le Canada prend les mesures nécessaires pour que les Ukrainiens qui se trouvent au Canada en ce moment ne soient pas obligés de quitter le pays, entre autres en prolongeant leur statut de résident temporaire, en délivrant des permis de travail ainsi qu’en éliminant les frais liés aux passeports, aux documents de résident permanent, aux preuves de citoyenneté, aux visas et aux permis.

La défense nationale

L’opération Unifier

L’honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, je sais que nous sommes tous consternés par la situation en Ukraine. Les actions du terrible dictateur à la tête de la Russie sont inacceptables, et nous devons continuer de soutenir la population ukrainienne de toutes les façons possibles.

Sénateur Gold, l’opération Unifier est une mission des Forces armées canadiennes pour soutenir l’entraînement des forces de sécurité en Ukraine. Nous envoyons un groupe d’environ 200 membres des forces en Ukraine tous les six mois et nous pouvons en déployer jusqu’à 400. Selon la Défense nationale, depuis 2015, des militaires canadiens ont donné plus de 600 cours, entraînant ainsi près de 33 000 militaires et membres du personnel de sécurité ukrainiens. Le 26 janvier dernier, la ministre a annoncé le versement de 340 millions de dollars supplémentaires pour un soutien immédiat à l’Ukraine ainsi que pour la prolongation et l’expansion de l’opération Unifier. Cependant, les troupes ont été retirées et se trouvent maintenant en Pologne, compte tenu de la situation actuelle en Ukraine.

Le leader du gouvernement nous dira-t-il quand nos forces armées seront redéployées en Ukraine pour entraîner les forces ukrainiennes supplémentaires qui sont indispensables pour lutter contre la guerre illégale de la Russie?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Comme vous l’avez souligné, la mission canadienne en Ukraine est une mission d’entraînement et non de combat. Une mission de combat en Ukraine, chers collègues, ne fait pas partie des options envisagées actuellement. Cette décision correspond à celle de nos alliés de l’OTAN. C’est aussi exactement ce que le secrétaire général de l’OTAN a dit le 24 février. Nous continuerons d’agir de concert avec nos alliés.

En ce qui concerne les autres aspects de votre question, même si je peux confirmer que le gouvernement a relocalisé une partie de nos forces à l’extérieur de l’Ukraine, celui-ci ne révélera aucun détail précis dans ce dossier afin de protéger la sécurité opérationnelle. Toutefois, je peux avancer que notre mission n’est certainement pas arrivée à terme. Le Canada maintient son engagement à renforcer les capacités de l’Ukraine, et bien sûr, à aider le peuple ukrainien.

(1440)

Le sénateur Mercer : Honorables sénateurs, j’ai grandi à Halifax dans le sillage de la Marine royale canadienne. La Marine royale canadienne est très fière du rôle de protection du Canada qu’elle tient depuis très longtemps.

Le premier ministre a récemment annoncé qu’il enverrait une aide supplémentaire à l’OTAN via l’opération Reassurance — plus de troupes, plus d’artillerie et la venue du NCSM Halifax. Le gouvernement prévoit-il, en consultation avec l’OTAN et ses alliés, d’envoyer encore plus de personnel militaire par voie terrestre, maritime ou aérienne en Ukraine, à la lumière des récentes menaces de Poutine? Certains de mes voisins font partie de la Marine royale canadienne et je veux m’assurer qu’ils sont en sûreté.

Le sénateur Gold : Sénateur Mercer, nous nous préoccupons tous, bien évidemment, des femmes et des hommes courageux qui servent notre pays et qui sont exposés au danger.

Le Canada a pris une série de mesures avec ses alliés de l’OTAN pour accentuer les sanctions contre la Russie en raison de ses agissements illégaux. D’autres mesures ont encore été annoncées aujourd’hui, comme vous le savez. Le Canada est en communication constante avec ses alliés de l’OTAN concernant l’équipement létal et non létal et les soutiens que nous fournissons et que nous continuerons de fournir à l’Ukraine.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor

Les emplois de la fonction publique fédérale

L’honorable Percy E. Downe : Sénateur Gold, pourquoi le gouvernement a-t-il laissé la concentration d’emplois de la fonction publique fédérale à Ottawa et dans la région de la capitale nationale atteindre les 47 % alors que, historiquement, la fonction publique fédérale a toujours été répartie, en moyenne, à raison du tiers dans la région d’Ottawa et des deux tiers dans le reste du Canada?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question et de votre préoccupation sous-entendue concernant la répartition équitable de la fonction publique fédérale de sorte que les citoyens hors de la région de la capitale puissent servir leur pays et jouir des avantages associés à ces emplois. Je vais me renseigner sur les raisons qui pourraient expliquer l’évolution du pourcentage que vous avez décrite, puis je vous communiquerai volontiers la réponse dès que je l’aurai.

Le sénateur Downe : Merci, sénateur Gold. J’ai hâte d’entendre le résultat de votre démarche.

Pour apprécier l’incidence positive de la décentralisation des ministères fédéraux et des emplois qui y sont associés, il suffit d’examiner l’exemple de Charlottetown, où le fait de compter plus de 1 600 fonctionnaires d’Anciens Combattants Canada — qui, encore aujourd’hui, demeure le seul ministère fédéral dont l’administration centrale est située à l’extérieur de la région d’Ottawa — ajoute chaque année 122 millions de dollars en salaires à l’économie de l’Île-du-Prince-Édouard.

Quand le gouvernement du Canada commencera-t-il à fournir des avantages comparables aux autres régions du Canada, d’autant plus que les deux dernières années ont montré que bien des fonctionnaires fédéraux peuvent travailler d’à peu près n’importe où et qu’ils n’ont pas nécessairement besoin d’occuper un bureau dans un tour au centre-ville d’Ottawa? Autrement dit, quand le reste du Canada pourra-t-il jouir du même avantage que l’Île-du-Prince-Édouard et Ottawa?

Des voix : Bravo!

Le sénateur Gold : Sénateur, je vous remercie de la question. J’ajouterai sans faute ces questions à ma demande de renseignements à l’intention du gouvernement.

[Français]

Les ressources naturelles

L’exportation de gaz naturel liquéfié

L’honorable Percy Mockler : Je m’en voudrais de ne pas saisir l’occasion de remercier la sénatrice Griffin du leadership dont elle a fait preuve au Sénat et qui a été tout à fait remarquable.

Il n’y a aucun doute dans mon esprit que nous sommes tous attristés par l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie.

[Traduction]

Comme l’a si bien dit le sénateur Boehm jeudi dernier : « Le monde a changé hier soir, et pas pour le mieux. »

Monsieur le leader du gouvernement au Sénat, l’attaque illégale de la Russie contre l’Ukraine a mis en lumière le grave problème de sécurité que constitue la dépendance de l’Europe à l’égard du gaz naturel russe. Comme le Canada est l’un des principaux producteurs de gaz naturel de la planète, notre pays pourrait aider nos amis et alliés en Europe à diversifier leurs sources d’approvisionnement en énergie et moins dépendre de la Russie.

Voici une excellente nouvelle, honorables sénateurs. Le mois dernier, on a rapporté que l’entreprise espagnole Repsol songeait à convertir son terminal d’importation de gaz naturel liquéfié de Saint John en terminal d’exportation. Cette même entreprise aurait soumis ses plans de développement auprès de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada.

Une occasion se présente à nous, monsieur le leader. Comment le gouvernement réagit-il à cette nouvelle? Ne s’agit-il pas là d’une occasion de renforcer à la fois notre économie et notre sécurité d’un océan à l’autre?

[Français]

Merci, monsieur le leader.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, sénateur Mockler.

[Traduction]

La situation actuelle en Ukraine, comme vous l’avez souligné, et je crois que nous le comprendrons tous, montre l’importance de la sécurité énergétique de nos alliés en Europe et ailleurs dans le monde. Que des entreprises souhaitent investir au Canada est évidemment une bonne nouvelle. Alors que nous travaillons avec nos alliés européens à résoudre les problèmes géopolitiques et socioéconomiques causés par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le gouvernement étudie toutes les mesures possibles pour maintenir les chaînes d’approvisionnement énergétique au Canada et, si possible, dans le monde.

Le Canada est en bonne position pour devenir un joueur important de l’industrie du gaz naturel liquéfié. Le gouvernement agit pour que le pays devienne le producteur de gaz naturel liquéfié le plus propre de la planète. Maintenant, en ce qui concerne des projets spécifiques, comme celui qui pourrait voir le jour à Saint John, le gouvernement supervise la tenue d’évaluations d’impact justes et fondées sur la science et les connaissances traditionnelles. Le gouvernement entend toujours répondre aux impacts potentiels du développement en s’assurant que les bons projets puissent aller de l’avant.

Le sénateur Mockler : Honorables sénateurs, nous le savons, le Canada est plus fort lorsque toutes les régions sont fortes. Monsieur le leader, nous nous souvenons comment le gouvernement a continuellement changé les exigences lors du processus d’examen du projet Énergie Est en 2017. Est-ce que votre gouvernement peut s’engager aujourd’hui à accorder au projet de terminal de gaz naturel liquéfié à Saint John un examen juste afin d’aider l’Europe et de continuer à faire du Canada un joueur important du secteur?

Le sénateur Gold : La réponse est oui. Chers collègues, n’oublions pas que le projet TMX, la canalisation 3, le projet d’expansion Nova Gas Transmission et le projet LNG Canada ont tous été approuvés par le gouvernement du Canada et sont en cours de construction. Des milliers d’emplois ont été créés. Le gouvernement continue de travailler avec ses partenaires du secteur afin d’attirer des investisseurs et de faire croître l’économie canadienne de façon responsable.

Les finances

Le rapport sur la gestion de la dette

L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, ma question s’adresse également au sénateur Gold, leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, le gouvernement n’a pas publié son rapport sur la gestion de la dette pour l’exercice 2020-2021 qui s’est terminé il y a 11 mois. Cet exercice étant également le premier de la pandémie, au cours de laquelle le gouvernement s’est lourdement endetté, il revêt donc une grande importance. Le gouvernement est tenu, en vertu de la loi, de déposer ce rapport dans les 30 jours de séance suivant la publication des comptes publics. En retardant la publication des comptes publics au 14 décembre, le gouvernement a pu reporter au 28 mars l’échéance pour la publication du rapport sur la gestion de la dette pour l’exercice 2020-2021. Étant donné que nous étudions actuellement le Budget supplémentaire des dépenses (C) et le projet de loi C-8, qui met en œuvre la mise à jour économique de l’automne, quand pouvons-nous nous attendre à recevoir le rapport sur la gestion de la dette?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Chère collègue, je vous remercie de votre question. Comme vous l’avez laissé entendre, il est nécessaire de déposer ce rapport avant la fin mars. Je ne doute absolument pas que ce sera le cas, mais je ferai certainement tout mon possible pour que cela vous soit confirmé. J’essaierai donc de vous donner une réponse, à vous et au Sénat, aussi rapidement que possible.

(1450)

La sénatrice Marshall : Je vous remercie de cette réponse, sénateur Gold.

Nous sommes témoins d’une tendance inquiétante : soit que le gouvernement retient certaines informations, soit qu’il tarde énormément à rendre publics d’autres renseignements comme les Comptes publics du Canada et les Rapports sur les résultats ministériels. Ainsi, lorsqu’ils nous parviennent, les chiffres et les rapports ne sont plus vraiment pertinents; ils sont presque devenus des données historiques.

Cette situation donne l’impression que le gouvernement retient délibérément certains renseignements et rapports. Bref, le gouvernement retient-il et retarde-t-il délibérément la publication des renseignements requis pour la reddition de comptes?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Je n’ai jamais eu vent que le gouvernement aurait agi de façon délibérée. Je vais me renseigner pour savoir pourquoi les Comptes publics ont été publiés en retard, et je communiquerai au Sénat les renseignements que j’aurai obtenus.

Les affaires étrangères

La Loi sur les mesures économiques spéciales

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au sénateur Gold. Elle porte sur la guerre illégale menée contre le peuple ukrainien. Comme l’a déclaré hier l’ambassadeur Rae, cette guerre constitue une menace pour nous tous. La situation exige que le Canada fasse tout en son pouvoir, même si cela exige un engagement de la part de chacun.

Ma question porte sur la nécessité d’imposer des sanctions aux entreprises russes au Canada, outre le gel de leurs comptes bancaires. Des sanctions additionnelles pourraient exiger certains sacrifices de notre part. Je songe notamment à l’entreprise EVRAZ, établie dans ma province. EVRAZ est un fabricant russe d’acier qui mène d’importantes activités dans l’Ouest du Canada et qui est contrôlé par quatre oligarques russes proches de M. Poutine.

Voici ma question : devons-nous imposer des contraintes aux sociétés comme EVRAZ et le faire de façon à partager le fardeau entre l’ensemble des Canadiens sans pénaliser les bons et vaillants employés de ces entreprises, qui n’ont rien à voir avec le fait que leur employeur est sous contrôle russe?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je n’ai pas d’informations sur les plans éventuels du gouvernement en matière de sanctions supplémentaires. Il ne semble pas se passer un jour sans que de nouvelles sanctions soient annoncées. Le gouvernement continuera non seulement à travailler avec ses alliés, comme il le fait, mais aussi à faire preuve de leadership auprès de ses alliés afin que l’agression illégale de l’Ukraine par la Russie soit réprimée au moyen de sanctions concrètes et importantes.

Comme je l’ai dit, vous n’avez pas besoin que je vous lise la longue liste de sanctions visant des particuliers et des institutions qui mènent des activités dans le monde entier. C’est du domaine public. Par respect pour vous et les autres sénateurs qui pourraient avoir des questions supplémentaires, je dirai simplement ceci : le gouvernement continue de travailler avec diligence afin que les sanctions actuelles et toute sanction supplémentaire aient véritablement du mordant et un impact réel sur l’agresseur.

Le sénateur Cotter : Ma deuxième question porte précisément sur EVRAZ et elle envisage la situation d’un autre point de vue.

Le Canada gère le Fonds canadien sur l’infrastructure stratégique qui, au cours des cinq dernières années, a distribué 5 milliards de dollars à une centaine de projets différents, dont un en Saskatchewan. Le fonds a versé 40 millions de dollars à EVRAZ. EVRAZ a-t-elle besoin de cet argent? La semaine dernière, EVRAZ a annoncé qu’elle avait réalisé plus de 3 milliards de dollars en profits et versé pas moins de 60 % du prix de l’action en dividendes. Qui sont ces actionnaires? Quatre oligarques russes possèdent deux tiers de ces actions.

Je pourrais m’étendre sur le sujet dans la question, mais je vais demander ce que le gouvernement du Canada a fait pour récupérer nos 40 millions de dollars.

Une voix : Bravo!

Le sénateur Gold : Je vais me renseigner et revenir avec une réponse.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté le 7 décembre 2021, j’informe le Sénat que l’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre de l’Environnement et du Changement climatique, participera à la période des questions le jeudi 3 mars 2022, à 15 heures.

Projet de loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois (réponse à la COVID-19 et autres mesures)

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Pierre J. Dalphond propose que le projet de loi S-4, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois (réponse à la COVID-19 et autres mesures), soit lu pour la deuxième fois.

— Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui pour amorcer la deuxième lecture du projet de loi S-4 dont le titre n’est pas des plus brefs, je cite : Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois (réponse à la COVID-19 et autres mesures).

Comme son long nom l’indique, ce projet de loi est associé à la pandémie en ce qu’elle a fait réaliser à plusieurs intervenants du système de justice qu’il fallait moderniser certaines des pratiques en matière criminelle afin de ne pas exposer indûment les intervenants et autres personnes au virus et, en même temps, améliorer l’efficacité du système de justice criminelle en prenant avantage de moyens techniques disponibles. Comme on le dit souvent, la nécessité est la mère de toutes les inventions.

Ce projet de loi est, en pratique, identique au projet de loi C-23 qui avait été introduit à la Chambre des communes le 24 février 2021, par l’honorable David Lametti, alors et toujours ministre de la Justice et procureur général du Canada. Ce projet de loi n’a cependant pas progressé à l’autre endroit avant la dissolution du Parlement, l’été dernier, pour la tenue de la dernière élection générale.

[Traduction]

Le contenu du projet de loi C-23 résulte de discussions intensives entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Depuis le début de la pandémie, je comprends que le ministre de la Justice et procureur général du Canada a rencontré à diverses reprises ses homologues provinciaux et territoriaux pour discuter des répercussions de la pandémie sur le système de justice et qu’il a bien pris note de leurs suggestions pour la possibilité d’une réforme législative.

De la même façon, le projet de loi C-23 a été façonné par les travaux du Comité d’action sur l’administration des tribunaux en réponse à la COVID-19, coprésidé par le très honorable Richard Wagner, juge en chef de la Cour suprême du Canada, et par le ministre de la Justice.

La pandémie a constitué un défi pour tous les tribunaux canadiens. S’il est adopté, ce projet de loi apportera des certitudes et des éclaircissements aux tribunaux et aux plaideurs, en plus de standardiser des procédures modernisées partout au pays.

[Français]

Le gouvernement a donc raison de réintroduire ce projet de loi qui accordera plus de flexibilité dans l’administration de la justice criminelle et qui libérera du temps juge pour entendre plus d’affaires au fond et ainsi contribuer au respect des délais énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Jordan.

Cette fois-ci, le gouvernement reprend son initiative par l’entremise du Sénat pour plusieurs motifs. D’abord, le projet de loi ne contient aucune disposition de nature financière. Deuxièmement, le projet de loi est le reflet d’un large consensus parmi les intervenants de la justice qui y voient des modifications susceptibles d’améliorer et de simplifier l’administration de la justice criminelle. Troisièmement, le dépôt au Sénat permet de maximiser la capacité du système parlementaire d’étudier des projets de loi émanant du gouvernement.

Nous agirons donc, à l’égard de ce projet de loi du gouvernement, non pas comme une Chambre de second examen objectif, mais comme une Chambre d’initiative ayant la possibilité d’apporter des modifications sans requérir l’assentiment de la Chambre des communes par l’envoi d’un message.

Cela requerra tout autant une étude soignée des 37 pages décrivant les amendements proposés que des 27 pages de notes explicatives, notamment au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui sera la tribune la plus appropriée pour l’étude en détail de ces modifications et où, je l’espère, le projet de loi sera étudié rapidement.

Pour l’instant, permettez-moi de vous en présenter les principales dispositions et d’expliquer leurs effets.

(1500)

[Traduction]

Premièrement, le projet de loi vise à clarifier et à élargir le régime actuel de comparution à distance, qui permet expressément aux accusés de comparaître par vidéoconférence ou audioconférence.

Chers collègues, vous vous rappellerez peut-être que, dans le projet de loi C-75, que nous avons adopté en 2019, nous avions ajouté six nouvelles dispositions dans la partie XXII.01, intitulée Présence à distance de certaines personnes.

Le principe général énoncé à l’article 715.21 est le suivant : « [...] quiconque comparaît ou participe à une procédure, ou la préside, le fait en personne. » On permet d’avoir recours à « [l’]audioconférence ou [...] [à la] vidéoconférence, conformément aux règles de cour [...] » dans certaines circonstances et une fois que certaines conditions sont respectées. Tout le monde n’a pas accès à ce service.

Le projet de loi C-75 a ajouté des dispositions que l’on retrouve dans d’autres parties du Code criminel pour faciliter l’administration de la justice, notamment la possibilité pour le procureur ou l’avocat représentant l’accusé de comparaître à distance à l’étape de la procédure criminelle où l’on invite l’accusé à indiquer s’il plaide coupable ou non coupable. Ces dispositions et leur portée ont fait l’objet d’interprétations variées.

Le projet de loi clarifiera la possibilité pour les accusés de comparaître par vidéoconférence lors des enquêtes préliminaires et des procès pour les infractions punissables par procédure sommaire et pour les actes criminels, y compris lorsque les témoignages sont entendus, sauf lorsque la preuve est présentée devant un jury. Autrement dit, les procès devant jury devront se dérouler en personne.

Il est toutefois important de mentionner que ces procès et ces enquêtes préliminaires n’auront lieu que sur consentement. L’accusé doit accepter de procéder de cette façon, et le tribunal doit être d’avis que c’est approprié compte tenu de toutes les circonstances, y compris des facteurs énumérés, comme le caractère approprié du lieu à partir duquel la personne comparaîtra et le droit à un procès public et équitable.

Le projet de loi permettra également à un accusé de comparaître par audioconférence s’il souhaite plaider coupable ou s’il reçoit une peine, mais seulement si la vidéoconférence n’est pas offerte, à condition que l’accusé donne son consentement et que le tribunal soit convaincu que même s’ils ne peuvent pas voir l’accusé, le juge et les avocats pourront évaluer les conditions permettant de déterminer l’acceptation d’un plaidoyer de culpabilité.

Le projet de loi prévoit d’importantes mesures de protection pour les personnes accusées qui comparaissent à distance, que ce soit par audioconférence ou vidéoconférence, quelle que soit l’étape du processus pénal. Par exemple, si une personne accusée qui comparaît à distance est représentée par un avocat, cette personne doit avoir l’occasion de parler avec son avocat en privé.

De plus, si une personne accusée qui comparaît à distance n’est pas représentée par un avocat, le tribunal doit s’assurer qu’elle peut comprendre les procédures et que toute décision qu’elle prend est volontaire.

Deuxièmement, le projet de loi augmenterait aussi le recours à la technologie dans le processus de constitution d’un jury, notamment en permettant aux candidats-jurés de participer par vidéoconférence, vu que le processus de sélection requiert souvent la présence de nombreuses personnes au tribunal ou dans un autre lieu.

Le projet de loi S-4 permettra la participation à distance par vidéoconférence des candidats-jurés pour le processus de constitution d’un jury, mais seulement dans certaines circonstances, avec le consentement des parties et à la discrétion du tribunal. Cela offrira aux tribunaux davantage de latitude afin que le processus de sélection du jury se déroule dans des endroits moins bondés.

Dans certaines provinces, il arrive que l’on convoque de 100 à 500 personnes au processus de sélection d’un jury. Cela fait beaucoup de personnes qui attendent dans des corridors et de grandes salles, en particulier pendant une pandémie.

Ce projet de loi offrira aux tribunaux davantage de latitude afin que le processus de sélection d’un jury se déroule de façon plus sécuritaire. Il permettra de faire en sorte que le manque d’accès à la technologie ne nuise pas à la capacité d’une personne à participer au processus, et qu’il restera possible de comparaître en personne là où la technologie n’est pas disponible.

Le projet de loi S-4 permettra un recours accru à la technologie pour piger le nom de candidats-jurés pendant le processus de constitution du jury. Comme vous le savez peut-être, la liste de candidats-jurés comprend au moins 100 noms, et une personne doit piger un nom à la fois, à la main. Ce processus prend un certain temps et exige de la manipulation. Le projet de loi permet donc d’avoir recours à des moyens technologiques pour piger le nom de candidats-jurés en vue de constituer le jury. C’est comme un bingo électronique.

En ce moment, cette partie du processus de constitution du jury est faite manuellement. Le projet de loi fera en sorte qu’on utilise des moyens électroniques ou automatisés pour piger des cartes au hasard. Ce changement devrait accroître l’efficience des procès avec jury au Canada. Signalons que la Colombie-Britannique a mis cette méthode à l’essai pendant la pandémie : on a utilisé un outil électronique pour choisir au hasard les 10 premiers jurés qui seraient appelés à venir dans la salle, pour éviter que les gens se rassemblent et discutent.

Troisièmement, le projet de loi viendra élargir et moderniser le régime actuel de télémandats, afin qu’il soit possible de demander une grande variété de mandats de perquisition, d’autorisation et d’ordonnances par des moyens de télécommunication, au lieu qu’un agent de liaison de la police se rende au bureau d’un juge. Pour être plus précis, l’agent se rend en fait dans le couloir près du bureau du juge. Les documents sont ensuite présentés au juge, qui les signe ou non, puis les renvoie.

Dans le cadre de la procédure actuelle de télémandat, la police peut demander un nombre restreint de mandats de perquisition et d’autorisations judiciaires pour enquêter exclusivement sur des actes criminels lorsqu’il est impossible de se présenter en personne devant le juge désigné à cet effet. Il existe également une procédure parallèle permettant d’obtenir des mandats d’écoute électronique dans des cas très limités.

Au plus fort de la pandémie, la réduction des activités des tribunaux ayant lieu en personne a compliqué la tâche des responsables de l’application de la loi pour obtenir certains mandats de perquisition et autres autorisations judiciaires qui ne peuvent être demandés par voie électronique.

Le projet de loi propose d’élargir la procédure de télémandat à un plus grand nombre de mandats de perquisition et autres autorisations judiciaires prévues dans le Code criminel, comme les mandats de localisation et les ordonnances de communication. Les modifications élargiront aussi la possibilité de recourir à la procédure de télémandat en la rendant accessible à l’égard de tout type d’infraction, et non plus seulement les actes criminels.

Il s’agit d’un changement de procédure qui, à mon avis, améliorera la situation, mais empêchera malheureusement un juge d’avoir, de temps à autre, un bref échange avec un agent de police.

Cela n’aura pas d’incidence sur le seuil légal pour l’obtention d’un mandat. Celui-ci restera le même. Le juge à qui l’autorisation est demandée devra s’assurer que les critères juridiques sont respectés.

Le projet de loi simplifiera le régime actuel de télémandats de plusieurs façons. Premièrement, il permettra de présenter des demandes par des moyens de télécommunication comme le courrier électronique sans qu’il soit nécessaire de démontrer qu’il est impossible pour les agents de se présenter en personne devant un juge. Ces modifications permettront une utilisation plus efficace du temps des services de police et des ressources des tribunaux, tout en respectant les consignes de distanciation sociale, le cas échéant.

Le projet de loi maintiendra les dispositions qui permettent à la police de présenter des demandes verbales au besoin, mais uniquement dans les cas où le juge est convaincu qu’il s’avère pratiquement impossible pour l’agent de présenter sa demande par écrit en utilisant un moyen de télécommunication. Cela pourrait s’appliquer en cas de demandes très urgentes.

(1510)

En outre, le projet de loi supprime les limitations concernant les personnes qui peuvent accéder au processus de télémandat et celles qui peuvent émettre des télémandats. Le nouveau processus sera accessible à toute entité chargée de l’application de la loi — et pas seulement à un agent de la paix —, qui pourra demander une telle autorisation et à tout niveau de tribunal apte à émettre une telle autorisation, une telle ordonnance ou un tel mandat.

Quatrièmement, le projet de loi propose d’assouplir quelque peu le processus de prise d’empreintes digitales, notamment en ce qui concerne le moment où elle peut être effectuée si elle n’a pas été faite à la première occasion.

Au cours de la pandémie, les policiers ont été confrontés à des situations où l’obtention des empreintes digitales de personnes accusées d’avoir commis une infraction criminelle dans des délais raisonnables posait quelques difficultés, voire des risques pour la santé des personnes concernées. Parfois, un inculpé peut refuser de se rendre au poste de police pour ne pas être exposé à d’autres personnes ou simplement au danger d’être trop près des policiers qui prennent les empreintes digitales.

La nécessité de recueillir les empreintes digitales au moment de l’arrestation a parfois fait courir des risques inutiles aux responsables de l’application de la loi et aux accusés. Pendant la pandémie, les exigences en matière de distanciation physique ont perturbé la capacité de la police à obtenir des empreintes digitales, ce qui a entraîné d’importants défis opérationnels. Il est difficile de tenir le pouce d’une autre personne tout en restant à un mètre de distance.

Le projet de loi S-4 permettrait de prendre les empreintes digitales des personnes accusées à l’étape de la mise en liberté sous caution ou à des étapes ultérieures du processus de justice pénale lorsqu’il n’a pas été possible de le faire précédemment en raison de circonstances exceptionnelles, comme les risques posés par la COVID-19. Mais je tiens à être clair : ce projet de loi ne changerait pas les règles qui déterminent qui pourrait être soumis à des procédures d’identification telles que la prise d’empreintes digitales. Il permettrait simplement de prendre les empreintes digitales à une date ultérieure sans que le service de police perde la capacité de recueillir les empreintes digitales.

[Français]

Cinquièmement, le projet de loi contient une série d’amendements habilitant les tribunaux à gérer plus efficacement certaines questions, notamment administratives.

À l’heure actuelle, le Code criminel autorise les tribunaux à adopter des règles de gestion d’instance lorsque les accusés sont représentés par avocat. Par contre, lorsque l’accusé n’est pas représenté par avocat, toutes ces questions administratives couvertes par des règles de la cour doivent être traitées en salle d’audience devant un juge, comme on le fait d’ailleurs pour les accusés qui sont représentés par un avocat. On pourrait, dans certains cas, voir ces questions traitées par un officier de la cour. C’est malheureusement un temps judiciaire qui n’est pas utilisé à bon escient.

Dans ce projet de loi, il est proposé d’élargir la capacité des tribunaux à établir de telles règles pour que les accusés non représentés puissent s’en prévaloir et que ces règles se voient appliquées, ce qui permettrait au personnel du tribunal de s’occuper des questions administratives extrajudiciaires pour ces cas également.

Sixièmement, des modifications permettraient d’harmoniser les règles applicables aux étapes de l’exécution et du rapport sur les biens saisis pour tous les mandats de perquisition, que ceux-ci aient été obtenus par des moyens technologiques ou sollicités en personne.

Sous le régime actuel, une fois que la saisie est pratiquée, un rapport doit être fait. Dépendamment s’il est fait sous le régime habituel ou le régime de télémandats, le rapport est envoyé à des personnes différentes. De plus, le système ne permet pas facilement de retrouver une copie du rapport pour la personne ayant fait l’objet de la saisie. On propose de faire l’uniformisation à ce niveau, ce qui permettrait d’accroître l’accès à l’information sur l’exécution des mandats de perquisition et sur les biens saisis lors d’une perquisition.

Finalement, le projet de loi inclut également des modifications techniques découlant principalement de l’adoption en 2019 du projet de loi C-75, ainsi que des modifications corrélatives à d’autres lois fédérales. Il semblerait que, lorsque nous avons adopté le projet de loi C-75, certaines modifications de numérotation d’articles et de corrélations administratives n’ont pas été faites. Corrigeons la situation.

Je vous invite à lire le projet de loi au moment de la journée où vous vous endormez peu et cela vous aidera. À tous mes collègues du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, je dis ceci : bientôt nous nous réunirons pour examiner les pages de modifications avec l’aide des représentants du ministère de la Justice, qui pourront nous éclairer sur le sens des dispositions.

Entre-temps, c’est avec plaisir que je répondrai à vos questions ou commentaires. N’hésitez pas à communiquer avec mon bureau si vous avez besoin de plus d’information.

(Sur la motion du sénateur Wells, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Projet de loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Stan Kutcher propose que le projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), apportant des modifications connexes à la Loi sur les aliments et drogues et abrogeant la Loi sur la quasi‑élimination du sulfonate de perfluorooctane, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, avant d’aller plus loin, j’aimerais souligner le travail remarquable de la sénatrice Griffin dans le cadre des travaux du Sénat. J’aimerais aussi la remercier personnellement de m’avoir si chaleureusement accueilli à mes tout débuts, notamment au sein du Comité de l’agriculture.

Vous m’avez fait tomber en amour avec l’agriculture. J’ai très hâte de me mesurer à vous sur un terrain de golf l’été prochain.

Honorables sénateurs, j’aimerais maintenant parler à titre de parrain du projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), apportant des modifications connexes à la Loi sur les aliments et drogues et abrogeant la Loi sur la quasi-élimination du sulfonate de perfluorooctane. C’est tout un titre, alors à partir de maintenant, je dirai simplement le projet de loi S-5.

Ce projet de loi fait partie des mesures prises par le gouvernement pour renforcer la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. C’est la première modification apportée à cette loi depuis 1999. Évidemment, beaucoup de choses ont changé depuis 1999. Grâce aux données scientifiques, nous comprenons beaucoup mieux les répercussions de l’environnement sur la santé. De plus, les sources, l’ampleur et les types de pollution ont radicalement augmenté. Au cours des 23 dernières années, nous avons acquis une meilleure compréhension de ce que nous avons à faire pour protéger l’environnement afin d’améliorer la santé de tous les Canadiens, tout en continuant de moderniser notre économie.

Voici quelques faits pour remettre les choses en contexte. La chanson la plus populaire en 1999 était « Believe » de Cher et le film le plus populaire était « Beauté américaine ». Sur la scène internationale, c’était malheureusement le début de la guerre au Kosovo, et aussi le lancement de l’euro. Au Canada, le Nunavut est devenu un territoire, et Beverley McLachlin a été la première femme à devenir juge en chef de la Cour suprême du Canada. Le 11 août cette année-là, l’honorable George Furey a été nommé au Sénat du Canada.

La Loi canadienne sur la protection de l’environnement est une partie importante de la législation canadienne sur l’environnement. Le gouvernement du Canada s’en sert comme cadre pour beaucoup des programmes de protection de l’environnement et de la santé administrés par Environnement et Changement climatique Canada et Santé Canada. Cette loi est aussi le fondement législatif et réglementaire de l’application ici même au pays des obligations du Canada découlant de divers accords internationaux sur l’environnement comme la Convention de Stockholm, la Convention de Minamata et la Convention de Londres. Dans le cadre de ces accords, le Canada s’est engagé, avec d’autres pays, à réduire son utilisation de polluants organiques persistants et de mercure, entre autres choses.

Personnellement, je pense que ce projet de loi est un bon pas en avant. Il arrive à point et il est nécessaire. Il fait aller les choses dans la bonne direction. Il est dans l’intérêt de tous les Canadiens d’avoir un environnement sain qui ne met pas leur santé en danger. Pour y parvenir, nous devons aller de l’avant et renforcer la Loi canadienne sur la protection de l’environnement.

Nous pouvons faciliter le processus en faisant avancer le projet de loi S-5 au Sénat. Notre enceinte est réputée pour son travail en comité. En faisant avancer ce projet de loi à l’étape du comité le plus tôt possible, nous pourrons étudier profondément et rigoureusement les questions importantes dont il traite.

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Je vais vous expliquer pourquoi j’estime qu’il est important d’améliorer la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, et donc pourquoi ce projet de loi est important non seulement pour assurer la santé des Canadiens et des collectivités dès maintenant, mais aussi pour protéger l’environnement pour les années à venir.

Nombre d’entre vous se rappelleront certains exemples horribles de dommages à l’environnement qui ont menacé la santé humaine à l’échelle mondiale. Je n’avais que cinq ans lors des premiers reportages sur la maladie de Minamata, une maladie mortelle et douloureuse qui défigure les gens et qui touche les systèmes nerveux central et périphérique. Elle était causée par le méthylmercure présent dans les eaux résiduaires industrielles rejetées par une usine de produits chimiques à proximité de la baie de Minamata et de la mer de Shiranui. Cette substance chimique extrêmement toxique s’accumulait dans des organismes vivants comme des mollusques, des crustacés et des poissons par un processus de bioamplification. La consommation de ceux-ci pouvait causer un empoisonnement au mercure, et c’est ce qu’on a appelé la maladie de Minamata. Cette situation a donné lieu à des améliorations considérables en matière de protection de l’environnement au Japon, et elle a amené le monde entier à prendre conscience du lien entre l’environnement et la santé, mais elle donne une image peu reluisante de la relation entre les pollueurs, les organismes de réglementation et les victimes. Au contraire, les conflits entre les intervenants concernés, soit les pollueurs et les gouvernements, perdurent encore.

Malheureusement, le Canada n’était pas à l’abri d’un épisode similaire d’empoisonnement au mercure. Dans notre cas, cependant, d’autres facteurs sont intervenus tels que l’indifférence flagrante envers les peuples autochtones, leurs milieux de vie et leur droit à la santé. Je suis certain que les sénateurs ont tous entendu parler de la tragédie de Grassy Narrows. Hélas, celle-ci jette encore une ombre sur la santé physique et mentale de la Première Nation Asubpeeschoseewagongntinues, plusieurs décennies après le déversement, par une usine de Reed Paper à Dryden, en Ontario, d’environ 9 000 kilogrammes de mercure dans les rivières English et Wabigoon.

Ces deux événements tragiques auraient pu être évités ou des correctifs appropriés auraient pu être apportés si une politique fondée sur les droits environnementaux avait été en place. Une telle politique est énoncée au préambule du projet de loi S-5. Je cite le paragraphe 2(1) du projet de loi : « [le gouvernement du Canada] reconnaît que tout particulier au Canada a droit à un environnement sain, comme le prévoit la présente loi [...] »

Honorables sénateurs, ce sera la première fois que ce droit sera reconnu dans une loi fédérale au Canada.

Cette mesure harmonise les lois canadiennes avec la reconnaissance, par les États membres des Nations unies, de l’importance d’une politique environnementale fondée sur les droits. En 1972, dans le cadre de la Conférence des Nations unies sur l’environnement, une déclaration a été rédigée sur le droit fondamental de quiconque de vivre « [...] dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être ».

La Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant oblige les parties à tenir compte des dangers et des risques de pollution du milieu naturel lorsqu’elles font valoir le droit à la santé. En octobre 2021, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a adopté une résolution reconnaissant que l’accès à un environnement sain et durable est un droit universel et il a invité l’Assemblée générale des Nations unies à se pencher sur la question.

Le projet de loi S-5 exige qu’un cadre de mise en œuvre, qui s’appuie sur ce droit, soit élaboré dans les deux ans suivant son entrée en vigueur.

Ce processus se fera en consultation avec les Canadiens et précisera les principes de justice environnementale et de non‑régression, en plus de soupeser ce droit avec des facteurs pertinents, notamment sociaux, économiques, scientifiques et relatifs à la santé. Le projet de loi accroît aussi la transparence en stipulant que le ministre doit publier le cadre et rendre compte dans un rapport annuel de sa mise en œuvre.

De plus, il sera nécessaire d’effectuer des recherches, des études ou des activités de surveillance pour appuyer le gouvernement dans ses efforts visant à protéger ce droit. Cette disposition appuierait le travail qui est déjà en cours, mais qui doit être amélioré, notamment les enquêtes de biosurveillance. Les efforts devront aussi être appuyés par une capacité nationale accrue en recherche en toxicogénomique.

Le projet de loi S-5 porte sur des droits importants et procéduraux relevant de différents aspects, y compris l’eau potable, l’air pur et ainsi de suite.

Il améliore également l’accès du public à la prise de décisions sur les questions environnementales et consacre le devoir du gouvernement du Canada à protéger ce droit.

Ce projet de loi manifeste l’engagement du gouvernement à mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et à reconnaître l’importance d’inclure les populations vulnérables dans les évaluations sur la toxicité réelle ou potentielle des substances et produits, et à minimiser les risques d’exposition aux substances toxiques ainsi que les effets cumulatifs des substances toxiques. Ce projet de loi indique également que l’exposition cumulative et l’exposition à d’autres substances pouvant causer des effets cumulatifs doivent faire l’objet d’une évaluation des risques et d’une gestion des risques, autant que possible.

Je trouve que ces dispositions sont progressistes, car elles reconnaissent la nécessité de comprendre les différences entre sous‑groupes au sein des populations quant à leur sensibilité à certaines substances, sans se contenter — comme c’est le cas présentement — de définir un degré d’exposition standard pour l’ensemble de la population.

Ce texte permet d’actualiser la Loi canadienne sur la protection de l’environnement en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques dans le domaine. Jusqu’ici, les évaluations des risques étaient utilisées dans le but de protéger l’ensemble de la population. Grâce à ce texte, nous pouvons faire en sorte que ces évaluations protègent les besoins des populations vulnérables, et prennent aussi en compte les répercussions de l’exposition cumulative à une combinaison de substances pouvant générer des risques, justement en raison de cette combinaison.

Je sais que cela peut paraître compliqué — et je ne le nie pas — mais en somme cela signifie qu’on ne peut pas se contenter d’étudier les effets d’une seule substance, mais bien les effets d’une combinaison de substances qui se cumulent avec le temps. Il s’agit d’une grande avancée.

Cette avancée cadre avec l’émergence de la toxicogénomique, une discipline que l’on définit comme « l’étude de la relation entre la structure et l’activité du génome (les composants cellulaires des gênes) et les effets indésirables biologiques des agents exogènes ». Autrement dit, la science évolue pour mieux identifier les effets toxiques des substances sur les populations. Certains groupes sont plus à risque d’être exposés aux effets négatifs de substances que d’autres groupes. Les combinaisons de substances peuvent générer des effets toxiques que l’on ne trouverait pas si on étudiait chaque substance séparément. Il est donc important de connaître les effets cumulatifs pour comprendre la toxicité. Le projet de loi S-5 reconnaît non seulement ces éléments, mais il soutient aussi le travail scientifique qui est nécessaire pour tenir compte de cette réalité. Il s’agit d’une nouvelle approche concernant les effets sur la santé des facteurs environnementaux. En tant que médecin, scientifique et citoyen concerné, je trouve cette approche intéressante.

Les modifications proposées dans le projet de loi S-5 contribuent à améliorer les activités de biosurveillance qui aideront à cerner les risques pour la santé découlant de l’environnement chez les populations vulnérables. Comme le savent certains de mes collègues, l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé comporte un volet sur la biosurveillance humaine. Au cours de la dernière décennie, cette enquête a mesuré quelque 250 substances chimiques distinctes chez environ 35 000 personnes. Il faudra dorénavant renforcer cet exercice, grossir l’échantillon, suréchantillonner les sous-populations vulnérables et accroître le nombre, l’envergure, la durée, la portée et l’amplitude des études longitudinales telles que l’Étude mère-enfant sur les composés chimiques de l’environnement en cours de réalisation. Si l’on veut que le projet de loi S-5 remplisse sa promesse de justice environnementale, il faut améliorer la recherche effectuée pour appuyer notre capacité de cerner qui sont les personnes les plus à risque, à quel moment et à quel endroit. Bref, on ne peut livrer de meilleurs résultats sans avoir les outils nécessaires.

La deuxième série de modifications proposées dans le projet de loi vise à améliorer la gestion des substances et des produits au Canada.

On trouve des substances chimiques dans tous les aspects de notre vie. D’ailleurs, nous sommes nous-mêmes une agglomération de substances chimiques. Ces dernières sont à la fois essentielles à la vie et potentiellement dangereuses pour tous les êtres vivants. Nous savons qu’il est nécessaire de cerner les substances qui posent un risque pour notre santé et notre environnement et de gérer ce risque de manière appropriée, efficace et transparente.

De plus en plus, qu’ils habitent en région urbaine, rurale ou éloignée, les Canadiens s’attendent à ce que les gouvernements protègent leur santé et celle de l’environnement. De son côté, l’industrie a besoin d’un contexte réglementaire clair, stable et prévisible pour pouvoir produire ce dont nous avons besoin en conformité avec ces objectifs.

C’est ce que vise à offrir le projet de loi S-5.

Par exemple, examinons les travaux effectués antérieurement au sujet de l’exposition au plomb et de ses effets néfastes sur la santé et voyons de quelle manière on a atténué ces effets. Le saturnisme, appellation technique de l’intoxication par le plomb, peut découler d’une exposition au plomb contenu dans de nombreux produits différents, notamment la peinture, l’essence, les munitions et la nourriture, ou encore dans l’environnement, notamment dans le sol, l’air, l’eau ou la poussière. C’est l’impact de l’exposition à répétition qui importe, et il y a un sous-ensemble de la population dont les membres risquent davantage de subir des effets néfastes sur leur santé : les jeunes enfants. Les mesures qui ont permis de limiter la prévalence de cette maladie comprennent des interdictions concernant l’utilisation de plomb dans de nombreux produits, la surveillance environnementale et des mesures liées à la santé et à la sécurité au travail. C’est un exemple où les scientifiques, la société civile, l’industrie et le gouvernement collaborent pour répondre à un risque environnemental important pour la santé.

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Cependant, les défis auxquels il faut répondre aujourd’hui sont beaucoup plus complexes et ne relèvent pas d’une substance seule comme le plomb. Une des inquiétudes grandissantes que j’ai en tant que médecin concerne les risques environnementaux multiples pour la santé qui émergent lorsque des substances qui ont des effets cumulatifs connus peuvent interagir avec des substances similaires et toucher des populations spécifiques : par exemple, les perturbateurs endocriniens. Parmi ceux-ci, on trouve le bisphénol A, les phtalates et les diphényles polychlorés. Ces substances peuvent perturber les systèmes endocriniens et causer des tumeurs, des anomalies congénitales et d’autres problèmes. On en trouve en petite quantité dans différents produits d’usage courant comme des bouteilles de plastique, les revêtements métalliques des boîtes de conserve, des détergents, des aliments, des produits de beauté et des pesticides. Même si on commence à comprendre les effets cumulatifs de ces produits et les interactions entre ceux-ci, il reste beaucoup de travail à faire pour comprendre leurs impacts sur les systèmes endocriniens et reproductifs de l’humain, leur persistance dans l’environnement et leurs risques potentiels pour la santé humaine. Personnellement, j’étais heureux de voir que le projet de loi S-5 propose des mesures ciblant spécifiquement cette catégorie de substances.

La Loi canadienne sur la protection de l’environnement fournit le cadre législatif pour l’évaluation et la gestion des risques avec le Plan de gestion des produits chimiques, qui a été lancé en 2006. Elle a permis d’obtenir des résultats importants. Par exemple, en 2010, le Canada a été le premier pays au monde à prendre des mesures pour limiter l’exposition au bisphénol A présent dans les biberons et les gobelets antifuite. Les émissions de mercure dans l’air et dans l’eau ont diminué d’environ 66 %. Pourtant, il reste encore beaucoup à faire.

Trois examens parlementaires, dont le sixième rapport du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, déposé le 4 mars 2008, ont permis de cerner plusieurs domaines où des améliorations à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement étaient nécessaires pour mieux protéger l’environnement et la santé des Canadiens.

En 2006, on a déterminé qu’environ 4 300 substances déjà présentes sur le marché canadien nécessitaient une évaluation des risques, et, plus récemment, environ 1 200 nouvelles substances ont été ajoutées à cette liste. De plus, certaines substances déjà évaluées peuvent nécessiter une réévaluation en raison de nouvelles utilisations, de nouvelles données scientifiques ou d’une exposition plus importante qu’au moment de l’évaluation initiale. Le projet de loi S-5 répond à ce besoin. Il prévoit l’élaboration d’un nouveau plan des priorités de gestion des produits chimiques afin de donner aux Canadiens un plan prévisible, pluriannuel et intégré pour l’évaluation des substances ainsi que des activités qui soutiennent la gestion des substances, comme la collecte d’information, la gestion des risques, la communication des risques, la recherche et la surveillance.

Le projet de loi mettra également en œuvre un nouveau régime amélioré qui priorisera l’interdiction des activités liées aux substances toxiques présentant le plus grand risque. Il améliorera les critères de toxicité précédents. Les critères précédents utilisaient la persistance et la bioaccumulation. Le projet de loi ajoutera également la cancérogénicité, la mutagénicité et la toxicité pour la reproduction. Il s’agit de domaines vraiment importants.

Cependant, je crois comprendre qu’il peut actuellement s’écouler jusqu’à environ trois ans entre le moment où une substance est jugée hautement toxique et celui où une décision est prise quant à son interdiction ou sa restriction. À mes yeux, il s’agit d’une période très longue, pendant laquelle les risques pour l’environnement et la santé peuvent subsister. Actuellement, le projet de loi S-5 ne s’attaque pas à ce problème. Il devrait peut-être le faire.

Lors de l’élaboration et de la mise en œuvre du nouveau plan, le gouvernement accueillera la participation du public et tiendra compte de la situation de risque des populations vulnérables, notamment des questions d’exposition et de susceptibilité, ainsi que des caractéristiques cumulatives et interactives des substances. À ce titre, le projet de loi S-5 peut offrir une plus grande protection aux peuples autochtones, aux communautés racialisées et aux populations physiquement situées dans des zones où le risque environnemental pour la santé est le plus élevé.

Toutefois, j’aimerais souligner une fois de plus que ces améliorations nécessaires exigent un investissement beaucoup plus important dans la capacité de recherche du Canada en matière de biosurveillance et de toxicogénomique et une amélioration de cette capacité. Pour être en mesure de mieux utiliser la science et la technologie qui la soutient, nous devons faire les investissements nécessaires dans l’infrastructure et les ressources humaines qualifiées dont nous avons besoin pour effectuer les travaux scientifiques. Nous devons à la fois améliorer nos capacités nationales et renforcer nos collaborations internationales pour y parvenir. Nous ne pouvons pas construire une meilleure maison sans une assise solide.

Le projet de loi S-5 crée également une liste de surveillance qui désignera les substances ou les produits potentiellement préoccupants afin que les consommateurs soient mieux informés et que l’industrie puisse se servir de cette liste pour choisir de meilleures substances que celles qu’elle prévoyait d’utiliser. Cela devrait pousser l’innovation vers la création, la fabrication et l’utilisation de substances plus écologiques et plus sûres. Le projet de loi S-5 ajoute les « produits » aux substances, ce qui représente une autre approche positive pour protéger l’environnement et la santé humaine. Non seulement les substances qui nuisent à la santé humaine seront couvertes par la version modifiée de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, mais les produits qui émettent ou rejettent ces substances seront également réglementés. Il s’agit d’un autre pas en avant.

Le projet de loi S-5 accroît la transparence de l’évaluation et de la gestion des risques des substances et des produits. Le premier plan des priorités de gestion des produits chimiques doit être publié dans les deux ans qui suivent la date de la sanction royale. En plus d’accueillir la contribution du public pendant la création du plan, le projet de loi S-5 stipule que toute personne peut demander l’évaluation d’une substance afin de déterminer si elle est effectivement ou potentiellement toxique et il prévoit un délai de 90 jours pour étudier la demande. Le demandeur sera informé de la suite qu’on y donnera et des motifs à l’appui de cette décision. Il s’agit d’une mesure positive.

Le projet de loi S-5 modifie également la Loi sur les aliments et drogues afin que le cadre réglementaire qui y est prévu tienne compte de l’environnement ainsi que des risques pour la santé — par exemple, si un produit thérapeutique peut présenter un risque grave pour l’environnement — ce qui réduit le dédoublement, puisque les demandes d’approbation de nouveaux médicaments sont actuellement évaluées en fonction des exigences de la Loi sur les aliments et drogues et de celles de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. Le ministre de la Santé sera autorisé à agir, et pourra prendre une ou plusieurs mesures, notamment rappeler le produit visé et l’envoyer à un endroit où seront apportés des changements à l’étiquetage ou à l’emballage. En outre, la Loi canadienne sur la protection de l’environnement est modifiée pour exiger que les détenteurs de produits thérapeutiques informent le ministre de tout risque grave à l’environnement dont ils pourraient être mis au fait, sans égard à la source de l’information. Ces modifications amélioreront l’examen environnemental des produits thérapeutiques et contribueront à la création d’une approche réglementaire simplifiée pour l’évaluation des médicaments au Canada. Enfin, elles amélioreront la coordination pangouvernementale en matière d’évaluation des risques liés aux substances.

Honorables sénateurs, dans l’ensemble, j’estime que ce projet de loi constitue un pas dans la bonne direction. Dans les domaines visés, cette mesure améliore considérablement la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. Toutefois, certains ajustements pourraient être faits pour l’améliorer davantage. D’ailleurs j’en ai déjà mentionné quelques-uns qui me sont venus à l’esprit pendant mon intervention. Je suis persuadé que d’autres voudront examiner des éléments additionnels. Selon les communications du gouvernement du Canada, ce dernier est disposé à renforcer certaines parties du projet de loi au moyen d’amendements durant le processus parlementaire. Par conséquent, j’espère que cette mesure législative — qui est un pas dans la bonne direction — sera renvoyée dans les meilleurs délais au comité qui en examinera attentivement les nombreuses complexités et pourra l’améliorer. Merci, wela’lioq et d’akuju.

(Sur la motion du sénateur Wells, le débat est ajourné.)

Projet de loi concernant certaines mesures liées à la COVID-19

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-10, Loi concernant certaines mesures liées à la COVID-19.

L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-10, Loi concernant certaines mesures liées à la COVID-19, et en particulier sur les répercussions financières de cette mesure. Ce projet de loi comprend une demande 2,5 milliards de dollars liée aux tests de dépistage de la COVID. Il accorde en outre au ministre de la Santé le pouvoir de transférer des tests de dépistage de la COVID et des instruments servant à l’utilisation de ces tests aux provinces, aux territoires, ainsi qu’à des organismes et personnes au Canada.

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Le projet de loi C-10 a été présenté à la Chambre des communes le 31 janvier et a été lu une première fois au Sénat le 21 février. Les honorables sénateurs se rappelleront peut-être que pendant la période de questions du 9 février dans cette enceinte, j’avais demandé au ministre de la Santé pourquoi son projet de loi C-10 ne fournissait pas de renseignements sur la façon dont l’argent serait dépensé. Le projet de loi ne comprend que huit lignes, ne fournit pas de renseignements détaillés sur la façon dont les 2,5 milliards de dollars seront dépensés et n’impose aucune exigence en matière de reddition de comptes.

L’enjeu de la transparence et de la reddition de comptes à l’égard des 2,5 milliards de dollars a également été soulevé à la Chambre des communes le 14 février en comité plénier. À ce moment, le ministre de la Santé s’était engagé à présenter un rapport tous les six mois concernant le montant en dollars dépensé, le nombre de tests achetés et leur utilisation au cours des mois suivants. Il a dit : « Ce sera une façon de nous assurer [...] d’une reddition de comptes significative et nécessaire de la part du gouvernement canadien sur cette question. »

Si le ministre souhaitait réellement assurer une reddition de comptes significative, cet engagement aurait dû faire partie du projet de loi.

Honorables sénateurs, vous vous rappelez peut-être que, comme je l’ai déjà indiqué, les demandes de fonds du gouvernement ne peuvent pas être étudiées isolément dans un seul projet de loi. C’est aussi vrai pour le projet de loi C-10. La mise à jour économique du gouvernement le 17 décembre proposait aussi de réserver 1,7 milliard de dollars pour l’achat de tests de dépistage rapide. Ainsi, en plus des 2,5 milliards demandés dans le projet de loi C-10, une autre somme de 1,7 milliard est demandée dans le projet de loi C-8, qui est encore à l’étude à la Chambre des communes. Plus précisément, la partie 6 du projet de loi C-8 demande 1,7 milliard de dollars « pour toute dépense relative à des tests de la [...] (COVID-19) ».

Le Budget supplémentaire des dépenses (C) a été déposé à la Chambre des communes le 19 février et sera étudié par le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Pour le ministère de la Santé, le Budget supplémentaire des dépenses (C) révèle une troisième demande de fonds à hauteur de 3,2 milliards pour l’achat de tests rapides, et une autre demande de fonds de l’Agence de la santé publique du Canada de l’ordre de 750 millions de dollars, également pour des tests rapides. Ainsi, dans le Budget supplémentaire des dépenses (C), le gouvernement demande 4 milliards de dollars.

Hier, le directeur parlementaire du budget a publié son rapport sur le Budget supplémentaire des dépenses (C). À son avis, les dépenses proposées de 4 milliards de dollars dans le Budget supplémentaire des dépenses (C) sont les mêmes que celles proposées dans les projets de loi C-8 et C-10. Pourquoi le gouvernement demande-t-il deux fois de l’argent pour les mêmes initiatives? C’est très préoccupant. Si le Parlement approuve le même financement deux fois, le gouvernement disposera de 4 milliards de dollars pour d’autres projets. Le gouvernement pourra simplement transférer l’argent vers d’autres dépenses d’exploitation et l’utiliser à d’autres fins.

En conclusion, permettez-moi de résumer mes préoccupations financières au sujet du projet de loi C-10. Premièrement, ce projet de loi ne fournit pas assez d’information sur la façon dont l’argent sera dépensé. Deuxièmement, ce projet de loi ne contient aucun mécanisme de reddition de comptes. Même si le ministre a déclaré à l’autre endroit qu’il présenterait un rapport de reddition de comptes, le projet de loi ne renferme aucun engagement à cet effet. Troisièmement, le Budget supplémentaire des dépenses (C) demande les mêmes sommes de 2,5 milliards de dollars et de 1,7 milliard de dollars qui sont demandées dans les projets de loi C-10 et C-8, respectivement. Pourquoi le Budget supplémentaire des dépenses (C) contient-il les mêmes demandes de financement?

Honorables sénateurs, le Sénat doit se pencher sur ces points avant d’approuver le projet de loi C-10. Merci.

L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, je parlerai aujourd’hui du projet de loi C-10, Loi concernant certaines mesures liées à la COVID-19.

Ce projet de loi vise deux objectifs. D’abord, autoriser le ministre de la Santé à effectuer des paiements sur le Trésor relatifs à des tests de la COVID-19 jusqu’à concurrence de 2,5 milliards de dollars. Ce montant s’ajoute au montant de 1,7 milliard de dollars prévu dans la mise à jour économique et budgétaire de 2021, qui fait l’objet du projet de loi C-8. Cela signifie qu’au total, 4,2 milliards de dollars seront consacrés à l’approvisionnement en tests de dépistage de COVID-19.

Ensuite, le projet de loi C-10 autorise le ministre de la Santé à transférer des tests de la COVID-19 aux provinces, aux territoires ainsi qu’à d’autres entités.

Les tests de dépistage demeurent un outil essentiel pour lutter contre la pandémie de la COVID-19. Parce que cet outil contribue au dépistage précoce, les personnes infectées savent qu’elles doivent s’isoler, ce qui réduit la propagation du virus. Les Canadiens peuvent prendre les mesures requises pour se protéger et protéger leurs proches.

Deux types de tests de dépistage sont couramment utilisés pour détecter la présence du SRAS-CoV-2 : les tests de dépistage moléculaires et les tests antigéniques. Il y a des différences marquées entre ces deux types de test et chaque type a sa propre utilité.

Premièrement, parlons du test de réaction en chaîne par polymérase, qu’on appelle généralement « test PCR ». Il s’agit d’un test moléculaire fait à partir d’un échantillon recueilli dans les voies respiratoires supérieures; il vise à détecter la présence de matériel génétique appartenant au virus. La technologie PCR est très sensible et très spécifique, ce qui explique pourquoi on décrit souvent le test PCR comme la référence en matière de diagnostic.

L’analyse rapide des tests PCR dépend toutefois de plusieurs facteurs, soit l’efficience du transport, la capacité des laboratoires, l’accès à un équipement complexe et la présence d’employés spécialisés bien formés.

De plus, comme les tests PCR sont très sensibles à la présence de fragments du matériel génétique du virus, ils continuent souvent de donner des résultats positifs pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois, donc même une fois que la personne n’est plus contagieuse. Bref, l’emploi de tests PCR n’est pas toujours efficace ou pratique.

Le deuxième type de test est le test antigénique rapide. On utilise un échantillon recueilli par écouvillonnages nasal pour détecter la présence de particules virales qu’on appelle des antigènes. L’avantage du test antigénique rapide, c’est qu’il vous dit si vous êtes contagieux le jour où vous le faites. Il a aussi comme caractéristique de produire un résultat rapide, souvent en 15 minutes.

Les tests antigénique rapides ont aussi l’avantage d’être pratiques : ils sont plus abordables que les tests PCR et requièrent moins de ressources du secteur de la santé, puisque les gens peuvent les administrer eux-mêmes, à l’endroit de leur choix.

Au début de la pandémie, bon nombre de spécialistes de la santé ont appelé à l’utilisation des tests antigéniques rapides dans différents contextes communautaires, y compris dans des centres de soins de longue durée, des hôpitaux et des salles de classe.

Dans un texte d’opinion publié le 17 novembre 2020 dans le magazine TIME, le Dr Michael Mina, un épidémiologiste et médecin de Harvard, a appelé à ce que l’on reconnaisse que les tests antigéniques rapides sont d’importants outils qui pourraient nous aider à nous sortir de la pandémie. Il a écrit ceci :

L’idée est d’utiliser ces tests fréquemment afin que les gens aient la chance de connaître leur état de santé de façon précoce avant de transmettre la maladie à d’autres personnes. Dans un programme de santé publique axé sur le dépistage pour freiner les éclosions, il faut se concentrer sur la fréquence et la rapidité auxquelles on obtient des résultats plutôt que sur la sensibilité absolue.

On se demande souvent si les tests antigéniques rapides sont efficaces.

Du mois d’août au mois de décembre 2020, l’équipe du Royaume-Uni chargée de la surveillance des tests à flux latéral pour le dépistage de la COVID-19 a analysé la sensibilité et la spécificité de 64 tests antigéniques. Selon les résultats de leur expérience, publiés en mai 2021, les tests antigéniques « présentent des caractéristiques liées au rendement prometteuses pour le dépistage à grande échelle au sein de la population, et ils peuvent être utilisés pour cerner des personnes pouvant être contagieuses ».

D’après les données recueillies à l’égard de sept des tests antigéniques les plus populaires et les plus fiables, la probabilité qu’une personne contagieuse obtienne un résultat positif à un test se situait entre 96 % et 99 %, sauf dans le cas d’un de ces tests, où elle était de 94 %. Quant à la probabilité d’obtenir un résultat faussement positif, elle était inférieure à 1 %.

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Par-dessus tout, la probabilité qu’une personne contagieuse obtienne un résultat faux négatif varie de 1 % à 4 %, avec un des tests — et un seul — à 6 %.

De toute évidence, les tests antigéniques rapides constituent un outil de santé publique à la fois efficace et important, qui, lorsqu’il est utilisé hâtivement et fréquemment, s’avère très fiable pour détecter les personnes qui sont contagieuses au moment de passer le test.

Cependant, près de deux ans après le début de la pandémie, la compréhension de l’utilisation et de l’utilité des tests antigéniques rapides demeure limitée. Par rapport à d’autres pays, leur distribution au Canada a été lente. Leur utilité comme outil de dépistage de santé publique permettant de réduire le risque d’éclosions communautaires n’a pas été exploitée adéquatement.

Honorables sénateurs, tout au long de la pandémie, j’ai soulevé à maintes reprises la question des tests antigéniques rapides au Sénat, surtout durant la période des questions. Au début d’octobre 2020, je me suis renseignée sur le processus de distribution des tests antigéniques rapides à l’échelle du Canada. Quelques semaines plus tard à peine, j’ai demandé le nombre de tests antigéniques rapides qui avaient été attribués aux établissements de soins de longue durée.

Alors que les Canadiens continuent d’affronter les problèmes causés par la pandémie de COVID-19, l’accès aux tests antigéniques rapides reste limité. Les Canadiens sont forcés de se rendre à plusieurs endroits avant de pouvoir se procurer des trousses de tests. Beaucoup ont même dû patienter dans une file de l’aube au crépuscule pour finalement s’en retourner bredouilles.

Certaines provinces disposent de mécanismes ingénieux et efficaces de distribution. On peut ainsi trouver facilement des trousses de tests antigéniques rapides à de nombreux endroits tels que des bibliothèques publiques, des centres de ressources pour les familles, des épiceries, des stations-service et des sites de dépistage de la COVID-19. Par contre, dans d’autres provinces, les tests antigéniques rapides sont rares et difficiles, voire impossibles, à trouver.

Que la distribution et l’utilisation des tests antigéniques rapides relèvent des provinces et des territoires n’exonère pas le gouvernement fédéral de la responsabilité d’exercer un leadership en la matière. La pénurie de tests antigéniques rapides partout au Canada est une conséquence directe de la réticence du gouvernement fédéral à approuver ces tests au début de la pandémie. Cela dénote la mauvaise qualité des communications sur l’importance et l’utilité de ces tests.

Il faut dire que ces défis ne datent pas d’hier. Le gouvernement fédéral éprouve depuis des années des difficultés à communiquer clairement et efficacement sur les enjeux de santé publique.

En juin 2010, l’ancienne ministre de la Santé, Leona Aglukkaq, a demandé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie de mener une étude et de produire un rapport sur la réponse du Canada à la pandémie de grippe H1N1 en 2009. Puisque je siégeais à ce comité à l’époque, j’ai eu l’occasion de participer à l’étude.

Au cours de 10 réunions, mes collègues sénateurs et moi-même avons entendu les témoignages de représentants du gouvernement fédéral, de plusieurs gouvernements provinciaux et territoriaux, d’associations de professionnels de la santé, d’organisations des Premières Nations, d’organisations inuites et de la communauté scientifique.

En décembre 2010, le comité sénatorial a présenté un rapport intitulé La réponse du Canada à la pandémie de grippe H1N1 de 2009, qui résumait nos conclusions et fournissait 17 recommandations pour renforcer le futur plan de préparation du Canada en cas de pandémie. Le comité a entendu de très nombreux témoignages soulevant des inquiétudes à propos du manque d’efficacité et de clarté de la communication et des messages.

Le rapport a révélé ce qui suit :

Malgré la nette amélioration des communications par rapport à la crise du SRAS et les éloges dont l’ACSP a été l’objet, ce sont les messages et la communication qui ont été le plus souvent critiqués durant l’étude. Cette question est vaste et englobe la communication du gouvernement fédéral avec les Canadiens et les messages qui leur étaient destinés; la communication du fédéral avec les provinces et les territoires, les rôles de chacun, le cas échéant, dans les messages diffusés aux Canadiens par différents médias; et la responsabilité à l’égard des communications bidirectionnelles, si elle était possible ou utile.

Le rapport a aussi souligné les rôles et les responsabilités propres aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux en matière de santé publique.

Même s’il a été indiqué que, durant la pandémie de grippe H1N1, le gouvernement fédéral a joué un rôle de premier plan dans plusieurs domaines, dont la surveillance de la maladie, les programmes d’immunisation et d’administration d’antiviraux, les mesures de prévention des infections, les lignes directrices sur les soins cliniques, les communications de santé publique, la recherche et les tests en laboratoire, certains témoins ont affirmé que :

[...] le gouvernement fédéral aurait pu se montrer plus énergique. Certains intervenants de première ligne estimaient en effet que la responsabilité partagée en matière de santé publique devrait relever explicitement d’un leadership fédéral.

Des témoins ont proposé différents moyens d’uniformiser l’intervention au niveau national. Voici un extrait du rapport à ce sujet :

[...] notamment cultiver l’approche actuelle de consultation des provinces et des territoires en vue de conclure des ententes mutuelles entre les différentes compétences; harmoniser la législation provinciale et territoriale et appliquer les pouvoirs constitutionnels en matière de paix, d’ordre et de bon gouvernement.

À cette fin, ils ont convenu que : « le but de l’intervention devrait porter sur l’uniformisation de l’intervention nationale ».

Honorables sénateurs, je reconnais et je soutiens entièrement le besoin d’accroître l’offre de tests antigéniques au Canada. Toutefois, mon analyse préliminaire du projet de loi C-10 a soulevé plusieurs préoccupations.

La première concerne le libellé du projet de loi C-10. Il y est indiqué que le montant autorisé pour se procurer des tests pourrait atteindre 2,5 milliards de dollars. Pour autant, le projet de loi ne précise pas de quels types de tests il s’agit.

Pourtant, dans un communiqué de presse publié le 31 janvier, le gouvernement fédéral explique que le projet de loi C-10 conférerait à Santé Canada le pouvoir « [...] d’acheter des tests de dépistage rapide de la COVID-19 d’une valeur maximale de 2,5 milliards de dollars et de les distribuer dans tout le pays ».

Les termes utilisés dans le projet de loi C-10 et dans le communiqué de presse du gouvernement fédéral génèrent de la confusion et me poussent à me demander pourquoi le projet de loi C-10 omet de préciser quels types de tests seront achetés.

La deuxième préoccupation concerne la distribution équitable de tests de dépistage de la COVID-19 entre les provinces et les territoires. Selon la Mise à jour économique et financière de 2021 du gouvernement fédéral, en date du 26 novembre 2021, le Canada avait fait l’achat de 95 millions de tests antigéniques rapides et en avait distribué 86 millions aux provinces, aux territoires et aux communautés autochtones.

Au début du mois de janvier cette année, le gouvernement fédéral a promis de livrer 140 millions de tests antigéniques rapides supplémentaires aux provinces et aux territoires. Or, un certain nombre de provinces ont indiqué ne pas avoir encore reçu tous les tests qui leur avaient été attribués en janvier.

Dans un article du Toronto Star publié le 9 février 2022, on rapportait qu’un porte-parole de la ministre de la Santé de l’Ontario a affirmé ceci :

[...] la province a reçu 36,4 millions de tests antigéniques rapides d’Ottawa, et elle s’attend à ce que les 17,93 millions autres tests qui lui ont été promis soient livrés ce mois-ci.

D’ailleurs, le 9 février 2022, le gouvernement de l’Ontario annonçait avoir procédé à l’achat de 44 millions de tests rapides qu’il allait distribuer aux Ontariens sur huit semaines. Chaque semaine, l’Ontario distribuera 5,5 millions de tests dans certaines épiceries et pharmacies. Chaque ménage aura droit à une boîte contenant cinq tests rapides, par visite.

En outre, le gouvernement du Québec rapportait avoir reçu 24,2 millions de tests en janvier, ajoutant qu’il en attendait encore 5,8 millions. Plutôt que d’attendre l’arrivée de ces tests, le gouvernement du Québec a décidé de commander lui-même 100 millions de tests.

Honorables sénateurs, il est évident que nous ne pouvons pas continuer à faire l’achat de tests antigéniques rapides sans un leadership fort et un plan pour assurer leur distribution équitable entre les provinces et les territoires.

(1600)

Selon le site Web du gouvernement fédéral sur les tests de dépistage de la COVID-19, en date du 18 février 2022, 327 millions de tests rapides ont été reçus au Canada au total. De ce nombre, 296 millions ont été expédiés aux provinces et aux territoires. Cependant, les données précisant le nombre de tests antigéniques rapides qui ont été distribués à un point de service final et administrés aux patients ne sont pas claires. Comme l’indique le site Web, ces données n’ont pas été mises à jour depuis le 31 décembre 2021, et une grande partie de ces données sont manquantes.

Compte tenu du manque de données communiquées par les provinces et les territoires, comment pouvons-nous être sûrs que le nombre total de tests antigéniques rapides qui ont été distribués aux provinces et aux territoires ont atteint leur destination finale?

Il importe de noter que le projet de loi C-10 ne prévoit aucune surveillance parlementaire. En effet, le ministre de la Santé s’est engagé, dans l’autre endroit, à fournir un rapport au Parlement tous les six mois sur l’acquisition, la distribution et l’utilisation des tests antigéniques rapides. Toutefois, cet engagement n’était que verbal; nous n’avons aucune garantie que ces rapports seront publiés.

Dans son communiqué de presse du 31 janvier 2022, le gouvernement fédéral a déclaré que le financement autorisé par le projet de loi C-10 permettrait au gouvernement de :

[…] conclure des contrats essentiels dans un marché mondial très concurrentiel pour acheter suffisamment de tests rapides pour répondre à la demande soutenue partout au pays.

Selon le site Web du gouvernement fédéral sur l’approvisionnement par le Canada de tests de dépistage rapide de la COVID-19, le Canada a conclu une entente avec 16 fournisseurs de tests de dépistage rapide. J’ai tenté de me renseigner à savoir combien de ces tests antigéniques rapides sont fabriqués par des entreprises canadiennes, mais n’ai trouvé que des données incomplètes qui portent à confusion. Du mieux que j’ai pu comprendre, sur les 16 tests de dépistage rapide autorisés, moins de la moitié sont fabriqués par des entreprises canadiennes. Les autres sont fabriqués à l’étranger.

Cela m’amène à me demander : ne pouvons-nous pas produire ces tests chez nous? Pourquoi n’appuyons-nous pas l’innovation et l’investissement dans les entreprises canadiennes, deux choses pourtant essentielles?

On constate une tendance frappante dans la manière dont le gouvernement fédéral a choisi d’intervenir en réponse à la pandémie de COVID-19. Je rappelle à mes collègues que, au début de la pandémie, le gouvernement fédéral n’a pas réussi à concrétiser la production d’un vaccin contre la COVID-19 au pays pour assurer notre approvisionnement.

La négligence dont fait preuve le gouvernement fédéral à l’égard des industries canadiennes et sa dépendance de l’étranger pour répondre aux besoins du Canada en matière de fournitures médicales, telles que les vaccins et les tests antigéniques rapides, minent notre capacité à lutter efficacement contre la pandémie de COVID-19. Il est devenu évident que le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership pour remédier aux écarts qui s’observent au Canada pour ce qui est de la disponibilité des tests antigéniques rapides.

Il est peut-être temps que le gouvernement fédéral redéfinisse sa stratégie et trouve des moyens nouveaux et créatifs de distribuer des tests antigéniques rapides aux Canadiens. À titre d’exemple, le Canada peut s’inspirer des États-Unis, dont le nouveau site Web du gouvernement permet à tous les foyers américains de commander gratuitement jusqu’à quatre tests antigéniques rapides pour dépister la COVID qui seront livrés par les services postaux des États-Unis.

Honorables sénateurs, il est impératif que nous continuions à investir dans des outils qui nous permettront d’atténuer les effets de la pandémie de COVID-19.

Beaucoup de gens peuvent s’interroger sur la nécessité des tests antigéniques rapides à ce stade de la pandémie. Je rappelle à mes collègues que la valeur de ces tests découle de leur capacité à détecter le virus au moment où la personne infectée est la plus contagieuse. Ils jouent un rôle très important en tant que dispositif de dépistage de santé publique pour prévenir la transmission communautaire.

Avec le temps, le virus de la COVID-19 passera inévitablement d’un état pandémique à un état endémique. Nous continuerons à voir que l’importance des tests antigéniques rapides en tant qu’outil de santé publique découle de leur efficacité à gérer les éclosions dans les collectivités et les lieux de travail en identifiant les personnes qui sont contagieuses. Au bout du compte, cela garantira notre retour en toute sécurité à un nouveau mode de vie « normal ». Merci.

L’honorable Dennis Glen Patterson : La sénatrice accepterait‑elle de répondre à une question?

La sénatrice Seidman : Oui, certainement.

Le sénateur Patterson : Je commence à en avoir assez de voir des projets de loi traités à toute vitesse au Sénat en réponse à un dictat du gouvernement, quel que soit leur bien-fondé. Vous venez de décrire le rôle crucial qu’un comité peut jouer — et joue — quand il faut composer avec une situation de ce genre. Vous avez aussi exprimé des préoccupations de manière réfléchie.

Je sais que vous êtes la porte-parole. Pourriez-vous me dire quel est l’échéancier prévu pour l’étude en comité et l’examen du projet de loi? Croyez-vous, comme moi, que le comité devrait disposer d’assez de temps pour bien faire son travail?

La sénatrice Seidman : Je vous remercie de votre question, sénateur Patterson. Je ne peux malheureusement pas vous dire quel est l’échéancier du comité, car je l’ignore. Je sais toutefois que, dès que le projet de loi sera renvoyé au comité, ce qui arrivera aujourd’hui, je l’espère, le comité en sera saisi. Il devra bien sûr déterminer quels témoins il souhaite entendre et quel rôle doit jouer le comité.

L’honorable Frances Lankin : L’honorable sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre question?

La sénatrice Seidman : Oui.

La sénatrice Lankin : Je vous remercie de nous aider à comprendre ce projet de loi, sénatrice Seidman. Je remercie aussi la sénatrice Marshall. Vous mettez toutes les deux votre vaste expertise au service de notre examen des projets de loi comme celui-là, ce qui nous aide. Vous jouez un rôle crucial à titre de porte-parole.

Pour ce qui est des préoccupations que vous avez soulevées, pourriez-vous me dire, par exemple, lesquelles vous aimeriez voir transformées en amendements au projet de loi, et lesquelles seraient plutôt de nature à être notées dans les observations?

À ma connaissance, il y a eu des discussions, mais pas nécessairement une entente, voulant que le projet de loi soit traité rapidement par le comité.

Pour nous éclairer, pourriez-vous nous dire ce qu’il serait possible d’accomplir au moyen d’observations, selon vous, et ce qui devrait être un amendement important apporté au projet de loi? Merci beaucoup.

La sénatrice Seidman : À mon avis, certaines préoccupations pourraient probablement être notées dans les observations. Je crois que l’un des amendements les plus importants que nous pourrions apporter porte sur la reddition de comptes. Vu que très peu de données sont publiées sur le site Web du gouvernement et que certaines d’entre elles remontent à aussi loin que décembre, je pense que le ministre doit présenter un rapport et que cette exigence doit figurer dans le projet de loi afin que nous soyons certains qu’il en présente un au lieu de compter uniquement sur les promesses qu’il fait à l’autre endroit.

J’aimerais voir un amendement qui intègre la reddition de comptes et la production de rapports dans le projet de loi afin que nous ayons plus d’information sur la façon dont les tests sont distribués ainsi que sur le processus exact de distribution.

Sénatrice Lankin, selon moi, l’un des plus gros problèmes, c’est que les provinces ne transmettent pas régulièrement des rapports cohérents au gouvernement fédéral, ce qui restreint notre capacité à comprendre si les tests arrivent réellement aux points de service.

Mon sujet de préoccupation concerne toujours la reddition de comptes. Le reste des questions peut probablement être traité à l’aide des observations.

La sénatrice Lankin : Merci, madame la sénatrice. Nous pourrons examiner ces questions au comité lorsque des fonctionnaires et, espérons-le, le ministre comparaîtront. Je m’engage à le faire, à l’instar d’autres sénateurs, j’en suis sûre. Je n’ai pas de question complémentaire. Merci.

(1610)

L’honorable Stan Kutcher : D’abord, je tiens à vous remercier pour la classe de maître lors de la discussion sur le dépistage. Fantastique. Merci beaucoup.

Je suis entièrement d’accord avec vous sur la question de la reddition de comptes. Cela me pose problème, et j’aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet. Il existe des mécanismes de reddition de comptes pour le fédéral en ce qui a trait à l’origine exacte des tests et à ce qu’en font les provinces lorsqu’elles les reçoivent. Certaines provinces ont gardé ces tests sur leurs tablettes pendant des mois. Il y a aussi la reddition de comptes des provinces à l’égard des citoyens. Les citoyens reçoivent-ils les tests dont ils ont besoin? J’habite en Nouvelle-Écosse. Nous avons en fait accompli un très bon travail pour ce qui est de l’utilisation des tests rapides. Si nous pouvons le faire, d’autres provinces devraient pouvoir le faire également.

Comment aborderiez-vous cet enjeu? Je partage votre avis concernant la reddition de comptes. Comment peut-on résoudre cet enjeu?

La sénatrice Seidman : C’est une très bonne question, car les données sont recueillies par différentes administrations, à la fois provinciales et fédérale. Cela ne date pas d’hier et c’est difficile, sans aucun doute. Nous savons que le gouvernement fédéral ne reçoit pas des données cohérentes des provinces. Je comprends qu’il s’agit d’un problème.

Par contre, dans le cas qui nous occupe, je crois que le gouvernement fédéral peut faire mieux pour ce qui est de la collecte de données et de la transparence sur son site Web. Il était très évident que beaucoup de données n’avaient pas été mises à jour depuis décembre. Par conséquent, il est très difficile de savoir s’il y a une distribution équitable entre les provinces, par exemple.

Je crois qu’il est intéressant de souligner que le gouvernement américain a décidé d’assumer la responsabilité de la distribution des tests rapides à tous les citoyens de ce pays. La population n’a qu’à consulter le site Web de services de santé nationaux américains et à commander ses trousses de tests, qui sont livrées par la poste.

C’est une autre approche en matière de reddition de comptes.

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Est-ce que la sénatrice Seidman accepterait de répondre à une autre question?

La sénatrice Seidman : Certainement.

La sénatrice Dupuis : Merci, sénatrice Seidman.

Je vous écoute et je prends des notes, mais j’ai de très grands blancs, parce que votre cours était tellement complet que certaines informations m’ont échappé.

J’ai une première question sur la spécification des tests qui n’étaient pas inclus ou qui n’étaient pas précisés. Pouvez-vous revenir sur l’explication que vous nous avez donnée? Est-ce que vous pensez que ces spécifications devraient faire l’objet d’une observation ou que le projet de loi devrait faire l’objet d’un amendement?

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Non, je ne crois pas que ce projet de loi puisse régler les questions de sensibilité et de spécificité. Ce sont des caractéristiques associées aux tests de dépistage utilisés en Amérique du Nord et probablement partout dans le monde. En fait, ces tests sont extrêmement sensibles et très spécifiques. Je vous ai présenté les données concernant les tests les plus communs. Sept d’entre eux sont très couramment utilisés au Canada, et leurs niveaux de sensibilité et de spécificité sont très impressionnants.

Permettez-moi de consulter mes notes si vous voulez des chiffres précis. Ces chiffres proviennent de l’équipe du Royaume-Uni chargée de la surveillance des tests à flux latéral pour le dépistage de la COVID-19. Cette équipe a analysé 64 tests antigéniques et publié ses résultats en mai 2021. Ceux-ci démontrent que ces tests ont de très prometteuses caractéristiques liées au rendement. Comme je l’ai dit, il s’agit des caractéristiques des tests; on ne peut rien y changer. C’est ainsi. Toutefois, selon les tests les plus populaires — les sept meilleurs et plus fiables —, la probabilité qu’une personne contagieuse obtienne un résultat positif à un test se situait entre 96 % et 99 %. Dans le cas d’un de ces sept tests, la probabilité était de 94 %. La probabilité d’obtenir un résultat faussement positif était inférieure à 1 %. Vous comprendrez donc qu’il est très improbable d’obtenir un résultat faussement positif.

Plus important encore, la probabilité qu’une personne infectée obtienne un résultat faussement négatif est très faible, de l’ordre de 1 % à 4 %. Comme je l’ai déjà dit, cela signifie que ces tests sont sensibles et spécifiques.

J’espère que cela répond à votre question.

[Français]

La sénatrice Dupuis : J’ai une question complémentaire, si la sénatrice Seidman accepte d’y répondre.

La sénatrice Seidman : Bien sûr.

La sénatrice Dupuis : Sénatrice Seidman, lorsque vous avez parlé de la reddition de comptes du gouvernement fédéral et que vous avez affirmé que cela mériterait peut-être une observation ou un amendement, est-ce que l’on peut convenir que c’est un aspect que l’on veut vérifier? Ce qu’il faut savoir, c’est dans quelle mesure le gouvernement fédéral a distribué les tests, à quel rythme et à quelles provinces ou à quels territoires il en a distribué.

Autrement dit, on ne veut pas s’embarrasser d’un problème que vous avez très bien illustré, c’est-à-dire qu’on ignore ce que les provinces elles-mêmes ont fait de ces tests et qu’on n’a pas les moyens de vérifier ce que les provinces ont fait à partir du moment où elles les ont reçus.

Peut-on convenir que la reddition de comptes à laquelle on s’intéresse ici, c’est ce que le gouvernement fédéral a fait, comment il l’a fait et à quel rythme il l’a fait?

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Jusqu’à un certain point, je pense que vous avez raison sur le fait que ce qui nous intéresse, c’est la capacité du gouvernement fédéral d’obtenir ces tests — c’est-à-dire auprès des fabricants — et de les distribuer aux provinces. Cependant, le gouvernement du Canada a bien un site Web où l’on peut voir — je regarde à l’instant pour être certaine — le nombre de tests antigéniques rapides qui ont été livrés au point de service et qui ont été administrés aux patients. Malheureusement, ces données n’ont pas été mises à jour depuis le 31 décembre.

De toute évidence, il y a moyen de suivre l’arrivée de ces tests à leur point de destination dans les provinces. Si le gouvernement du Canada fait ce suivi, il peut faire preuve de transparence et rendre des comptes à cet égard.

[Français]

L’honorable Rosa Galvez : Est-ce que la sénatrice Seidman accepterait de répondre à une question?

La sénatrice Seidman : Oui, bien sûr.

[Traduction]

La sénatrice Galvez : Je vous remercie pour tous les renseignements que vous nous avez fournis, sénatrices Seidman et Marshall. Les points que vous avez soulevés portent à croire qu’il faut être très vigilants pour ne pas gaspiller les sommes d’argent disponibles, ces milliards de dollars. C’est inquiétant.

Nous savons que ces tests antigéniques ne sont pas demeurés immuables. Ils évoluent et sont de plus en plus précis. Si l’on compare la génération actuelle aux premiers tests disponibles qui avaient de plus hauts taux d’erreur, on constate que des améliorations considérables ont été apportées depuis.

(1620)

Je constate qu’il y a deux problèmes, sénatrice Seidman. D’une part, il y a l’argent que nous payons pour des tests, lesquels évoluent avec le temps, et nous ne savons pas exactement de quel type ils sont et comment ils se rendent à la population. D’autre part, s’il s’agit d’un doublement de dépenses et de tests, c’est un problème d’efficacité.

Je peux vous dire que lorsque j’étais à Glasgow pendant la COP26, ces tests étaient distribués dans les pharmacies, les gares et les stations de métro. Dans ma province, le Québec, il y a eu des moments où mes collègues et mes amis ont essayé d’obtenir ces tests à la pharmacie, mais ils n’étaient tout simplement pas disponibles. À l’heure actuelle, ils sont disponibles, mais il y en a très peu et ils ne sont pas gratuits.

Nous savons que les provinces ont acheté des tests et qu’elles les distribuent, en quelque sorte. On peut obtenir les tests auprès du fédéral ou du provincial.

Je veux vous demander : à quel échelon voulez-vous que l’on rende des comptes? Devrions-nous demander quel type de tests sont commandés, quel est le rendement de ces tests et comment ils parviennent aux gens? Je fais partie du Comité des finances nationales et vous mentionnez que vous n’en faites pas partie, alors nous allons en discuter. J’aimerais savoir à quel échelon vous souhaitez que ces informations soient fournies. Merci.

La sénatrice Seidman : Merci, sénatrice Galvez.

Il est clair que les provinces — et j’ai parlé plus particulièrement du gouvernement de l’Ontario et du gouvernement du Québec, qui voulaient désespérément se procurer ces tests antigéniques rapides — en ont reçu quelques millions du gouvernement fédéral, mais elles n’ont pas obtenu tous les tests qui leur avaient été promis. L’Ontario a acheté, sans passer par le gouvernement fédéral, 44 millions de tests rapides supplémentaires. Le Québec a également pris l’initiative de commander 100 millions de tests antigéniques rapides. Je présume que ces fonds proviennent des budgets des provinces. Pourtant, les gouvernements provinciaux n’essaient pas de facturer ces tests au gouvernement fédéral. Si le gouvernement fédéral achète pour plus de 4 milliards de dollars de tests rapides, il doit rendre compte de ce qu’il en advient.

En ce qui concerne le type de tests utilisés, je crois que la sénatrice Galvez a raison. Ils ont évolué. Il ne fait aucun doute que ceux que l’on utilise aujourd’hui sont beaucoup plus fiables que ceux que l’on utilisait auparavant.

Vous remarquerez que, dans mon discours, je me suis dite très déçue que nous n’ayons pas encouragé plus d’entreprises canadiennes à élaborer et à fabriquer ces tests au pays, car cela nous aiderait à mieux maîtriser notre capacité à les produire et à les distribuer. J’ai ici une liste des entreprises qui fabriquent et qui fournissent les tests. Il y a deux entreprises canadiennes autorisées par Santé Canada à en faire la vente et la production : une en Ontario et une en Colombie-Britannique. Ensuite, il y a des entreprises canadiennes qui fournissent des tests antigéniques rapides fabriqués à l’étranger. Cela signifie que seulement deux entreprises canadiennes fabriquent, produisent et vendent de tels tests au gouvernement canadien.

Le gouvernement canadien fait affaire avec ces deux entreprises. Par contre, comme je l’ai dit, il y a trois entreprises qui se procurent ces tests à l’étranger, puis en font la distribution ici.

Sept entreprises internationales fabriquent des tests de dépistage rapide de la COVID-19, et le Canada se procure des tests auprès des sept entreprises aux États-Unis. De plus, il y a quatre entreprises étrangères à l’extérieur des États-Unis à qui nous achetons aussi des tests et les faisons livrer au Canada.

Cela vous donne une idée de la grande quantité de tests. Somme toute, il ne fait aucun doute que nous devrions nous intéresser aux tests les plus sensibles, les plus spécialisés et les plus fiables.

Comme je l’ai dit — et je pense que c’est le détail le plus important à ce sujet —, ces tests ont une valeur énorme comme instrument de dépistage pour la santé publique, parce que les tests antigéniques rapides permettent de savoir si quelqu’un est contagieux le jour même. Ce n’est pas le cas des tests PCR. C’est pour cette raison que nous devons comprendre la valeur des tests antigéniques rapides et qu’ils devraient être offerts partout au pays.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer? Sénatrice Wallin, avez-vous une question?

L’honorable Pamela Wallin : Oui, si nous avons encore deux minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous avons trois minutes.

La sénatrice Wallin : J’aimerais soulever deux questions brièvement. Premièrement, devons-nous dépenser ces milliards de dollars, étant donné que les provinces ont déjà acheté ces tests elles‑mêmes et qu’il y a un chevauchement, puisqu’il y a deux projets de loi qui prévoient des dépenses équivalentes? Avons-nous besoin de tout cet argent maintenant que les provinces vont de l’avant? Deuxièmement, en ce qui concerne ces tests, la collecte de données est-elle aussi inefficace que pour d’autres aspects comme les effets du vaccin, de la maladie, et cetera?

La sénatrice Seidman : Je serai brève. En ce qui concerne l’aspect financier, je vais laisser répondre mes collègues qui sont beaucoup plus qualifiés pour comprendre ces chiffres et qui ont ce genre d’expertise.

Je dirais que nous ne devons pas oublier l’importance des tests antigéniques rapides. Je pense qu’ils seront d’une importance capitale. Nous en avons besoin.

Quelle était votre deuxième question? Je suis désolée.

La sénatrice Wallin : Elle portait sur la collecte de données et...

La sénatrice Seidman : Je dois dire que nous sommes très inefficaces en matière de collecte de données et dans une foule d’autres domaines.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

Le Sénat

Motion tendant à autoriser une modification à la Constitution (Loi sur la Saskatchewan) par proclamation de Son Excellence la gouverneure générale—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Cotter,

Attendu :

que le 21 octobre 1880, le gouvernement du Canada a conclu un contrat avec le consortium du chemin de fer Canadien du Pacifique pour la construction du chemin de fer Canadien du Pacifique;

qu’aux termes de l’article 16 du contrat de 1880 relatif au chemin de fer Canadien du Pacifique le gouvernement fédéral a accepté d’accorder une exemption fiscale à la Compagnie du chemin de fer Canadien du Pacifique;

qu’en 1905 le Parlement du Canada a adopté la Loi sur la Saskatchewan qui créa la Province de la Saskatchewan;

que l’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan renvoie à l’article 16 du contrat de 1880 relatif au chemin de fer Canadien du Pacifique;

que la construction du chemin de fer Canadien du Pacifique s’est terminée le 6 novembre 1885 avec la pose du dernier crampon à Craigellachie, et que l’exploitation de l’entreprise dure depuis 136 ans;

que la Compagnie du chemin de fer Canadien du Pacifique a payé les taxes pertinentes au gouvernement de la Saskatchewan depuis la création de la Province en 1905;

qu’il serait injuste pour les résidents de la Saskatchewan qu’une grande entreprise soit exonérée de certaines taxes provinciales, ce qui aurait pour effet d’augmenter le fardeau fiscal des résidents de la Saskatchewan;

qu’il serait injuste pour les autres commerces exploités en Saskatchewan, y compris les petites entreprises, qu’une grande entreprise soit exonérée de certaines taxes provinciales, ce qui lui donnerait un avantage concurrentiel important sur ces autres commerces, au détriment des agriculteurs, des consommateurs et des producteurs de la Province;

que le fait que des restrictions fiscales s’appliquent à la Saskatchewan, mais non à d’autres provinces, contreviendrait au statut égalitaire qu’occupe la Saskatchewan au sein de la Confédération;

que le 29 août 1966, le président d’alors de la Compagnie de chemin de fer du Pacifique-Canadien, Ian D. Sinclair, a déclaré au ministre fédéral des Transports d’alors, Jack Pickersgill, que le conseil d’administration de la compagnie n’avait aucune objection à ce que des modifications soient apportées à la constitution de façon à mettre fin à l’exemption fiscale;

que l’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que la Constitution du Canada peut être modifiée par proclamation de la gouverneure générale sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l’assemblée législative de chaque province concernée;

que l’Assemblée législative de la Saskatchewan a adopté le 29 novembre 2021 une résolution visant à modifier la Constitution du Canada;

Le Sénat a résolu d’autoriser la modification de la Constitution du Canada par proclamation de Son Excellence la gouverneure générale sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l’annexe ci-jointe.

ANNEXE

MODIFICATION À LA CONSTITUTION DU CANADA

1.L’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan est abrogé.

2.L’abrogation de l’article 24 est réputée remonter au 29 août 1966 et produit ses effets à partir de cette date.

TITRE

3.Titre de la présente modification : Modification constitutionnelle de [année de promulgation] (Loi sur la Saskatchewan).

L’honorable Scott Tannas : C’est avec plaisir que je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion no 14. J’ai écouté les discours et quelques-unes des questions. J’ai constaté que bon nombre de questions avaient été soulevées, dont voici un échantillon.

Je me demande si les gouvernements veulent vraiment retirer unilatéralement et rétroactivement des droits négociés en toute bonne foi par une organisation qui assumait les risques et les obligations décrits dans un contrat valide. C’est la première question qui m’est venue à l’esprit en écoutant les discours. Allons‑nous vraiment retirer, avec un effet rétroactif de 50 ans, des droits légaux qui ont été négociés et mis en œuvre?

(1630)

Je croyais avoir mal compris, mais non, c’est bien le sujet de la discussion, du moins je le crois.

On a indiqué ou on a laissé entendre qu’en 1966, le Canadien Pacifique a cédé ou a accepté de céder son exemption de taxe provinciale. Il faut souligner qu’il s’agit d’une très petite exemption, qui s’applique uniquement à l’exploitation du chemin de fer dans la province. Cette exemption ne s’applique à aucune des autres activités du Canadien Pacifique en 1966. Souvenez-vous qu’en 1966, au Canada seulement, le Canadien Pacifique avait des navires, une compagnie aérienne, une chaîne d’hôtels, une immense compagnie pétrolière et gazière, une énorme entreprise immobilière, une compagnie de charbon et un chemin de fer.

A-t-il donc vraiment cédé cette exemption en 1966? Faisait-elle partie d’une demande liée aux impôts fonciers? Si ce n’est pas le cas, alors pourquoi cette motion nous ramène-t-elle en 1966? En quoi l’année 1966 est-elle magique, s’il est évident ailleurs, possiblement dans une décision de la cour, que le Canadien Pacifique n’a pas cédé l’exemption d’impôt provincial? Je ne comprends pas. Je pense que nous devrions tâcher de trouver une réponse à cette question.

La question suivante m’est venue lorsque j’écoutais le sénateur Gold, le sénateur Cotter et le sénateur Arnot, qui ont tous trois mentionné que nous devions nous prononcer rapidement et sans tarder en faveur de la motion. Je me suis demandé quelles étaient les raisons de cet empressement. Pourquoi cette urgence après plus de 150 ans? Pourquoi devons-nous tout à coup procéder aussi rapidement?

Si vous regardez dans le hansard les occurrences de « rapidement » et « sans tarder », vous remarquerez que ces termes sont employés très fréquemment, mais sans justification. Qu’est-ce qui était donc si pressant?

Je voulais savoir si une vérification diligente avait été effectuée dans les autres assemblées. Je n’ai pas fait preuve de toute la diligence voulue, mais il est intéressant de noter que l’Assemblée législative de la Saskatchewan a débattu de cette question pendant 4 minutes et 30 secondes. La Chambre des communes y a consacré une journée de l’opposition comportant un débat terne d’où transpirait un certain malaise vu la conclusion réglée d’avance. Je ne pense pas que la question ait été renvoyée au comité, mais je n’en suis pas certain. Lorsque j’ai jeté un bref coup d’œil sur la vérification diligente qui avait été faite jusque-là, je n’ai pas eu l’impression que les législateurs avaient suivi le processus avec un degré élevé de transparence.

Je me suis également interrogé sur le précédent que nous pouvions créer en nous prononçant en faveur de cette motion, selon ce que j’en ai compris — et je ne suis pas absolument certain d’avoir compris à 100 %. Je sais que le Canadien Pacifique a des droits et des obligations similaires en Alberta et au Manitoba. Alors, je soupçonne que peu importe ce que nous faisons ici, si nous appuyons la motion par exemple, nous serons obligés de faire la même chose pour l’Alberta et le Manitoba.

Une voix : Bravo!

Le sénateur Tannas : C’est peut-être exactement ce que nous devons faire. Je ne suis pas en train de dire que ce ne l’est pas. Toutefois, je pense que la question est plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord.

Il est intéressant de réfléchir au précédent qui pourrait être établi. Si nous procédons comme je pense que nous le ferons avec cette motion, nous pouvons nous attendre à ce que l’Alberta et le Manitoba présentent une demande semblable en relativement peu de temps. Si nous découvrons que nous n’avons pas fait preuve d’une diligence raisonnable et que nous avons fait une erreur en adoptant rapidement cette motion, nous répéterons la même erreur à deux reprises à cause de cette décision.

Il y a un autre point que je voulais soulever, et il en a été question un peu dans une partie des discours. Quel serait l’effet du précédent s’il s’appliquait à une organisation un peu plus vertueuse que le Canadien Pacifique? Qu’en serait-il si un groupe minoritaire devait gagner un prix de 50 milliards de dollars et que la province ne pouvait pas ou ne voulait pas payer ou si des fonds publics étaient en jeu? Est-ce que toutes ces questions sont parfaitement claires, ce qui nous permettrait d’adopter la motion à toute vapeur après avoir prononcé quelques mots au Sénat, comme l’ont fait d’autres assemblées? Est-ce pour cette raison que nous sommes les derniers intervenants du processus? Sommes-nous censés nous contenter d’emboîter le pas? Je ne pense pas que c’est ce en quoi consiste notre travail. Je n’y crois pas.

Voilà quelles étaient mes questions. J’ai fait quelques recherches. Je n’excelle pas à la recherche et je les ai faites seul. Toutefois, ce que je peux dire avec assurance, chers collègues, c’est qu’avant de prendre une décision, nous devrions nous-mêmes faire preuve d’un peu plus de diligence raisonnable. Je ne sais pas si cela changera le résultat, mais là n’est pas la question.

Je pense que nous devrions faire nos devoirs ici. Je le pense sincèrement. En tant que sénateurs, nous devrions tous nous prononcer sur cette motion-ci en toute connaissance de cause, en comprenant ce que nous faisons, au juste, et pourquoi nous le faisons.

Motion de renvoi au comité—Débat

L’honorable Scott Tannas propose :

Que, conformément à l’article 5-7b) du Règlement, l’affaire en discussion soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles à des fins d’examen et de rapport;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 31 mars 2022.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Tannas, plusieurs sénateurs attendent de vous poser des questions. Accepteriez-vous d’y répondre?

Le sénateur Tannas : Je répondrai avec grand plaisir à absolument toutes les questions.

L’honorable Paula Simons : Sénateur Tannas, comme vous, je suis originaire d’Alberta. Comme vous, je suis en train de me renseigner sur la situation. J’ai rencontré des représentants du Canadien Pacifique qui m’ont dit que les poursuites contre l’Alberta se montaient dorénavant à la somme de 95 millions de dollars en taxes qu’ils considèrent avoir payée indûment.

Je me demande juste une chose, en tant qu’Albertains, avons‑nous l’obligation en tant que sénateurs albertains d’enquêter davantage sur les implications de cette modification constitutionnelle pour la population et les contribuables albertains?

Le sénateur Tannas : Oui, pour les raisons que je viens d’indiquer. C’est une excellente question. Si nous adoptons cette motion, je suis convaincu que le Manitoba et l’Alberta nous demanderont la même chose. Je crois que, sur le plan moral, si nous acquiesçons à cette première demande, nous n’aurons plus la liberté d’examiner les suivantes d’un œil critique. J’estime donc qu’il est tout aussi important d’examiner cet aspect.

J’ajouterai que selon moi nous devons procéder rapidement, pour reprendre la rengaine. Ma proposition n’est pas une tactique dilatoire. Je crois que nous devons faire nos devoirs rapidement et efficacement, examiner la question en profondeur, nous faire présenter tous les faits, poursuivre cet excellent débat, puis prendre une décision. Merci.

La sénatrice Simons : Je m’en voulais de ne pas être au courant de la poursuite contre l’Alberta. Pas plus tard qu’aujourd’hui, j’ai consulté les archives du Calgary Herald et de l’Edmonton Journal, et je n’ai pu trouvé aucun article dans ces deux grands journaux albertains concernant la poursuite du Canadien Pacifique contre l’Alberta. Nous avons vérifié auprès de la bibliothèque de l’Assemblée législative de l’Alberta, mais elle n’a aucun document à ce sujet.

(1640)

Que dites-vous aux gens de l’Alberta qui viennent tout juste d’apprendre que le Canadien Pacifique nous a poursuivi pour une telle somme d’argent à l’époque où Ed Stelmach était premier ministre?

Le sénateur Tannas : Je me trouve chanceux de ne pas avoir à répondre au nom du gouvernement de l’Alberta.

C’était pour moi une nouvelle fort intéressante. Je ne savais pas qu’une exemption fiscale perpétuelle avait été accordée au Canadien Pacifique concernant l’exploitation de son chemin de fer au Manitoba, en Alberta et en Saskatchewan, qui n’étaient pas encore des provinces lorsque cette entente a été conclue. Je crois que c’est pour cette raison qu’elles se sont retrouvées avec cette exemption sur les bras.

Je ne sais pas pourquoi ce n’était pas quelque chose de connu. Personnellement, je n’étais pas au courant et j’ai trouvé très intéressant de l’apprendre.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Tannas : Oui.

Le sénateur Gold : Sénateur Tannas, vous savez que je ne remets pas en question le pouvoir du Sénat d’examiner et d’étudier toutes les questions dont il est saisi, mais, dans le cas présent, notre approbation est requise pour que la Saskatchewan puisse modifier ses propres lois. Comme près de 400 élus — je crois que le nombre exact est 399 — de la Saskatchewan et du Parlement fédéral ont déjà approuvé la motion, ne craignez-vous pas que renvoyer la question au comité, avec tout le temps que son étude demandera alors que nous approchons d’une semaine de pause, envoie un message négatif à la Saskatchewan? Après tout, il s’agit d’un exemple parfait de fédéralisme coopératif. J’aimerais savoir ce que vous en pensez.

Le sénateur Tannas : Cela ne me dérange pas. Nous avons un travail à faire. Nous pourrions adopter à l’unanimité tout ce qui nous est présenté ici ou qui a été adopté par d’autres assemblées législatives, en nous excusant de mettre les bâtons dans les roues, si c’est ce que vous pensez que nous devrions faire.

Nous devons exercer la diligence nécessaire. Très honnêtement, cela s’est avéré un peu plus compliqué que ce qui nous a été présenté. Je dirais également que le fait que cela ait été adopté à l’unanimité, sans débat ni examen par les autres législateurs, constitue davantage un avertissement qu’une invitation à en faire autant. Cela devrait nous encourager davantage à procéder à un second examen objectif plutôt que de l’approuver les yeux fermés. Par conséquent, cela ne me dérange absolument pas que nous prenions le temps de l’étudier.

Il y a deux volets à votre question. Le premier est de savoir si le fait de tenir des réunions de comité et d’essayer d’obtenir les faits pour pouvoir voter en connaissance de cause constituerait un manque de respect envers la Chambre des communes ou l’Assemblée législative de la Saskatchewan. Je ne pense pas que ce soit le cas.

Pour ce qui est des délais, ma motion vise le 31 mars. D’ici là, je crois que le Comité des affaires juridiques dispose de trois semaines de séances, et je ne crois pas qu’il soit saisi de quelque projet de loi que ce soit en ce moment; si je ne m’abuse, je ne crois pas que ce soit le cas. Cela devrait être suffisant pour établir les faits, et je pense que nous pouvons y arriver avec un nombre relativement limité de témoins.

En ce qui concerne l’échéance, si je comprends bien, on nous demande de nous dépêcher — corrigez-moi si je me trompe — parce que la Saskatchewan et le Canadien Pacifique vont présenter leur plaidoyer final respectif devant les tribunaux en mai et qu’il semble que la province pourrait perdre sa cause. Nous devons donc retirer ses droits juridiques au Canadien Pacifique avant que le juge ne rende son verdict.

Maintenant que nous savons cela — du moins c’est ce que je crois; peut-être que le comité me dira que j’ai tort —, et si ces faits sont exacts, je crois que nous avons le temps de nous pencher sur la question jusqu’au 31 mars puis d’agir en avril, si besoin est, bien avant les plaidoyers finaux et la décision du juge.

L’honorable Denise Batters : Merci, sénateur Tannas.

Tout d’abord, je ne crois pas que la Saskatchewan devrait être punie parce qu’elle a pris des mesures proactives en vue d’obtenir une somme considérable d’argent qu’elle considère lui être due. L’Alberta et le Manitoba n’ont d’ailleurs pris aucune mesure à ce sujet.

Ma question à votre intention porte sur la Chambre des communes. Vous avez parlé, je vous cite, de « débat terne ». Je me demandais toutefois si vous saviez que ce sujet a fait l’objet d’une motion de l’opposition officielle conservatrice. On consacre environ six heures de débat à une telle motion. La Chambre des communes a donc consacré une assez longue période à débattre de ce sujet. La motion a ensuite été adoptée à l’unanimité, y compris par le ministre fédéral de la Justice. J’aimerais connaître votre opinion à ce sujet.

Le sénateur Tannas : Quand j’ai dit « terne », je pensais aux députés des différents partis qui ont parlé de leur hésitation dans ce dossier.

Il y a un aspect politique dans cette affaire qu’il faut reconnaître dans les motions unanimes qui ont été adoptées par les deux Chambres. Ce n’est pas censé nous influencer au Sénat. Je pense donc que cela nous amène encore une fois à devoir nous préparer encore plus que s’ils avaient fait des études approfondies et pris ces décisions.

Vous avez toutefois soulevé un autre bon point. Comment la Saskatchewan, l’Alberta et le Manitoba se sont-ils retrouvés avec ce projet de loi? Comment en sont-ils venus à assumer le fardeau des exemptions fiscales pour le CP? Quel rôle le gouvernement fédéral a-t-il joué dans cette affaire?

La ligne de chemin de fer du Canadien Pacifique qui s’étend d’un océan à l’autre est un avantage pour tous les Canadiens. Pourquoi ces trois provinces sont-elles les seules où ce droit existe?

Y a-t-il une obligation ou un rôle qui pourrait être attribué à juste titre au gouvernement fédéral? C’est une question intéressante sur laquelle le comité pourrait se pencher aussi. Il n’obtiendra peut-être pas de réponses, et nous n’obligerons certainement pas le gouvernement canadien à faire quoi que ce soit.

Comme je l’ai dit, il y a tellement de questions qui méritent une réponse avant que nous ayons un vote.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, selon les réponses que le sénateur Tannas a données aux questions qu’on lui a posées, je crois comprendre qu’il propose que nous nous occupions de cette question plus tôt que tard. Je tiens à faire remarquer à ceux qui disent que la motion a été adoptée à l’unanimité par la Chambre des communes et l’assemblée législative et qui disent que le Sénat ne devrait peut-être pas faire preuve de diligence raisonnable, que le paragraphe 47(1) de la Loi constitutionnelle prévoit que, si nous n’avons pas adopté la motion « dans un délai de cent quatre-vingts jours », la Chambre des communes peut voter de nouveau sur cette motion, et le Sénat ne pourra rien dire à ce sujet.

Vous proposez donc que nous renvoyions la motion au comité, que nous l’examinions, que nous en fassions rapport, puis que nous prenions une décision dans les six mois suivant la date où la Chambre des communes l’a adoptée.

Le sénateur Tannas : En fait, j’agirais un peu plus rapidement que cela, uniquement parce que je crois qu’on a l’intention de retirer les droits du Canadien Pacifique avant que l’affaire se rende devant les tribunaux. Je ne vois pas d’autre explication que celle-là.

Si c’est ce qu’on nous demande de faire, nous ne devrions pas l’exclure en disant que nous allons attendre six mois. Nous devrions nous occuper de la question de manière directe et rapide et tirer les choses au clair afin que nous puissions prendre une décision.

(1650)

L’honorable Brent Cotter : Sénateur Tannas, j’aurais deux ou trois questions à vous poser. Comme vous le savez, je ne m’oppose pas à ce que le dossier soit réglé en temps opportun. Que ce soit bien clair.

Je vous inviterais à présenter votre opinion sur cet aspect de la question : dans la poursuite contre le gouvernement fédéral, le juge a statué qu’une grande partie des impôts fédéraux exonérés — exemption qui s’échelonnait aussi sur une très longue période — a été reprise par le gouvernement fédéral au moyen de mesures législatives au fil des ans. Sénateur, est-ce que cela vous fâche, car vous venez d’expliquer à quel point vous estimez qu’il s’agit d’une injustice à l’égard d’une entreprise qui avait signé un contrat il y a très longtemps? En fait, j’essaie de souligner que le gouvernement du Canada avait signé ce même contrat, mais qu’il a par la suite dépossédé le Canadien Pacifique de ses droits au fil des décennies.

J’aurais une autre question à vous poser par la suite, mais avant j’aimerais connaître votre opinion sur cet aspect.

Le sénateur Tannas : Je suis d’accord. Tout cela a pris un tournant intéressant. Quand le Canadien Pacifique a intenté une première poursuite pour tenter de faire valoir ce qu’il considérait être ses droits en matière d’impôt fédéral, il a perdu. Je crois que la décision qui a été rendue alors a vraiment poussé le Canadien Pacifique à passer à l’étape suivante et à tenter de faire valoir ses droits dans les provinces, particulièrement en Saskatchewan, en Alberta et au Manitoba.

On peut voir l’empreinte du gouvernement fédéral dans différentes parties de toute cette affaire, notamment dans le cadre du fameux accord de 1966 qui a été conclu au nom des provinces. Je crois franchement qu’au lieu de demander aux assemblées législatives de prendre les parties de court en éliminant rétroactivement des contrats, la meilleure solution serait que le gouvernement fédéral s’emploie à résoudre ce problème sans avoir à passer par les tribunaux. Il a eu une centaine d’années pour le faire, mais n’est pas passé aux actes. C’est un élément intéressant de cette affaire.

Sénatrice Simons, je sais que vous avez mené des recherches approfondies. Nous avons aussi fait quelques recherches, moi et d’autres personnes. Parmi les éléments que j’ai découverts, il y a une histoire que nous devrions garder à l’esprit pendant notre travail, surtout parce que je suis convaincu qu’on nous demandera de refaire la même chose deux fois de plus.

Le sénateur Cotter : Merci pour votre réponse. En fait, j’espère qu’on nous le demandera deux autres fois. Nous pourrions même être à l’origine des demandes. Nous pourrions demander à d’autres de faire ce que nous voulons faire.

J’aimerais donner un peu de contexte. Le gouvernement fédéral semble s’être sorti de ses obligations pour ce qui est de l’exemption du Canadien Pacifique de payer des impôts. Je pense que le gouvernement de la Saskatchewan, le gouvernement du Manitoba et le gouvernement de l’Alberta auraient fait la même chose s’ils l’avaient pu, mais qu’ils ont les mains liées par la contrainte constitutionnelle. Il y a une équité commune aux quatre parties qui ont été poursuivies, mais trois de ces parties ont les mains liées en raison de cette contrainte constitutionnelle.

Il me semble que si nous continuons à être favorables à cette contrainte, nous affichons que nous sommes en faveur de l’exemption du Canadien Pacifique à payer des impôts dans ces trois provinces depuis tout ce temps. Ce n’est pas une interprétation strictement juridique. Vous semblez étrangement vous attacher au cadre juridique dans le cas présent, et je m’aventure dans la sphère politique. Nous devrions vraiment chercher à trouver la solution la plus juste. Cela pourrait nécessiter un dialogue. Seriez-vous ouvert à cette idée?

Le sénateur Tannas : Je pense que c’est un rôle que nous pourrions jouer pour mettre tout cela en lumière. Les partis se sont repliés dans leurs coins. Si nous les réunissons pendant que le Sénat a toujours le marteau dans la main, il y aura peut-être une solution ou quelque chose qui pourra être fait dans un avenir rapproché.

Je pense que cela vaut la peine de discuter, de nous instruire et de prendre cette question au sérieux. Je suis d’accord pour dire qu’il y a eu une injustice fondamentale lorsque ces provinces ont été formées.

D’autre part, il y a lieu ici de raconter la grande et merveilleuse histoire du Canadien Pacifique — le fait que sur leurs 25 millions d’acres de terre, il y avait des parcelles côte à côte que le gouvernement fédéral s’est approprié pour les vendre et générer de l’argent pour le Trésor et peupler le pays. Ce fut, en dépit de Pierre Berton, l’histoire merveilleuse d’une organisation qui a réussi là où d’autres ont échoué et qui nous a aidés à réaliser le rêve national.

Je pense que nous devons à tout le monde d’essayer de régler ce problème autrement qu’avec une massue aussi grossière que celle que nous avons ici.

L’honorable David Richards : Le sénateur Tannas accepterait‑il un commentaire plutôt qu’une question?

Cela remonte à Sandford Fleming, à la Banque de Montréal, à Edward Seaborne Clouston et à tout ce qui se passait dans les années 1880, 1890 et jusqu’en 1910 environ. Si vous voulez étudier ce sujet, je pense que vous devez remonter très loin. Je me demande si c’est ce que nous sommes prêts à faire. J’ai pensé valable de le mentionner.

Le sénateur Tannas : Merci. Je ne sais pas jusqu’où il faut remonter. Cependant, vous avez raison. Cela a commencé il y a longtemps. Il semble que ce soit une question d’équité et que les intervenants concernés soient nombreux. Je crois que ce que nous nous apprêtons à faire est sans précédent. Nous avons décidé de mettre fin au droit constitutionnel d’un intervenant. Non seulement nous avons pris cette décision, mais nous avons décidé de l’appliquer de façon rétroactive.

Nous devons renvoyer la question à un comité. Le Comité des affaires juridiques est fort compétent. Je pense qu’il saurait traiter cette question rapidement et faire des recommandations claires pour que les gens comme moi sachent exactement ce qu’on s’apprête à faire et pour quelle raison, et je pourrais ainsi voter la conscience tranquille.

Le sénateur Dalphond : Le sénateur Richards a raison de souligner que le problème remonte à un marché qui a été conclu entre la Couronne fédérale et le gouvernement du Canada en 1880. C’est un vieux contrat. J’en conviens. C’est évident. Cependant, la décision rendue par la Cour fédérale du Canada en septembre, avant l’adoption de la motion à l’Assemblée législative de la Saskatchewan, porte essentiellement sur la portée de ce contrat. Étant donné que la Cour fédérale a établi que la portée de ce contrat ne s’étend pas à l’impôt sur le revenu, à la TPS, à la taxe d’accise ou à la taxe sur le carbone, nous devrions peut-être nous pencher attentivement sur ces questions pour que la Saskatchewan puisse... La Saskatchewan est tenue d’accorder une exemption tant que le contrat l’exige.

Cela dit, s’il n’y a pas grand-chose dans le contrat, on ne parle peut-être pas de 391 millions de dollars. On parle peut-être de l’impôt sur le capital prévu dans la loi provinciale de la Saskatchewan pour les périodes qui ne font pas encore l’objet d’une prescription. Nous parlons peut-être de quelques millions de dollars. Comme vous le proposez, nous devrions peut-être nous pencher là‑dessus. Je vous suis bien reconnaissant de la suggestion, et je crois que c’est une bonne idée.

Le sénateur Tannas : Il a en effet été question d’une somme considérable durant le débat dans cette enceinte, et j’en ai aussi entendu parler dans les travaux que j’ai pu entreprendre. Cette estimation semble certainement élevée. Celle de la Cour fédérale, selon ce que je comprends, l’est beaucoup moins. Quoi qu’il en soit, il s’agit tout de même de 100 millions de dollars, ou quelque chose du genre. Donc c’est beaucoup moins, mais cela demeure beaucoup d’argent, et la question en ce qui concerne l’avenir reste entière. Il faut que tout cela cesse. Il le faut. En passant, il en va de même pour les obligations du Canadien Pacifique. Cette entreprise a elle aussi des obligations à perpétuité. Je ne crois pas que l’Assemblée législative de la Saskatchewan ait songé à relever la Saskatchewan de cette obligation contractuelle, mais l’obligation d’exploiter à perpétuité un chemin de fer à l’échelle du pays subsiste.

(1700)

Qui sait? Dans 100 ans, ce ne sera peut-être pas un bon pari, mais nous verrons en temps et lieu. Ce qui importe, c’est qu’il y a un enjeu financier. Cela dit, dans le cadre des quelques travaux que j’ai entrepris, je dois dire, sénateur Dalphond, que les chiffres que j’ai vus dans d’autres sources, qui diffèrent de ceux que j’ai entendus dans cette enceinte, sont nettement inférieurs.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Tannas, je crois que votre motion a été appuyée par la sénatrice Wallin pour la renvoyer au comité? Merci.

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

L’honorable Jim Quinn : Je propose l’ajournement du débat.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénateur Quinn, avec l’appui de l’honorable sénateur Downe, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : J’ai entendu un non.

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion d’ajournement du débat et qui sont sur place veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le vote aura lieu à 18 h 1. Convoquez les sénateurs.

(1800)

La motion, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Black Quinn
Campbell Richards
Dagenais Tannas
Downe Verner
Griffin Wallin
Marshall White—13
McPhedran

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson Gold
Arnot Harder
Ataullahjan Housakos
Audette Klyne
Batters Kutcher
Bellemare LaBoucane-Benson
Bernard Lankin
Boehm Loffreda
Boisvenu Lovelace Nicholas
Boniface MacDonald
Bovey Marwah
Boyer Massicotte
Busson McCallum
Clement Mégie
Cordy Mercer
Cormier Miville-Dechêne
Cotter Moncion
Coyle Omidvar
Dalphond Pate
Dawson Plett
Deacon (Nouvelle-Écosse) Poirier
Deacon (Ontario) Ringuette
Dean Saint-Germain
Duncan Seidman
Dupuis Simons
Forest Smith
Francis Sorensen
Gagné Wells
Galvez Wetston
Gerba Woo
Gignac Yussuff—62

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est 18 heures passées, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, la séance est suspendue jusqu’à 19 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(1900)

Adoption de la motion de renvoi au comité

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Cotter,

Attendu :

que le 21 octobre 1880, le gouvernement du Canada a conclu un contrat avec le consortium du chemin de fer Canadien du Pacifique pour la construction du chemin de fer Canadien du Pacifique;

qu’aux termes de l’article 16 du contrat de 1880 relatif au chemin de fer Canadien du Pacifique le gouvernement fédéral a accepté d’accorder une exemption fiscale à la Compagnie du chemin de fer Canadien du Pacifique;

qu’en 1905 le Parlement du Canada a adopté la Loi sur la Saskatchewan qui créa la Province de la Saskatchewan;

que l’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan renvoie à l’article 16 du contrat de 1880 relatif au chemin de fer Canadien du Pacifique;

que la construction du chemin de fer Canadien du Pacifique s’est terminée le 6 novembre 1885 avec la pose du dernier crampon à Craigellachie, et que l’exploitation de l’entreprise dure depuis 136 ans;

que la Compagnie du chemin de fer Canadien du Pacifique a payé les taxes pertinentes au gouvernement de la Saskatchewan depuis la création de la Province en 1905;

qu’il serait injuste pour les résidents de la Saskatchewan qu’une grande entreprise soit exonérée de certaines taxes provinciales, ce qui aurait pour effet d’augmenter le fardeau fiscal des résidents de la Saskatchewan;

qu’il serait injuste pour les autres commerces exploités en Saskatchewan, y compris les petites entreprises, qu’une grande entreprise soit exonérée de certaines taxes provinciales, ce qui lui donnerait un avantage concurrentiel important sur ces autres commerces, au détriment des agriculteurs, des consommateurs et des producteurs de la Province;

que le fait que des restrictions fiscales s’appliquent à la Saskatchewan, mais non à d’autres provinces, contreviendrait au statut égalitaire qu’occupe la Saskatchewan au sein de la Confédération;

que le 29 août 1966, le président d’alors de la Compagnie de chemin de fer du Pacifique-Canadien, Ian D. Sinclair, a déclaré au ministre fédéral des Transports d’alors, Jack Pickersgill, que le conseil d’administration de la compagnie n’avait aucune objection à ce que des modifications soient apportées à la constitution de façon à mettre fin à l’exemption fiscale;

que l’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que la Constitution du Canada peut être modifiée par proclamation de la gouverneure générale sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l’assemblée législative de chaque province concernée;

que l’Assemblée législative de la Saskatchewan a adopté le 29 novembre 2021 une résolution visant à modifier la Constitution du Canada;

Le Sénat a résolu d’autoriser la modification de la Constitution du Canada par proclamation de Son Excellence la gouverneure générale sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l’annexe ci-jointe.

ANNEXE

MODIFICATION À LA CONSTITUTION DU CANADA

1.L’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan est abrogé.

2.L’abrogation de l’article 24 est réputée remonter au 29 août 1966 et produit ses effets à partir de cette date.

TITRE

3.Titre de la présente modification : Modification constitutionnelle de [année de promulgation] (Loi sur la Saskatchewan).

Et sur la motion de l’honorable sénateur Tannas, appuyée par l’honorable sénatrice Wallin,

Que, conformément à l’article 5-7b) du Règlement, l’affaire en discussion soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles à des fins d’examen et de rapport;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 31 mars 2022.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous reprenons le débat sur la motion du sénateur Tannas demandant que la motion soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, je vous présente mes excuses. En raison d’un malentendu et d’un manque de communication de ma part, je pensais que le Sénat n’était pas prêt à voter sur ma motion. Nous avons donc insisté pour ajourner le débat. Je reconnais que le Sénat a perdu une heure de son précieux temps par ma faute. Je ne veux pas faire perdre plus de temps, mais je tiens à m’excuser.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Une voix : Non.

Son Honneur le Président : J’ai entendu un non. Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent. Je vois deux sénateurs se lever.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Avez-vous dit une heure, sénateur Plett?

Le sénateur Plett : Oui.

Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 20 h 2. Convoquez les sénateurs.

(2000)

La motion, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Anderson Kutcher
Arnot Lankin
Audette Loffreda
Bellemare Lovelace Nicholas
Bernard Marshall
Black Marwah
Boehm Massicotte
Boniface McCallum
Bovey McPhedran
Busson Mégie
Clement Miville-Dechêne
Cordy Moncion
Cormier Moodie
Coyle Omidvar
Dalphond Pate
Deacon (Nouvelle-Écosse) Quinn
Downe Ringuette
Duncan Saint-Germain
Dupuis Simons
Forest Sorensen
Francis Tannas
Galvez Verner
Gerba Wetston
Gignac White
Griffin Woo—50

CONTRE
Les honorables sénateurs

Ataullahjan MacDonald
Batters Manning
Boisvenu Oh
Gagné Plett
Gold Poirier
Harder Seidman
Housakos Smith
Klyne Wells
LaBoucane-Benson Yussuff—18

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Cotter Wallin—2

(2010)

Le Budget des dépenses de 2021-2022

Autorisation au Comité des finances nationales d’étudier le Budget supplémentaire des dépenses (C)

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 24 février 2022, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (C) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2022;

Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Le Sénat

Motion tendant à adopter l’Énoncé de politique en matière d’environnement et de durabilité—Ajournement du débat

Consentement ayant été accordé de passer aux motions, article no 48 :

L’honorable Colin Deacon, conformément au préavis donné le 24 février 2022, propose :

Que le Sénat du Canada adopte l’Énoncé de politique en matière d’environnement et de durabilité qui suit, pour remplacer la Politique environnementale du Sénat de 1993, qui avait été adoptée par le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration :

« ÉNONCÉ DE POLITIQUE DU SÉNAT DU CANADA EN MATIÈRE D’ENVIRONNEMENT ET DE DURABILITÉ

OBJECTIF

Le Sénat du Canada est résolu à atteindre la carboneutralité d’ici 2030 et à mettre en œuvre des pratiques durables dans ses opérations. L’atteinte de cet objectif nécessite l’adoption, à l’échelle de l’organisation, d’une approche priorisant la réduction de la production et utilisant un système de compensation répondant aux plus hautes normes. Sur la voie de la carboneutralité, des rapports périodiques présentant des données quantifiables sur la progression vers la cible devront être produits. Ces mesures visent à faire preuve de leadership en matière d’action climatique en tant qu’institution, à encourager la reddition de compte des institutions fédérales et à contribuer au processus législatif.

PRINCIPES

Le Sénat est résolu à atteindre ses objectifs en respectant les principes suivants :

1.Être un modèle de leadership environnemental conformément aux pratiques exemplaires des lois, réglementations, normes et directives internationales, fédérales, provinciales et municipales ambitieuses en matière d’environnement, le cas échéant;

2.Intégrer un cadre de responsabilisation rigoureuse au cycle de planification opérationnelle. Cela comprend l’analyse comparative, le suivi et l’application d’une gestion axée sur les résultats afin de parvenir à une amélioration continue des performances environnementales, conformément aux pratiques exemplaires des cadres de responsabilité des normes internationalement reconnues. Les progrès doivent être communiqués régulièrement et publiquement au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration (CIBA).

3.Exiger une acquisition de biens et de services respectueuse de l’environnement qui tienne compte de ce qui suit : l’achat de produits et de services respectueux de l’environnement; la sélection de fournisseurs novateurs démontrant des pratiques commerciales respectueuses de l’environnement; et l’établissement d’exigences environnementales dans les demandes de propositions.

4.Réduire l’impact des activités pour l’environnement en utilisant les ressources plus efficacement, en mettant l’accent sur la réduction des résultats dans l’ensemble des opérations du Sénat.

5.Encourager et renforcer la sensibilisation à l’environnement dans l’ensemble du Sénat par l’éducation et le soutien, tout en reconnaissant et en intégrant les actions environnementales entreprises par les employés du Sénat et les sénateurs.

6.Exploiter les installations et mener les activités du Sénat de façon durable en vue de prévenir la pollution et de réduire les déchets. Tenir compte des impacts et des implications pour l’environnement dans la planification des projets et des activités.

7.Élaborer et mettre en œuvre des outils qui favorisent et intègrent les considérations environnementales dans les activités quotidiennes du Sénat afin d’encourager les sénateurs et les employés du Sénat à prendre des décisions respectueuses de l’environnement dans le cadre de leurs activités et de leurs tâches. »;

Que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration examine la faisabilité de la mise en œuvre de programmes visant à établir :

a)un cadre de responsabilisation et un cycle de rapports annuels;

b)la promotion de politiques de transport écologiques et de la réduction des déplacements;

c)l’optimisation du recyclage et la réduction du gaspillage;

d)une approche mettant l’accent sur le virage numérique et la réduction des impressions;

e)l’appui des organismes centraux pour permettre au Sénat d’acheter des droits d’émissions de carbone dans le cadre d’un Sénat durable;

f)un processus permettant aux sénateurs et à leurs bureaux de formuler des recommandations favorisant l’environnement et le développement durable;

Que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration acquière les biens et services nécessaires pour examiner la faisabilité ou pour mettre en œuvre ces recommandations.

L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, merci de votre appui. Je n’étais pas certaine que nous parviendrions à l’étude de cette motion ce soir. Cela dit, je vous remercie sincèrement de l’indulgence que vous me témoignez en me permettant de prendre la parole au sujet de cette motion ce soir. Je serai brève.

Mes observations serviront de prélude au discours beaucoup plus complet que livrera le sénateur Deacon plus tard aujourd’hui ou un autre jour. Je donne la première partie pour réchauffer la foule avant le concert de l’artiste principal.

Le sénateur Deacon, le sénateur Carignan, la sénatrice Anderson et moi avons travaillé ensemble depuis mai dernier à un rapport qui a été présenté au Comité de la régie interne en février de cette année. On nous avait chargés de recommander des mesures à court, à moyen et à long terme que le Sénat pourrait prendre pour rendre notre institution plus écologiquement durable.

Le rapport de notre groupe de travail consultatif, qui est disponible sur le site Web du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, comprend 11 recommandations. Toutefois, la motion à l’étude vous demande d’approuver deux choses : l’Énoncé de politique en matière d’environnement et de durabilité proposé, ainsi que la voie que suivra dorénavant le Comité de la régie interne.

Le nouvel énoncé de politique fondé sur des principes remplacerait la Politique environnementale du Sénat adoptée en 1993. Nous proposons l’adoption d’un énoncé de politique fondé sur des principes pour remplacer la politique afin de mettre en place une approche à l’échelle de l’organisation. L’énoncé n’est pas prescriptif. Nous nous sommes donné l’objectif commun d’atteindre la carboneutralité d’ici 2030, mais ce qui peut être appliqué par une direction ne peut peut-être pas l’être par une autre. C’est pourquoi nous recommandons la création d’« équipes vertes » et le sénateur Deacon vous en dira plus à ce sujet dans son discours. Des équipes vertes seront formées au sein des différentes directions. Il y aura aussi un cadre de responsabilisation pour intégrer les principes de l’énoncé à l’ensemble des activités du Sénat. Des objectifs et des cibles seront établis et des rapports seront produits à leur sujet.

La deuxième partie de la motion produite par le groupe donnera au Comité de la régie interne le pouvoir d’examiner en détail les recommandations et de les inclure dans notre rapport qui, premièrement, obtiendra des avis d’experts; deuxièmement, habilitera les directions du Sénat, les sénateurs et leur personnel; troisièmement, intégrera un cadre de responsabilisation robuste au sein de la gouvernance du Sénat.

Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Deacon et son personnel. Ils ont travaillé fort, tout comme le sénateur Carignan, la sénatrice Anderson et leurs équipes, ainsi que les collaborateurs de l’Administration du Sénat, les analystes de la Bibliothèque du Parlement et les représentants de Services publics et Approvisionnement Canada. À m’entendre, on croirait que nous étions des milliers de personnes, mais nous n’étions qu’un petit groupe de travail et nous avons discuté avec de nombreuses personnes. C’était une expérience fantastique.

Nous avons l’occasion de faire preuve de leadership et d’être un modèle pour les législateurs au Canada et ailleurs dans le monde. Je vous invite donc à appuyer cette motion lorsqu’elle sera mise aux voix. Merci.

(Sur la motion du sénateur Wells, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la réaffectation des biens bloqués

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l’honorable sénatrice Audette, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-217, Loi sur la réaffectation de certains biens saisis, bloqués ou mis sous séquestre.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-217, Loi sur la réaffectation de certains biens saisis, bloqués ou mis sous séquestre.

Tout d’abord, je tiens à remercier la sénatrice Omidvar d’avoir proposé ce projet de loi et de s’être adressée à moi pour en discuter et obtenir mon appui. La sénatrice Omidvar a déjà déposé le projet de loi à deux reprises et j’admire sa ténacité. J’espère aussi que la troisième fois sera la bonne.

Je peux affirmer d’entrée de jeu que je suis tout à fait en faveur du projet de loi. J’espère également que je saurai obtenir des appuis pour un projet de loi que j’ai l’intention de présenter, qui vise à modifier la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, la fameuse loi de Sergueï Magnitski, pour obtenir plus de transparence relativement à la propriété des biens des dirigeants que l’on envisage de sanctionner.

(2020)

Je pense que ce projet de loi renforcera davantage la loi Magnitsky et notre capacité, en tant que pays, à lutter adéquatement contre la corruption et les violations des droits de la personne dans le monde. Voilà, en quelques mots, ce que la sénatrice Omidvar cherche à accomplir avec ce projet de loi : renforcer notre capacité à affronter des individus comme Vladimir Poutine, Xi Jinping et ceux qui bénéficient d’être à leur solde, non seulement pour obtenir une certaine justice pour leurs victimes, mais aussi pour leur faire comprendre que les démocraties occidentales ne toléreront pas leurs agissements éhontés. Rien ne saurait mieux illustrer cette nécessité que l’invasion actuelle de l’Ukraine par la Russie.

Au cours de la dernière législature, j’ai parlé de Sergueï Magnitski, qui a inspiré la loi qui porte son nom. À ce moment-là, notre ancien collègue, le sénateur Thanh Hai Ngo, et moi-même avons demandé que des sanctions soient prises contre des responsables chinois et hongkongais pour ce qui était en train de se passer à Hong Kong et pour ce dont les musulmans ouïghours étaient et sont toujours victimes aux mains du régime communiste chinois.

Je crois que bon nombre de nos collègues pensent que ces motions et ces appels à des sanctions ne sont, la plupart du temps, que de nature symbolique ou une tentative de marquer des points politiques. Cependant, j’espère que vous commencez maintenant à comprendre que cela n’est absolument pas le cas. La vérité, c’est que nous ne devons pas craindre de commencer à appliquer ce type de mesures et de réflexion lorsque nous faisons face aux voyous et aux tyrans de ce monde.

C’est pourquoi je suis en faveur de ce projet de loi. Je crois qu’il représente la prochaine étape naturelle, qui consiste à rendre justice aux victimes et, sur le plan pratique, à soulager un peu la pression que subissent les pays et les organismes qui doivent réparer les pots cassés de ces régimes tyranniques. Il est également punitif et, à mon avis, nous avons besoin de plus de projets de loi de ce genre. Nous avons besoin de justice; nous avons besoin d’équité.

L’un des principes qui sous-tendent ce projet de loi est très simple : la corruption ne doit pas être récompensée, point final. Alors, si vous êtes corrompu, nous vous trouverons. Nous vous nommerons. Nous prendrons tous les merveilleux trésors que votre corruption vous a permis d’amasser et nous utiliserons ces gains mal acquis pour prendre soin des innocents dont vous avez ruiné ou essayé de ruiner la vie à cause de votre soif de pouvoir.

Nous devons leur montrer clairement et fermement que l’époque de la corruption, des pots-de-vin et de la vie de luxe sur le dos des gens qui vivent dans la peur et la misère est révolue et ne devrait jamais être tolérée.

Le Canada ne serait pas le seul à adopter une loi de ce genre. Après avoir convenu de sanctionner les oligarques à la suite de l’invasion de l’Ukraine, la Suisse autorise déjà la réaffectation des avoirs gelés et le Royaume-Uni envisage l’adoption d’une loi similaire.

Pas plus tard qu’hier, le membre du Congrès Don Young, de l’Alaska, a annoncé que son pays planifiait d’instaurer des mesures législatives pour que les autorités américaines puissent saisir les grands yachts russes et les vendre aux enchères. Les recettes serviraient à financer l’aide humanitaire et d’autres causes justes. Nous devrions en faire autant, mais nous devons adopter rapidement ce projet de loi pour pouvoir y arriver.

Nous pourrions même aller plus loin pour aider l’Ukraine, notamment en suivant la suggestion de la sénatrice Omidvar. Le Canada pourrait agir en chef de file en proposant d’instaurer un fonds mondial à partir des sommes d’argent dérobées par Poutine et ses oligarques. Ce fonds servirait à combler les besoins immédiats en aide humanitaire et la future reconstruction, et il serait géré par le gouvernement légitimement élu de l’Ukraine. Là encore, il faut que ce projet de loi devienne une loi avant de pouvoir agir dans cette voie.

Ne perdons plus une minute, chers collègues. Renvoyons ce projet de loi au comité, adoptons-le et soumettons-le à l’autre endroit sans tarder. De nombreuses voix réclament cette démarche.

Nous avons tous vu les images des événements tragiques qui se déroulent en Ukraine depuis une semaine. Peu importe ce qui se produira dans les prochains jours et les prochaines semaines, les conséquences sur le plan humain sont énormes. Déjà, des dizaines de milliers de personnes se déplacent vers les frontières pour fuir leur patrie. Tous ces gens s’ajoutent aux autres personnes déplacées dans le monde, dont le nombre dépasse maintenant 82 millions. La moitié d’entre eux sont des enfants. C’est ce que la sénatrice Omidvar qualifie de « fléau mondial », à juste raison. Plus de 82 millions de personnes ont fui leur foyer à cause d’un conflit armé, de la violence, de la persécution et de violations des droits de la personne causés par des intimidateurs et des tyrans.

Comme l’a précisé la sénatrice Omidvar :

C’est le plus grand nombre de personnes déplacées de force depuis la Seconde Guerre mondiale, et leur nombre continue d’augmenter de jour en jour. Cette situation a créé des tensions considérables, surtout près des frontières des États limitrophes, qui ont déjà de la difficulté à subvenir aux besoins de leurs propres citoyens sans devoir en plus accueillir des milliers de réfugiés.

La vérité, c’est que nous avons tendance à nous laisser submerger par les nouvelles du jour, à être émus par des images et des vidéos provenant de pays comme l’Ukraine — et de l’Afghanistan, de Hong Kong ou du Venezuela avant cela — puis, malheureusement, nous passons rapidement à autre chose, à nos activités quotidiennes. Il est facile de revenir à notre quotidien et de presque oublier ce qui se passe tout là-bas. Toutefois, avec les événements en Ukraine, on constate une menace tellement importante à l’ordre international et à la stabilité mondiale que nous n’aurons plus ce luxe, chers collègues. Je crois que nous ne sommes plus devant de simples actes isolés d’agression et de violation des droits de la personne, mais plutôt devant une montée mondiale du totalitarisme. Nous devons nous y attaquer de front, sans réserve et sans équivoque. Même si nous sommes prompts à vouloir aider et à nous y engager dans les premiers jours de telles tragédies, le fait est que nous finissons par revenir à notre quotidien alors que le travail consistant à prendre soin de ces gens ne fait que commencer.

La réinstallation ne se fait pas du jour au lendemain. Pensons à ce qui s’est produit l’an dernier en Afghanistan. Nous aurions tous ouvert nos portes sur-le-champ en voyant, horrifiés, ces gens qui envahissaient l’aéroport, tentant désespérément de quitter Kaboul. Bon nombre d’entre eux, y compris une bonne partie de ceux qui sont parvenus à quitter l’Afghanistan avant la chute de Kaboul, sont maintenant des personnes déplacées. Elles n’ont toujours nulle part où aller.

Je sais que bon nombre de nos bureaux travaillent avec des réfugiés afghans, grâce aux efforts soutenus de la sénatrice McPhedran. Malgré certains résultats positifs, le processus est long, ardu et coûteux. Comme je le disais, la proposition de la sénatrice Omidvar représente une solution pratique et logique.

Chers collègues, j’apprécie que la sénatrice Omidvar présente cette proposition comme une idée novatrice, mais ce n’est vraiment pas le cas. Je ne le dis pas pour me montrer critique ou condescendant, mais bien pour souligner que cette solution n’est pas à ce point révolutionnaire qu’elle devrait nous demander énormément de temps. Il s’agit d’une solution simple, qui bénéficie déjà d’un vaste appui.

En effet, comme la sénatrice Omidvar l’a rappelé, cette idée se trouvait déjà dans le programme électoral du Parti conservateur du Canada en 2021, et dans celui du Parti libéral du Canada en 2018. Elle se trouvait aussi dans la lettre de mandat du ministre François-Philippe Champagne à l’époque où il était ministre des Affaires étrangères, ce qui m’amène à me demander pourquoi elle n’a pas été concrétisée. Comme je ne voudrais pas qu’on m’accuse de partisanerie, je dirai que, de toute évidence, le gouvernement actuel et la loyale opposition de Sa Majesté appuient l’objet du projet de loi. Je ne vois aucune raison d’en retarder l’adoption. Nous devrions le renvoyer au comité dès que possible.

Le but de cette mesure législative est de :

[...] saisir les biens bloqués ici qui appartiennent à des dirigeants étrangers corrompus et les réaffecter de manière à atténuer les souffrances des personnes les plus durement touchées par leurs gestes.

Chers collègues, c’est l’évidence même. Cela va de soi.

Je sais que, de prime abord, cette mesure peut rendre certaines personnes mal à l’aise, surtout maintenant que nous avons vu notre propre gouvernement geler de façon arbitraire des comptes bancaires et que le maire d’Ottawa songe à ce que la ville prenne possession des biens des manifestants, les vende et utilise les recettes pour rembourser les coûts de l’intervention policière et du nettoyage. Oui, c’est troublant, et cela devrait l’être. Cela dit, ce que propose la sénatrice Omidvar est une tout autre chose. En fait, ce projet de loi a un mécanisme de défense contre l’ingérence puisqu’il retire la politique de l’équation et remet le pouvoir décisionnaire entre les mains de nos tribunaux.

Le cadre est semblable à celui des recours collectifs où des biens sont gelés et peuvent ultimement servir à financer les dommages-intérêts accordés. La proposition de la sénatrice Omidvar garantirait la même application régulière de la loi, le même respect de la primauté du droit et de la Charte des droits et libertés. Elle assurerait une transparence du processus, mais également des biens saisis, ce que nous n’avons pas en ce moment. Le gouvernement publie les noms des représentants qui ont été sanctionnés, mais il ne précise pas quels sont les biens saisis. Comme l’a souligné le sénateur Dalphond, ce processus est déjà inscrit dans le droit canadien, plus précisément dans la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Nous ne sommes pas en train de réinventer la roue.

Je ne veux pas offenser la sénatrice Omidvar — je ne cherche aucunement à minimiser sa proposition ou le travail qu’elle a fait sur le projet de loi avec son bureau et le Conseil mondial pour les réfugiés et la migration. Je vous félicite d’avoir appliqué ce principe à cette question.

Si je tiens à souligner le fait que l’objectif du projet de loi n’est pas révolutionnaire, c’est pour que nos collègues se sentent à l’aise de l’appuyer. Je crois sincèrement au principe de prendre à un criminel, en particulier lorsqu’il a tiré des avantages financiers de ses crimes, pour donner à la ou aux victimes. J’y crois ne serait-ce que par souci de justice. En outre, cela atténue les conséquences pour le système dans son ensemble. Il s’agit vraiment d’une solution très simple.

(2030)

Les criminels sont punis. Les victimes obtiennent une certaine justice et un soutien dont elles ont grandement besoin. Le système ne croule pas sous le poids de l’administration. Tout se déroule dans le respect de la primauté du droit et de l’application régulière de la loi. Sur ce, je réitère mon soutien sans réserve à ce projet de loi et j’implore mes collègues de faire de même, et de renvoyer ce projet de loi au comité pour qu’il l’adopte aussi rapidement que possible.

Chers collègues, je vous remercie de votre attention.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer avec vigueur le projet de loi de la sénatrice Omidvar, le projet de loi S-217 sur la réaffectation des biens bloqués.

Il s’agit d’une importante mesure législative, une loi susceptible de contribuer au mouvement international qui lutte contre la violation des droits de la personne et la corruption, ainsi que d’améliorer la situation des victimes de ces personnes. La sénatrice Omidvar a présenté ce projet de loi pour la première fois il y a presque trois ans, et j’espère que nous lui accorderons tous une certaine priorité lors de son étude prochaine en comité.

Le projet de loi S-217 s’inspire directement d’une autre initiative du Sénat, celle proposée par l’ancienne sénatrice Andreychuk, qui a permis l’adoption de la loi de Sergueï Magnitski en 2017 grâce au projet de loi S-226. Cette loi permet aujourd’hui de saisir, de bloquer ou de mettre sous séquestre les biens au Canada d’étrangers responsables de violations des droits de la personne ou de corruption.

Dans le droit canadien, des biens peuvent aussi être saisis, bloqués ou mis sous séquestre au titre de la Loi sur les mesures économiques spéciales, qui concerne les sanctions, et de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, qui traite des demandes de pays étrangers aux prises avec des troubles internes.

Ce projet de loi permet de passer à la prochaine étape logique en fournissant un mécanisme qui permet de distribuer les biens bloqués aux particuliers et aux organismes appropriés.

Cette distributions aura lieu dans le respect des cinq principes que la sénatrice Omidvar a décrits dans son discours en décembre : le premier est d’exiger des comptes aux auteurs de violations des droits de la personne; le deuxième, de rendre justice aux victimes; le troisième, d’établir un processus judiciaire équitable pour la distribution des biens; le quatrième, d’assurer la transparence en ce qui concerne l’identité des dirigeants visés et la valeur des actifs bloqués; le cinquième, de faire preuve de compassion et de prendre des mesures concrètes pour réaffecter les ressources de manière à aider les personnes vulnérables.

Mettre en place la loi proposée permettra de mieux établir le Canada comme chef de file en matière de protection des droits de la personne. S’ils sont prêts à agir, les sénateurs pourront être fiers d’innover ensemble dans ce dossier.

Dans l’ensemble, il n’y a rien à craindre dans le projet de loi S-217. Les idées qui le sous-tendent sont déjà bien établies dans les lois canadiennes relatives aux produits de la criminalité, y compris la Loi sur l’administration des biens saisis. Pour cette raison, j’estime que nous sommes prêts à renvoyer ce projet de loi à un comité qui pourra entendre l’avis de spécialistes sur les détails de cette proposition.

À titre d’exemple, je souligne qu’il y a eu des délibérations intéressantes auxquelles ont participé l’honorable Irwin Cotler, l’avocat Brandon Silver, du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, à Montréal, l’honorable Lloyd Axworthy ainsi que notre collègue la sénatrice Omidvar.

Le sujet de ce débat, publié dans le magazine Policy en 2020, était jusqu’à quel point les biens bloqués devraient être remis aux personnes touchées par les actes répréhensibles qui en feraient la demande, par opposition à une approche davantage axée sur la population selon le pouvoir discrétionnaire des juges. Voilà une question qui correspond au principe et à la portée du projet de loi, que le comité peut prendre en considération. J’ai hâte d’entendre les points de vue des experts.

Je soulignerais également que l’article 8 du projet de loi S-217 permet la distribution aux personnes et aux populations touchées, selon ce qui est approprié dans les circonstances, y compris à l’aide humanitaire. Je suis convaincu que cela serait très utile à l’Ukraine.

Étant donné les crises liées aux droits de la personne qui empirent dans le monde entier, le Canada doit constamment défendre ce qui est juste. Dans certains cas, il y arrive par la voie diplomatique, alors que dans d’autres cas, il doit emprunter des avenues juridiques, parlementaires et de communications publiques. Dans d’autres cas encore, toutes ces avenues peuvent se conjuguer, mais elles y jouent toujours un rôle bénéfique.

Au Sénat, nous bénéficions de conseils sur les approches optimales de nos collègues ayant une expertise en affaires étrangères, comme le sénateur Harder, le sénateur Boehm et d’autres, ainsi que de conseils sur les droits internationaux de la personne et les avenues juridiques de nos collègues comme la sénatrice McPhedran, la sénatrice Jaffer et d’autres.

À ce sujet, je souligne la collaboration réussie qui a mené à l’adoption au Sénat d’une motion en juin dernier à propos de la détention injuste et arbitraire de la sénatrice Leila de Lima par le gouvernement des Philippines.

Le projet de loi S-217 nous offre sans contredit l’occasion d’améliorer les lois canadiennes afin de mieux gérer les violations des droits de la personne à l’étranger et, ce faisant, d’améliorer la situation des victimes et d’encourager la prise de mesures positives au sein de la communauté mondiale. Nous devons saisir l’occasion.

Je remercie la sénatrice Omidvar de cette importante initiative. Je crois que le moment est venu de renvoyer le projet de loi au comité.

Merci, meegwetch.

Son Honneur le Président : Sénateur Woo, souhaitiez-vous poser une question ou intervenir dans le débat?

L’honorable Yuen Pau Woo : Merci. Je tiens à ce que ce projet de loi soit renvoyé au comité et j’appuierais que l’on passe au vote dès que le sénateur aura répondu à ma question.

Je me demandais si le sénateur Dalphond a une opinion au sujet de ce qu’ont fait les États-Unis pour geler les réserves étrangères, c’est-à-dire, essentiellement, les avoirs du gouvernement de l’Afghanistan.

Il semblerait maintenant qu’ils ont pris la décision de recycler la moitié de ces produits à des fins d’aide humanitaire, alors que l’autre moitié — on parle de milliards de dollars — servirait à indemniser les victimes de la tragique attaque terroriste survenue au World Trade Center le 11 septembre 2001.

Que pensez-vous de ce genre de gel et de réaffectation d’avoirs étrangers?

Le sénateur Dalphond : Merci de la question, sénateur Woo.

Cela sort un peu de la portée du projet de loi. Je sais que, aux États-Unis, des pouvoirs spéciaux sont conférés au président pour saisir et geler des avoirs ainsi que pour signer des décrets précis. Ma connaissance de la situation américaine s’arrête là. Je vais donc m’abstenir de tout autre commentaire.

Son Honneur le Président : Sénateur Woo, aviez-vous une question complémentaire?

Le sénateur Woo : Non, mais je suis certain que nous voudrons tous réfléchir à l’exemple américain lorsque la question sera renvoyée au comité.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons‑nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.)

(2040)

La Loi sur les compétences linguistiques

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Carignan, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Housakos, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-220, Loi modifiant la Loi sur les compétences linguistiques (gouverneur général).

L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-220. Je veux d’abord reconnaître que je prends la parole sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin anishinaabe.

Je veux également remercier la sénatrice McCallum du discours percutant qu’elle a livré jeudi dernier.

Je suis un fier L’nu. Je suis la preuve vivante de la résistance et de la résilience de mon peuple, qu’on appelle également le peuple mi’kmaq. Nous sommes encore là malgré les actes colonialistes et génocidaires posés par le Canada, par ses institutions et par ses représentants. Nous continuons de nous battre pour reprendre le contrôle de nos vies et de notre destinée alors que nous poursuivons la guérison des traumatismes passés et actuels que nous vivons.

En tant que sénateur d’Epekwitk, qu’on appelle également l’Île‑du-Prince-Édouard, j’ai le privilège et la responsabilité de défendre les Premières Nations et tous les peuples autochtones et, dans le cas présent, de partager mon point de vue quant à l’importance de nous assurer, en particulier dans le contexte de la réconciliation, que toutes les langues autochtones soient considérées comme égales à l’anglais et au français et non inférieures.

Chers collègues, des générations d’Autochtones canadiens ont été privées d’occasions que d’autres tiennent pour acquises. Nous souffrons d’un manque d’accès à des services et des infrastructures de base à cause d’un sous-financement chronique. Nous sommes en moins bonne santé et nous avons une espérance de vie plus courte. Nous sommes davantage touchés par la pauvreté et l’itinérance. Nous avons des niveaux de scolarité et de réussite économique moins élevés. Enfin, nous sommes surreprésentés dans les systèmes de justice pénale et de protection de l’enfance. Les chances sont contre nous avant même notre naissance.

J’ai d’importantes réserves au sujet du projet de loi S-220. À mon avis, ce projet de loi est le reflet de la méconnaissance et de l’incompréhension des dures réalités auxquelles sont confrontés les Autochtones d’un bout à l’autre du Canada. De plus, il représente le maintien du statu quo qui a directement contribué à exclure, plutôt qu’à inclure, les Autochtones de toute participation à la vie publique.

La nomination de Mary Simon, la première Inuk et la première Autochtone à occuper le poste de gouverneure générale du Canada, est un événement historique et une source d’inspiration. Nous devrions tous célébrer cet événement comme étant une étape importante vers la reconnaissance de la pluralité linguistique du Canada. Plutôt que de remettre en question sa capacité d’occuper ce poste, nous devrions applaudir le fait que Mary Simon parle l’anglais et l’inuktitut et qu’elle s’est engagée à améliorer son français. En 2022, on ne devrait pas considérer que le français et l’anglais ont plus de valeur que les langues autochtones ou qu’ils leur sont supérieurs.

Comme Mary Simon, je suis un survivant des externats autochtones. Comme Mary Simon, on ne m’a pas donné la chance d’apprendre le français pendant mon enfance. Ceux d’entre nous qui ont fréquenté ces institutions gérées par le gouvernement fédéral — nous sommes près de 200 000 — ont reçu une éducation inférieure aux normes. On accordait davantage d’importance à la religion qu’aux matières scolaires. En conséquence, beaucoup d’entre nous ont été privés de compétences de base en littératie et en numératie.

Contrairement à Mary Simon, je ne maîtrise pas ma langue autochtone à cause des répercussions intergénérationnelles des externats et des pensionnats autochtones. Peu de gens de mon entourage peuvent parfaitement lire, écrire et parler le mi’kmaq. Ceux d’entre nous qui ont appris à maîtriser l’anglais ont eu de la difficulté pendant de nombreuses années.

Il y a 30 ans, le portrait de la réussite scolaire chez les jeunes Autochtones était plutôt sombre. La situation n’a pas suffisamment changé depuis. Le taux d’obtention de diplôme pour les personnes non autochtones est de 88 %; pour les Autochtones qui vivent dans une réserve, il peut être aussi bas que 36 %. Faut-il donc s’étonner que le taux d’obtention d’un baccalauréat des Autochtones soit le tiers de celui des non-Autochtones?

Très peu d’Autochtones peuvent mener la longue et distinguée carrière, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la fonction publique, qu’a connue Mary Simon. Très peu d’entre eux, sinon aucun, ont suivi son chemin. Le fait qu’elle ait été en mesure de conserver sa langue autochtone, l’inuktitut, à un moment où les langues autochtones étaient réprimées ou anéanties rend son parcours encore plus remarquable. Sa réussite remarquable n’est pas la règle, mais l’exception.

Je ne veux pas insinuer que ce n’est pas important d’apprendre le français ou l’anglais ou de devenir bilingue. Toutefois, les Autochtones ont trop souvent été pris dans les querelles entre les intérêts coloniaux. Dans le contexte du régime d’assimilation et de génocide infligé par l’État à des générations d’Autochtones, il est facile de comprendre comment le projet de loi S-220 pourrait contribuer à perpétuer la souffrance plutôt que de l’alléger.

On m’a privé de parler ma langue. J’ai été contraint d’apprendre l’anglais. Un nombre considérable d’Autochtones d’un bout à l’autre du Canada subissent le même sort. J’aimerais dire à tous les détracteurs de Mary Simon qui lui reprochent de ne pas parler le français malgré toutes ses années dans la fonction publique réfléchissez sérieusement à la raison pour laquelle elle ne l’a pas fait. Puis, j’ajouterais : ne voyez-vous pas à quel point il est cruel de dire aux Autochtones — dont on a fait disparaître, en usant de violence, la langue et la culture — qu’ils doivent apprendre une autre langue des colonisateurs afin d’être considérés dignes de servir le Canada ou de mériter de pouvoir le faire?

Chers collègues, nombreux sont les Autochtones qui continuent de se battre pour se réapproprier leur culture et leur langue. Toutefois, nous pouvons agir autrement.

Je souhaite attirer l’attention des sénateurs sur la réussite des Mi’kmaqs de la Nouvelle-Écosse. Dans les années 1990, alors que près de 30 % des élèves obtenaient leur diplôme d’études secondaires, les Mi’kmaqs de la Nouvelle-Écosse ont commencé à prendre l’éducation en main dans leurs communautés. Ils ont notamment créé des programmes d’immersion qui ont donné de bons résultats; ainsi, des enfants ont pu s’épanouir tout en apprenant l’anglais et le mi’kmaq. Maintenant, 90 % des élèves mi’kmaqs de la Nouvelle-Écosse obtiennent leur diplôme d’études secondaires. Comme Mary Simon, beaucoup de ces élèves parlent leur langue autochtone. Cela devrait être la norme partout au Canada, selon moi.

Si le projet de loi S-220 est adopté, il signalera toutefois à ces élèves que, malgré leur réussite scolaire et le fait qu’ils parlent leur langue autochtone, ils ne sont toujours pas de taille à servir l’intérêt public au Canada. Est-ce vraiment le message que nous souhaitons transmettre aux enfants et aux jeunes autochtones?

Au prix de ma culture et de ma langue, j’ai reçu une piètre éducation qui m’a nui quand j’essayais de rivaliser avec mes pairs. Au prix de ma culture et de ma langue, on m’a enseigné l’anglais mais pas le français. Au prix de ma culture et de ma langue, on me demande maintenant de rebâtir une barrière que Mary Simon a fait disparaître. Est-ce juste? Non, ce n’est vraiment pas juste.

Chers collègues, j’estime que, sous sa forme actuelle, le projet de loi S-220 représenterait un recul par rapport au bon travail que nous avons accompli ces dernières années. Au cours des premières années où j’ai siégé parmi vous au Sénat, la Loi sur les langues autochtones a été adoptée. Contrairement au mythe selon lequel seuls le français et l’anglais sont fondamentaux au Canada, le préambule de la loi reconnaît que les langues autochtones furent les premières à être parlées sur ces territoires. Pourtant, la Loi sur les langues autochtones n’est pas allée jusqu’à faire des langues autochtones des langues fédérales officielles. Je dis « fédérales » ici parce que l’inuktitut, entre autres, est une langue officielle dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut. Cette omission doit être corrigée.

La Loi sur les langues autochtones donne suite à l’appel à l’action no 14 de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada. Elle répond aussi un peu à l’appel à l’action no 13 : « Nous demandons au gouvernement fédéral de reconnaître que les droits des Autochtones comprennent les droits linguistiques autochtones. »

Dans le contexte du projet de loi que nous étudions aujourd’hui, la sénatrice McCallum a demandé que les langues autochtones soient inscrites dans la Constitution, et je suis d’accord avec elle. Nous devons déterminer comment accomplir cela et comment mieux répondre à l’appel à l’action no 13.

Seules deux langues sont explicitement nommées et protégées dans la Charte des droits et libertés de notre Constitution. Il est important de noter que la Charte ne décrit pas entièrement les droits linguistiques du français et de l’anglais et n’en fait pas la promotion. À titre d’exemple, l’avancement des droits linguistiques est prévu dans des lois comme la Loi sur les langues officielles et la Loi sur les compétences linguistiques. Bref, ces droits sont mis en œuvre par ce type de lois.

Les droits des Autochtones sont également reconnus et prévus dans la Charte. Cette formulation est importante parce que la Charte n’est pas la source de ces droits. Les droits des Autochtones ont été énoncés lentement et judicieusement par la Cour suprême du Canada, et ces droits ne sont pas exhaustifs.

(2050)

En ce qui concerne les droits linguistiques, je souligne que la Loi sur les langues officielles ne supprime pas les droits juridiques et coutumiers des autres langues.

Chers collègues, je ne peux pas appuyer le projet de loi S-220 en raison de son intention d’exclusion. Toutefois, si le projet de loi est renvoyé au comité, j’appuie la suggestion du sénateur Dalphond d’examiner la validité constitutionnelle de l’utilisation de la Loi sur les compétences linguistiques pour restreindre la nomination du gouverneur général.

J’ajoute que nous devrions profiter de cette occasion pour réfléchir à la manière dont nous pouvons commencer à concrétiser les droits des langues autochtones. Par exemple, nous pourrions envisager de remplacer « les deux langues officielles » par « deux langues officielles quelconques ». Ce changement ne diminuerait pas la présence du français ou de l’anglais comme langues officielles, car ces deux langues sont assurément plus courantes au Canada.

Mais si certains déplorent que Mary Simon ne parle pas les deux langues officielles, je répondrai qu’elle parle deux langues officielles du Canada — une des langues originales et une des langues postérieures — et j’espère que d’autres de nos langues originales feront la transition vers les langues officielles aux échelons provincial, territorial et fédéral.

Beaucoup d’entre nous commencent maintenant leurs discours par une reconnaissance du territoire. Comme le sénateur Dalphond l’a fait remarquer à juste titre, Mary Simon nous a dit, lors du récent discours du Trône, que les reconnaissances territoriales doivent aller au-delà du symbolisme.

Cela m’amène à mon dernier point. Je tiens d’abord à signaler que j’ai le plus grand respect pour mes collègues et que je les crois quand ils disent soutenir la réconciliation. Toutefois, je souhaite formuler un sérieux avertissement : appuyer le projet de loi S-220 dans le contexte actuel ne va pas dans le sens des efforts visant à réparer les torts passés et présents.

Si nous ne sommes pas prêts à endurer un certain inconfort découlant des réalisations remarquables de certains Autochtones, la réconciliation devient un acte symbolique vide de sens. Une réconciliation véritable et durable n’est pas censée être facile. Elle doit s’accompagner d’actions visant à mettre un terme aux discours et aux pratiques racistes et coloniaux, notamment le mythe selon lequel le Canada a été fondé sur la dualité linguistique. En réalité, le Canada n’a pas été bâti sur la dualité linguistique : il a plutôt écrasé une pluralité linguistique.

Au Sénat, nous sommes chargés de légiférer sur des questions qui auront une incidence sur les Autochtones, mais on dirait que, chaque fois, il y a une incompréhension et une méconnaissance de la véritable histoire du Canada. Si nous voulons vraiment nous assurer que les Autochtones ne sont pas indûment touchés par nos décisions, nous devons combler de toute urgence cette lacune.

Imposer comme condition préalable pour le gouverneur général de parler l’anglais et le français, plutôt que l’anglais, le français ou une langue autochtone, mine la voie vers une véritable réconciliation.

Je suis conscient que le français est peut-être en train de mourir, mais les langues autochtones du Canada, elles, se font étouffer depuis des décennies, et beaucoup d’entre elles ont déjà disparu. À mon avis, la protection de la langue française ne doit pas se faire au détriment de la protection des langues autochtones. Pourquoi devrait-il en être ainsi?

Chers collègues, le projet de loi S-220 ne tient pas compte des réalités historiques et actuelles qui empêchent les Autochtones non seulement d’apprendre ou de maintenir nos langues autochtones, mais aussi d’apprendre à parler couramment l’anglais ou le français, et encore moins les deux.

Comme l’a dit la sénatrice McCallum, nous ne vous demandons pas d’apprendre nos langues, nous vous demandons simplement de ne pas vous mettre en travers de notre chemin, comme cela a si souvent été le cas. Veuillez garder cela à l’esprit lorsque vous délibérerez sur le projet de loi S-220. Wela’lioq, merci.

(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)

Projet de loi instituant la Journée canadienne de l’alimentation

Deuxième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Black, appuyée par l’honorable sénatrice Griffin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-227, Loi instituant la Journée canadienne de l’alimentation.

L’honorable Rose-May Poirier : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-227, Loi instituant la Journée canadienne de l’alimentation. Je remercie le sénateur Black d’avoir mis de l’avant cette initiative. Je lui suis reconnaissante de promouvoir constamment les enjeux liés au monde rural et à l’agriculture et d’exercer un leadership à cet égard.

Le soutien de l’alimentation locale est crucial pour toutes les communautés, petites ou grandes, partout au pays. À titre de sénatrice du Nouveau-Brunswick, je peux mesurer l’importance que revêt le soutien aux produits alimentaires locaux. Ce soutien renforce l’économie locale et resserre les liens entre les membres d’une même communauté. Le partage d’aliments locaux est également un élément essentiel de notre identité culturelle.

Honorables sénateurs, chaque session, nous adoptons des projets de loi pour commémorer ou pour promouvoir différentes causes. Comme nous arrivons bientôt au terme de deux années de pandémie et de confinement au Canada, le moment est bien choisi pour mettre en évidence l’importance des aliments locaux au pays. Dans les périodes difficiles, la chaîne alimentaire locale a donné aux Canadiens des options qui leur ont permis de mettre de la nourriture sur la table.

La semaine dernière, j’ai rencontré des représentants des Producteurs laitiers du Nouveau-Brunswick. Cet organisme a donné plus de 10 millions de dollars en produits laitiers aux banques alimentaires pour aider les Canadiens dans le besoin. En discutant avec les représentants, il est facile de se rendre compte du souci qu’ils ont pour le bien-être de leur communauté. Alors, dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, je veux vous faire part des divers avantages à soutenir l’alimentation locale au Canada.

Pour commencer, les projets d’agriculture locale ont des répercussions qui dépassent largement les profits économiques ou le fait de nourrir la communauté. Je me permettrais de vous raconter une histoire de Port Elgin, au Nouveau-Brunswick, une histoire que vous auriez probablement entendue de la bouche de notre collègue maintenant retraitée, la sénatrice Carolyn Stewart Olsen.

Les élèves de l’école régionale de Port Elgin apprennent à aborder la sécurité alimentaire d’une façon inédite. Ils apprennent le parcours des aliments de la graine à l’assiette, grâce à une nouvelle serre d’hiver spéciale qui leur permet de faire pousser leurs propres légumes. Avec l’aide de la Fondation Brewer à Fredericton, ce projet porte l’espoir de fournir une solution à long terme pour les personnes de la communauté qui ont des problèmes de sécurité alimentaire. Ce projet vise également à faire réfléchir les élèves de façon autonome tout en acquérant des compétences importantes.

Quelle meilleure manière pour un projet local d’enseigner à de jeunes enfants l’importance de la sécurité alimentaire, de leur montrer comment faire pousser des aliments sains et de leur transmettre le sens de la communauté au plus jeune âge? Ce n’est qu’une raison de plus pour soutenir la production locale. Ils contribuent directement au bien-être de leur communauté, car en tant que membres de cette communauté, ils ont cela à cœur.

Pour l’anecdote, dans ma circonscription provinciale, la circonscription de Kent-Nord, notre député provincial, Kevin Arseneau, est aussi agriculteur. En plus de nourrir la communauté, il la sert et se fait l’écho des problèmes rencontrés dans la province. Il est animé de la même passion, de la même éthique et du même sens de l’engagement dans son rôle de député.

Honorables collègues, comme autre raison de célébrer les aliments locaux, soulignons leur contribution à notre identité culturelle. Le préambule du projet de loi S-227 contient ce passage que j’aime particulièrement :

[Attendu] que la population canadienne tirera avantage d’une journée de l’alimentation destinée à célébrer les aliments locaux, qui constituent l’une des caractéristiques les plus fondamentales de chacune des cultures qui forment notre nation [...]

C’est un élément essentiel dans toutes les régions du pays. Qu’il s’agisse des collectivités de pêcheurs de Terre-Neuve, où la tradition veut qu’une personne embrasse une truite en guise d’initiation, de la pomme de terre de l’Île-du-Prince-Édouard, du sirop d’érable du Québec ou du bœuf de l’Alberta, ces aliments sont au cœur de notre identité.

Dans un pays aussi diversifié que le nôtre, les aliments sont essentiels pour établir des liens avec de nouveaux membres de la collectivité. Par exemple, lorsqu’on visite le marché fermier de Moncton, au Nouveau-Brunswick, on y trouve une foule d’aliments liés à la cuisine traditionnelle acadienne, à la cuisine coréenne, à la cuisine allemande, et cetera. Pour les nouveaux immigrants, fréquenter les marchés fermiers locaux est un moyen unique de s’intégrer et d’apporter une contribution précieuse à la collectivité.

Son Honneur le Président : Excusez-moi, sénatrice Poirier, je dois vous interrompre.

(À 21 heures, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 25 novembre 2021, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

Annexe - Liste des sénateurs

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