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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 53

Le mardi 14 juin 2022
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 14 juin 2022

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Elaine R. Goldstein, l’épouse du regretté sénateur Goldstein, de sa fille, Dahna Goldstein, de sa belle-fille, Sarah Altschuller, de son petit-fils, Ezra Altschuller, de son fils, Doron Goldstein, de même que d’amis et de collaborateurs du regretté sénateur.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le décès de l’honorable Yoine Goldstein

L’honorable Dennis Dawson : Honorables sénateurs, au nom du Groupe progressiste du Sénat et de la sénatrice Cordy qui ne pouvait pas être présente, j’aimerais dire quelques mots à la famille.

Les gens se réunissent pour de nombreuses raisons. Beaucoup d’entre elles sont joyeuses et beaucoup d’autres sont tristes. Quelle que soit l’occasion, il est sans aucun doute mieux de pouvoir la marquer avec d’autres. C’est ce lien important qui nous a manqué au cours des deux dernières années où nous avons lutté contre la pandémie. Nous sommes tous unis dans cette épreuve, tant collectivement que séparément. Ces déclarations étaient cruciales pour assurer la sécurité de notre famille et de nos amis.

alors que les restrictions s’assouplissent un peu, nous sommes mieux outillés pour gérer la pandémie de COVID. Nous devons maintenant rattraper les occasions que nous n’avons pas pu marquer correctement.

[Français]

L’une de ces occasions est le décès de notre ancien ami et collègue Yoine Goldstein. De nombreux membres de la famille de Yoine sont avec nous aujourd’hui et je veux les saluer. J’espère qu’ils trouveront un certain réconfort dans cette commémoration tardive de sa vie et en particulier de son passage au Sénat.

[Traduction]

Le sénateur Larry Campbell et moi avons prêté serment en même temps que Yoine et l’expérience nous a marqués. Je sais que Yoine a vraiment aimé le temps qu’il a passé avec nous au Sénat.

[Français]

Yoine est né à Montréal en 1934. Il a obtenu un baccalauréat ès arts et un baccalauréat en droit civil avec distinction de l’Université McGill. Pendant ses études à McGill, il a été choisi comme rédacteur d’articles pour la Revue de droit de McGill. En 1960, il a obtenu son doctorat en droit de l’Université de Lyon et a été admis au Barreau du Québec l’année suivante. Il a été reconnu à l’échelle nationale et internationale pour son expertise en matière d’insolvabilité, de faillites et de litiges commerciaux.

[Traduction]

Il s’est fait le défenseur des étudiants canadiens et des réformes systémiques afin que les études postsecondaires ne se transforment pas en un fardeau financier insurmontable pour les étudiants. Plus directement, il a également travaillé avec les étudiants, partageant ses connaissances en tant que chargé de cours de 1973 à 1997 à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Nommé à l’Institut d’insolvabilité du Canada, Yoine était également le seul Canadien à être membre de l’American College of Trial Lawyers et de l’American College of Bankruptcy.

Très actif au sein de la communauté juive de Montréal — je suis sûr que mon ami Marc Gold nous en dira davantage à ce sujet —, Yoine a été président de 1995 à 1997 de la Fédération CJA, un organisme de coordination du financement et de la planification pour la communauté juive de Montréal. Il a de plus été membre du conseil consultatif communautaire de la chaire d’études juives canadiennes de l’Université Concordia.

[Français]

Bien qu’il n’ait siégé que quatre ans avec nous, ici au Sénat, le sénateur Goldstein a eu un impact considérable. Sans surprise, il a apporté une contribution importante à titre de membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Il a été un ardent défenseur des droits de la personne, parlant souvent de tolérance, de respect et de justice sociale dans le monde entier. Ses descriptions de la situation au Darfour ont été d’une importance particulière. Sur la scène internationale, il a représenté le Canada et les Canadiens au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

(1410)

[Traduction]

Le sénateur Goldstein a apprécié le temps qu’il a passé dans cette enceinte et l’occasion qui lui a été donnée de servir les Canadiens. Dans son discours d’adieu, il a déclaré :

Le Canada n’est pas qu’un beau paysage; c’est un pays qui a une âme [...] Cette âme est incarnée aussi dans la volonté et l’intention sincère de tous les partis politiques d’améliorer le Canada, voire d’en faire le meilleur pays possible.

[Français]

Un pays ne peut en demander plus de la part de ses citoyens.

À sa femme, Elaine, à ses enfants et au reste de sa famille, j’offre les souhaits suivants : j’espère que vous savez qu’il a atteint ses objectifs merveilleusement. Alors que vous ressentez encore sa perte, j’espère que le souvenir de Yoine et ces mots d’adieu à un ami et à un collègue cher vous remonteront le moral.

[Traduction]

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à l’ancien sénateur et mon ami de toujours Yoine Goldstein, et pour honorer sa mémoire en présence de son épouse, Elaine, de leur fils, Doron, de leur fille, Dahna, de leur belle-fille, Sarah, de leur petit-fils, Ezra, ainsi que de ses collègues de confiance et de ses amis dévoués.

[Français]

Comme notre collègue le sénateur Dawson l’a mentionné, Yoine a eu une brillante carrière à titre de juriste. Je ne veux pas répéter toutes ses réalisations, mais j’aimerais ajouter qu’il était également un talentueux pédagogue qui a enseigné à la Faculté de droit de l’Université de Montréal de 1973 à 1997.

En août 2005, Yoine a été nommé au Sénat par le très honorable Paul Martin et il a siégé aux comités qui lui tenaient le plus à cœur professionnellement et personnellement : le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, le Comité des droits de la personne et le Comité des langues officielles. Il était un sénateur dévoué et exemplaire dont la contribution était reconnue par tous ceux avec qui il travaillait.

[Traduction]

J’aimerais citer l’ancienne sénatrice Nancy Ruth. Voici ce qu’elle avait déclaré le 7 mai 2009 à l’occasion de la retraite du sénateur Goldstein :

Permettez-moi de vous dire que, semaine après semaine, jour après jour, déclaration après déclaration, motion après motion, question après question, je vous ai écouté, avec toute votre éloquence, votre fureur, votre droiture, votre engagement, votre tristesse, votre persévérance, votre dévouement et votre vision.

Merci d’avoir pris le temps d’être ici [...]

Voici, en résumé, qui était Yoine Goldstein.

Permettez-moi de vous raconter un autre aspect de Yoine, car je l’ai connu et j’ai collaboré avec lui pendant plusieurs décennies alors qu’il était un des leaders de ma communauté.

Yoine s’est dévoué corps et âme au travail communautaire et il a occupé tous les postes de direction au sein de la communauté juive de Montréal et même au-delà, à l’échelle nationale et internationale. Il a fait une véritable différence, chers collègues. Il était un bâtisseur de ponts entre la communauté juive et la société québécoise. Il était une voix progressiste, un pionnier en matière de dialogue et de collaboration interculturels.

Yoine a aussi été un membre fondateur de La Fondation de la tolérance, aujourd’hui connue sous le nom d’ENSEMBLE pour le respect de la diversité, un organisme ayant pour but d’aider les jeunes du Québec à mieux comprendre les enjeux et les défis liés au fait de cohabiter dans une société de plus en plus diversifiée et pluraliste.

Yoine et moi avons travaillé au sein de cet organisme pendant de nombreuses années. J’ai eu l’honneur de lui succéder à la coprésidence quand il a dû passer le flambeau en raison de ses responsabilités au Sénat. Il était un modèle à suivre, un mentor et une source d’inspiration, et ce, non seulement pour moi, mais pour toutes les personnes qui ont eu le privilège de collaborer avec lui.

En terminant, j’aimerais prendre l’exemple de notre collègue le sénateur Dawson et vous citer un passage du dernier discours prononcé par Yoine dans cette enceinte. Il a dit :

[...] le livre de la Bible, Qohelet, dit l’Ecclésiaste, contient une parole chargée de sens pour moi en ce moment : « Il y a un temps pour tout, un temps pour toute chose sous les cieux. » Et voilà que le temps est venu pour moi de prendre congé [...]

Yoine, vous nous avez quittés beaucoup trop tôt. Toutefois, vous laissez derrière vous un héritage remarquable qui nous met tous au défi de poursuivre sur la voie de l’excellence, comme vous l’avez fait au nom de tous les Canadiens. Votre présence parmi nous a été une véritable bénédiction. Vous nous manquez terriblement.

Des voix : Bravo!

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends aussi la parole aujourd’hui pour rendre hommage à l’honorable Yoine Goldstein. Né à Montréal, Yoine Goldstein était profondément convaincu de l’importance de redonner à sa communauté. Les gestes qu’il a posés tout au long de sa vie illustrent son engagement et son dévouement envers le service public.

Avant d’être nommé sénateur par le très honorable Paul Martin, Yoine Goldstein était avocat et universitaire. C’était l’un des associés directeurs du cabinet d’avocats Goldstein, Flanz & Fishman, où il était spécialisé en insolvabilité, en faillites et en litiges commerciaux.

Il était très actif dans le monde universitaire. Son nom figure d’ailleurs dans la liste des juristes canadiens, et son expertise était reconnue. Il a reçu de nombreux prix, dont le prix pour la défense des droits de la personne et le prix du service décernés par l’Association de droit Lord Reading.

Yoine Goldstein a enseigné pendant plus d’un quart de décennie à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Le droit n’était toutefois que l’une des voies qu’il empruntait pour redonner à la communauté. Il était aussi très actif dans la communauté juive de Montréal, comme on l’a déjà souligné aujourd’hui. Il a été président de la Fédération CJA, qui vise à recueillir des fonds pour financer une multitude de programmes locaux et nationaux. C’est une organisation que le sénateur Gold connaît aussi très bien.

Le sénateur Goldstein a siégé au Sénat d’août 2005 à mai 2009, de sorte que nos chemins ne se sont jamais croisés dans cette enceinte. J’ai été nommé quelques mois seulement après le départ à la retraite du sénateur Goldstein. Son mandat n’a pas été très long, mais sa contribution en tant que vice-président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a certainement été précieuse.

Pour conclure, chers collègues, voici une citation d’un texte de Jonathan Kay, publié en octobre 2013 dans le National Post  :

Yoine Goldstein est un modèle : arrivé au Sénat avec une expérience diversifiée en tant qu’expert juridique, il a utilisé cette expertise dès le premier jour pour rédiger des mesures législatives régissant des domaines complexes du droit que peu d’autres sénateurs pouvaient maîtriser.

Au nom de l’opposition au Sénat, je souhaite exprimer mes plus sincères condoléances à son épouse, Elaine, à ses enfants, Doron et Dahna, et à toute sa famille et ses amis. Le dévouement de votre proche au Sénat ne sera jamais oublié. Merci d’avoir partagé votre mari, père et grand-père avec tout le Canada. Que Dieu vous bénisse généreusement.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Pierrette Ringuette : Il me revient aujourd’hui l’honneur insigne, au nom du Groupe des sénateurs indépendants, de commémorer notre regretté collègue l’honorable Yoine Goldstein.

En nommant le sénateur Goldstein, de la région sénatoriale québécoise de Rigaud, en 2005, le premier ministre Martin réaffirmait son engagement à redynamiser l’institution du Sénat.

Dès lors, et pour les quatre précieuses années suivantes, notre institution a bénéficié de l’excellence professionnelle du sénateur Goldstein, un juriste hors pair de réputation internationale qui a su élever le calibre de nos débats et discours tant au sein des comités que dans la Chambre.

[Traduction]

Mais notre cher collègue a défini le fondement de son legs durable dans une déclaration qu’il a faite dans cette enceinte. Le 5 avril 2006, au cours de la 1re session de la 39e législature du Parlement du Canada, l’honorable sénateur Yoine Goldstein n’a pas parlé de politique. Il n’a fait aucune allusion à la politique. Au lieu de cela, il a parlé directement aux futures générations de Canadiens — autochtones et immigrants, juifs et non juifs. Il nous a directement demandé à tous d’être les meilleures versions de nous-mêmes.

(1420)

Cela fait déjà 16 ans, mais ses paroles résonnent aujourd’hui plus fort que jamais. La sagesse d’un grand Montréalais vaut la peine d’être répétée. Aujourd’hui, je pense que la meilleure façon de rendre hommage à la mémoire et à l’héritage de notre cher collègue est de citer ses paroles pour qu’elles soient encore une fois consignées au compte rendu officiel.

Il a dit :

Honorables sénateurs, la tolérance est une valeur passive. Elle traduit la simple acceptation des différences, mais l’acceptation ou la tolérance ne suffisent pas. Notre objectif est de faire prendre conscience que, dans notre société, la diversité est une valeur importante, qu’il faut l’exalter et la chérir et pas seulement l’accepter.

Il a ajouté ce qui suit : « […] la célébration de la diversité et des différences comme valeurs fondamentales, comme valeurs sociales positives et non comme sources de dissensions. »

Honorables sénateurs, nous vivons aujourd’hui en période d’incertitude croissante. Les médias sociaux nous ont rendus hypervigilants et critiques les uns envers les autres. Un ralentissement économique se dessine peu à peu à l’horizon.

Yoine Goldstein a vécu selon ses convictions religieuses en incarnant ses valeurs de tolérance et de conciliation envers tout un chacun. La meilleure façon d’honorer sa mémoire est de suivre l’exemple qu’il a donné. Montrons-nous charitables. Soyons solidaires envers ceux qui souffrent d’un conflit dont ils ne sont pas responsables. Apportons collectivement notre soutien aux personnes défavorisées sur le plan social et économique. Soyons fermes dans notre lutte contre l’intolérance et la discrimination.

Rendons hommage à l’honorable Yoine Goldstein en lui disant : « Mazel tov, cher Yoine. Espérons que, grâce au savoir que vous avez transmis aux générations qui ont été sensibilisées par la Fondation de la tolérance, rebaptisée ENSEMBLE pour le respect de la diversité, votre appel à la conciliation se fera entendre plus fort que jamais. Nous vous remercions de votre service. »

J’aimerais aussi profiter de cette occasion pour remercier sa veuve bien-aimée, Elaine, ainsi que son fils et sa fille, de lui avoir permis de consacrer une partie de son temps précieux à travailler avec nous, au Sénat, et à servir la population canadienne. Merci.

Des voix : Bravo!

(Les honorables sénateurs observent une minute de silence.)

[Français]

Son Honneur le Président : Merci beaucoup, chers collègues.

La tenue de réunions de comité hybrides et à distance

Présentation d’excuses

L’honorable Rosa Galvez : Chers collègues, je tiens à prendre la parole pour reconnaître une erreur que j’ai commise sans mauvaise intention. Je viens vous offrir mes excuses les plus sincères.

La semaine dernière, le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles s’est réuni pour l’étude du projet de loi S-5, une étude importante dont la révision article par article a été plus longue que prévu et à laquelle se sont ajoutées des réunions à quelques jours d’avis. En même temps, mon travail parlementaire m’a amenée à Los Angeles pour participer avec la délégation de ParlAmericas au Sommet des Amériques, planifié depuis des mois.

[Traduction]

Honorables sénateurs, j’ai malheureusement commis une erreur. En voulant poursuivre ces travaux importants à la fois avec le Comité des finances nationales et au sommet, à 5 h 30, je me suis jointe par Zoom au Comité des finances nationales à l’aide de mon ordinateur du Sénat. J’ai cru que c’était possible, puisqu’il n’y avait pas de chevauchement avec le sommet. Cependant, à mon retour au Sénat, mon facilitateur m’a rappelé que la motion portant sur les séances hybrides stipule ceci :

[...] sous réserve des variations qui pourraient s’imposer à la lumière des circonstances, la participation à une réunion de comité par vidéoconférence soit assujettie aux conditions suivantes :

a) les sénateurs doivent participer à partir d’un bureau désigné ou d’une résidence désignée au Canada;

Je prends au sérieux mon travail parlementaire de même que mes fonctions, et — par inertie et par empressement de poursuivre mon travail — je ne me suis pas rendu compte que la participation à distance au comité depuis mon hôtel pendant que je prenais part à des activités parlementaires n’était pas permise selon la motion qui a été adoptée. J’ai poursuivi toutes mes activités sénatoriales, dont j’ai même parlé sur les médias sociaux, en pensant que j’avais le droit de continuer à travailler.

Chers collègues, je reconnais mon erreur, et l’ignorance de cette règle ne constitue pas une excuse. Je souhaite donc présenter mes excuses à mes collègues du comité, en particulier, et à tous les sénateurs. Je m’engage à être plus prudente et plus attentive aux détails des règles que nous avons adoptées, afin d’assurer le déroulement juste et équitable des travaux du Sénat et de ses comités.

Merci. Meegwetch.

Le camp Ember

L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, c’est un honneur de prendre la parole à partir du territoire traditionnel du peuple algonquin anishinabe au sujet du camp Ember. Ce camp est ouvert à toutes les femmes du Yukon de 16 ans et plus. Les participantes sont âgées de 16 ans à la mi-soixantaine.

Le camp Ember est une introduction au service d’incendie et au métier de pompier. C’est une occasion pour les femmes du Yukon de faire l’expérience des tâches les plus exigeantes et les plus stimulantes qui sont effectuées par les pompiers et les groupes de première intervention, et ce, dans un cadre inclusif, sûr et solidaire.

Ce programme d’une semaine prévoit deux entraînements par jour où les recrues apprennent à utiliser l’équipement et le matériel de protection individuelle, à désincarcérer des personnes prisonnières de leur véhicule, à effectuer des interventions d’urgence en présence de matières dangereuses, à réaliser des sauvetages en hauteur à l’aide de cordes et d’échelles, à éteindre des feux de bâtiments ou de véhicules, à suivre l’entraînement nécessaire pour réaliser les tests d’évaluation de la condition physique et d’évaluation des compétences, et à adapter son alimentation.

Comme les honorables sénateurs le savent, les programmes et les politiques reposent sur des gens. Penny et Grace Sheardown Waugh, une équipe mère-fille qui a participé au programme, m’ont présenté Kiara Adams. Mme Adams a ouvert la voie en devenant la première pompière de la ville de Whitehorse. Elle inspire et mobilise les femmes en transmettant sa passion et ses connaissances au moyen de la mise en place et de l’organisation du camp Ember, et ce, à titre de cheffe du camp. Comme beaucoup de femmes l’ont fait, elle accomplit tout ce travail avec un jeune enfant dans les bras.

Mme Adams est accompagnée d’Ursula Geisler, la seule sous-commissaire aux incendies de sexe féminin du Bureau du commissaire aux incendies du Yukon et la cheffe adjointe du camp Ember. Elle est l’une des principales membres du service de pompiers volontaires de Golden Horn, qui se trouve juste à l’extérieur de Whitehorse, et elle est appelée à se rendre partout dans le monde en tant que membre de l’équipe d’intervention ShelterBox.

Les femmes ayant participé au camp Ember sont devenues par la suite des membres des services de gestion des feux de végétation, des pompières volontaires et des membres des services médicaux d’urgence. Comme ceux d’entre nous qui habitent dans des régions moins peuplées du Canada le savent, les pompiers sont les premiers intervenants de nos collectivités pour bien plus que la lutte contre les incendies. Ce sont eux qui font notre force.

(1430)

Je viens de dire que les pompiers sont plus pour nos collectivités que juste les premiers intervenants sur la scène d’un incendie. Eh bien, le camp Ember offre bien plus qu’une formation de lutte contre les incendies et une formation en intervention d’urgence. On a dit que ce programme transforme des vies.

J’invite les sénateurs à communiquer avec moi afin d’obtenir le lien à la vidéo du camp Ember pour la faire circuler au sein de la population canadienne. En effet, chaque année, des Canadiennes d’ailleurs au pays, y compris de la Saskatchewan, demandent de participer au camp. Des localités albertaines ont communiqué avec ses responsables pour mettre en place des programmes semblables.

Honorables sénateurs, cette année, le camp aura lieu à partir du 20 juin, et il se déroulera en partie sur le territoire traditionnel de la Première Nation de Carcross/Tagish. Je souhaite bon succès à toutes les participantes et diplômées du camp Ember alors qu’elles apprendront à connaître leurs forces, leur résilience et leurs talents. Peu importe où elles vivent, je les remercie de leur service à leur communauté. Soyez prudentes et veillez les unes sur les autres. Mahsi cho, gùnáłchîsh, merci.


AFFAIRES COURANTES

Régie interne, budgets et administration

Adoption du troisième rapport du comité

L’honorable Sabi Marwah, président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, présente le rapport suivant :

Le mardi 14 juin 2022

Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration a l’honneur de présenter son

TROISIÈME RAPPORT

Votre comité, que le Règlement du Sénat autorise à examiner les questions financières et administratives, recommande que les fonds suivants soient débloqués pour l’année financière 2022-2023.

Affaires juridiques et constitutionnelles (législation)

Dépenses générales 6 000 $
TOTAL 6 000 $

Respectueusement soumis,

Le président,

SABI MARWAH

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

Le sénateur Marwah : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5f) du Règlement, je propose que le rapport soit adopté maintenant.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2022

Dépôt du quatrième rapport du Comité des peuples autochtones sur la teneur du projet de loi auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 4 mai 2022, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a déposé auprès du greffier du Sénat, le 10 juin 2022, son quatrième rapport, qui porte sur la teneur des éléments des sections 2 et 3 de la partie 5 du projet de loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures.

Projet de loi concernant la modernisation de la réglementation

Présentation du troisième rapport du Comité des banques et du commerce

L’honorable Pamela Wallin, présidente du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, présente le rapport suivant :

Le mardi 14 juin 2022

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l’honneur de présenter son

TROISIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation, a, conformément à l’ordre de renvoi du 28 avril 2022, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec les modifications suivantes :

1.Supprimer les articles 132 à 152, pages 54 à 73.

2.Article 159, page 76 : Remplacer la ligne 2 par ce qui suit :

« ticle 5.7 et aux termes d’un accord ou d’un accord écrit définissant les éléments de renseignements personnels, l’objet de la communication, les limites relatives à l’utilisation secondaire et au transfert ultérieur de renseignements personnels ainsi que tout autre détail pertinent, le ministre peut, aux fins d’exécution ou de ».

3.Article 160, page 77 : Remplacer la ligne 6 par ce qui suit :

« recueillis pour les fins de la présente loi, lorsqu’une telle communication serait effectuée dans le cadre d’une entente ou d’un accord écrit qui définit les éléments de renseignements personnels, l’objet de la communication, les limites relatives à l’utilisation secondaire et au transfert ultérieur de renseignements personnels ainsi que tout autre détail pertinent. ».

Votre comité a aussi fait certaines observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,

PAMELA WALLIN

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 712.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Wallin, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés
Le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés

Projet de loi modificatif—Présentation du cinquième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international

L’honorable Peter M. Boehm, président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, présente le rapport suivant :

Le mardi 14 juin 2022

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a l’honneur de présenter son

CINQUIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-8, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, apportant des modifications corrélatives à d’autres lois et modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, a, conformément à l’ordre de renvoi du 19 mai 2022, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec la modification suivante :

1.Nouvel article 15.1, page 5 : Ajouter, après la ligne 23, ce qui suit :

« Dispositions de coordination

Projet de loi C-21

15.1 (1) Les paragraphes (2) à (4) s’appliquent en cas de sanction du projet de loi C-21, déposé au cours de la 1re session de la 44e législature et intitulé Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu) (appelé « autre loi » au présent article).

(2) Dès le premier jour où l’article 52 de l’autre loi et l’article 1 de la présente loi sont tous deux en vigueur, l’alinéa 4(2)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés est remplacé par ce qui suit :

c) à l’établissement des orientations en matière d’exécution de la présente loi et d’interdiction de territoire pour raison de sécurité, pour atteinte aux droits humains ou internationaux, pour sanctions, pour criminalité transfrontalière ou pour activités de criminalité organisée;

(3) Dès le premier jour où l’article 55 de l’autre loi et l’article 9 de la présente loi sont tous deux en vigueur, l’alinéa 55(3)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés est remplacé par ce qui suit :

b) il a des motifs raisonnables de soupçonner que celui-ci est interdit de territoire pour raison de sécurité, pour atteinte aux droits humains ou internationaux, pour sanctions ou pour grande criminalité, criminalité, criminalité transfrontalière ou criminalité organisée.

(4) Dès le premier jour où l’article 56 de l’autre loi et l’article 10 de la présente loi sont tous deux en vigueur, l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés est remplacé par ce qui suit :

c) le ministre prend les mesures voulues pour enquêter sur les motifs raisonnables de soupçonner que le résident permanent ou l’étranger est interdit de territoire pour raison de sécurité, pour atteinte aux droits humains ou internationaux, pour sanctions ou pour grande criminalité, criminalité, criminalité transfrontalière ou criminalité organisée; ».

Respectueusement soumis,

Le président,

PETER M. BOEHM

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Boehm, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Pêches et océans

Budget et autorisation d’embaucher du personnel et de se déplacer—L’étude de la mise en œuvre des pêches fondées sur les droits autochtones au Canada—Présentation du troisième rapport du comité

L’honorable Fabian Manning, président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, présente le rapport suivant :

Le mardi 14 juin 2022

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a l’honneur de présenter son

TROISIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le jeudi 10 février 2022, à examiner, afin d’en faire rapport, la mise en œuvre des pêches fondées sur les droits autochtones au Canada, y compris la mise en œuvre des droits des Mi’kmaqs et des Malécites, au Canada atlantique, de pêcher à des fins de subsistance convenable, demande respectueusement des fonds pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2023 et demande qu’il soit, aux fins de ses travaux, autorisé à :

a)embaucher tout conseiller juridique et personnel technique, de bureau ou autre dont il pourrait avoir besoin;

b)voyager à l’intérieur du Canada.

Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration ainsi que le rapport s’y rapportant, sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,

FABIAN MANNING

(Le texte du budget figure en annexe aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 725.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Manning, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Projet de loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois (réponse à la COVID-19 et autres mesures)

Présentation du sixième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L’honorable Mobina S. B. Jaffer, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :

Le mardi 14 juin 2022

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l’honneur de présenter son

SIXIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-4, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois (réponse à la COVID-19 et autres mesures), a, conformément à l’ordre de renvoi du 31 mars 2022, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec la modification suivante :

1.Nouveaux articles 78.1 et 78.2, page 37 : Ajouter, après la ligne 7, ce qui suit :

« Examen indépendant

78.1 (1) Le ministre de la Justice lance, au plus tard trois ans après la date de sanction de la présente loi, un ou des examens indépendants sur l’utilisation de procédures à distance dans des affaires de justice pénale afin d’évaluer si les procédures à distance :

a) améliorent, préservent ou compromettent l’accès à la justice;

b) respectent les principes fondamentaux de l’administration de la justice;

c) tiennent compte adéquatement des droits et obligations des personnes associées au système de justice pénale, y compris des accusés.

(2) Le ministre de la Justice fait déposer devant chaque chambre du Parlement, au plus tard cinq ans après le début de l’examen, un rapport sur celui-ci qui comporte notamment toute conclusion ou recommandation qui en découle.

« Examen de la loi

78.2 (1) Au début de la cinquième année suivant la date de la sanction de la présente loi, les dispositions édictées ou modifiées par la présente loi sont soumises à l’examen d’un comité du Sénat et d’un comité de la Chambre des communes, constitués ou désignés pour les examiner.

(2) Les comités procèdent à l’examen de ces dispositions ainsi que de l’utilisation de procédures à distance dans des affaires de justice pénale et remettent aux chambres les ayant constitués ou désignés des rapports comportant les modifications, s’il en est, qu’ils recommandent d’y apporter. ».

Votre comité a aussi fait certaines observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,

MOBINA S. B. JAFFER

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 715.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Présentation du troisième rapport du Comité des droits de la personne

L’honorable Salma Ataullahjan, présidente du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, présente le rapport suivant :

Le mardi 14 juin 2022

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a l’honneur de présenter son

TROISIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-224, Loi modifiant le Code criminel (traite de personnes), a, conformément à l’ordre de renvoi du 28 avril 2022, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La présidente,

SALMA ATAULLAHJAN

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Ataullahjan, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(1440)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Yvonne Boyer dépose le projet de loi S-250, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Boyer, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

Peuples autochtones

Autorisation au comité de déposer des rapports relatifs à l’étude sur les obligations découlant des traités et les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat deux rapports intérimaires relatifs à son étude sur les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis, au plus tard le 31 juillet 2022, si le Sénat ne siège pas, et que les rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente intérimaire : Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 7 décembre 2021, la période des questions commencera à 15 h 30.


ORDRE DU JOUR

La Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Coyle, appuyée par l’honorable sénateur Deacon (Nouvelle-Écosse), tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-9, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques.

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-9, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques. Malheureusement, ce projet de loi est mort au Feuilleton à l’autre endroit il y a deux ans. Je remercie la sénatrice Coyle de l’avoir présenté de nouveau.

Le projet de loi S-9 nous aidera à appuyer la position ferme du Canada en matière de contrôle des produits chimiques dangereux, ce qui inclut les armes de destruction massive, ainsi que les armes nucléaires et biologiques. Le Canada a joué un rôle important dans la création de la Convention sur les armes chimiques et a été l’un des premiers pays signataires en 1993. À ce jour, le Canada continue de siéger au conseil exécutif de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques.

Lors de la réunion de 2019 des États parties à la convention, deux décisions ont été prises concernant l’ajout de nouveaux produits chimiques à l’annexe 1, y compris les agents de type Novitchok. Novitchok est un terme générique qui désigne plusieurs familles d’agents neurotoxiques développés par l’Union soviétique pendant la Guerre froide dans le cadre de son programme d’armes chimiques. Comme la sénatrice Coyle l’a expliqué avec beaucoup d’éloquence la semaine dernière, il y a eu une résurgence de l’utilisation des agents Novitchok, par exemple à Salisbury en 2018. Deux années plus tard, le chef de l’opposition russe, Alexei Navalny, a été empoisonné au moyen d’un agent neurotoxique de type Novitchok. Je crois que ces deux cas montrent l’importance de ce projet de loi et de la menace que représentent les programmes non déclarés de production d’armes chimiques pour l’humanité.

Aujourd’hui, je crains que nous n’assistions à de nouvelles pertes de vie en Ukraine, car la Russie menace de recourir aux armes chimiques. Nous savons que les dirigeants à Moscou ont déjà faussement accusé leurs opposants de provocations qui n’ont jamais eu lieu ou qu’ils ont eux-mêmes organisées ou qu’ils ont chargé leurs alliés d’organiser. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé pendant la guerre en Syrie et, en dépit de l’absence de preuves concrètes, les analystes considèrent comme une menace de guerre chimique le fait que le président Poutine soit prêt à ignorer l’interdiction internationale des armes chimiques.

Contrairement aux armes nucléaires, les armes chimiques sont relativement peu coûteuses et faciles à fabriquer, et de petites quantités suffisent pour causer des pertes de vie massives. Il va sans dire que les organes comme les yeux, le nez et les poumons sont particulièrement vulnérables, et qu’il est presque impossible de limiter la portée d’une attaque car les armes chimiques peuvent se répandre rapidement. Malheureusement, leur utilisation entraîne généralement de lourdes pertes civiles.

Le projet de loi S-9 arrive à point nommé puisqu’il mettra à jour la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques pour qu’elle s’inscrive dans le droit fil de la Convention sur les armes chimiques. Il précisera également les dispositions de la loi, sans pour autant modifier les obligations du Canada en ce qui concerne les produits chimiques contrôlés. À l’heure actuelle, en cas de divergence entre la convention et la législation canadienne, c’est la Convention sur les armes chimiques qui l’emporte. Cependant, les divergences peuvent aisément être source de confusion. J’estime que le projet de loi S-9 témoigne d’une bonne gouvernance, fournit des précisions aux Canadiens et réaffirme l’engagement du Canada à mettre un terme à l’utilisation des armes chimiques. Il est important de noter que le Canada a déjà été un important centre pour le développement et l’essai d’armes chimiques et biologiques, notamment dans le cadre d’expériences sur les humains, pendant la Seconde Guerre mondiale. Les Forces canadiennes ont également déversé dans l’océan Atlantique des millions de tonnes de munitions non explosées au large de plusieurs ports de la Nouvelle-Écosse. Le temps est maintenant venu de donner l’exemple pour un avenir plus sûr.

Honorables sénateurs, je remercie encore une fois la sénatrice Coyle d’avoir présenté le projet de loi S-9. Je n’y vois aucun aspect négatif et je l’appuie sans réserve. Chers collègues, compte tenu du conflit qui fait rage en Ukraine, j’espère que vous vous joindrez à moi pour renvoyer le projet de loi S-9 au comité pour qu’il y soit étudié plus à fond.

Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Coyle, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.)

(1450)

Projet de loi portant mise en vigueur de l’accord en matière de gouvernance conclu avec la Nation des Anishinabes et modifiant d’autres lois

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’honorable Patti LaBoucane-Benson propose que le projet de loi S-10, Loi portant mise en vigueur de l’accord en matière de gouvernance conclu avec la Nation des Anishinabes, modifiant la Loi sur l’autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte et la Loi sur l’autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon et apportant des modifications connexe et corrélatives à d’autres lois, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, avant de commencer, je tiens à souligner que je vous parle depuis le merveilleux territoire du Traité no 6, où j’ai toujours vécu, où nous sommes tous visés par les traités.

Je suis très heureuse aujourd’hui de prendre la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-10, qui fait progresser l’autonomie gouvernementale pour la Nation shishalhe et la Nation des Anishinabes. Ce projet de loi est le fruit de l’engagement de notre pays à collaborer avec les partenaires des Premières Nations pour faire reconnaître leur droit inhérent à l’autonomie gouvernementale et à l’autodétermination, en plus de soutenir leur vison pour un avenir meilleur pour leurs communautés. Ces mesures législatives appuient l’objectif du Canada de corriger les erreurs émanant de notre longue histoire de colonisation et d’instaurer des mesures concrètes pour favoriser la réconciliation.

Honorables sénateurs, prenons un peu de recul pendant un instant pour réfléchir à l’importance de l’autonomie gouvernementale pour les communautés autochtones. Pendant des milliers d’années avant l’arrivée des Blancs, les Autochtones administraient leurs propres formes de gouvernement. Ils avaient mis en place des lois et ils les appliquaient avec leurs propres représentants de l’autorité. Les diverses responsabilités étaient partagées en fonction de leurs coutumes. Quand les premiers colons sont arrivés sur les berges de ce territoire maintenant appelé Canada, un certain nombre de pactes et de partenariats ont été conclus avec des groupes autochtones au moyen de traités, d’accords commerciaux et d’alliances militaires. Cependant, les droits des Autochtones se sont graduellement érodés au fil des nouvelles décisions, politiques et lois coloniales. Les traités et les partenariats n’ont jamais été maintenus ni respectés.

En 1876, le gouvernement a adopté la Loi sur les Indiens, qui a imposé un système de gouvernance colonial aux Premières Nations. Il s’est employé activement à faire disparaître les systèmes en place depuis des siècles et n’a pas reconnu les aspirations et les besoins particuliers des communautés. Cependant, les droits inhérents des peuples autochtones à la gouvernance n’ont jamais été abandonnés et, en 1982, ils ont été réaffirmés dans l’article 35 de la Constitution canadienne. Aujourd’hui, le Canada s’efforce d’éliminer les systèmes de gouvernance imposés par le gouvernement fédéral et de réaffirmer les droits inhérents des peuples autochtones.

Les ententes d’autonomie gouvernementale appuient ce processus. Ces ententes définissent le pouvoir législatif des peuples autochtones dans de nombreux domaines, y compris l’éducation de leurs enfants, la gestion de leurs terres, la protection de leurs cultures et de leurs langues ainsi que le développement de leur économie et la création d’emplois.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-10 comporte deux volets. Premièrement, il contient des mesures qui moderniseraient la Loi sur l’autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte et, deuxièmement, il appuie la mise en œuvre de l’accord en matière de gouvernance conclu avec la Nation des Anishinabes. Je vais mettre ces deux documents en contexte.

En 1986, la Nation shishalhe est devenue la première nation autochtone au Canada à obtenir l’autonomie gouvernementale avec sa propre loi sur l’autonomie gouvernementale. Aujourd’hui, près de 40 ans plus tard, cette loi montre des signes de vieillissement.

Lorsque j’ai parlé avec le chef shishalh Warren Paull aujourd’hui, il a dit qu’en 1986, la constitution shishalhe était essentiellement un copier-coller de la Loi sur les Indiens. On n’avait tout simplement pas le temps d’y réfléchir en profondeur. Aujourd’hui, plus de 30 ans plus tard, la Nation shishalhe veut décoloniser sa constitution. Les politiques et les relations du Canada avec ses partenaires autochtones ont évolué, et, maintenant, à la demande de la communauté, nous savons que cette entente doit aussi évoluer.

Depuis deux ans, le gouvernement collabore avec la Nation shishalhe à l’élaboration de propositions de modifications de ses mesures législatives sur l’autonomie gouvernementale. Le plus symbolique de ces changements est une mise à jour du nom de la loi. Si elle est approuvée, elle deviendra la Loi sur l’autonomie gouvernementale de la Nation shishalhe, en supprimant le nom francisé et l’orthographe « sechelte » imposés par la Couronne.

Les autres changements comprennent la suppression des dispositions désuètes qui ne sont pas nécessaires dans le cadre des ententes modernes d’autonomie gouvernementale, la confirmation des pouvoirs de légiférer à propos des services sociaux, y compris les services à l’enfance et à la famille pour tous les membres de la Nation shishalhe, et la possibilité d’établir de nouveaux registres fonciers comme solution de rechange au registre des terres de réserve de la Loi sur les Indiens.

La Nation shishalhe est un chef de file dans le domaine de l’autonomie gouvernementale autochtone, et ces modifications confirment son leadership. L’appui à ce projet de loi montrerait que le Canada continue d’être un partenaire actif dans le soutien des relations de nation à nation avec ses partenaires autochtones autonomes, non seulement maintenant, mais de façon continue à mesure de l’évolution de leurs besoins.

Le deuxième élément du projet de loi édicte la Loi sur l’accord en matière de gouvernance conclu avec la Nation des Anishinabes. En avril 2022, le ministre Marc Miller a, de concert avec les dirigeants de la Nation des Anishinabes, signé l’accord en matière de gouvernance conclu avec la Nation des Anishinabes. Le projet de loi sur l’accord concernant la gouvernance mettrait en œuvre cet accord. Cette entente historique vise à accorder aux Anishinabes l’autonomie gouvernementale et des pouvoirs législatifs dans quatre domaines clés, soit la sélection des dirigeants, la citoyenneté, la langue et la culture, ainsi que le fonctionnement du gouvernement.

Il s’agirait de la deuxième entente sur l’autonomie gouvernementale conclue par cette nation en cinq ans. En 2018, 23 Premières Nations avaient en effet signé une entente sur l’autonomie gouvernementale leur accordant la responsabilité de l’éducation dans les réserves. Il y a aussi une troisième entente en vue, car une entente de principe sur le mieux-être des enfants, des jeunes et des familles a été conclue en 2021. Elle ouvre la voie à la négociation d’une entente finale éventuelle.

Honorables sénateurs, les bandes de la Nation des Anishinabes sont prêtes à récupérer leurs droits inhérents en matière de gouvernance. Nous devons tout simplement les appuyer dans leur démarche.

Avant de conclure, il importe de souligner que cette mesure législative a été rédigée et élaborée conjointement avec les deux Premières Nations. J’aimerais aussi prendre un moment pour souligner le travail du conseil de la Nation shishalhe et de la Nation des Anishinabes dans l’élaboration de ces mesures législatives. Après de nombreuses années de travail, ces deux initiatives obtiennent un solide appui de la part de ces partenaires autochtones. Je ne peux songer à une meilleure raison de nous pencher avec rapidité et efficacité sur ce projet de loi.

Honorables sénateurs, il faut agir. Les deux lois proposées, soit la Loi sur l’autonomie gouvernementale de la Nation shishalhe et la Loi sur l’accord en matière de gouvernance conclu avec la Nation des Anishinabes, ne sont que des exemples de ce que le gouvernement du Canada peut faire pour aider les Premières Nations et l’ensemble des peuples autochtones à concrétiser leur vision inspirante et à bâtir un avenir meilleur pour tous leurs citoyens. Il n’appartient pas au gouvernement fédéral de contrôler ou de superviser les affaires des peuples autochtones, un rôle colonial que le projet de loi à l’étude contribuera à éliminer.

Le Canada a connu une longue histoire de colonisation et, si nous souhaitons avoir le moindre espoir d’en réparer les effets, il faut appuyer des initiatives comme celle-là. Nous devons respecter et reconnaître la gouvernance autochtone, une pratique de longue date et bien établie. Nous devons aussi donner un coup de pouce aux accords qui sont créés par les communautés autochtones pour les communautés autochtones, afin qu’elles puissent concrétiser leurs propres visions de la réussite.

Je remercie les honorables sénateurs du temps qu’ils m’ont consacré. Je leur demanderais respectueusement de renvoyer ce projet de loi au comité dès aujourd’hui, sans délai. Merci, marsee et hiy hiy.

Son Honneur le Président : La sénatrice LaBoucane-Benson accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice LaBoucane-Benson : Volontiers.

L’honorable Pat Duncan : Sénatrice LaBoucane-Benson, vous avez parlé de la consultation menée auprès de la Première Nation shishalhe. Pourriez-vous nous donner aussi une idée du processus de consultation qui a eu lieu entre les Premières Nations autonomes du Yukon et le gouvernement du Yukon, ou faudra-t-il attendre les travaux du comité?

La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci, sénatrice Duncan. Je n’ai pas parlé avec le gouvernement du Yukon ou avec les Premières Nations de ce territoire, mais je sais que le projet de loi vise à éliminer une exigence désuète selon laquelle le gouverneur en conseil doit accorder son approbation avant que le Canada puisse conclure des ententes financières avec les Premières Nations du Yukon. Cette exigence a été éliminée de la Loi sur l’autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte; c’est ce qu’on s’emploie à faire maintenant. Étant donné qu’on propose un copier-coller à l’égard de la Loi sur l’autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon, on y a apporté la même modification, mais nous devrons attendre que le comité se penche là-dessus pour connaître les détails de la consultation. J’espère avoir répondu à votre question.

La sénatrice Duncan : Oui. Sénatrice LaBoucane-Benson, se pourrait-il que le « copier-coller » auquel vous faites allusion soit une modification d’ordre technique plutôt que politique?

La sénatrice LaBoucane-Benson : Je ne peux répondre avec certitude, et nous devrions vraiment poser cette question au comité. J’ai l’impression que c’est plutôt d’ordre technique, mais, encore une fois, il faudra déterminer cela au comité.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je souhaite prendre la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-10, Loi portant mise en vigueur de l’accord en matière de gouvernance conclu avec la Nation des Anishinabes, modifiant la Loi sur l’autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte et la Loi sur l’autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

Comme le titre l’indique, ce projet de loi a trois objectifs : premièrement, mettre en vigueur l’accord en matière de gouvernance conclu avec la Nation des Anishinabes; deuxièmement, modifier la Loi sur l’autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte; troisièmement, modifier la Loi sur l’autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon. Mais le premier objectif est le principal, ce qui se reflète dans le choix du titre abrégé du projet de loi : Loi sur l’accord en matière de gouvernance conclu avec la Nation des Anishinabes.

(1500)

D’emblée, je tiens à reconnaître que le rétablissement de relations respectueuses de nation à nation avec les Premières Nations du Canada demeure un processus long et ardu. La reconnaissance de leur droit inhérent à l’autodétermination et de leur besoin d’être soutenues pendant qu’elles se libèrent de la Loi sur les Indiens et qu’elles font la transition vers l’autonomie gouvernementale est essentielle et continue.

Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui est l’aboutissement de plus de 20 ans de travail entre de nombreux gouvernements et la Nation des Anishinabes. Comme l’indique le site Web de la Nation des Anishinabes, les négociations sur l’autonomie gouvernementale entre la Nation des Anishinabes et le gouvernement, entamées en 1995, ont abouti à une entente de principe en 2007 et se sont conclues en 2019.

L’accord, de même que le projet de loi qui le met en œuvre, témoigne de la diligence, de la persistance et de la patience du peuple anishinabe. Il reflète également le désir sincère des Canadiens pour une réconciliation véritable et durable avec les premiers peuples d’un océan à l’autre.

Bien que je sois la porte-parole pour ce projet de loi, le caucus conservateur et moi-même l’appuyons sans réserve. Nous applaudissons les efforts de tous ceux qui ont participé aux négociations et aux consultations au cours des 20 dernières années, et nous prions pour que l’adoption de ce projet de loi nous aide à nous rapprocher de notre objectif commun de réconciliation et de restauration des champs de compétence.

Honorables sénateurs, comme je l’ai mentionné, ce projet de loi vise la mise en vigueur de l’accord en matière de gouvernance conclu avec la Nation des Anishinabes, qui a été signée le 6 avril de cette année. C’est un accord sur l’autonomie gouvernementale entre le Canada, la Nation des Anishinabes et les Premières Nations qui ont approuvé l’accord par vote.

La Nation des Anishinabes représente 39 Premières Nations dans toute la province de l’Ontario, de Sarnia, dans le sud, à Thunder Bay et au lac Nipigon dans le nord, en passant par Golden Lake, à l’est. Ces nations ont une population combinée approximative de 65 000 personnes et représentent environ un tiers de la population des Premières Nations en Ontario.

Chacune des 39 communautés de la Nation des Anishinabes peut décider si elle souhaite ratifier l’accord en matière de gouvernance conclu avec la Nation des Anishinabes ou non, selon le processus de ratification prévu dans l’accord. Celles qui choisiront d’approuver l’accord seront en mesure de prendre leurs propres décisions sur leur mode de scrutin, sur leurs critères de citoyenneté et sur le mode de fonctionnement de leur gouvernement, ainsi que sur la protection et la promotion de la langue et de la culture anishinabe. Une fois la nouvelle loi en vigueur, les parties de la Loi sur les Indiens qui portent sur la gouvernance ne s’appliqueront plus aux signataires de la Nation des Anishinabes. Jusqu’à présent, six Premières Nations ont terminé le processus de ratification et sont signataires de l’accord.

Ce n’est pas le premier accord sur l’autonomie gouvernementale négociée avec la Nation des Anishinabes. En 2018, les parties ont conclu un accord en matière d’éducation qui est actuellement en vigueur pour 23 Premières Nations anishinabes en Ontario et qui leur procure une autonomie gouvernementale. Cet accord fait fond sur l’accord précédent, et c’est la prochaine étape vers la restauration des champs de compétence de la Nation des Anishinabes en ce qui a trait à ses propres affaires, dont la gouvernance, l’éducation, les services sociaux, l’administration, le développement économique et la santé.

En plus de donner effet à l’accord en matière de gouvernance conclu avec la Nation des Anishinabes, le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui modifie la Loi sur l’autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte et la Loi sur l’autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon. La Loi sur l’autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte, qui a été adoptée en 1986 après 15 ans de négociations et de consultations, a été la première entente d’autonomie gouvernementale autochtone au Canada. Elle a permis à la bande indienne sechelte d’assurer son autonomie gouvernementale sur ses terres et de reprendre le contrôle des ressources et des services offerts à ses membres.

Le projet de loi S-10 modifie le préambule de la loi et met à jour un certain nombre des termes qu’elle contient, comme le nom de la nation. Cela correspond à la volonté de la nation sechelte et harmonise la mesure législative avec les changements qui ont cours. La modification apportée à la Loi sur l’autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon est plutôt mineure. Il s’agit de retirer un total de sept mots de l’article 24 de la loi afin de rationaliser le processus de conclusion d’accords de financement avec les Premières Nations visées par la loi. On retrouve aussi diverses modifications corrélatives que le projet de loi apporte à d’autres lois pour les harmoniser avec ces changements.

Honorables sénateurs, il n’arrive pas souvent que nous parlions d’une seule voix dans cette enceinte, mais je crois que c’est le cas pour ce projet de loi. Quoique le chemin menant à la réconciliation et au rétablissement de la compétence des premiers peuples à l’égard de leurs propres affaires s’avère long, nous devons le parcourir ensemble. Merci.

La sénatrice Duncan : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer les propositions de modifications à la Loi sur l’autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte, en plus d’aborder les dispositions visant la Loi sur l’autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon.

Les honorables sénateurs m’ont entendue parler à maintes reprises du Yukon et — pour emprunter l’expression de la cheffe régionale de l’Assemblée des Premières Nations — d’un Yukon qui montre la voie.

Je vais enchaîner sur la question que j’ai posée à la sénatrice LaBoucane-Benson au sujet de la tenue d’un processus de consultation. Pour donner un peu de contexte, j’ai posé cette question parce que la négociation de ces accords soulève des défis — je parle des accords de revendications territoriales et des accords sur l’autonomie gouvernementale. Au Yukon, le processus entourant l’accord-cadre définitif en vertu duquel sont tenues les négociations de tous les accords sur l’autonomie gouvernementale a commencé par des discussions dans les années 1970 avec le document Together Today for our Children Tomorrow et a pris fin dans les années 1990. Un tel processus nécessite beaucoup de temps, de réflexion et de travail de la part de toutes les parties concernées.

Parmi les 14 Premières Nations du Yukon, il y en a 11 qui ont des accords sur l’autonomie gouvernementale. Comme je l’ai mentionné, il n’est pas simple de conclure de tels accords. Le véritable défi est de leur donner vie et sens.

J’ai mentionné un processus de consultation. Or, dans les politiques et procédures du gouvernement du Yukon, on précise clairement comment les consultations doivent se dérouler pour garantir qu’il s’agit d’un véritable processus de consultation. Pour donner vie et sens à ces accords, il faut s’assurer, entre autres, de les respecter.

Je crois que cet amendement mineur — ce copier-coller comme l’a appelé le grand chef lors de mes consultations et discussions avec lui — est une modification d’ordre technique apportée par des spécialistes en la matière. Ce n’est qu’une modification mineure, mais elle donne vie et sens aux accords sur l’autonomie gouvernementale, et elle les respecte. C’est extrêmement important.

Quand j’emploie l’expression « accords sur l’autonomie gouvernementale », je fais allusion aussi à une relation de gouvernement à gouvernement. Par exemple, la relation entre le gouvernement du Yukon et le gouvernement de la Première Nation de Carcross/Tagish; de la Première Nation Tr’ondëk Hwëch’in, à Dawson City; ou de la Première Nation des Gwitchin Vuntut d’Old Crow. Ces relations de gouvernement à gouvernement donnent réellement vie et sens aux accords sur l’autonomie gouvernementale. Ces gouvernements se traitent avec respect, en faisant preuve de compréhension, et ils reconnaissent qu’ils sont en train de nouer de nouvelles relations. Comme je l’ai dit, c’est la reconnaissance d’« un Yukon qui montre la voie ».

J’appuie ces modifications et je suis impatiente que le comité en discute et examine de façon plus approfondie ce qui s’est produit dans le contexte historique de ce projet de loi de même qu’en ce qui concerne ce que l’on a appelé le « copier-coller ». Je suis également impatiente de pouvoir expliquer plus en détail à mes collègues, à l’étape de la troisième lecture, comment la relation de gouvernement à gouvernement fonctionne sur le terrain, un peu comme cela se fait au Forum du Yukon, qui rassemble annuellement les chefs des Premières Nations et le gouvernement du Yukon, ainsi que comment le gouvernement du Canada entend et comprend cette relation.

Je suis fière de pouvoir exprimer mon appui à l’égard de ce projet de loi et de reconnaître le fruit des efforts soutenus déployés par des fonctionnaires des gouvernements des Premières Nations, du gouvernement du Canada et du gouvernement du Yukon afin que nous donnions une vie et un sens aux ententes d’autonomie gouvernementale dans le respect mutuel.

J’ai bien hâte que le comité débatte de ce projet de loi et de pouvoir appuyer celui-ci de nouveau à l’étape de la troisième lecture.

Des voix : Bravo!

(1510)

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.)

[Français]

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2022

Deuxième lecture—Débat

L’honorable Lucie Moncion propose que le projet de loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’occasion de la deuxième lecture du projet de loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures. En tant que marraine de ce projet de loi au Sénat, je suis heureuse de présenter les mesures proposées par le gouvernement.

Ce projet de loi permet au gouvernement d’aller de l’avant avec certaines mesures du budget de 2022. Comme vous le verrez dans mon discours, les investissements décrits dans le récent budget du gouvernement — et par l’entremise du projet de loi C-19 — sont axés sur certains des enjeux les plus pressants de l’économie canadienne, car nous sommes tous bien conscients de l’inflation élevée qui pèse lourdement sur l’esprit et sur le portefeuille des Canadiens.

En effet, ce projet de loi budgétaire contient plusieurs mesures visant à relever les défis contemporains auxquels la plupart des Canadiens sont confrontés. Parmi ces défis, mentionnons le logement abordable, les pénuries de main-d’œuvre et les iniquités de notre régime fiscal actuel.

Dans ce discours, j’expliquerai d’abord comment le gouvernement entend relever ces défis. Je présenterai ensuite les améliorations qui ont été apportées au projet de loi à l’autre endroit et, enfin, je parlerai des contributions du Sénat à ce projet de loi, notamment par le biais d’études et de projets de loi d’intérêt privé présentés par des sénateurs.

[Traduction]

Le premier défi est de rendre le logement plus abordable.

Comme il s’agit de la principale préoccupation de nombreux Canadiens, je vais d’abord parler du train de mesures visant à endiguer la crise du logement au Canada et, plus précisément, à répondre au besoin de logements accessibles et abordables pour tous les Canadiens.

Tout le monde devrait avoir un endroit sûr et abordable où vivre. Or, d’après Statistique Canada, en 2018, plus de 1,6 million de Canadiens vivaient dans un logement inadéquat ou inabordable. C’est donc dire qu’une famille canadienne sur dix était mal logée et n’avait pas les moyens de trouver un autre logement dans sa région.

Les gens qui sont les plus touchés par la crise du logement sont les aînés qui vivent seuls et les Canadiens racisés.

Le gouvernement entend changer la donne en dotant le Canada des outils nécessaires pour doubler le nombre de logements construits au cours des 10 prochaines années. Certaines des mesures proposées dans le projet de loi C-19 appuient cet effort, y compris la levée des obstacles à la construction de plus de logements.

Il y a d’abord le versement de jusqu’à 750 millions de dollars aux municipalités pour faire face aux déficits dans le transport en commun causés par la pandémie et améliorer l’offre de logements et l’accès à des logements abordables.

Plus précisément, le projet de loi C-19 autorisera le ministre des Finances à effectuer des paiements sur le Trésor aux provinces et aux territoires. Les paiements seraient assujettis aux modalités et conditions que le ministre juge indiquées et, afin de maximiser le financement, ils seraient conditionnels au versement de fonds de contrepartie par les provinces et territoires.

Au Comité permanent des finances de l’autre endroit, la Fédération québécoise des municipalités a déclaré qu’il était important que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux coordonnent leurs investissements dans le logement. Pour que cela fonctionne, tous les ordres de gouvernement devront collaborer.

Il est important de noter que la Chambre des communes a adopté à l’unanimité un amendement exigeant qu’un rapport indiquant le montant versé aux provinces et aux territoires pour le transport en commun et le logement soit préparé dans un délai de trois mois, et que ce rapport soit déposé dans les 15 jours de séance du Parlement suivant l’achèvement du rapport. Cela permettrait d’améliorer la transparence et le mécanisme de reddition de comptes pour obtenir des résultats plus probants et visibles.

[Français]

Les investissements annoncés dans le budget de 2022 afin de doubler le nombre de logements construits au Canada au cours des 10 prochaines années représentent un plan ambitieux qui nécessitera la collaboration et l’engagement de tous les ordres de gouvernement.

Au moyen du projet de loi C-19, le gouvernement fédéral se donne les moyens de ses ambitions afin d’augmenter de manière notable le nombre de logements abordables au Canada.

[Traduction]

Le projet de loi C-19 vise également à rendre le marché du logement plus équitable en interdisant pendant deux ans aux investisseurs étrangers d’acheter des maisons au Canada. Depuis des années, des capitaux étrangers affluent au Canada pour l’achat de biens immobiliers résidentiels. Cette situation a alimenté les inquiétudes liées aux répercussions sur les coûts de l’immobilier dans des villes comme Vancouver et Toronto, et dans tout le pays.

Les contribuables canadiens à revenu moyen ne peuvent tout simplement pas soutenir la concurrence dans un marché où les capitaux étrangers circulent librement, ce qui entraîne une flambée des prix. La section 12 de la partie 5 du projet de loi interdirait à des non-Canadiens de faire l’acquisition d’immeubles résidentiels au Canada pendant deux ans, à compter du 1er janvier 2023. Cette mesure s’appliquerait aux sociétés et entités étrangères, et empêcherait toute personne non admissible de contourner l’interdiction en ayant recours à des sociétés privées.

Les étrangers qui résident au Canada et qui ont un permis de travail, les réfugiés et les gens qui fuient une crise sur la scène internationale et les étudiants étrangers en voie de devenir résidents permanents seraient exemptés de cette interdiction.

En interdisant l’achat d’immeubles résidentiels par des étrangers pendant deux ans, le gouvernement vise à s’assurer que les maisons au Canada servent à loger des familles canadiennes, et non à constituer des actifs financiers spéculatifs.

Outre ces mesures, le projet de loi C-19 vise à s’attaquer aux transactions spéculatives en rendant les cessions d’un contrat de vente relatives à des propriétés résidentielles nouvellement construites ou ayant fait l’objet de rénovations majeures taxables aux fins de la TPS et de la TVH. Cette modification éliminerait l’ambiguïté qui existe, dans les règles actuelles, quant à la façon de traiter la TPS ou la TVH dans le cas des cessions de contrats de vente.

Cela permettrait d’appliquer la TPS et la TVH au prix total payé pour une nouvelle habitation, ce qui comprend toute somme payée en raison de la cession d’un contrat de vente. Ainsi, le traitement fiscal des nouvelles habitations serait mieux harmonisé et le marché immobilier deviendrait plus équitable pour les Canadiens.

[Français]

Pour ceux qui sont déjà propriétaires d’une maison, le projet de loi C-19 aidera les aînés et les personnes handicapées à vivre et à vieillir chez eux en doublant le plafond annuel du crédit d’impôt pour l’accessibilité des résidences à compter de l’année d’imposition 2022, le faisant passer de 10 000 $ à 20 000 $.

Le fait de doubler la limite annuelle du crédit contribuera à rendre plus abordables des modifications et des rénovations plus importantes, notamment l’achat et l’installation de rampes d’accès pour fauteuils roulants, de baignoires de plain-pied et de douches accessibles aux fauteuils roulants; l’élargissement des portes et des couloirs pour assurer le passage d’un fauteuil roulant ou d’une marchette; la construction d’une chambre ou d’une salle de bain pour permettre d’occuper un premier étage.

Cette mesure aidera notamment les Canadiens qui vivent dans un logement multigénérationnel. Même avant la pandémie, la tendance au logement multigénérationnel était à la hausse. Pendant la pandémie, cette tendance s’est encore accentuée, les grands-parents devant jouer un rôle plus important dans la vie de leurs petits-enfants pour aider les parents à mieux gérer leurs obligations professionnelles, la fermeture des écoles et des garderies et l’apprentissage à distance. Un logement multigénérationnel permet de s’occuper à la fois des membres les plus âgés et les plus jeunes d’une famille.

Durant la pandémie, nous avons également vu comment de jeunes adultes vivant avec un handicap ont dû se contenter d’un mode de vie très isolé et limité dans des maisons de soins de longue durée, et ce, même si d’autres options, qui auraient pu améliorer considérablement leur qualité de vie, étaient disponibles.

[Traduction]

Le projet de loi C-19 vise aussi à aider à bâtir une main-d’œuvre solide et diversifiée.

Dans le cadre du projet de loi, le gouvernement vise également à renforcer la main-d’œuvre canadienne et à remédier aux pénuries de main-d’œuvre qui accablent l’économie depuis un certain temps, notamment en améliorant la capacité du gouvernement à sélectionner les candidats dans le système Entrée express qui répondent aux besoins des entreprises canadiennes dans le but de faciliter l’arrivée des immigrants qualifiés dont le Canada a besoin.

(1520)

Entrée express a fait ses preuves en ce qui concerne la sélection d’immigrants qualifiés qui réussissent dans l’économie et la société canadiennes. Il s’agit d’une amélioration considérable par rapport au modèle « premier entré, premier sorti » qui était en place auparavant.

La section 23 de la partie 5 du projet de loi C-19 propose des modifications à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés qui s’appuieraient sur la souplesse actuelle d’Entrée express et soutiendraient la reprise économique et la croissance future du Canada en permettant au gouvernement de sélectionner facilement des candidats qui répondent à toute une gamme de besoins et de priorités économiques. Les partis de l’autre endroit ont travaillé ensemble pour améliorer cette section du projet de loi en exigeant un processus de consultation publique pendant l’établissement des catégories.

[Français]

Le projet de loi C-19 propose d’introduire une modification à la Loi de l’impôt sur le revenu par l’intermédiaire d’une nouvelle déduction relative à la mobilité de la main-d’œuvre pour les gens de métier pour l’année d’imposition 2022 et les suivantes, afin d’aider à réduire les pénuries de main-d’œuvre dans les métiers spécialisés.

Dans l’industrie de la construction, à différents moments, certaines régions ont plus de possibilités d’emploi que d’autres. De nombreux travailleurs tirent avantage de ces possibilités et acceptent des emplois temporaires à différents endroits au pays lorsque des occasions se présentent.

Cette nouvelle mesure permettrait aux travailleurs admissibles de déduire les dépenses admissibles jusqu’à la moitié de leur revenu d’emploi provenant d’une réinstallation, pour un montant maximum de 4 000 $ par année.

[Traduction]

Le projet de loi C-19 prévoit également l’introduction de 10 jours de congé de maladie payé pour les travailleurs du secteur privé sous réglementation fédérale, ce qui aidera un million de travailleurs dans des industries comme le transport aérien, ferroviaire, routier et maritime, les banques et les services postaux et de messagerie. La mise en œuvre est prévue au plus tard le 1er décembre 2022. Un amendement proposé donnerait au gouverneur en conseil la possibilité de retarder l’application de la disposition sur les congés de maladie payés aux petits employeurs, par exemple les entreprises comptant moins de 100 employés. En effet, les petits employeurs pourraient avoir besoin de plus de temps pour mettre en œuvre les changements nécessaires en matière de paie et d’organisation afin de se conformer aux nouvelles exigences.

Cependant, le gouvernement ne prévoit pas utiliser cette option, et les dispositions relatives aux congés de maladie payés devraient entrer en vigueur le 1er décembre 2022 pour tous les employeurs, petits et grands.

[Français]

Pour relever les défis auxquels de nombreux Canadiens ont dû faire face en raison du report de procédures médicales pendant la pandémie, report qui a entraîné d’importants arriérés, le projet de loi C-19 prévoit un paiement ponctuel de 2 milliards de dollars par l’intermédiaire du Transfert canadien en matière de santé. Ce montant s’ajoute aux 4,5 milliards de dollars déjà versés aux provinces et aux territoires pour réduire les arriérés dans le système de soins de santé.

Ce montant, qui serait distribué aux provinces et aux territoires de façon proportionnelle selon le nombre d’habitants, aiderait à réduire davantage les arriérés associés aux nombreuses chirurgies et procédures dont les Canadiens ont besoin, mais qui ont dû être reportées en raison des répercussions de la COVID-19 sur le système de soins de santé du Canada.

Dans le cadre de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, le Canada a accepté de modifier la Loi sur le droit d’auteur afin de faire passer la durée générale de protection du droit d’auteur de 50 à 70 ans après la mort de l’auteur, d’ici la fin de l’année 2022. La durée de protection générale s’applique à un large éventail d’œuvres, notamment les livres, les films, les compositions musicales, les photographies et les programmes informatiques. La section 16 de la partie 5 permettra au Canada de respecter ses obligations avant l’échéance prévue, d’être sur un pied d’égalité avec ses partenaires commerciaux et de créer de nouvelles possibilités d’exportation pour l’industrie créative canadienne et le contenu canadien.

Environ 80 pays ont adopté une protection d’une durée générale de 70 ans ou plus après la mort de l’auteur, y compris certains des principaux partenaires commerciaux du Canada, comme les États-Unis, le Mexique, l’Union européenne, le Royaume-Uni, l’Australie, le Japon et la Corée du Sud. La prolongation de la durée de protection garantira aux titulaires de droits canadiens une protection de même durée dans chacun de ces pays.

[Traduction]

Vient ensuite un système fiscal solide et juste. En édictant la Loi sur la taxe sur certains biens de luxe, le projet de loi C-19 permettra de renforcer le système fiscal canadien. Ceux qui peuvent se permettre de s’acheter des voitures de luxe, des avions et des yachts peuvent aussi se permettre de payer un peu plus. Par l’entremise du projet de loi C-19, le gouvernement créera donc une taxe sur les véhicules de luxe et les avions neufs dont le prix de détail est supérieur à 100 000 $ et sur les bateaux valant plus de 250 000 $. De tels objets de luxe sont totalement hors de la portée de la majorité des Canadiens.

La loi comprend des éléments d’administration et d’application de la loi conformes à ce que l’on trouve dans d’autres lois fiscales. La taxe serait calculée selon le moins élevé des deux montants suivants : 10 % du prix total du véhicule de luxe, de l’avion ou du bateau, ou 20 % du prix total de l’article en cause qui dépasse le seuil de prix pertinent. Elle entrerait en vigueur le 1er septembre 2022. Il est important de noter que la demande pour ces yachts de millionnaires ou ces avions privés ne vient pas du Canada. En effet, plus de 80 % de la production canadienne est exportée et donc exemptée de cette taxe de luxe. Les fabricants ne devraient donc pas trop s’en ressentir. En ce qui concerne les véhicules de luxe, comme la plupart sont construits à l’étranger, la taxe ne devrait pas avoir une grande incidence sur les emplois au Canada.

Afin de donner suite aux préoccupations soulevées par certains intervenants à propos de l’impact potentiel de la taxe sur l’industrie aéronautique, l’autre endroit à adopté un amendement au projet de loi C-19 afin d’accorder plus de souplesse au gouvernement en ce qui a trait à l’entrée en vigueur des dispositions sur les aéronefs. Cette souplesse donnera la possibilité au gouvernement de mener de plus amples consultations et d’apporter les correctifs nécessaires au libellé actuel, s’il y a lieu.

[Français]

Le gouvernement prévoit également d’accélérer la création d’un registre public consultable des sociétés constituées en vertu d’une loi fédérale avant la fin de 2023, soit deux ans plus tôt que ce qui était prévu au départ, afin de lutter contre les activités illégales, notamment le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale. Cette mesure permettrait de régler le problème des sociétés fictives canadiennes, qui servent à dissimuler la propriété réelle d’actifs, y compris des entreprises et des biens, et aiderait le Canada à renverser la tendance en privilégiant une approche fondée sur le risque en matière de lutte contre le blanchiment d’argent.

De façon plus urgente et pressante, le projet de loi C-19 permettrait également au gouvernement du Canada de confisquer et d’aliéner les biens détenus par les personnes et les entités sanctionnées, y compris les élites russes et ceux qui agissent en leur nom, et d’utiliser les recettes des biens confisqués pour aider la population ukrainienne. Cette mesure provient en fait du projet de loi S-217, la Loi sur la réaffectation des biens saisis, bloqués ou mis sous séquestre, de la sénatrice Omidvar. Je salue le travail et la résilience de la sénatrice Omidvar en ce qui a trait à l’avancement de ce dossier important, qui prend tout son sens dans le contexte de la situation internationale actuelle, en raison de la guerre qui sévit en Ukraine.

Ceci me permet de faire le pont avec le prochain sujet de mon discours, c’est-à-dire la reconnaissance des travaux du Sénat et des sénateurs pour ce qui est de l’étude d’un projet de loi volumineux et complexe.

J’aimerais avant tout souligner le travail important des six comités qui ont déjà terminé l’étude préalable de certaines sections de la partie 5 du projet de loi C-19. Il s’agit des comités suivants : le Comité des peuples autochtones, le Comité des banques et du commerce, le Comité des affaires étrangères et du commerce international, le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, le Comité de la sécurité nationale et de la défense, le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Le Comité des finances nationales s’occupe d’étudier l’intégralité du projet de loi et poursuit son travail, qui est déjà bien entamé. J’aimerais remercier les membres de ces comités et leurs présidents de leur excellent travail, qui est crucial à l’exercice d’un second examen objectif digne de la Chambre haute.

[Traduction]

Les améliorations apportées au projet de loi : pendant que le Sénat procédait à l’étude préalable du projet de loi, l’autre endroit — en prenant appui sur les travaux de son Comité permanent des finances nationales — a adopté une série d’amendements qui ont profondément amélioré cette mesure législative. Ces amendements ont été adoptés avec l’appui du gouvernement et des partis de l’opposition. Je vous en ai déjà donné quelques exemples au début de mon discours. Je vais en mentionner quelques autres.

(1530)

La partie 1 du projet de loi C-19 élargit les critères d’admissibilité par rapport à la déficience des fonctions mentales ainsi qu’à la catégorie des règles relatives aux soins thérapeutiques essentiels du Crédit d’impôt pour personnes handicapées. En vertu d’un amendement adopté à l’unanimité, les personnes atteintes de diabète de type 1 sont automatiquement admissibles au Crédit d’impôt pour personnes handicapées. C’est une grosse amélioration du projet de loi, et je suis très reconnaissante que tous les partis de l’autre endroit lui aient donné leur appui.

[Français]

Son Honneur le Président : Sénatrice Moncion, je regrette d’être obligé de vous interrompre. Vous pourrez utiliser le temps qu’il vous reste lorsque le débat recommencera.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 7 décembre 2021, visant à inviter un ministre de la Couronne, l’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd’hui l’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, pour lui poser des questions concernant ses responsabilités ministérielles.

Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 7 décembre 2021, les sénateurs ne sont pas tenus de se lever. Les questions sont limitées à une durée d’une minute et les réponses à une durée d’une minute et demie. Le greffier lecteur se lèvera 10 secondes avant l’expiration de ces délais. La période des questions sera d’une durée d’une heure.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada, monsieur le ministre.

Le ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté

Les super visas

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le ministre, nous avons tous déjà entendu l’expression « il n’y a pas de limite à ce que vous pouvez accomplir si vous ne vous préoccupez pas de savoir à qui reviendra le crédit ». Le 3 mai 2022, votre secrétaire parlementaire a dit à l’autre endroit que le gouvernement libéral—néo-démocrate n’appuyait pas la proposition du député conservateur Kyle Seeback, qui proposait dans son projet de loi d’initiative parlementaire C-242 de permettre aux demandeurs d’un super visa de contracter une assurance-maladie privée auprès d’entreprises étrangères. Elle a dit à la Chambre que cette façon de faire serait risquée et trop complexe.

Il y a une semaine, monsieur le ministre, le gouvernement a fait volte-face, et vous avez émis un communiqué de presse dans lequel vous présentiez deux des trois propositions faites par le député Seeback dans le contexte du projet de loi C-242 comme vos propres initiatives.

Monsieur le ministre, pourquoi n’avez-vous pas fait preuve de respect envers votre collègue de la Chambre des communes et n’avez-vous pas simplement souligné son travail? Pourquoi avez-vous présenté les propositions de M. Seeback comme si elles étaient les vôtres?

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Je remercie l’un des mes collègues du Sénat pour cette question.

Je tiens à être très clair : je suis très reconnaissant à M. Seeback de son travail. Je lui ai d’ailleurs envoyé une note à cet effet à la Chambre des communes, car je crois qu’il a accompli quelque chose d’important quand il a regroupé quelques idées dans le projet de loi d’initiative parlementaire. Je ne crois pas que celui-ci, tel qu’il a été rédigé, accomplissait ce qu’il fallait exactement comme il le fallait.

Pour ceux qui n’ont pas une connaissance approfondie du programme, je précise que le super visa offre une possibilité de réunification familiale à des personnes qui ne sont peut-être pas admissibles à un programme de résidence permanente...

Son Honneur le Président : Pardonnez-moi, monsieur le ministre. Je vous interromps pendant un moment, car il semble que nous ayons des difficultés avec l’interprétation. Nous avons un problème technique. Je m’excuse, monsieur le ministre. Nous vous reviendrons dans un instant.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(1540)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, les interprètes indiquent que le problème a été réglé. Nous allons donc recommencer avec la réponse du ministre Fraser à la question du sénateur Plett.

M. Fraser : Excellent. Par souci de continuité et pour ceux pour qui l’intervention a été interrompue, je vais essayer de résumer très rapidement puis de terminer ma réponse.

Pour répondre à la question, je dirai que je suis reconnaissant du travail effectué par M. Seeback et par les membres du comité. Nous étions d’accord avec l’esprit du projet de loi d’initiative parlementaire tel qu’il a été présenté. Cependant, j’avais quelques réserves quant à son contenu, dont la nature assez illimitée de l’assurance médicale qui aurait été offerte, sans possibilité de procéder à une vérification du fournisseur d’assurance.

En apportant certaines modifications, mais en allant de l’avant avec l’essentiel du projet de loi, nous allons être en mesure de faire beaucoup de bien et de réunir des familles qui n’auraient peut-être pas été admissibles à des programmes permanents. S’il s’était agi de savoir à qui revenait le crédit, nous aurions probablement fait une annonce fracassante, mais pour moi, et j’espère qu’il en est de même pour M. Seeback et d’autres, le principal est, et a toujours été, de réunir des familles.

Le sénateur Plett : Le 3 mai, votre secrétaire parlementaire a dit que prolonger la durée du super visa, pour la porter de deux à cinq ans, irait à l’encontre de l’esprit même du super visa. Elle a dit que le gouvernement néo-démocrate—libéral était favorable à l’idée d’accorder un visa de trois ans et non de cinq ans.

Encore une fois, il y a une semaine, les préoccupations du gouvernement au sujet de la prolongation jusqu’à cinq ans se sont volatilisées, et vous avez soutenu, monsieur le ministre, que cette idée venait de vous.

Monsieur le ministre, vous avez été dénoncé pour avoir tardé à aider des milliers d’Afghans ainsi que leurs familles à venir au Canada. La situation au sein de Passeport Canada est un véritable gâchis. N’est-ce pas pour cela que vous avez fait passer les idées de Kyle Seeback pour les vôtres? Est-ce parce que vous avez besoin d’une couverture médiatique positive pour détourner l’attention de vos nombreux échecs?

M. Fraser : C’est une façon fort intéressante et tout à fait non partisane d’entamer notre conversation d’aujourd’hui. En tout respect, si j’avais eu besoin de souligner des réussites, j’aurais eu l’embarras du choix.

En ce qui concerne l’Afghanistan, nous avons accueilli jusqu’à présent plus de 15 500 réfugiés. Pour ce qui est de notre réponse à la situation en Ukraine, des dizaines de milliers de personnes sont déjà au Canada. En ce qui a trait à la résidence permanente, nous avons accueilli jusqu’à présent 200 000 nouveaux résidents permanents qui ont déjà pu venir ici un mois et demi plus tôt que d’autres résidents permanents ont pu le faire au cours des années précédentes. Nous accordons plus du double des permis de travail par rapport à l’année dernière.

En tout respect, sénateur, les réussites que nous pouvons souligner ne manquent pas. J’inclurais là-dedans les modifications concernant les super visas, mais je ne dirais pas que c’est mon idée. C’est plutôt le résultat de la collaboration entre les différents partis à la Chambre des communes. Je pense que nous devrions tous nous en réjouir.

Le programme humanitaire pour les ressortissants afghans

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Je vous remercie d’être ici, monsieur le ministre.

Monsieur le ministre, cela fera 10 mois demain que Kaboul est tombée aux mains des talibans. Le fait que des Afghans qui ont risqué leur vie aux côtés des soldats et des diplomates canadiens et qui cherchent maintenant à venir se réfugier au Canada n’ont pas encore reçu de réponse de votre ministère, presque un an plus tard, entache la réputation de notre pays. Le 12 mai, vous avez dit à un comité de l’autre endroit que chacun obtiendrait, dans quelques semaines, une réponse de votre ministère à savoir s’il fera partie du programme de réinstallation spécial ou non. Vous avez dit que les Afghans « auront une réponse très rapidement ».

Ce n’est pas ce qui est arrivé, monsieur le ministre. Votre bureau a dit au Globe and Mail lundi que la situation serait éclaircie au cours des prochaines semaines. Le gouvernement a laissé ces Afghans en plan pour se concentrer sur des élections dont personne ne voulait, et vous ne pouvez toujours pas leur venir en aide. Combien de temps pensez-vous que les Afghans qui vivent dans la peur constante des talibans devront encore attendre?

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : D’abord, merci beaucoup de la question. Je me réjouis toujours qu’on attire l’attention sur l’importance d’aider ceux qui ont aidé le Canada à un moment où le pays avait besoin d’eux.

Comme je l’ai mentionné dans ma réponse à la question précédente, un nombre important de gens de l’Afghanistan sont arrivés au Canada dans le cadre de notre programme spécial. On parle en ce moment de plus de 15 500 personnes. Un autre vol nolisé avec plus de 300 personnes à son bord doit arriver jeudi.

Malgré certaines difficultés et l’accélération marquée des arrivées depuis la fin mars et le début avril, des défis demeurent. Certains d’entre eux sont liés à la mise en place d’un passage sûr sur le terrain. De plus, un nombre considérable de gens — plus d’un million — ont fait appel au ministère dont je suis responsable dans l’espoir de faire partie du programme.

Nous allons maintenir nos efforts jusqu’à l’atteinte de notre objectif de 40 000 personnes. Cela dit, en réponse à votre question en particulier, pour les gens qui ne sont pas encore inscrits au programme, mais qui ont présenté une demande en bonne et due forme ou qui ont exprimé d’une façon ou d’une autre leur intérêt et qui sont entrés en contact avec nous, nous communiquerons très bientôt avec les personnes admissibles pour qu’elles sachent à quoi s’en tenir. Je n’ai pas de date précise à vous donner, mais je m’attends à ce que ce soit dans très peu de temps. De plus, ceux qui malheureusement ne feront pas partie du programme en seront informés.

L’arriéré de traitement des demandes d’immigration

L’honorable Ratna Omidvar : Monsieur le ministre, je vous remercie d’être ici aujourd’hui. Il est bon d’entendre parler de vos réussites. Nous devons tous connaître des réussites, et je tiens à vous en féliciter. Toutefois, j’aimerais attirer l’attention sur l’important arriéré qui force plus de deux millions de personnes à faire la queue dans l’espoir d’obtenir une réponse, peu importe le secteur de votre ministère, qu’il s’agisse de permis de travail temporaire, de renouvellement, de parrainage familial, de résidence permanente ou de citoyenneté.

Le commentaire que j’entends le plus souvent, c’est qu’aucune communication n’est établie avec ceux qui font la queue. Pas un mot. Je veux vous demander si le gouvernement fait des efforts pour communiquer avec ces clients — et je tiens à les considérer comme des clients — qui font la queue, afin de leur fournir une première réponse.

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Merci beaucoup.

Pour mettre les choses en perspective, les volumes que nous connaissons sont énormes. Si nous voulons régler le problème, nous devons comprendre d’où il provient. Bien sûr, nous sommes confrontés à des défis en matière de réponse à court terme pour diverses crises humanitaires, mais, comme nous avons pu le constater durant la pandémie, la décision a été prise de réinstaller temporairement les personnes qui se trouvent déjà au Canada, allant jusqu’à en exclure certaines autres qui n’ont pas pu faire le voyage quand les frontières étaient fermées. Parallèlement, la capacité opérationnelle de notre ministère a été entravée par les ordonnances de santé publique partout dans le monde qui ont fait fermer les bureaux, réduisant notre capacité.

(1550)

Nous avons observé une augmentation des appels à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada entre l’exercice 2020-2021 et l’exercice 2021-2022, passant de 5,9 millions d’appels à 10,41 millions. Ce nombre continue d’augmenter. Pour résoudre le problème, nous investissons davantage de ressources dans le système, nous adoptons des politiques pour ajouter des places, et nous adoptons de nouvelles technologies. Dans un monde parfait, nous n’aurions pas à reprendre contact avec les millions de personnes dont nous avons déjà traité les dossiers. Nous pourrions simplement mettre l’information à leur disposition afin qu’elles puissent la consulter au moment de leur choix. Nous avons déjà mis en place un tel outil, c’est-à-dire un système de suivi des dossiers, pour la réunification des familles en février dernier. Puisque nous passons d’un système papier à un système numérique, il faudra un peu de temps pour que tous les autres secteurs d’activités aient accès au même outil. Nous faisons notre possible et, franchement, nous commençons à observer d’énormes progrès.

En terminant, je dirais que nous nous attendons à ce que les délais de traitement soient revenus à la normale dans presque tous les secteurs d’activités d’ici la fin de l’année civile, à condition qu’il n’y ait pas d’autres fermetures attribuables à la COVID ou d’autres crises humanitaires. Il faudra probablement attendre le début de l’année prochaine pour rattraper le retard dans le traitement des demandes de citoyenneté.

L’infrastructure d’appui à l’immigration

L’honorable Tony Loffreda : Monsieur le ministre, je vous remercie d’être avec nous aujourd’hui. Je voudrais parler d’infrastructure. J’appuie fermement l’intention du gouvernement d’accueillir plus de 1,3 million de nouveaux Canadiens au cours des trois prochaines années. L’économie canadienne en dépend et j’espère que ces efforts contribueront à pallier les pénuries de main-d’œuvre au pays. Cependant, c’est une chose d’accueillir des milliers de nouveaux citoyens au pays, mais c’en est une tout autre de bien les intégrer au moyen d’une infrastructure qui permet de les soutenir et de répondre à leurs besoins adéquatement.

Quelles sont les discussions que vous avez avec vos collègues du Cabinet et vos homologues provinciaux en vue de placer le Canada en meilleure posture pour répondre aux besoins en infrastructure concernant les immigrants? Je parle des centres communautaires, des écoles et des hôpitaux. Une population de 1,3 million de Canadiens, c’est plus que celle d’Ottawa — cela équivaut à la population de Calgary. Pour accueillir 1,3 million de nouveaux immigrants, nous aurons besoin d’infrastructures.

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Laissez-moi vous parler de mon expérience personnelle, dans ma propre collectivité, afin d’envisager votre question sous un autre angle, dans une certaine mesure. Je suis d’avis que si nous ne continuons pas à accueillir des immigrants dans nos collectivités, nous allons en fait perdre ces infrastructures, même si nous devons bien évidemment planifier leur développement de la façon dont vous l’avez suggérée.

La première fois que je me suis présenté à des élections, la principale controverse dans ma collectivité portait sur la fermeture de l’école régionale River John et la perte d’une unité de santé mentale à l’hôpital d’Aberdeen, dans le comté de Pictou, en Nouvelle-Écosse. Nous avons décidé de favoriser l’immigration. Beaucoup de gens sont alors revenus dans notre région, notamment beaucoup de gens comme moi qui étaient partis vivre dans l’Ouest du Canada. Notre plus grand problème est de savoir si nous allons pouvoir construire assez de logements pour accueillir tous les immigrants, au lieu de voir les écoles et des hôpitaux fermer à cause du départ d’un trop grand nombre d’habitants. Personnellement, je sais quel problème je préfère avoir.

Nous en discutons sans cesse. À la Chambre des communes, je m’assois à côté du ministre du Logement et de la Diversité et de l’Inclusion pour parler de la façon de développer notre parc immobilier afin d’avoir suffisamment de logements pour accueillir les nouveaux venus, mais aussi pour loger ceux qui sont déjà sur place. Il m’a expliqué brièvement qu’il fallait faire venir de la main-d’œuvre grâce à l’immigration pour que nous ayons assez de travailleurs pour développer le parc immobilier.

Lorsque nous devons présenter le plan des niveaux d’immigration au Parlement, je consulte mes homologues provinciaux afin de connaître leur capacité d’accueil. Aujourd’hui même, nous sommes en train de mettre au point des stratégies afin de nous assurer que nous dirigeons les nouveaux arrivants vers des collectivités qui ont une capacité d’accueil suffisante, pour qu’ils puissent s’épanouir dès leur arrivée, mais aussi à plus long terme.

[Français]

Les travailleurs étrangers et l’offre d’emploi

L’honorable Amina Gerba : Monsieur le ministre, bienvenue au Sénat. Presque tous les programmes d’immigration au Canada requièrent une offre d’emploi. Cette offre d’emploi est requise avant même le dépôt des demandes de visa de travail. Or, il est extrêmement difficile pour un travailleur étranger d’obtenir une offre d’emploi en étant hors du pays. En tant qu’employeur, j’ai dû moi-même me frotter à ces difficultés en voulant recruter des employés étrangers qualifiés. Pourtant, vous le savez, monsieur le ministre, il y a une grande pénurie de main-d’œuvre au Canada et l’immigration est aujourd’hui reconnue comme une solution à ce problème.

Monsieur le ministre, que pouvez-vous faire pour que l’exigence de l’offre d’emploi ne soit plus un obstacle à la lutte contre la pénurie de main-d’œuvre dans notre pays?

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : J’ai beaucoup d’idées afin d’améliorer la pénurie de main-d’œuvre et d’augmenter le nombre de travailleurs permanents et temporaires au Canada.

[Traduction]

Par rapport au problème précis que vous soulevez, soit la nécessité d’obtenir une offre d’emploi avant de pouvoir venir au pays, je crois que vous devez vous rappeler que nous concevons un programme en vue de satisfaire les besoins de l’économie canadienne. Il y aura inévitablement de nombreuses personnes qui aimeraient venir au Canada, mais il faut veiller à ne pas excéder la capacité du Canada à réinstaller définitivement ces gens.

Les programmes de travailleurs étrangers temporaires dirigés par l’employeur sont l’une des façons dont nous surveillons la capacité d’accueil des collectivités canadiennes. L’un des changements énormes que j’ai constatés dans ma propre collectivité, c’est l’expansion des services d’assistance pour les petits et moyens employeurs qui n’ont pas nécessairement un important service de ressources humaines qui peut se consacrer au recrutement et à l’embauche de ressortissants étrangers afin de combler les lacunes de la population active. Ce soutien dissipe en fait leur appréhension à l’égard de l’immigration. La plupart de ces employeurs sont si concentrés à fabriquer leur produit ou à travailler dans leur principal secteur d’activité que faire croître leur main-d’œuvre grâce à l’immigration n’est qu’un objectif secondaire souhaitable qu’ils ont peu d’espoir de réaliser.

En outre, je crois que nous devons continuer de trouver des moyens pour qu’il soit plus facile pour les gens de venir au Canada et réfléchir aux changements que nous pouvons apporter pour faciliter l’immigration des personnes dont le conjoint se trouve déjà au Canada de manière à favoriser à la fois la réunification des familles et l’économie canadienne. Nous vivons à une époque vraiment unique, où l’économie roule à plein régime, mais des centaines de milliers de postes demeurent à pourvoir. Il est essentiel que nous fassions tout en notre pouvoir pour accélérer l’immigration de travailleurs afin de remédier à la pénurie de main-d’œuvre et de combler les besoins de l’économie canadienne sans toutefois profiter de ces travailleurs. J’aimerais lancer une invitation ouverte à tous les sénateurs à me faire part de leurs idées à savoir comment nous pouvons faire venir plus rapidement et plus efficacement les travailleurs au Canada afin de combler les besoins en matière de main-d’œuvre. En fait, une séance de remue-méninges en bonne et due forme serait peut-être indiquée.

Les permis d’études

L’honorable Percy E. Downe : Monsieur le ministre, je vous remercie d’accepter de répondre à quelques questions. Comme on a pu le lire dans le journal Guardian de l’Île-du-Prince-Édouard, le 11 septembre 2021, à 9 heures, une jeune femme s’est rendue dans un magasin Staples de Charlottetown. Elle a discuté avec un employé de l’achat d’un bureau. Après la discussion, elle s’est éloignée et s’est rendue dans une autre allée du magasin. L’employé l’a suivie et l’a agressée sexuellement. Cet employé se trouvait au Canada grâce à un permis d’études délivré par votre ministère. C’était un étudiant étranger, qui a été inculpé et a plaidé coupable à des accusations d’agression sexuelle.

Le site Web de votre ministère semble dire que c’est seulement si une personne déclare elle-même avoir un casier judiciaire dans sa demande de permis d’études qu’il faudra obtenir une confirmation de son casier ou de son dossier judiciaire. Monsieur le ministre, vérifie-t-on si toutes les personnes qui demandent un permis d’études ont déjà été reconnues coupables d’une infraction criminelle?

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Merci beaucoup de votre question, sénateur. Toute personne qui veut entrer au Canada et qui n’est pas sujette à une exemption de visa doit se soumettre à une analyse biométrique pour pouvoir entrer au Canada. De plus, nous effectuons généralement un contrôle biographique.

Il semble, dans le cas que le sénateur a exposé, que la personne ait subi un sort absolument horrible. Étant donné que je ne suis pas au courant des circonstances personnelles, j’hésite à en dire davantage, mais il est essentiel que nous continuions à effectuer une analyse rigoureuse pour comprendre que les personnes qui viennent ici répondent à des critères très stricts relativement aux personnes que nous aimerions voir venir au Canada et qui contribueront à notre société et ne lui nuiront pas.

Dans la mesure où le système comporte des lacunes et où nous voulons continuer à améliorer le processus, sachez que je ne défends pas rigidement le statu quo. Nous cherchons continuellement des moyens d’améliorer le système et d’en renforcer l’intégrité afin que les Canadiens continuent de croire que l’immigration est une bonne chose pour les collectivités. Je crois que c’est essentiel à notre bien-être social et économique.

[Français]

L’arriéré de traitement des demandes de permis de travail

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Monsieur le ministre, le 2 juin dernier, j’avais posé une question à votre collègue l’honorable Marie-Claude Bibeau sur le sujet préoccupant de la pénurie de main-d’œuvre, notamment au Québec, où ce problème semble avoir un impact considérable sur l’économie. L’une des raisons de cette pénurie est le traitement que je qualifierais presque d’inadmissible des demandes de visas par votre ministère et l’attente, tout aussi inadmissible. Obtenir un visa de travail d’Immigration Canada peut prendre plus d’une année.

Monsieur le ministre, nous savons que les arriérés de traitement des demandes au ministère se chiffrent en millions. Selon certains médias, nous parlons de 2 millions de demandes en attente, toutes catégories confondues. Pouvez-vous nous indiquer le nombre de dossiers en attente pour les demandes de permis de travail et ce que vous prévoyez de faire pour remédier à ces retards inadmissibles qui ont des répercussions négatives sur l’économie du Québec?

(1600)

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Merci de la question.

On dit souvent que l’immigration est essentielle pour lutter contre la pénurie de main-d’œuvre.

[Traduction]

Par souci de précision et pour m’assurer de donner les bons renseignements, je vais répondre dans ma langue maternelle, si cela vous convient. L’une des choses qu’il est vraiment important de comprendre, c’est que les chiffres que vous citez incluent toutes les personnes qui ont soumis une demande, y compris celles qui ont soumis une demande aussi récemment qu’hier. Après avoir introduit un programme visant à accueillir un grand nombre d’Ukrainiens, par exemple, nous avons reçu un nombre important de demandes. Je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose.

Ce sur quoi nous devons continuer à nous concentrer, c’est la réduction des délais de traitement afin que les demandeurs individuels puissent réellement avoir une période déterminée en fonction de laquelle ils peuvent planifier leur vie et la façon dont ils vont arriver au Canada.

Les mesures que nous prenons pour relever ces défis sont vraiment monumentales et commencent à avoir une incidence positive. La Mise à jour économique et budgétaire de 2021 comprenait un investissement de 85 millions de dollars pour réduire les délais de traitement des demandes permis de travail, de permis d’études, de visa de résidence temporaire, de carte de résident permanent et de preuve de citoyenneté. Nous avons ensuite investi 385 millions de dollars dans le système pour améliorer le service à la clientèle pour les personnes qui cherchent à venir au Canada. Nous avons embauché 500 nouveaux employés.

Nous avions déjà traité plus de 216 000 demandes de permis de travail avant la fin du mois dernier, par rapport à seulement 88 000 l’an dernier. Comme je l’ai dit en réponse à une question précédente, en date de la semaine dernière, nous avions déjà accueilli 200 000 résidents permanents au pays, et il y a 100 000 demandes de plus en traitement, une quantité encore jamais atteinte si tôt dans l’année. En 2016, nous avions atteint ce nombre record un mois et demi plus tard.

Nous devons aussi continuer d’adopter des politiques qui permettent d’accueillir des gens rapidement, d’en accueillir davantage chaque année dans le cadre du processus de planification des niveaux d’immigration et, bien entendu, de faire progresser la transformation numérique de notre ministère.

En résumé, c’est une question de ressources, de politiques et d’adoption de technologie. Nous allons continuer de promouvoir ces trois volets. Le Canada possède un système d’immigration de classe mondiale. Il a été durement touché par la pandémie, mais lorsque j’examine les données internes, les ressources que nous consacrons au système ont l’effet souhaité. Elles réduisent les délais de traitement, les travailleurs parviennent au pays plus rapidement et les familles sont réunies à un rythme beaucoup plus élevé que l’an dernier.

Le rendement des centres d’appels

L’honorable Salma Ataullahjan : Monsieur le ministre, un rapport publié par le vérificateur général du Canada en 2019 a conclu que 1,2 million d’appels au centre d’appels de votre ministère n’étaient pas acheminés à un agent. Malheureusement, la situation n’a fait qu’empirer depuis.

La réponse obtenue récemment à une question inscrite au Feuilleton du Sénat indique que du mois d’avril au mois de décembre l’année dernière, le centre d’appels d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a reçu plus de 2,6 millions d’appels et que 1,45 million d’entre eux n’ont pas été acheminés à la mise en attente.

Monsieur le ministre, je me permets de vous le répéter : en moins d’une année, près de 1,5 million d’appels n’ont pas été acheminés, y compris ceux de citoyens canadiens, de résidents permanents et de ressortissants étrangers, dont certains se trouvent dans une situation désespérée quelque part dans le monde et ont besoin de l’aide de votre gouvernement.

Monsieur le ministre, trouvez-vous cela acceptable? La qualité des services est passée de mauvaise à exécrable. Pouvez-vous nous faire part des mesures que vous avez mises en place pour régler les problèmes?

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Je vous remercie. Je le répète, si nous voulons déterminer les pistes de solution, il faut savoir d’où vient le problème. À l’heure actuelle, le système d’immigration du Canada est aux prises avec un nombre record de demandes alors que sa capacité à prodiguer des services est réduite. S’il en est ainsi, c’est principalement en raison de la pandémie, mais aussi de priorités concurrentes, y compris les réponses à la situation en Afghanistan et à la guerre en Ukraine.

En fait, les chiffres que nous avons en main à l’heure actuelle dépassent de loin ceux que vous avez énoncés dans votre question. Nous cherchons à ajouter des milliers d’employés depuis les deux dernières années, mais ce n’est toujours pas suffisant pour répondre à la forte hausse ponctuelle des demandes qui résulte des facteurs dont j’ai fait mention.

Il n’y a pas que des mauvaises nouvelles, car, bien sûr, nous prenons des mesures pour résoudre ces problèmes. J’ai énoncé certains des investissements que nous avons faits et que je ne répéterai pas. La clé, c’est de numériser le système d’immigration du Canada. À l’heure actuelle, le système fonctionne essentiellement avec des documents sur support papier. Vous pouvez imaginer que quelqu’un qui s’est adressé à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada par téléphone se rendra compte que son document papier est à l’autre bout du monde. Cette personne appelle son député, qui contacte mon bureau, qui contacte un bureau local où quelqu’un devra peut-être sortir un document papier et rappeler tout le monde dans cette chaîne pour que le client reçoive une mise à jour de son dossier.

À mes yeux, c’est inacceptable. Je vais changer le système. Nous avons entrepris une rénovation numérique de 827 millions de dollars du système d’immigration du Canada. J’ai déjà mentionné l’outil de suivi des cas de demandes de résidence permanente mis à la disposition des demandeurs de la catégorie du regroupement familial. Ainsi, non seulement ils obtiendront de bons renseignements, mais ils n’appelleront pas le ministère, ce qui libérera des ressources pour nous permettre de faire face à d’autres cas plus difficiles que celui d’une personne qui désire une simple mise à jour.

Dès cet été, 17 secteurs d’activité seront en mesure d’accepter des demandes numériques. Nous constatons déjà que les investissements dans la citoyenneté portent des fruits avec une augmentation du traitement et des résultats.

[Français]

L’Initiative des communautés francophones accueillantes

L’honorable Bernadette Clement : Bienvenue, monsieur le ministre.

L’Initiative des communautés francophones accueillantes s’est engagée à financer 14 communautés canadiennes de 2018 à 2023. Ce type d’investissement est d’autant plus important étant donné que les zones rurales sont encore en train de développer le réseau et sont en compétition avec les plus grandes villes pour attirer et retenir de nouveaux arrivants.

Ma ville de résidence, Cornwall, n’a pas été sélectionnée pour ce premier tour, donc les membres de la communauté font de leur mieux avec les ressources limitées dont elles disposent. Imaginez ce qu’elle pourrait faire de plus avec un financement adéquat.

L’Initiative des communautés francophones accueillantes sera‑t‑elle renouvelée au-delà de 2023 et élargie pour desservir davantage de nouveaux arrivants d’expression française et les communautés de langue minoritaire qui souhaitent les accueillir?

[Traduction]

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Merci beaucoup de votre question. À mon avis, l’Initiative des communautés francophones accueillantes a été un grand succès. Je ne veux pas m’avancer avant que soient terminées les consultations très importantes que je dois faire. Vous aurez probablement vu dans ma lettre de mandat l’exigence que je conçoive une « stratégie nationale ambitieuse » pour stimuler l’immigration francophone. Nous voyons certainement des chiffres, mais, pour répondre à votre question, si le programme n’est pas simplement répété, les leçons que nous en aurons apprises seront mises en œuvre.

J’aimerais également attirer votre attention sur un outil énorme que nous allons introduire et qui aidera à stimuler l’immigration francophone et à régionaliser notre système d’immigration, et cela fait partie du projet de loi C-19, que la Chambre des communes a récemment adopté. Il y a de nouveaux assouplissements proposés au système Entrée Express qui permettront au ministre de l’Immigration — c’est-à-dire moi aujourd’hui, mais aussi quiconque sera mon successeur — de cibler les personnes qui s’établissent dans une région en particulier, qui comblent un besoin particulier dans la main-d’œuvre ou qui répondent à certains critères.

[Français]

Je pense qu’il s’agit d’une meilleure occasion d’accueillir de nouveaux arrivants francophones et des personnes qui veulent habiter dans les communautés très petites comme celles qui se trouvent dans ma circonscription. J’inciterais tous les sénateurs dans cette enceinte à soutenir ce projet de loi.

[Traduction]

La transition après la prise en charge

L’honorable Kim Pate : Monsieur le ministre, merci de vous joindre à nous. Comme vous le savez, trop d’enfants venant au Canada à titre d’immigrants ou de réfugiés sont pris en charge par l’État pour des raisons indépendantes de leur volonté. Ainsi, l’État devient leur parent, et il peut être facile de passer des services à l’enfance au système de justice pénale, où ils apprennent, souvent pour la première fois, qu’ils n’ont pas la qualité de citoyen. À l’heure actuelle, une défense inlassable de leur cause et une intervention de dernière minute du gouvernement sont les seuls recours possibles pour prévenir leur expulsion.

Monsieur le ministre, que compte faire le gouvernement pour que ces enfants ne passent plus entre les mailles du filet? Promettez-vous d’appliquer les solutions que la sénatrice Jaffer propose dans le projet de loi S-235 afin de protéger ces personnes vulnérables?

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Je vous remercie infiniment de la question, et je remercie également la sénatrice Jaffer de ses efforts dans ce dossier en particulier. Je n’ai pas de notes devant moi, mais je dois dire honnêtement que, si j’en avais, je les mettrais gravement de côté pour répondre comme une personne le ferait normalement. Il est injuste de voir une personne qui croyait avoir la citoyenneté, qui a grandi au Canada, et qui, en tant qu’enfant, n’était pas en mesure de demander la citoyenneté, être prise en charge par l’État et devoir faire face aux circonstances que vous avez soulignées.

En toute franchise, je pense que nous devrons nous pencher sur certaines politiques pour bien comprendre les effets du projet de loi d’intérêt public dont vous avez parlé. Il y a également une foule d’autres mesures qui ne sont pas comprises dans ma lettre de mandat et sur lesquelles j’aimerais me pencher en vue de réformer les règles entourant la citoyenneté canadienne.

Je crois qu’il me reste encore du travail à faire afin de m’assurer que les modifications aux règles donneront les résultats escomptés.

(1610)

Je veux m’en occuper, parce qu’en fin de compte nous sommes responsables non seulement de nos propres actions, mais aussi, à mon avis, des situations où nous sommes témoins d’une injustice et que nous choisissons de ne rien faire. J’ai hâte que nous poursuivions notre travail à cet égard. Cependant, il nous reste encore des politiques à élaborer avant de déterminer la meilleure marche à suivre pour veiller à ce que de telles conséquences ne nuisent pas à des enfants innocents qui sont pris en charge par l’État au Canada.

[Français]

L’arriéré de traitement des demandes de permis de travail

L’honorable Pierre J. Dalphond : Merci, monsieur le ministre, d’être parmi nous aujourd’hui. Nous avons beaucoup parlé du traitement des visas de travail dans les diverses questions qui ont été posées. Il y a une attente qui peut aller jusqu’à 13 mois et pourtant, nous avons besoin de raccourcir ces délais afin que le Canada demeure compétitif.

À votre avis, quel serait le délai de traitement cible pour les demandes des travailleurs étrangers? Quatre mois, cinq mois? Sur la base du délai de traitement cible établi par le ministère, quelles mesures ont été réellement mises en place pour atteindre cet objectif qui a été fixé, ou que nous devrions fixer?

[Traduction]

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Je tiens à préciser que nous devons faire tout ce que nous pouvons pour permettre l’arrivée des travailleurs au Canada le plus rapidement possible. Pour y arriver, nous devons continuer de mettre plus de ressources dans le système à court terme et adopter des politiques qui facilitent l’obtention d’un emploi pour les gens — certains d’entre eux sont déjà au Canada et d’autres sont à l’étranger.

En ce qui concerne les ressources nécessaires, il nous faut tout simplement avoir recours à plus de gens pour traiter les dossiers. Nous devons numériser le processus de demande et veiller à relever les goulots d’étranglement.

Pour répondre à votre question sur la norme de service que nous tentons de rétablir, le délai est généralement de 60 jours. Je pense que nous y arriverons dès la fin du présent exercice. Si la cadence accélérée du traitement des demandes se maintient — selon ce que j’observe en étudiant les données de traitement, et j’en ai révélé une partie —, je prévois que nous pourrons rétablir ce délai.

Il y a certains défis au Québec parce que le processus se déroule parfois en deux étapes — le gouvernement provincial est responsable d’une partie, et le gouvernement fédéral de l’autre.

Pour répondre à votre question, la norme de service est de 60 jours. J’ai bon espoir que, avec les ressources déjà ajoutées dans le système, nous pourrions la respecter de nouveau dès la fin du présent exercice.

Les permis d’études

L’honorable Percy E. Downe : Monsieur le ministre, dans la première question que je vous ai posée, j’ai demandé si on vérifiait si toutes les personnes qui demandent un permis d’études au Canada ont déjà été reconnues coupables d’une infraction criminelle. De toute évidence, la réponse est non.

Dans le cas que j’ai mentionné plus tôt où un étudiant étranger a agressé sexuellement une jeune femme, celui-ci a plaidé coupable, et il a reçu une absolution conditionnelle, au lieu d’être condamné au criminel. Par conséquent, il n’aurait pas à quitter le Canada avant de terminer ses études à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard.

Puisque ce n’est pas la première fois que le détenteur d’un permis d’études commet une agression sexuelle sans être condamné au criminel, les habitants de l’Île-du-Prince-Édouard se demandent si la menace d’expulsion du pays, qui forcerait les personnes à abandonner leurs études, est utilisée comme moyen d’éviter la prison.

L’agression sexuelle a coûté cher à la victime. Elle a quitté son emploi, elle souffre de crises de panique, et elle a peur d’être dans des magasins et à proximité d’étrangers, alors que l’étudiant étranger, lui, peut obtenir son diplôme.

Monsieur le ministre, pour la sécurité de tous les Canadiens, pourquoi n’est-il pas obligatoire pour toutes les personnes demandant un permis d’études — et pas uniquement celles qui mentionnent avoir un casier judiciaire sur leur demande — de se soumettre à une vérification des antécédents criminels avant qu’on leur délivre un permis d’études?

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Pour commencer, l’expérience subie par cette femme est totalement inacceptable. La violence sexuelle, en particulier contre les femmes, est un épouvantable fléau dans notre société. Pour être franc, je pense qu’en tant qu’hommes, nous devrions tout faire pour encourager les hommes et les garçons à ne pas rester sans agir lorsqu’ils se retrouvent témoins de ce type de comportement, car cela encourage d’une certaine façon ces criminels à perpétrer des actes de violence sexuelle.

Il devrait y avoir une vérification du casier judiciaire. Il faudrait que je dispose de plus de renseignements concernant cette affaire. J’ai de la réticence à en parler, car je ne sais pas quel processus cet individu en particulier a suivi pour déposer une demande.

Quant aux décisions prises par les tribunaux, sénateur, je pense que vous savez que ceux-ci sont complètement indépendants du gouvernement. En ce qui me concerne, un crime grave justifie l’expulsion d’un résident temporaire du Canada, quel que soit le programme qu’il a utilisé pour entrer au Canada. Selon moi, si une personne a commis ce genre de crime, elle ne devrait pas pouvoir immigrer au Canada.

Si vous le souhaitez, je vous propose de communiquer avec notre équipe pour exposer plus en détail les circonstances de cette affaire, afin que nous puissions éventuellement l’étudier.

L’entrée sur le territoire canadien doit être refusée à toute personne ayant commis un crime grave. Je n’ai pas tous les détails concernant ce dossier. Le plus important est de croire et de soutenir les survivants d’actes de violence sexuelle, et de nous assurer que nous disposons des outils nécessaires pour que jamais ne se reproduisent de tels drames.

Les services de passeport

L’honorable Leo Housakos : Monsieur le ministre, les retards, les longues files d’attente et l’incroyablement piètre service auxquels ont droit les Canadiens présentement lorsqu’ils veulent simplement obtenir ou renouveler un passeport sont tout à fait inacceptables. Pas plus tard que ce matin, je me suis rendu aux Galeries St-Laurent, un centre commercial près de chez moi où se trouve un bureau des passeports du Canada. Il y avait une longue file de contribuables sur plusieurs coins de rue. Ils attendaient assis sur des chaises de parterre avec leurs parasols et devaient faire la file pendant des heures pour pouvoir faire une demande de passeport; ils devront ensuite attendre des mois avant de recevoir leur passeport. À voir ce genre de scène, on ne croirait pas qu’il s’agit du Canada; on croirait plutôt qu’il s’agit d’une république de bananes.

Il y a deux semaines, votre collègue la ministre Gould a jeté le blâme sur votre ministère, affirmant que ce dernier n’avait pas prévu que le nombre de demandes de passeport serait si élevé. Voici ce qu’elle a affirmé au comité de la Chambre :

Service Canada ne fait pas les prévisions et c’est un élément quelque peu problématique pour nous. IRCC fait les prévisions, et les prévisions initiales pour cette année étaient d’environ 2,4 millions de passeports, ce qui nous amène au même point où nous en étions avant la pandémie.

Monsieur le ministre, acceptez-vous cette critique de votre collègue du Cabinet concernant le caractère complètement inadéquat des prévisions...

Son Honneur le Président : Merci, sénateur. Votre temps est écoulé.

Le sénateur Housakos : ... ou est-ce que la ministre Gould s’est servie de vous comme bouc émissaire à cause de votre mauvaise gestion?

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : La ministre Gould est une bonne amie à moi et une des députées les plus compétentes de tous les partis à la Chambre des communes. Je ne considère pas ses commentaires comme une critique personnelle.

Nous travaillons ensemble pour faire avancer les politiques qui peuvent simplifier le processus de renouvellement des passeports. Nous travaillons également ensemble pour faire en sorte que nos ministères respectifs — et c’est vrai pour l’ensemble du Cabinet — disposent des ressources nécessaires pour fournir le type de service auquel les Canadiens s’attendent à juste titre.

Je pense que vous comprendrez, sénateur, que nous traversons une période exceptionnelle. Alors que les restrictions sont levées plus ou moins simultanément dans le monde entier et qu’il y a une demande accumulée pour les voyages, il est difficile de prédire avec certitude le nombre exact de personnes qui chercheront à renouveler leur passeport à un moment donné.

Plus de 500 nouveaux employés ont été ajoutés. Tous les guichets sont maintenant ouverts. Soit dit en passant, j’ai dû renouveler les passeports de mes enfants — un premier passeport et un renouvellement — et j’ai procédé de la même manière que tout le monde. C’était un peu frustrant, mais au bout du compte, nous avons été servis avec professionnalisme par des fonctionnaires compétents qui s’efforcent de délivrer le plus grand nombre possible de passeports. Étant donné l’augmentation de la capacité, la demande finira par se stabiliser et, avec le temps, je m’attends à ce que vous constatiez une amélioration de la qualité du service semblable à celle observée dans différents secteurs de l’économie à mesure que le monde lève les restrictions liées à la COVID-19.

Le visa pour les techniciens de talent à fort potentiel

L’honorable Colin Deacon : Merci, monsieur le ministre, d’être parmi nous aujourd’hui.

Pour faire suite aux propos de la sénatrice Gerba, vous savez qu’il y a une importante pénurie de main-d’œuvre et de talent dans tous les secteurs de notre économie. Par conséquent, je veux poser une question sur la façon d’attirer plus de personnes de talent qualifiées pour le secteur de l’innovation et d’accélérer le traitement de leurs demandes de visa.

La semaine dernière, le Royaume-Uni a lancé son programme de visas pour les personnes à fort potentiel afin de permettre aux meilleurs talents mondiaux d’aller dans ce pays. Contrairement aux exigences du Volet des talents mondiaux du Canada, les personnes n’ont pas besoin d’une offre d’emploi pour participer, et les personnes admissibles auraient la souplesse de travailler ou de changer d’emploi ou d’employeur. De plus, elles pourraient prolonger leur séjour et obtenir la résidence permanente sans changer de catégorie de visa.

J’ai deux questions. Avez-vous envisagé d’élaborer un programme semblable de visa pour les techniciens de talent à fort potentiel au Canada, comme le suggèrent des organisations telles que le Conseil canadien des innovateurs? De quelle manière le Programme de visa pour démarrage d’entreprise pourrait-il être modifié pour mieux attirer les techniciens de talent entrepreneurs au Canada? Merci.

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Merci beaucoup. Plaçons cette question dans le contexte économique approprié. Notre économie fonctionne à plein régime. On a maintenant retrouvé environ 115 % des emplois perdus pendant la pandémie, le PIB est supérieur aux niveaux d’avant la pandémie, et le taux de chômage est au plus bas niveau — oublions la pandémie — jamais enregistré au Canada. Malgré ces réussites, il y a des centaines de milliers de postes vacants. Nous devons nous concentrer sur la croissance tandis que nous sortons de cette pandémie afin de veiller à ce que notre économie puisse fournir les services dont nous avons besoin.

(1620)

En ce qui concerne la première question, en ce moment, je dirais que le Volet des talents mondiaux est un très bon programme, dans la mesure où nous pouvons le modifier afin de tirer parti des débouchés actuels de l’économie pour attirer des talents étrangers, qui semblent tous songer au prochain endroit où ils iront travailler en ce moment. Nous ne prévoyons pas d’annonce importante à court terme, mais sachez que je suis très intéressé par ce qui pourrait survenir par la suite.

En ce qui concerne votre deuxième question au sujet du Programme de visa pour démarrage d’entreprise, nous devons nous poser la question suivante : devrions-nous consacrer nos ressources à la fois au volet d’incubation et au volet des investisseurs providentiels? Devrions-nous accroître les résultats d’un programme modeste par rapport à d’autres volets tout en examinant les critères d’admissibilité du Programme de visa pour démarrage d’entreprise afin de déterminer si nous devrions en élargir l’accès à des entreprises à forte croissance qui ne feraient peut-être pas partie du secteur très restreint actuellement admissible? Ces questions feront partie de la consultation que je vais entreprendre cet été en vue du plan des niveaux d’immigration de l’an prochain. Je crois que le Programme de visa pour démarrage d’entreprise a un immense potentiel pour attirer au Canada des gens qui contribueront à créer de la richesse et à faire croître notre économie d’une façon qui permettra à davantage de Canadiens de travailler pour des entreprises plutôt que d’adopter l’approche d’autres pays, où on peut plus ou moins s’acheter un statut légal.

Les réfugiés afghans

L’honorable Patricia Bovey : Je vous remercie de votre présence parmi nous aujourd’hui, monsieur le ministre. La question que j’aimerais vous poser au nom du sénateur Klyne porte sur l’évacuation des interprètes qui ont travaillé pour les Forces armées canadiennes avant que les talibans ne prennent le contrôle de l’Afghanistan l’été dernier.

Le Canada a essuyé de nombreuses critiques pour sa manière de gérer l’évacuation de ces interprètes durant la crise. On constate de la confusion en ce qui concerne le processus utilisé pour déterminer quels employés ont été évacués, des inquiétudes persistantes concernant les personnes qui ont été laissées là-bas, et une crainte que le Canada n’arrive pas à embaucher des interprètes lors des prochaines missions à l’étranger.

Partagez-vous ces préoccupations, monsieur le ministre? Quel processus votre ministère a-t-il mis en place pour faire le tri des demandes d’évacuation des citoyens afghans, déterminer l’ordre de priorité des personnes à évacuer et accélérer les départs de ces alliés qui ont risqué leur vie pour nos forces armées?

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Je dois faire preuve de prudence, car j’ai une connaissance personnelle de certains enjeux discutés aujourd’hui. Dans d’autres cas, je suis arrivé au ministère après les faits. Quoi qu’il en soit, je suis responsable du ministère.

Je profite de cette occasion idéale pour remercier toutes les personnes qui ont participé à l’évacuation. Grâce aux efforts déployés sur le terrain, des milliers de personnes peuvent refaire leur vie au Canada. Comme vous pouvez l’imaginer, lorsqu’on est en pleine zone de guerre, il règne un chaos total. Dans un contexte où des entités terroristes prenaient le contrôle de Kaboul et où des centaines de milliers de gens, voire des millions, tentaient de quitter la région, il était impossible d’utiliser un processus rigide fondé sur des partenaires de référence et des mesures de présélection adéquates, comme cela se ferait dans le cadre d’une initiative gérée essentiellement par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. À ce moment-là, notre décision a été d’essayer de repérer les gens qui avaient un lien avec le Canada pour les faire monter à bord des avions qui avaient un accès limité à la piste de Kaboul et pour les faire sortir du pays.

Depuis, nous avons évidemment été en mesure d’établir un processus plus solide, le genre de processus qu’on peut mettre en œuvre quand se produit une urgence de cette nature, pour faire en sorte que les gens puissent continuer de venir au Canada. Les arrivées continuent. Plus de 15 500 personnes sont déjà au Canada et d’autres arrivent chaque semaine.

Le travail que les membres de mon équipe ont accompli — dont certains travaillent encore avec moi et d’autres sont passés à autre chose, tant en ce qui concerne le ministre précédent que le ministère — n’était rien de moins qu’héroïque, en dépit de quelques imperfections en cours de route. Aucune réponse n’est parfaite dans une zone de guerre. Néanmoins, grâce aux actions de quelques Canadiens qui se sont efforcés d’évacuer certaines des personnes les plus vulnérables du monde à ce moment-là, des milliers de personnes ont pu gagner le Canada.

[Français]

Les mouvements transfrontaliers au chemin Roxham

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Pas plus tard que ce matin, monsieur le ministre, Le Journal de Montréal nous a appris qu’un individu accusé d’agression sexuelle sur une adolescente de 14 ans en Georgie a fui les États-Unis et vit au Canada depuis 2018. Il est entré au pays par le célèbre chemin Roxham et s’est présenté comme un réfugié. Quatre ans plus tard, ce criminel bénéficie encore de notre système et se bat devant les tribunaux, à nos frais, pour ne pas être expulsé aux États-Unis.

Monsieur le ministre, comment pouvez-vous justifier la présence de cet individu au pays après quatre ans de procédures? Pouvez-vous nous dire combien de criminels notoires ont profité du chemin Roxham pour se cacher au Canada et combien ont été expulsés?

[Traduction]

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Cette question implique des détails précis sur une personne qui participe à un processus. De façon réaliste, des processus ont été mis en place pour nous permettre de procéder à une vérification appropriée lorsqu’une personne formule une demande d’asile.

À l’instar du gouvernement, je suis bien conscient qu’il faut poursuivre les négociations avec les États-Unis pour moderniser l’Entente sur les tiers pays sûrs. Divers pays du monde sont touchés par le défi des migrations irrégulières. La situation du Canada est unique, puisque nous sommes bordés par trois océans et que nous avons les États-Unis au sud. Le problème n’est pas aussi aigu pour nous qu’il l’est pour beaucoup d’autres. Cependant, quand une personne cherche à entrer au Canada en allant à l’encontre des règles et en faisant potentiellement une demande d’asile sans motif valable, surtout si elle tente d’échapper aux lois d’un autre pays, nous disposons des traités d’extradition. Lorsqu’une personne tente d’échapper à la justice en faisant une fausse demande d’asile, elle est soumise à ces traités d’extradition.

C’est un exemple particulièrement choquant que vous venez de soulever. Encore une fois, sans avoir tous les faits devant moi, il me sert de justification pour continuer mon travail de modernisation de l’Entente sur les tiers pays sûrs, afin que nous arrivions avec les États-Unis à mieux comprendre la façon de gérer la plus longue frontière non défendue du monde.

Les coûts du projet de loi C-13

L’honorable Elizabeth Marshall : Bienvenue, monsieur le ministre.

Monsieur le ministre, les parlementaires dépendent du travail du directeur parlementaire du budget. Celui-ci affirme pourtant que votre ministère, de même que le Secrétariat du Conseil du Trésor et le ministère du Patrimoine canadien, ont refusé à tort de lui divulguer comment seraient dépensés 16 millions de dollars pour les coûts initiaux de mise en œuvre du projet de loi C-13. Ce financement a été annoncé en décembre. À ce jour, vous devez — ou du moins vous devriez — savoir comment le dépenser.

Vous avez également refusé de fournir au directeur parlementaire du budget des renseignements concernant les tâches et les coûts continus associés au projet de loi. Hier, M. Giroux a déclaré au Comité des langues officielles du Sénat que c’était la première fois, en tant que directeur parlementaire du budget, qu’il essuyait un tel refus de la part de trois ministères.

Monsieur le ministre, M. Giroux a également déclaré au comité sénatorial que Patrimoine canadien lui a depuis fourni une partie de cette information. Allez-vous demander à vos propres fonctionnaires de fournir toute l’information sur le projet de loi C-13 au directeur parlementaire du budget? Dans la négative, pourquoi?

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Merci beaucoup, madame la sénatrice. J’ai beaucoup de respect pour les mandataires du Parlement et pour la nécessité de fonctionner dans un contexte de divulgation libre et proactive de renseignements. Soit dit en passant, j’ai passé du temps à travailler pour une organisation de défense des droits de la personne en Afrique du Sud pour promouvoir ces valeurs.

En ce qui concerne le projet de loi C-13, certaines des difficultés que nous éprouvons en ce qui concerne la façon dont l’argent sera dépensé sont liées au fait que le projet de loi n’a pas encore été adopté. Dans la mesure où il y a des choses qui pourraient changer avant que la version définitive du projet de loi soit en place, cela aurait bien sûr une incidence sur les décisions que nous prendrions en fonction des demandes du directeur parlementaire du budget.

Je me ferai un plaisir de vous revenir avec toute information manquante dès que je serai en mesure de le faire. Nous avons très hâte de poursuivre notre dialogue avec le directeur parlementaire du budget pour nous assurer que nous travaillons dans un environnement qui favorise la communication de renseignements et la transparence dans les dépenses gouvernementales. Je pense que c’est un principe très important dans notre démocratie.

L’initiative International Students Overcoming War

L’honorable Peter M. Boehm : Je vous remercie, monsieur le ministre, d’être des nôtres aujourd’hui.

J’aimerais vous poser une question sur une initiative lancée par des étudiants de l’Université Wilfrid Laurier, l’un des établissements où j’ai étudié. Il s’agit de l’initiative International Students Overcoming War. Dans le cadre de cette initiative, on a décidé, par référendum, d’ajouter un montant de 8 $ aux frais de scolarité pour financer le placement, dans cette université, d’étudiants venant de pays et de régions déchirés par la guerre. Certains de ces étudiants sont en voie d’obtenir leur diplôme. Ils sont également venus à Ottawa, et je crois qu’ils ont rencontré votre secrétaire parlementaire et votre personnel.

Jusqu’à présent, 23 étudiants ont participé à ce programme. Ils ont obtenu beaucoup de succès. Que ces étudiants décident de demander le statut de résident permanent ou de retourner dans leur pays, on peut dire que l’initiative s’est avérée une réussite.

Le gouvernement peut-il tirer des leçons de cette initiative qui est organisée par le secteur privé, mais qui a été lancée par de jeunes leaders?

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Je vous remercie de la question sur cette initiative inspirante. Félicitations à tous les étudiants qui se sont impliqués.

(1630)

Cela me rappelle quand, à la première année de mes études universitaires de premier cycle, je me suis inscrit à Entraide universitaire mondiale du Canada, un organisme qui vise à faire venir des réfugiés au Canada pour leur permettre d’étudier.

Pouvons-nous tirer des leçons? Tout à fait. Personne, incluant le gouvernement, n’a le monopole des bonnes idées. Je pense que nous pouvons continuer sur cette lancée dans la mesure où nous comprenons comment appuyer certaines des personnes qui sont parmi les plus vulnérables du monde et qui font aussi partie de la cohorte d’étudiants internationaux apportant les plus importantes contributions sociales et économiques à nos collectivités.

Toutefois, l’une des choses que j’hésite à faire, c’est de permettre au gouvernement de prendre le contrôle d’une bonne idée. En ce qui concerne la réinstallation des réfugiés, le parrainage privé au Canada fait l’envie de nombreux pays selon mes discussions bilatérales avec eux. Lorsqu’il y a un réseau de soutien sur place qui a consacré de l’énergie, du temps et, parfois, des fonds à l’accueil des réfugiés au sein de la collectivité, ces derniers sont soutenus bien après leur arrivée.

Dans la mesure où les étudiants de l’une de vos alma mater souhaitent savoir ce que nous pouvons faire pour encourager ce type de générosité, je tiens à signaler que c’est tout à fait mon rayon. Aider les gens les plus vulnérables dans le monde en nous servant de notre système d’éducation me semble une initiative positive, et je félicite de nouveau les étudiants qui l’ont prise. Il est extrêmement encourageant de voir ce développement social positif.

[Français]

Les entrepreneurs immigrants

L’honorable Amina Gerba : Monsieur le ministre, le programme des entrepreneurs immigrants requiert des investissements tels que l’achat d’une entreprise avant même de connaître la décision liée au permis de travail. Or, l’investissement au Canada ne garantit pas pour autant l’approbation de la demande d’immigration. Monsieur le ministre, il est indiqué sur votre site Web que le choix des immigrants se fait notamment en fonction de leur contribution potentielle à l’économie du pays. Pouvez-vous nous dire quelles sont les mesures mises en place par votre ministère pour accroître le nombre d’immigrants entrepreneurs qui pourraient contribuer à la prospérité de notre pays?

[Traduction]

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Merci beaucoup. Il s’agit là d’une question importante. Pour ceux qui ne le savent pas, la citation de la sénatrice — du moins, c’est ce que je crois d’après sa description — est tirée d’une description du fonctionnement du système Entrée express au Canada.

Ce système évalue les gens en fonction d’un certain nombre de facteurs : leurs études, leurs antécédents professionnels, leur âge et leurs compétences linguistiques. Nous avons constaté que les gens qui possèdent une gamme de compétences obtiennent un plus grand nombre de points et sont plus susceptibles d’être invités à présenter une demande de résidence permanente au Canada.

Nous pouvons apporter quelques changements au système pour attirer des travailleurs qui contribueront encore plus à notre société, non seulement en fonction des points qu’ils obtiennent, mais aussi en les dirigeant vers des régions ou des secteurs économiques qui ont besoin de leurs compétences. Ce sont là les assouplissements proposés dans le projet de loi C-19, qui a été récemment adopté par la Chambre des communes.

De plus — et j’ajoute ce point important pour étoffer ma réponse à la question que m’a posée plus tôt le sénateur Deacon —, je crois que le Programme de visa pour démarrage d’entreprise est pour nous une occasion de croissance. Je fais attention pour ne pas octroyer de « passeport doré » donnant accès à la citoyenneté canadienne en échange d’un investissement. Je ne crois pas que cette approche soit raisonnable. Toutefois, si nous pouvons examiner les règles servant à déterminer quelles personnes viennent au Canada pour y établir une entreprise qui créera des emplois au pays et qui aura une incidence positive durable sur nos collectivités, alors nous devrions examiner quels changements nous pourrions apporter au programme pour atteindre ces résultats tout en favorisant les secteurs qui connaissent une forte croissance, tels que le secteur des technologies et celui de l’innovation.

Il n’est pas facile de définir les détails d’une politique qui produira tous ces résultats, mais nous le ferons en consultant et en collaborant avec les secteurs qui ont le plus de possibilités d’utiliser ces volets pour faire venir ces gens ici afin de démarrer une entreprise qui emploiera des Canadiens.

[Français]

Les mouvements transfrontaliers au chemin Roxham

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Je reviens à la question du chemin Roxham. J’aimerais que vous nous fassiez un bilan du nombre de personnes qui sont entrées illégalement au Canada par ce « trou » dans notre frontière que j’appellerais une brèche à sens unique en provenance des États-Unis. Combien de personnes sont passées par ce chemin? Combien de personnes ont été expulsées? Enfin, combien cela nous a-t-il coûté?

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Avant de commencer, il est essentiel de reconnaître que le Canada a des responsabilités nationales et internationales. Le langage que nous utilisons est très important.

[Traduction]

Je trouve irritant que certains de mes collègues décrivent des gens comme étant illégaux. C’est un qualificatif dangereux, surtout quand on reconnaît que nos lois nationales et internationales autorisent les gens qui fuient une situation de vulnérabilité extrême à demander l’asile au Canada. Cela ne veut pas dire que tous le font, mais je crois que qualifier tous les demandeurs d’asile de « personnes illégales » est dangereux.

Cela dit, il est important que nous ayons un système pour gérer les personnes qui entrent au pays de façon irrégulière, comme au chemin Roxham, par exemple. Il est également important que nous reconnaissions que la migration est un fait social et qu’il ne nous appartient pas de déterminer si elle se produira. Plutôt, notre responsabilité consiste à déterminer comment nous la gérerons.

Par exemple, si nous fermions tout simplement le chemin Roxham demain...

[Français]

— ce n’est pas une solution, mais il s’agit simplement de changer le mal de place. Ce n’est pas acceptable.

[Traduction]

Ce dont nous avons besoin, c’est un système de traitement des demandes d’asile qui fonctionne, dans le cadre duquel les règles sont claires, et qui soit adéquatement financé — notamment avec l’investissement de 1,3 milliard de dollars proposé dans le dernier budget fédéral — afin que les demandes soient traitées de façon équitable et rapide, mais aussi pour que les demandeurs comprennent la réponse à leur demande et que les Canadiens aient confiance en l’intégrité de ce système.

Pour ce qui est des chiffres précis, je ne les ai pas en tête, mais j’inviterais l’honorable sénateur à demander plus de précisions à mon bureau.

Les demandes de visas de l’équipe iranienne de soccer

L’honorable Rose-May Poirier : Merci, monsieur le ministre, d’être ici aujourd’hui.

Monsieur le ministre, les familles des passagers du vol 752 d’Ukraine International Airlines ont été choquées, à juste titre, d’apprendre qu’une partie de soccer soi-disant amicale entre le Canada et l’Iran était initialement prévue un peu plus tôt ce mois-ci. Ces familles continuent de réclamer justice pour leurs proches, et on ne peut pas dire que notre gouvernement les a vraiment soutenues ces deux dernières années et demie. Le 17 mai, un journaliste a demandé au premier ministre pourquoi son gouvernement avait accordé des visas à l’équipe iranienne pour qu’elle vienne au Canada. Il n’a pas répondu à la question, mais il a rejeté le blâme sur Soccer Canada, une organisation qui ne délivre pas de visas. La délivrance de visas relève de la responsabilité d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.

Monsieur le ministre, pourriez-vous confirmer que votre ministère a traité des demandes de visas et de permis de travail pour l’équipe iranienne de soccer et sa délégation, afin qu’elles puissent entrer sur le territoire canadien? Dans l’affirmative, veuillez nous expliquer pourquoi et nous dire combien de demandes de visas et de permis de travail ont été approuvées.

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Votre Honneur, en ce qui concerne la question de l’honorable sénatrice, je crois que les sénateurs comprendront que ne je suis pas en mesure de faire des commentaires au sujet de dossiers précis de demande de visa.

Cela dit, les familles des victimes du vol PS752 ont subi une injustice flagrante. Nous avons mis en place certaines mesures, notamment en matière d’immigration, mais pas seulement, afin de trouver des façons de mieux soutenir ces familles. J’étais d’accord avec le premier ministre : c’était une mauvaise idée d’inviter l’équipe nationale d’Iran à venir jouer une partie au Canada.

Heureusement, le bon sens a prévalu et, au bout du compte, la partie n’a pas eu lieu. Une autre équipe de soccer s’est proposée en remplacement. Cette partie n’a pas eu lieu non plus, mais pas en raison de problèmes d’immigration ou autres. À ce que j’en sais, c’était à cause des négociations contractuelles entre les athlètes et l’organisation qui les représente.

En tout respect, je n’ai déployé aucun effort particulier au sujet de la partie de soccer dont la sénatrice a parlé.

L’Autorisation de voyage d’urgence Canada-Ukraine

L’honorable Donna Dasko : Merci, monsieur le ministre, d’être avec nous. Ma question concerne l’Ukraine et les efforts du gouvernement pour soutenir les Ukrainiens dans la terrible épreuve qu’ils vivent.

Du 17 mars au 8 juin, votre ministère a reçu environ 296 000 demandes liées à l’Autorisation de voyage d’urgence Canada-Ukraine, dont environ 132 000 avaient été approuvées en date du 8 juin. Cela signifie que moins de la moitié des demandes de cette période ont été approuvées.

J’aimerais que vous nous disiez ce qui pourrait être fait pour accélérer le traitement, quels efforts sont déployés et ce que votre ministère fait pour répondre à ces demandes. Merci.

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Merci beaucoup. Avec tout le respect que je vous dois, je suis extraordinairement fier de ce programme. Combiné à d’autres mesures que nous avons mises en place pour accélérer le traitement des demandes existantes, le programme a permis à plus de 30 000 Ukrainiens de venir au Canada cette année.

(1640)

Pendant longtemps, nous avons traité les demandes selon la norme de deux semaines que nous avions diffusée. Il y a bien sûr des exceptions à cette règle, en fonction des particularités de chaque dossier, mais le traitement accéléré de ces cas ne présente pas un grand défi. Le grand delta que vous voyez entre les approbations et les demandes est davantage un facteur de l’arrivée continue d’un grand nombre de nouvelles demandes.

Un autre élément que je surveille de très près est le delta entre les approbations et les arrivées. Je me suis rendu dans la région avant la réouverture de notre ambassade, non pas en Ukraine, bien sûr, mais en Pologne, ainsi que dans certains autres pays européens. On nous a dit qu’il y a un nombre important de personnes qui souscrivent ce qui ressemble plus ou moins à une police d’assurance parce qu’elles ne veulent pas trop s’éloigner de l’Ukraine. Elles veulent rentrer chez elles dès qu’il sera possible de le faire en toute sécurité.

Nous avons entré tout ce que nous pouvions dans le système pour accélérer le traitement de ces demandes et, franchement, cela fonctionne. Je pense que cette politique est une énorme réussite et qu’elle pourrait à l’avenir servir de base à des modèles de protection temporaire dans différentes circonstances.

[Français]

Les compétences du Québec en matière d’immigration

L’honorable Clément Gignac : Merci, monsieur le ministre, d’être avec nous. En vertu des dispositions de l’Accord Canada-Québec signé en 1991, le Québec a plus de pouvoirs en matière d’immigration que toute autre province, étant responsable de la sélection des travailleurs qualifiés. Or, face au déclin du français dans la région de Montréal où près de 85 % des immigrants choisissent de s’installer lorsqu’ils arrivent au Québec, le Québec a demandé récemment de rapatrier tous les pouvoirs en matière d’immigration. Le premier ministre du Québec a même évoqué le risque que le Québec devienne une autre Louisiane en Amérique du Nord. Je ne vous demanderai pas de commenter ses propos. Toutefois, j’aimerais que vous nous expliquiez les raisons et les motifs de votre réticence à accorder plus de pouvoirs au Québec pour qu’il puisse contrôler tous les outils lui permettant de protéger le français.

L’honorable Sean Fraser, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Selon moi, il est essentiel de protéger et de promouvoir la langue et la culture françaises. Pour obtenir ces résultats, il est essentiel d’augmenter le nombre de nouveaux arrivants francophones qui s’installent au Québec et hors Québec.

Pour ce qui est de l’Accord Canada-Québec, il est important de comprendre qu’il donne déjà le pouvoir au Québec de choisir les personnes les plus compétentes du point de vue linguistique et professionnel. Le gouvernement fédéral a injecté 600 millions de dollars pour soutenir les établissements. En vertu de l’Accord Canada-Québec, le Québec peut accueillir 28 % du total pour le pays. Aujourd’hui, il n’en accueille que 13 %. La différence est de 66 000 personnes par année. Ce chiffre est énorme.

Je crois que nous avons l’occasion d’améliorer la situation à l’aide des outils qui existent en ce moment. J’ai une bonne relation avec mon homologue du Québec. S’il a des suggestions, il peut communiquer avec moi.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la période des questions est terminée. Je suis certain que tous mes collègues se joindront à moi pour remercier le ministre Fraser de s’être joint à nous aujourd’hui.

Merci, monsieur le ministre. Au plaisir de vous revoir.

M. Fraser : Merci à tous. À la prochaine.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Conformément à l’ordre adopté le jeudi 9 juin, je quitte le fauteuil pour que le Sénat se forme en comité plénier afin de recevoir M. Philippe Dufresne relativement à sa nomination au poste de commissaire à la protection de la vie privée. L’honorable sénatrice Ringuette présidera le comité. Afin de faciliter la distanciation appropriée, elle présidera le comité à partir du fauteuil du Président.

[Français]

Le commissaire à la protection de la vie privée

Réception de Philippe Dufresne en comité plénier

L’ordre du jour appelle :

Le Sénat en comité plénier afin de recevoir M. Philippe Dufresne relativement à sa nomination au poste de commissaire à la protection de la vie privée.

(La séance est suspendue et le Sénat se forme en comité plénier sous la présidence de l’honorable Pierrette Ringuette.)


La présidente : Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier afin de recevoir M. Philippe Dufresne relativement à sa nomination au poste de commissaire à la protection de la vie privée.

Honorables sénateurs, durant un comité plénier, les sénateurs s’adressent à la présidente, mais ne sont pas obligés de se lever. Conformément au Règlement, le temps de parole est de 10 minutes — questions et réponses y comprises — mais, tel qu’il est ordonné, si un sénateur n’utilise pas tout son temps de parole, il peut céder le temps qu’il lui reste à un autre sénateur. Le comité accueillera M. Philippe Dufresne, légiste et conseiller parlementaire de la Chambre des communes, et je l’invite maintenant à nous rejoindre.

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, Philippe Dufresne prend place dans la salle du Sénat.)

La présidente : Monsieur Dufresne, j’ai le plaisir de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à faire vos observations préliminaires d’au plus cinq minutes.

[Traduction]

Philippe Dufresne, candidat proposé au poste de commissaire à la protection de la vie privée : Honorables sénateurs, c’est un grand honneur et un privilège pour moi de comparaître devant vous aujourd’hui afin de discuter des qualifications et des compétences qui me serviront à assumer le rôle important de commissaire à la protection de la vie privée du Canada.

Je profite de l’occasion pour vous remercier pour tout le travail que vous accomplissez à titre de parlementaires, qu’il s’agisse de légiférer, de délibérer ou de demander des comptes au gouvernement.

Je dirai d’entrée de jeu que j’ai consacré ma vie professionnelle au renforcement des institutions publiques du Canada ainsi qu’à la protection et à la promotion des droits fondamentaux des Canadiens.

[Français]

J’ai œuvré en ce sens pendant 15 ans dans le contexte des droits de la personne à la Commission canadienne des droits de la personne. Je poursuis ce travail depuis sept ans dans le domaine du droit administratif et constitutionnel en ma qualité de légiste et conseiller parlementaire de la Chambre des communes. J’ai l’intention de continuer dans cette voie si je suis nommé commissaire à la protection de la vie privée.

Avant d’être nommé légiste de la Chambre des communes en 2015, j’ai occupé le poste d’avocat général principal à la Commission canadienne des droits de la personne. J’étais responsable des activités juridiques et opérationnelles de la commission en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, de la Loi sur l’accès à l’information et de la loi régissant la protection de la vie privée.

[Traduction]

J’ai agi comme avocat principal pour la commission dans l’affaire historique concernant l’aide à l’enfance des Premières Nations qui a été portée devant le Tribunal canadien des droits de la personne, laquelle a débouché sur le plus gros règlement du genre de l’histoire du Canada. Auparavant, j’ai été avocat principal dans l’affaire Chambre des communes c. Vaid devant la Cour suprême du Canada. Cette cause fait aujourd’hui jurisprudence en droit canadien en ce qui a trait au privilège parlementaire.

En plus de l’affaire Vaid, j’ai plaidé devant la Cour suprême à 14 occasions distinctes, dans des affaires portant sur des questions telles que le partage des compétences, l’impartialité des tribunaux, les mesures d’accommodement pour les personnes ayant des déficiences, la liberté d’expression, et l’équilibre entre la sécurité nationale et les droits de la personne.

Il existe des corrélations directes entre mon expérience à la commission et le rôle de commissaire à la protection de la vie privée. Mon travail consistait notamment à promouvoir et à protéger les droits fondamentaux et à faire enquête sur des plaintes de manière rapide et équitable sur le plan procédural. Il exigeait d’assurer un juste équilibre entre droits fondamentaux et considérations d’intérêt public et d’être en mesure d’expliquer des concepts complexes en termes simples et de manière accessible. Il impliquait également de travailler avec les secteurs public et privé dans le but de trouver des solutions constructives et d’instaurer une culture axée sur les droits fondamentaux; de prendre en considération les normes et les comparateurs internationaux; et de collaborer avec les homologues provinciaux.

[Français]

Dans mon rôle actuel de légiste et conseiller parlementaire, je suis le conseiller juridique principal de la Chambre des communes et je dirige le bureau chargé de fournir les services juridiques et législatifs à la Chambre et à ses députés. J’ai défendu avec succès les privilèges de la Chambre des communes dans l’affaire Boulerice et al. c. Bureau de régie interne, et al. et j’ai dirigé l’équipe d’avocats qui a représenté le Président de la Chambre des communes dans le contexte de la demande de contrôle judiciaire l’an dernier portant sur les pouvoirs de cette Chambre d’exiger la production de documents.

De multiples comités m’ont chargé d’interpréter et d’appliquer les principes du droit en matière de protection de la vie privée. Tout récemment, on m’a demandé d’examiner les caviardages proposés dans des documents dont des comités avaient exigé la production dans le cadre de leur étude.

[Traduction]

J’ai joué un rôle clé dans l’élaboration de codes et de politiques de prévention du harcèlement sur la Colline et pour ce qui est de garantir un environnement sûr et inclusif pour les députés et les employés. J’ai été fier d’être le champion de la diversité et de l’inclusion à l’Administration de la Chambre durant les cinq dernières années.

Plus récemment, j’ai eu le plaisir et le privilège de témoigner en compagnie de mon collègue légiste et conseiller parlementaire du Sénat devant le Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise.

Tout au long de ma carrière, j’ai toujours accordé la plus haute importance au service public et trouvé qu’il était essentiel de donner en retour à la collectivité et à ma profession.

[Français]

Ainsi, j’ai occupé diverses fonctions au sein de l’Association du Barreau canadien, notamment à titre de président de la Section du droit constitutionnel et d’administrateur au comité exécutif de la Division du Québec. J’ai également été président de la Commission internationale de juristes Canada, une institution qui vise à promouvoir l’indépendance judiciaire au Canada et à l’échelle internationale.

Je crois en l’importance de l’éducation et du mentorat. J’ai enseigné à temps partiel dans plusieurs facultés de droit et je suis juge chaque année au concours bilingue de plaidoirie en droit administratif Laskin.

Dans toutes mes fonctions, j’ai été animé par les valeurs que sont l’équilibre, l’impartialité, l’équité, l’excellence, la primauté du droit, l’intérêt public et le respect des processus démocratiques et législatifs. Si je suis nommé à ce poste, ce sont les valeurs que je compte véhiculer dans l’exercice de mes fonctions de commissaire à la protection de la vie privée du Canada.

(1650)

[Traduction]

Pour toutes ces raisons, j’estime que je peux apporter au poste de commissaire à la protection de la vie privée un éventail vaste et unique d’expériences et de connaissances, de même que la conviction fondamentale que les droits fondamentaux des Canadiens en matière de droit à la vie privée exigent qu’on déploie des efforts vigoureux et constants pour les défendre, les protéger, en faire la promotion et les faire connaître. À titre de commissaire à la protection de la vie privée, ma vision serait de faire valoir que la protection de la vie privée est un droit fondamental, que la protection de la vie privée est un moyen pour favoriser l’intérêt public et appuyer l’innovation et la compétitivité du Canada, et que la protection de la vie privée est un moyen pour accentuer la confiance des Canadiens dans leurs institutions et dans l’économie numérique.

[Français]

En terminant, je veux remercier Daniel Therrien de son travail et de son leadership exceptionnels au cours des huit dernières années. J’ai été impressionné par l’excellent travail réalisé par le commissariat durant son mandat. Si je suis nommé à ce poste, je me réjouis à la perspective d’œuvrer avec ce groupe de professionnels dévoués pour protéger et promouvoir le droit à la vie privée des Canadiens. C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Bienvenue, monsieur Dufresne, et félicitations pour votre nomination. J’ai quelques questions à vous poser. Je tenterai d’être le plus concis possible. Je vous demanderais d’en faire de même dans vos réponses afin que je puisse vous en poser le plus grand nombre possible avant que notre présidence très compétente ne m’interrompe.

En premier lieu, pouvez-vous nous expliquer brièvement quel a été le processus qui vous a mené — et ma question a trois volets — dans cette enceinte aujourd’hui? Quelles ont été les étapes? Avez-vous postulé ce poste ou est-ce que l’on vous a demandé de poser votre candidature? Pourquoi avez-vous décidé de solliciter cette nomination? Qui a procédé à votre entretien pour le poste et quels examens avez-vous faits?

M. Dufresne : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Comme c’est le cas pour toutes les nominations par le gouverneur en conseil, je crois, ce poste a été affiché sur le site des nominations avec les autres postes, et on pouvait voir une liste des exigences et des responsabilités associées à chaque poste. J’ai pris l’initiative de postuler parce que je voyais que c’était l’un des rares postes qui pourrait m’amener à quitter le poste de légiste de la Chambre, que j’adore. J’y voyais aussi une bonne façon de combiner ma carrière à titre d’avocat, mon travail de défenseur et de protecteur des droits fondamentaux, et mon rôle de conseiller de la Chambre. J’ai donc considéré que mes compétences seraient importantes pour ce rôle crucial. J’ai aussi constaté que, comme on s’apprête à moderniser les deux lois, nous vivons un moment important pour la protection de la vie privée, que je considère comme une valeur fondamentale. J’ai donc posé ma candidature.

Pour ce qui est du processus de recrutement, il y a eu un processus de présélection à la suite duquel j’ai été invité à une entrevue à laquelle participaient des représentants de divers ministères, du Cabinet du premier ministre et du monde universitaire. On m’a donc posé beaucoup de questions. À l’étape suivante, il y a eu une évaluation psychométrique à la suite d’une discussion avec le ministre. La décision du Cabinet est venue ensuite.

Le sénateur Plett : Comme vous le savez, M. Dufresne, l’utilisation sans précédent de la Loi sur les mesures d’urgence par le gouvernement Trudeau plus tôt cette année fait l’objet d’une étude par un comité mixte spécial et par la Commission sur l’état d’urgence. Que pensez-vous des répercussions de l’utilisation de la Loi sur les mesures d’urgence sur la protection de la vie privée, que ce soit par votre expérience en tant que légiste de la Chambre des communes ou par votre point de vue en tant que nouveau commissaire à la protection de la vie privée? En tant que commissaire à la protection de la vie privée, vous engagez-vous à effectuer une analyse des répercussions sur la vie privée du recours à la Loi sur les mesures d’urgence ou à rendre publique toute analyse qui aurait déjà été effectuée par le bureau?

M. Dufresne : Sénateur, la loi prévoit des processus de révision des déclarations d’urgence, qui comprennent un examen parlementaire. La commission d’enquête Rouleau qui a été créée en fait partie. Ils ont donc des objectifs complémentaires. Je sais que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre se penche également sur ces questions en ce qui concerne l’invocation, etc.

Pour ce qui est des répercussions en matière de protection de la vie privée, si je suis confirmé dans mon rôle, j’examinerai les questions qui sont soumises au commissariat sous forme de plaintes et nous les traiterons individuellement.

Le sénateur Plett : En 2015, le commissaire sortant a établi quatre priorités stratégiques en matière de vie privée. Voici l’un de ses objectifs :

Aider à créer un environnement en ligne où les gens pourront se servir d’Internet pour explorer leurs intérêts et se développer comme personnes sans craindre que leur trace numérique n’entraîne un traitement injuste.

Adhérez-vous à cet objectif? Comment pensez-vous qu’il soit réalisable?

M. Dufresne : Quand je parle de ma vision en tant que commissaire à la protection de la vie privée, en ce qui concerne la protection de la vie privée comme droit fondamental, et l’équilibre entre l’intérêt public et la confiance, je veux dire que j’estime que les Canadiens devraient avoir suffisamment confiance, quand ils participent à l’économie numérique et quand ils utilisent Internet, que leur vie privée est protégée. En d’autres mots, qu’ils n’ont pas à choisir entre leur droit à la vie privée et leur utilisation d’Internet et de l’économie numérique, dont nous nous servons tous et dont nous tirons des avantages.

En ce qui concerne la protection de la vie privée, j’espère, si ma nomination est confirmée, que je pourrai travailler en vue de faire moderniser les lois tant pour le secteur public que le secteur privé, pour faire en sorte que la vie privée soit protégée d’une façon qui permet aussi d’appuyer l’innovation et l’économie. Encore une fois, l’objectif est que les Canadiens n’aient pas à renoncer à leurs droits pour participer en tant que citoyens numériques.

Le sénateur Plett : Un autre objectif de l’ancien commissaire à la protection de la vie privée était de :

Promouvoir le respect de la vie privée et de l’intégrité du corps humain comme véhicule de nos renseignements personnels les plus intimes.

Est-ce que cet enjeu serait aussi l’un de vos objectifs? Dans l’affirmative, quelles sont vos réflexions sur les mesures prises par le gouvernement fédéral pendant la pandémie, c’est-à-dire de forcer les Canadiens à se faire vacciner et à en montrer la preuve? S’ils doivent en montrer la preuve, c’est loin de respecter la vie privée.

M. Dufresne : En ce qui concerne le dernier aspect de votre question, qui a trait à la pandémie, l’ancien commissaire à la protection de la vie privée, M. Therrien, ainsi que ses homologues provinciaux, n’ont pas tardé à publier des lignes directrices indiquant les pratiques à adopter pour que les mesures soient proportionnelles et conformes au cadre législatif, pour qu’on ne recueille pas plus d’information que nécessaire, et pour que les mesures ne soient pas maintenues plus longtemps que nécessaire. Je souscris donc à ces principes, et la protection de la vie privée touche au deuxième élément de ma vision, soit l’idée de défendre l’intérêt public. On ne devrait pas prendre des mesures qui protègent la vie privée au détriment de l’intérêt public ou de la compétitivité du Canada. Ces aspects vont de pair, et je considère que la protection de la vie privée y contribue, mais que ces efforts doivent être menés de manière à ce que la vie privée soit au cœur des préoccupations et à ce que l’on développe une culture de respect de la vie privée dès la conception. Ainsi, peu importe ce qu’on veut faire, qu’il s’agisse de protéger la santé des Canadiens ou de faire preuve d’innovation, on se demandera comment procéder sans nuire à la vie privée des Canadiens.

Le sénateur Plett : J’aimerais avoir votre avis sur les mesures de protection de la vie privée qui concernent les applications qui se trouvent dans nos téléphones multifonctions. Je sais que tout le monde, moi y compris, clique sur le bouton « J’accepte » qui se trouve à la fin du texte de l’entente de services qui apparaît au moment de télécharger une application, et ce, sans que l’on soit bien au fait des concessions à faire sur le plan de la vie privée en échange du droit d’utiliser l’application. J’ai fait cela à plusieurs reprises, et je pense que c’est aussi le cas de bon nombre d’entre nous, voire de tout le monde. J’aimerais donc avoir votre avis sur le consentement dans ces circonstances. Selon vous, ce genre de consentement est-il essentiel, ou est-ce inutile? J’aimerais connaître votre avis à ce sujet. Je suis inquiet lorsque je clique sur quelque chose sur mon téléphone multifonctions.

M. Dufresne : Vous soulignez un des véritables problèmes, qui a été décrit par certains experts comme étant une culture du « J’accepte », dans laquelle on clique sans nécessairement comprendre. Il arrive souvent que l’on soit pressé au moment d’utiliser ces applications. Il nous faut l’information. Nous y sommes confrontés et nous cliquons dessus sans être d’accord. Moi‑même, il m’arrive souvent de ne pas comprendre ces clauses. Si cela s’avère et qu’un Canadien sans formation juridique examine ces clauses, il n’est pas réaliste de croire qu’il les comprendra bien. Voilà un des éléments qu’il faut examiner du point de vue de ces clauses. Il faut les rendre plus conviviales. Dans certains cas, le consentement pourrait ne pas être requis parce que les fins sont socialement bénéfiques et qu’il n’existe aucune façon pratique d’obtenir de consentement. Les conditions doivent donc être très précises. Il pourrait aussi arriver que les fins ne soient pas justifiées ou proportionnelles et que les individus n’aient pas à y consentir. Nous nous éloignons donc de la délégation aux particuliers pour protéger leur droit à la vie privée pour plutôt veiller à ce que nous disposions de tout un système pour le faire.

(1700)

Le sénateur Plett : Il me reste moins d’une minute, mais je vais poser une question très rapidement. Vous aurez peut-être le temps d’y répondre. Le gouvernement fédéral oblige les Canadiens à utiliser l’application ArriveCAN lorsqu’ils entrent au pays. Pensez-vous que les Canadiens devraient avoir le droit de refuser le recours à une application pour plutôt utiliser des formulaires papier?

M. Dufresne : Je n’ai pas étudié cette question en particulier. À mon avis, certaines attentes concernant la vie privée sont différentes à la frontière, ce qui devrait faire partie d’un tel examen. Cependant, je peux dire que pour cet outil ou tout autre type d’activité gouvernementale, il importe d’inclure la protection de la vie privée dès la conception. Il est important de se poser la question et de concevoir les outils afin qu’il n’y ait pas de répercussions indues sur la vie privée au-delà de ce qui est nécessaire pour des fins légitimes.

Le sénateur Plett : Merci de vos réponses concises. Je crois avoir écoulé mon temps de parole.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie d’avoir présenté votre candidature et d’avoir accepté la nomination. Lorsque j’ai vu vos compétences, je me suis réjouie de votre candidature parce que je pense que vous comprenez les rouages du Parlement et que vous avez travaillé sur des dossiers liés aux droits. Je crois que le temps est tout indiqué pour une personne de votre expérience qui comprendra les droits de tous les Canadiens.

À ce sujet, quelle optique adopterez-vous ou quelle formation sur la diversité prévoyez-vous pour faire en sorte que votre personnel qui examine les questions liées à la protection de la vie privée tienne compte des différents aspects touchant tous les Canadiens?

M. Dufresne : Merci, madame la sénatrice. Il est extrêmement important pour moi d’adopter la bonne optique. Je préconise une optique axée sur la protection de la vie privée — la protection de la vie privée dès la conception —, c’est-à-dire l’examen de tous les gestes posés par le gouvernement ou le secteur privé, la détermination de leurs répercussions et la prise en considération de ces répercussions dès la conception afin qu’elles ne donnent pas lieu à des préoccupations à la fin du processus qu’on devrait ensuite régler.

Je pense que c’est aussi très important sur les plans de la diversité et de l’inclusion. Cela peut également avoir des liens avec la protection de la vie privée. Si les décisions prises par des algorithmes donnent lieu à du profilage ou à des préjugés, entre autres, cela peut soulever quelques inquiétudes.

Parlons maintenant de l’équipe, du personnel. Dans mon poste actuel de légiste de la Chambre, j’ai été champion de la diversité et de l’inclusion et, à ce titre, je suis à la tête d’un groupe d’employés dévoués provenant de tous les secteurs de la Chambre et de tous les échelons, notamment de la direction. Quand j’ai été nommé champion, je leur ai dit que je voulais que nous devenions tous des ambassadeurs de l’inclusion afin que peu importe ce que nous fassions — peu importe notre rôle —, nous nous posions les questions suivantes : quelles sont les répercussions de cette décision que je prends, de cette politique ou de ce comportement que j’adopte? Quels effets cela a-t-il sur la diversité et l’inclusion? Si ce n’est pas quelque chose de positif, nous devrions remettre en question ce comportement, et y mettre fin s’il n’est pas essentiel. J’adopterai cette même approche, si ma nomination est confirmée.

La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup de votre réponse. Ma question serait de savoir si vous allez respecter le même modèle de diversité et d’inclusion dont vous avez parlé plus tôt. En fait, je ne vous poserai pas cette question, car je pars du principe que vous le ferez.

Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion d’étudier certaines des recommandations de l’ancien commissaire à la protection de la vie privée. L’une d’entre elles portait sur la prise de notes réalisée par les agents de sécurité à la frontière. Il a étudié six plaintes à ce sujet, et ses conclusions indiquaient que ces prises de notes n’étaient pas adéquates. Si vous n’avez pas encore lu ces recommandations, je suis disposée à attendre votre réponse. Grâce à votre perspective des droits de la personne en particulier, mais aussi de vos connaissances dans ce domaine, je voudrais savoir si vous allez vous assurer que les agents de sécurité à la frontière prennent des notes de façon adéquate, en particulier à la lumière du nouveau projet de loi S–7 que le ministre a présenté.

M. Dufresne : Le projet de loi S-7 fait l’objet de discussions, notamment en ce qui concerne les normes en vigueur. On s’est interrogé quant à savoir si le recours à cette pratique pouvait avoir des répercussions et mener à des décisions défavorables à l’endroit de certains groupes ou individus par rapport à d’autres. Ce sont les axes que nous étudierons et nous devons nous assurer que nous disposons des renseignements nécessaires afin d’apporter des correctifs à toute méthode qui aurait des répercussions discriminatoires ou des répercussions négatives en matière de protection de la vie privée.

Je pense qu’il faut étudier nos pratiques sous cet angle pour faire en sorte que celles-ci respectent aussi bien la vie privée que les droits de la personne, notamment pour ce qui est de la non-discrimination, car même si cet aspect ne relève pas à proprement parler de ma responsabilité, c’est un principe auquel j’adhère.

La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup.

Le sénateur C. Deacon : Monsieur Dufresne, je vous souhaite la bienvenue au Sénat. Il y a de fortes chances que vous superviserez la plus grande refonte des lois sur la protection des renseignements personnels que le Canada ait connue depuis plusieurs décennies, ainsi que l’augmentation des pouvoirs du commissaire à la protection de la vie privée. Pendant ce temps, l’économie des données a connu une croissance exponentielle. La façon dont le Canada réglemente l’utilisation des données stimulera l’innovation, la croissance de la productivité et la prospérité. Ou pas.

De toute évidence, le rôle du nouveau commissaire à la protection de la vie privée consiste à trouver le juste équilibre. Il doit renforcer et protéger les droits relatifs aux données — ce pour quoi vous êtes éminemment qualifié — tout en favorisant les activités commerciales novatrices et concurrentielles à l’échelle mondiale.

Dans cette optique, pourriez-vous nous dire dans quelle mesure vous jugez important que les lois sur la protection des renseignements personnels favorisent l’innovation dans notre économie? Comment feriez-vous pour que votre équipe possède de l’expérience avec les technologies en rapide évolution, les questions de concurrence, les différents modèles d’affaires et l’interopérabilité mondiale?

J’espère pouvoir poser une deuxième série de questions, mais on verra.

M. Dufresne : Je vous remercie de la question. Cela fait partie intégrante de ma vision à l’égard de mon rôle de commissaire à la protection de la vie privée, si ma nomination est confirmée. J’ai parlé de trois éléments. Le premier est la protection de la vie privée comme droit fondamental. Le deuxième est la protection de la vie privée comme moyen pour favoriser l’intérêt public et appuyer l’innovation et la compétitivité du Canada. Donc, cela fait absolument partie de ma vision. Nous devons adopter un régime qui ne sacrifie pas l’innovation et la compétitivité du Canada, ni la capacité de prospérer de l’industrie canadienne.

Je crois qu’il est possible d’y arriver. Pour ce faire, il faut un régime fondé sur des principes qui respecte la vie privée tout en tenant compte des réalités et des défis de l’industrie canadienne. Selon moi, la protection de la vie privée générera de la confiance et permettra aux Canadiens d’avoir le sentiment de pouvoir participer davantage à l’économie numérique, ce qui, à son tour, sera avantageux pour l’industrie. Je crois qu’il sera bénéfique d’avoir des normes et des règles qui permettent l’interopérabilité pour uniformiser les règles du jeu de sorte que les entreprises canadiennes comprennent les rôles en matière de communication, d’éducation et d’information. D’ailleurs, mon bureau — s’il devient mon bureau — pourra les aider à cet égard.

Pour ce qui est de la composition de l’équipe, dans toutes les fonctions que j’ai assumées, j’ai toujours accordé une grande valeur à la diversité des opinions et des points de vue. Mon point de vue est influencé par mes origines et mon vécu, et j’ai toujours voulu m’entourer de personnes ayant parcouru un chemin différent et possédant une expertise différente pour que nous ayons les meilleurs conseils autour de la table.

Au sein de mon équipe à la Chambre, j’avais recruté des personnes du Sénat — qui sont fantastiques —, des personnes du ministère de la Justice, des personnes du secteur privé et des personnes de la Bibliothèque du Parlement, simplement pour diversifier les points de vue.

C’est en ce qui concerne l’équipe interne, qui est très importante. Je crois cependant également que les liens externes avec les intervenants, les liens avec les industries, que ce soit dans le cadre d’une structure officielle comme un conseil consultatif ou d’une structure informelle, permettent de garder ouverts les canaux de communication. La communication d’informations entre le commissaire et le bureau est utile, mais il faut le faire en tenant compte des défis auxquels l’industrie doit faire face. Je crois que c’est une chose que je suis en mesure de faire grâce à mon parcours d’avocat dans le domaine des droits de la personne, mais également grâce au fait que je suis un employeur et le chef d’une organisation. J’ai donné des conseils au sujet du respect des lois, mais j’ai également eu à respecter ces lois moi-même. Je comprends donc les défis de l’industrie relatifs à ces pressions et priorités concurrentes; cela doit être fait dans le respect des obligations envers les intervenants, les parlementaires et les Canadiens.

Ce sont les éléments qui comptent pour moi. Je mettrai en place les réseaux et les structures requis pour...

Le sénateur C. Deacon : Merci, c’est bon à savoir. En ce qui concerne les consultations, le gouvernement du Canada a plutôt eu tendance à communiquer plutôt qu’à consulter véritablement. J’espère que vous aurez l’ambition voulue pour établir une nouvelle norme à ce sujet en raison de la transition en cours.

(1710)

Enfin, j’aimerais que vous parliez un peu de ce que vous ferez pour gérer le fardeau de l’application lié à la mise en œuvre de la nouvelle législation en matière de protection des renseignements personnels afin que cette mise en œuvre ne nuise pas à l’innovation, à la croissance de la productivité et à la compétitivité.

M. Dufresne : Vous abordez un certain nombre d’éléments.

Évidemment, ce sera le Parlement, et non moi, qui déterminera le contenu du projet de loi. Le Commissariat à la protection de la vie privée jouera un rôle en formulant des avis et des conseils. Bien sûr, l’industrie a également un rôle à jouer pour fournir des avis au Parlement, mais aussi au Commissariat à la protection de la vie privée dans le cadre de ce processus.

Je travaillerai avec le projet de loi que le Parlement décidera d’adopter, et avec l’équipe, pour veiller à ce qu’il soit aussi convivial que possible pour les Canadiens et l’industrie. Nous parlions de la difficulté de comprendre les dispositions sur le consentement et de la façon dont elles peuvent constituer un fardeau pour les individus. Je pense que c’est également vrai en ce qui concerne le fardeau qui pèse sur les organisations qui doivent se conformer aux cadres juridiques. Les obligations sont nombreuses.

Dans mon rôle à la Chambre, j’ai dû superviser la conformité au projet de loi C-65 sur la santé et la sécurité, la conformité à l’équité salariale et aux régimes proactifs d’équité salariale, la conformité à l’accessibilité proactive et à la divulgation proactive de renseignements financiers. Ce sont toutes des tâches fondamentales, mais qui demandent du travail. Elles imposent un fardeau aux organisations et aux dirigeants qui sont déjà surchargés.

Toute mesure que les régulateurs peuvent prendre pour faciliter les choses — pour orienter les incitatifs dans la bonne direction — constitue une étape positive.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Merci d’être parmi nous, monsieur Dufresne. Je sais que vous avez une longue expérience avec les parlementaires canadiens.

Ma question consiste en une mise en situation. Supposons que vous êtes confirmé dans le poste que vous sollicitez actuellement, et supposons également que le gouvernement qui est au pouvoir en ce moment appuie un projet de loi ou présente un projet de loi qui fait l’objet d’une dénonciation, sur le plan d’un manquement à la protection de la vie privée, de la part de plusieurs personnes et organismes. Que feriez-vous si le comité responsable de faire l’étude des projets de loi vous invitait à témoigner et à participer à l’étude de ce projet de loi?

M. Dufresne : Merci, sénatrice. Évidemment, je vais toujours, dans mon rôle de commissaire à la protection de la vie privée, donner mon avis aux comités parlementaires qui me le demanderont. Je crois que c’est l’un des éléments importants du rôle du commissaire à la vie privée.

Grâce à mon expérience de légiste à la Chambre des communes, j’ai eu l’occasion, à plusieurs reprises, de comparaître et donner des avis aux comités parlementaires dans plusieurs domaines de droit. Je continuerai à le faire comme commissaire à la vie privée, avec l’optique de donner le meilleur avis possible et l’avis le plus équilibré possible conformément aux valeurs que je vais véhiculer, c’est-à-dire en reconnaissant les droits à la vie privée comme des droits fondamentaux, mais en comprenant également l’intérêt public et la nécessité d’avoir des lois pratiques et réalistes, qui peuvent susciter la confiance des Canadiens.

Dans une situation où il y aurait de l’opposition, je me demanderais si c’est une opposition que mon bureau et moi devrions partager, en entendant évidemment les points de vue divergents et en donnant le meilleur avis possible, tout en étant conscients du poids que les représentations du commissaire à la vie privée peuvent avoir. Je le ferais avec la responsabilité qui vient avec cette influence.

La sénatrice Bellemare : J’aurais une question complémentaire.

Dans cette mise en situation, est-ce que vous commenteriez publiquement un projet de loi de votre propre initiative si vous jugiez qu’il enfreint la vie privée des Canadiens et des Canadiennes?

M. Dufresne : Je pense que c’est une situation qui doit être évaluée au cas par cas. Cependant, je dirais qu’à première vue, le mandat du commissaire à la vie privée est de protéger la vie privée des Canadiens et d’en faire la promotion. Je pense que ce serait une réflexion très importante à faire. Y aurait-il des circonstances qui feraient en sorte que ce n’est pas approprié de le faire de manière proactive? À première vue, cela me semble être une des responsabilités d’un mandataire du Parlement de faire des commentaires, que ce soit dans un rapport annuel ou dans un rapport spécial. J’aime croire que le commissariat est et restera un centre d’excellence en matière de vie privée et qu’on nous invitera à commenter des projets de loi en la matière.

La sénatrice Bellemare : Merci, monsieur Dufresne.

La sénatrice Gerba : Je vais aller dans le même sens que mon collègue le sénateur Deacon. Monsieur Dufresne, Shopify était autrefois une petite entreprise en démarrage; c’était un détaillant de planches à neige fondé par un néo-Canadien. Cette entreprise s’est transformée pour devenir une vitrine pour les entrepreneurs du monde entier. Elle s’est développée si rapidement qu’elle a été l’entreprise canadienne qui a atteint le plus rapidement un milliard de dollars de ventes annuelles à l’échelle mondiale. Nous souhaitons, bien entendu, avoir plus d’entreprises comme celle-là. Cependant, ce genre d’entreprise utilise essentiellement des données personnelles, ce qui requiert une vigilance accrue.

Monsieur Dufresne, comment pensez-vous que votre bureau pourra protéger les données personnelles des Canadiens sans nuire à la prospérité des entreprises canadiennes innovantes comme Shopify?

M. Dufresne : Merci de votre question. Je pense que c’est important d’avoir cet équilibre, et ce n’est pas une situation où l’on devrait sacrifier l’un au profit de l’autre. Il faut assurer la protection de la vie privée comme un droit fondamental et le faire de manière à stimuler et à encourager l’innovation et l’industrie. Je le ferai en m’assurant, dans la mesure où je peux commenter les lois, que le point de vue et les réalités de l’industrie sont pris en compte et font partie de l’analyse. Il faut que ce soit possible et réaliste pour l’entreprise de le faire, mais il ne faut pas que cela se fasse au détriment des droits fondamentaux. C’était la même chose en ce qui a trait aux droits de la personne. Je crois qu’il est possible de le faire et je crois que le commissaire à la vie privée peut jouer un rôle de guide et d’interlocuteur auprès de l’industrie. Le commissariat a un mandat de protection et de promotion.

Vous donnez l’exemple d’une entreprise plus petite qui entre dans le marché. Le commissariat peut peut-être avoir des gabarits et de l’information. Il peut accompagner les industries. Dans le projet de loi C-11, on parle de l’approbation de codes de pratique par le commissariat, d’audits et de vérification proactive. Je pense que c’est important d’avoir ces échanges dès le début et de générer cette culture de vie privée, mais de ne pas le faire au détriment de l’efficacité et de la bonne opération des entreprises.

Ainsi, on a un régime juridique qui est à la hauteur et il est compatible avec les régimes internationaux et les régimes provinciaux. À ce moment-là, on nivelle vers le haut, à la fois en matière de protection de la vie privée, mais aussi en matière d’innovation. C’est quelque chose qui a toujours été très important pour moi, que ce soit dans mon rôle à la Commission des droits de la personne ou à la Chambre des communes : les principes fondamentaux ne devraient pas être protégés au détriment de l’intérêt public, à moins que ce ne soit impossible. Il faut mettre tous nos efforts là-dessus : les incitatifs à cheminer dans la bonne direction, la communication, l’identification des enjeux et travailler ensemble pour trouver des solutions.

La sénatrice Gerba : Merci.

Le sénateur Gignac : Merci d’être avec nous, monsieur Dufresne. J’aimerais vous féliciter pour votre parcours professionnel, qui est quand même très impressionnant.

Monsieur Dufresne, la taille de l’économie axée sur les données connaît une croissance exponentielle. Le prestigieux MIT a estimé que le volume des données augmente de plus de 40 % par année. Un peu dans la lignée de la question du sénateur Deacon, pouvez-vous expliquer comment vous voyez votre rôle pour faire en sorte que les Canadiens vont profiter davantage de la valeur de leurs données, tout en veillant à ce qu’ils contrôlent également la façon dont celles-ci seront utilisées?

M. Dufresne : Merci de cette question. Le troisième élément de la vision que j’ai mise de l’avant est la protection de la vie privée comme un accélérateur de la confiance des Canadiens à l’égard de l’économie numérique, entre autres. Je pense que c’est là où il y a un rôle à jouer.

Des statistiques du Bureau du commissaire à la vie privée, dans le plan annuel de 2022-2023, indiquaient que, selon des sondages, seulement 38 % des Canadiens étaient d’avis que l’industrie respectait leur droit à la vie privée. C’est une statistique préoccupante, qui montre bien la perception de ceux et celles qui ont été interrogés. L’objectif du bureau, que je partage, est que ce nombre soit beaucoup plus élevé, soit de 90 % environ. La façon d’encourager et de rassurer les Canadiens par rapport à cela est d’avoir un régime juridique fort, fondé sur une bonne loi et de bons principes. Il nous faut une loi qui est raisonnable et équilibrée, mais qui traite la vie privée comme un droit fondamental. Il est primordial d’avoir des entités comme le commissaire à la vie privée, qui ont les ressources et le mandat nécessaires pour jouer ce rôle de promotion et de protection. Il est important que les Canadiens sachent qu’en participant à l’industrie, ils jouissent de certaines protections et qu’ils comprennent ce à quoi ils consentent, ce pour quoi leurs données seront utilisées, ce qui fera en sorte qu’il y ait des incitatifs à la participation à cette économie. Ainsi, cela devient un endroit où on veut participer et transiger.

(1720)

Lorsqu’on parle de régimes d’État de droit, pour la même raison, c’est bon pour l’industrie, parce qu’elle sait qu’elle peut s’appuyer sur le régime et ses principes. Il faut une bonne loi, des ressources, un organisme et une bonne connaissance du régime, que le Commissariat à la protection de la vie privée peut sans doute favoriser et renforcer. Il faut aussi prévoir des incitatifs qui vont dans la bonne direction, que ce soit pour encourager les consommateurs à participer en les rassurant et en leur offrant de l’information de qualité, ou pour encourager l’industrie à l’aide de normes qui sont claires et réalistes, en lui fournissant de l’aide en matière d’information et d’échanges, de sorte à éviter un jeu à somme nulle. L’augmentation de l’un ne signifie pas la réduction de l’autre. Je pense qu’il faut augmenter les deux et qu’il est possible de le faire.

Le sénateur Gignac : Merci, monsieur Dufresne.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Félicitations pour votre nomination. Votre curriculum vitæ est très impressionnant, tant sur le plan académique que professionnel. Si vous le permettez, j’aimerais vous poser quelques questions sur des études de cas afin de savoir comment vous réagiriez.

Ma première question porte sur un dossier dont vous avez peut‑être entendu parler dans les médias. On a signalé des cas d’inconduite au sein de l’Agence des services frontaliers du Canada. Pendant le dernier exercice financier, l’ASFC a jugé que 92 de ces cas étaient fondés et que, parfois, des membres de l’ASFC avaient des liens — incluant le trafic de stupéfiants — avec une organisation criminelle à l’extérieur du travail.

Comme vous le savez, les membres du personnel de l’ASFC ne sont pas obligés de subir un test polygraphique annuel au sujet de leurs activités à l’extérieur du travail. En tant que commissaire à la protection de la vie privée, seriez-vous contre le fait que l’ASFC impose un test obligatoire annuel?

M. Dufresne : J’examinerais également ce cas en fonction des circonstances particulières et de l’objectif particulier d’une mesure. Il faut aborder la chose du point de vue de la protection de la vie privée, en songeant à la protection de la vie privée dès la conception. Il faut tenir compte de la nécessité et de la proportionnalité.

Il faudrait établir l’objectif et la nécessité, et plus la mesure que vous décrivez est intrusive, plus elle devrait être jugée nécessaire. Je n’émettrai pas de commentaires au sujet d’une situation hypothétique pour l’instant, mais j’examinerai chaque cas en fonction de ces principes de nécessité et de proportionnalité.

Le sénateur Downe : Je reçois de nombreuses plaintes de Canadiens à propos de leurs interactions avec l’Agence du revenu du Canada. En effet, même s’ils sont prêts à lever leur droit à la protection de leurs renseignements personnels afin de pouvoir parler publiquement de leur mauvaise expérience auprès de l’agence, cette dernière utilise la Loi sur la protection des renseignements personnels comme bouclier pour se soustraire à sa responsabilité et à la nécessité de rendre compte de ses actions, sous prétexte que la loi lui interdit de discuter d’un dossier en particulier. Les Canadiens se font ensuite servir la même rengaine, à savoir que l’agence prend au sérieux toutes leurs préoccupations et prend toutes les mesures nécessaires pour apporter les correctifs nécessaires. Bien entendu, tout est faux, car elle agit de la même manière avec la prochaine personne.

Croyez-vous que si un Canadien lève son droit de protection de ses renseignements personnels afin de parler de son dossier en public, surtout dans les médias, le gouvernement devrait être tenu de divulguer l’information qu’il détient à propos du dossier de cette personne?

M. Dufresne : Il existe des critères pour déterminer si un élément d’information est du domaine public, notamment dans les cas où une personne lève ses droits et que cette information devient publique, mais il faudrait consulter le dossier. Je ne voudrais pas me prononcer sur un cas en particulier avant qu’il n’ait été soumis à mon bureau à des fins d’examen.

Le sénateur Downe : Comme vous le savez probablement, le paragraphe 8(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels dit ceci :

Les renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale ne peuvent être communiqués, à défaut du consentement de l’individu qu’ils concernent...

 — ce sont les mots-clés, selon moi —

... que conformément au présent article.

Autrement dit, l’individu peut consentir à la communication des renseignements personnels détenus par une institution fédérale. Si une personne a donné son consentement, pourquoi permettrait-on que les organismes et les ministères, au lieu de communiquer les renseignements, se cachent en quelque sorte derrière la Loi sur la protection des renseignements personnels alors qu’ils pourraient dire, dans bien des cas, « nous avons commis une erreur, nous avions tort »?

M. Dufresne : Encore une fois, il faudrait que je prenne connaissance des arguments, de ce qui sous-tend la position du ministère et des raisons invoquées pour refuser la communication des renseignements. Il y a souvent beaucoup de contexte autour de ces questions. J’hésiterais donc à formuler un point de vue sans avoir entendu les deux camps.

Le sénateur Downe : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Dufresne, je vous offre mes félicitations pour votre nomination.

Lorsque je regarde vos états de service, je me dis que vous étiez destiné à occuper cette fonction. Les risques d’atteinte à la vie privée ont beaucoup augmenté au cours des cinq à dix dernières années, et vous savez comme moi que l’une des portes d’entrée qui sont prisées par les fraudeurs, c’est le numéro d’assurance sociale. Cette pièce d’identité est désuète en 2022, mais combien nécessaire pour décrocher un emploi ou obtenir une hypothèque.

Vous avez sûrement déjà consulté les documents du commissariat qui datent de 2014 à 2017. Par ailleurs, je vous dirais qu’à l’ère de la reconnaissance faciale et vocale et de la biométrie, le Canada fait piètre figure parmi les pays modernes avec sa carte d’identité à neuf chiffres.

J’aimerais connaître votre vision et vos projets pour inciter le gouvernement à développer rapidement un nouveau mode d’identification des citoyens qui soit plus sécuritaire.

M. Dufresne : Je vous remercie de la question.

En fait, c’est un élément qui a fait l’objet de discussions, notamment à la Chambre des communes. La réalité à ce chapitre, c’est que, comme dans toute chose, il y a énormément de potentiel dans le domaine de l’identité numérique. En effet, l’idée selon laquelle le numéro d’assurance sociale n’est probablement pas la meilleure façon d’identifier les citoyens a été mentionnée.

Quant à savoir si cela peut être fait, mon point à ce sujet serait d’y appliquer le prisme de la vie privée. Ce serait de savoir quelles sont les réalités de ce programme, quels en sont les risques, les implications et les impacts, parce qu’on ne veut pas régler un problème et en créer un autre. Il y a des risques à ce que tout ce qui est numérique soit distribué encore plus rapidement.

À mon avis, c’est quelque chose qui a du potentiel et qui me semble intuitif comme solution d’avenir. C’est pourquoi je pense qu’il faut le faire de façon prudente en analysant toutes les implications et en intégrant le concept de la vie privée dans sa conception même.

Le sénateur Dagenais : Dans son rapport final, votre prédécesseur a prévu une augmentation significative du nombre de demandes et de plaintes au cours des prochaines années, notamment en raison des dossiers d’immigration et de réfugiés.

Est-ce que le budget du commissariat devrait être augmenté en conséquence, car on constate que son budget est assez semblable pour les années à venir? De plus, croyez-vous que certains dossiers risquent d’être mis de côté si le gouvernement ne revoit pas le financement du commissariat?

M. Dufresne : Si ma nomination est confirmée, évidemment, j’aurai beaucoup plus de détails sur ce genre de question. Ce que j’ai vu jusqu’à présent, c’est que M. Therrien a déjà présenté une demande en ce sens au Secrétariat du Conseil du Trésor et que le commissariat attend une décision quant à des ressources supplémentaires en raison de l’extension nº 3 de la portée de la vie privée, notamment en matière d’immigration.

J’attendrai certainement de voir la réponse à cette demande. S’il n’y a pas de ressources supplémentaires, on a aussi mentionné l’utilisation stratégique des ressources du commissaire lui permettant de mettre l’accent sur certains dossiers, et c’est quelque chose que j’ai fait lorsque j’étais à la Commission canadienne des droits de la personne. J’avais adopté une approche de litige stratégique pour consacrer davantage de ressources aux dossiers qui avaient un impact plus important, soit de par leur nature ou quant au nombre de Canadiens concernés.

Quant à l’ancien projet de loi C-11, une des critiques qui avaient été véhiculées, c’est qu’on imposait au commissaire à la protection de la vie privée la responsabilité de vérifier les codes de pratique, mais sans lui donner la discrétion de choisir lesquels.

Il faudra examiner tout cela. Il y a aussi l’arrivée potentielle — et prochaine, je l’espère — de la modernisation de la loi en matière de vie privée qui pourrait, selon les dires de M. Therrien, permettre de doubler les ressources du commissariat et de créer de nouvelles structures, notamment pour prendre des décisions face à des ordonnances.

Ce sont des défis que j’ai très hâte de relever si je suis confirmé dans le poste. Je l’ai fait à la Commission canadienne des droits de la personne et dans mon rôle au Bureau du légiste; j’ai fait augmenter les ressources du bureau pour faire face à de nouvelles obligations juridiques et j’espère avoir du succès en la matière.

(1730)

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup.

La sénatrice Martin : Bienvenue et félicitations pour votre nomination. Monsieur Dufresne, je sais que vous connaissez le rapport qui a été publié récemment sur l’application de la chaîne Tim Hortons. Ce rapport a révélé que Tim Hortons n’a pas recueilli et utilisé à des fins appropriées une grande quantité de données de géolocalisation et qu’elle n’avait pas obtenu le consentement valable et adéquat des utilisateurs de l’application dans la collecte et dans l’utilisation de ces données.

Monsieur Dufresne, vous aurez la responsabilité de surveiller le respect des engagements pris par cette société sur le plan de la suppression de ces données de géolocalisation et d’établir un programme de gestion de la vie privée. La société mère de Tim Hortons possède également d’autres restaurants.

Allez-vous exiger que les applications de ces restaurants soient toutes conformes à la loi? Comment allez-vous contrôler la conformité et combien d’autres entreprises sont dans la même situation que Tim Hortons, à votre avis?

M. Dufresne : Je vous remercie de cette question. Je ne peux pas faire de commentaires sur le dernier aspect de votre question, à savoir combien d’autres entreprises se trouvent dans cette situation, mais ce que je peux vous dire, c’est que, dans le cas de Tim Hortons et dans le rapport qui a été publié par le Commissariat à la vie privée, non seulement sur le plan fédéral, mais aussi sur le plan provincial, nous avons constaté une violation de la loi. Cette violation a été résolue de façon conditionnelle, parce que la chaîne Tim Hortons s’est engagée à supprimer les données et à améliorer ses mécanismes de responsabilité en matière de protection de la vie privée.

Il est évident que, si je suis confirmé dans ces fonctions, je serai en mesure d’assurer le suivi et de veiller à ce que ces engagements soient effectivement respectés. Cela nous ramène à certains des éléments dont nous avons discuté aujourd’hui, à savoir l’importance d’avoir un objectif légitime lorsque nous obtenons des renseignements personnels des Canadiens.

Dans ce cas-ci, il s’agissait d’une collecte très large de données de géolocalisation qui suivaient les Canadiens dans leurs déplacements, bien plus que ce qui était nécessaire pour les besoins commerciaux de l’entreprise. Il y avait des préoccupations quant au consentement approprié. Les explications qu’on a données aux utilisateurs étaient déficientes quant au fait que cette pratique allait se poursuivre, même si l’application était désactivée. Le contrat et ses dispositions mêmes étaient également beaucoup trop permissifs quant à l’usage qui pouvait être fait de cette information.

Encore une fois, c’est une question de responsabilité ou de mise en place de mécanismes de responsabilisation en matière de vie privée. Voilà donc un exemple de ce que nous pouvons faire pour améliorer la situation, soit promouvoir la protection de la vie privée dans la conception même de ces applications, afin que cela devienne un réflexe et que les gens disposent des outils nécessaires pour dire : « C’est peut-être une bonne idée de faire ça, mais faisons tout pour nous assurer que cela se fait en conformité avec des principes valables en matière de vie privée. »

La sénatrice Martin : Merci.

[Traduction]

En février, votre prédécesseur, M. Therrien, a fait savoir que l’Agence de la santé publique du Canada avait informé — pas consulté, mais informé — son bureau au sujet de données sur la mobilité concernant 33 millions de Canadiens qui ont été recueillies et utilisées sans leur consentement pendant la pandémie de COVID-19. M. Therrien a également déclaré que son bureau a proposé d’examiner les moyens techniques utilisés pour anonymiser ces données et d’offrir des conseils, mais le gouvernement a refusé et a dit qu’il s’en remettrait plutôt à d’autres experts.

M. Dufresne, ce récent incident, où le gouvernement Trudeau a mis sur la touche et rejeté les conseils du commissaire à la protection de la vie privée, vous préoccupe-t-il au moment où vous vous apprêtez à assumer vos nouvelles responsabilités?

M. Dufresne : Cette question a été étudiée par le Comité de l’éthique de la Chambre des communes, qui a publié un rapport et formulé un certain nombre de recommandations. Il est ressorti des témoignages qu’il y a eu des échanges et des discussions entre le commissaire et le gouvernement, et que le gouvernement a décidé de faire appel à ses experts pour voir si les données avaient été dépersonnalisées, et de quelle manière, et si des mesures de protection étaient en place.

Cette situation a suscité des inquiétudes quant au caractère suffisant de la dépersonnalisation, et une plainte a été déposée auprès du bureau du commissaire. Je ne ferai donc pas de commentaires à ce sujet, si ce n’est pour dire que la plainte a été examinée et qu’elle montre que, souvent, il est utile que le commissaire examine les cas.

Le sénateur Wells : Je vous félicite pour votre nomination, monsieur Dufresne.

Comme vous le savez sans doute, le gouvernement a proposé, dans le projet de loi S-7, qui modifie la Loi sur les douanes et la Loi sur le précontrôle de 2016, de présenter un nouveau critère juridique moins strict pour l’examen des appareils numériques personnels par l’ASFC et par les contrôleurs américains. Le critère juridique proposé est appelé « préoccupations générales raisonnables »; si un agent a une préoccupation générale raisonnable au sujet d’un voyageur en particulier, l’appareil numérique de celui-ci pourrait être examiné en profondeur ailleurs, sans restriction et sans motif.

Comme vous le savez, un appareil numérique personnel peut contenir toutes sortes de choses : des dossiers de santé personnels, de la correspondance, des renseignements bancaires — tout, y compris l’empreinte de quelqu’un sur Internet et son historique de recherche.

Le projet de loi a maintenant été amendé par notre Comité de la sécurité nationale et de la défense afin de relever le seuil à partir duquel un appareil numérique personnel peut être examiné. Plutôt que des « préoccupations générales raisonnables », il serait question de « motifs raisonnables de soupçonner ». Comme vous le savez, les « motifs raisonnables de soupçonner » sont déjà bien définis en droit canadien. Ce n’est pas ambigu. Le comité a cru que le critère des « préoccupations générales raisonnables » ne devait pas justifier une fouille des biens privés et personnels de chacun.

Ainsi, la question que je vous pose, monsieur Dufresne, est la suivante : que pensez-vous du critère de « préoccupations générales raisonnables » proposé initialement par le gouvernement par opposition à celui des « motifs raisonnables de soupçonner » proposé en amendement, qui est bien établi et éprouvé par les tribunaux?

M. Dufresne : Je vous remercie de la question.

C’est une question qui a déjà été soulevée. Un certain nombre d’interlocuteurs ont soulevé des préoccupations sur le nouveau critère des « préoccupations générales raisonnables », proposé après que la Cour d’appel de l’Alberta, dans la décision Canfield, a invalidé la loi et a conclu qu’il fallait mettre en place des normes et que c’était au Parlement de le faire.

Lors de son témoignage au Comité de l’éthique, le commissaire Therrien a exprimé des réserves au sujet de ce critère, tout comme l’Association canadienne des libertés civiles et la sénatrice Paula Simons. On a fait valoir que le critère des « préoccupations générales raisonnables » était trop vague, qu’il ne s’agissait pas d’un critère juridique établi, qu’il n’était pas assez objectif et qu’il pouvait entraîner un profilage dans la mesure où des normes aussi subjectives pourraient être employées de façon démesurée contre certaines personnes.

Lors de son témoignage, le commissaire Therrien a dit que le gouvernement n’avait pas présenté de données probantes pour justifier l’emploi de ce critère, et qu’il allait attendre qu’on lui en soumette.

Je crois donc que ce serait au gouvernement d’expliquer en quoi cela serait justifié.

Le sénateur Wells : Quel est votre avis sur la question?

M. Dufresne : Je suis d’avis que le critère des « motifs raisonnables de soupçonner » est un critère objectif bien établi. Je dirais donc que c’est un critère qui aurait de meilleures chances d’être maintenu sans que l’on ait à fournir des données probantes ou une justification, ce que le gouvernement est peut-être en mesure de fournir pour son critère, mais je n’ai rien vu de tel.

Le sénateur Wells : Je vous remercie.

J’ai une petite question complémentaire. Que pensez-vous de l’intérêt grandissant du gouvernement pour la collecte de données personnelles et privées des Canadiens au moyen de la collecte et du dépouillement de métadonnées et du téléchargement obligatoire d’applications gouvernementales?

M. Dufresne : Pour chaque initiative qui est prise, je l’envisagerais du point de vue de la confidentialité. Quel est l’objectif? Pourquoi cherche-t-on à obtenir cette information? Qu’en fera-t-on? Est-ce légitime? Y a-t-il proportionnalité et nécessité? Les utilisateurs savent-ils que l’information est utilisée?

Le sénateur Wells : J’ai une dernière question. Si vous êtes nommé commissaire à la protection de la vie privée, vous engageriez-vous à faire des déclarations publiques à cet égard, ou attendriez-vous qu’un signalement soit fait à votre bureau?

M. Dufresne : Il faudrait voir au cas par cas s’il s’agit d’une déclaration, d’une prise de position, d’un rapport, d’une vérification proactive ou d’une plainte émanant de la commission. Le commissaire dispose d’un certain nombre d’outils qui doivent être utilisés judicieusement. Cela dépendrait donc vraiment des circonstances.

Le sénateur Wells : Merci, monsieur Dufresne.

(1740)

Le sénateur Loffreda : Monsieur Dufresne, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada. Félicitations pour votre nomination en tant que prochain commissaire à la protection de la vie privée du Canada. Je suis très impressionné par votre biographie et votre curriculum vitæ. Toutes mes félicitations.

J’aimerais poursuivre sur la question de la consultation auprès du milieu des affaires du Canada. Comme vous le savez, la richesse est très souvent — je ne dirai pas toujours — créée par les entrepreneurs et les entreprises. Vous avez mentionné que le respect de la vie privée est une valeur fondamentale, et le lien de confiance est extrêmement important en affaires, comme vous le savez.

Votre prédécesseur, M. Therrien, a parlé du besoin d’assurer l’interopérabilité des lois canadiennes sur la protection de la vie privée avec les lois à l’étranger, ce qui serait dans l’intérêt des entreprises canadiennes. Êtes-vous du même avis et consulteriez-vous les entrepreneurs pour obtenir leurs conseils à ce sujet? De plus, consulteriez-vous vos homologues internationaux pour que nous puissions mettre en commun des pratiques exemplaires? Qu’en pensez-vous? Êtes-vous d’accord? Comment procéderiez-vous?

M. Dufresne : Merci, sénateur. Sur la question primordiale de la consultation, je suis d’accord avec vous. Je pense que c’est quelque chose d’important pour le commissaire. Si je deviens commissaire, je consulterai mes homologues provinciaux ou internationaux pour déterminer quelles sont les pratiques exemplaires, ce qui fonctionne ou non et quels éléments le Canada devrait intégrer. Encore une fois, ce ne sera pas, en fin de compte, ma décision, mais je suis reconnaissant du fait que j’aurai mon mot à dire. Je saisirai l’occasion pour conseiller le Parlement de mon mieux en examinant le Règlement général sur la protection des données et les différents régimes existants, ainsi qu’en me penchant sur ce qui se fait dans les provinces et ailleurs, ce qui me permettra de recueillir des renseignements à ce sujet. J’aurai aussi des discussions avec des membres de l’industrie pour leur demander ce qui les préoccupe. Cependant, à première vue, c’est une bonne idée de mettre en avant le concept de l’interopérabilité, en nous assurant que le principe et l’application de la loi fédérale sont conformes aux pratiques exemplaires internationales et provinciales.

Puis, il y a la question des secteurs public et privé. Nous avons la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Il y a de plus en plus de partenariats public-privé entre le gouvernement et l’industrie. Il est donc important que leurs principes soient compatibles. À mon avis, ce sont des aspects positifs pour l’industrie, mais cela ne me dérangerait pas que l’industrie me dise le contraire. J’écouterais volontiers le point de vue de ses membres.

Le sénateur Loffreda : Merci.

La sénatrice Pate : Merci. Je vous souhaite la bienvenue au Sénat et je vous félicite de votre nomination. Compte tenu de la mission du commissariat, qui consiste à protéger et à promouvoir le droit des personnes à la vie privée, et compte tenu du fait que le respect des lois est l’une des deux principales responsabilités du commissariat et qu’un rapport publié en 2021 indique que le commissaire dispose de divers pouvoirs pour faire respecter les lois — il est notamment habilité à convoquer des témoins, à faire prêter serment et à exiger la production d’éléments de preuves —, comment comptez-vous vous assurer que les ministères seront tenus de rendre des comptes dans les cas de non-respect des mesures de protection de la vie privée, que cela concerne la communication de renseignements et — comme d’autres sénateurs l’ont souligné — le fait de se cacher derrière ces mesures? J’aimerais plus particulièrement parler de la capacité à entamer des poursuites judiciaires devant les tribunaux fédéraux, car — contrairement à vos prédécesseurs — on observe que vous avez tendance à ne pas y avoir recours. Hésiteriez-vous à recourir à ce type de poursuites?

M. Dufresne : J’estime que le commissaire doit envisager tous les outils à sa disposition et les utiliser lorsque cela est indiqué. Je crois fermement à l’éducation, à la promotion, à la communication, à la résolution et à la recherche de solutions comme point de départ. Toutefois, je crois également fermement à l’aspect de la conformité. C’est une question de promotion et de protection. C’est ce que j’ai constaté à la Commission canadienne des droits de la personne également. Il existe une dualité semblable, où l’on fait beaucoup d’efforts pour travailler en collaboration. Dans certains cas, la voie judiciaire est nécessaire parce qu’on ne parvient à aucune entente ou parce que la loi est ambiguë peut-être et qu’un jugement de la cour s’impose pour déterminer la voie à suivre. Dans de tels cas, il est approprié de faire appel aux instances judiciaires et je n’hésiterais aucunement à me prévaloir de cette option.

Certains, dont le commissaire à la protection de la vie privée, réclament que l’on confère au commissaire le pouvoir de rendre des ordonnances et le pouvoir de recommander ou d’imposer des sanctions. J’estime que tous ces éléments renforceraient la fonction de protection, l’accéléreraient et contribueraient à régler certains cas. Encore une fois, je ne dis pas que ces pouvoirs devraient être utilisés fréquemment, mais leur existence serait avantageuse pour renforcer le régime et faire respecter plus tôt et plus rapidement les droits des Canadiens.

La sénatrice Pate : Merci.

Le sénateur Woo : Bienvenue, monsieur Dufresne. Je voudrais vous poser une question au sujet des liens entre la politique relative à la protection des renseignements personnels et la politique relative à la concurrence et connaître votre point de vue au sujet de la coopération entre le bureau du commissaire à la protection de la vie privée et celui du commissaire de la concurrence. D’après vous, quel serait le niveau approprié de collaboration entre les deux bureaux, notamment en tenant compte du fait que la loi prévoit certaines interdictions à leur collaboration présentement? Vous attendez-vous à un plus grand besoin de pouvoirs d’application en raison de la puissance et de l’importance croissantes des données dans l’économie du pays?

M. Dufresne : Merci de votre question. Je n’ai pas examiné en détail les liens entre la concurrence et la protection de la vie privée, mais je dirais que toutes les lacunes relatives au cadre juridique devraient être réglées. Aucun secteur ne devrait passer entre les mailles des régimes réglementaires et, lorsque c’est approprié, il est bénéfique pour les entités réglementaires comme le commissaire à la protection de la vie privée, le commissaire de la concurrence et le commissaire à l’information, entre autres, d’avoir de tels échanges. Il peut y avoir des secteurs où l’information est confidentielle et où la communication des renseignements n’est pas appropriée, mais il faut s’assurer que l’interdiction de communication repose sur une décision et pas uniquement sur le fait que le secteur concerné n’a simplement pas été visé par un examen.

Le sénateur Woo : En principe, seriez-vous favorable à ce que le Commissariat à la protection de la vie privée communique des renseignements au Bureau du commissaire de la concurrence? L’inverse est permis en ce moment, mais le Commissariat à la protection de la vie privée ne peut communiquer de renseignements au Bureau du commissaire de la concurrence.

M. Dufresne : Je devrai examiner cette proposition et entendre diverses opinions à ce sujet. Comme je n’ai encore entendu aucun argument en faveur de cette idée ou contre, je vais devoir me pencher sur la question avant de répondre.

La présidente : Honorables sénateurs, le comité siège maintenant depuis 65 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 9 juin 2022, je suis obligée d’interrompre les délibérations afin que le comité puisse faire rapport au Sénat.

Monsieur Dufresne, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être joint à nous aujourd’hui.

Des voix : Bravo!

La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que le témoin a été entendu?

Des voix : D’accord.


Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

[Français]

(1750)

Rapport du comité plénier

L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, le comité plénier, qui a été autorisé par le Sénat à entendre M. Philippe Dufresne relativement à sa nomination au poste de commissaire à la protection de la vie privée, signale qu’il a entendu ledit témoin.

[Traduction]

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2022

Deuxième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moncion, appuyée par l’honorable sénatrice Pate, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures.

L’honorable Lucie Moncion : Comme je l’ai dit, le plaisir durera plus longtemps.

Je vais revenir sur les améliorations apportées au projet de loi.

La partie 1 du projet de loi C-19 élargit les critères d’admissibilité par rapport à la déficience des fonctions mentales ainsi qu’à la catégorie des règles relatives aux soins thérapeutiques essentiels du Crédit d’impôt pour personnes handicapées. C’est quelque chose que j’ai dit juste avant que nous nous arrêtions, je répète donc cette partie avant de passer à autre chose.

Grâce à un amendement adopté à l’unanimité, les personnes atteintes de diabète de type 1 sont automatiquement admissibles au Crédit d’impôt pour personnes handicapées. Cela améliore nettement le projet de loi, et je suis très reconnaissante que tous les partis de l’autre endroit lui aient donné leur appui.

Il y a ensuite la taxation du vin. L’autre endroit a tenu compte des préoccupations des intervenants et a adopté un amendement qui exempte le miel, le vin et les cidres de la taxe d’accise et applique l’abrogation de l’exonération de la taxe d’accise à compter du 30 juin 2022.

Le prochain amendement porte sur une mesure dans la partie 1 qui permettrait aux organismes de bienfaisance enregistrés de conclure des partenariats pour des fins charitables avec des organismes qui ne sont pas des donataires reconnus. Cette mesure répond directement au projet de loi S-216, Loi sur l’efficacité et la responsabilité des organismes de bienfaisance, qui est une autre mesure législative parrainée par notre collègue la sénatrice Omidvar. Pour vraiment respecter l’intention du projet de loi et mettre fin au régime de direction et de contrôle, un amendement adopté à l’unanimité supprime le renvoi aux conditions prévues par règlement et supprime la section intitulée « Versement admissible ». Bien que très techniques, ces amendements étaient d’une importance capitale pour les intervenants qui ont comparu devant le Comité des finances de la Chambre des communes.

Passons maintenant à la contribution du Sénat au projet de loi.

[Français]

Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour souligner les réussites du Sénat et les interventions de certains de nos collègues en ce qui a trait au projet de loi C-19. Je suis fière que les travaux de la Chambre haute et le travail de mes collègues soient une inspiration pour des projets de loi du gouvernement. Ce n’est pas une première, mais ce projet de loi d’exécution du budget contient un bon nombre de mesures qui ont été développées en premier lieu par des sénateurs.

Comme je l’ai déjà mentionné, je pense notamment aux deux projets de loi de la sénatrice Omidvar, soit le projet de loi S-216, la Loi sur l’efficacité et la responsabilité des organismes de bienfaisance, et le projet de loi S-217, la Loi sur la réaffectation des biens bloqués.

Je me permets également de souligner les amendements qui ont été proposés à la Loi sur le Parlement du Canada, qui sont une preuve de l’engagement du gouvernement pour ce qui est de son appui en faveur d’une transition vers un Sénat plus indépendant et moins partisan.

[Traduction]

De plus, la loi d’exécution du budget corrige une erreur de rédaction dans la Loi sur la sécurité de la vieillesse, qui avait été soulevée lors de nos discussions sur le projet de loi C-12. Le sénateur Quinn et nos collègues du Groupe des sénateurs canadiens ont joué un rôle important pour que cela se produise. La modification indique clairement que le paiement unique versé en août 2021 aux personnes âgées de 75 ans et plus est exempté de l’évaluation de l’état des revenus au titre du Supplément de revenu garanti.

En dernier lieu, les modifications à la Loi sur la concurrence mettent en œuvre le travail de notre très estimé ancien collègue le sénateur Wetston. Je souligne que la dernière modification de la Loi sur la concurrence remonte à 2009 et qu’elle faisait partie du projet de loi C-10, la loi d’exécution du budget de cette année. Dans le contexte de l’évolution constante de la technologie, et plus particulièrement de l’émergence des plateformes numériques, en octobre 2021, le sénateur Wetston a invité les Canadiens à participer à une consultation afin de trouver une voie à suivre concernant une loi sur la concurrence au Canada.

S’appuyant sur cette consultation, le sénateur Wetston a tenté de cerner des modifications potentielles à la loi en fonction des domaines de consensus substantiel.

La section 15 de la partie 5 s’inspire grandement de son travail, et je suis heureuse que le gouvernement reconnaisse son important héritage.

Les modifications proposées sont également le fruit d’un dialogue politique continu avec les intervenants au Bureau de la concurrence et sont, en partie, éclairées par les témoignages des intervenants au Comité permanent de l’industrie et de la technologie.

[Français]

La Loi sur la concurrence joue un rôle essentiel dans la protection des consommateurs et la promotion de marchés dynamiques et équitables. Comme je le disais, la loi n’a pas été modifiée de manière notable depuis 2009, ce qui soulève des questions quant à sa pertinence dans l’économie d’aujourd’hui.

Par conséquent, le gouvernement a décidé de procéder à sa modernisation en deux phases. Les amendements ciblés proposés dans le projet de loi C-19, dans le cadre de la première phase, permettront au Canada de se conformer davantage aux pratiques internationales exemplaires et fourniront des avantages immédiats et tangibles aux consommateurs et aux entreprises. Le gouvernement entreprendra ensuite un examen afin de poursuivre la réforme en envisageant de faire des changements encore plus transformateurs.

Pour les consommateurs, un marché concurrentiel se traduit par un plus grand choix, à des prix plus bas. Le gouvernement propose donc d’élargir la portée de la conduite assujettie à un examen par le bureau, ce qui contribuera à dissuader les comportements anticoncurrentiels et trompeurs. Les amendements clarifient les pratiques qui nuisent aux consommateurs en matière d’affichage de prix partiel.

Pour les travailleurs, un marché concurrentiel stimule l’économie et crée des emplois bien rémunérés. Lorsque les employeurs doivent se faire concurrence quant à l’offre de salaires et de conditions d’emploi, les travailleurs en profitent. Les amendements criminaliseront expressément les accords entre employeurs.

En ce qui concerne les entreprises, elles bénéficient d’une concurrence libre et équitable où l’innovation et le dynamisme peuvent s’épanouir. Le projet de loi C-19 favorise un tel environnement en améliorant l’accès à la justice pour les entreprises par l’entremise du Tribunal de la concurrence pour les cas d’abus de concurrence dominante et en élargissant les pouvoirs du bureau et la portée des activités assujetties à un examen par l’ajout de pénalités proportionnelles.

De manière générale, les amendements que propose le gouvernement permettront de renforcer les pouvoirs d’enquête du Bureau de la concurrence; d’interdire, pour motif pénal, la fixation des salaires et des accords connexes; d’augmenter les amendes maximales et les sanctions administratives pécuniaires; de préciser que l’affichage de prix partiel constitue une indication fausse ou trompeuse; d’élargir la portée des pratiques commerciales qui peuvent constituer un abus de position dominante; de permettre l’accès privé au Tribunal de la concurrence pour remédier à un abus de position dominante; enfin, d’améliorer l’efficacité des avis de fusion et d’autres dispositions.

Même avec un projet de loi d’exécution du budget, notre travail peut faire une différence. Je remercie tous les sénateurs qui ont participé à son élaboration.

En conclusion, honorables sénateurs, il ne s’agit là que d’un échantillon de quelques-unes des mesures importantes contenues dans le projet de loi C-19. Elles permettront de mettre en œuvre un grand nombre d’engagements pris par le gouvernement dans le budget de 2022, afin de faire croître l’économie du Canada et de rendre la vie plus abordable pour les Canadiens.

J’espère que mes collègues se joindront à moi pour appuyer l’adoption de ce projet de loi.

Je vous remercie de votre attention.

Des voix : Bravo!

L’honorable Éric Forest : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Moncion : Oui.

Le sénateur Forest : On parle, dans le projet de loi C-19, d’un crédit de 750 millions de dollars consacré au transport public et au logement. Avez-vous une idée de la répartition du montant entre les deux objectifs poursuivis?

En ce qui concerne le logement, il y a un manque incroyable de logements dans toutes les catégories, mais particulièrement pour les personnes seules et les familles. Est-ce que, dans le projet de loi, on a eu cette sensibilité de fournir plus précisément des logements plus grands pour les familles, et des logements plus petits pour les personnes âgées?

Enfin, mon passé professionnel m’amène à préciser un point. Pour que la précision soit faite dans le hansard, c’est l’Union des municipalités du Québec qui nous a écrit une lettre, et non la Fédération québécoise des municipalités.

La sénatrice Moncion : Je vous remercie de votre question. En ce qui concerne la somme de 750 millions de dollars, la première condition rattachée à ce transfert aux provinces est que le crédit doit être adossé, c’est-à-dire que les provinces doivent également fournir la somme de 750 millions de dollars.

La division entre le transport en commun et les logements se fera en fonction des pertes financières associées au transport en commun, et le reste du montant sera associé au logement. On s’attend donc à ce qu’une plus grande part des montants soit associée au logement.

(1800)

Il y a également une responsabilité sur le plan municipal, où l’on demande aux municipalités de travailler avec les intervenants locaux, le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral pour répondre à la demande de logements abordables dans les différentes catégories que vous avez mentionnées. Je ferai la correction dans le discours au sujet des acronymes des différents groupes. Je vous remercie de votre question.

Le sénateur Forest : Les municipalités sont fort importantes, parce que ce sont elles qui lancent les projets, particulièrement les projets de logement social, avec la société d’habitation populaire. À l’époque de la SCHL, il y avait une contribution municipale à la hauteur de 20 % à 25 %. Au cours des dernières années — et on va voir l’impact de tout cela —, la participation des municipalités a augmenté et se situe maintenant à plus de 45 %. C’est pour cela qu’elles ne construisent plus de logements. Est-ce que vous pensez que la participation financière des municipalités sera ramenée au niveau de 25 %?

La sénatrice Moncion : Je vous remercie de la question. Je pourrais vérifier, sénateur Forest. Ce que je peux vous dire, c’est que ce n’est pas une information qui faisait partie du projet de loi, mais votre question pourrait être posée à des fins de précision. Je suis certaine qu’il y a quelqu’un de mon bureau qui écoute et qui pourra potentiellement vous donner une réponse.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligé de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, à moins que le Sénat ne consente à ce que la séance se poursuive. Si vous voulez suspendre la séance, veuillez dire « suspendre ».

Une voix : Suspendre.

Son Honneur le Président : J’ai entendu un « suspendre ». La séance est suspendue jusqu’à 20 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moncion, appuyée par l’honorable sénatrice Pate, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures.

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler du projet de loi C-19, la Loi d’exécution du budget, plus précisément d’un petit article qui ajoute une nouvelle infraction au Code criminel. En effet, le projet de loi C-19 crée une nouvelle infraction pour interdire la communication de déclarations, autrement que dans une conversation privée, qui fomentent volontairement l’antisémitisme « en cautionnant, en niant ou en minimisant l’Holocauste ». Ce nouvel acte criminel serait assorti d’un emprisonnement maximal de deux ans.

Je dois dire aux sénateurs que l’Holocauste occupait une grande place dans mon imaginaire d’enfant, quand je grandissais à Edmonton dans les années 1970. La famille de mon père était l’une des rares familles albertaines à avoir réussi à parrainer des membres de la famille qui étaient parvenus à quitter une Autriche occupée par les nazis en 1938, quelques semaines à peine avant la Nuit de cristal.

Mackenzie King était un antisémite poli et, devant les réfugiés juifs, son gouvernement adoptait une attitude de tolérance zéro. Malgré cela, la cousine de la mère de mon père, Luba, a tout de même obtenu l’appui du député de Vegreville, lequel, d’après les récits familiaux, s’est démené pour obtenir un décret spécial autorisant les visas qui permettraient à Rosa, cousine germaine de ma grand-mère, à son époux, Hans, et à leurs jeunes enfants, George et Helen, de s’échapper de Vienne juste à temps.

C’était pratiquement un miracle, à une époque où le Canada avait à toutes fins utiles fermé la porte aux Juifs désespérés. La plupart des Juifs européens n’ont pas été aussi chanceux. En septembre 1941, les nazis ont occupé la région de Poltava, dans l’Ukraine actuelle, d’où était originaire la famille de ma grand-mère. En novembre de cette année-là, tous les résidents juifs de cette communauté autrefois florissante avaient été exécutés. Les nazis n’ont même pas attendu de les envoyer dans des camps de concentration; ils les ont simplement tous abattus.

De l’autre côté de ma famille, la famille de ma mère était composée de personnes d’ethnicité germanique vivant dans cette même partie de l’Union soviétique que nous appelons aujourd’hui l’Ukraine. Lors de l’invasion nazie, le père et les oncles de ma mère ont été enrôlés de force dans l’armée allemande. Mon grand-père a péri sur le front russe. Mais un de mes grands-oncles — grand, blond, courtois et cultivé — a fini par être recruté dans l’élite de la Waffen-SS. Il a passé le reste de sa vie à essayer d’expier cela.

La guerre était un sujet de discussion courant quand j’étais jeune, mais je peux mettre le doigt sur le moment exact où l’Holocauste est devenu plus réel pour moi. J’avais 8 ans et j’étais en troisième année. Cette année-là, j’avais une enseignante juive qui a pensé, avec toutes les bonnes intentions, que j’aimerais peut-être lire les petits contes de fées écrits par Anne Frank alors qu’elle se cachait dans son sanctuaire, l’annexe secrète. Je ne pense pas que mon enseignante voulait que je lise le journal d’Anne Frank lui-même, mais je l’ai trouvé et je l’ai lu de toute façon, et j’étais obsédée. Je n’étais pas trop jeune pour le lire, mais j’étais beaucoup trop jeune pour l’horreur de son message. À 8 ans, j’ai passé les semaines suivantes à la recherche d’endroits, dans la maison de mes parents, où nous pourrions nous cacher quand les nazis arriveraient. Peut-être le placard de cèdre dans le sous-sol? Non, trop petit. La chaufferie? Trop évident. Les recoins du grenier? Peut-être.

En grandissant, je suis devenue un peu obsédée par l’Holocauste. J’ai utilisé mon formulaire du club de lecture Scolastic pour commander tous les livres que je pouvais trouver, de Quand Hitler s’empara du lapin rose à The Rise and Fall of Adolph Hitler par William L. Shirer.

Je savais que les Allemands n’étaient pas des monstres, qu’ils étaient des gens ordinaires comme mes chers oncles et tantes. Toutefois, des millions d’Allemands ordinaires ont été séduits et corrompus par le dangereux piège de l’antisémitisme, au point où ils étaient prêts à fermer les yeux ou même à offrir leur collaboration avec enthousiasme pendant que leurs amis, leurs voisins et leurs connaissances de la communauté juive étaient regroupés, arrêtés et massacrés.

Je ressemblais beaucoup à Anne Frank. À 8 ans, je me suis demandé si, un jour, mes gentils voisins, des Canadiens ordinaires, allaient me dénoncer ainsi que les gens qui me ressemblaient. J’avais les cheveux foncés et bouclés, des lunettes épaisses et un nez proéminent. Était-ce suffisant pour que quelqu’un veuille me tuer ou me perçoive comme un être inférieur?

Soyons très clairs. Il n’y a pas de débat de bonne foi ni de remise en question possible en ce qui a trait à l’Holocauste, qui est l’une des atrocités de l’histoire moderne les mieux documentées. Tous ceux qui remettent en question toutes les horreurs de l’Holocauste, qui en nient l’existence ou qui en minimisent l’importance ne se livrent pas à un vrai débat intellectuel; ils propagent la haine. Ceux qui nient l’existence de l’Holocauste propagent la haine. Toute manière de remettre en question l’existence de l’Holocauste est en soi antisémite.

La minimisation de la Shoah est tout aussi ignoble. Quand des personnes qui s’opposent aux règles liées au port du masque épinglent une étoile jaune à leur poitrine ou qu’elles osent comparer les exigences liées à la vaccination aux crimes de guerre nazis qui ont été jugés à Nuremberg, leur appropriation simpliste de l’horreur de l’Holocauste souille la mémoire de tous ceux qui en sont morts ou qui y ont survécu.

Pourtant, mes amis, je prends la parole au Sénat aujourd’hui pour m’opposer aux efforts du projet de loi C-19 visant à criminaliser le déni ou la minimisation de l’Holocauste.

L’adjonction de sanctions pénales à de telles déclarations et actions n’atténuera pas l’antisémitisme. En revanche, cela offrira aux néo-nazis et aux racistes une plateforme pour jouer les martyrs, pour se draper dans le discours sur la liberté d’expression et pour réclamer l’attention du public en tant que faux défenseurs de la liberté intellectuelle. Cela vous amuse? Pas moi. Vous devriez cesser de rire. Comment puis-je savoir que cela ne fonctionnera pas?

Il y a 40 ans, l’Alberta était ébranlée par un débat politique et juridique portant sur le déni de l’Holocauste, avec les procès de Jim Keegstra, qui avait été enseignant de sciences sociales au secondaire à Eckville. Il enseignait à ses élèves que l’Holocauste était un canular orchestré par un complot juif international pour contrôler le monde de même que l’économie mondiale. Il a enseigné cette haine horrible durant des années sans qu’un directeur ou qu’un administrateur l’en empêche, jusqu’à ce qu’une mère héroïque, Susan Maddox, entreprenne une lutte pour le congédiement de Jim Keegstra, ce qu’elle a finalement obtenu en 1982. Deux ans plus tard, on lui retirait son brevet d’enseignement.

Vous pourriez penser que jusque-là, tout va bien. Or, en 1984, Jim Keegstra a aussi été visé par des accusations au criminel pour avoir fomenté volontairement la haine. Cette affaire, qui s’est rendue jusqu’à la Cour suprême deux fois — on peut parler d’un aller-retour —, s’est finalement conclue en 1996 avec une condamnation et une peine de 200 heures de service communautaire. C’était, au mieux, une victoire à la Pyrrhus.

Le précédent juridique historique de la cause Keegstra a établi la constitutionnalité des dispositions législatives canadiennes interdisant les propos haineux. Hélas, cela veut probablement dire que les dispositions sur le déni de l’Holocauste du projet de loi C-19 sont aussi parfaitement constitutionnelles. Pourtant, loin de faire taire M. Keegstra, ces 12 années de procédures d’appel et de nouveaux procès lui ont donné une tribune d’intimidation pour se faire le faux défenseur des libertés civiles et pour amplifier ses théories du complot. Il s’est régalé de sa notoriété nationale.

(2010)

En 1987, il est passé d’enseignant de village à chef du Parti Crédit Social du Canada. Entretemps, l’avocat de M. Keegstra, Doug Christie, qui niait lui aussi l’Holocauste, a utilisé la notoriété qu’il avait gagnée dans ce travail de défense pour devenir le fondateur et le chef du parti Western Canada Concept. Pendant que MM. Keegstra et Christie faisaient les manchettes et répandaient des mensonges allègrement, les crimes haineux antisémites en Alberta ont en fait grimpé en flèche.

Quelle est la morale de l’histoire? Premièrement, nous n’avons pas besoin de cette nouvelle disposition législative. Comme la cause Keegstra le montre bien, nier l’Holocauste est déjà un crime haineux; cette mesure est redondante. Deuxièmement, et plus important encore, les poursuites de ce genre ont souvent des conséquences néfastes et inattendues.

L’ajout en catimini d’une modification au Code criminel dans un projet de loi d’exécution du budget pourrait bien ouvrir la porte à des centaines de nouveaux semeurs de haine et bigots qui joueront les victimes, qui se démèneront pendant leur heure de gloire et qui déverseront leur fiel au moyen de tous les médias sociaux, d’une façon que M. Keegstra n’aurait jamais imaginée ou rêvée. Il n’avait qu’un petit auditoire captif : les élèves d’Eckville. Aujourd’hui, les antisémites et les gens qui nient l’Holocauste déversent leur fiel à des centaines de milliers de personnes au moyen d’un simple clavier.

J’ai consacré ma vie entière à la défense de la liberté d’expression et des libertés civiles. C’est ce que m’ont appris à faire mon regretté père, mon regretté oncle et mon regretté grand-père, tous des fervents défenseurs juifs des libertés civiles qui m’ont enseigné tôt à ne pas croire en un État protecteur.

Je ne crois pas que nous pouvons lutter contre la haine en criminalisant les discours, peu importe à quel point ils sont infâmes ou trompeurs, ni en les muselant, même si c’était possible. Il n’est pas utile de pousser les gens à dissimuler leur haine, la laissant ainsi couver et s’envenimer.

Une fois que nous commençons à criminaliser les discours et à décider ce qui est vrai ou faux, une fois que nous nous servons du Code criminel et des tribunaux pénaux pour réduire au silence les méchants groupes politiques marginaux, nous nous engageons dans une voie qui nous mène exactement où nous ne souhaitons pas aller. Par ailleurs, la décision d’insérer subrepticement cette nouvelle infraction dans la loi d’exécution du budget, où elle ne peut pas être débattue en bonne et due forme et faire l’objet d’un vote indépendant, ne fera que convaincre les paranoïaques et les complotistes qu’ils ont raison. Cette stratégie fait le jeu des arnaqueurs et filous de l’extrême droite.

Je suis convaincue que le gouvernement était animé de bonnes intentions en mettant cet article dans le projet de loi C-19. Après tout, c’est une mesure que de nombreux membres de la communauté juive ont réclamée. Je sais que bon nombre d’entre eux seront en profond désaccord avec moi et, d’après ce que je sais de ma communauté, ils n’hésiteront pas à me le faire savoir.

Mon père demandait toujours, sur le ton de la plaisanterie : « Est‑ce que c’est bon pour les Yidden? ». « Est-ce que c’est bon pour les Juifs? ». Ce projet de loi n’est pas bon pour les Juifs ni pour le Canada d’ailleurs. Rien de bon n’en ressortira.

Au lieu de criminaliser les mensonges et les discours haineux, répliquons avec la vérité. Nous pourrions nous assurer de raconter, encore et encore, la véritable histoire de l’Holocauste et de l’ascension d’Hitler. Nous pourrions archiver les histoires des survivants afin de ne pas les oublier et de les mettre en valeur, avant que ceux-ci ne disparaissent et qu’ils emportent avec eux leurs témoignages.

Particulièrement dans le contexte actuel, au vu de la multiplication des crimes haineux, de la propagation de la haine sur les plateformes de réseaux sociaux, de la montée du racisme et de l’antisémitisme, des semeurs de haine et des néonazis qui défilent fièrement dans nos rues, des parlementaires canadiens ordinaires qui adhèrent aux théories du complot et aux affirmations antisémites et les diffusent, d’un nouveau sondage d’Abacus Data qui indique qu’un tiers des Canadiens croient en partie à la théorie antisémite du grand remplacement, nous devons dénoncer les mensonges et défendre la vérité.

Au lieu d’arrêter et de condamner tous les trolls et autres semeurs de haine sur le Web — une mission quasi impossible —, nous devrions nous évertuer à obliger les géants du Web à être plus transparents et responsables, car leurs algorithmes favorisent et promeuvent les discours haineux et incendiaires.

Permettez-moi une dernière histoire. En 2019, Bibliothèque et Archives Canada a fait l’acquisition d’un livre extraordinaire. Ce mince ouvrage, produit par les services de renseignement allemands en 1942, explique où et comment trouver les Juifs en Amérique du Nord. Il commence par des données sur les États-Unis, mais la dernière partie du livre comprend des données démographiques précises sur les Juifs canadiens.

Que trouve-t-on au verso de la couverture? Un ex-libris qui se lit comme suit : « Adolf Hitler ». Oui, le pays possède le guide de chasse aux Juifs ayant appartenu à Hitler. Il contient des rapports démographiques sur la langue maternelle et les origines nationales des Juifs du Canada. Il commence par Montréal, Toronto et Winnipeg, les villes où se trouvaient les plus importantes populations juives à l’époque.

Le livre indique également qu’il y avait précisément 1 622 Juifs à Calgary et 1 057 à Edmonton. Qui se trouvait parmi ces Juifs précisément dénombrés à Edmonton? Mon père, mes tantes, mes oncles et mes grands-parents.

Pensez-y : Hitler avait dénombré avec précision chacun des membres de ma mishpachah juive-canadienne. Les membres de ma propre famille, qui vivaient paisiblement au Canada. Absolument tous les Juifs du Canada avaient été localisés, dénombrés et décrits.

Lorsque j’ai eu ce livre entre mes mains — un livre ayant appartenu à Hitler, un livre que l’architecte de la Shoah avait probablement lui aussi tenu entre ses mains —, cela m’a donné froid dans le dos. J’avais entre les mains une preuve du plan des nazis de mettre en œuvre l’Holocauste au Canada.

L’Holocauste n’est pas simplement quelque chose qui est arrivé à « ces gens-là » « là-bas ». Cela aurait pu se produire ici même. Quant à la haine et aux forces du mal qui ont engendré l’Holocauste? Elles n’ont pas disparu. Elles sont omniprésentes une fois de plus.

Déjà, je riais en pensant à moi, à l’âge de 8 ans, qui me cachais des nazis imaginaires dans le garde-robe de ma mère. Or, quand je vois des antivaccins porter leur fausse étoile jaune, quand je vois des gens manifester dans les rues de notre capitale en brandissant la croix gammée, quand je lis les courriels que je reçois débitant des infamies antisémites, je ne ris plus.

Cela dit, criminaliser le fait de nier ou de minimiser l’Holocauste, quoi que cela signifie, n’est pas la solution. Ce projet de loi est dangereux. Il est malavisé. Il aide et encourage ceux qui voudraient nous diviser et nous détruire. Ainsi, pour l’amour du Canada qui m’est si cher, ce pays qui a procuré asile et paix à ma famille, je ne peux appuyer ce projet de loi et ne l’appuierai pas.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénatrice Simons, tout d’abord, je vous remercie pour ce discours. Je ne vous poserai pas de question sur l’Holocauste et sur votre point de vue à ce sujet. Je pense que vous êtes la mieux placée, en tant que juive, pour parler de l’Holocauste, puisque vous connaissez le sujet à cause de votre famille. Vous portez certainement un regard critique là-dessus.

Cela dit, vous avez élargi votre propos en disant que le Web est plein de discours haineux, ce qui est vrai. Nous sommes face à un problème de société incroyablement difficile où la criminalisation n’est évidemment pas la solution. Nous sommes face au Web, où les préjudices causés aux jeunes, aux femmes et aux personnes vulnérables sont énormes. Quand les jeunes se suicident à cause de ce qu’ils voient et perçoivent comme de la haine sur Internet, il faut s’interroger sur cette liberté d’expression à laquelle je souscris, tout comme vous. Nous avons été toutes les deux journalistes, mais nous ne sommes plus en mesure de réagir à la question, car il est difficile d’y répondre individuellement.

La question est la suivante : que fait-on pour contrer cette haine, qui ne porte pas précisément sur l’Holocauste, mais qui circule sur Internet? On ne peut pas dire qu’on va y répondre de cette façon et qu’on va y opposer la vérité.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Simons, votre temps de parole est écoulé. Souhaitez-vous disposer de plus de temps pour répondre à la question?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je vous accorde cinq minutes.

[Français]

La sénatrice Simons : Je vous remercie, Votre Honneur. C’est une bonne question et c’est la vraie question : elle est au cœur même de ce débat. Je voudrais répondre en français, mais pour moi c’est un peu plus difficile.

[Traduction]

J’ai dîné récemment avec Taylor Owen, qui a signé avec madame la juge Beverley McLachlin le rapport publié le mois dernier qui portait sur la façon de contrer les préjudices en ligne. Selon les auteurs du rapport, il est impossible de contrecarrer chaque occurrence de discours haineux ou chaque préjudice. Il faut plutôt aller directement aux plateformes.

Nous avons eu une conversation très intéressante, lors de ce dîner, sur les mesures prises en Grande-Bretagne et dans l’Union européenne pour contraindre les plateformes telles que Facebook et Twitter à faire preuve de plus de transparence, à rendre des comptes et à réaliser une évaluation des risques pour ainsi répondre à l’énorme quantité de plaintes.

Selon moi, nous devons commencer par là. Nous devons exiger une plus grande imputabilité de la part de ces géants des technologies, non seulement à l’égard du contenu dont ils permettent la publication sur leurs plateformes, mais aussi de ce que les algorithmes choisissent de mettre en haut de la page. Ce sont les contenus qui provoquent de fortes réactions qui font gonfler les statistiques de YouTube, de Facebook, de Google. Les messages les plus haineux ou incendiaires sont donc ceux qui sont transmis au plus grand nombre d’utilisateurs.

(2020)

Je ne pense pas qu’il soit utile de criminaliser la stupidité vile et haineuse de chaque Canadien. Nous devons aller à la source du poison dans le puits. C’est probablement une mauvaise métaphore, car c’est la médisance que l’on a toujours utilisée contre les Juifs, à savoir qu’ils empoisonnaient le puits. C’est peut-être pour cela qu’elle m’est venue à l’esprit de manière si désinvolte. En vérité, tant que notre société ne sera pas prête à affronter ce que nous faisons, peu de choses changeront.

Honorables sénateurs, comment est-il possible qu’au Canada, en 2022, des politiciens de la majorité se servent des tropes de l’antisémitisme? Que faisons-nous pour dénoncer cela? Que faisons-nous pour dire : « J’ai lu The Rise and Fall of Adolf Hitler quand j’avais 10 ans. Je connais cette histoire »? Il incombe à chacun d’entre nous dans cette enceinte de se demander : qui soutenons-nous? À qui faisons-nous des dons? Quelles sont les causes que nous cautionnons? Qu’allons-nous faire pour nous assurer que notre capitale et notre pays ne soient pas envahis par des personnes dont les intentions ne sont que maléfiques?

L’honorable Rosa Galvez : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Simons : Oui.

La sénatrice Galvez : Je vois de nombreuses similitudes entre ce que vous dites et les questions relatives à la pollution de la diffusion et à la pollution de la source. Je penche aussi en faveur de s’attaquer à la source plutôt que de gérer les conséquences en amont.

Le temps presse en ce qui concerne les Juifs et l’histoire mondiale. Bientôt, il ne restera que très peu de personnes qui pourront témoigner de leur expérience de ces événements. Comme vous l’avez si bien dit, comment pouvons-nous maintenir ces mémoires en vie afin de ne jamais oublier?

La sénatrice Simons : Dans ce même budget, des fonds additionnels sont prévus entre autres pour les installations et les musées pour ne pas oublier l’histoire de l’Holocauste. Il ne reste que très peu de temps pour enregistrer sur support audio ou vidéo les témoignages directs des survivants.

Aussi tragique que fût l’Holocauste, l’histoire va se répéter un jour ou l’autre. Malheureusement, l’antisémitisme n’est pas tombé dans l’oubli. Au cours des deux dernières années où nous avons combattu la COVID-19, on a remarqué une résurgence accélérée de l’antisémitisme — comme un zombie qui revient nous hanter. Le déni de l’Holocauste est aussi réel aujourd’hui qu’il l’était il y a 50 ans. D’abord, c’est absolument crucial que nous enregistrions la mémoire des personnes qui ont souffert et qui sont encore en vie pour en témoigner, même si à l’époque elles n’étaient que des enfants.

En ce qui concerne toutes les horreurs de ce monde — et Dieu sait qu’il y a eu beaucoup d’autres horreurs et d’autres génocides, qui glissent dans l’oubli avec chaque année qui passe —, ce qui m’inquiète, ce n’est pas seulement que nous finirons par oublier l’Holocauste, mais aussi que nous finirons par oublier les leçons tirées de la montée d’Hitler. Nous voyons des hommes puissants, dans plusieurs pays partout dans le monde, se livrer à des comportements qui auraient été familiers aux gens de 1934 et de 1935. Nous devons nous souvenir des victimes de l’Holocauste, mais nous devons aussi nous rappeler que nous descendons du monde laissé derrière par l’Holocauste. Si nous ne pouvons pas tirer des leçons de l’histoire, les conséquences pour les générations à venir seront extrêmement problématiques.

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la loi d’exécution du budget, et je concentrerai mes observations sur les questions avec lesquelles j’ai directement interagi.

Avant de commencer, je tiens à remercier quelques femmes parlementaires remarquables dans cette enceinte et sur la Colline du Parlement. La sénatrice Moncion arrive en première place sur ma liste. Ce n’est pas la première fois qu’elle parraine un projet de loi d’exécution du budget compliqué qui comporte de nombreux éléments. Elle l’a fait avec sa rigueur, sa grâce et son élégance habituelles, qui nous ont amenés jusqu’ici aujourd’hui.

Je tiens également à remercier la sénatrice Marshall, qui nous a toujours aidés à mieux comprendre diverses questions financières, que ce soit la loi d’exécution du budget, le budget ou les différents projets de loi de crédits. Je continue de l’écouter avec beaucoup d’attention.

Enfin, je tiens à remercier une autre femme, toujours en ce qui concerne les finances. Ce n’est pas par accident que j’ai remercié des femmes au sujet des finances. Il s’agit de l’honorable Chrystia Freeland, la ministre des Finances, qui a accepté des propositions qui ne faisaient peut-être pas partie du programme du gouvernement, mais qui provenaient d’initiatives privées à la Chambre ou au Sénat. J’espère vraiment qu’il y aura un moment où je voudrai remercier, sur les plan des finances, les hommes honorables qui travaillent sur la Colline du Parlement, car il n’en manque pas.

La loi d’exécution du budget comprend quatre mesures qui étaient à l’origine des projets de loi d’intérêt public présentés au Sénat ou à la Chambre des communes. Le premier, le projet de loi C-241 présenté par le député conservateur Chris Lewis, vise à modifier la Loi de l’impôt sur le revenu pour créer une déduction des frais de déplacement pour les gens de métier. Nous avons entendu les observations de la sénatrice Moncion à ce sujet.

Le deuxième, le projet de loi C-250 du député conservateur Kevin Waugh, modifierait le Code criminel pour créer une interdiction de fomenter l’antisémitisme. La sénatrice Simons vient tout juste d’en parler.

Les troisième et quatrième sont des propositions que j’ai déposées au Sénat et qui ont été débattues, examinées et approuvées par celui-ci.

J’en profite pour remercier aussi le sénateur Wetston, puisqu’il a contribué à la loi d’exécution du budget en travaillant à Loi sur la concurrence, comme on l’a déjà souligné. Cela prouve, je crois, que certaines bonnes idées — j’ajouterais « pas toutes les bonnes idées » après avoir entendu la sénatrice Simons — peuvent trouver une place dans les mesures législatives du gouvernement, peu importe de quel parti et de quel coin du Sénat ou de la Colline elles proviennent. Pour y arriver, il faut travailler fort, avoir la patience de Job et avoir la chance de son côté. Les exemples que nous voyons aujourd’hui montrent, d’abord et avant tout, que les bonnes idées font du chemin.

J’aimerais maintenant aborder les deux mesures du projet de loi C-19 — la loi d’exécution du budget — qui y sont exprimées différemment que dans les mesures législatives d’origine : le projet de loi S-217, Loi sur la réaffectation des biens bloqués, et le projet de loi S-216, Loi sur l’efficacité et la responsabilité des organismes de bienfaisance.

Commençons par le projet de loi S-217, Loi sur la réaffectation des biens bloqués. Je tiens à me rappeler, ainsi qu’à tous ceux qui nous écoutent, que ce petit bijou d’idée ne vient pas de moi. C’est une idée de la société civile, du World Refugee and Migration Council, qui a joué un rôle essentiel de leader d’opinion et d’influenceur dans cette importante initiative.

Je me réjouis des mesures que le gouvernement a proposées dans le projet de loi à l’étude. Elles sont très semblables au projet de loi S-217. Par conséquent, j’ai décidé que mon projet de loi n’ira pas de l’avant une fois que leur projet de loi aura été adopté, car la proposition du gouvernement suit le principe de mon projet de loi, qui consiste à réaffecter les actifs déjà visés par des sanctions et détenus au Canada au profit des victimes des activités criminelles, que ces victimes soient des particuliers, des collectivités ou des États-nations.

Cependant, il y a quelques différences qui, selon moi, méritent d’être soulignées. Les mesures que le gouvernement propose dans le projet de loi d’exécution du budget visent non seulement les personnes corrompues, comme je l’ai proposé, mais aussi des entités comme les entreprises. Je suis favorable aux améliorations apportées dans le projet de loi, car cela permet d’étendre la portée des mesures pour punir ceux qui soutiennent des régimes corrompus. Il y a également une mesure pour que les biens visés comprennent les cryptomonnaies, ce à quoi je n’avais pas songé. Le gouvernement a donc trouvé une façon d’améliorer les mesures que nous lui avions proposées.

Le projet de loi s’appuie aussi sur les principes de transparence et de reddition de comptes. Dans ce cas-ci, le gouvernement propose une approche un peu différente. L’un des aspects clés de ma proposition était le recours aux tribunaux pour établir si les biens pourraient ou devraient être réaffectés, comment ils devraient l’être et comment on devrait rendre des comptes à cet égard. Cette proposition visait à garantir des procédures équitables pour toutes les parties concernées, y compris les dirigeants corrompus.

Selon la proposition du gouvernement, on fera appel aux tribunaux, mais leur contribution se limitera à faire des vérifications à l’égard des biens et à déterminer à qui ils appartiennent. Ils ne seront pas chargés de la redistribution des biens aux victimes. Une fois que les tribunaux auront terminé leur enquête et rendu une décision, les biens seront liquidés, et le produit sera versé au gouvernement aux fins de redistribution. Le gouvernement aura alors des comptes à rendre aux victimes et aux Canadiens.

Honorables collègues, je crois que c’est l’un des aspects auxquels les groupes de réflexion, les intervenants et le gouvernement devraient réfléchir un peu plus. Le gouvernement doit réaffecter les biens de manière transparente et responsable, et il doit, autant que possible, écarter toute considération politique.

(2030)

D’importantes questions doivent être posées. Qui devraient obtenir ces actifs? Les pays d’origine ou un pays qui réclame un dédommagement, comme l’Ukraine? S’agirait-il des victimes elles-mêmes ou des collectivités ou des États-nations? Comment ces actifs seraient-ils répartis? Quels mécanismes de reddition de comptes sont requis? Voilà d’importantes questions auxquelles il faut répondre, parce que le gouvernement ne souhaite certainement pas être accusé de distribution inappropriée de fonds ou, pire encore, d’appropriation de fonds pour son propre usage, quoique je sois convaincue que les choses n’iraient pas aussi loin.

La dernière différence que j’aimerais souligner est encore plus préoccupante. La loi d’exécution du budget ne prévoit pas de registre public qui contiendrait la liste des entités ou des actifs détenus au Canada. On n’aurait donc pas accès à cette information. Je sais que le gouvernement instaurera un registre de la propriété effective en 2023, ce qui pourrait atténuer certaines de nos préoccupations. Je crains toutefois que cela ne suffise pas. À ce moment-ci, tout indique que le registre ne comprendra que les entreprises sous responsabilité fédérale, ce qui créerait probablement une échappatoire, puisque les entités constituées en vertu d’une loi provinciale en seraient exclues. Nous devrons garder cela à l’esprit lorsque le gouvernement nous soumettra sa proposition de registre de la propriété effective.

Enfin, à ce sujet, la GRC nous a appris récemment que des actifs de plus de 123 millions de dollars ont effectivement été gelés au Canada dans les six derniers mois seulement. Ne sont pas inclus tous les actifs gelés en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales ou de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, aussi appelée la loi de Magnitski. Ce montant ne couvre donc qu’une petite portion des actifs gelés. J’ai toujours eu de la difficulté à répondre aux gens qui me demandaient de combien d’argent on parlait. Nous le savons maintenant. Il ne s’agit pas de milliards de dollars, mais ce n’est pas de la menue monnaie non plus.

Nous savons aussi que le concept que j’ai proposé n’est pas nouveau. La Suisse réaffecte des biens depuis 10 ans : elle a réaffecté des actifs d’une valeur d’environ 22 milliards de dollars américains. La France a adopté une loi semblable il y a quelques années. Aucun de ces pays n’a été accusé de violer le droit international.

Passons au projet de loi S-216 qui a été débattu, étudié, approuvé et renvoyé à la Chambre des communes. Son objectif est de permettre des liens entre les organismes de bienfaisance et les autres organismes, qui prévoient une reddition de comptes et qui donnent plus de moyens d’agir. Dans le cadre du projet de loi d’exécution du budget, le gouvernement est allé jusqu’à dire que sa modification reflétait l’esprit du projet de loi S-216, la proposition que j’ai présentée.

J’aimerais, encore une fois, rappeler à mes honorables collègues que le secteur caritatif — je veux dire par là les organismes de bienfaisance se trouvant dans tous les secteurs et toutes les régions au Canada — a appuyé sans réserve le projet de loi S-216. On dénombre parmi ces organismes Imagine Canada, qui réunit plusieurs organismes caritatifs canadiens, Coopération Canada, qui œuvre dans le domaine du développement international, et le Canadian Centre for Christian Charities. N’oublions pas Centraide Canada, de même que 42 des meilleurs avocats spécialistes du droit régissant les organismes de bienfaisance, qui ont publié deux lettres ouvertes demandant que des changements soient apportés à cette mesure législative. J’aimerais réitérer que je ne fais que relayer leurs idées au Parlement. Ils ont travaillé et milité auprès des parlementaires et leur ont conseillé de se pencher sur cette question. Je leur lève mon chapeau.

La proposition du gouvernement concorde avec le principe qui sous-tend mon projet de loi, qui est de permettre aux organismes de bienfaisance de travailler avec les autres organismes non caritatifs dans un cadre qui leur confère du pouvoir, mais aussi des responsabilités. Par contre, encore une fois — et il en a a parfaitement le droit —, le gouvernement a emprunté une voie différente qui, ma foi, était un peu rocailleuse au début. Nous avons été étonnés de voir que le libellé se trouvant dans la loi d’exécution du budget était plus prescriptif que celui de la loi actuelle. Il a préféré intégrer des éléments prescriptifs plutôt que des lignes directrices, que les organismes de bienfaisance doivent suivre lorsqu’ils collaborent avec des organismes non caritatifs. Cette démarche était problématique à plusieurs points de vue.

Comme je l’ai dit plus tôt, les organismes de bienfaisance veulent et ont besoin de rigoureuses mesures de reddition des comptes. Toutefois, le gouvernement, dans la version originale de son amendement à la loi d’exécution du budget, a fourni une liste de prescriptions à respecter, quels que soient l’importance, la portée, le type ou l’objectif du partenariat entre l’organisme de bienfaisance et l’organisme sans vocation de bienfaisance. Ce point était problématique, car tous les partenariats sont différents, et les mêmes mesures de reddition de comptes ne peuvent pas s’appliquer à tous ces partenariats. Les gens sur le terrain nous ont dit que ces prescriptions présenteraient plus de risques pour les organismes de bienfaisance qui travaillent avec des organismes sans vocation de bienfaisance, et qu’aucun membre du conseil d’administration responsable n’autoriserait son organisme à prendre le risque de se retrouver rayé de la liste des organismes de bienfaisance.

Après les fortes mobilisations des membres de ce secteur en avril et en mai, et grâce à ma collaboration avec le bureau de la ministre des Finances — en compagnie du député conservateur Philip Lawrence qui a parrainé le projet de loi S-216 à la Chambre des communes et du député néo-démocrate Daniel Blaikie — le comité des finances de la Chambre des communes a modifié à l’unanimité la loi d’exécution du budget pour retirer ces prescriptions. En lieu et place, des mesures de reddition de comptes seront fixées lors de consultations et de séances d’orientation. Cela correspondra mieux à l’envergure et à la complexité de ce secteur à l’avenir.

Encore une fois, je remercie le gouvernement de l’ouverture et de la souplesse dont il a fait preuve à l’égard de cet effort ultime que nous avons dû déployer à la dernière minute ainsi que de sa disposition à changer et à adapter sa réponse. Je félicite le gouvernement d’avoir gardé ses lignes de communication ouvertes.

Cela dit, chers collègues, rien n’est jamais parfait. La nouvelle modification soulève des préoccupations. Il s’agit de la nouvelle règle qui interdit de diriger un don. Les dons dirigés sont assez communs, mais la nouvelle modification y mettra un terme. Par exemple, beaucoup de Canadiens et d’organismes veulent contribuer à financer les efforts d’aide à l’Ukraine. De la manière dont la modification est rédigée, il est concevable que tous les dons versés à la Croix-Rouge avec comme directive de diriger ces fonds vers les efforts en Ukraine justifient la perte du statut d’organisme de bienfaisance de cette société, car il s’agit de dons dirigés. Un don dirigé, c’est lorsqu’on donne de l’argent à un organisme de bienfaisance en lui donnant la directive de diriger ces fonds vers x,y et z, c’est-à-dire ailleurs.

Cependant, après d’autres conversations que j’ai eues avec le cabinet de la ministre des Finances, j’ai obtenu l’assurance que le gouvernement adoptera une approche douce quant à cette modification et que l’Agence du revenu du Canada en fera une application raisonnable afin de ne pas nuire à la création de fonds communs par les organismes de bienfaisance canadiens et à la participation de ces derniers à de tels fonds. Je crois et j’espère sincèrement que le gouvernement respectera cette promesse, mais le secteur et moi continuerons de collaborer avec le gouvernement et de suivre la progression concernant ces modifications sinon quelqu’un ici, probablement moi, déposera éventuellement une modification.

En terminant, j’appuie les mesures proposées dans la Loi d’exécution du budget. Je trouve encourageant que le gouvernement ait tenu compte des efforts de différents parlementaires. De bonnes idées, beaucoup de dur travail et de persévérance et, surtout, la voix et le leadership de la société civile peuvent faire bouger les choses qui comptent pour nous. Merci, chers collègues.

L’honorable Brent Cotter : La sénatrice Omidvar accepterait-elle de répondre à une brève question?

La sénatrice Omidvar : En 30 secondes, absolument, sénateur.

Le sénateur Cotter : J’ai été impressionné par votre discours, mais je crois qu’il manquait seulement une chose. Dans la liste des sénatrices qui ont contribué à ces efforts, vous avez fait un oubli. Je voudrais savoir si vous seriez prête à ajouter le nom de la sénatrice Ratna Omidvar à cette liste.

La sénatrice Omidvar : Je ne pèse pas lourd à côté de mes collègues les sénatrices Marshall et Moncion. Je suis heureuse de suivre leur exemple. Merci.

Des voix : Oui, vous l’êtes.

L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la loi d’exécution du budget. Il y a quelques semaines, j’ai eu l’honneur d’être invitée à prononcer un discours-programme à une conférence organisée par Campagne 2000, un groupe de premier plan dans la lutte contre la pauvreté des enfants.

J’ai fait remarquer à cette occasion que lorsque j’ai été nommée au Sénat, en décembre 2018, je n’aurais jamais pu imaginer les bouleversements que la société allait connaitre peu après : le meurtre de George Floyd, la montée du mouvement Black Lives Matter et les réactions qu’il suscite, les urgences climatiques de plus en plus fréquentes au Canada et dans le monde entier, les crises économiques et, bien sûr, la pandémie de COVID-19. Bref, la société canadienne, nos opinions et nos priorités ont énormément changé en très peu de temps.

Évidemment, la pandémie de COVID a accéléré ces changements et nous a obligés à nous pencher sur les lacunes si longtemps oubliées de notre société. Pour les Canadiens, cela a renforcé l’idée selon laquelle l’économie est au service des gens et que, peu importe la vigueur du marché boursier ou le PIB annuel, si les Canadiens vivent dans la pauvreté, s’ils luttent pour accéder aux services ou s’ils sont incapables de construire une vie pour eux et leurs familles, alors, chers collègues, notre économie ne fonctionne pas.

(2040)

La COVID nous a appris une fois de plus l’impératif collectif inhérent à notre économie et le fait que celle-ci ne fonctionne vraiment que si elle bénéficie à tous les Canadiens. Cela fait plus d’un demi-siècle que notre approche des politiques publiques ne reflète pas cette obligation collective, et nous vivons maintenant avec les conséquences de ces décisions.

Le manque de logements, les services publics inadéquats et insuffisants, l’insécurité alimentaire et tant d’autres problèmes trouvent leur origine dans une approche des politiques publiques qui a oublié que notre rôle, en tant que parlementaires, est de construire notre pays, notre société, sur une vision d’égalité et d’équité pour tous.

Présentant des lacunes importantes, le budget de 2022 est, à mon avis, un pas timide dans la bonne direction pour de nombreux Canadiens. Pour beaucoup d’autres, il n’est pas à la hauteur. J’aimerais prendre un peu de temps ce soir pour discuter de ce que ce budget signifie pour les enfants et les jeunes. Il y a de bonnes choses dans ce budget. L’un des plus importants investissements annoncés est un investissement de 625 millions de dollars sur quatre ans dans les services de garde d’enfants.

Comme je l’ai expliqué l’année dernière, la création d’un programme universel et abordable de services de garde d’enfants améliorera la qualité de vie de millions de familles en aidant les parents — surtout les femmes — à développer leur potentiel économique. Ce programme contribuera aussi à ce qu’un plus grand nombre d’enfants aient accès à des services de garde et d’éducation qui les aideront à avoir un bon départ dans la vie afin de connaître le bonheur, le succès et la prospérité.

Les ententes conclues avec les provinces et les territoires pour réduire les coûts de ces services feront augmenter la demande, y compris le nombre d’installations. Cet investissement est essentiel et il arrive au bon moment.

Le budget comporte aussi plusieurs autres engagements importants, comme un fonds pour accélérer la construction de logements assorti d’une enveloppe de 4 milliards de dollars avec comme objectif de construire 100 000 maisons au cours des cinq prochaines années; un projet pilote assorti d’une enveloppe de 25 millions de dollars pour un programme de distribution de produits d’hygiène menstruelle pour les personnes dans le besoin; et une enveloppe de 5,3 milliards de dollars sur cinq ans pour les soins dentaires. Ces nouveaux programmes aideront directement des millions de Canadiens. Sur ce point, le gouvernement mérite des félicitations.

Néanmoins, j’estime qu’en ce qui concerne des aspects importants, ce budget n’arrive pas à offrir des mesures pour remédier aux problèmes les plus urgents de notre société. De plus, il présente une vision d’avenir qui, dans l’ensemble, est très modeste et peu ambitieuse.

Honorables collègues, malgré les bons éléments prévus dans le budget de 2022, je crois que, dans l’ensemble, il laisse tomber les enfants et les jeunes à un moment où ils ont cruellement besoin de notre soutien. Un enfant canadien sur cinq vit dans la pauvreté, et cette statistique s’élève à un enfant sur deux chez les Premières Nations.

En raison de l’augmentation du coût de la vie, un nombre croissant de Canadiens ont du mal à arriver; ceux qui s’en tiraient de peine et de misère par le passé sont maintenant dans une situation encore plus difficile. Malgré cela, le budget ne prévoit pas vraiment de soutien financier accru pour les familles, que ce soit au moyen d’une augmentation de l’Allocation canadienne pour enfants ou d’autres mesures de soutien.

Parmi les utilisateurs des banques alimentaires, un tiers sont des enfants. Une famille sur huit vit une insécurité alimentaire. Malgré cela, alors qu’on reconnaît que la guerre en Ukraine viendra intensifier l’insécurité alimentaire, le budget ne propose pas grand-chose pour régler ce problème pressant.

Selon les dernières données d’UNICEF Canada, seulement 55 % des enfants et des jeunes disent avoir un niveau élevé de satisfaction à l’égard de la vie, alors que plus du quart d’entre eux disent avoir ressenti de la tristesse ou du désespoir pendant une période prolongée. Par ailleurs, des intervenants en médecine pédiatrique m’ont signalé que le budget n’offrait pas vraiment de solutions notables pour régler les problèmes de santé mentale des jeunes.

Lorsqu’on l’examine sous l’angle des besoins et des droits des enfants, il devient clair que ce budget ne fait que maintenir un statu quo qui répond mal aux besoins des enfants. Je prendrai donc quelques minutes pour parler des gestes audacieux qu’il faut poser de toute urgence pour améliorer le statu quo. Pour ce faire, je m’appuierai sur quelques faits saillants provenant de l’examen du Canada qui a été fait récemment par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies.

Les conclusions du comité ont été publiées la semaine dernière. Elles dressent un tableau sombre du rendement du Canada et décrivent les changements que le Canada doit apporter pour respecter les droits des enfants.

Au début de son rapport, le comité attire l’attention du Canada sur les questions entourant la surveillance indépendante des droits concernant la non-discrimination, le droit à la vie, à la survie et au développement, les mauvais traitements et la négligence, l’absence de milieu familial et le niveau de vie. Ils indiquent que des éléments aussi fondamentaux que le droit à la vie, à la survie et au développement sont des aspects qui doivent être considérablement améliorés au Canada. Peut-être que cela ne nous étonne pas vraiment, mais cela devrait nous inquiéter vivement.

En ce qui concerne la surveillance indépendante, le comité exhorte le Canada à établir un porte-parole fédéral des enfants semblable à celui que j’ai prôné dans le passé. Il s’agirait d’un élément clé pour assurer que tout le travail au niveau fédéral, y compris les budgets futurs, est considéré sous l’angle des droits et du bien-être des enfants.

Pour ce qui est de la discrimination au Canada, le comité s’est dit très préoccupé à l’égard de :

a) La discrimination à l’égard des enfants en situation marginale et défavorisée dans l’État partie, comme la discrimination structurelle à l’égard des enfants appartenant à des groupes indigènes et des enfants afro-canadiens, notamment en ce qui concerne leur accès à l’éducation, à la santé et à un niveau de vie adéquat;

b) Les disparités apparentes dans le traitement des enfants et de leurs droits dans les différentes régions et territoires, notamment en ce qui concerne les enfants handicapés, les enfants migrants, les enfants des minorités ethniques et autres.

Le comité appelle aussi à mettre un terme à la discrimination structurelle au Canada. Le budget de 2022 comprend des mesures pour continuer de lutter contre la discrimination raciale, mais nous aurions avantage à ne pas perdre de vue l’ampleur des problèmes, et à nous rendre compte que les mesures sont insuffisantes.

En ce qui concerne le droit à la vie, à la survie et au développement, le comité a appelé le Canada à mettre en œuvre l’ensemble des appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Le comité a aussi recommandé au Canada de mettre en œuvre une stratégie nationale de prévention de la violence envers les enfants, de renforcer ses mesures de prévention pour empêcher que des enfants soient retirés de leur famille et de revoir sa stratégie pour répondre aux problèmes qui touchent l’eau et les installations sanitaires dans les réserves.

En ce qui concerne plus précisément la pauvreté chez les enfants, le comité a établi que le Canada devrait:

Veiller à ce que tous les enfants ainsi que leurs familles qui vivent dans la pauvreté reçoivent une aide financière adéquate ainsi que des services gratuits et accessibles, et ce, sans discrimination [...]

Ce sont là quelques-uns des nombreux domaines où le Canada aurait avantage à s’améliorer. La triste vérité, c’est que nous n’avions pas besoin des Nations unies pour nous rappeler l’existence de ces problèmes, car nous sommes bien au courant. Ce rapport nous a rappelé une réalité que nous connaissons. Il nous a rappelé que nous devons prendre des mesures plus ambitieuses pour que les droits des enfants soient respectés. Je suis donc d’autant plus déçue des mesures timides qui sont proposées dans le budget.

L’examen réalisé par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies rappelle qu’outre nos échecs dans plusieurs domaines d’action, on a constaté qu’il nous manque une approche exhaustive pour assurer le respect des droits de nos enfants et leur bien-être. Chers collègues, cette observation ne devrait pas nous étonner. Comment pouvons-nous arriver à nos fins si nous ne savons pas où nous allons? Comment pouvons-nous bâtir en mieux sans établir de plan?

Nous n’arriverons jamais à nos fins si nous ne savons pas où nous allons et nous ne bâtirons jamais en mieux sans avoir de plan.

Alors, que devrions-nous faire?

D’abord, le Canada n’a pas mis en œuvre de loi complète sur les droits des enfants. Cela entraîne une lacune importante dans notre vision des choses.

Ensuite, nous n’avons pas de stratégie. Il nous manque une approche exhaustive pour assurer le respect des droits de nos enfants et leur bien-être, ainsi qu’une stratégie pour réunir les ressources, les idées et l’énergie qui sont déjà déployées, une stratégie pour définir nos objectifs et les résultats souhaités, une stratégie pour déterminer les indicateurs à utiliser pour mesurer le succès et les progrès, et pour nous aider à savoir si nous progressons par rapport à notre vision.

(2050)

Aucune des conditions nécessaires à la réussite n’est en place en ce moment. Nous devons corriger cette situation. Chers collègues, pour bien des questions sociales, le budget de 2022 aura un effet positif, mais il ne tient pas compte des nombreux défis auxquels les enfants, les jeunes et leurs familles sont confrontés. Le statu quo a laissé tomber beaucoup de gens, et il est temps que nous déterminions une voie vers le progrès.

Je suis impatiente de travailler avec vous tous pour y arriver. Meegwetch, merci.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice Moncion, avec l’appui de l’honorable sénatrice Pate, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

[Français]

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Moncion, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

Projet de loi de crédits no 2 pour 2022-2023

Deuxième lecture

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-24, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2023, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs et sénatrices, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi de crédits du Budget principal des dépenses de 2022-2023.

Ce projet de loi de crédits sert à autoriser les paiements du Trésor pour financer les programmes et les services gouvernementaux. Dans le cadre de ce projet de loi, le gouvernement demande au Parlement d’approuver les dépenses prévues qui sont établies dans le Budget principal des dépenses de 2022-2023.

Comme vous vous en souviendrez, la présidente du Conseil du Trésor a déposé le Budget principal des dépenses à la Chambre des communes le 1er mars dernier.

Ce budget principal reflète l’engagement soutenu du gouvernement en vue de répondre aux priorités des Canadiennes et des Canadiens, notamment au moyen d’investissements dans l’infrastructure, de prestations pour les personnes âgées et les étudiants, de transferts aux provinces pour les soins de santé et la garde d’enfants et de mesures visant à réduire nos émissions et à rendre notre économie plus écologique.

Comme vous le constaterez, le gouvernement s’engage à maintenir le soutien économique aux particuliers et aux entreprises pour favoriser la reprise après la pandémie de COVID-19.

[Traduction]

La plupart des dépenses dans le Budget principal des dépenses sont des paiements de transfert, c’est-à-dire des paiements effectués à d’autres ordres de gouvernement, à d’autres organisations et à des particuliers. Au total, ils représentent environ 61,1 % des dépenses, soit 243,1 milliards de dollars.

Les principaux transferts aux particuliers sont principalement liés aux prestations aux aînés, comme les paiements de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti, et à l’aide aux étudiants par l’entremise du Programme canadien de bourses aux étudiants.

Grâce à ces paiements, le gouvernement fournit aussi un important soutien financier aux gouvernements provinciaux et territoriaux pour les aider à offrir des programmes et des services, principalement dans le domaine des soins de santé, ainsi que des fonds pour les priorités locales en matière d’infrastructure, les soins à domicile, la santé mentale, l’éducation préscolaire et la garde d’enfants.

Le Budget principal des dépenses fournit des renseignements sur les dépenses proposées de 397,6 milliards de dollars pour 126 organisations, dont 190,3 milliards de dollars de dépenses votées et 207,3 milliards de dollars de dépenses législatives, présentées à titre d’information seulement. Les montants votés, je dois aussi le mentionner, représentent des plafonds ou des estimations maximales et, par conséquent, peuvent ne pas être entièrement dépensés au cours de l’année.

Je veux rappeler à mes collègues que les dépenses réelles seront incluses dans les comptes publics après la fin de l’exercice.

En ce qui concerne les dépenses budgétaires législatives, elles sont supérieures de 7 milliards de dollars dans ce budget principal des dépenses à ce qu’elles étaient dans le budget principal des dépenses 2021-2022. Certains des changements importants dans les dépenses législatives sont attribuables à l’augmentation des principaux paiements de transfert, notamment les prestations aux aînés, qui ont augmenté de 5,9 milliards de dollars, le Transfert canadien en matière de santé, qui a augmenté de 2,1 milliards de dollars, et la péréquation, qui a augmenté de 1 milliard de dollars par rapport à l’an dernier.

D’autres éléments ont eu une incidence sur les dépenses législatives, notamment l’augmentation des bourses d’études canadiennes de 1,5 milliard de dollars, l’augmentation de 1,2 milliard de dollars des paiements de l’Incitatif à agir pour le climat, et la réduction progressive des prestations versées aux particuliers en vertu de la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique; ce qui représente une diminution de 9,9 milliards de dollars par rapport à l’an dernier.

[Français]

Permettez-moi maintenant de passer en revue les dépenses globales prévues pour chaque organisme gouvernemental.

Honorables sénateurs, sur les 126 ministères et organismes qui présentent une demande de financement, 10 demandent plus de 5 milliards de dollars en dépenses budgétaires votées. Il s’agit du ministère des Services aux Autochtones, qui demande 39,5 milliards de dollars, du ministère de la Défense nationale, qui demande 24,3 milliards de dollars, du ministère de l’Emploi et du Développement social, qui demande 11,4 milliards de dollars, de l’Agence de la santé publique du Canada, qui demande 8,4 milliards de dollars, du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, qui demande 7,8 milliards de dollars, du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, qui demande 7,1 milliards de dollars, du Bureau de l’infrastructure du Canada, qui demande 7,1 milliards de dollars, du ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord, qui demande 5,8 milliards de dollars, du ministère de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, qui demande 5,5 milliards de dollars et du ministère des Anciens Combattants, qui demande 5,5 milliards de dollars.

[Traduction]

Chers collègues, permettez-moi également de souligner que les plus fortes augmentations en dépenses votées concernent quatre organisations. La première est Services aux Autochtones Canada, avec une augmentation de 26,1 milliards. Dans le cadre du cheminement vers la réconciliation, le gouvernement est déterminé à investir les sommes nécessaires pour régler les revendications et soutenir les infrastructures et les services essentiels au bien-être et à la santé physique, mentale, sociale et économique des communautés autochtones. Le financement alloué à Services aux Autochtones Canada comprend une augmentation des sommes destinées aux règlements extrajudiciaires, à l’infrastructure des communautés autochtones et à l’amélioration de l’accès à l’eau potable dans les communautés des Premières Nations.

Honorables sénateurs, même si la plupart des Canadiens ont accès à une eau potable de qualité, de nombreuses communautés des Premières Nations sont toujours confrontées à des problèmes urgents liés à l’eau. Ces problèmes ont par ailleurs été exacerbés par la pandémie de COVID-19. L’héritage des politiques coloniales et le sous-financement chronique des services et des réseaux d’approvisionnement en eau ont nui à la qualité de vie en général, ont contribué à creuser les écarts socioéconomiques et ont entraîné une participation moindre des Premières Nations à l’économie. Il faut rectifier la situation. Les collectivités plus fortes, plus saines, et dotées de meilleures infrastructures communautaires sont plus prospères.

(2100)

Voilà pourquoi il est si important de poursuivre les investissements en vue de lever les avis à long terme d’ébullition de l’eau dans les réserves et d’appuyer l’exploitation quotidienne et l’entretien des infrastructures d’approvisionnement en eau dans les réserves.

Ce financement soutiendra les Premières Nations dans leurs efforts en vue de donner à leurs communautés un accès fiable et sûr à l’eau potable. Il fournira également un financement stable à long terme pour les frais d’exploitation et d’entretien dans un secteur qui est sous-financé depuis beaucoup trop longtemps et qui est pourtant essentiel pour assurer l’effet durable de ces investissements. Le gouvernement du Canada continuera de travailler en partenariat avec les Premières Nations pour trouver des solutions viables et à long terme pour que les communautés aient accès à l’eau potable pour les générations à venir.

[Français]

Le deuxième organisme dont les dépenses votées ont le plus augmenté est le ministère de l’Emploi et du Développement social, qui affiche une hausse de 7,2 milliards de dollars. Cette somme comprend 5 milliards de dollars en paiements aux provinces et aux territoires aux fins de l’apprentissage et de la garde d’enfants.

Le gouvernement du Canada a maintenant conclu des ententes avec chaque province et territoire pour donner suite à sa promesse de créer un système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants qui soit abordable, inclusif et de haute qualité. Déjà, ce programme rend la vie plus abordable pour les familles. Il crée de nouveaux emplois, permet aux parents de retourner sur le marché du travail et fait croître la classe moyenne tout en donnant à chaque enfant une chance réelle et équitable de réussir.

Dans plus de la moitié des provinces et des territoires du Canada, on a déjà constaté une baisse des frais de garde d’enfants et, d’ici la fin de 2022, le coût moyen d’une place en garderie réglementée ou dans un service d’éducation préscolaire sera réduit de moitié dans l’ensemble du pays.

Ces ententes amélioreront l’accès aux programmes et aux services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants et favoriseront la formation d’une main-d’œuvre solide et qualifiée d’éducateurs de la petite enfance grâce à de meilleurs salaires et à des possibilités accrues de perfectionnement professionnel. Elles favoriseront également la mise en place d’un système de garde d’enfants qui sera inclusif et qui accueillera des enfants vulnérables et des enfants de diverses populations, y compris ceux ayant un handicap ou ayant besoin d’un soutien accru ou individualisé.

La création d’un système de garde d’enfants qui répond aux besoins des Canadiennes et des Canadiens dans chaque région du pays est un élément clé du programme du gouvernement visant à rendre la vie plus abordable pour les familles tout en créant de bons emplois en faisant croître l’économie.

Grâce à ces ententes signées, le gouvernement du Canada entend créer 250 000 nouvelles places en garderie au pays, d’ici mars 2026, afin que les familles disposent d’options de garde abordables, peu importe où elles habitent.

[Traduction]

Le troisième organisme dont les dépenses votées ont le plus augmenté est Infrastructure Canada, avec une augmentation de 2,5 milliards de dollars. Ce financement servira à soutenir des programmes d’infrastructure ciblés notamment pour le logement abordable, les bâtiments écologiques et inclusifs, ainsi que des programmes diversifiés, dont le plan Investir dans le Canada.

Le plan Investir dans le Canada met en œuvre des mesures concrètes dans cinq volets d’investissement. Premièrement, il vise à construire de nouveaux réseaux de transport en commun urbain et à élargir les services afin de transformer la façon dont les Canadiens vivent, se déplacent et travaillent. Deuxièmement, il vise à assurer l’accès à une eau potable salubre, à de l’air pur et à des collectivités plus vertes où les Canadiens peuvent voir leurs enfants jouer et grandir. Troisièmement, il vise à fournir des logements adéquats et abordables, des services de garde d’enfants ainsi que des centres culturels et récréatifs grâce auxquels les collectivités canadiennes continueront d’être des endroits où il fait bon vivre. Quatrièmement, il vise à fournir des réseaux de transport sûrs, durables et efficaces qui rapprocheront les marchés mondiaux du Canada afin d’aider les entreprises canadiennes à être concurrentielles, à croître et à créer davantage d’emplois pour la classe moyenne. Cinquièmement, il vise à faire croître les économies locales, à améliorer l’inclusion sociale et à mieux protéger la santé et l’environnement des collectivités rurales et nordiques.

[Français]

Le quatrième organisme dont les dépenses votées ont le plus augmenté est le ministère de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, qui affiche une hausse de 2,1 milliards de dollars. Cette augmentation concerne presque entièrement les subventions et les contributions, notamment celles qui visent à promouvoir l’innovation, l’adoption du numérique ainsi que l’accès universel à Internet haute vitesse.

Honorables sénateurs, la vie des Canadiennes et des Canadiens se déroule de plus en plus en ligne. Or, cette réalité pose un défi aux collectivités qui n’ont pas accès à Internet haute vitesse. Ces investissements du gouvernement permettront d’accroître l’accès à l’éducation, aux soins de santé, aux occasions d’affaires et favoriseront les liens sociaux. Les collectivités auront ainsi les outils nécessaires pour tirer pleinement parti des programmes sociaux et des possibilités économiques, ce qui améliorera la santé et le bien-être de leurs membres.

[Traduction]

Passons maintenant aux mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la COVID-19. Les dépenses prévues à cet égard, y compris le plan d’intervention économique, sont de 9,7 milliards de dollars en 2022-2023, une diminution de 12,4 milliards par rapport au Budget principal des dépenses de 2021-2022.

Le financement des mesures liées à la COVID-19 comprend une hausse de 3,3 milliards de dollars pour l’achat et la gestion de vaccins et de fournitures, 2,2 milliards de dollars pour soutenir la recherche et la mise au point de vaccins, et 1 milliard de dollars pour l’achat d’autres produits thérapeutiques.

La diminution de 12,4 milliards de dollars des dépenses liées à la COVID-19 est attribuable en bonne partie à la réduction progressive des prestations versées aux particuliers en vertu de la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique. Les paiements au titre de la Prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants ont baissé de 4,2 milliards de dollars, ceux au titre de la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique, de 2,3 milliards, et ceux au titre de la Prestation canadienne de relance économique, de 3,4 milliards.

De plus, pour l’exercice 2022-2023, d’importants programmes d’intervention économique ont été adoptés ou modifiés par le projet de loi C-2, Loi visant à fournir un soutien supplémentaire en réponse à la COVID-19, et des programmes de prestations ont été prolongés jusqu’au présent exercice.

Le projet de loi C-2 a permis de prolonger les subventions pour les salaires et le loyer, d’accroître le nombre maximal de semaines couvertes par la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique et de la Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants et d’étendre la durée de celles-ci, et d’adopter la Loi sur la prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement afin d’autoriser le paiement de la prestation dans les régions où un confinement est imposé pour des raisons liées à la COVID-19. De telles mesures continueront d’être orientées par la science et évolueront au besoin.

[Français]

Naturellement, au vu de ces dépenses, il y a lieu de se poser d’importantes questions sur la viabilité des finances publiques fédérales et sur notre capacité à en assumer les coûts. Le gouvernement nous assure que les nouvelles sont bonnes à cet égard. L’économie canadienne a progressé à un taux annualisé de 3,1 % au premier trimestre de 2022, ce qui a augmenté le niveau de croissance du PIB réel de 0,8 % par rapport à son niveau d’avant la pandémie.

En effet, le budget de 2022 montre que la croissance du PIB est supérieure d’un point de pourcentage aux prévisions de la mise à jour économique et budgétaire de l’automne. Le Canada est entré dans cette pandémie avec le ratio de la dette nette au PIB le plus bas des pays du G7 et, au cours de la pandémie, nous avons accru notre avantage relatif. D’ailleurs, l’indice Standard & Poor a récemment confirmé la cote de crédit AAA assortie de perspectives économiques stables. Même si les frais de la dette publique augmentent modestement au cours des prochaines années, ils resteront bien inférieurs à ce qu’ils étaient avant la crise financière de 2008.

Honorables sénateurs, j’aimerais maintenant aborder un autre aspect clé de l’histoire du budget des dépenses, c’est-à-dire son importance au chapitre de la transparence et de la reddition de comptes de notre système de démocratie parlementaire.

(2110)

Chaque année, le Budget principal des dépenses et les documents connexes donnent une indication précise de la façon dont le gouvernement entend affecter l’argent des contribuables et permettent de veiller à ce que les dépenses soient transparentes et responsables. Les documents du cycle budgétaire comprennent le Budget principal des dépenses, les budgets supplémentaires des dépenses, les plans ministériels et les rapports sur les résultats ministériels. Tous ces documents, avec les comptes publics, aident les parlementaires à examiner les dépenses du gouvernement.

Chers collègues, comme je le fais pour chaque projet de loi de crédits, je vous invite à consulter l’InfoBase du gouvernement du Canada; c’est un outil interactif en ligne qui renferme une foule de données fédérales qui peuvent vous être utiles pour réclamer des comptes au gouvernement.

[Traduction]

Honorables sénateurs, le projet de loi de crédits dont nous sommes saisis aujourd’hui est crucial pour que le gouvernement puisse non seulement faire face aux répercussions de la pandémie, mais aussi soutenir les Canadiens et leurs entreprises tandis que l’économie continue de se rétablir et de croître.

Avant de conclure, je veux remercier encore une fois les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales et son président, le sénateur Mockler, de leur diligence habituelle. Merci également à la sénatrice Marshall pour son concours à titre de porte-parole pour le projet de loi. Comme nous le savons tous, ces derniers temps, ils ont géré une lourde charge de travail avec l’excellence habituelle que nous leur connaissons tous. Merci.

Honorables sénateurs, je vous invite à appuyer le projet de loi. Merci. Meegwetch.

L’honorable Elizabeth Marshall : Merci, sénatrice Gagné, de vos observations sur le projet de loi C-24.

J’aimerais formuler quelques observations en tant que porte-parole pour le projet de loi. Pour commencer, je tiens à souligner que le projet de loi C-24 est appuyé par le Budget principal des dépenses. Le Budget principal des dépenses de cette année prévoit des autorisations de dépenses budgétaires de près de 400 milliards de dollars. De ces dépenses, 190 milliards de dollars doivent être approuvés par le Parlement, tandis que 207 milliards de dollars — soit plus de 50 % — ont déjà été approuvés par le Parlement au moyen de projets de loi autres que les projets de loi de crédits.

J’y reviendrai plus tard.

Ce Budget principal des dépenses appuie également le projet de loi de crédits provisoires, le projet de loi C-16, que nous avons approuvé le 31 mars. Le projet de loi de crédits provisoires est en fait une avance sur les fonds demandés dans le Budget principal des dépenses, qui permettra au gouvernement de fonctionner jusqu’au 30 juin, date à laquelle le Parlement devrait approuver le projet de loi de crédits principaux. Sur les 190 milliards de dollars, 75 milliards de dollars décrits dans le Budget principal des dépenses ont déjà été approuvés par le projet de loi de crédits no 1, et le présent projet de loi, le projet de loi C-24, demande l’approbation des 115 milliards de dollars restants.

Étant donné que le budget a été déposé le 7 avril, le présent Budget principal des dépenses ne comprend aucune des nouvelles initiatives budgétaires. Comme les sénateurs le savent, ces deux documents de dépenses, le Budget principal des dépenses et le budget, présentent deux plans de dépenses différents du gouvernement. Ce décalage ou ce désalignement du Budget principal des dépenses et du budget est un problème depuis de nombreuses années, mais le gouvernement ne prend aucune mesure pour harmoniser ses deux plans de dépenses.

Le problème est exacerbé par les plans ministériels pour 2022-2023, qui ont été déposés le 2 mars, car ils ne contiennent aucune information sur les nouvelles initiatives du budget. Les parlementaires et toute personne qui lit le budget se demandent quels seront les indicateurs de réussite pour ces nouvelles initiatives. Autrement dit, l’on s’attend à ce que nous approuvions de nouvelles initiatives budgétaires même si les résultats escomptés avec ces fonds ne sont pas définis.

Les 190 milliards de dollars demandés dans le Budget principal des dépenses sont 50 % plus élevé que les 126 milliards de dollars qui avaient été demandés en 2019-2020, soit le dernier exercice avant la pandémie. L’augmentation de 64 milliards de dollars représente une augmentation de 50 % comparativement à l’exercice 2019-2020, ce qui indique clairement que les dépenses du gouvernement ne sont pas redescendues au niveau d’avant la pandémie.

Je continue de m’inquiéter de l’absence de processus systématique pour examiner les dépenses législatives. Plus de 50 % des dépenses décrites dans le Budget principal des dépenses sont déjà approuvées par les lois en vigueur. Bien que les hauts fonctionnaires qui ont témoigné devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales sont parfois questionnés sur les dépenses législatives, un examen systématique serait utile. J’ai écrit au comité directeur du Comité sénatorial permanent des finances nationales pour demander que le Sénat lance un projet spécial pour examiner les dépenses législatives. J’ai bon espoir qu’avec le soutien de mes collègues qui siègent au comité, nous arriverons à faire des recommandations pour corriger ce problème.

Outre les dépenses législatives, d’autres postes ne font pas partie des dépenses votées et législatives. L’an dernier, ces « postes non compris dans les budgets des dépenses » — c’est ainsi qu’on les appelle — s’élevaient au total à 100 milliards de dollars et n’étaient pas soumis à l’examen du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Un examen de ces « postes non compris dans les budgets des dépenses » profiterait aux parlementaires.

Lorsqu’il a comparu devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales, le directeur parlementaire du budget s’est dit préoccupé parce que, contrairement à une déclaration faite par le gouvernement, le budget principal des dépenses ne représente pas le plan de dépenses du gouvernement puisqu’il n’inclut aucune des nouvelles mesures décrites dans le budget; les plans ministériels n’incluent pas, eux non plus, les initiatives budgétaires. Il a dit que le budget principal des dépenses nuisait à notre capacité de comprendre et d’examiner les demandes de financement du gouvernement, de faire le suivi des nouvelles initiatives stratégiques annoncées dans le budget et de cerner les résultats attendus de ces nouvelles initiatives budgétaires.

Je partage ses préoccupations.

Étant donné que le budget principal des dépenses ne contient aucune des nouvelles initiatives budgétaires, nous devons fouiller dans les budgets supplémentaires des dépenses (A), (B) et (C) pour tenter de découvrir quelles initiatives, parmi les nouvelles initiatives budgétaires, sont financées. Si les budgets supplémentaires des dépenses (A), (B) et (C) ne nomment pas clairement les initiatives budgétaires, il est carrément impossible de faire un suivi de ces postes.

Par exemple, le budget de 2021 comprenait plus de 200 initiatives budgétaires pour l’exercice 2021-2022 au coût de 49 milliards de dollars. Or, avant la fin de l’année dernière, le Conseil du Trésor a indiqué, dans le dernier budget des dépenses, que 36 milliards de dollars sur les 49 milliards de dollars avaient été provisionnés, ce qui nous a amenés à nous demander ce qu’il était advenu des 13 milliards de dollars restants.

Le directeur parlementaire du budget s’est dit favorable aux recommandations unanimes du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires visant à remédier aux écarts entre le budget et le Budget principal des dépenses.

Cela comprend les recommandations suivantes. Premièrement, le Parlement devrait établir une date fixe pour la présentation du budget, et elle devrait être fixée assez tôt pour que les mesures du budget soient incluses et prises en compte dans le Budget principal des dépenses. De plus, les plans ministériels devraient être présentés en même temps que le Budget principal des dépenses.

Ces changements s’accorderaient avec les recommandations faites plus tôt cette année par le directeur parlementaire du budget, qui a recommandé notamment de déplacer la date de publication des Comptes publics au plus tard le 30 septembre. L’année dernière, nous ne les avons reçus qu’aux alentours du 20 décembre, soit juste avant l’ajournement pour la période des Fêtes. Nous avons donc dû attendre neuf mois avant de les recevoir. Nous avons absolument besoin de ce document.

Ce que je trouve à propos du Sénat — et à propos de l’ensemble du gouvernement, je suppose —, c’est que l’on accorde beaucoup d’attention au budget des dépenses et au budget en tant que tel. Il ne s’agit toutefois que de prévisions. Or, quand les comptes publics, qui renferment les véritables données, sont publiés, personne ne les examine. Nous nous concentrons sur les documents de planification pour en faire l’éloge, mais personne n’examine jamais les comptes publics pour poser des questions sur les dépenses, pour prendre connaissance des Rapports ministériels sur le rendement ou pour demander ce que les fonds ont permis de réaliser. Il faudrait donc disposer des comptes publics plus tôt dans l’année — je dirais le 30 septembre —, afin de pouvoir s’en servir dans le cadre de notre examen du Budget supplémentaire des dépenses (B).

Le directeur parlementaire du budget a également recommandé que les Rapports ministériels sur le rendement soient publiés en même temps. Cette année, je les ai réclamés jusqu’à l’ajournement des vacances de Noël. Je pense qu’ils ont été déposés le 2 février. Nous les avons donc attendus longtemps. Pourtant, il nous faut cette information pour être en mesure de faire un bon examen du Budget principal des dépenses et de tous les budgets supplémentaires des dépenses.

Dans l’ensemble, le directeur parlementaire du budget considère que ces changements créeraient un processus cohérent, intuitif et transparent pour permettre aux législateurs de prendre les décisions financières qui s’imposent.

(2120)

Dans son rapport sur le Budget principal des dépenses de cette année, le directeur parlementaire du budget s’est penché sur le coût de trois programmes fédéraux. La sénatrice Gagné les a déjà mentionnés, mais je veux y revenir en raison des montants en cause.

D’abord, les dépenses fédérales au titre des prestations aux aînés, y compris la Sécurité de la vieillesse, le Supplément de revenu garanti et d’autres prestations, devraient passer dans les quatre prochaines années de 68 milliards de dollars pour le présent exercice à 86 milliards de dollars en 2026-2027. Ces prestations aux aînés sont des paiements législatifs. Le coût élevé de ces programmes et la hausse prévue au cours des quatre prochaines années viennent appuyer mon opinion selon laquelle nous devrions consacrer plus de temps à l’étude des paiements législatifs.

Le deuxième aspect souligné par le directeur parlementaire du budget porte sur les dépenses fédérales en santé. Le Transfert canadien en matière de santé, le plus important transfert fédéral aux provinces et aux territoires, fournit une aide financière pour aider à payer les soins de santé. Il est calculé de manière à augmenter automatiquement en fonction de la moyenne mobile triennale de la croissance du produit intérieur brut nominal; cependant, le taux de croissance minimal annuel est fixé à 3 %. Le Transfert canadien en matière de santé est aussi versé aux provinces et aux territoires selon un montant égal par habitant.

Le Transfert canadien en matière de santé doit augmenter pour passer de 45 milliards de dollars en 2022-2023 à 56 milliards de dollars en 2026-2027. Ces sommes sont aussi des paiements législatifs.

Plus tôt cette année, les premiers ministres des provinces et des territoires du Canada ont demandé au gouvernement fédéral d’augmenter les transferts fédéraux de 28 milliards de dollars, une somme qui dépasse largement la hausse de 11 milliards de dollars qui est prévue au cours des quatre prochaines années.

Le troisième aspect souligné par le directeur parlementaire du budget touche aux dépenses liées aux Autochtones. Ces dépenses en 2017-2018, avant la création des deux ministères, étaient de 14,5 milliards de dollars. Dans le présent Budget principal des dépenses, elles s’élèvent à 45 milliards de dollars : 6 milliards pour Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada et 39 milliards de dollars pour Services aux Autochtones Canada. Des 39 milliards de dollars prévus pour Services aux Autochtones Canada, 22 milliards de dollars sont destinés à des règlements extrajudiciaires, et 20 de ces 22 milliards de dollars sont liés à l’annonce du gouvernement sur l’indemnisation des enfants des Premières Nations.

Le Budget principal des dépenses indique qu’un financement à hauteur de 45 milliards de dollars est demandé, mais dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) récemment présenté on voit que les deux ministères demandent 3,5 milliards de dollars de plus. Pendant son étude du Budget principal des dépenses qui alloue les fonds pour le projet de loi C-24 et le premier projet de loi d’exécution du budget, le C-16, le Comité sénatorial permanent des finances nationales a entendu le témoignage de représentants de 11 ministères et organismes, ainsi que celui du directeur parlementaire du budget et de la présidente du Conseil du Trésor.

Je vais passer en revue quelques-uns des ministères. Je sais que la sénatrice Gagné a déjà mentionné certains d’entre eux, mais il y en a quelques-uns dont je veux parler, car je veux signaler des problèmes qui sont importants selon moi et qui le seront aussi pour le comité, du moins je l’espère.

Infrastructure Canada demande 7 milliards de dollars par rapport à 4,5 milliards l’an dernier. C’est une augmentation substantielle de 2,5 milliards de dollars, ou 56 %. L’augmentation de 2,5 milliards de dollars est principalement attribuable à des subventions et des contributions pour la surveillance et l’exécution des investissements dans des infrastructures publiques et des collectivités.

Je vais mentionner quelques montants d’argent parce que les montants que nous voyons dans le Budget principal des dépenses sont si gigantesques que nous sommes désensibilisés à leur taille.

Le gouvernement demande 51 millions de dollars pour financer les subventions offertes dans le cadre du Programme pour les bâtiments verts et inclusifs. Il demande 40 millions de dollars pour financer diverses autres subventions, dont celles offertes dans le cadre du Fonds pour l’infrastructure naturelle, de la stratégie canadienne de lutte contre l’itinérance et du Défi des villes intelligentes.

En outre, il demande 2,5 milliards de dollars pour le programme d’infrastructure Investir dans le Canada. J’aimerais formuler quelques observations au sujet de ce programme. Le plan Investir dans le Canada fait intervenir 21 organismes fédéraux, dont 13 ministères fédéraux, 2 sociétés d’État et 6 agences de développement régional. C’est un plan d’envergure.

Infrastructure Canada est le ministère à la tête du plan Investir dans le Canada et est responsable de respecter les exigences en matière de production de rapports et de surveillance de la mise en œuvre du plan. Il abrite également le Secrétariat du plan Investir dans le Canada, qui agit à titre de centre de coordination du plan. Il a donc un rôle important à jouer.

Le gouvernement demande par ailleurs 1,5 milliard de dollars pour le Nouveau Fonds Chantiers Canada et 468 millions de dollars pour le Fonds pour l’infrastructure de transport en commun.

Compte tenu des dépenses et des investissements importants dans les infrastructures, plusieurs études ont été menées au cours des dernières années. En 2017, le Comité sénatorial permanent des finances nationales a publié deux rapports sur le programme de plusieurs milliards de dollars du gouvernement fédéral pour le financement des infrastructures. À ce moment-là, le gouvernement avait prévu de dépenser 186 milliards de dollars en infrastructure sur une période de 12 ans, de 2016 à 2028. On parle bien de 186 milliards de dollars.

Dans le cadre de son étude, le Comité des finances a relevé d’importants problèmes pour obtenir des données sur les projets, ainsi que des données sur les résultats des programmes et projets d’infrastructure. L’an dernier, la vérificatrice générale du Canada a entrepris un audit du programme d’infrastructure Investir dans le Canada, à la suite de l’adoption d’une motion dans l’autre endroit, qui demandait à la vérificatrice générale de mettre en œuvre un audit du programme. Ce plan d’infrastructure générait de graves préoccupations.

La vérificatrice générale a conclu, entre autres, qu’Infrastructure Canada, à titre de ministère responsable, n’a pas réussi à présenter des rapports publics satisfaisants sur les progrès d’ensemble réalisés à l’égard des résultats attendus du plan.

Je dois dire que nous avons beaucoup travaillé en ce qui concerne Infrastructure Canada et le programme Investir dans le Canada. Une des choses que nous avons remarquées est que le ministère a publié une immense carte sur son site Web. On peut cliquer sur certaines régions, découvrir les projets en cours et voir exactement ce qui se passe. Par contre, lorsqu’on clique sur les icônes, on obtient des informations incomplètes datant de 2018 ou 2017. Je ne comprends pas pourquoi cette carte se trouve sur le site Web.

Lorsque nous avons reçu le Budget principal des dépenses, j’ai été surprise de constater l’augmentation de financement demandée compte tenu du rapport très critique de la vérificatrice générale à l’endroit du ministère et du fait que ce dernier n’avait atteint que 16 de ses 51 indicateurs de rendement. Le Bureau du Conseil privé et le Conseil du Trésor du Canada offrent des conseils et du soutien au sujet des programmes qui concernent plusieurs organisations. C’est le cas de ce programme. J’aurais cru que cette importante augmentation du financement aurait été assujettie à des améliorations des rapports sur les programmes et à des résultats en matière de rendement du ministère.

Le prochain ministère dont je voulais parler est Emploi et Développement social Canada. Le ministère demande 11 milliards de dollars dans le Budget principal des dépenses de cette année, comparativement à 4 milliards de dollars l’an dernier. La sénatrice Gagné a également soulevé ce point, car ces 11 milliards de dollars comprennent le financement de 5 milliards de dollars demandé pour la nouvelle stratégie de garde d’enfants. En date du mois de mars, les 13 accords pancanadiens sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants ont été négociés et signés avec les provinces et les territoires. Comme l’a dit la sénatrice Gagné, ils comprennent certains objectifs pour le programme, notamment une réduction moyenne de 50 % des frais pour les familles d’ici la fin de 2022, des frais moyens de 10 $ par jour d’ici 2025-2026 pour toutes les places en garderie réglementées au Canada, la création d’environ 250 000 nouvelles places en garderie d’ici 2025-2026 et la création de 52 000 à 62 000 nouveaux postes d’éducateurs de la petite enfance.

Cependant, la plupart des objectifs sont liés à l’année 2025-2026. Honorables sénateurs, vous vous souvenez peut-être que j’ai demandé à la ministre responsable du programme national de garderies le nombre de places et de postes qui seraient créés chaque exercice jusqu’en 2025-2026. Après tout, les nouvelles places et les nouveaux postes ne seront pas créés soudainement à la fin de 2025-2026, mais plutôt tout au long des cinq années qui précèdent cette date. La ministre a répondu que cette information est incluse dans l’entente de chaque province ou territoire, mais ce n’est pas le cas.

Étant donné le coût estimé de ce programme sur la période de cinq ans, soit 27 milliards de dollars, le gouvernement devrait divulguer — et on devrait nous dire — le nombre de places et de postes qui devraient être créés chaque année afin que nous puissions faire un suivi annuel des progrès réalisés et comparer les prévisions au nombre de places et de postes réellement créés. De plus, le plan ministériel ne prévoit aucun objectif pour la création de nouvelles places en garderie ou de nouveaux postes de garde d’enfants. Le directeur parlementaire du budget a également publié un rapport sur le programme des services de garde et a indiqué qu’il publierait d’autres rapports à l’avenir.

(2130)

Le ministère de l’Environnement demande 1,9 milliard de dollars dans le Budget principal des dépenses de cette année, comparativement à 1,7 milliard de dollars l’an dernier. Il a réparti ces 1,9 milliard de dollars en cinq secteurs d’activité. Trois d’entre eux indiquent une certaine augmentation, tandis qu’un autre, la conservation de la nature, réclame une augmentation importante de 283 millions de dollars, passant de 325 millions de dollars l’an dernier à 609 millions de dollars cette année. Les subventions et les contributions affichent également une augmentation importante, passant de 623 millions de dollars l’an dernier à 770 millions de dollars cette année. Parmi les subventions, figure l’établissement du Programme de financement international de la lutte contre les changements climatiques du Canada, qui demande 10 millions de dollars en subventions et 16 millions de dollars en contributions. Cela fait partie d’un programme de 5,3 milliards de dollars annoncé en juin l’an dernier pour aider les pays en développement à faire la transition vers un développement durable à faible émission de carbone.

Le ministère a indiqué dans son plan ministériel de cette année qu’il continuera à collaborer avec ses partenaires pour établir une gouvernance adéquate. Ce n’est pas encore fait, mais on y travaille. Cependant, cela a également été confirmé par les fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada, qui ont indiqué que des indicateurs de rendement seront élaborés séparément pour ce programme de 5,3 milliards de dollars.

Le problème est que le rapport des résultats du ministère pour 2020-2021 indique qu’il n’a atteint que 8 de ses 56 objectifs de rendement. Parmi les 86 organismes qui ont rendu compte de leurs objectifs de rendement, le ministère de l’Environnement était l’une des organisations dont le nombre d’objectifs de rendement atteints était le plus faible. Le ministère doit revoir son plan ministériel, établir des objectifs de rendement réalistes et obtenir des résultats qui lui donneront l’assurance que l’argent qu’il dépense donne effectivement des résultats significatifs.

Le dernier ministère que je voulais mentionner est le ministère des Anciens Combattants, car il obtient 5,4 milliards de dollars dans le Budget principal des dépenses, comparativement à 6,2 milliards de dollars l’an dernier. Le mois dernier, la vérificatrice générale a publié un rapport sur le traitement des prestations d’invalidité pour les vétérans. Les retards dans le traitement des prestations d’invalidité sont un problème de longue date que le ministère n’a pas encore résolu. Le rapport indique qu’au 31 mars 2021, plus de 43 000 demandes de prestations d’invalidité étaient en attente d’une décision, y compris des premières demandes, des demandes de réévaluation et des demandes de révision ministérielle. Alors que la norme de service du ministère est de traiter 80 % de ses dossiers dans un délai de 16 semaines, les vétérans qui demandaient des prestations d’invalidité pour la première fois ont attendu une moyenne de 39 semaines pour obtenir une décision. Les anciens membres de la GRC ont dû attendre encore plus longtemps les décisions relatives aux prestations dans le cadre des premières demandes, soit 51 semaines.

Le mois dernier, le ministre des Anciens Combattants a fourni une mise à jour indiquant qu’au 29 avril de cette année, 11 000 des 30 000 demandes en attente de traitement dépassaient la norme de traitement de 16 semaines, ce qui représente une amélioration par rapport aux 23 000 d’il y a 2 ans. Cela correspond aux renseignements fournis au comité par les fonctionnaires. Les fonctionnaires du ministère ont dit au comité que leur objectif est de réduire davantage l’arriéré l’an prochain. Ainsi, bien qu’il y ait eu une certaine amélioration des délais de traitement, les statistiques actuelles indiquent qu’une demande sur trois en attente dépasse toujours la norme de service du ministère. Compte tenu des ressources dont dispose le gouvernement et qui sont attribuées aux ministères, je ne comprends pas pourquoi les vétérans attendent toujours aussi longtemps le traitement de leurs demandes.

Honorables sénateurs, avant de terminer, j’aimerais revenir sur certains points et souligner quelques améliorations qui pourraient être apportées par le gouvernement et qui aideraient grandement les parlementaires et autres personnes pertinentes dans leur examen du Budget principal des dépenses. Si le budget et le Budget principal des dépenses pouvaient inclure toutes les initiatives budgétaires, nous n’aurions pas à passer constamment de l’un à l’autre des budgets supplémentaires des dépenses pour essayer de voir si les initiatives budgétaires ont été mises en œuvre. Si nous pouvions obtenir les plans ministériels en même temps que le Budget principal des dépenses, si nous pouvions obtenir les comptes publics d’ici le 30 septembre, ce serait formidable. Puis, si nous pouvions obtenir que les Rapports sur les résultats ministériels soient publiés en même temps que les comptes publics, ce serait un pas de géant vers l’avant.

C’est tout pour mes observations sur le projet de loi C-24 et le Budget principal des dépenses pour 2022-2023. J’aimerais conclure en exprimant toute ma gratitude envers mes collègues au sein du comité pour leur enthousiasme et les excellentes questions posées lors de nos réunions. Je remercie aussi notre président, le sénateur Mockler, de même que notre greffière, nos analystes et tous les employés qui assurent le bon déroulement de nos réunions. Merci beaucoup.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Gagné, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Projet de loi de crédits no 3 pour 2022-2023

Deuxième lecture

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-25, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2023, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j’ai le plaisir de prendre la parole aujourd’hui pour vous présenter la loi de crédits liée au Budget supplémentaire des dépenses (A) de 2022-2023. Au moyen de ce projet de loi de crédits, le gouvernement demande au Parlement d’approuver les propositions de dépenses prévues qui sont détaillées dans le Budget supplémentaire des dépenses (A).

Au cours de chaque cycle budgétaire, c’est au moyen du projet de loi de crédits que les dépenses imputées au Trésor sont autorisées afin de payer les programmes et services du gouvernement. Les montants votés dans le Budget supplémentaire des dépenses représentent des plafonds ou des estimations jusqu’à concurrence de montants maximums. Il me revient donc de rappeler aux honorables sénateurs qu’il n’est pas anormal que ces montants ne soient pas entièrement dépensés au cours de l’année. Les dépenses réelles sont indiquées dans les comptes publics déposés après la fin de l’exercice.

À titre de rappel, le budget des dépenses fait partie d’une série de documents qui comprend le Budget principal des dépenses, les budgets supplémentaires des dépenses, les plans ministériels, les Rapports sur les résultats ministériels et les comptes publics. Ces documents fournissent des renseignements importants et nous aident, en tant que parlementaires, à examiner minutieusement les dépenses du gouvernement.

La réalité est que les Canadiens et les Canadiennes ont le droit de savoir comment les fonds publics sont dépensés. Chers collègues, c’est un élément clé de notre système parlementaire. Des documents comme le Budget supplémentaire des dépenses (A) fournissent à la population canadienne une ventilation détaillée et transparente de l’utilisation de l’argent des contribuables. D’autre part, ils permettent de responsabiliser le gouvernement face à ses dépenses.

[Traduction]

Honorables sénateurs, le Budget supplémentaire des dépenses (A) 2022-2023 a été déposé au Sénat le 31 mai. Avec ce Budget supplémentaire des dépenses (A), le gouvernement continue d’investir dans les communautés autochtones, la santé, le bien-être et la sécurité des Canadiens, tout en reconnaissant l’importance de soutenir les partenaires internationaux qui partagent nos valeurs démocratiques.

Comme vous le savez, le Budget supplémentaire des dépenses présente de l’information sur les besoins supplémentaires en matière de dépenses, qui n’étaient pas suffisamment étoffés au moment du dépôt du Budget principal des dépenses ou qui ont été précisés par la suite pour tenir compte de récents changements. Dans son ensemble, il fournit de l’information sur les nouvelles dépenses votées de 8,8 milliards de dollars pour 26 organisations fédérales. Il présente aussi de l’information sur un montant additionnel de 860 millions de dollars en dépenses budgétaires législatives prévues.

(2140)

Chers collègues, ces dépenses prévues appuieront diverses priorités essentielles, notamment le soutien aux enfants et aux familles autochtones, la santé publique, le soutien à la défense de l’Ukraine et les mesures visant à lutter contre le changement climatique.

À des fins de mise en contexte et de sensibilisation, je pense qu’il peut être utile de ventiler les dépenses figurant dans le Budget des dépenses pour l’exercice en cours. Le Budget principal des dépenses de 2022-2023 présente 397,6 milliards de dollars en dépenses budgétaires prévues pour offrir des programmes et des services aux Canadiens. Ce montant se compose de 190,3 milliards de dollars en dépenses votées et de 207,3 milliards de dollars en dépenses législatives déjà autorisées par d’autres lois.

Avec le Budget supplémentaire des dépenses (A), le Budget des dépenses à ce jour pour 2022-2023 s’élève à 407,2 milliards de dollars, dont 199,1 milliards de dollars en dépenses votées prévues et 208,1 milliards de dollars en dépenses législatives prévues. Cela représente une augmentation de 4,6 % des dépenses budgétaires votées prévues par rapport au Budget principal des dépenses 2022-2023.

Comme les honorables sénateurs le savent, il existe une différence entre les dépenses votées et les dépenses législatives. Les dépenses votées nécessitent l’approbation annuelle du Parlement dans le cadre d’un projet de loi de crédits, comme celui qui nous est présenté aujourd’hui. Les dépenses législatives, par contre, sont approuvées par le Parlement au moyen d’une loi autre qu’un projet de loi de crédits.

Cela étant dit, permettez-moi de vous présenter une ventilation de certains des principaux postes du présent budget des dépenses.

[Français]

Le gouvernement concentre ses efforts sur des priorités qui sont importantes pour les Canadiens, en affectant notamment 3,6 milliards de dollars pour soutenir les priorités des communautés autochtones; 1,4 milliard de dollars pour les traitements existants et émergents contre la COVID-19; 853 millions de dollars pour soutenir la réponse du Canada à l’invasion de l’Ukraine; 323 millions de dollars pour encourager l’utilisation de véhicules à zéro émission nette.

Plus particulièrement, cinq organisations demandent chacune 500 millions de dollars ou plus.

Il s’agit des entités suivantes : le ministère des Services aux Autochtones, pour une valeur de 2,2 milliards de dollars; l’Agence de la santé publique du Canada, pour une valeur de 1,5 milliard de dollars; le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord, pour une valeur de 1,4 milliard de dollars; le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, pour une valeur de 823,6 millions de dollars; le ministère de la Défense nationale, pour une valeur de 500 millions de dollars.

Aujourd’hui, je donnerai une ventilation détaillée des dépenses les plus importantes.

[Traduction]

Tout d’abord, j’aimerais parler du soutien aux Canadiens autochtones et à leurs communautés. Honorables sénateurs, dans le cadre de notre cheminement continu vers la réconciliation, le gouvernement du Canada s’est engagé à faire les investissements nécessaires pour régler les revendications et soutenir l’infrastructure et les services qui sont essentiels à la santé et au bien-être physique, mental, social et économique des communautés autochtones.

Ensemble, les ministères des Services aux Autochtones, des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord proposent d’investir 3,6 milliards de dollars en nouvelles dépenses dans le présent Budget des dépenses. Cela comprend : 2,1 milliards de dollars pour mettre en œuvre les ententes d’indemnisation relatives aux services à l’enfance et à la famille des Premières Nations et aux programmes du principe de Jordan, y compris les réformes initiales immédiates des programmes et de l’infrastructure essentiels au bien-être des enfants et des familles; 900 millions de dollars pour les règlements négociés de revendications particulières; 146 millions de dollars pour le règlement partiel du litige Gottfriedson; 130 millions de dollars pour la Convention de règlement relative aux externats indiens fédéraux; 99 millions de dollars consacrés au règlement visant les séquelles laissées par les pensionnats indiens; 75 millions de dollars annoncés dans le budget de 2022 pour soutenir le logement abordable et les infrastructures connexes dans le Nord. Si l’on ajoute le financement prévu dans le Budget principal des dépenses, le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord prévoit dépenser environ 3,3 milliards de dollars pour régler les revendications particulières.

Honorables collègues, ces investissements sont non seulement nécessaires, mais essentiels pour promouvoir la réconciliation.

[Français]

Les Canadiens et Canadiennes d’un océan à l’autre ont été victimes de diverses catastrophes naturelles causées par les changements climatiques.

Les données scientifiques ne laissent place à aucun doute : ces événements destructeurs vont continuer d’augmenter.

Alors que le gouvernement travaille à la réalisation de son ambitieux plan climatique, il est également conscient que la population canadienne qui a été touchée par des catastrophes naturelles a besoin de soutien et de secours.

Ce Budget supplémentaire des dépenses prévoit un financement de 823,6 millions de dollars pour rembourser aux provinces et aux territoires les coûts liés aux catastrophes survenues partout au pays au cours de la dernière décennie.

Cela couvrirait les coûts associés aux événements suivants : les feux de forêt de 2016 à Fort McMurray, en Alberta, et les feux de forêt de 2017 en Saskatchewan et en Colombie-Britannique; la tempête de verglas de 2017 au Nouveau-Brunswick; les inondations du printemps 2017 à Terre-Neuve-et-Labrador et au Québec; enfin, plus récemment, les inondations printanières et les pluies diluviennes de 2020 au Manitoba.

Ces fonds seront affectés aux Accords d’aide financière en cas de catastrophe, qui offrent aux gouvernements provinciaux et territoriaux un soutien fédéral pour les aider à assurer les coûts d’intervention et de rétablissement.

[Traduction]

Honorables sénateurs, ce Budget supplémentaire des dépenses (A) propose également un financement pour l’un des plus fidèles alliés du Canada : l’Ukraine. En effet, le Canada est solidaire de l’Ukraine et de son peuple. Comme les honorables sénateurs le savent bien, le gouvernement a déjà pris plusieurs mesures pour apporter son soutien. Le Canada a envoyé de l’aide humanitaire et militaire à l’Ukraine depuis le début de l’invasion et prend des mesures pour soutenir les Ukrainiens déplacés lorsqu’ils arrivent au Canada.

Le présent Budget supplémentaire des dépenses (A) prévoit environ 853 millions de dollars pour les interventions du Canada à la suite de l’invasion, et un montant de 500 millions de dollars est proposé pour l’aide militaire, y compris l’équipement létal et non létal, les armes et l’entraînement, l’entretien et la gestion qui y sont liés.

Cela dit, l’aide ne se limite pas aux armes et à l’équipement. En effet, 352,7 millions de dollars sont proposés pour des mesures spéciales d’immigration pour les réfugiés ukrainiens. Ces mesures comprennent des vols nolisés, l’hébergement temporaire dans des hôtels, le traitement des demandes, une ligne téléphonique spéciale pour les questions d’immigration, l’installation et un soutien du revenu.

Honorables sénateurs, les efforts déployés par le gouvernement pour contribuer à l’accueil des Ukrainiens déplacés suscitent une grande fierté. Une voie spéciale a été créée pour faciliter le processus d’immigration en éliminant bon nombre des exigences habituelles en matière de visa. L’Autorisation de voyage d’urgence Canada-Ukraine, ou AVUCU, aide les Ukrainiens et les membres de leur famille à venir au Canada le plus rapidement possible et leur donne la possibilité de travailler et d’étudier pendant leur séjour au Canada.

Les Ukrainiens peuvent demander en même temps un permis de travail ouvert de trois ans, et la plupart des exigences habituelles associées à un visa de visiteur ou à un permis de travail seront levées. Le gouvernement comprend que les Ukrainiens qui viennent dans notre pays peuvent avoir beaucoup d’incertitudes quant à leur avenir. Ils recherchent une certaine stabilité pour se remettre sur pied. C’est pourquoi les Ukrainiens qui sont déjà au Canada ont la possibilité de prolonger leur statut de visiteur, leur permis de travail ou leur permis d’études afin qu’ils puissent continuer à vivre et à travailler ou à étudier au Canada de façon temporaire.

[Français]

Honorables sénateurs, en ce qui a trait aux mesures liées à la COVID-19, le Canada continue de lutter contre la pandémie.

En effet, nous avons fait du chemin et appris beaucoup de choses. Nous savons que le fait de prendre des précautions, comme de porter un masque, contribue à réduire la transmission. De plus, nous disposons de vaccins et de produits thérapeutiques qui aident à prévenir les maladies graves.

Toutefois, nous savons très bien que nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. Il est important de rester vigilants face à ce virus en constante évolution.

(2150)

C’est pourquoi le Budget supplémentaire des dépenses (A) propose 1,8 milliard de dollars pour soutenir le gouvernement dans sa lutte contre la pandémie.

Comme les honorables sénateurs le remarqueront, cette somme s’ajoute aux 9,7 milliards de dollars de dépenses prévues pour les mesures liées à la COVID-19, y compris le Plan d’intervention économique du Canada, qui figuraient dans le Budget principal des dépenses de 2022-2023. Cette enveloppe comprend 1,4 milliard de dollars destinés à l’Agence de la santé publique du Canada afin qu’elle puisse acheter des traitements de COVID-19 supplémentaires pour répondre aux besoins des systèmes de santé provinciaux et territoriaux.

Alors que l’industrie canadienne du divertissement se remet de la pandémie, 150 millions de dollars de ce budget des dépenses seraient versés à Téléfilm Canada afin de prolonger le Fonds d’indemnisation à court terme pour les productions audiovisuelles canadiennes jusqu’au 31 mars 2023. Un montant de 102,5 millions de dollars est également prévu pour le consortium pancanadien de surveillance sérologique afin de financer des études visant à déterminer l’étendue des infections de COVID-19 et les réponses immunitaires au sein de la population canadienne. Enfin, 100 millions de dollars sont réservés au ministère des Finances pour améliorer la ventilation dans les écoles.

Les sénateurs noteront qu’il s’agit de dépenses législatives proposées dans le cadre de la loi C-8, Loi d’exécution de la mise à jour économique et budgétaire de 2021, qui a reçu la sanction royale jeudi dernier.

Chers collègues, pris dans leur ensemble, les investissements proposés dans le Budget supplémentaire des dépenses nous aideront à aller de l’avant pour sortir de la pandémie. Ce faisant, l’engagement du gouvernement envers la transparence demeurera inébranlable. Le gouvernement du Canada est déterminé à faire en sorte qu’il soit plus facile pour les parlementaires et les Canadiennes et Canadiens de demander au gouvernement de rendre compte de ses décisions en matière de dépenses. L’InfoBase du gouvernement du Canada, par exemple, est un outil interactif en ligne qui présente une multitude de données fédérales de façon visuelle.

La capacité d’exercer une surveillance est l’un des rôles les plus importants que les parlementaires peuvent jouer au nom des citoyens et citoyennes. Pour bien s’acquitter de cette tâche, les parlementaires doivent avoir accès à des informations précises, opportunes et compréhensibles sur les dépenses gouvernementales. L’InfoBase du gouvernement du Canada fournit cette information. Elle contient le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses, ainsi que d’autres données relatives aux finances, aux gens et aux résultats du gouvernement.

La publication de ces données sur les dépenses au moyen de tels outils numériques est essentielle pour fournir aux parlementaires et aux Canadiennes et Canadiens davantage d’information sur la destination des fonds publics et sur la façon dont ils sont dépensés. Il est important de souligner que le gouvernement continue d’accueillir les commentaires sur ses documents et ses processus.

En conclusion, honorables sénateurs, le projet de loi que j’ai l’honneur de présenter aujourd’hui est important pour mettre en œuvre l’engagement du gouvernement à l’égard de la santé et du bien-être des Canadiens et des Canadiennes ainsi que d’autres priorités clés. Le Budget supplémentaire des dépenses (A) de 2022-2023 permet au gouvernement de répondre aux besoins immédiats des Canadiens tout en assurant des investissements cruciaux à long terme qui bénéficieront à toute la population canadienne.

[Traduction]

Avant de terminer, je tiens à remercier de nouveau tous les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales de leur travail exhaustif et crucial. Maintenant, honorables sénateurs, je vous exhorte à appuyer ce projet de loi. Merci.

L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, je voudrais commencer par remercier la sénatrice Gagné pour ses observations concernant le projet de loi C-25. À titre de porte-parole pour ce projet de loi, j’aimerais ajouter quelques commentaires.

D’abord, le projet de loi C-25 s’appuie sur le Budget supplémentaire des dépenses (A), il demande 8,8 milliards de dollars en dépenses votées — et donc l’approbation du Parlement — et il prévoit une augmentation nette de 860 millions de dollars en dépenses législatives. Cela fera augmenter les dépenses budgétaires de cette année, qui atteindront 199 milliards de dollars, en plus de faire passer les prévisions des dépenses législatives à 208 milliards de dollars.

En ce qui concerne le Budget supplémentaire des dépenses (A), lors de ma dernière intervention, je parlais du suivi des initiatives budgétaires, et nous ne voyons pas de nouvelles initiatives budgétaires dans le Budget principal des dépenses parce qu’il est déposé avant le budget. Lorsque nous recevons le Budget supplémentaire des dépenses (A), nous commençons par chercher ces nouvelles initiatives budgétaires. Habituellement, le Budget supplémentaire des dépenses (A) en comprend un nombre considérable, mais cette année, il ne comprend que sept nouvelles initiatives budgétaires, et elles devraient coûter 1 milliard de dollars.

Il y a 211 initiatives en tout dans le budget de 2022. Elles sont évaluées à plus de 7 milliards de dollars. Si vous prenez les 7 initiatives qui figurent dans le Budget supplémentaire des dépenses (A), et les 22 qui ont déjà obtenu une approbation législative, il reste 182 initiatives budgétaires à financer dans de futurs projets de loi de crédits. Nous allons chercher les initiatives figurant dans le Budget supplémentaire des dépenses (B), le Budget supplémentaire des dépenses (C), et peut-être même celles de l’exercice suivant.

Je dis cela simplement pour vous donner une idée de la difficulté que nous avons à faire le suivi des nouvelles initiatives budgétaires, car le Budget principal des dépenses et le budget sont mal alignés. Ils ne correspondent pas. Nous avons encore bien des suivis à effectuer pour ces 182 initiatives budgétaires.

L’an dernier, le Budget supplémentaire des dépenses (A) comprenait environ la moitié des quelque 280 initiatives budgétaires de cette année-là.

J’ignore pourquoi le gouvernement a inclus si peu des initiatives prévues dans le budget de 2022 dans le Budget supplémentaire des dépenses (A), et le directeur parlementaire du budget n’a pas pu m’éclairer à ce sujet.

De plus, les 8,8 milliards de dollars demandés dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) comprennent 1 milliard de dollars pour six initiatives prévues dans le budget de l’an dernier, d’où l’importance de pouvoir faire le rapprochement entre tous les budgets des dépenses et le budget.

Il y a les initiatives de 2021 qui n’ont toujours pas été provisionnées, mais vu le manque d’information pour déterminer quelles initiatives prévues dans le budget de l’an dernier demeurent non provisionnées, il est impossible de savoir desquelles il s’agit. J’ai demandé au directeur parlementaire du budget s’il pouvait les nommer et il a dit qu’il vérifierait, mais je ne m’attends pas à ce qu’il réussisse à déterminer de quelles initiatives il s’agit.

Je crois que cela explique en partie l’écart de 13 milliards de dollars que j’ai mentionné dans mon discours sur le projet de loi précédent.

Les honorables sénateurs se souviendront peut-être que j’ai mentionné à de nombreuses reprises la difficulté de faire un suivi des initiatives budgétaires pour vérifier si elles ont été financées et, le cas échéant, quand elles l’ont été. Le directeur parlementaire du budget a récemment indiqué qu’il effectuerait dorénavant le suivi de la mise en œuvre des initiatives budgétaires et qu’il présenterait un tableau de suivi dans son site Web.

C’est une bonne nouvelle et cela nous sera très utile en tant que parlementaires pour l’examen des dépenses gouvernementales, mais il ne s’agit que d’une solution provisoire à un problème causé par le dépôt de deux documents sur les dépenses par le gouvernement. Le directeur parlementaire du budget essaie simplement de nous aider à faire les rapprochements entre les deux documents.

Le document du Budget supplémentaire des dépenses (A) donne des précisions concernant les 8,8 milliards de dollars demandés dans le projet de loi C-25. Je suis allée vérifier le nombre d’heures que notre comité a consacré à l’étude de ces 8,8 milliards de dollars et mes collègues du Comité des finances ne seront pas surpris d’apprendre que nous y avons consacré trois heures et demie. Je trouve simplement que ce n’est pas suffisant pour étudier adéquatement la façon dont le gouvernement entend dépenser ces 8,8 milliards de dollars. Je trouve que, lorsqu’il doit choisir entre de nombreuses obligations concurrentes au sujet des projets de loi d’exécution du budget, le Budget principal des dépenses et le projet de loi C-8, le comité manque de temps.

(2200)

Lorsque le manque de temps ne nous permet pas d’obtenir les réponses à nos questions, nous avons le sentiment de ne pas avoir fait une analyse adéquate des renseignements fournis dans le document budgétaire.

Nous avons entendu le témoignage de fonctionnaires du Conseil du Trésor, du directeur parlementaire du budget et de fonctionnaires de cinq organisations qui demandent du financement par l’entremise du projet de loi C-25.

Le ministère des Services aux Autochtones demande 2,2 milliards de dollars pour des indemnisations et des réformes concernant le programme des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations et le programme du principe de Jordan. Ces 2,2 milliards de dollars portent le financement total du ministère à 42 milliards de dollars pour l’exercice en cours.

Ces deux programmes sont toujours actifs. À la lumière des témoignages, notre comité devrait examiner de plus près le financement des deux programmes ainsi que leur prestation et leur administration puisque, quand des fonctionnaires du ministère ont témoigné, plusieurs questions sont restées sans réponse et qu’il demeurait une certaine confusion, surtout dans mon esprit, au sujet du chevauchement des deux programmes.

Pour sa part, l’Agence de la santé publique du Canada demande 1,5 milliard de dollars, ce qui porterait à 10 milliards de dollars le financement qu’elle a, à ce jour, pour l’exercice en cours. La somme de 1,5 milliard de dollars demandée servira à acheter des éléments thérapeutiques supplémentaires en lien avec les traitements actuels et émergents pour la COVID-19.

Les fonctionnaires nous ont dit que la somme de 1,5 milliard de dollars correspondait en grande partie à des fonds reportés. Je m’efforce depuis de trouver des renseignements sur la source des fonds reportés, mais je n’y suis pas encore vraiment parvenue. C’est donc un autre point qui doit faire l’objet d’un suivi.

Selon le directeur parlementaire du budget, l’Agence de la santé publique du Canada demande du financement pour la recherche médicale et la mise au point de vaccins. Le financement dans ces deux domaines a diminué considérablement, tandis que le financement pour les produits thérapeutiques, les vaccins, les équipements de protection individuelle et les tests rapides a augmenté, ce qui témoigne de l’évolution des besoins pendant la pandémie.

Le ministère de la Sécurité publique demande 823 millions de dollars, ce qui portera son financement total pour cette année à 1,7 milliard de dollars. Les 823 millions de dollars, qui sont demandés pour le programme des Accords d’aide financière en cas de catastrophe, seront versés aux gouvernements provinciaux et territoriaux pour les aider à assumer les coûts d’intervention et de rétablissement à la suite de catastrophes naturelles.

Les 823 millions de dollars font partie du financement de 1,9 milliard de dollars annoncé dans le dernier budget. Il y a lieu de se demander pourquoi le financement n’a pas été demandé plus tôt. Voilà encore le sempiternel problème qui fait que les initiatives liées au budget d’une année donnée aboutissent dans un document de l’année suivante.

Le ministère de la Défense nationale réclame un demi-milliard de dollars en aide militaire pour l’Ukraine. Les fonctionnaires nous ont présenté une mise à jour de leur politique de défense et de leur plan d’investissements de la Défense, qui sera mis à jour et publié cet automne. Lors de réunions précédentes, le comité a eu de la difficulté à obtenir des informations à jour sur les projets d’investissements du ministère. Le directeur parlementaire du budget a publié un rapport en mars renfermant une analyse de l’état d’avancement du plan de dépenses d’investissements du ministère pour la période allant de 2017 à 2037.

Le ministère a prévu dépenser 164 milliards de dollars pour 348 projets d’immobilisations sur une période de 20 ans. L’analyse montre des reports au cours des quatre premières années du plan jusqu’en 2021, que nous avons déjà relevés lors de réunions précédentes du comité. Ce financement a donc été repoussé à des années ultérieures, notamment de 2023 à 2028, ce qui pose de nouveaux défis au ministère pour déterminer rapidement les dépenses en immobilisation au cours de ces cinq années. Les représentants du ministère ont indiqué que leur plan d’investissement actualisé sera rendu public à l’automne de cette année.

L’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien a également témoigné devant le comité. Elle demande 329 millions de dollars en plus de son financement de base de 567 millions de dollars, qui est inclus dans le Budget principal des dépenses. L’ACSTA, comme nous l’appelons, a été critiquée au cours des derniers mois pour le prolongement des files d’attente dans les aéroports et les retards dans le contrôle des passagers. Il en a beaucoup été question dans les nouvelles ces derniers temps.

Dans leur témoignage, ses représentants se sont concentrés sur la raison des retards dans le contrôle des passagers. Ils ont indiqué que 1 750 de leurs 7 400 agents de contrôle avaient été licenciés pendant la pandémie, mais que seulement 1 250 avaient retrouvé leur emploi. Ils ont actuellement 6 800 agents de contrôle et ils essaient de recruter 1 000 agents de contrôle supplémentaires.

Ils ont dit que le problème n’est pas le financement, qui sera suffisant s’ils reçoivent les 329 millions de dollars supplémentaires, mais plutôt le marché du travail et la dotation des postes d’agents de contrôle par des entrepreneurs de contrôle tiers.

En outre, le personnel doit être formé adéquatement, puisque le problème est attribuable, du moins en partie, aux nouveaux employés ou même aux anciens employés qui reviennent. Bien que les hauts fonctionnaires nous aient déclaré le contraire, les passagers qui voyagent beaucoup ont souligné qu’il y a des problèmes de cohérence dans les procédures de contrôle entre les aéroports, tout comme des problèmes de contrôle secondaire.

Le ministère des Finances a fait part d’une augmentation des pouvoirs législatifs d’un montant de 1,2 milliard de dollars attribuable aux intérêts sur la dette arrivée à échéance et autres coûts liés aux intérêts, ce qui porte le coût total des intérêts jusqu’à maintenant cette année à un peu plus de 24 milliards de dollars comparativement aux 26,9 milliards de dollars prévus dans le budget de 2022. Nous anticipons que l’augmentation additionnelle des frais d’intérêts sera incluse dans les Budgets supplémentaires des dépenses (B) et (C) puisque les taux d’intérêt sont à la hausse et que les coûts liés aux intérêts dépasseront probablement les prévisions de 29,6 milliards de dollars énoncées dans le budget de 2022.

Comme nous le savons, le gouvernement s’est engagé, dans le budget de 2022, à réduire les dépenses de 9 milliards de dollars au moyen de deux exercices d’examen des dépenses. Le directeur parlementaire du budget nous a dit que, d’après les informations fournies par le gouvernement, les dépenses de fonctionnement et d’investissement ne peuvent augmenter que de 0,3 % par an afin de réaliser des économies de 9 milliards de dollars. Il a été dit que cette restriction sera plus sévère que ce qui a été entrepris au début des années 2000 et 2010. De plus, plusieurs priorités gouvernementales annoncées dans le programme électoral de l’année dernière ne sont pas encore incluses dans le budget, et d’autres pressions s’exercent pour augmenter les dépenses. Selon le directeur parlementaire du budget, il n’y a pas lieu de croire que les dépenses seront restreintes à un degré suffisant pour réaliser des économies de 9 milliards de dollars.

Des représentants du Conseil du Trésor ont également témoigné devant le comité. L’une des frustrations liées à l’examen des demandes de financement est le manque d’information sur le rendement des organismes qui demandent d’importantes sommes d’argent. Bon nombre de ces organismes ne satisfont pas à de nombreux indicateurs de rendement, de sorte que nous ne savons pas ce que le financement a permis de réaliser. Malgré le manque d’information en matière de reddition de comptes, le financement de ces ministères et organismes continue d’augmenter. Le ministère des Services aux Autochtones, Infrastructure Canada et Environnement Canada sont trois de ces ministères.

Le Conseil du Trésor est chargé de la surveillance financière des gouvernements, notamment pour savoir comment les fonds consacrés aux programmes et aux services sont dépensés et gérés. Il supervise également la gestion financière des ministères et des organismes gouvernementaux. Autrement dit, il est le gestionnaire des deniers publics.

Le Conseil du Trésor dispose également d’une politique à l’égard des résultats qui exige que chaque ministère et organisme au sein du portefeuille d’un ministre publie un plan ministériel et un rapport sur les résultats ministériels. Étant donné que de nombreux ministères obtiennent un important financement qui ne cesse de croître, qu’ils n’atteignent pas bon nombre de leurs objectifs et qu’ils ne démontrent pas les résultats obtenus avec ces fonds, la question se pose toujours quant à savoir pourquoi le Conseil du Trésor n’exige pas davantage de renseignements pour la reddition de comptes à ces ministères.

En raison de l’insuffisance de l’information sur les résultats pour bon nombre de ministères et organismes, il est impossible de connaître les résultats qui ont été obtenus. Or, le financement qui leur est accordé s’élève souvent à des millions, voire des milliards de dollars.

Le Conseil du Trésor devrait exiger que les ministères et organismes fournissent des objectifs de rendement pertinents pour tout financement qui leur est accordé, en plus d’insister pour que ces ministères et organismes atteignent la majorité de leurs indicateurs de rendement. Sans cette information, nous ne savons pas à quoi sert le financement qui est accordé.

Honorables sénateurs, voilà qui conclut mes remarques sur le projet de loi C-25. Je remercie encore une fois mes collègues du Comité des finances de leur appui, de leurs questions et de leur enthousiasme, ainsi que le président et tout le personnel qui nous épaule durant les réunions. Merci.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Gagné, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(2210)

[Français]

Le commissaire à la protection de la vie privée

Adoption de la motion tendant à approuver sa nomination

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 8 juin 2022, propose :

Que, conformément au paragraphe 53(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, chapitre P-21, L.R.C. (1985), le Sénat approuve la nomination de M. Philippe Dufresne à titre de commissaire à la protection de la vie privée, pour un mandat de sept ans.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 22 h 11, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 5 mai 2022, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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