Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 67
Le mercredi 5 octobre 2022
L’honorable George J. Furey, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- Le décès de Mary Victoria Colley
- Le décès de Doris Ida Evans
- Visiteurs à la tribune
- Paul Aarulaaq Quassa
- Visiteurs à la tribune
- La Journée mondiale des enseignants
- Le Royal Newfoundland Regiment
- Visiteur à la tribune
- Le décès de l’honorable Mabel DeWare
- Visiteur à la tribune
- Les premiers intervenants et les professionnels de la santé de Clarenville, à Terre-Neuve-et-Labrador
- Visiteurs à la tribune
- Le décès de Mary Victoria Colley
- AFFAIRES COURANTES
- ORDRE DU JOUR
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- Les travaux du Sénat
- Le ministère de la Justice
- Les ordonnances de sursis
- Le Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise
- La crise en Afghanistan
- La création d’un poste d’ombudsman autochtone
- La réforme du système de justice pénale
- La production illégale de cannabis
- Le contrôle des armes à feu
- La nomination des juges
- La non-divulgation de la séropositivité
- La réconciliation avec les peuples autochtones
- La formation obligatoire pour la fonction publique fédérale
- La sécurité à la frontière et la réduction du crime organisé
- L’ombudsman des victimes d’actes criminels
- Le financement de l’aide juridique
- Les peines minimales obligatoires
- Mise à jour sur des enquêtes criminelles
- Le Système d’alerte du Nord
- La nomination des juges
- Les peines minimales obligatoires
- Le Corps des Gardiens de la révolution islamique
- Le trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale
- La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones
- Le soutien aux jurés
- La justice environnementale
- Examen des rôles du ministre de la Justice et procureur général du Canada
- Le pouvoir discrétionnaire des juges
- Les travaux du Sénat
LE SÉNAT
Le mercredi 5 octobre 2022
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le décès de Mary Victoria Colley
Le décès de Doris Ida Evans
L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au nom de ma collègue, la sénatrice Wanda Thomas Bernard, qui ne peut être présente parmi nous aujourd’hui :
La plupart des habitants des Maritimes se souviendront de la troisième semaine de septembre en raison des dommages causés par l’ouragan Fiona. Cependant, beaucoup de résidants d’East Preston s’en souviendront comme la semaine où nous avons perdu deux femmes phénoménales : Mary Colley et Doris Evans. Toutes deux étaient un phare dans leur collectivité et une source constante de soutien et de gentillesse.
Mary Colley était surnommée « Big Momma », un surnom qui reflète qui elle était au plus profond d’elle-même, c’est-à-dire une véritable mère pour sa communauté. Big Momma avait la certitude que sa foi lui permettrait de traverser les épreuves de la vie. Elle était connue pour son esprit généreux et son dévouement envers sa famille et sa communauté. Elle avait le don de me faire sourire et rire même lorsque le cœur ne m’en disait pas, et cela me manquera.
Doris Evans était une enseignante à la retraite, une doyenne de son église et une écrivaine qui a passé toute sa vie à s’éduquer et à éduquer les autres. Elle savait donner espoir à ses élèves noirs de l’école Partridge River, l’école ségréguée d’East Preston. Elle croyait fermement qu’elle pouvait avoir une incidence positive dans leur vie grâce au pouvoir de l’éducation. Elle avait pour devise : « Si je peux aider quelqu’un dans ma vie, alors je n’aurai pas vécu en vain. » Même après avoir pris sa retraite, elle a continué de faire du tutorat auprès d’adultes et d’enfants qui avaient besoin d’une aide pédagogique supplémentaire.
Honorables collègues, j’offre mes plus sincères condoléances aux familles Colley et Evans. J’invite les membres de ma collectivité à rendre hommage aux legs de ces femmes tandis que nous pleurons leur perte. Chacun des membres de la collectivité d’East Preston a été touché par l’amour et le soutien de Doris et de Mary. Leur héritage se perpétuera.
Honorables sénateurs, sur une note personnelle, j’ai enseigné à East Preston pendant de nombreuses années. Cette collectivité compte de nombreuses femmes fortes, solidaires et actives comme Mary Colley, Doris Evans et, oui, notre collègue la sénatrice Wanda Thomas Bernard. Elles ont fait d’East Preston un endroit merveilleux doté d’un fort sentiment communautaire.
Merci. Asante.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Paul Quassa, ancien premier ministre du Nunavut, ainsi que d’Elisapee Quassa et d’Akuttuugaq Quassa. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Patterson.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Paul Aarulaaq Quassa
L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à Paul Aarulaaq Quassa, qui a joué un rôle énorme dans la négociation fructueuse et historique de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, en 1993, et dans la création subséquente du territoire du Nunavut en 1999.
M. Quassa est né à Manitok, un camp de chasse situé près d’Igloolik. Il a été élevé de manière très traditionnelle sur le territoire. À l’âge de 6 ans, il a été emmené très loin, dans un pensionnat autochtone de Churchill, au Manitoba, où il a passé les 13 années suivantes très loin de chez lui. Pendant cette période, il s’est concentré sur ses études tout en travaillant fort pour conserver son identité d’Inuk.
C’est aussi au pensionnat que M. Quassa a connu d’autres dirigeants inuits à l’origine du mouvement des revendications territoriales des Inuits, dans les années 1970. Ils y ont discuté de leurs rêves de créer une terre inuite découpée à même les Territoires du Nord-Ouest. En 1972, il est devenu un employé sur le terrain pour les revendications territoriales à Igloolik, puis, à titre de président de la Tunngavik Federation of Nunavut, il a signé l’entente finale sur les revendications territoriales.
Respecter l’engagement à l’égard de la création du Nunavut dans le cadre de l’accord sur les revendications territoriales représentait une réussite exceptionnelle. En effet, la politique du gouvernement fédéral en matière de revendications globales ne permettait pas, à l’époque, d’inclure le développement politique dans les négociations sur les revendications territoriales. Sous la direction de M. Quassa, les Inuits ont refusé d’accepter un règlement de revendications territoriales qui séparait les droits territoriaux et le développement politique. Leur campagne, qui s’est étendue sur 25 ans, incluait une stratégie visant la subdivision des Territoires du Nord-Ouest pour créer le territoire du Nunavut avec sa propre administration publique. Ce projet a nécessité des négociations, de vastes consultations communautaires dans les régions Est et Ouest des Territoires du Nord-Ouest et des appels à la population canadienne.
Parmi les avancées marquantes, mentionnons les deux plébiscites à l’échelle des Territoires du Nord-Ouest, qui ont appuyé le principe de division en 1982 et la ratification de la frontière en 1993. À cet égard, j’ai eu le privilège de travailler en étroite collaboration avec M. Quassa, alors que j’étais député de l’assemblée législative et premier ministre des Territoires du Nord‑Ouest.
M. Quassa a également eu une carrière politique remarquable. Il a été maire d’Igloolik, puis il a été élu en 2013 pour représenter sa région natale d’Aggu à l’Assemblée législative du Nunavut, où il a été nommé ministre de l’Éducation. Dans le cadre de ces fonctions, il a travaillé à la mise en œuvre d’une éducation bilingue, en anglais et en inuktitut, dans les écoles territoriales.
Il a été réélu en 2017, puis il a été sélectionné par ses pairs pour occuper le poste de premier ministre du Nunavut. Plus tard, en 2020, il a été élu Président de l’Assemblée législative du Nunavut.
(1410)
Comme il n’a pas de nouveau brigué les suffrages au Nunavut, M. Quassa siège maintenant au conseil municipal d’Iqaluit et agit à titre de conseiller principal pour le gigantesque projet visant la mine de fer Mary River sur l’île de Baffin, proposé par la société Baffinland, un des plus grands employeurs au Nunavut. M. Quassa poursuit l’objectif qu’il s’est fixé pour le Nunavut, soit faire en sorte que les Inuits deviennent autonomes et autosuffisants grâce à l’exploitation responsable des ressources naturelles sur leur territoire.
Merci, Paul, de votre formidable contribution au Nunavut.
Qujannamiik. Taima.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Daniel J. Song, c.r., et de Roger Thirkell. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Martin.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
La Journée mondiale des enseignants
L’honorable David Arnot : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour souligner la Journée mondiale des enseignants, célébrée chaque année au Canada le 5 octobre depuis 1994.
À cette occasion, nous reconnaissons trois faits essentiels interreliés. Premièrement, l’éducation est un droit fondamental; deuxièmement, tous les enfants ont le droit de connaître leurs droits; troisièmement, l’enseignement est la profession et le service public essentiel qui appuie ces droits.
Chaque jour à l’école, les enseignants canadiens travaillent avec nos enfants pour leur inculquer des connaissances essentielles et leur fournir de l’information et des expériences sociales indispensables.
J’ai un profond respect envers les enseignants à la lumière de mon expérience de collaboration en Saskatchewan avec des groupes d’enseignants dévoués chargés de préparer des ressources pédagogiques détaillées sur d’importants sujets comme les traités, les relations issues de traités, la démocratie, l’éducation civique et la citoyenneté.
Les enseignants font revivre le passé, révèlent le présent et travaillent fort à façonner l’avenir pour nos enfants. Pour fournir ce précieux service public, les enseignants consacrent de nombreuses soirées et d’innombrables heures à la préparation d’activités scolaires et parascolaires, notamment dans les domaines des arts, de la musique, du théâtre, des sports ainsi que des sciences, de la technologie et des mathématiques.
Les enseignants ont besoin de ressources appropriées pour soutenir l’apprentissage, la compréhension et les connaissances fondamentales pour assurer le progrès social et un avenir plus diversifié, équitable et inclusif.
Nous ne pouvons oublier les défis sans précédent auxquels les enseignants ont été confrontés durant la pandémie, particulièrement pendant les périodes de confinement. Dans le même ordre d’idées, nous ne pouvons pas non plus ignorer les défis permanents, interreliés et nouveaux que devront relever les enseignants dans l’avenir.
Je suis certain que tous les sénateurs gardent le souvenir d’enseignants qui les ont aidés et inspirés dans le passé. De nos jours, les enseignants motivent la prochaine génération à réussir en tant que citoyens du monde. Chaque jour au Canada, les enseignants sont des héros œuvrant sur la ligne de front.
Honorables sénateurs, à l’occasion de la Journée mondiale des enseignants, veuillez vous joindre à moi pour remercier les enseignants du Canada, passés, présents et futurs.
Le Royal Newfoundland Regiment
L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, les Terre-Neuviens et les Labradoriens sont fiers de leur patrimoine militaire et ont servi avec distinction au cours des deux guerres mondiales. Comme nous ne nous sommes joints à la Confédération canadienne qu’en 1949, la participation des Terre-Neuviens aux deux guerres mondiales a été différente de celle des autres Canadiens. Alors que de nombreux Terre-Neuviens et Labradoriens ont servi dans les forces armées de la Grande-Bretagne, du Canada et d’autres pays alliés, nous avions également notre propre régiment qui a servi dans le giron de l’armée britannique pendant la Première Guerre mondiale.
Pendant la Grande Guerre, le Newfoundland Regiment a d’abord combattu à Gallipoli, en Turquie, puis en Europe. En 1917, ses actes courageux lui ont valu le titre de « Royal », un honneur qu’aucun autre régiment britannique n’a reçu pendant la Première Guerre mondiale. Le Royal Newfoundland Regiment a été le seul régiment d’Amérique du Nord à participer à la campagne de Gallipoli.
Après la guerre, cinq monuments de champ de bataille ont été érigés en France et en Belgique pour commémorer les sacrifices du Royal Newfoundland Regiment. Les monuments ont la forme d’un caribou, un animal indigène de Terre-Neuve-et-Labrador, et familier à tous les Terre-Neuviens et Labradoriens. Le caribou était l’emblème figurant sur l’insigne du Royal Newfoundland Regiment.
Dotés chacun d’un caribou de bronze, les cinq sites en France et en Belgique forment le sentier du Caribou. Cependant, à cause de l’absence d’un monument en forme de caribou à Gallipoli, en Turquie, le sentier était inachevé. Depuis de nombreuses années, des pourparlers et des efforts sont en cours pour commémorer la participation du Royal Newfoundland Regiment à la campagne de Gallipoli lors de la Première Guerre mondiale en érigeant un sixième monument en forme de caribou à Gallipoli.
Le mois dernier, grâce aux efforts et à la coopération des gouvernements du Canada, de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Turquie, on a organisé une cérémonie pour le dévoilement du sixième monument à l’honneur du Royal Newfoundland Regiment, à Gallipoli. Le monument, un caribou de bronze pesant 1 500 livres et mesurant 8 pieds, se dresse maintenant fièrement à Gallipoli en souvenir des sacrifices consentis par les membres du Royal Newfoundland Regiment, lors de la campagne de Gallipoli de 1915-1916.
J’ai eu l’honneur de participer à la cérémonie de dévoilement à Gallipoli. J’étais accompagnée de notre honorable Président, le sénateur Fury; de l’honorable Lawrence MacAulay, ministre des Anciens Combattants; des députés Clifford Small et Rachel Blaney; ainsi que de représentants du Royal Newfoundland Regiment.
Honorables sénateurs, joignez-vous à moi pour célébrer cette occasion historique. Le sentier du Caribou est maintenant achevé.
Visiteur à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Brian Cormier. Il est l’invité de l’honorable sénatrice Hartling.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le décès de l’honorable Mabel DeWare
L’honorable Nancy J. Hartling : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage à la regrettée sénatrice Mabel DeWare, de Moncton, au Nouveau-Brunswick. Mabel a mené une vie extraordinaire remplie de réalisations. Je crois qu’on se souviendra surtout d’elle pour sa chaleur et sa capacité à faire sentir à chaque personne qu’elle rencontrait qu’elle était vraiment importante.
J’ai eu l’honneur d’assister à ses funérailles en août, où sa famille, ses amis, ses collègues et des dirigeants communautaires ont célébré sa vie. Elle a vécu jusqu’à 96 ans, conservant son sens de l’humour jusqu’à la fin.
Mabel a passé la majeure partie de sa vie à travailler ou à faire du bénévolat pour aider sa collectivité et sa province, en plus d’être la mère aimante de 4 enfants, la grand-mère de 9 petits-enfants, l’arrière-grand-mère de 14 arrière-petits-enfants et la fidèle épouse de Ralph.
Beaucoup ont appris à connaître Mabel lors de son ascension dans le monde du curling. Elle a mené son équipe de Moncton à de nombreux championnats. En 1963, son équipe est devenue la première championne nationale de curling féminin du Nouveau-Brunswick. Elle a été intronisée au Temple de la renommée du curling au Canada et au Temple de la renommée sportive du Nouveau-Brunswick pour cet exploit. En 1979, elle a contribué à la création du Championnat du monde de curling féminin.
Bien que Mabel ait fait carrière en tant qu’assistante dentaire, sa passion pour le service au public l’a menée à la politique provinciale. En 1978, elle a été élue députée de la circonscription de Moncton-Ouest à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick et a rempli deux mandats consécutifs. Elle a été une pionnière : elle est devenue la première femme à occuper le poste de ministre du Travail et de la Main-d’œuvre, puis celui de ministre de l’Éducation permanente et enfin celui de ministre de l’Enseignement supérieur et de la Formation.
En 1990, elle a été nommée au Sénat du Canada par Brian Mulroney, où elle a siégé jusqu’en 2001. Les sénateurs se souviennent de Mabel pour sa compassion et sa gentillesse. Elle a été la première femme à devenir whip de l’opposition et ses collègues du caucus garde d’elle le souvenir d’une femme de bonne humeur et enjouée. Les gens aimaient particulièrement la voir revêtir un costume de père Noël bleu chaque Noël.
C’est l’ancienne sénatrice Erminie Cohen qui l’a décrite le mieux :
Quel que soit le poste qu’elle occupe, elle donne tout ce qu’elle a. Mabel aime les gens. Sa chaleur, son tempérament amical, l’éclat de ses yeux bleus et le sourire qui ne quitte jamais ses lèvres lui valent l’amitié de tout le monde. Elle aime s’amuser, rire et raconter des blagues mordantes.
Une de ses blagues a consisté à retirer cinq ampoules rouges de l’arbre de Noël du Sénat et à les remplacer par des ampoules bleues « conservatrices ».
Sa vivacité d’esprit était légendaire. Alors qu’elle était ministre du Travail, elle a visité une mine dans le Nord du Nouveau‑Brunswick. Quelqu’un lui a demandé de manière cavalière et devant une assemblée d’hommes ce qu’une femme pouvait bien connaître au monde du travail. Elle a répondu sans hésiter : « J’en connais bien plus sur le travail que n’importe lequel d’entre vous! Le travail d’une femme porte toujours fruit! »
Il y a quelques années, j’ai eu le plaisir de rencontrer sa petite‑fille lors d’un événement où j’avais fait une présentation sur le harcèlement en milieu de travail. La petite-fille de Mabel m’avait exprimé que cette dernière aurait bien aimé être présente, mais que sa santé ne le lui permettait pas.
La sénatrice Mabel DeWare a été un excellent modèle pour moi. Elle m’a donné l’exemple de ce que c’est que de bâtir une amitié en misant sur le respect et la compassion mutuels, sans égards aux barrières politiques.
Elle manquera à toute notre collectivité, mais surtout à sa famille.
Merci d’avoir servi le Canada.
(1420)
Visiteur à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Zeb Jiva. Il est l’invité de l’honorable sénateur Ravalia.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Les premiers intervenants et les professionnels de la santé de Clarenville, à Terre-Neuve-et-Labrador
L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour reconnaître l’héroïsme des premiers intervenants et des professionnels de la santé de Clarenville, à Terre-Neuve-et-Labrador, dont la rapidité d’esprit et la collaboration ont permis de sauver des vies à la suite d’une explosion à la raffinerie de Come By Chance, le 2 septembre.
Juste après 16 h, une explosion a secoué la raffinerie, blessant huit personnes, dont certaines grièvement. Alors que les rapports sortaient au compte-gouttes, les ambulanciers de Fewer’s Ambulance Service étaient déjà en route vers les lieux, afin de transporter les victimes vers l’hôpital Dr. G.B. Cross Memorial de Clarenville.
Sur place, à l’hôpital, le gestionnaire principal du site, Dion Park, a déclenché un rare code orange, ce qui signifie un événement impliquant un grand nombre de victimes. Selon le Dr Etienne van der Linde — responsable du site pour la division des services d’urgence de l’hôpital — une fois l’appel lancé, presque tous les travailleurs de la santé de la ville ont afflué à l’hôpital pour faire leur part.
Malheureusement, à mesure que d’autres victimes s’ajoutaient, il est devenu évident que l’hôpital de Clarenville, avec son unité de soins intensifs de huit lits, n’avait pas la capacité nécessaire pour traiter toutes les victimes. La plupart des patients devaient être envoyés au Centre des sciences de la santé de St. John’s, qui se situe à deux heures en ambulance ou à environ 30 minutes en hélicoptère.
Le Dr van der Linde et son équipe ont collaboré avec le Centre des sciences de la santé pour transporter sans problème ces patients à St. John’s.
À 20 h, trois patients avaient été assez bien stabilisés par le personnel de Clarenville pour pouvoir être transportés par la voie des airs. Un problème se posait toutefois : l’hôpital ne dispose que d’une petite plate-forme d’hélicoptère, qui était trop petite pour accueillir le genre d’appareil requis pour transporter les patients, le personnel médical et l’équipement dont ils avaient besoin.
Après une évaluation rapide de la situation, les policiers ont décidé de bloquer la route autour de l’hôpital et d’interdire l’accès au stationnement du Sobeys voisin de l’hôpital. Selon les rapports, à partir de 20 h 45, des hélicoptères ont pu atterrir à côté du Sobeys et les trois premiers patients ont été placés à bord, accompagnés de travailleurs de la santé.
Cet épisode montre les compétences exemplaires, la débrouillardise et la ténacité des premiers intervenants et des professionnels de la santé de ma province, ainsi que celles du personnel de soutien, notamment des bénévoles, qui travaille dans les collectivités rurales. Toutefois, il met aussi en lumière certains points vulnérables, dont le manque de ressources et de financement et, malheureusement, les pénuries de personnel.
Je salue les gestes du Dr van der Linde et de son équipe. Les habitants des collectivités rurales et éloignées ont besoin d’avoir accès à des soins d’urgence appropriés et efficaces, et ont droit à ces soins, que leur hôpital local soit voisin d’un Sobeys ou non.
Au nom de nos collègues de Terre-Neuve-et-Labrador, je souhaite aux victimes un prompt rétablissement. Mes pensées les accompagnent, eux et leur famille.
Merci, meegwetch.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de la juge Maryka Omatsu et d’Andrea Margles. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice McPhedran.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
AFFAIRES COURANTES
L’ajournement
Préavis de motion
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au lundi 17 octobre 2022, à 18 heures;
Que l’application de l’article 3-3(1) du Règlement soit suspendue ce jour-là.
[Traduction]
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 7 décembre 2021, la période des questions commencera à 15 heures aujourd’hui.
ORDRE DU JOUR
La Loi sur l’assurance-emploi
Le Règlement sur l’assurance-emploi
Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat
L’honorable Pat Duncan propose que le projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île-du-Prince-Édouard), tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le territoire traditionnel de la nation algonquine anishinabe pour vous parler à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île-du-Prince-Édouard).
Ce projet de loi a été présenté par notre ancienne collègue, la sénatrice Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard. J’ai proposé de prendre la relève comme marraine de ce projet de loi au Sénat après son départ à la retraite. Je tiens à remercier la sénatrice Griffin de m’avoir confié cette lourde responsabilité, ainsi que la sénatrice Poirier pour son travail en tant que porte-parole de ce projet de loi. Je tiens également à remercier tout particulièrement les membres du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts et son président, le sénateur Black, pour leur étude rapide du projet de loi, qui a donné lieu à un amendement.
Comme nous l’avons entendu durant le débat en deuxième lecture, l’Île-du-Prince-Édouard possède deux régions de l’assurance-emploi, ou AE, ce qui provoque un déséquilibre et des injustices pour les habitants de cette île.
Pour la période actuelle, soit du 25 septembre au 8 octobre, le taux de chômage dans la région de Charlottetown, qui englobe les villes de Cornwall et de Stratford, s’établit à 4,4 %. Cependant, le taux de chômage est plus du double, soit 9,1 %, pour le reste de la province, à l’exclusion de la région de Charlottetown.
Honorables sénateurs, le système qui comporte deux régions d’assurance-emploi entraîne les différences suivantes quant au nombre d’heures nécessaires pour être admissible et à la durée des prestations : à Charlottetown, une personne doit avoir travaillé 700 heures pour obtenir jusqu’à 36 semaines de prestations, alors qu’à l’extérieur de Charlottetown, une personne doit avoir travaillé 560 heures pour obtenir un maximum de 44 semaines de prestations. Je rappelle que le calcul est basé sur le lieu de résidence du demandeur, et non sur son lieu de travail.
Ainsi, deux employés d’un même lieu de travail saisonnier obtiendront des prestations très différentes en fonction de leur lieu de résidence. En pratique, les résidents de Charlottetown travaillent souvent à l’extérieur de la région où ils habitent. L’inverse s’avère également : des personnes peuvent travailler dans une certaine région économique et vivre dans une autre.
De plus, étant donné la façon dont la région de Charlottetown est délimitée, une personne vivant dans cette zone peut devoir parcourir un trajet plus long — parfois jusqu’à trois fois plus long — pour se rendre à un lieu de travail au centre-ville qu’une autre personne vivant dans la région de l’Île-du-Prince-Édouard.
Voilà la situation qui m’a amenée à me charger de ce projet de loi. Le versement des prestations d’assurance-emploi à l’Île-du-Prince-Édouard constitue une situation tout à fait injuste.
Honorables sénateurs, de telles divisions existent ailleurs au Canada, notamment au Yukon. Ce qui ressort en comparaison, c’est la taille de l’Île-du-Prince-Édouard du point de vue de sa superficie. Cette petite taille rend la délimitation actuelle complètement inéquitable.
Au Yukon, la capitale, Whitehorse, constitue une région tandis que le reste du territoire en constitue une seconde. C’est logique, car la majorité de la population est concentrée à Whitehorse. C’est là où se situent le siège du gouvernement territorial, les bureaux de l’administration municipale et ceux du Conseil des Premières Nations. C’est également là où se trouvent les bureaux de l’Assemblée législative du Yukon, de la Première Nation des Kwanlin Dün ainsi que du conseil des Ta’an Kwäch’än.
En plus d’être le siège de ces administrations, la ville de Whitehorse possède un aéroport international achalandé ainsi que le plus gros hôpital du Yukon, et elle est le lieu d’approvisionnement au détail pour tout le Yukon, le Sud-Est de l’Alaska et les localités les plus nordiques d’Inuvik et de Tuktoyaktuk dans les Territoires du Nord-Ouest.
(1430)
Cette séparation des régions économiques est compréhensible au Yukon. Les possibilités d’emploi à Whitehorse sont très différentes de celles qui s’offrent à Carcross, ou encore à Teslin ou à Haines Junction, qui se trouvent respectivement à 170 kilomètres et à plus de 150 kilomètres de la capitale. Or, très peu d’endroits à l’Île‑du‑Prince-Édouard se trouvent à 100 kilomètres de Charlottetown.
Honorables sénateurs, lors de son témoignage au Comité de l’agriculture et des forêts, l’ancien député Wayne Easter, aujourd’hui agriculteur, a tiré parti de ses vastes connaissances sur la région pour décrire la région, ou zone, de Charlottetown. En lisant son témoignage, la plupart des gens qui ne connaissent pas bien la province pourraient trouver illogique que sa description se fonde sur des noms de rues et de régions locales. Or, si les honorables sénateurs consultent une carte, ils verront que les conclusions de M. Easter sont très éclairantes. Par exemple, il a dit ceci :
[...] la zone de Charlottetown n’est pas du tout la zone de Charlottetown [...]
Regardez la carte et demandez-vous qui diable a pu imaginer cette ligne et cette zone, et pourquoi?
Wayne Easter a décrit certains problèmes auxquels il a dû faire face en tant que député de Malpeque. Certaines parties de sa circonscription se trouvaient dans l’une ou l’autre des deux régions. Il a dit ceci :
C’est une petite province, et le tourisme saisonnier est la deuxième industrie en importance.
C’est du secteur de Riverdale Road que je recevais le plus grand nombre de plaintes. Riverdale Road est la ligne de démarcation entre les zones 1 et 2, qui part de la partie sud de la circonscription. Les voisins des deux côtés du chemin travaillent chez New Glasgow Lobster Suppers, mais à la fin de la saison, le travailleur de la zone 2 avait droit à l’assurance-emploi. Son voisin d’en face dans la zone 1 n’y avait pas droit. Certains ont dû se trouver un autre emploi pour accumuler les heures donnant droit à l’assurance-emploi.
C’était la même chose pour d’autres qui vivaient en ville et qui allaient travailler dans les entreprises touristiques. La situation a nui non seulement aux travailleurs, mais aussi aux exploitants d’entreprises touristiques, qui avaient du mal à attirer la main-d’œuvre nécessaire. En fin de compte, c’est injuste et inéquitable, et cela n’a pas de sens.
Fait intéressant, Pierre Laliberté, commissaire des travailleurs et travailleuses de la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a souligné que la décision de créer deux zones d’assurance-emploi en 2014 n’avait pas été fondée sur l’examen mené par la commission. Comme l’a indiqué M. Laliberté au Comité de l’agriculture et des forêts :
Si nous avions suivi le processus habituel [...] ce n’est probablement pas ainsi que les choses se seraient passées.
Honorables sénateurs, le Comité de l’agriculture et des forêts a aussi entendu des représentants syndicaux et des représentants des chambres de commerce. Ils sont en faveur de ce projet de loi, car ils croient qu’il permettrait de corriger les injustices et les divisions que cette décision a créées au sein de la relativement petite population de l’Île-du-Prince-Édouard. Le système actuel crée aussi des pénuries de main-d’œuvre. Plusieurs témoins ont mentionné que les employeurs demandent aux candidats à des entrevues d’emploi où ils vivent. C’est un facteur qui influe sur les décisions d’embauche. On pourrait se demander s’il est vraiment avantageux de dire la vérité sur l’endroit où on habite.
Honorables sénateurs, il est clair que les deux régions de l’assurance-emploi à l’Île-du-Prince-Édouard provoquent des divisions réelles et profondes entre voisins et collectivités. Elles dressent les collectivités et les voisins les uns contre les autres. En ce moment, nous devons éviter les divisions dans tous les coins de notre grand pays.
Comme les sénateurs le savent, le projet de loi a été renvoyé par le comité avec un amendement, et j’aimerais expliquer brièvement l’objectif de cet amendement. Le sénateur Black, président du comité, a demandé au représentant du gouvernement s’il y aurait des difficultés à mettre en œuvre les mesures prévues dans le projet de loi si la mesure législative recevait la sanction royale. Pendant l’étude article par article, le sénateur Colin Deacon a souligné l’absence de réponse claire de la part du représentant. Il a réfléchi à ce qui pourrait empêcher ou décourager le gouvernement de mettre en œuvre cette mesure, d’autant plus que le gouvernement avait été réticent à faire quoi que ce soit à ce sujet jusqu’à présent.
Il a donc proposé, avec son élégance et son éloquence habituelles, un amendement qui retarderait la disposition d’entrée en vigueur du projet de loi. Au lieu de laisser le projet de loi entrer en vigueur le jour où il recevra la sanction royale, cet amendement donne à la fonction publique le temps d’apporter les modifications nécessaires à ses systèmes. Si la loi est adoptée par le Parlement, elle entrera désormais en vigueur le premier dimanche à survenir au moins 30 jours après la date de la sanction royale. Je remercie le sénateur Colin Deacon de cet amendement très judicieux, que j’appuie de tout cœur.
Honorables sénateurs, dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, j’ai mentionné que des comités des deux Chambres du Parlement ont recommandé de ramener l’Île-du-Prince-Édouard à une seule région d’assurance-emploi. Tous les témoins qui ont comparu devant le Comité de l’agriculture et des forêts appuyaient fermement le projet de loi, à l’exception de deux, quoiqu’ils ne s’y opposaient pas non plus. Je crois qu’il est temps que le Sénat fasse son travail et adopte ce projet de loi pour que la Chambre des communes puisse l’étudier.
Honorables sénateurs, permettez-moi de conclure en citant notre ancienne collègue de l’Île-du-Prince-Édouard la sénatrice Diane Griffin qui a présenté ce projet de loi au Sénat et qui a toujours défendu loyalement l’intérêt de sa province. Lorsqu’elle est venue témoigner devant le comité, elle a dit :
Bien qu’elle soit la plus petite province, l’Île-du-Prince-Édouard demeure un partenaire égal au sein de la Confédération. Le Sénat doit intervenir dans ce dossier, dans le but de renvoyer le projet de loi à la Chambre des communes. C’est une façon pour le Sénat de jouer un des rôles que lui reconnaît la Constitution, celui de donner une voix aux intérêts régionaux, surtout dans les régions de faible population.
Honorables sénateurs, je m’associe à ses paroles et vous exhorte à appuyer ce projet de loi à l’étape de la troisième lecture. Mähsi’cho, Gùnáłchîsh, merci.
Des voix : Bravo!
L’honorable Pierrette Ringuette : La sénatrice Duncan accepterait-elle de répondre à quelques questions?
La sénatrice Duncan : Oui, je veux bien essayer.
La sénatrice Ringuette : Le directeur parlementaire du budget a fait une étude sur le coût du projet de loi et il a établi que le programme fédéral réaliserait des économies de 76,6 millions de dollars. Ainsi, la somme versée aux chômeurs de l’Île-du-Prince-Édouard serait réduite de 76,6 millions de dollars sur cinq ans. C’est une donnée qui m’inquiète. Votre comité a-t-il reçu ou étudié le rapport du directeur parlementaire du budget?
La sénatrice Duncan : Je vais tenter de répondre à la question, mais je dois dire que je ne suis pas la présidente du comité. Le Comité de l’agriculture et des forêts, qui est présidé par le sénateur Black, a étudié le projet de loi et l’amendement. Au sujet du rapport du directeur parlementaire du budget, je suis au courant et je sais qu’il a relevé cet écart. Pour les Prince-Édouardiens, la question a toujours porté sur l’équité, et le fait que les prestations soient différentes d’une région à l’autre est absolument préoccupant. Cependant, je souligne encore une fois l’appui envers l’idée de passer à une seule région.
La sénatrice Ringuette : Je comprends la logique de faire de l’Île-du-Prince-Édouard une seule région. C’est tout à fait logique. Toutefois, si l’étude sur le projet de loi n’a pas tenu compte du rapport du directeur parlementaire du budget et du fait que, sur une période de cinq ans, l’adoption de cette mesure législative réduirait la somme versée aux chômeurs de l’Île-du-Prince-Édouard de 76,6 millions de dollars, c’est contre-intuitif. Cette réduction est préoccupante. J’en suis convaincue. Si ce n’est pas déjà fait, cette question devrait être étudiée avant que nous passions à l’étape de la troisième lecture.
Par ailleurs, pour compenser la perte de revenus pour les chômeurs de l’Île-du-Prince-Édouard, le projet de loi devrait inclure des dispositions indiquant que le programme d’assurance-emploi pour cette région utilise le plus petit dénominateur en ce qui concerne l’accès aux prestations.
(1440)
Sénatrice Duncan, j’espère que vous comprenez la portée de la question et ma préoccupation. En tant que Canadienne de l’Atlantique, je peux comprendre les citoyens qui bénéficient de l’assurance-emploi et à quel point cette situation est difficile. Je ne voudrais évidemment pas que cette institution adopte un projet de loi qui supprimerait une partie du revenu des citoyens de l’Île‑du‑Prince-Édouard au chômage.
Si vous pouvez me dire que cela a été corrigé, alors je dirai très bien. Mais si ce n’est pas le cas, je pense que nous devons procéder à un nouvel examen. Merci.
La sénatrice Duncan : Merci de votre question. Je crois que je suis revenue à une ancienne habitude, on pourrait dire, de ne pas répondre à la question pendant la période des questions.
Le rapport du directeur parlementaire du budget auquel vous faites référence n’était pas disponible au moment de l’étude. L’autre point que vous soulevez est la crainte que parce que des Prince‑Édouardiens perçoivent en ce moment moins de prestations, il y ait moins de prestations versées du fait du passage à une seule région. Je crois comprendre qu’il serait possible, s’il n’y avait qu’une seule région, de recevoir les prestations de la région la plus élevée. N’est‑ce pas une possibilité? C’est justement la question que j’ai soulevée et je crois que ce serait le meilleur résultat.
La sénatrice Ringuette : Je suis désolée. Je comprends que je posais une question et que je demandais une réponse, mais, à ce que j’en sais, il n’y a rien dans le projet de loi qui dit que ce sera le plus petit dénominateur qui prévaudra dans la nouvelle région qui couvrira toute l’île. Malgré tout, j’espère que, en tant que marraine du projet de loi, vous pourrez obtenir des précisions au sujet de la question que j’ai posée. Merci de bien vouloir vous informer.
Son Honneur le Président : Je ne suis pas certain qu’il y avait une question dans l’intervention de la sénatrice, mais si vous le voulez, vous pouvez répondre, sénatrice Duncan.
La sénatrice Duncan : Si cela vous convient, je pourrais vous donner une réponse plus détaillée par écrit, mais il n’y a rien qui empêche l’autre endroit d’étudier ces questions en particulier et d’y répondre. Ce qu’il faut, c’est renvoyer le projet de loi à l’autre endroit afin qu’il puisse y répondre.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
[Français]
La Loi constitutionnelle de 1867
La Loi sur le Parlement du Canada
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat
À l’appel des autres affaires, projets de loi d’intérêt public du Sénat, deuxième lecture, article no 8 :
Deuxième lecture du projet de loi S-226, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur le Parlement du Canada (présidence du Sénat).
L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénatrices et sénateurs, je constate que cet article en est au quinzième jour. Par conséquent, avec le consentement du Sénat, je propose que l’étude de cet article soit reportée à la prochaine séance du Sénat.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Le débat est reporté à la prochaine séance du Sénat.)
[Traduction]
La Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Carignan, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice Seidman, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-234, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (élimination définitive de déchets plastiques).
(Sur la motion de la sénatrice Duncan, au nom de la sénatrice Petitclerc, le débat est ajourné.)
Un avenir à zéro émission nette
Interpellation—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Coyle, attirant l’attention du Sénat sur l’importance de trouver des solutions pour faire la transition de la société, de l’économie et de l’utilisation des ressources du Canada dans la poursuite d’un avenir juste, prospère, durable et paisible à zéro émission nette pour notre pays et la planète.
(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous sommes arrivés à la fin du Feuilleton. Avec votre consentement, je propose de suspendre la séance jusqu’à 15 heures, en attendant l’arrivée du ministre, et que nous passions ensuite à la période des questions. Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(La séance du Sénat est suspendue.)
(Le Sénat reprend sa séance.)
(1500)
PÉRIODE DES QUESTIONS
(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 7 décembre 2021, visant à inviter un ministre de la Couronne, l’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.)
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd’hui l’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada, pour lui poser des questions concernant ses responsabilités ministérielles.
Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 7 décembre 2021, les sénateurs ne sont pas tenus de se lever. Les questions sont limitées à une durée d’une minute et les réponses à une durée d’une minute et demie. Le greffier lecteur se lèvera 10 secondes avant l’expiration de ces délais. La période des questions sera d’une durée d’une heure.
Le ministère de la Justice
Les ordonnances de sursis
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le ministre, dans le cadre du projet de loi C-5, le gouvernement propose d’élargir l’application des ordonnances de sursis pour y inclure des infractions graves comme les agressions sexuelles. Des groupes de femmes et de victimes ont exprimé de vives inquiétudes par rapport à l’idée qu’un agresseur puisse purger sa peine chez lui ou dans la collectivité de la victime.
Lorsqu’elle a témoigné au Comité de la justice de la Chambre des communes, le 29 avril 2022, Jennifer Dunn, du London Abused Women’s Centre, a dit ceci :
[...] Les femmes et les filles sont cinq fois plus susceptibles que les hommes d’être victimes d’une agression sexuelle, un crime violent en hausse au Canada. Avec l’ordonnance de sursis, de nombreuses femmes seront coincées dans la collectivité avec le délinquant, ce qui les expose à un risque encore plus élevé.
Monsieur le ministre, quel message le gouvernement enverra-t-il aux victimes d’agression sexuelle en étant plus indulgent envers leurs agresseurs?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Je vous remercie, sénateur, de cette question. Cependant, je ne suis pas d’accord avec la façon dont vous présentez le problème. Il ne fait aucun doute que les crimes graves seront toujours assortis de peines sévères et que la sécurité publique constitue notre principale priorité.
Honorable sénateur, le gouvernement prend des mesures pour que la sécurité publique ne soit jamais menacée. L’imposition d’une ordonnance de sursis n’est une option que dans les cas où il n’y a pas de menace à la sécurité publique et où la peine imposée serait inférieure à deux ans. Dans de tels cas, l’incarcération ne constitue pas la meilleure solution.
Je rappelle les récentes observations du juge Michael Moldaver — un des plus grands juristes au Canada qui a récemment pris sa retraite de la Cour suprême du Canada —, qui a déclaré que notre système de justice pénale doit concentrer ses ressources sur les crimes graves et ne devrait pas recourir à l’incarcération lorsque ce n’est pas la meilleure solution, ni pour la victime ni pour la société dans son ensemble.
Puisque vous parlez de crimes graves, je répète que lorsque la situation et les circonstances le justifient, de tels crimes seront toujours assortis de peines sévères. Nous procédons de façon à donner une certaine souplesse lorsque les délinquants présentent une dépendance problématique ou un autre problème social auquel il faut s’attaquer directement, plutôt que de recourir à l’incarcération comme solution.
Je répète encore une fois que les crimes graves seront toujours assortis de peines sévères et que les ordonnances de sursis ne s’appliquent que lorsque le délinquant ne représente aucune menace pour la sécurité publique.
Le sénateur Plett : C’est bien ce que j’ai dit. L’agression sexuelle, monsieur le ministre, est un crime grave — très grave. Si ce projet de loi est adopté, les agresseurs sexuels purgeront leur peine dans la collectivité. Or, comme l’a dit Jennifer Dunn, d’un autre côté, il y a des femmes qui doivent vivre avec leur passé et qui demeurent constamment sur leurs gardes dans la collectivité. Cela, monsieur le ministre, représente une véritable peine à perpétuité. C’est grave, monsieur le ministre.
Quel message votre gouvernement envoie-t-il aux victimes d’agression sexuelle en faisant preuve d’indulgence envers ces crimes? L’agression sexuelle étant le crime le moins signalé au Canada, qu’avez-vous à répondre aux groupes de défense des victimes qui affirment que cette mesure dissuadera davantage les victimes de se manifester?
M. Lametti : Sénateur, avec tout le respect que je vous dois, aucun gouvernement dans l’histoire du Canada n’en a fait plus que le nôtre pour venir en aide aux victimes. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les victimes d’agression sexuelle. Nous avons investi des ressources dans le système pour former les juges. Nous avons investi des ressources dans le système pour soutenir les groupes d’aide aux victimes d’agression sexuelle. Nous avons modifié le Code criminel pour faire en sorte que les agressions sexuelles soient traitées plus efficacement par les tribunaux.
Les ordonnances de sursis, dans tous les cas, mais surtout dans les cas très graves que vous avez évoqués, ne sont accordées que lorsque le contrevenant ne représente pas une menace pour la sécurité publique. Cela inclut les victimes, honorable sénateur. Nous nous efforçons de corriger les erreurs qui ont été commises par le gouvernement Harper, dont les soi-disant politiques de répression de la criminalité ont eu pour seul résultat d’engorger le système de justice pénale et de provoquer la surreprésentation des Autochtones, des Noirs et d’autres personnes racialisées dans le système de justice canadien, ce que l’éminent juge et expert Michael Moldaver a lui-même qualifié d’échec.
[Français]
Le Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise
L’honorable Claude Carignan : Monsieur le ministre, le 26 avril, vous avez témoigné devant le Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise, durant lequel on vous a demandé plusieurs documents ayant servi au soutien de la prise de décision, et à plusieurs reprises, vous avez invoqué le secret professionnel du Cabinet.
Pourtant, le 28 juin, la Commission sur l’état d’urgence a publié un communiqué indiquant ce qui suit :
Le gouvernement du Canada a répondu à une demande du Commissaire Paul Rouleau et a accepté de ne pas revendiquer le privilège du Cabinet quant aux documents dont le Cabinet a tenu compte dans la décision de déclarer l’état d’urgence [...]
Je cite également la déclaration des procureurs de la commission rapportée dans le communiqué :
Cette mesure exceptionnelle est une reconnaissance de l’importance fondamentale du travail de la Commission et de l’importance cruciale de ces documents pour faire enquête sur les raisons pour lesquelles le gouvernement a déclaré l’état d’urgence [...]
Comment expliquez-vous qu’il y ait deux poids, deux mesures? On lève le secret professionnel du Cabinet pour la commission Rouleau, mais on refuse de le lever pour le comité mixte.
N’est-ce pas un manque de respect envers l’institution du Parlement?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Pas du tout, monsieur le sénateur. Évidemment, l’enquête et le comité d’examen parlementaire font partie du processus de la Loi sur les mesures d’urgence; ils sont prévus dans la loi elle-même. Évidemment, on veut leur fournir à tous deux assez d’information afin qu’ils puissent prendre leur décision et qu’ils soient en mesure de réviser la décision prise par le Cabinet.
Grâce à la commission du juge Rouleau, d’autres mesures seront mises en place pour protéger les documents sensibles. Le gouvernement était donc à l’aise avec la décision de retirer une partie du privilège du Cabinet.
Dans les deux cas, on n’a pas touché au privilège de l’avocat puisque c’est une situation où on ne peut lier un gouvernement à l’avenir, et c’est un droit quasi constitutionnel que la Cour suprême a déclaré fondamental.
[Traduction]
La crise en Afghanistan
L’honorable Ratna Omidvar : Merci, monsieur le ministre, d’être avec nous aujourd’hui. Ma question porte sur l’Afghanistan. J’ai posé cette question la semaine dernière au sénateur Gold, votre représentant au Sénat, et j’ai été informé que vous vous occupiez du dossier pour trouver une solution à la problématique actuelle découlant des dispositions sur l’antiterrorisme du Code criminel et de leurs répercussions sur l’acheminement de l’aide humanitaire et autre sur le terrain en Afghanistan, sachant que les organisations non gouvernementales canadiennes, les ONG, ou les Canadiens risquent d’être poursuivis en vertu du Code criminel.
Je tiens à vous rappeler que les États-Unis et le Royaume-Uni, les deux nations les plus soucieuses des questions de sécurité dans le monde, ont prévu des exemptions à leur législation en matière de lutte contre le terrorisme pour permettre le travail des ONG.
Pouvez-vous avoir l’amabilité de me dire quand — et c’est le « quand » qui est important, pas tant que le comment — vous allez présenter une solution?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci, sénatrice, de votre question. C’est une question importante. C’est un défi auquel nous sommes confrontés depuis que l’Afghanistan est tombé aux mains des talibans et, je le répète, c’est une question que nous étudions. Il s’agit d’une question complexe et nous cherchons des solutions.
Évidemment, je ne peux pas me prononcer sur le processus qui est en cours, étant donné le fonctionnement de notre Parlement, mais je peux vous assurer que nous prenons la question très au sérieux et que nous examinons toutes les possibilités. Je ne peux pas en dire plus.
[Français]
La création d’un poste d’ombudsman autochtone
L’honorable Michèle Audette : Monsieur le ministre, comme vous le savez, en juin dernier, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones rendait public son rapport intitulé Il faut agir pour les FFADA : Ce n’est pas juste l’intention qui compte.
Je vais citer ce que plusieurs témoins ont exprimé pendant l’étude, comme l’indique le rapport :
Plusieurs témoins ont insisté sur l’importance de l’appel à la justice 1.7, lequel demande que tous les gouvernements créent, en partenariat avec les peuples autochtones, un poste d’ombudsman national des droits des Autochtones et des droits de la personne [...]
Cela s’applique aussi au gouvernement du Canada.
Le comité a aussi appris avec plaisir que le gouvernement du Canada a commencé à réfléchir à ce à quoi pourrait ressembler ce poste.
Ma question est simple, monsieur le ministre : où en sommes-nous à ce jour?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Je vous remercie, madame la sénatrice. C’est une autre question très importante qui touche non seulement le rapport au sujet des FFADA, mais aussi la déclaration des Nations unies et le processus de mise sur pied d’un plan d’action. C’est ce que je suis en train de faire avec les divers types de leadership autochtone à travers les nations et les organismes nationaux et provinciaux. Une partie de cette réflexion porte justement sur un ombudsman, ou peut-être un tribunal ou une autre forme de révision, si on veut, pour déterminer l’ampleur des droits protégés par la déclaration ou d’autres documents. Je peux vous dire que cette réflexion va bon train. Elle est menée en grande partie grâce au leadership autochtone, et je peux citer les leaders qui ont un intérêt dans cela.
(1510)
Les conversations, nous les avons actuellement dans le cadre de nos processus de consultation en vue de la déclaration. Cela devrait répondre non seulement aux exigences de la déclaration, mais également à ce que le rapport nous a exhortés à faire.
La réforme du système de justice pénale
L’honorable Renée Dupuis : Monsieur le ministre, bienvenue au Sénat. Dans la lettre de mandat que le premier ministre vous a remise le 16 décembre 2021, il vous fixe ce qui suit comme principale priorité, et je cite :
[...] veiller à ce que tous les Canadiens soient traités de manière juste et équitable devant la loi. Pour ce faire, vous devrez réformer et moderniser le système de justice pénale [...]
Les femmes ont appris depuis longtemps que le système de justice criminelle, tel qu’il a été conçu en 1892 dans le Code criminel canadien, est fondé sur des politiques et des perceptions qui constituent de la discrimination systémique contre les femmes. Dans l’étude du projet de loi C-5, que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles mène à l’heure actuelle, nous entendons des témoins qui nous répètent que les femmes ne font pas confiance au système de justice criminelle parce qu’elles y sont mal traitées, qu’elles soient victimes ou accusées. Est-ce que vous vous engagez à entamer une révision en profondeur des principes de détermination de la peine en matière criminelle pour y intégrer, entre autres, les perspectives des femmes d’abord, mais aussi...
Son Honneur le Président : Je m’excuse, sénatrice, mais votre temps de parole est écoulé.
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Je vous remercie, madame la sénatrice. Ce que je vais m’engager à faire, c’est de continuer dans la perspective que vous venez de citer. Comme je l’ai dit dans une autre réponse aujourd’hui, nous avons déjà pris des mesures pour mieux éduquer les nouveaux juges. C’était le projet de loi de Rona Ambrose, que j’ai fortement appuyé dans les deux Chambres. Cela devrait aider, justement, à mieux éduquer les juges.
Nous avons apporté des changements à la loi elle-même pour mieux encadrer les lois sur les agressions sexuelles. Cela doit continuer. Nous essayons d’intégrer les perspectives des femmes et des autres personnes marginalisées par le système de justice. Nous nous engageons évidemment à continuer d’apporter des changements qui vont améliorer le système judiciaire.
La production illégale de cannabis
L’honorable Jean-Guy Dagenais : Bonjour, monsieur le ministre. Je vais vous parler du contrôle des producteurs de cannabis. Alors que votre premier ministre justifiait la légalisation de la marijuana en disant que c’était pour faire échec au crime organisé, des directeurs de police et même la Gendarmerie royale du Canada estiment que le crime organisé a détourné à son profit la production de cannabis médical et que Santé Canada a perdu le contrôle des permis.
Vous êtes le ministre de la Justice. Je ne voudrais pas que vous vous défiliez en disant que c’est du ressort de Santé Canada. Nous parlons quand même ici du crime organisé. Vous allez me dire que votre devoir est de protéger les citoyens. Qu’entendez-vous faire pour reprendre le contrôle de la situation?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Je vous remercie, monsieur le sénateur, de cette question importante.
Évidemment, la loi prévoyait une étude. Nous avons entamé le processus de cette étude parlementaire avec un ancien sous‑ministre, justement pour enquêter sur plusieurs questions, dont la question que vous avez soulevée, soit celle du cannabis dans le contexte médical et le contournement potentiel de la réglementation à d’autres fins.
C’est une question qu’il va aborder afin d’enquêter là-dessus. Nous attendons son rapport. Je peux vous dire que je vais regarder et lire ce rapport avec attention pour trouver la réponse à cette question.
Le contrôle des armes à feu
L’honorable Leo Housakos : Monsieur le ministre, vous êtes Montréalais comme moi. Je suis certain que vous entendez les inquiétudes des Montréalais par rapport à la violence grandissante dans notre région. Les fusillades se multiplient. La Presse a calculé qu’il y avait une fusillade tous les trois jours. Les policiers et les gouvernements municipaux et provinciaux font de leur mieux, mais le gouvernement Trudeau n’a que des paroles creuses à offrir.
Monsieur le ministre, pourquoi voulez-vous réduire les peines pour les membres des gangs? Est-ce parce que vous croyez qu’ils ont le droit de gagner leur pain avec leurs activités criminelles? Quand allez-vous intervenir pour mieux contrôler l’entrée d’armes illégales qui proviennent des États-Unis, notamment à Akwesasne?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci, sénateur. Encore une fois, c’est une question importante, mais elle met en évidence des erreurs dans le discours public tenu par certains membres du Parti conservateur. Le projet de loi C-5 n’a rien à voir avec les gangs. Nous ne touchons pas les crimes liés au trafic de drogues et aux gangs. Effectivement, nous faisons le contraire avec le projet de loi C-21 : on augmente les peines maximales de 10 à 14 ans en l’espèce. Nous sommes également en train d’interdire non seulement les armes d’assaut, mais le projet de loi C-21 propose également un gel des armes de poing, qui sont évidemment les armes préférées des gangs.
Je suis aussi Montréalais, sénateur, et cela me touche profondément. Par contre, je peux vous dire qu’aucun gouvernement dans l’histoire du Canada n’a investi autant de ressources pour sécuriser les frontières et contrer les gangs. Nous travaillons main dans la main avec le Québec et avec les autres provinces, justement pour lutter contre les gangs et la contrebande des armes. Nous allons continuer à le faire, mais le projet de loi C-5 ne touche pas ce travail indépendant.
[Traduction]
La nomination des juges
L’honorable Denise Batters : Monsieur le ministre Lametti, sous votre gouverne, les vacances au sein de la magistrature fédérale ont récemment atteint un niveau record. Le 1er septembre, il y avait un record de 91 postes de juge vacants. Le 1er octobre, il y en avait encore 89.
La décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Jordan fait en sorte que des personnes accusées de crimes graves peuvent être libérées en raison des délais excessifs des tribunaux. En votre qualité de ministre de la Justice, vous seul pouvez appliquer une solution simple à ce problème : nommer davantage de juges dès maintenant.
Quand je vous ai interrogé à ce sujet en 2021, vous avez jeté le blâme sur les élections. Eh bien, il n’y en a pas eu l’été dernier. Avant cela, vous avez mis en cause les vacances au sein des comités consultatifs de la magistrature, mais devinez quoi? Vous avez également la responsabilité des nominations au sein de ces comités. Des victimes attendent des mois, voire des années, avant d’obtenir justice, alors que les salles d’audience sont vides.
Le gouvernement est au pouvoir depuis sept ans, et vos excuses sont usées. Voilà presque quatre ans que vous êtes ministre de la Justice, alors pourquoi ne parvenez-vous toujours pas à remplir le mandat le plus fondamental de votre fonction?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Je vous remercie de la question, sénatrice. C’est vrai qu’il y a 89 vacances au sein de la magistrature — franchement, c’est la seule chose qui est exacte dans votre question.
Il est important de souligner que, depuis 2017, le gouvernement a créé 116 nouveaux postes de juge partout au Canada, y compris — et c’est inclus dans ce nombre — 27 postes dans le dernier budget. En fait, nous nommons des juges plus rapidement et il y aura de nouvelles nominations prochainement.
Je peux affirmer que les provinces et les tribunaux provinciaux se réjouissent des nouveaux postes que nous avons créés. Ils sont très satisfaits de la qualité et de la diversité des nominations et nous continuerons dans cette voie. Le gouvernement a nommé plus de 550 juges depuis son arrivée au pouvoir et je procède à un rythme de plus de 100 nominations par année. Nous maintiendrons la cadence et, grâce aux nouveaux postes que nous avons créés, nous continuerons de répondre aux besoins de la magistrature canadienne.
(1520)
[Français]
La non-divulgation de la séropositivité
L’honorable René Cormier : Bonjour, monsieur le ministre. En marge de la Conférence internationale sur le sida de 2022 qui s’est déroulée à Montréal en juillet dernier, vous avez annoncé que le gouvernement allait entamer en octobre des consultations sur la réponse de la justice pénale à la non-divulgation de la séropositivité. Or, au cours des cinq dernières années, deux vastes consultations nationales ont été menées à ce sujet. La plus récente déclaration de principe qui émane de ces consultations, et qui a été signée par 90 organismes, est on ne peut plus claire sur ce qui doit être accompli.
Monsieur le ministre, n’avez-vous pas déjà en main l’information nécessaire pour mener à bien cette réforme de la justice pénale relativement à la non-divulgation de la séropositivité? Quel est l’échéancier prévu pour cette consultation et, surtout, à quel moment votre gouvernement entend-il déposer un projet de loi à ce sujet?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci, monsieur le sénateur, de votre question. Évidemment, je partage votre dévouement à la cause. En ce qui a trait à l’échéancier, ce sera le plus tôt possible. Les consultations viseront à répondre à la question suivante : « Que devrait-on faire? » Un comité parlementaire s’est penché sur cette question et sa réponse n’a pas nécessairement été bien accueillie par les experts dans la communauté. Vous pourrez donc comprendre que l’on voudrait simplement revoir avec les experts ce qu’ils pensent du rapport du comité, et ce que l’on devrait faire pour qu’il n’y ait justement pas de conséquences inattendues. Il s’agit donc d’une dernière mise à jour, si l’on veut. Je sais que cela prendra un peu plus de temps, mais les consultations auront lieu main dans la main avec la communauté d’experts.
[Traduction]
La réconciliation avec les peuples autochtones
L’honorable Brent Cotter : Bon après-midi, monsieur Lametti. C’est un plaisir de vous accueillir de nouveau au Sénat. Nous avons un engagement pangouvernemental envers la réconciliation avec les peuples autochtones, qui est centré sur l’adoption de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et sur les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Nous n’avons toutefois pas de stratégie pangouvernementale claire pour atteindre ces objectifs.
Pendant l’une de mes vies antérieures, j’ai pu travailler avec une approche de ce genre, plus précisément avec une stratégie pluriannuelle qui comprenait des engagements, des cibles, des réalisations et une obligation, pour les principaux ministères centrés sur les citoyens des Premières Nations, de produire des rapports. Dans votre ministère, par exemple, il pourrait y avoir des stratégies et des actions visant à réduire d’un pourcentage précis, peut-être de 5 % par année, les infractions, les taux d’incarcération et les récidives. Les cibles pourraient aussi porter sur la santé, l’éducation, les débouchés économiques et les emplois, pour ne mentionner que quelques possibilités.
Pourriez-vous me dire si votre gouvernement et vous-même êtes résolus à utiliser une approche pangouvernementale et responsable de ce genre?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : C’est une question fantastique. Merci. Je crois que c’est la démarche que nous avons adoptée, dans la même veine que ce que vous venez de suggérer. Peut-être pas expressément dans un seul document, par contre. Néanmoins, je vous renvoie à la lettre de mandat de chaque ministre, où la réconciliation est énoncée parmi les objectifs que les ministres et les ministères doivent réaliser. Cela nous pousse à travailler en collaboration. Cela nous pousse à collaborer avec les dirigeants autochtones partout au Canada, à divers niveaux, c’est‑à‑dire pas seulement avec les organisations nationales, mais aussi avec les Premières Nations et les organismes régionaux, et sur différents aspects comme les traités modernes, les traités conclus avant la Confédération, et ainsi de suite. C’est ce que nous faisons et nous rendons des comptes, du fait que les ministres sont contraints par les lettres de mandat, qui sont diffusées au public.
Je reconnais que nous devons agir de manière coordonnée. Nous essayons de briser les barrières. Je travaille en étroite collaboration avec les ministres Miller, Hajdu, Vandal et Mendicino pour réaliser des progrès à l’égard de tous ces enjeux, et je le fais aussi avec les dirigeants autochtones. Bien sûr, il est toujours préférable d’améliorer la collaboration en gardant à l’esprit un objectif commun.
La formation obligatoire pour la fonction publique fédérale
L’honorable Brian Francis : CBC News rapporte que peu de fonctionnaires fédéraux suivent les formations sur les Autochtones offertes par l’École de la fonction publique du Canada. En 2021, la formation ayant eu le taux de participation le plus élevé avait été suivie par seulement 16 % des fonctionnaires, et la GRC affichait un taux de participation parmi les plus faibles. Au lendemain du 30 septembre, on ne peut oublier que la fonction publique fédérale a contribué à la conception, à la mise en œuvre et à l’entretien des pensionnats autochtones et d’autres initiatives dommageables. Compte tenu de l’engagement déclaré du gouvernement à l’égard de la réconciliation, je trouve décevant et préoccupant que le développement des compétences pour améliorer la sensibilité et la réceptivité envers les peuples autochtones ne soit pas déjà une exigence.
Vous engagerez-vous à appuyer une directive pangouvernementale visant à rendre obligatoire, le plus tôt possible, pour l’ensemble des fonctionnaires fédéraux la formation relative aux peuples autochtones?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : J’ai pris connaissance de ce rapport et je partage vos préoccupations. Je vais soulever la question auprès des instances concernées.
Je peux néanmoins dire que le ministère de la Justice s’est engagé sur la bonne voie, tant pour ce qui est de la mise en œuvre — du côté du procureur général — de la directive sur le litige que ma prédécesseure, l’honorable Jody Wilson-Raybould, avait présentée, et de l’élaboration des politiques du côté de la Justice.
Par exemple, en ce qui concerne la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, nous avons créé un secrétariat, et je signale qu’il existe un véritable enthousiasme au sein de ce groupe — sans exagérer — pour réparer les torts du passé. J’ose espérer que nous pourrons appliquer la même politique à l’échelle de tout le gouvernement.
Je partage votre point de vue. J’ai lu le rapport et j’éprouve les mêmes préoccupations que vous. Je ferai de mon mieux pour faire changer la situation.
[Français]
La sécurité à la frontière et la réduction du crime organisé
L’honorable Jean-Guy Dagenais : Toujours sur le sujet du crime organisé qui profite des failles dans la loi, les saisies de cannabis illégal que les Canadiens tentent et tentent toujours de faire passer à la frontière des États-Unis ont grimpé de façon effarante et semblent hors de contrôle. À Québec, le bureau de la ministre de la Sécurité publique disait avoir saisi votre ministère à plusieurs reprises de l’état de la situation. On attend toujours votre réponse, d’ailleurs. Est-ce que je me trompe si je pense, un peu comme pour la question des armes de poing, que votre gouvernement essaie de se déresponsabiliser en pelletant la responsabilité ailleurs, plutôt que de s’engager dans une lutte sérieuse contre le crime organisé?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Vous êtes chanceux de pouvoir poser une deuxième question. C’est une responsabilité qui relève de mon collègue M. Mendicino, ministre de la Sécurité publique. Je sais qu’il collabore avec son homologue, la ministre Guilbault, au Québec; nous avons accordé beaucoup de ressources à ce dossier, et nous travaillons main dans la main avec le Québec, soit sur les frontières, soit pour renforcer les capacités des forces policières avec des programmes antigang, etc.
Donc, la coopération est là et les investissements sont là — la majeure partie des investissements vient du gouvernement fédéral et du Québec. Cela arrive souvent qu’on ne prenne pas le crédit dans l’espace public au Québec pour les investissements du gouvernement fédéral, mais on le fait et on voit bien le problème. Je suis de Montréal, comme je le disais au sénateur Housakos. Je suis Montréalais, je suis conscient du défi et nous allons continuer de travailler avec le Québec pour protéger nos citoyens.
[Traduction]
L’ombudsman des victimes d’actes criminels
L’honorable Salma Ataullahjan : Monsieur le ministre, votre gouvernement a récemment nommé Benjamin Roebuck au poste d’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels et je le félicite pour ses nouvelles fonctions. Je suis toutefois préoccupée par le fait que ce poste n’a été pourvu qu’après avoir été vacant pendant 361 jours. Pendant cette période, aucune mesure législative ayant une incidence sur les victimes n’a été passée en revue par l’ombudsman des victimes d’actes criminels. À titre de comparaison, le poste d’ombudsman des délinquants sous responsabilité fédérale a été comblé le lendemain de sa vacance en 2018.
Pourquoi votre gouvernement a-t-il pris tant de temps pour pourvoir ce poste essentiel, et quel message envoie-t-il aux victimes d’actes criminels lorsqu’il accorde clairement une plus grande priorité au comblement du poste d’ombudsman des délinquants sous responsabilité fédérale?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci, sénatrice. Parfois, les apparences ne reflètent pas la réalité. Le comblement de ce poste était une priorité. Pour des raisons de confidentialité, il arrive parfois que des choses mettent des bâtons dans les roues du processus. Le bureau est resté ouvert pendant tout ce temps. Il était dirigé par un directeur intérimaire. Il y a maintenant un ombudsman qui remplit ce rôle, et la personne que nous avons choisie est très compétente. Mais je peux dire en toute honnêteté que nous avons fait de notre mieux pour pourvoir ce poste dès le premier jour. Il est maintenant pourvu, et nous allons continuer à aller de l’avant.
(1530)
Je tiens également à souligner qu’aucun gouvernement n’a autant investi dans les victimes — et le soutien aux victimes — que nous. Aucun gouvernement n’a investi autant de capital politique pour soutenir les victimes, modifier les lois, mieux former les juges, soutenir les organisations qui viennent en aide aux victimes et proposer des mesures comme le projet de loi C-5. Le projet de loi C-5 aidera les victimes parce qu’il permettra de désengorger le système de justice pénale en réduisant les cas qui ont entraîné l’annulation de décisions en raison de l’arrêt Jordan.
Plus d’un tiers des contestations fondées sur la Charte dans le système de justice pénale concernent les peines minimales obligatoires, dont beaucoup sont celles que nous avons citées dans cette loi, qui engorgent le système de justice pénale. Alors, qui seront les principaux bénéficiaires d’un système de justice pénale plus efficace et efficient? Les victimes.
Le financement de l’aide juridique
L’honorable Paula Simons : Monsieur le ministre, dans ma province, l’Alberta, le système d’aide juridique traverse une crise. Les avocats de la défense refusent d’accepter de nouveaux clients, car ils allèguent que la rémunération des avocats qui s’occupent de ces dossiers exigeants n’a pas suivi la progression du coût de la vie. Cela entraîne des arriérés dans l’ensemble du système de justice pénale de l’Alberta. Bien que l’aide juridique soit principalement financée par le gouvernement provincial, il y a une tradition de filet de sécurité prévu par le gouvernement fédéral. Étant donné que cette crise ne touche pas seulement l’Alberta, a-t-on envisagé une quelconque solution — surtout à l’échelle nationale — pour veiller, d’une part, à ce que les défendeurs et les accusés ne perdent pas la possibilité de bénéficier d’une défense pleine et entière et, d’autre part, à ce que les membres du Barreau responsables de ces dossiers criminels reçoivent une compensation adéquate pour ce type de travail souvent très ardu?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Je vous remercie, madame la sénatrice. J’ai la même préoccupation. Il s’agit d’une question importante. À titre de ministre de la Justice, je déploie beaucoup d’efforts pour obtenir plus de ressources à affecter au financement de l’aide juridique à la grandeur du pays, et pour arriver à instaurer un financement permanent. C’est une bataille de tous les instants, mais je continue de me battre. Je collabore aussi avec mes homologues provinciaux — puisque l’administration de la justice est de compétence provinciale — dans le but de créer un mécanisme d’attribution des fonds qui serait non seulement plus équitable, mais aussi plus permanent.
Avec la collaboration de mes collègues, j’espère faire des progrès dans cette direction et arriver à rendre le financement plus stable. Comme je l’ai dit, la contribution du gouvernement fédéral couvre généralement, à la base, les besoins liés au droit pénal, à l’immigration et aux réfugiés, tandis que les provinces financent généralement les besoins liés au droit civil dans la mesure où elles le désirent. Comme je le disais, nous y travaillons. Je peux vous assurer qu’il y a du travail en cours tant à l’échelon ministériel que du côté des fonctionnaires. J’espère que la situation s’améliorera bientôt.
Les peines minimales obligatoires
L’honorable Marty Klyne : Monsieur le ministre, avec le projet de loi C-5, le gouvernement laisse tomber les peines minimales obligatoires pour certains crimes, car il a été démontré que ces peines affectent de façon disproportionnée les populations autochtones et racisées. Cela s’inscrit dans les efforts du gouvernement fédéral visant à éliminer le racisme systémique dans le système de justice pénale.
Toutefois, comme on le sait, ce projet de loi n’a pas été conçu pour s’attaquer aux facteurs socioéconomiques qui créent les conditions qui mènent en premier lieu à la surreprésentation de ces groupes dans le système de justice pénale. Pouvez-vous nous dire ce que le gouvernement fédéral — et plus particulièrement votre ministère — compte faire pour s’attaquer aux causes profondes?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci, sénateur. C’est une question importante, qui a d’ailleurs souvent été oubliée dans le débat sur le projet de loi C-5.
Nous avons commencé à élaborer une stratégie en matière de justice autochtone. Ce processus a été lancé, si vous voulez, et il sera en grande partie façonné par les peuples autochtones du pays. Ce processus progresse. Nous avons aussi entrepris l’élaboration d’une stratégie de justice pour les Noirs, dans le cadre de laquelle nous allons travailler avec des experts et des groupes de dirigeants communautaires de partout au pays afin de nous attaquer aux causes profondes dont vous avez parlé.
En ce qui concerne les Autochtones, nous avons investi davantage dans les rapports Gladue sur la détermination de la peine — les rapports présentenciels — afin d’accroître la couverture et la qualité des rapports Gladue partout au Canada. En ce qui concerne les Noirs et les personnes racisées, nous avons aussi lancé un projet-pilote intitulé Évaluations de l’incidence de l’origine ethnique et culturelle. Ces évaluations sont semblables aux rapports Gladue. C’est une idée qui provient de la Nouvelle-Écosse, mais qui a été reprise par des experts à Toronto. Le projet-pilote a donc débuté sur ces deux territoires.
D’ici à ce que l’élaboration des stratégies principales soit terminée en collaboration et en consultation avec les communautés concernées, nous envisageons d’autres mesures destinées à nous aider à nous attaquer aux causes profondes de l’incarcération excessive et à éliminer la discrimination systémique.
Mise à jour sur des enquêtes criminelles
L’honorable David Richards : Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présence. Monsieur le ministre, un certain nombre d’enquêtes criminelles ont été ouvertes au cours des dernières années. L’une concerne le pipeline côtier qui a subi des dommages de plusieurs millions de dollars. Une autre concerne l’incendie d’une douzaine d’églises catholiques dans l’Ouest. Où en sont ces enquêtes? Y a-t-il encore des enquêtes en cours, et pouvez-vous nous donner une mise à jour sur leur déroulement?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci, sénateur. Respectueusement, je signale qu’au Canada, avec la façon dont on a divisé le système — et je félicite le gouvernement conservateur précédent de l’avoir fait, car, selon moi, le ministre Nicholson avait fait un excellent travail à cet égard —, la fonction d’enquête est assumée par le service de police compétent selon l’endroit, que ce soit la GRC ou un autre service de police. Ces enquêtes sont donc menées de façon indépendante par le service de police compétent.
La poursuite est ensuite assurée de façon indépendante par le Service des poursuites pénales du Canada si la poursuite relève du fédéral, ou, dans la plupart des cas d’infractions criminelles, par les services de poursuites provinciaux. Encore une fois, ces services sont indépendants — comme ils devraient l’être, à mon avis — du bureau du procureur général.
Je ne suis donc pas en mesure de répondre à l’une ou l’autre de ces questions, et je ne devrais pas l’être, étant donné la façon dont notre système a évolué. Je pense très franchement que le système tel qu’il est actuellement fonctionne raisonnablement bien.
Le Système d’alerte du Nord
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le ministre, ma question se rapporte à votre rôle en tant que vice-président du Comité du Cabinet chargé des affaires du Canada dans le monde.
De nos jours, nous faisons face à une montée en puissance sans précédent d’un axe de pays totalitaires, notamment la Russie et la Chine, qui, de toute évidence, sont prêts à recourir à la force militaire pour parvenir à leurs fins. La plupart des États démocratiques — Allemagne, Royaume-Uni, Australie, Inde et Japon — répondent à cette menace en se recentrant sur la sécurité nationale et en renforçant leurs capacités de défense. À part une annonce attendue depuis longtemps, mais insuffisante, sur le Système d’alerte du Nord, le Canada ne fait rien du tout. Monsieur le ministre, comment expliquez-vous cette inaction totale?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Je vous remercie, sénatrice, de votre question. Je ne dévoilerai évidemment aucun renseignement confidentiel du Cabinet parce que je ne suis pas autorisé à le faire. Je peux dire cependant que nous sommes conscients des facteurs que vous avez soulevés dans votre intervention. Je vais parler de choses qui ont été divulguées publiquement. Avec nos alliés, nous nous sommes penchés de manière très concertée sur la situation en Ukraine. Je pense que le gouvernement ukrainien de Volodimir Zelenski dirait que le Canada est l’un des pays qui lui a fourni le plus d’aide matérielle et qui a fait preuve de plus de leadership dans le cadre de ce conflit. Nous avons travaillé en collaboration avec nos alliés de l’OTAN et du G7, de façon coordonnée.
Je crois pouvoir affirmer sans me tromper qu’on peut s’attendre à ce que la ministre Joly et le reste du gouvernement agissent de la même manière et fassent preuve d’autant de leadership.
La nomination des juges
L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Je vous remercie d’être ici aujourd’hui, monsieur le ministre.
(1540)
Je vous ai parlé en privé de quelque chose, et je l’ai mentionné au Comité des affaires juridiques. Je tiens à le répéter. Je vous remercie d’essayer de renforcer le bilinguisme à la Cour suprême du Canada. Je tiens à souligner le travail de mes anciennes collègues, les sénatrices Tardif et Chaput, qui ont œuvré en ce sens.
Monsieur le ministre, depuis que votre gouvernement est au pouvoir, vous avez déployé de grands efforts pour que les candidats proposés par les comités consultatifs de la magistrature des différentes provinces représentent une certaine diversité. Par exemple, dans ma propre province, il y a 11 postes vacants à la Cour suprême. Pourquoi ce retard? Est-ce parce que les comités consultatifs n’assurent pas une diversité suffisante des candidats qu’ils proposent? Quelle est la raison de ce retard?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci, madame la sénatrice. Comme je l’ai dit dans mon précédent échange, l’une des principales raisons est que nous avons plus de places à pourvoir. Nous avons créé 116 nouveaux postes de magistrats depuis 2017. Nous en avons créé 27 dans le dernier budget, plus 2 postes de protonotaires.
Nous travaillons fort, et les comités consultatifs sur les nominations à la magistrature fédérale travaillent fort eux aussi. Nous reconstituons ces comités tous les deux ans, comme le prévoit le système. Nous le faisons avec diligence. Je nomme des juges à un rythme assez rigoureux et régulier, à la suite d’un processus de consultation. Partout au Canada, je pense que les commentaires sont positifs à l’égard des juges que nous avons nommés.
Je travaille d’arrache-pied avec les associations du Barreau partout au Canada de même qu’avec d’autres groupes du secteur juridique, afin d’encourager les gens à poser leur candidature aux comités consultatifs lorsque des postes se libèrent. Les résultats parlent d’eux-mêmes : depuis 2016, 55 % des personnes nommées sont des femmes, 12 % sont issues de minorités visibles, 6 % s’identifient comme LGBTQ2+ et 4 % sont autochtones. Parmi ces personnes, 32 % sont effectivement bilingues et 13 % peuvent lire dans les deux langues. C’est plus qu’à la Chambre des communes.
Le système fonctionne bien. Nous avons instauré la confiance dans le système, non seulement auprès des juges, mais aussi auprès des membres des communautés que nous ciblons.
Son Honneur le Président : Merci, monsieur le ministre. Votre temps de parole est écoulé.
[Français]
Les peines minimales obligatoires
L’honorable Pierre J. Dalphond : Bienvenue au Sénat, monsieur le ministre.
Dans le cadre de l’étude du projet de loi C-5, qui propose d’abolir une vingtaine d’infractions minimales identifiées comme ayant des répercussions disproportionnées sur les peuples autochtones et les Canadiens noirs et marginalisés, nous avons entendu des témoins qui ont suggéré que l’on ajoute un amendement pour les autres peines pour lesquelles les peines minimales continueraient de s’appliquer. Cela signifie qu’il y aurait une discrétion structurée accordée aux tribunaux pour décider d’une peine qui pourrait s’écarter de la peine minimale qui continuerait de s’appliquer pour ces peines. Que pensez-vous de cette proposition, monsieur le ministre?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci, monsieur le sénateur. C’est une question très importante.
D’abord, les infractions que l’on vise sont des infractions pour lesquelles les peuples autochtones, les citoyens racisés et la communauté noire sont surreprésentés. Dans la mesure du possible, nous avons choisi des infractions qui ont des répercussions démesurées. Nous avons donc visé ces infractions.
D’un autre côté, nous voudrions bâtir la confiance dans le système. Après plus de 10 ans de rhétorique du gouvernement Harper avec sa stratégie visant à durcir le ton en matière de criminalité, qui a été un échec complet, une certaine partie de la population doit encore être convaincue. Donc, en adoptant ce projet de loi, nous allons bâtir une confiance, parce que le ciel ne va pas tomber et que l’on verra des conséquences moins démesurées sur les peuples autochtones et la population noire dans le système judiciaire. Cela permettra de faire débloquer le système judiciaire, d’une certaine façon.
Donc, c’est là où nous en sommes actuellement.
Troisièmement, si on veut s’attaquer à la racine du racisme systémique, pourquoi accorder d’autres discrétions à un juge qui me ressemble ou qui vous ressemble? Ce serait préférable de ne pas donner...
Son Honneur le Président : Monsieur le ministre, je suis désolé, mais votre temps de parole est écoulé.
[Traduction]
Le Corps des Gardiens de la révolution islamique
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le ministre, le 12 juin 2018, vos collègues du Cabinet et vous avez voté en faveur d’une motion visant à désigner le Corps des Gardiens de la révolution islamique comme une entité terroriste.
Monsieur le ministre, 1 576 jours se sont écoulés depuis que vous avez manifesté votre appui à l’égard de cette mesure. Des terroristes du Corps des Gardiens de la révolution islamique ont tué les 59 Canadiens et les 30 résidents permanents du Canada qui étaient à bord du vol 752 d’Ukraine International Airlines. En Iran, des femmes ont manifesté dans les rues, et une femme de 22 ans, Mahsa Amini, a été assassinée. J’estime que ce sont là des crimes graves. J’ose espérer que vous êtes du même avis. Les Canadiens sont stupéfaits que le gouvernement hésite à désigner l’ensemble du Corps des Gardiens de la révolution islamique comme une organisation terroriste. Pendant ces 1 576 jours, est-ce qu’un comité indépendant au ministère de la Justice a pris le temps de se pencher sur les documents qui désignent le Corps des Gardiens de la révolution islamique...
Son Honneur le Président : Merci, sénateur Plett. Le ministre Lametti a la parole.
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci. Il s’agit d’une question importante. Je pense que tout le monde dans cette salle partage les sentiments que vous avez exprimés.
Nous condamnons fermement les actions du gouvernement iranien. Nous condamnons fermement les actions du Corps des gardiens de la révolution islamique et les répercussions qu’elles ont eues, non seulement sur les Iraniens et particulièrement sur les femmes iraniennes, mais aussi sur les Canadiens, avec l’écrasement de l’avion PS752.
En tant que gouvernement, nous étudions cette situation. Nous avons condamné toutes ces actions dans les termes les plus forts possible, et nous envisageons toutes les solutions alors que nous étudions la meilleure façon d’aller de l’avant.
Je peux assurer aux Canadiens, aux Canadiens d’origine iranienne et aux Iraniens, ainsi qu’à vous tous, que nous condamnons d’une seule voix ce gouvernement et ce groupe. Nous continuerons à utiliser tous les moyens à notre disposition pour lutter contre ces agissements.
Le trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale
L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia : Je vous remercie d’être ici aujourd’hui, monsieur le ministre.
Prendre des mesures à l’égard du trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale est l’un des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Plus précisément, l’appel à l’action no 34 dit ce qui suit :
Nous demandons aux gouvernements du Canada, des provinces et des territoires d’entreprendre des réformes du système de justice pénale afin de mieux répondre aux besoins des délinquants atteints du trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale, le TSAF; plus particulièrement, nous demandons la prise des mesures suivantes :
i. fournir des ressources communautaires et accroître les pouvoirs des tribunaux afin de s’assurer que le TSAF est diagnostiqué correctement et que des mesures de soutien communautaires sont en place pour les personnes atteintes de ce trouble [...]
Comme vous le savez, l’accès à des cliniques de diagnostic est pour le moins inégal au Canada. Poser un diagnostic de trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale nécessite une équipe multidisciplinaire et inclut une évaluation physique et neurologique complexe.
Pourriez-vous nous parler des méthodes de dépistage du trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale qui sont accessibles pour les délinquants dans le système de justice pénale?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Je vous remercie de votre question, sénateur. Je partage les préoccupations qui sous‑tendent votre question.
Le gouvernement a promis de mettre en œuvre les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Celui que vous mentionnez nécessitera le concours du ministre de la Santé ainsi que la coopération des provinces, puisque l’administration du système de justice pénale au Canada fait partie de leurs responsabilités constitutionnelles.
Cela dit, je m’engage à participer activement à la mise en œuvre de cet appel à l’action.
Pour être honnête, à l’heure actuelle, mon but est de faire franchir toutes les étapes du processus législatif au projet de loi C-5, qui répond également à un appel à l’action de la Commission de vérité et réconciliation en tentant de remédier à la surreprésentation des Autochtones au sein du système de justice pénale. C’est un exemple des démarches que nous effectuons.
(1550)
D’autres mesures doivent être prises. Je suis convaincu que la question des troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale sera également soulevée dans le cadre de l’élaboration d’une stratégie en matière de justice autochtone et d’une stratégie en matière de justice pour les Noirs, ensuite nous pourrons aller de l’avant de concert avec le ministre de la Santé.
La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones
L’honorable Brian Francis : Ministre Lametti, avant l’entrée en vigueur de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones en juin 2021, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a entendu de nombreux témoins qui ont critiqué le processus de consultation du gouvernement fédéral.
Pourriez-vous nous dire quelles mesures vous et votre ministère avez prises au cours de la dernière année pour faire en sorte que les Autochtones aient la capacité de participer adéquatement et sérieusement à l’élaboration conjointe de la mesure législative à venir et du plan d’action? Je souhaite également savoir si vous avez un plan pour accroître le recours à la médiation avec les communautés autochtones afin de prévenir et de résoudre les différends et d’éviter le recours à des procédures judiciaires coûteuses et laborieuses.
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci, sénateur. C’est une bonne question. À mon avis, le processus de consultation concernant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones était bon, même très bon. Certains ont eu l’impression de ne pas avoir été entendus, mais nous avons fait de notre mieux.
La principale chose que nous avons faite — le « nous » que j’emploie ici est collectif — pour améliorer le processus cette fois‑ci a été de confier en grande partie la responsabilité et l’aspect pratique du processus de consultation aux groupes de leaders autochtones. Nous avons offert du soutien et du financement. Les différentes structures de leadership à l’échelle du Canada sont complètement asymétriques, en particulier en ce qui a trait à l’Assemblée des Premières Nations ou aux Premières Nations. La situation des consultations est complètement asymétrique alors nous collaborons avec différents groupes à différents niveaux, comme je l’ai mentionné plus tôt — les nations, les régions, les groupes nationaux, les traités, les traités modernes, les groupes sans traités, etc. —, et nous avons confié une bonne partie des consultations, ainsi que la direction de ces consultations, aux peuples autochtones afin que le processus soit réellement collaboratif.
En ce qui concerne le ministère de la Justice, nous avons créé un secrétariat dédié à la collaboration qui a comme objectif de combler toute lacune existante et je crois que le processus progresse très bien. C’est un processus intense, mais je crois vraiment qu’il débouchera sur un plan d’action mieux...
Son Honneur le Président : Merci, monsieur le ministre, mais votre temps de parole est écoulé.
[Français]
Le soutien aux jurés
L’honorable Lucie Moncion : Merci de votre présence au Sénat aujourd’hui. Ma question portera sur l’appui offert aux organismes veillant au bien-être des jurés.
Les organismes qui ont pour mandat d’offrir du soutien aux jurés ont besoin de financement afin que soient mises en œuvre les recommandations du rapport de 2018 du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de l’autre endroit, intitulé Mieux soutenir les jurés au Canada.
Le rapport tient compte des enjeux juridictionnels qui limitent le soutien que peut offrir le gouvernement fédéral. Le financement des entités non gouvernementales par le gouvernement fédéral est donc primordial afin d’assurer le succès en ce qui a trait à l’avancement de ce dossier.
Pourriez-vous nous indiquer comment votre ministère soutient ces organismes?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Je travaille avec M. Mark Farrant pour trouver une façon d’appuyer les jurés. C’était un projet de loi privé de M. Michael Cooper que j’ai appuyé dès le début, et ce, depuis ma nomination comme ministre dans une ancienne forme, justement pour aider les membres des jurys qui avaient besoin d’un soutien psychologique en raison de leur contribution et de son impact. C’était très important et nous avons appuyé le projet de loi. Grâce aux ressources de l’organisme de M. Farrant, nous continuerons de trouver des moyens pour donner vie aux recommandations contenues dans le rapport que vous venez de citer.
[Traduction]
La justice environnementale
L’honorable Rosa Galvez : Bienvenue, monsieur le ministre. Je suis certaine que vous êtes au courant des litiges sur des questions intrinsèquement liées à l’environnement, qui sont de plus en plus diversifiés et qui ont une incidence sur notre système judiciaire déjà surchargé. Pour n’en citer que quelques-uns, des activistes environnementaux, des dirigeants autochtones et des représentants de communautés noires sont arrêtés pour avoir défendu leurs terres, leur eau et leur air contre la pollution. Des provinces ont intenté des procès pour des interventions excessives contre le changement climatique, des citoyens ont intenté des procès parce que des interventions contre le changement climatique étaient insuffisantes, des collectivités rurales pourraient intenter des procès contre des compagnies pétrolières et gazières pour des taxes impayées ainsi que des procès contre des entreprises pour tromperie et écoblanchiment.
Ma question est la suivante : dans quelle mesure le gouvernement est-il à l’aise avec la clarté des lois environnementales actuelles, ainsi qu’avec sa capacité à respecter ses engagements en matière de lutte contre les changements climatiques et à mettre en œuvre le principe du « pollueur-payeur »?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Je vous remercie, madame la sénatrice. J’ai mentionné il y a un moment que chaque lettre de mandat de chaque ministre comprenait un paragraphe sur la réconciliation. L’autre paragraphe obligatoire concernait le climat. Tout ce que fait chacun d’entre nous est analysé sous l’angle de la lutte contre le changement climatique et de la protection de l’environnement. Vous avez posé une question très complexe, à laquelle je ne peux pas répondre en une minute et demie. Elle touche non seulement ce que je fais, mais aussi ce que fait chacun d’entre nous ici.
Nous essayons de lutter contre le changement climatique sur plusieurs fronts. Nous avons mis un prix sur la pollution, qui est l’un des éléments de la politique de lutte contre le changement climatique, mais il faudra également une transformation économique. Dans un sens positif, il y a une nouvelle économie verte que le Canada est particulièrement bien placé pour diriger, et nous devons parfois aller devant les tribunaux pour défendre cette vision, ce que nous avons fait avec succès et ce que nous continuerons à faire avec succès. En tant que procureur général, j’ai suis ferme quant à la manière de mener ces affaires.
Nous allons cependant continuer, et cela nécessite de travailler avec les peuples autochtones, les entreprises, les groupes communautaires ainsi que les municipalités, les provinces et les territoires. Cette question est complexe et touche le travail que fait chacun d’entre nous, mais nous n’avons pas le choix.
Examen des rôles du ministre de la Justice et procureur général du Canada
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le ministre, il y a plus de trois ans, Anne McLellan déposait un rapport sur l’affaire SNC-Lavalin. Pourriez-vous nous dire où en est le gouvernement dans la mise en œuvre de ses recommandations?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci, monsieur le sénateur. Il me semble qu’il y avait huit recommandations et que nous en sommes à la septième. Nous nous sommes évidemment empressés de donner suite à ces recommandations. Je peux vous dire qu’à titre de ministre de la Justice et procureur général, j’avais intégré — je n’ai pas été consulté au sujet de ce rapport pour de bonnes raisons, mais l’ancienne ministre McLellan a fait un excellent travail en consultant tous mes prédécesseurs.
Je crois que j’avais intégré le genre de choses qu’elle a recommandées dans ce rapport. En ce qui concerne ce qui n’a pas été fait — le changement de nom —, nous avons déjà compartimenté le travail au sein du ministère, mais dans certains cas il s’agit littéralement de changer des noms sur des plaques. Je pourrai vous revenir avec une réponse plus complète, mais essentiellement, nous donnons déjà suite à ce rapport et la majorité des recommandations ont déjà été mises en œuvre.
Le pouvoir discrétionnaire des juges
L’honorable Kim Pate : La semaine dernière, devant le Comité des affaires juridiques, vous avez discuté avec le sénateur Cotter du fait que chaque enquête sur la réforme des peines minimales obligatoires pour les Autochtones a conclu qu’il faudrait abolir ces types de peines ou, à tout le moins, inclure un mécanisme pour maintenir le pouvoir discrétionnaire des juges dans certains cas, comme l’a recommandé l’ancienne juge en chef McLachlin dans l’arrêt Lloyd. Pourtant, vous avez décidé de ne pas le faire. Qu’entend faire le gouvernement pour remédier à cette situation? Avez-vous envisagé de solliciter l’avis de la Cour suprême du Canada sur cette question?
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Je vous remercie, madame la sénatrice. Je vais répéter pour l’ensemble du Sénat ce que j’ai dit au comité, soit qu’à mon avis c’est ce qu’il est possible de faire à l’heure actuelle. Il y a un certain nombre de peines minimales obligatoires que la majorité de la population canadienne ne veut pas abolir. À titre d’exemple, le grand public n’accepterait pas que les peines minimales obligatoires soient abolies pour les crimes d’agressions sexuelles ou les agressions sexuelles contre les enfants. Par ailleurs, il y a d’autres questions à régler de prime abord, par exemple l’urgence de trouver des solutions pour la crise du logement dans le Nord. Il faut régler ce dossier avant de revoir les peines minimales obligatoires parce qu’il n’y a pas beaucoup d’options de lieux sécuritaires. Nous avons investi dans des refuges et des options de ce genre dans le Nord, mais il y a plus à faire. Je crois sincèrement que c’est le point où nous en sommes actuellement.
(1600)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la période des questions est terminée.
Je suis certain que tous les sénateurs se joindront à moi pour remercier le ministre de sa présence parmi nous aujourd’hui. Merci, monsieur le ministre, et à la prochaine.
(À 16 heures, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 21 septembre 2022, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)