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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 86

Le mercredi 30 novembre 2022
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 30 novembre 2022

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Avocats sans frontières Canada

Le vingtième anniversaire

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, Avocats sans frontières Canada, une organisation sans but lucratif basée dans ma ville natale de Québec, a récemment fêté son 20e anniversaire : 20 ans de solidarité, de coopération internationale et d’engagement à la mission de donner accès à la justice à ceux et celles qui en ont le plus besoin et qui autrement ne pourraient en bénéficier.

C’est sous l’impulsion de trois juristes québécois engagés, Me Dominique-Anne Roy, Me Pierre Brun et Me Pascal Paradis, qu’Avocats sans frontières Canada a vu le jour en octobre 2002. Ils ont décidé de joindre leurs forces afin de contribuer bénévolement, il faut le souligner, aux efforts de solidarité en matière de justice à l’échelle internationale. Avocats sans frontières Canada est désormais une organisation de coopération reconnue sur la scène internationale. Elle est reconnue pour son expertise, sa crédibilité et son dévouement à la promotion ainsi qu’au respect des droits de la personne. Cette organisation contribue concrètement, sur le terrain, au renforcement de l’accès à la justice et à la représentation juridique.

Au cours des années, Avocats sans frontières Canada a créé 52 projets réalisés dans 32 pays auprès d’une multitude de partenaires locaux et de centaines de milliers de bénéficiaires. Cela est fort méritoire. À l’heure actuelle, Avocats sans frontières Canada compte 140 employés et volontaires à Bamako, Bogota, Guatémala, Montréal, Port-au-Prince, Québec, San Salvador et Tegucigalpa. Dix-huit projets de coopération internationale sont en cours avec 135 partenaires à l’échelle mondiale.

[Traduction]

Avocats sans frontières Canada est un pionnier dans le domaine de la coopération juridique internationale. Sa plus grande réussite est d’avoir permis à plus de 100 avocats du Canada de travailler ailleurs dans le monde au service de ceux qui en ont le plus besoin. Cet engagement à titre bénévole représente 7 millions de dollars de travail juridique non facturé au cours des cinq dernières années. Cette participation de nos avocats permet à leur expertise et leur dévouement de traverser les frontières.

Chers collègues, c’est pour toutes ces raisons que je salue au Sénat les 20 ans de succès de cette organisation remarquable qui a vu le jour au Canada et qui est maintenant au service du monde entier. Merci, meegwetch.

La Décennie internationale des langues autochtones des Nations unies

Morgan Toney et Keith Mullins

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, le 13 décembre 2022, Morgan Toney, auteur-compositeur-interprète et violoniste mi’kmaq de 23 ans, se rendra à Paris, en compagnie du musicien et producteur primé Keith Mullins, pour jouer une chanson à la cérémonie de lancement de la Décennie internationale des langues autochtones organisée par les Nations unies. Ils interpréteront Ko’jua, une ancienne chanson mi’kmaq transmise dans le cadre des traditions orales et de chant depuis plus de 500 ans.

(1410)

L’initiative de la Décennie internationale des langues autochtones a pour but :

[...] d’attirer l’attention du monde entier sur la situation critique de nombreuses langues autochtones et de mobiliser les parties prenantes et les ressources pour leur préservation, leur revitalisation et leur promotion.

Ayant grandi dans la Première Nation de Wagmatcook, M. Toney a décidé à un jeune âge que la préservation de sa langue lui tenait beaucoup à cœur, ce qui l’a amené à commencer à chanter des chansons mi’kmaqs traditionnelles. Il a seulement commencé à jouer du violon il y a trois ans et demi, mais il a créé un genre musical qui combine ses racines mi’kmaqs à son amour pour la musique celtique du Cap-Breton. M. Toney a expliqué :

C’est une très belle chose, et je pense simplement que c’est le bon moment. Au Cap-Breton, nous sommes entourés de différentes cultures et de différentes langues. Lorsque l’on mélange deux cultures et qu’elles se combinent et fonctionnent parfaitement, cela donne quelque chose que personne n’a jamais vu auparavant.

MM. Toney et Mullins sont ravis d’avoir l’occasion de jouer de la musique devant les Nations unies et de faire connaître leur culture au monde entier. Ils espèrent avoir une influence positive sur les jeunes enfants mi’kmaqs. En parlant de l’influence de son travail, M. Toney a dit :

La musique est universelle, mais nos enseignements sont aussi universels; c’est ce que j’aime lorsqu’on parle des enseignements mi’kmaqs. Il ne s’agit pas seulement d’enseignements pour les Mi’kmaqs [...] Ce sont des choses qu’on peut tous apprendre. Peu importe notre identité ou notre nationalité, nous avons tous quelque chose à offrir en partage.

Honorables sénateurs, joignez-vous à moi pour féliciter Morgan Toney et Keith Mullins en prévision de leur représentation à Paris. Bonne chance, M. Toney et M. Mullins, ou plutôt, comme on le dit au Cap-Breton, get ‘er done!, c’est-à-dire : foncez! Merci.

La Journée des réfugiés juifs

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, nous avons souligné hier un événement marquant. C’était le 75e anniversaire de l’adoption de la résolution 181 de l’ONU par le Canada et la majeure partie de la communauté internationale. Ce vote historique a été le début de la renaissance d’Israël en tant qu’État moderne. La résolution reconnaît le droit du peuple juif à l’autodétermination dans la patrie historique où il a toujours habité.

Cet heureux jour n’a pas été bien accueilli par tous. D’ailleurs, encore aujourd’hui, des gens se livrent à des actes terroristes pour tenter de détruire Israël. Pas plus tard que la semaine dernière, un adolescent canadien a été tué dans un attentat à la bombe qui est survenu à un arrêt de bus de Jérusalem.

Israël était un petit État pauvre le jour de son indépendance. Aujourd’hui, c’est un pays fier et démocratique, un allié du Canada et du monde occidental, une véritable histoire de réussite économique, et un ami des pays en développement.

La recherche-développement israélienne a permis d’améliorer la vie de milliards de personnes partout dans le monde et de réaliser des avancées majeures dans les domaines de l’agriculture écologique, de la médecine et de la technologie.

Si l’anniversaire d’hier était une joyeuse occasion, celui d’aujourd’hui est plus triste. En effet, c’est aujourd’hui la Journée des réfugiés juifs, qui souligne le départ et l’expulsion de 1 million de Juifs de leurs foyers au Moyen-Orient, en Iran et en Afrique du Nord. Nous ne devrions pas oublier que les communautés juives avaient vécu dans la région pendant des millénaires, et qu’elles avaient énormément contribué à la croissance et au succès de l’Iran et des pays arabes.

En réaction au vote massif des Nations unies en faveur de l’indépendance d’Israël, les États arabes ont déclenché une guerre qu’ils ont rapidement perdue malgré une supériorité numérique écrasante. Ils se sont alors lancés dans une campagne de haine contre les populations juives à l’intérieur de leurs frontières.

Nous ne devrions pas oublier que des pays comme l’Irak, l’Iran, l’Égypte, la Libye, l’Algérie, le Maroc et la Syrie comptaient d’importantes populations juives. De nos jours, ces populations n’existent pour ainsi dire plus. Alors qu’elles comptaient des centaines de milliers de personnes, aujourd’hui il n’y en a presque plus.

Entre 1947 et le milieu des années 1970, l’Iran et les États arabes ont fomenté des actes de violence et de discrimination contre leurs citoyens juifs. Beaucoup d’entre eux ont été assassinés, et un million d’autres sont devenus des réfugiés. Israël en a accueilli un grand nombre, mais je note que le Canada en a aussi accueilli beaucoup. Ils ont énormément apporté au Canada.

L’expulsion des Juifs de l’Iran et des États arabes représente une crise des réfugiés qui n’est toujours pas résolue. Des dizaines de milliards de dollars de biens ont été volés aux réfugiés juifs et aucune compensation ne leur a jamais été offerte en retour. En cette Journée des réfugiés juifs, je suis fier d’avoir fait partie d’un gouvernement qui, en 2014, a fait du Canada le deuxième pays, après les États-Unis, à « [...] reconna[îtr]e officiellement l’expérience des réfugiés juifs qui ont été déplacés des pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord [...] »

À cette fin, j’exhorte le gouvernement actuel à sensibiliser les Canadiens à cette histoire tragique, mais trop peu connue. Je demande au Canada d’exercer des pressions sur les États arabes et sur l’Iran afin qu’ils indemnisent les victimes et leurs descendants pour les richesses qui leur ont été volées.

Hier soir, à Ottawa, les communautés séfarades de Montréal et d’Ottawa, ainsi que l’ambassade d’Israël et la Fédération juive, ont souligné cet anniversaire.

Ce soir, le plus ancien organisme de défense des juifs du Canada, B’nai Brith, organisera une cérémonie virtuelle de commémoration de l’histoire des juifs des pays arabes et d’Iran. Je crois comprendre que certaines des victimes y raconteront leur histoire.

Chers collègues, même s’ils avancent en âge, leurs histoires personnelles demeurent aussi touchantes que jamais.

Sœur Dorothy Moore, O.C., O.N.S.

L’honorable Dan Christmas : Honorables sénateurs, quel privilège avons-nous de voir les meilleurs — médecins, avocats, athlètes, poètes, dirigeants politiques et éminents professeurs — être des chefs de file dans leur domaine pour notre bien à tous?

Leur don suscite souvent un sentiment d’admiration et de reconnaissance. Nous sommes en effet choyés d’être en leur compagnie et reconnaissants de leurs innombrables contributions à la société canadienne.

Chers collègues, nous pouvons et nous devons dire qu’il y a effectivement des anges parmi nous, qui puisent dans quelque chose de plus grand que vous ou moi. Je suis honoré de partager l’histoire d’une de ces personnes.

Amis et collègues, sœur Dorothy Moore, aujourd’hui âgée de 89 ans, a récemment fait l’objet d’une biographie intitulée A Journey of Love and Hope. De plus, un documentaire cinématographique très récent à son sujet, Sister Dorothy Moore: A Life of Courage, Determination, and Love, a été présenté à l’Atlantic International Film Festival de 2022.

La première réalisation extraordinaire de sœur Dorothy a été sa décision de devenir la première élève mi’kmaq à fréquenter une école publique dans les années 1940 en Nouvelle-Écosse, du jamais vu à l’époque.

Le racisme était répandu dans les écoles hors réserve. À un moment donné, les responsables l’ont chassée, mais elle est revenue sans aucune honte. Elle s’était donné une mission, rien de moins. Rien ne pouvait l’arrêter. Malgré tous les obstacles, elle a obtenu son diplôme d’études secondaires à l’école publique, une autre réalisation inédite.

Oui, honorables sénateurs, dans le cas de sœur Dorothy, l’expression « elle ne s’arrêtait jamais » a continué de prendre la forme de nombreux miracles, notamment l’obtention de deux baccalauréats à l’Université St. Francis Xavier dans les années 1950 : un en arts et l’autre en éducation.

Elle est devenue enseignante et directrice d’école, puis elle a été la pionnière des études autochtones à l’Université du Cape Breton dans les années 1980, une première du genre au Canada.

Ceux qui connaissent bien sœur Dorothy témoigneraient volontiers de l’importance profonde de la foi dans sa vie. Elle a toujours entendu l’appel du Créateur et elle y a résolument répondu. En témoigne sa décision de devenir l’une des premières Mi’kmaqs à entrer dans les ordres chez les sœurs catholiques romaines de Sainte-Marthe en 1954.

Quel autre exemple plus productif, doux, plein de foi, déterminé et utile de leadership engagé au profit de tous pourrait-il y avoir? Comment pourrions-nous mieux décrire ce véritable ange qui se trouve parmi nous?

D’autres se rallient volontiers à cette vision de sœur Dorothy, comme Ramona Lumpkin, Ph.D., rectrice et vice-chancelière de l’Université Mount Saint Vincent :

Sœur Dorothy Moore a été mon héroïne, ma guide et ma mentore. Son parcours est celui d’une femme d’une grande spiritualité qui a surmonté les cruautés du racisme, s’est battue pour obtenir une éducation, a milité pour préserver la langue mi’kmaq et a défendu avec éloquence la culture et les valeurs mi’kmaqs.

En fin de compte, la sagesse de sœur Dorothy résonne à travers les années, son regard toujours fixé sur le lointain horizon.

Comme elle le dirait elle-même : « Si ton plan est pour un an, plante du riz; si ton plan est pour dix ans, plante des arbres; si ton plan est pour 100 ans, éduque les enfants. »

We’lalin. Merci.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence Fahad Saeed Alraqbani, ambassadeur des Émirats arabes unis au Canada. Il est l’invité de l’honorable sénateur Ravalia.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les Émirats arabes unis—La fête nationale

L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner la profonde amitié qu’entretient depuis longtemps le Canada avec les Émirats arabes unis alors que ces derniers célébreront leur fête nationale le 2 décembre, date qui marquera le 51e anniversaire de l’unification des sept émirats pour former un seul pays.

(1420)

Le Canada et les Émirats arabes unis ont une importante relation mutuellement avantageuse qui est axée sur l’accroissement d’une prospérité durable pour les deux sociétés. Les deux pays ont travaillé en partenariat pour renforcer la sécurité régionale et mondiale ainsi que pour favoriser le développement socioéconomique durable dans des pays en développement.

Les Émirats arabes unis sont le plus grand marché d’exportation du Canada dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. En effet, les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint plus de 2,5 milliards de dollars en 2021. Les investissements des Émirats arabes unis au Canada sont estimés à au moins 30 milliards de dollars, et plus de 40 000 Canadiens sont installés là-bas.

J’ai l’honneur d’être le président du Groupe d’amitié Canada-Émirats arabes unis, qui compte en ce moment plus de 60 membres des deux Chambres du Parlement, de toutes les affiliations politiques. Je tiens à saluer le travail extraordinaire de mon prédécesseur à la présidence, le sénateur Percy Downe, et j’ai hâte de collaborer étroitement avec lui pour la suite. Je souligne également le soutien que je reçois de deux membres de l’exécutif, la sénatrice Salma Ataullahjan et le sénateur David Wells. Depuis que Son Excellence Fahad Saeed Al Raqbani a été envoyé à titre d’ambassadeur des Émirats arabes unis au Canada, les deux pays ont continué à développer et à renforcer leur solide relation bilatérale. Nous vous en remercions, Votre Excellence.

Le Canada a supprimé l’obligation de visa pour tous les ressortissants des Émirats arabes unis qui souhaitent se rendre au Canada, et nos deux pays ont signé des protocoles d’entente sur la coopération spatiale conjointe, ainsi que sur l’élargissement de l’accord bilatéral existant en matière de transport aérien. Son Excellence a également pris l’initiative d’en apprendre davantage sur le Canada et notre peuple en parcourant notre vaste pays, de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve-et-Labrador. Je tiens à le remercier pour son engagement à renforcer les liens bilatéraux, avec le soutien intégral de Mme Melissa Valks, son adjointe de direction, qui accompagne l’ambassadeur aujourd’hui.

Honorables sénateurs, depuis leur indépendance, les Émirats arabes unis forment une nation dynamique, multiculturelle et tournée vers l’avenir, et un allié précieux du Canada. Joignez-vous à moi pour offrir mes meilleurs vœux à l’ambassadeur ainsi qu’au peuple et au gouvernement des Émirats arabes unis à l’occasion de leur fête nationale, alors que nos deux pays continuent de bâtir une relation de respect, de coopération et de prospérité mutuelle.

Merci, wela’lioq.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Sunny Sodhi. Il est l’invité de l’honorable sénateur Marwah.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Les Journées d’action contre la violence faite aux femmes

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénatrices, honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner les 16 jours d’activisme contre la violence fondée sur le sexe qui se déroulent partout au Canada du 25 novembre au 10 décembre 2022.

Comme vous le savez, ma mission, ici au Sénat, et plus largement le combat que je mène sont consacrés à la mémoire de ma fille Julie, assassinée par un récidiviste; elle m’accompagne et me donne chaque jour la force de lutter contre le fléau de la violence faite aux femmes et aux filles de notre pays.

Mes premières pensées, chers collègues, vont à toutes ces femmes qui ont été assassinées en 2022 parce qu’elles étaient des femmes et que plusieurs d’entre elles avaient osé dire : « Assez, c’est assez! »

D’après l’Ontario Association of Interval & Transition Houses, une femme a été assassinée chaque semaine depuis le 26 novembre 2021, en Ontario. Ce sont 52 féminicides en 52 semaines. Au Canada, une femme est assassinée tous les deux jours; au Québec, une femme est assassinée toutes les deux semaines. Il y a eu, de 2019 à 2021, une augmentation de 23 % du nombre de femmes et de filles assassinées au Canada.

Les féminicides ne représentent que la pointe de l’iceberg dans l’ensemble de la violence faite aux femmes alors que chaque jour, trop de femmes subissent en silence différentes formes de violence. Chaque jour, des centaines d’entre elles doivent se cacher, abandonner leur maison, déménager avec leurs enfants, laisser tomber leurs emplois, tout quitter pour fuir la violence de leur agresseur alors que ce sont elles, les victimes.

Chers collègues, nous devrions nous battre chaque fois qu’une femme est assassinée dans notre pays. Nous devrions nous indigner et ne jamais nous habituer à une telle nouvelle chaque fois qu’une femme est violentée, et nous devrions sans cesse nous mobiliser, tant et aussi longtemps qu’il restera une seule femme victime de violence dans notre pays.

Nous, sénatrices et sénateurs, avons ce privilège qui nous est confié par la Constitution du Canada de modifier les lois de notre pays. Notre responsabilité collective en tant que législateurs est engagée. Nous avons le devoir d’agir pour sauver la vie de ces femmes et notre courage ne se définit pas par nos discours, mais par nos actions.

En ce début de campagne des 16 jours d’activisme contre la violence fondée sur le sexe, la voix des hommes doit s’élever haut et fort pour dénoncer cette violence. Cependant, les hommes doivent avant tout faire de cette violence une affaire d’hommes, en commençant par une plus grande sensibilisation de nos jeunes, qui expriment souvent leurs sentiments au moyen de la violence. Les hommes violents doivent aller chercher de l’aide, car c’est leur seule issue pour sortir du cercle infernal de la violence conjugale.

Oui, il faut continuer à inciter les victimes à dénoncer les agressions, mais rappelez-vous combien de fois cette dénonciation a été meurtrière pour certaines de ces femmes, parce que notre système de justice n’a pas su les protéger. C’est à nous d’agir à cet égard.

Chers collègues, je compte sur votre solidarité pour joindre votre voix à la mienne. Portez le ruban blanc afin de dire aux femmes violentées : « Nous vous avons entendues » et « Assez, c’est assez! »

Merci.


AFFAIRES COURANTES

Régie interne, budgets et administration

Dépôt du cinquième rapport du comité

L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le cinquième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration intitulé États financiers du Sénat du Canada pour l’exercice terminé le 31 mars 2022.

La justice

La Loi sur l’abrogation des lois—Préavis de motion tendant à faire opposition à l’abrogation de la loi et de dispositions d’autres lois

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l’article 3 de la Loi sur l’abrogation des lois, L.C. 2008, ch. 20, le Sénat adopte une résolution faisant opposition à l’abrogation de la loi et des dispositions des autres lois ci-après, qui ne sont pas entrées en vigueur depuis leur adoption :

1.Loi sur les relations de travail au Parlement, L.R., ch. 33(2e suppl.) :

-partie II;

2.Loi sur les contraventions, L.C. 1992, ch. 47 :

-alinéa 8(1)d), articles 9, 10 et 12 à 16, paragraphes 17(1) à (3), articles 18 et 19, paragraphe 21(1) et articles 22, 23, 25, 26, 28 à 38, 40, 41, 44 à 47, 50 à 53, 56, 57, 60 à 62, 84 (en ce qui concerne les articles suivants de l’annexe : 2.1, 2.2, 3, 4, 5, 7, 7.1, 9, 10, 11, 12, 14 et 16) et 85;

3.Loi de mise en œuvre du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, L.C. 1998, ch. 32;

4.Loi sur l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public, L.C. 1999, ch. 34 :

-articles 155, 157, 158 et 160, paragraphes 161(1) et (4) et article 168;

5.Loi sur la modernisation de certains régimes d’avantages et d’obligations, L.C. 2000, ch. 12 :

-paragraphes 107(1) et (3) et article 109;

6.Loi sur le Yukon, L.C. 2002, ch. 7 :

-articles 70 à 75 et 77, paragraphe 117(2) et articles 167, 168, 210, 211, 221, 227, 233 et 283;

7.Loi modifiant la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes et d’autres lois en conséquence, L.C. 2003, ch. 26 :

-articles 4 et 5, paragraphe 13(3), article 21, paragraphes 26(1) à (3) et articles 30, 32, 34, 36 (en ce qui concerne l’article 81 de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes), 42 et 43;

8.Loi d’exécution du budget de 2005, L.C. 2005, ch. 30 :

-partie 18 à l’exception de l’article 125;

9.Loi modifiant certaines lois relatives aux institutions financières, L.C. 2005, ch. 54 :

-paragraphe 27(2), article 102, paragraphes 239(2), 322(2) et 392(2);

10.Loi d’exécution du budget de 2009, L.C. 2009,ch. 2 :

-articles 394, 399 et 401 à 404;

11.Loi sur les réseaux de cartes de paiements, L.C. 2010, ch. 12, art. 1834 :

-articles 6 et 7;

12.Loi visant à promouvoir l’efficacité et la capacité d’adaptation de l’économie canadienne par la réglementation de certaines pratiques qui découragent l’exercice des activités commerciales par voie électronique et modifiant la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, la Loi sur la concurrence, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et la Loi sur les télécommunications, L.C. 2010, ch. 23 :

-articles 47 à 51, 55 et 68, paragraphe 89(2) et article 90.

13.Loi sur la révision du système financier, L.C. 2012,ch. 5 :

-articles 54 et 56 à 59;

14.Loi améliorant la sécurité ferroviaire, L.C. 2012, ch. 7 :

-paragraphes 7(2) et 14(2) à (5);

15.Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada, L.C. 2012, ch. 17 :

-articles 70 à 77;

16.Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, L.C. 2012, ch. 19 :

-articles 432, 433, 459, 460, 462 et 463;

17. Loi de 2012 sur l’emploi et la croissance, L.C. 2012, ch. 31 :

-articles 361 à 364.

(1430)

[Traduction]

Affaires sociales, sciences et technologie

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur l’étude du Cadre fédéral de prévention du suicide

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le jeudi 28 avril 2022, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie concernant son étude du Cadre fédéral de prévention du suicide soit reportée du 16 décembre 2022 au 30 juin 2023.


PÉRIODE DES QUESTIONS

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

L’arriéré de traitement des demandes de permis de travail

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, le 17 octobre, je vous ai posé une question au sujet de l’arriéré de traitement des demandes présentées par des immigrants hautement qualifiés, qui sont forcés de retourner dans leur pays d’origine parce que leur permis de travail est échu. Vous aviez alors dit ceci :

[...] on m’assure que le gouvernement se surpassera à court terme pour s’attaquer à l’arriéré des demandes tout en rendant le système plus viable à long terme.

Sénateur Gold, nous avons appris ce matin que la situation ne s’améliore pas à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Voici ce que dit un article du Globe and Mail  :

[...] des centaines de personnes cherchent à obtenir une ordonnance judiciaire qui obligera le ministère de l’Immigration à finir de traiter leur demande.

En date du 31 octobre [...] environ 1,2 million de demandes étaient en attente de traitement [...]

Sénateur Gold, votre gouvernement n’arrive pas à fournir des services gouvernementaux de base, et cette situation entraînera des coûts pour les contribuables puisque l’arriéré est à l’origine d’une marée de dossiers judiciaires dont le gouvernement devra s’occuper. Que faudra-t-il pour que votre gouvernement prenne cet arriéré au sérieux, sénateur Gold?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement prend cet arriéré très au sérieux est s’emploie diligemment à y remédier. C’est un problème réel et nous comprenons les difficultés qu’il entraîne pour les gens qui n’arrivent pas à obtenir de réponse aussi rapidement qu’elles le souhaiteraient ou le devraient.

Le gouvernement demeure déterminé à régler ce problème et poursuivra ces efforts afin d’y remédier le mieux possible.

Le sénateur Plett : Sénateur Gold, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada fait l’objet de 709 demandes d’ordonnance de mandamus déposées auprès de la Cour fédérale au cours de l’exercice financier actuel, c’est-à-dire depuis avril.

C’est scandaleux, sénateur Gold. Il est déplorable que les gens doivent demander une ordonnance judiciaire pour obliger Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada à terminer le traitement de leur demande. Malgré cela, sénateur Gold, il y a à peine quelques semaines, le gouvernement a annoncé qu’un demi‑million d’immigrants supplémentaires seront accueillis en 2025. C’est une hausse massive.

Sénateur Gold, le gouvernement a-t-il même un plan pour gérer cette récente annonce? Comment parviendrez-vous à éliminer l’arriéré et à traiter toutes ces nouvelles demandes d’immigration en même temps?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Le gouvernement est déterminé à augmenter l’immigration au Canada pour attirer des gens talentueux et compétents afin de combler les besoins de main-d’œuvre au pays, de favoriser la croissance de l’économie et d’enrichir notre société.

En ce qui a trait au processus d’immigration, je répète que le gouvernement prend au sérieux l’arriéré et s’emploie à l’éliminer. Il poursuivra ses efforts en ce sens tout en aidant le Canada à accueillir un nombre accru d’immigrants.

Les finances

Le taux d’imposition

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, selon les statistiques publiées par le Bureau du surintendant des faillites, 25 809 consommateurs au total ont déposé une déclaration d’insolvabilité, soit une hausse de 2,3 % par rapport aux trois mois précédents. Les déclarations d’insolvabilité des consommateurs ont bondi de près de 25 % au cours du troisième trimestre de cette année par rapport à la même période l’an dernier. Avec l’augmentation du coût des aliments, du carburant et des taxes, il est clair que les Canadiens n’en peuvent plus. Les Canadiens ont besoin de certitude, et ils ont besoin d’aide maintenant.

Sénateur Gold, quand le gouvernement rassurera-t-il les Canadiens en annulant les hausses de taxes prévues?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci. Les problèmes auxquels se heurtent les Canadiens, qu’ils s’agisse de l’insolvabilité, aussi regrettable soit-elle, ou de l’augmentation du coût de la vie et du logement, préoccupent grandement notre gouvernement. En fait, tous les pouvoirs publics — tant provinciaux que territoriaux et municipaux — s’y attaquent autant que possible.

Le Canada a mis en place une politique fiscale qui comprend à la fois des mesures fiscales, des mesures incitatives et des prestations. Il s’agit d’une politique équilibrée et prudente, qui aide les Canadiens chaque jour et qui permet à notre économie en général de progresser.

(1440)

La sénatrice Martin : Monsieur le leader, ce n’est pas tout le monde qui possède un emploi qui protège de l’inflation. Le nombre de familles canadiennes qui cherchent à alléger leur endettement augmente. Uniquement en septembre, le nombre de faillites a augmenté de 3,1 %, mais ce n’est pas tout.

Au troisième trimestre, le nombre total de faillites d’entreprises canadiennes a augmenté de 48,5 % comparativement à l’année dernière; c’est presque 50 %. L’augmentation du coût d’emprunt, l’inflation et les problèmes de production et de main-d’œuvre, ainsi que l’incapacité du gouvernement à limiter ses propres dépenses, ont créé une tempête parfaite. Monsieur le leader, quand le gouvernement limitera-t-il ses dépenses et annulera-t-il les hausses de taxes qu’il a prévues?

Le sénateur Gold : Le gouvernement n’a absolument pas l’intention d’« annuler les hausses de taxes qu’il a prévues ». Les mesures mises en place sont responsables et prudentes.

Le gouvernement investit de façon responsable et durable dans les Canadiens, afin de les soutenir et de soutenir l’infrastructure, ainsi que dans l’avenir de l’économie canadienne.

[Français]

Les affaires étrangères

Les relations entre le Canada et l’Afrique

L’honorable Amina Gerba : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, dimanche dernier, à Vancouver, la ministre des Affaires étrangères a présenté la Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique, assortie d’un budget de 2,3 milliards de dollars sur cinq ans. Je salue cette stratégie qui permettra une diversification des débouchés pour nos entreprises.

Cependant, j’aimerais souligner que l’Afrique est aussi un grand marché en unification autour d’une zone de libre-échange qui représente plus de 3 000 milliards de dollars de PIB et 1,4 milliard de consommateurs. En 2050, il y aura 2,5 milliards de consommateurs.

Sénateur Gold, quand le gouvernement du Canada présentera-t-il sa stratégie longtemps annoncée et très attendue pour l’Afrique?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour la question. Alors que le gouvernement poursuit l’élaboration de la stratégie du Canada pour l’Afrique, le gouvernement continue de travailler avec des partenaires clés pour faire avancer nos priorités communes, notamment en ce qui concerne la paix, la sécurité et la prospérité.

C’est pourquoi le secrétaire parlementaire de la ministre des Affaires étrangères s’est rendu cette année en Afrique du Sud, au Malawi, en Tanzanie, en Égypte, au Maroc, au Sénégal et au Nigéria pour renforcer ces liens. C’est aussi pourquoi le gouvernement a annoncé la création d’un nouveau Bureau du haut‑commissariat à Kigali et l’établissement d’une mission spécialisée et d’un observateur permanent auprès de l’Union africaine. On m’avise que, bientôt, le gouvernement en aura plus à dire sur les prochaines étapes de la stratégie pour l’Afrique.

La sénatrice Gerba : Sénateur Gold, je suis ravie d’entendre cela. Cependant, vous savez que pour qu’une stratégie avance, il faut que les deux parties se rencontrent. Il y a beaucoup d’autres pays de grande puissance qui se bousculent déjà aux portes de l’Afrique, qui est un continent en chantier. Les États-Unis organiseront en décembre prochain le Sommet des dirigeants États‑Unis—Afrique. Quand le Canada y pensera-t-il? Est-ce que cela fait partie de la stratégie qui sera présentée par le gouvernement du Canada?

Le sénateur Gold : Je vous remercie pour la question. Comme je l’ai mentionné précédemment, le gouvernement poursuit l’élaboration de la stratégie et les détails de cette stratégie seront annoncés prochainement.

[Traduction]

Affaires juridiques et constitutionnelles

Les travaux du comité

L’honorable Dennis Glen Patterson : Ma question s’adresse à l’honorable sénatrice Jaffer, présidente du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles.

Madame la sénatrice, lorsque le projet de loi C-28 sur l’intoxication volontaire extrême a été adopté à la hâte par les deux chambres en juin dernier — et je sais que vous vous souviendrez que nous en avons débattu ici —, c’était avec la promesse que les deux chambres prendraient la mesure inhabituelle d’examiner rétroactivement cette mesure législative pour y déceler toute lacune potentielle à la lumière des préoccupations exprimées par les groupes de défense des victimes et les organismes juridiques œuvrant pour la cause des femmes.

Je ferai remarquer que l’autre endroit a déjà effectué son étude. Sénatrice Jaffer, pouvez-vous nous dire quand nous pouvons nous attendre à ce que votre comité commence à se pencher sur la question?

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Sénateur Patterson, merci beaucoup de votre question, qui est très importante.

Comme vous le savez, jusqu’à tout récemment, notre comité étudiait le projet de loi C-5, un projet de loi d’initiative ministérielle. Nous avons mis de nombreuses semaines à l’étudier, avant de passer à l’étude du projet de loi C-210, qu’il nous restait à étudier depuis le mois de juin dernier. L’étude de ce projet de loi étant maintenant terminée, nous sommes en train d’étudier le projet de loi S-205, après quoi le comité directeur déterminera quand nous procéderons à l’étude de cette mesure.

Nous n’avons pas oublié cette étude, mais nous avons eu de nombreux autres défis à relever, comme vous pouvez l’imaginer, puisque ce comité ne vous est pas étranger. Nous avons un grand nombre de projets de loi à étudier, et nous ne l’avons pas oublié. Nous savons que cela doit être fait avant le mois de mars.

Nous sommes également conscients que la Chambre a commencé son étude et nous collaborons avec elle pour savoir quand nous commencerons la nôtre. Merci beaucoup d’avoir soulevé cette question.

Les finances

Le Conseil permanent de conseillers économiques

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, au mois d’avril, votre gouvernement a déposé un budget dans lequel vous annonciez la mise sur pied d’un conseil permanent de conseillers économiques, en promettant de plus amples détails dans les mois à venir.

Monsieur le leader, huit mois se sont écoulés. Ce conseil n’a toujours pas été créé et nous attendons encore les détails promis en avril. En outre, l’énoncé économique de l’automne déposé ce mois-ci ne fait aucune mention de ce conseil. Sénateur Gold, votre gouvernement a-t-il encore l’intention de mettre sur pied un conseil permanent de conseillers économiques? Dans l’affirmative, pourquoi est-ce si long? Votre gouvernement annoncera-t-il plutôt la création d’un nouveau groupe de travail pour examiner ce projet afin de refiler — encore une fois — la responsabilité à quelqu’un d’autre?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement demeure absolument déterminé à concrétiser cette promesse. On m’a confirmé que le gouvernement déploie des efforts continus à cet égard et il a très hâte d’annoncer plus de détails en temps voulu.

Le sénateur Plett : Sénateur Gold, je n’ai pas besoin de vous rappeler que nous devons actuellement faire face à la pire inflation depuis des décennies et qu’une récession se profile à l’horizon.

Bon nombre de Canadiens ont de la difficulté à composer avec la hausse vertigineuse du coût de la vie. Des élèves vont à l’école le ventre vide, sénateur Gold. Un nombre sans précédent de personnes ont recours aux banques alimentaires, au Canada. De toute évidence, le plan du gouvernement ne fonctionne pas, sénateur Gold. S’il y a un bon moment pour proposer des mesures économiques judicieuses, c’est bien maintenant.

Combien de temps encore les Canadiens devront-ils attendre avant que le gouvernement remplisse sa promesse de prendre l’économie au sérieux?

Le sénateur Gold : Les Canadiens n’ont pas à attendre, puisque le gouvernement prend déjà l’économie au sérieux, comme l’indiquent non seulement les mesures de l’énoncé économique de l’automne, mais aussi la cote de crédit attribuée par des agences de notation reconnues et respectées.

Les dépenses du gouvernement

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, depuis que la ministre des Finances a présenté l’énoncé économique de l’automne, plus tôt ce mois-ci, le gouvernement nous a assurés à plusieurs reprises qu’il agissait prudemment sur le plan financier. Vous-même l’avez répété ici. Le directeur parlementaire du budget, lui, a contredit cette affirmation lorsqu’il a témoigné au Comité des finances de la Chambre des communes lundi, le même jour que la ministre des Finances. Le personnel de son bureau a calculé que les nouvelles mesures annoncées par le gouvernement totalisaient, net, 52 milliards de dollars sur 6 ans. Permettez-moi de citer le directeur parlementaire du budget :

[...] qualifierais-je ceci d’augmentation modérée des dépenses? La réponse, sans surprise, est non. Quand le gouvernement dégage une marge de manœuvre financière de 81 milliards de dollars et qu’il choisit d’en dépenser 52 milliards de dollars, même après avoir pris en compte les nouvelles mesures fiscales, on ne peut pas dire qu’il fait preuve de retenue.

Sénateur Gold, pourquoi le gouvernement dont vous faites partie ne fait-il pas preuve de modération dans ses dépenses alors que l’avenir économique est incertain?

(1450)

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) Je vous remercie de la question.

Le gouvernement respecte le Bureau du directeur parlementaire du budget et son point de vue, mais, comme la ministre Freeland l’a déclaré publiquement, le gouvernement ne souscrit pas nécessairement à son analyse. Le gouvernement, qui a géré l’économie et les ressources à sa disposition de façon prudente, a pris la décision responsable d’investir une partie — mais pas la totalité — de ses ressources pour aider les Canadiens à traverser une période difficile pendant laquelle, ils ont du mal à composer avec le coût de la vie, comme d’autres sénateurs et vous l’avez vous-mêmes souligné.

Le gouvernement se montre responsable. Il prend ses responsabilités au sérieux. Il doit donc faire bien des choses en même temps, comme gérer l’économie de manière prudente sur le plan financier — surtout après les dépenses exceptionnelles que nous avons autorisées dans cette enceinte pour soutenir la population pendant la pandémie — tout en aidant les Canadiens qui ont du mal à composer avec l’inévitable hausse du coût de la vie causée par l’inflation et par d’autres mesures qui touchent le Canada et le monde entier.

Le sénateur Plett : Sénateur Gold, nous devons faire face à une hausse vertigineuse de l’inflation et à de l’incertitude financière pendant qu’une récession se profile à l’horizon. Depuis des années, les conservateurs font des mises en garde contre les dépenses incontrôlées du gouvernement. Je ne dis pas cela seulement parce que j’ai des allégeances envers Pierre Poilievre, comme vous en avez évidemment envers votre chef. Cette approche a été remise en question par le directeur parlementaire du budget, et des économistes de partout au pays conviennent qu’augmenter les dépenses en période d’inflation ne fera qu’aggraver celle-ci.

En réponse à l’inflation qui s’accentue, le gouvernement a simplement annoncé d’autres dépenses. Pourquoi le gouvernement ne veut-il pas prendre ces avertissements au sérieux? Quand allez-vous enfin prendre l’inflation au sérieux, sénateur Gold?

Le sénateur Gold : Le gouvernement prend l’inflation au sérieux. C’est pourquoi il met en place les mesures nécessaires pour s’y attaquer, tout en aidant les Canadiens à passer au travers de cette période difficile.

Le sénateur Plett : Sénateur Gold, dans l’énoncé économique de l’automne du gouvernement, il est indiqué que l’Allocation canadienne pour les travailleurs sera bonifiée de 4 milliards de dollars cette année. Cependant, le problème avec cette augmentation de 4 milliards de dollars — encore une fois, selon le directeur parlementaire du budget —, c’est que, en réalité, la plus grande part de ce somme sera versée à des travailleurs qui ne sont pas admissibles à la prestation.

Sénateur Gold, je doute que le gouvernement puisse marcher et mâcher de la gomme en même temps. Voici ce que le directeur parlementaire du budget a affirmé :

Le coût substantiel de cette mesure de l’ÉÉA est en grande partie attribuable à la décision stratégique du gouvernement de ne pas recouvrer ces paiements anticipés lorsque les revenus des bénéficiaires augmentent et que ces derniers ne sont plus admissibles aux prestations, ou qu’ils y sont à un niveau inférieur.

Puis, le rapport précise ceci :

Le fait de ne pas exiger le remboursement des prestations fédérales pour les particuliers non admissibles constitue un écart marqué par rapport au régime fédéral d’imposition et de transferts actuel.

Sénateur Gold, pourquoi le gouvernement dépensera-t-il 4 milliards de dollars pour donner des avantages fiscaux à des gens qui n’y sont même pas admissibles?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question.

Dans les faits, les prestations que le gouvernement a annoncées — et que la ministre a défendues habilement et publiquement au cours des dernières semaines — seront versées aux Canadiens qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire à des travailleurs canadiens à faible revenu. En fait, les prestations actuelles viendront en aide à plus de 4,2 millions de travailleurs canadiens à faible revenu, une hausse par rapport au chiffre précédent d’environ 3 millions de personnes.

En ces temps où le coût de la vie augmente — un enjeu qui a été, comme je l’ai dit, souligné à juste titre et qui devrait tous nous préoccuper —, c’est l’une des nombreuses initiatives responsables que le gouvernement met en place pour aider les Canadiens à traverser cette période difficile.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur la responsabilité et le registre des agents d’influence étrangers

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénateur Wells, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-237, Loi établissant le registre des agents d’influence étrangers et modifiant le Code criminel.

L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, je remarque que cet article en est au 15e jour et je ne suis pas prête à prendre la parole. Par conséquent, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-15(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat à mon nom pour le temps de parole qu’il me reste.

(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)

[Français]

Projet de loi sur la Semaine d’appréciation de la fonction de juré

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Lucie Moncion propose que le projet de loi S-252, Loi instituant la Semaine d’appréciation de la fonction de juré, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que marraine du projet de loi S-252, Loi instituant la Semaine d’appréciation de la fonction de juré.

Chaque année, des milliers de Canadiens et de Canadiennes sont appelés à exercer la fonction de juré. La population canadienne, les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral reconnaissent que la fonction de juré constitue un élément essentiel de notre système de justice et de notre démocratie. Cette reconnaissance ne se fait pas toutefois sur une base annuelle et n’est pas reflétée dans le soutien accordé à cette cause par les gouvernements. Par ailleurs, ce qui est encore plus méconnu, ce sont les défis relatifs au soutien en santé mentale offert aux individus qui exercent ce devoir civique.

Étant donné mon expérience comme jurée, j’ai eu l’occasion de vous faire part des défis dont il est question à quelques reprises dans cette Chambre. À l’échelle du Canada, d’une province ou d’un territoire à l’autre, cette méconnaissance nuit à l’avancement de la cause des jurés, une fonction de notre système judiciaire qui mérite justement d’être valorisée et célébrée. Mon intention, avec le projet de loi S-252, est donc de créer un rendez-vous annuel à l’échelle nationale consacré à la promotion et à la sensibilisation de tous à l’égard des enjeux touchant les jurés et les anciens jurés.

Afin de rendre honneur à ces citoyens et de leur témoigner ma gratitude, j’ai déposé lors de la dernière session une motion visant à demander au gouvernement de désigner la deuxième semaine du mois de mai de chaque année comme la Semaine d’appréciation du jury au Canada. Cette motion a été adoptée par le Sénat le 12 mai dernier.

J’aimerais remercier particulièrement mes collègues les sénateurs Boisvenu et Dalphond, qui donnent un appui soutenu à la cause du bien-être des jurés depuis déjà plusieurs années. J’accorde également une mention spéciale au sénateur Kutcher, qui se préoccupe lui aussi du bien-être des jurés et qui est intervenu au Sénat à ce sujet.

(1500)

Au nom du gouvernement et du ministre de la Justice, le sénateur Gold a également pris la parole en appui à la motion. Lors de son discours, il a souligné l’inestimable rôle des personnes appelées à faire partie d’un jury et la modestie de l’adoption d’une simple motion pour leur témoigner notre reconnaissance.

Permettez-moi de citer un court passage de son discours :

Même si la majorité des Canadiens comprend l’importance de la fonction de juré et considère qu’elle fait partie de sa responsabilité civique dans une démocratie libre et juste, elle ne saisit souvent pas pleinement comment cette fonction peut perturber sa vie et celle de sa famille.

Je suis reconnaissante du soutien de mes collègues et de l’appui du gouvernement relativement à la désignation d’une Semaine canadienne d’appréciation de la fonction de juré.

Chers collègues, vous conviendrez que les enjeux qui touchent la fonction de juré méritent notre attention et celle des Canadiennes et des Canadiens, et ce, au moins une fois par année. Je pense notamment à la reconnaissance de la contribution des jurés et anciens jurés au système de justice et à la démocratie, à la santé mentale et au bien-être des jurés et anciens jurés, à l’accès à la justice et aux enjeux de représentation et de diversité au sein des jurys.

Nous avons le privilège, comme sénateurs, de pouvoir proposer des projets de loi afin que soit proclamée une journée ou une semaine nationale. Je souhaite profiter de cette occasion pour que soit instituée, au moyen d’une loi, la Semaine canadienne d’appréciation de la fonction de juré. Cette désignation officielle permettra d’assurer une représentation fidèle de l’ampleur et de l’importance de la contribution de ces citoyens au système de justice canadien. Le préambule du projet de loi S-252 est un bon point de départ pour mieux comprendre l’importance de cette reconnaissance officielle.

Le préambule indique notamment ce qui suit :

[...] que la désignation d’une semaine vouée à l’appréciation de la fonction de juré permettra de souligner le travail des jurés et de conscientiser les citoyens, les organismes, l’ensemble de l’appareil judiciaire ainsi que les gouvernements provinciaux et fédéral aux enjeux relatifs à l’exercice de ce devoir civique,

Pour les jurés, les séquelles psychologiques peuvent parfois ressurgir bien après un procès. Comme d’autres anciens jurés, j’ai souffert du syndrome de stress post-traumatique. Bien que le procès pour meurtre au premier degré pour lequel j’ai été jurée a eu lieu il y a 30 ans, je vis chaque jour avec les répercussions de cette épreuve. Il serait peut-être bon qu’une fois par année, pour une semaine, on puisse reconnaître cette réalité, qui touche des milliers de Canadiennes et de Canadiens ainsi que leur famille.

[Traduction]

La reconnaissance annuelle des fonctions de juré contribuerait à favoriser et à promouvoir des conversations continues et opportunes entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires et divers intervenants au sujet de l’importance d’améliorer le soutien aux jurés partout au Canada. Ce serait aussi l’occasion de nous rappeler les difficultés auxquelles se heurtent quotidiennement des jurés et d’anciens jurés sur le plan de la santé mentale.

Chers collègues, la cause des jurés et de leur bien-être a progressé de manière très modeste au cours des dernières années. Je crois que cette progression modeste est en partie due à l’absence d’un rappel annuel de l’importance du devoir de juré.

En 2014, Mark Farrant était juré dans un procès pour meurtre au premier degré. Il a contribué à sensibiliser le public à la nécessité de renforcer le soutien aux jurés au Canada. En s’appuyant sur sa propre expérience, il a cerné les lacunes dans le soutien apporté aux jurés. Il a découvert que son expérience n’était que la pointe de l’iceberg. Mark a reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique après le procès et, comme beaucoup d’autres anciens jurés, il a eu du mal à trouver du soutien.

En 2016, son plaidoyer a contribué à inciter le gouvernement de l’Ontario à lancer un programme de counseling gratuit destiné aux anciens jurés. En 2017, Mark a mis en lumière ces questions sur la scène nationale. Il a porté les « 12 lettres de colère » à l’attention des parlementaires et des représentants du gouvernement. Dans ces lettres, 12 anciens jurés ont raconté leur souffrance et leur lutte pour trouver du soutien.

[Français]

Ce n’est qu’en 2017 que, pour la première fois, un comité parlementaire s’est penché sur la question. Lors de sa réunion du 8 juin 2017, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a adopté une motion afin d’entreprendre une étude sur le counseling et les autres services de santé mentale offerts aux jurés. L’étude a mené au dépôt du rapport intitulé Mieux soutenir les jurés au Canada, en mai 2018. La quatrième recommandation de ce rapport est à la genèse du projet de loi C-417, qui a été déposé pour la première fois le 29 octobre 2018.

Le Comité de la justice avait alors recommandé de créer une exception à la règle du secret du délibéré — la secrecy rule en anglais. Je me dois de féliciter le sénateur Boisvenu pour l’adoption du projet de loi S-206, l’ancien projet de loi C-417, Loi modifiant le Code criminel (divulgation de renseignements par des jurés), qui met en œuvre cette recommandation. Le projet de loi a d’ailleurs reçu la sanction royale tout récemment, le 18 octobre 2022.

Malgré les nombreux obstacles, allant d’une prorogation à des élections, le sénateur Boisvenu a mené à terme et avec brio ce dossier législatif. L’adoption de ce projet de loi marque un moment charnière dans la quête d’un appui adéquat au bien-être psychologique des jurés canadiens.

[Traduction]

Chers collègues, comment pouvons-nous poursuivre ce progrès? Je crois fermement que pour apporter du changement, nous devons nous rappeler ce qui est en jeu. C’est précisément ce que la Semaine d’appréciation de la fonction de juré aidera à accomplir. Voilà l’approche adoptée ailleurs. La semaine proposée, soit la deuxième semaine de mai, coïncide avec la reconnaissance d’une telle semaine par l’Association du barreau américain et par d’autres États, notamment la Californie et la Louisiane. Les tribunaux américains de même que les assemblées législatives du Texas et de l’Oregon et le Sénat de la Pennsylvanie ont également désigné une semaine en mai pour rendre hommage à la fonction de juré.

En 1998, l’Assemblée législative de la Californie a désigné une semaine en l’honneur des jurés. J’estime important d’examiner la résolution adoptée par cette assemblée législative à l’époque. Elle se lit comme suit :

Il est résolu par l’Assemblée législative de l’État de la Californie, avec l’approbation du Sénat, que la semaine du 10 au 16 mai 1998 inclusivement, et par la suite, que, chaque année, la deuxième semaine entière de mai soit proclamée Semaine d’appréciation du jury et célébrée partout dans l’État, pour rendre hommage aux milliers de citoyens qui appuient le système de jury, faisant ainsi une réalité du précieux droit à procès devant jury;

Chers collègues, cela se passait en 1998. En 2022 — ou en 2023 puisque nous y sommes presque —, je crois que le Canada est prêt à faire de même.

Au Canada, cette semaine est maintenant reconnue par diverses parties prenantes ainsi que le gouvernement fédéral. Elle a été reconnue pour la première fois en 2022 par la Commission canadienne des jurés, qui a pris les devants afin de placer la fonction de juré à l’avant-plan, à l’échelle nationale, du 9 au 13 mai.

Permettez-moi de souligner les contributions inestimables de cette commission, y compris de Mike Farrant, son fondateur et chef de la direction, de Tina Daenzer, directrice financière et cheffe de l’exploitation, ainsi que de tous les vaillants membres du conseil, qui accomplissent de grandes choses avec très peu de moyens. Leurs efforts de sensibilisation constants sont vraiment admirables. La reconnaissance officielle de cette semaine aiderait la Commission canadienne des jurés à combler les lacunes dans les soutiens aux jurés partout au Canada, ainsi que ses efforts visant à mettre en œuvre certaines des recommandations contenues dans le rapport de 2018 du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

[Français]

Votre Honneur, chers collègues, l’appui au projet de loi S-252 nous permettra de conscientiser annuellement les Canadiennes et les Canadiens, ainsi que les gouvernements, aux enjeux relatifs à la fonction de juré. Étant donné la simplicité de cette proposition, j’espère que nous pourrons adopter le projet de loi dans les meilleurs délais, afin de le renvoyer à l’autre endroit. Je vous remercie de votre attention.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Le Code criminel
La Loi sur les juges

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénateur Harder, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-233, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les juges (violence contre un partenaire intime).

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-233, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les juges concernant la violence contre un partenaire intime. Bien que je prenne la parole aujourd’hui en tant que porte-parole pour ce projet de loi, je dois dire d’emblée que je l’appuie ainsi que ses objectifs. Toutefois, comme je l’ai déjà dit, je crois qu’il faut faire beaucoup plus à l’échelle nationale pour s’attaquer au taux croissant de violence contre un partenaire intime.

(1510)

Le sujet de la violence entre partenaires intimes a été longuement discuté dans cette enceinte au cours des deux derniers mois. Il a fait l’objet de motions, d’amendements et de nouvelles lois modifiant le Code criminel, comme c’est le cas du projet de loi C-233. Ces discussions ont également été à l’origine de mon propre projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi S-249, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale de prévention de la violence conjugale. Je compte sur votre appui pour ce projet de loi très important et urgent.

Bien que les statistiques sur la violence entre partenaires intimes soient déchirantes, le fait que nous proposions simultanément de multiples initiatives visant à lutter contre cette odieuse réalité me remplit d’espoir.

Ce projet de loi comporte deux dispositions clés qui visent à lutter contre la violence contre un partenaire intime. Premièrement, elle exige qu’un juge, avant de rendre une ordonnance de mise en liberté à l’égard d’un prévenu inculpé d’une infraction contre son partenaire intime, de considérer s’il est souhaitable pour la sécurité de toute personne d’imposer au prévenu, comme condition dans l’ordonnance, de porter un dispositif de surveillance à distance. J’appuie cette exigence.

En 2021, le gouvernement du Québec a commandé une étude pour examiner l’utilisation des dispositifs de localisation électronique dans les cas de violence familiale. Jean-Pierre Guay et Francis Fortin, professeurs de criminologie à l’Université de Montréal, ont constaté que :

[...] ces modèles destinés aux victimes génère[nt] un sentiment de pouvoir et d’autonomie chez ces dernières, tout en permettant de mieux cibler et d’optimiser l’intervention policière.

Un article publié dans The Lawyer’s Daily a mis en évidence d’autres résultats importants de cette étude. En Espagne, où des dispositifs de repérage sont utilisés dans les cas de violence familiale depuis 2009, on a constaté que ceux-ci avaient une certaine efficacité, puisque le nombre de femmes tuées par leur partenaire intime a diminué. Ce nombre a été de 45 en 2020, contre 72 en 2004. Toutefois, les preuves les plus concluantes proviennent d’Australie, qui a obtenu une réduction de 82 % des incidents à haut risque. Bien entendu, il s’agit d’un outil relativement modeste dans la boîte à outils d’un juge, mais je crois néanmoins qu’il est important.

Même si je suis convaincu que la technologie n’est pas parfaite, je crois que tout ce qui peut améliorer le sentiment de sécurité et de contrôle chez les victimes de maltraitance peut constituer un instrument puissant pour les aider à reconstruire leur vie.

La deuxième disposition importante est la modification à la Loi sur les juges. Le projet de loi C-233 exige une formation continue des juges sur des questions liées à la violence entre partenaires intimes et au contrôle coercitif. Cette partie du projet de loi est désignée sous le nom de « loi de Keira », en l’honneur de Keira Kagan, une fillette de 4 ans de Milton, en Ontario, qui est morte tragiquement. Selon sa famille, ce drame était un meurtre-suicide motivé par la vengeance qui a été commis par son père violent, Robin Brown. La mère de Keira, Jennifer Kagan-Viater, a décrit M. Brown comme un homme violent et contrôlant, un menteur pathologique qui avait créé un monde fictif.

Le juge qui a présidé leur audience de divorce alors que Keira avait 8 mois a soutenu que Mme Kagan-Viater vivait, dans les faits, une situation intolérable. Cependant, le juge qui a supervisé l’audience pour la garde de l’enfant a déterminé que les antécédents de mensonges et de mauvais traitements avaient peu d’importance en ce qui concernait Keira. Le juge a reconnu la tendance de M. Brown à mentir ainsi qu’au moins un cas confirmé de violence physique. Il a toutefois conclu ce qui suit : « Je suis d’avis qu’il n’y a aucun risque pour Keira. » Par conséquent, M. Brown a profité d’une entente de garde partagée très généreuse.

Quand Keira avait 3 ans, sa mère s’est remariée, et elle a eu un garçon avec son nouveau mari. Il y avait des signes montrant que Keira était victime de violence psychologique de la part de son père. Les juges avaient averti ce dernier que son accès à sa fille serait réduit à cause de son comportement et de son refus de respecter les ordonnances du tribunal. Deux semaines avant la mort de Keira, Mme Kagan-Viater a présenté une requête pour suspendre ou superviser les visites de M. Brown avec leur fille parce qu’elle craignait que Keira soit en danger. Le juge saisi de l’affaire a déclaré que les éléments de preuve étaient « sérieux », « convaincants et incontestables », mais que la requête n’était « pas urgente ».

On a demandé aux services juifs pour la famille et l’enfance de mener une enquête. Ils ont envoyé une travailleuse sociale rencontrer M. Brown un vendredi. D’après la famille Viater, la travailleuse sociale a confirmé que M. Brown agissait comme une personne voulant blesser ou tuer son enfant, mais que son superviseur voulait attendre jusqu’à lundi pour parler de la situation. Or, lundi, ce fut trop tard. Keira est morte le dimanche.

Bien qu’il puisse être incompréhensible pour certains d’entre nous qu’un père ayant des antécédents de maltraitance familiale et ayant reçu des avertissements judiciaires puisse voir son enfant sans supervision, les spécialistes du droit de la famille affirment que les tribunaux devant se prononcer sur les cas de garde d’enfant partent souvent de la croyance qu’un conjoint violent peut quand même être un bon parent, même si les données laissent entendre que les enfants courent un risque accru.

L’an dernier, le ministère de la Justice du Canada s’est penché sur les facteurs de risque liés à la violence familiale et au mauvais traitement des enfants et a publié un rapport à ce sujet. On y constate effectivement un cumul des risques. Autrement dit, les personnes qui maltraitent un partenaire intime posent un risque accru pour leurs enfants. En cas de divorce ou de séparation, les risques sont amplifiés, car le parent non violent n’est pas en mesure de surveiller la situation ou d’intervenir.

En dépit de ces facteurs de risque, les juges, qui, en ce qui a trait à la garde des enfants, sont chargés de prendre de lourdes décisions susceptibles de changer des vies, ne sont pas tenus de suivre une formation sur la violence entre partenaires intimes. Le projet de loi C-233 vise à remédier à cette lacune. Dans les faits, le projet de loi signale au Conseil canadien de la magistrature l’importance de prévoir des colloques sur des questions liées à la violence entre partenaires intimes et au contrôle coercitif dans les relations entre partenaires intimes et les relations familiales en vue de la formation continue des juges.

Cette disposition s’appuie sur le travail de notre ancienne collègue et ancienne cheffe du Parti conservateur, l’honorable Rona Ambrose. Après avoir constaté qu’un fossé entre l’expérience des victimes d’agression sexuelle et les présomptions et les idées fausses de la société mène souvent à une issue injuste dans les procès, Mme Ambrose a travaillé avec ténacité pour concrétiser son objectif d’améliorer l’éducation des juges. Ses efforts inlassables ont mené à l’adoption du projet de loi C-337, qui oblige le Conseil canadien de la magistrature à organiser des colloques sur les agressions sexuelles et le contexte social, ce qui donnera sans nul doute lieu à des dénouements plus justes et plus équitables pour les victimes d’agression sexuelle.

Étant donné que les facteurs de risque ne sont pas pris en compte d’un point de vue statistique dans les cas de violence entre partenaires intimes, nous avons ici l’occasion de donner aux juges les outils dont ils ont besoin pour prendre les bonnes décisions pour des familles comme celle de Keira et pour protéger les enfants des personnes qui représentent un risque élevé.

Chers collègues, bien que j’appuie cette mesure législative, j’espère que celle-ci ne sera que le début d’une réforme plus large qui débouchera sur une stratégie nationale visant à protéger les victimes de violence familiale et de violence entre partenaires intimes. Je vous invite à vous joindre à moi pour faire adopter cette mesure législative ainsi que toutes les initiatives visant à lutter contre la violence. Plus nous ferons le jour sur la violence familiale et celle entre partenaires intimes, plus nous pourrons espérer mettre un terme à cette triste réalité.

Je vous remercie.

(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)

[Français]

Les travaux du Sénat

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-13(2) du Règlement, je propose :

Que la séance soit maintenant levée.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(À 15 h 19, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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