Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 87
Le jeudi 1er décembre 2022
L’honorable George J. Furey, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- Les travaux du Sénat
- Le ministère du Développement économique rural
- L’accès à des réseaux à haute vitesse à large bande
- La taxe sur le carbone
- Le soutien apporté au secteur du tourisme
- Le transport en région rurale
- L’accès à des cliniques de diagnostic
- Les services de santé mentale
- Le raccordement permanent de Terre-Neuve-et-Labrador
- Les services de santé mentale
- Les coopératives financières
- Le système bancaire ouvert
- Postes Canada—La saisie de produits illicites
- Le transport en région rurale
- L’immigration en milieu rural
- Le degré de préparation au numérique
- Les services policiers en milieu rural
- Postes Canada—Les services offerts aux collectivités rurales
- La taxe sur le carbone
- Le logement dans les régions rurales
- La collaboration avec les provinces et les territoires
- L’inflation en milieu rural
- La législation sur les armes à feu
- Le Fonds de rétablissement de l’ouragan Fiona
- La sécurité des femmes et des filles autochtones
- Le Fonds pour le développement des collectivités du Canada
- L’inflation en milieu rural
- Le soutien apporté au secteur du tourisme
- Les travaux du Sénat
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le jeudi 1er décembre 2022
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il y a eu des consultations, et il a été convenu de permettre la présence d’un photographe dans la salle du Sénat pour photographier la présentation d’une nouvelle sénatrice aujourd’hui.
Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
[Français]
Nouvelle sénatrice
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que le greffier du Sénat a reçu du registraire général du Canada le certificat établissant que Margo Greenwood a été appelée au Sénat.
Présentation
Son Honneur le Président informe le Sénat que la sénatrice attend à la porte pour être présentée.
L’honorable sénatrice suivante est présentée, puis remet les brefs de Sa Majesté l’appelant au Sénat. La sénatrice, en présence du légiste et conseiller parlementaire, prête le serment prescrit et prend son siège.
L’honorable Margo Greenwood, de Vernon, en Colombie-Britannique, présentée par l’honorable Marc Gold, c.p., et l’honorable Yvonne Boyer.
Son Honneur le Président informe le Sénat que l’honorable sénatrice susmentionnée a fait et signé la déclaration des qualifications exigées prescrite par la Loi constitutionnelle de 1867, en présence du légiste et conseiller parlementaire, commissaire chargé de recevoir et d’attester cette déclaration.
(1410)
[Traduction]
Félicitations à l’occasion de sa nomination
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au nom de mes collègues du bureau du représentant du gouvernement au Sénat pour souhaiter à la sénatrice Margo Greenwood la bienvenue au Sénat du Canada.
La sénatrice Greenwood a une longue liste de réalisations dans le domaine du leadership et du service communautaire. En tant qu’universitaire autochtone d’ascendance crie, elle a consacré une grande partie de sa carrière à la santé et au bien-être des enfants, des familles et des communautés autochtones.
La sénatrice Greenwood a été professeure dans le programme d’éducation de l’Université du Nord de la Colombie-Britannique, où ses recherches portaient notamment sur les impacts systémiques et structurels historiques et contemporains sur le développement des programmes et des services canadiens destinés à la petite enfance ainsi que sur les déterminants sociaux de la santé, surtout en ce qui concerne la colonisation et les droits des enfants. Elle a également été vice-présidente de la Santé des Autochtones au sein de la Northern Health Authority, où elle a assuré la direction du portefeuille de la Santé des Autochtones.
[Français]
Ses réalisations sont nombreuses et son expertise a déjà éclairé la législation et la politique gouvernementales. Elle a siégé à plus de 75 comités nationaux et provinciaux, y compris, tout récemment, au Groupe d’experts sur les données et la recherche sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants, créé par le ministre Duclos en 2019.
[Traduction]
Les réalisations de la sénatrice Greenwood ont été applaudies par les groupes autant autochtones que non autochtones. Son titre d’officière de l’Ordre du Canada est dû en partie à son « leadership transformationnel en matière de politiques de santé autochtone ».
Chers collègues, nous sommes chanceux d’accueillir la sénatrice Greenwood parmi nous aujourd’hui.
Des voix : Bravo!
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, au nom de l’opposition et du caucus conservateur du Sénat, je suis heureuse de prendre la parole pour souhaiter la bienvenue à notre plus récente collègue, l’honorable Margo Greenwood. Sénatrice Greenwood, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue au Sénat du Canada.
Étant moi aussi sénatrice de cette magnifique province qu’est la Colombie-Britannique, j’ai hâte de travailler avec vous au soutien et à la défense des Britanno-Colombiens. En tant qu’anciennes éducatrices, nous partageons également la passion de l’enseignement et du mentorat à de jeunes esprits brillants qui deviendront peut-être eux-mêmes un jour des sénateurs, ou ce qu’ils souhaiteront.
La sénatrice Greenwood est sans aucun doute un modèle pour bien des gens en tant qu’universitaire autochtone d’ascendance crie respectée aux nombreuses réalisations dignes de mention et au bilan remarquable en matière de leadership et de service communautaire. On a beaucoup écrit au sujet de ses réalisations professionnelles. On peut notamment lire ceci sur le site Web du Centre de collaboration nationale de la santé autochtone :
Ses travaux universitaires recoupent plusieurs disciplines et secteurs, mais madame Greenwood est particulièrement reconnue, à l’échelle régionale, provinciale, nationale et internationale, pour ses travaux en garde et en éducation des jeunes enfants, ainsi qu’en santé publique des Autochtones.
Sénatrice Greenwood, je suis certain que vos connaissances, votre expertise et votre altruisme seront utiles et pertinents dans vos nouvelles fonctions. En vous lançant dans cette aventure au Sénat du Canada, vous vous rendrez vite compte qu’on ne s’y fait pas seulement des amis, mais on rejoint une nouvelle famille, la famille sénatoriale. C’est une famille qui a des opinions, des perspectives et des expériences différentes, mais dont les membres, ensemble, servent un objectif commun : travailler pour les Canadiens. Nous sommes ici pour eux. Nous servons ici, au cœur de la démocratie canadienne, afin de défendre leurs intérêts.
Je ne parle pas seulement en mon nom lorsque je dis que nous avons hâte de collaborer avec vous, tant dans cette enceinte qu’au sein des comités. Les Canadiens se tournent de plus en plus vers le Sénat pour qu’il exerce un second examen objectif et qu’il fasse preuve de diligence raisonnable, mais aussi pour qu’il leur donne de l’espoir — l’espoir que leurs voix soient entendues, que leurs préoccupations deviennent les nôtres et qu’ensemble nous trouvions la meilleure voie possible pour tous — en particulier les groupes minoritaires — dans notre vaste pays. Je suis convaincue que c’est ce que vous ferez.
Au nom de l’opposition et du caucus conservateur, je vous souhaite à nouveau la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, par ma voix, ce sont tous les membres du Groupe des sénateurs indépendants qui souhaitent la bienvenue à notre nouvelle collègue, l’honorable sénatrice Margo Lainne Greenwood. Sénatrice Greenwood, je tiens aussi à souhaiter la bienvenue aux membres de votre famille et à vos êtres chers qui vous accompagnent aujourd’hui pour célébrer cette occasion unique.
Notre nouvelle collègue est professeure titulaire dans le programme d’éducation de l’Université du Nord de la Colombie‑Britannique. Elle est aussi leader académique du Centre de collaboration nationale de la santé autochtone. En tant qu’universitaire autochtone d’ascendance crie, sa réputation n’est plus à faire. Elle a toujours axé sa carrière sur l’amélioration de la santé et du bien-être des enfants, des familles et des collectivités autochtones au moyen de la recherche ainsi que des services publics et communautaires.
La sénatrice Greenwood est loin d’être une novice dans l’étude des mesures législatives. Depuis 1992, elle participe activement à l’élaboration de politiques et de lois à l’échelle de la Colombie‑Britannique et de notre pays. Elle a joué un rôle important au sein du Groupe d’experts en matière de données et de recherche sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants, qui a mené ses travaux en 2019 sous l’impulsion du ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social de l’époque. Parmi ses autres réalisations pour améliorer les politiques publiques, on compte aussi sa participation, en 2020, au Groupe de travail sur la santé publique des collectivités autochtones éloignées et isolées.
Le Sénat a déjà eu le privilège de bénéficier de son expertise, lorsqu’elle a témoigné en 2008 devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui a ensuite présenté un rapport informatif sur l’éducation et la garde des jeunes enfants. Elle a également été une alliée de poids pour la sénatrice Yvonne Boyer. En effet, elles ont travaillé ensemble sur des questions liées à la justice en matière de reproduction et, notamment, sur la lutte contre la stérilisation forcée des femmes autochtones. Désormais, le Sénat aura la chance de bénéficier régulièrement des contributions de ce tandem exceptionnel.
Sénatrice Greenwood, je pourrais passer des heures à énumérer les nombreux prix et distinctions bien mérités que vous avez reçus tout au long de votre carrière, mais en trois minutes, c’est impossible. Cependant, je ne peux m’empêcher de citer un des passages de la thèse intitulée Places for the good care of children, qui porte sur le développement de la petite enfance, que vous avez soumise avec succès pour l’obtention de votre doctorat à l’Université de la Colombie-Britannique. Cet extrait m’interpelle. Chers collègues, voici les propos de la sénatrice :
Les principes de respect, de réciprocité, de pertinence et de responsabilité vont au-delà de la théorie et de la pratique quand il s’agit de vivre sa vie et d’exister dans le monde. Un sage ami m’a dit un jour que le savoir et le savoir-être autochtones ne sont pas réservés aux peuples autochtones. Ils se rapportent à l’humanité. Il s’agit de vivre dans le monde avec respect et honneur.
Sénatrice Greenwood, tous les membres du Groupe des sénateurs indépendants se réjouissent de collaborer avec vous et de bénéficier de votre passion et de votre excellence dans tous les domaines de votre expertise. Merci. Meegwetch.
Des voix : Bravo!
L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, au nom du Groupe progressiste du Sénat, je suis encore une fois ravie d’accueillir une autre personne qui se joindra aux sénateurs dans cette enceinte.
(1420)
Sénatrice Greenwood, votre feuille de route, qui a déjà bien été décrite, est assurément impressionnante, et je ne doute pas que votre expérience sera un atout précieux pour le Sénat.
À l’occasion de votre nomination, le premier ministre a souligné votre « expertise universitaire [...], [votre] engagement envers la santé et l’éducation et [votre] dévouement au bien-être des communautés autochtones ». Non seulement ces caractéristiques vous seront fort utiles au Sénat, mais elles garantiront également que les habitants de votre province, la Colombie-Britannique, seront bien servis par votre nomination.
Votre arrivée au Sénat au début de décembre coïncide avec le début de l’une de nos périodes les plus occupées, alors que nous siégeons souvent de plus longues heures pour terminer l’étude d’une série de projets de loi avant la fin de l’année. Même si cette période peut être exigeante, j’ai aussi découvert qu’elle est souvent l’occasion d’établir des liens plus étroits alors que nous travaillons tous ensemble. Je sais que je parle au nom de tous les membres du Groupe progressiste du Sénat en disant que nous avons hâte de travailler avec vous, même si des journées très chargées nous attendent.
En tant qu’ancienne enseignante, j’aimerais prendre quelques instants pour vous exprimer ma gratitude, en particulier pour tout le travail que vous avez accompli auprès des enfants, surtout les enfants autochtones. Nous ne pouvons pas changer le passé, mais nous pouvons tracer une nouvelle voie pour l’avenir par notre manière de traiter et d’élever la prochaine génération. Il s’agit d’une composante importante du travail de réconciliation, et je vous suis très reconnaissante de vos efforts.
Au nom du Groupe progressiste du Sénat, je suis ravie de vous accueillir officiellement au Sénat du Canada.
Tawâw, sénatrice Greenwood. Nous sommes impatients de travailler avec vous. Merci.
Des voix : Bravo!
L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, au nom de mes collègues du Groupe des sénateurs canadiens, je souhaite la bienvenue à la sénatrice Margo Greenwood au Sénat. La sénatrice Greenwood est décrite comme une universitaire autochtone d’ascendance crie, reconnue et très respectée à l’échelle internationale.
Ce fut formidable de vous voir prêter serment en cri aujourd’hui.
Chercheuse et auteure, elle a plus de 30 ans d’expérience dans l’étude de la santé et du bien-être des communautés et des familles autochtones et, comme on l’a dit, en particulier des enfants. La sénatrice Greenwood, qui a plus de 130 publications à son actif, est une cheffe de file dans son domaine et a présidé de nombreux instituts de recherche au Canada. Ses compétences analytiques et sa contribution aux politiques publiques profiteront au Sénat et à tous les Canadiens.
Sénatrice Greenwood, vos contributions ne se limitent pas à vos compétences en tant qu’éminente professeure universitaire; vous avez quelque chose d’autre à apporter. Dans une interview accordée à Windspeaker.com, vous avez parlé de changer ce que vous appelez les « réalités vécues ».
La capacité de rêver a une importance fondamentale, car nous pouvons, à notre manière, voir une réalité différente. Être capable de rêver, c’est être capable d’espérer.
« Le changement requiert la capacité de rêver et le courage d’agir », avez-vous dit. Je crois que cela peut s’appliquer à nous tous. J’espère qu’avec vos interventions en cette enceinte, vous nous aiderez tous à mieux rêver et à avoir le courage d’agir.
Sénatrice Greenwood, bienvenue au Sénat. Mes collègues et moi sommes impatients de travailler avec vous.
Des voix : Bravo!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune des trois fils de l’honorable sénatrice Greenwood, Jacob Hanley, Reid Church et Aaron Neilson, ainsi que de sa petite-fille, Everly Church. Ils sont accompagnés de membres de la famille et d’amis, y compris l’honorable Carolyn Bennett, ministre de la Santé mentale et des Dépendances et ministre associée de la Santé.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence Anahit Harutyunyan, ambassadrice de l’Arménie au Canada, de Mme Jamila Afghani, de M. Fazal Ghani Kakar et du consul honoraire Levon Afeyan. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Housakos.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
L’initiative humanitaire Aurora
L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, j’aimerais profiter de cette occasion pour mettre en lumière le succès de l’Initiative humanitaire Aurora, qui rend le monde meilleur depuis sa création. L’Initiative humanitaire Aurora trouve ses racines dans l’histoire arménienne et accomplit sa mission au nom des survivants du génocide arménien et pour remercier leurs sauveurs.
La vision philanthropique de trois Arméniens d’exception s’exprime dans la création de liens entre des humanistes du monde entier qui cherchent à servir les plus démunis. Au cœur de l’initiative Aurora se trouve un principe très simple, mais souvent oublié : la gratitude ou, comme ils l’appellent, la gratitude en action. Par leur travail, ils cherchent à reconnaître et à soutenir ceux qui se mettent en danger pour sauver la vie de ceux qui souffrent à cause de conflits violents, d’atrocités, de crimes ou d’autres violations des droits de la personne.
Pour ce faire, les responsables ont créé le prix Aurora for Awakening Humanity, qui accorde chaque année 1 million de dollars à un humaniste exceptionnel en reconnaissance de son travail et qui lui donne l’occasion de perpétuer le cycle de la gratitude en donnant au suivant.
Depuis sa création, le prix Aurora a changé la vie de plus de 1,1 million de personnes affectées par la guerre, les conflits, les déplacements ou la persécution partout dans le monde. Je tiens à féliciter la lauréate du prix Aurora de cette année, Jamila Afghani, qui est des nôtres aujourd’hui. Mme Afghani a consacré plus de 25 années de sa vie à défendre les droits de la personne et à se battre pour que les femmes aient accès à l’éducation en Afghanistan.
Je tiens aussi à saluer Levon Afeyan, consul honoraire de la République d’Arménie au Québec et membre du conseil d’administration de l’Initiative humanitaire Aurora, dont l’engagement auprès de la communauté arménienne de Montréal et de partout dans le monde a inspiré bon nombre de réalisations au sein de cette communauté.
Mes collègues du Sénat et moi avons l’honneur d’accueillir cette personne vraiment remarquable, Jamila Afghani, qui est accompagnée de l’ambassadrice de l’Arménie au Canada, afin de souligner le travail exceptionnel que ces personnes font tous les jours pour offrir de l’aide aux plus démunis. Elles méritent notre reconnaissance et bien plus encore. Je les félicite et je les remercie d’être des nôtres.
Des voix : Bravo!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence l’ambassadeur Ariunbold, du député Saranchimeg, du député Ganbold et du député Naranbaatar, du Parlement de la Mongolie. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Clement.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je regrette d’interrompre les délibérations, mais c’est maintenant l’heure de la période des questions. Nous suspendons la séance pendant une minute pour laisser à la ministre Hutchings le temps de s’installer, puis nous passerons à la période des questions.
(La séance du Sénat est suspendue.)
(Le Sénat reprend sa séance.)
PÉRIODE DES QUESTIONS
(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 7 décembre 2021, visant à inviter un ministre de la Couronne, l’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.)
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd’hui l’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural, pour lui poser des questions concernant ses responsabilités ministérielles.
Le ministère du Développement économique rural
L’accès à des réseaux à haute vitesse à large bande
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Bienvenue, madame la ministre.
(1430)
Madame la ministre, une partie de votre mandat consiste à « accélérer la prestation de services à large bande dans l’ensemble du Canada pour veiller à ce que tous les Canadiens aient accès à Internet haute vitesse, et ce, peu importe l’endroit où ils vivent ». Pourtant, force est de constater qu’il s’agit là d’un autre domaine pour lequel le gouvernement néo-démocrate—libéral a promis beaucoup de financement, mais où les résultats tangibles demeurent obscurs. Selon le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, plus de 50 % des ménages ruraux n’ont toujours pas accès à Internet haute vitesse.
Madame la ministre, combien de temps ces ménages devront-ils encore attendre?
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Merci.
D’abord, j’aimerais saluer la nouvelle sénatrice et lui souhaiter la bienvenue dans ses nouvelles fonctions. Je suis ravie de travailler avec vous, sénatrice Greenwood. Bienvenue à la Chambre rouge. Je suis également ravie d’être ici aujourd’hui.
Pour répondre à votre question, depuis 2015, nous appuyons des projets qui amélioreront la connectivité de plus de 1,7 million de personnes. En 2014, lorsque nous avons formé le gouvernement, seulement 79 % des Canadiens étaient connectés à un service Internet fiable et abordable. Aujourd’hui, plus de 93 % sont connectés. Nous avons consacré 7,6 milliards de dollars à l’amélioration de la connectivité partout au pays.
J’ai fait la promesse de connecter 98 % du Canada d’ici 2026. Nous sommes bien en voie d’y parvenir, et nous ferons en sorte que le reste du pays soit connecté d’ici 2030.
Le sénateur Plett : Madame la ministre, je suis conscient qu’au mois de novembre, le gouvernement a annoncé un autre investissement de 475 millions de dollars, cette fois-ci, afin d’améliorer l’accès à Internet haute vitesse en milieu rural. Cela ne contredit pas ce que j’ai mentionné plus tôt : malgré vos promesses, il n’en demeure pas moins que plus de 50 % des ménages en milieu rural n’ont toujours pas d’accès fiable à Internet, et ce malgré les milliards de dollars annoncés.
Pouvez-vous nous dire concrètement quels mécanismes sont mis en place pour s’assurer que ce financement bénéficie à ces collectivités et que ces fonds ne sont pas gaspillés?
Mme Hutchings : Je vous remercie, sénateur.
Vous avez peut-être remarqué qu’au cours des dernières années, depuis que nous avons mis sur pied le Fonds pour la large bande universelle, de nombreux programmes ont vu le jour, notamment le programme Brancher pour innover et des fonds accessibles par le truchement de la Banque de l’infrastructure du Canada. Je suis également très fière que nous ayons signé six protocoles d’entente avec l’Ontario, le Québec, la Colombie-Britannique, l’Alberta, Terre-Neuve-et-Labrador et l’Île-du-Prince-Édouard. Cela s’est avéré particulièrement efficace, car cela nous a permis de collaborer activement avec les provinces afin de brancher les collectivités.
Un tiers des fonds du Volet de réponse rapide du Fonds pour la large bande universelle ont été versés à des communautés autochtones. Un autre tiers de ce même volet a été versé aux petits fournisseurs de services Internet qui desservent les collectivités rurales et éloignées. Le dernier tiers de ce volet a été versé aux grands fournisseurs de services Internet.
Bien qu’il s’agisse d’une tâche colossale, je peux dire que nous avons déployé plus d’efforts concertés pour brancher les collectivités canadiennes que tous les autres gouvernements précédents réunis, et nous atteignons nos objectifs.
La taxe sur le carbone
L’honorable Elizabeth Marshall : Madame la ministre, bienvenue au Sénat du Canada.
Madame la ministre, le 22 novembre, le gouvernement a annoncé son intention d’imposer une taxe sur le carbone qui coûtera très cher aux gens de la Nouvelle-Écosse, de l’Île-du-Prince-Édouard et de notre province à toutes les deux, Terre-Neuve-et-Labrador. Dans le Canada atlantique, pour plus de 300 000 foyers, le mazout est la seule option pour le chauffage domestique. Le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador a demandé une exemption à la taxe sur le carbone pour les combustibles de chauffage domestique. Il a dit que la taxe sur le carbone imposera « un fardeau économique indu sur les gens de la province », et il a parlé des répercussions de la taxe, surtout sur les aînés, les habitants des régions rurales et les personnes à faible revenu qui comptent sur le mazout pour chauffer leurs maisons. Le coût augmenté de cette taxe représente en moyenne 900 $ de plus par année par ménage d’ici 2030.
En tant que ministre, vous avez la responsabilité de mener et de faire progresser des initiatives qui tiennent compte des réalités et des défis uniques auxquels sont confrontées les collectivités. En tant que députée de Terre-Neuve-et-Labrador, comment pouvez‑vous justifier votre appui à cette mesure, qui nuira à nos concitoyens terre-neuviens et labradoriens?
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Merci, sénatrice Marshall. Je suis emballée d’être ici aujourd’hui. Je suis une fière Terre‑Neuvienne et Labradorienne.
Au sujet de la tarification de la pollution, je n’ai pas le choix d’être en désaccord avec la province, parce que j’ai moi-même constaté le coût de l’inaction face à la pollution lors du passage de l’ouragan Fiona dans le Canada Atlantique et aux Îles‑de‑la‑Madeleine. Vous le savez, ma circonscription se trouve dans le Sud de la province dévastée par cet ouragan.
Quand je parle de tarification de la pollution et d’inaction en matière de pollution aux gens de ma circonscription, ils me disent : « S’il vous plaît, il faut faire plus. »
La tarification de la pollution que nous mettrons en place rapportera plus de 1 300 $ à une famille moyenne de Terre‑Neuve‑et-Labrador, alors qu’elle aura coûté à cette dernière environ 700 $. Les familles en ressortent donc gagnantes sur le long terme.
Il y a aussi de nombreux autres programmes. Nous avons augmenté le Supplément de revenu garanti, nous avons créé la subvention pour la conversion abordable du mazout à la thermopompe pour aider les gens qui veulent délaisser le chauffage au mazout. Nous avons établi un programme pour que le coût des services de garde d’enfants soit fixé à 10 $ par jour. Nous en faisons beaucoup pour aider la population dans cette période difficile.
Je ne vais pas vous mentir, les temps sont durs pour les Canadiens. Nous sortons d’une pandémie qui a été dévastatrice pour la population et qui a perturbé les chaînes d’approvisionnement. Il y a aussi les impacts de la guerre en Ukraine.
Évidemment, nos concitoyens vivent les défis du quotidien et force est de reconnaître que la conjoncture actuelle les affecte. Néanmoins, je peux vous assurer que la situation du Canada repose sur des bases solides. Nous traverserons cette période difficile ensemble.
Le soutien apporté au secteur du tourisme
L’honorable Karen Sorensen : Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre.
La beauté incomparable de la nature et de la faune à l’état naturel fait du Canada une destination de premier choix pour les visiteurs du monde entier. J’ai pu le constater moi-même lorsque j’ai travaillé dans l’industrie du tourisme et de l’accueil à Banff et aussi lors de mes déplacements partout au pays, y compris dans votre magnifique province, Terre-Neuve-et-Labrador, où je suis allée l’été dernier.
L’écotourisme et les expériences de plein air génèrent des recettes et créent de l’emploi dans de nombreuses localités rurales et éloignées partout au Canada, notamment dans les communautés autochtones qui se servent d’expériences authentiques comme moyen de revitalisation culturelle. Bon nombre de collectivités dont la survie dépend du tourisme ont éprouvé d’énormes difficultés pendant la pandémie et travaillent fort aujourd’hui pour rétablir leur situation.
Pourriez-vous préciser comment le gouvernement appuie le développement touristique dans les localités rurales et éloignées?
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Je vous remercie de cette question, sénatrice Sorensen.
Comme beaucoup de sénateurs dans cette enceinte le savent peut‑être, l’industrie touristique me passionne au plus haut point — j’y ai consacré environ 25 ans de ma vie.
Comme je l’ai souligné, la pandémie a été terrible et aucune industrie n’a été touchée plus durement que l’industrie touristique. Nous étions là pour aider l’industrie, les employeurs et les employés à traverser cette terrible pandémie afin qu’ils puissent se relever. Je sais que Destination Canada fait un excellent travail pour mettre en valeur les provinces et le pays, de même que les produits incroyables qu’on y trouve, notamment les produits autochtones. J’étais en Colombie-Britannique la semaine dernière; je suis passée par Vancouver et j’ai rencontré la présidente d’Indigenous Tourism BC. Le travail que l’organisme accomplit est phénoménal.
Vous avez raison; le Canada a ce que le monde recherche. Nous devons maintenant tous travailler fort pour aider l’industrie à se remettre sur pied.
Le tourisme au parc national du Gros-Morne dans ma province, que vous avez visité l’été dernier, a augmenté de 30 % cette année. Cela dit, nous devons tous faire notre part et travailler ensemble sur l’accessibilité, la commercialisation et le développement de produits, ainsi que sur le recrutement et le dossier de l’immigration afin d’aider les immigrants à intégrer le secteur du tourisme, en particulier dans les régions rurales du Canada.
Je peux vous dire que le monde a ce que le Canada recherche et j’ai hâte d’accueillir le monde dans notre pays.
Le transport en région rurale
L’honorable Jane Cordy : Merci d’être parmi nous aujourd’hui, madame la ministre.
Ma question porte sur la diminution des options de transport dont disposent les Canadiens des régions rurales. Les navettes aériennes régionales, les lignes d’autobus régionales et même les compagnies nationales d’autobus réduisent leurs services ou cessent carrément leurs activités, et le service ferroviaire est limité ou inexistant en région rurale. La pandémie a accéléré la disparition de ces services, mais ils étaient déjà en voie de disparition bien avant la pandémie.
Madame la ministre, quelles mesures prenez-vous pour que les Canadiens des régions rurales puissent avoir accès, de façon pratique, abordable et fiable, à ces services essentiels?
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Merci, madame la sénatrice. Croyez-moi, je comprends. Lorsque j’ai été élue pour la première fois, je disais que ma circonscription faisait six fois la taille de l’Île‑du-Prince-Édouard, mais je me suis rendu compte par la suite que les gens n’avaient aucune idée de la taille de cette province, alors maintenant, je dis que ma circonscription est plus grande que la Suisse. Elle compte 200 collectivités, dont 5 ne sont accessibles que par bateau. Évidemment, l’île de Terre-Neuve n’est accessible que par traversier.
Depuis que je suis ministre, j’ai tenu plus de 70 tables rondes avec des gens de l’ensemble du pays pour traiter de nombreux dossiers, dont le transport en commun en milieu rural. Nous avons discuté en détail de ce qui a changé depuis la pandémie. Vous avez raison de dire que le transport en commun posait déjà un problème dans les régions rurales du pays bien avant la pandémie, mais je pense que celle-ci a vraiment accentué le problème, car de plus en plus de gens veulent s’établir dans des régions rurales.
Je m’entretiens régulièrement avec mes collègues, M. Alghabra, ministre des Transports, et M. LeBlanc, ministre de l’Infrastructure et des Collectivités. Nous cherchons avec les provinces et les territoires à concevoir un plan de transport en commun pour les régions rurales du pays. L’année dernière, M. LeBlanc a annoncé le Fonds pour les solutions de transport en commun en milieu rural, et on examine actuellement les demandes.
Cependant, nous devons veiller à ce que le réseau fonctionne pour tous les Canadiens des régions rurales, et pas seulement ceux qui sont le plus près des grands centres.
(1440)
L’accès à des cliniques de diagnostic
L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia : C’est un plaisir de vous voir, madame la ministre, et je vous remercie de votre présence.
Ma question concerne la santé en général et le trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale, qui est un terme de diagnostic utilisé pour décrire le large éventail de symptômes et de handicaps résultant de l’exposition à l’alcool in utero.
Il existe peu ou pas d’équipes de diagnostic multidisciplinaires pour le trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale dans les régions rurales du Canada. Les familles ont souvent de la difficulté à accéder à ces services et, en raison du manque de cliniques et de la distance que les habitants des régions rurales doivent parcourir, c’est souvent un énorme fardeau pour ces familles.
Comme le souligne la Stratégie de développement économique rural du Canada, depuis 2015, le gouvernement fédéral a réalisé des investissements dans les collectivités rurales, notamment en s’efforçant d’améliorer la connectivité grâce à des services Internet haute vitesse abordables et à une meilleure infrastructure, afin de favoriser les établissements d’enseignement et de santé.
Pourriez-vous nous dire quelles mesures sont prises pour améliorer l’accès aux cliniques de diagnostic en général, mais, en particulier, pour aider les personnes atteintes du trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale ou d’autres problèmes de santé complexes?
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Merci, sénateur Ravalia. Plus tôt, j’ai fait allusion aux tables rondes que j’ai organisées. Croyez‑moi, j’en ai tenu un bon nombre sur les soins de santé en région rurale. Il est intéressant d’entendre les gens dire que l’argent à lui seul ne réglera pas le problème. Nous devons encourager des intervenants de ce secteur, que l’on pense aux médecins, aux infirmiers, aux infirmiers praticiens, aux spécialistes ou aux spécialistes en santé mentale, à s’installer dans les régions rurales. Tout le monde dit qu’il nous faut un réseau de plaques tournantes parce qu’il ne peut pas y avoir une seule personne qui se rend en région éloignée — l’épuisement professionnel ne tardera pas. Nous devons travailler avec les provinces et les territoires pour mettre en place un tel réseau de plaques tournantes dans les régions rurales du pays.
Les mesures que nous avons prises pour étendre l’accès à des réseaux haute vitesse à large bande dans les localités rurales — l’aspect numérique de la question — contribueront à améliorer la situation jusqu’à un certain point. Je dois toutefois dire qu’il n’y a rien de mieux que les rencontres en personne pour recevoir des soins de santé.
Au sujet du syndrome de l’alcoolisation fœtale dont vous avez parlé, il y a un problème aigu partout au Canada : je parle de l’abus d’alcool et de drogues dans les régions rurales.
Je sais que ma collègue, la ministre Bennett, a témoigné au Sénat. Je sais qu’elle se concentre sur ce que nous pouvons faire en santé mentale et en toxicomanie. Je vais travailler avec elle tout au long du processus et je suivrai également vos efforts dans ce dossier important, monsieur le sénateur.
Les services de santé mentale
L’honorable Robert Black : Madame la ministre, je vous remercie de votre présence à la Chambre rouge aujourd’hui. Nous savons que les problèmes de santé mentale touchent des personnes de tous âges, indépendamment du niveau d’éducation, du revenu et de la culture. Au cours d’une année donnée, un Canadien sur cinq sera personnellement confronté à un problème de santé mentale ou à une maladie mentale.
Nous savons également qu’il est plus difficile d’accéder à de nombreux services dans les régions rurales, notamment aux soins de santé. Dans bien des cas, les services et mesures de soutien liés à la santé mentale offerts dans les collectivités rurales sont moins complets, moins disponibles et moins accessibles que dans les zones urbaines.
Il est certain que j’aborde ces questions sous l’angle de l’agriculture et de la ruralité. J’aimerais profiter de l’occasion pour souligner le fait que, selon les statistiques de la division ontarienne de l’Association canadienne pour la santé mentale, 68 % des agriculteurs sont plus susceptibles que la population générale de souffrir de stress chronique, ce qui peut entraîner des maladies physiques et mentales; 58 % des agriculteurs répondent aux critères de l’anxiété; et 45 % des agriculteurs déclarent être très stressés.
De nombreux Canadiens travaillent dans les secteurs liés à la ruralité et à l’agriculture. Madame la ministre, pouvez-vous présenter les mesures prises par votre gouvernement pour remédier au manque d’accès aux services de santé mentale dans les régions rurales du Canada?
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Sénateur Black, c’est une excellente question qui complète bien la question précédente de votre collègue.
Elle touche un sujet intéressant. L’une des tables rondes que j’ai organisées portait sur le secteur agricole et cette question y a justement été soulevée. Les temps sont difficiles pour les agriculteurs. Ils ont dû composer avec des inondations et des sécheresses. À la suite du passage de l’ouragan dans ma circonscription, il a fallu offrir aux gens une aide en santé mentale pour qu’ils puissent composer avec le choc qu’ils ont vécu en voyant des vagues de 100 pieds de hauteur. La province a fait de l’excellent travail pour transporter des gens des grands centres urbains à des municipalités rurales. Toutefois, cette expérience nous a également fait prendre conscience qu’il faut gérer la situation dans le Canada rural. Malheureusement, il faut souvent qu’une catastrophe naturelle survienne pour que nous nous attaquions au problème. Je discute fréquemment de solutions avec la ministre Bennett.
Je suis allée dans une région rurale du Manitoba plus tôt cette année et j’y ai eu une excellente conversation. Je me suis entretenue avec un groupe de jeunes dont la spécialisation à leur établissement d’enseignement secondaire et postsecondaire consiste à trouver des solutions pour régler le problème des soins de santé mentale en milieu rural.
Je suis bien au fait de ce dossier, monsieur. Je continuerai de collaborer avec la ministre Bennett et vous tiendrai au courant de nos progrès. De plus, je ferai tout en mon pouvoir pour vous appuyer.
Le raccordement permanent de Terre-Neuve-et-Labrador
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : D’après la lettre de mandat que vous a remise le premier ministre, vous devez contribuer au développement des infrastructures « conformément à la stratégie globale du gouvernement en matière d’infrastructure ». Un des objectifs de cette stratégie est le suivant :
Appuyer de grands projets rassembleurs qui profiteront aux gens de diverses régions, relieront notre pays et amélioreront la qualité de vie, dont la liaison de transport fixe Terre‑Neuve‑et‑Labrador.
Madame la ministre, pouvez-vous dire aux Canadiens, et en particulier aux gens de Terre-Neuve-et-Labrador, où en est ce projet? Avez-vous une idée de l’ampleur des dépenses qu’il faudrait y consacrer et du montant qu’on demandera au gouvernement fédéral d’assumer?
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : C’est une excellente question. C’est un projet qui me tient à cœur, madame la sénatrice, car il se trouverait dans le Nord de ma circonscription et serait relié au Canada continental.
Dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador, on parle de ce projet depuis de nombreuses années. Ce qui est intéressant, c’est que les technologies ont évolué au fil des ans. Il y a quelques mois, mon homologue et ami, le ministre O’Regan était en Norvège où il a visité un tunnel sous-marin qui a coûté un quart du montant estimé il y a 20 ans. Les coûts diminuent.
En ce qui concerne votre question sur le coût de ce projet, à titre de députés de Terre-Neuve-et-Labrador, nous avons été contactés par des intervenants du milieu des affaires qui nous ont demandé si la Banque de l’infrastructure du Canada pouvait lancer une demande d’expression d’intérêt, car c’est quelque chose qui les intéresse.
Je pense que c’est la meilleure façon de procéder. Ce projet ne sera pas financé par le gouvernement provincial. Comme vous le savez, il s’agira d’un prêt de la Banque de l’infrastructure du Canada. Cela dit, le secteur privé est intéressé à ce que ce projet se concrétise. Ce dernier voit ce projet comme une façon de protéger les océans et les baleines. Nous nous penchons sur la question de la circulation, du transport transfrontalier et de l’échange de biens et de services avec le reste du monde.
Je pense que vous verrez ce projet de lien fixe se concrétiser sous la forme d’un partenariat entre les secteurs public et privé, et ce seront les entreprises qui en seront le moteur. Au bout du compte, madame la sénatrice, ce ne peut pas simplement être un souhait du gouvernement fédéral, sans appui de la part des entreprises. Celles‑ci doivent appuyer le projet, et elles nous disent qu’elles en ont besoin pour favoriser la circulation des marchandises depuis l’Europe, surtout maintenant que le passage du Nord-Ouest est en train de s’ouvrir.
Les services de santé mentale
L’honorable Judith G. Seidman : Madame la ministre, merci de votre présence parmi nous aujourd’hui. J’aimerais poursuivre sur le sujet de la santé mentale, si vous le permettez.
L’Université de Guelph a récemment publié une déclaration indiquant que la santé mentale des agriculteurs canadiens est pire qu’il y a cinq ans et pire que celle de la population générale à tous égards. Le stress, l’anxiété, la dépression, l’épuisement émotionnel et les idées de suicide sont tous plus élevés chez les agriculteurs que la moyenne nationale et encore plus élevés chez les agricultrices.
Dans votre lettre de mandat, voici ce que le premier ministre vous demande :
Aider la ministre de la Santé mentale et des Dépendances à explorer des pistes pour accroître l’accessibilité des services de santé mentale dans les régions rurales.
Madame la ministre, pourriez-vous nous parler du plan du gouvernement pour améliorer la santé mentale des agriculteurs et, plus précisément, des actions concrètes entreprises depuis votre nomination au poste de ministre?
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice. On dirait qu’il y a un thème récurrent. Je suis entièrement d’accord avec vous.
Je crois que lorsqu’il y a un élargissement de l’accès à Internet haute vitesse à large bande à un prix abordable, on voit également une augmentation des services en santé mentale offerts en ligne aux collectivités rurales. De tels services sont offerts dans de nombreuses régions. J’ai moi-même constaté qu’ils fonctionnent bien dans certaines régions rurales de Terre-Neuve-et-Labrador.
Toutefois, ce n’est pas la seule chose que nous avons à faire. Comme je l’ai indiqué plus tôt, je cherche actuellement avec la ministre Bennett des solutions concrètes. Nous nous demandons comment joindre les agriculteurs et intervenir dans les régions où la population a vraiment besoin d’aide. Comme je l’ai dit, nous avons notamment organisé une table ronde avec les producteurs agricoles, et cet aspect de la question y a été soulevé.
Je vais poursuivre ma collaboration avec ma collègue ministre pour trouver des solutions précises à ce problème.
Les agriculteurs traversent une période difficile. Ma foi, il serait plus juste de parler de tourmente, comme je l’ai dit plus tôt. Alors qu’ils sont confrontés à la sécheresse, à des inondations et à des changements de température inattendus, ils doivent continuer à avoir la motivation de produire des grains et des légumes et d’élever des animaux pour répondre aux besoins des Canadiens et des marchés d’exportation mondiaux.
Par conséquent, je continuerai de collaborer avec la ministre Bennett à toutes les étapes.
[Français]
Les coopératives financières
L’honorable Lucie Moncion : Madame la ministre, bienvenue au Sénat.
Dans votre lettre de mandat, le premier ministre vous demande ce qui suit :
[...] poursuivre la mise en œuvre de la Stratégie de développement économique rural pour tirer parti des investissements existants [...] et cerner les améliorations pouvant être apportées aux programmes, politiques et investissements futurs dans l’intérêt des communautés rurales.
Nous savons que les coopératives financières sont généralement les dernières à être consultées dans le cadre du développement de programmes et de politiques. Je pense notamment au Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes (CUEC) durant la COVID-19. Le gouvernement a éventuellement rendu admissibles les sociétaires de ces institutions, mais celles-ci ont dû travailler avec acharnement pour se faire entendre.
Ces institutions financières représentent pourtant près du quart — 21 % — de la part du marché des petites et moyennes entreprises canadiennes. Leur inclusion tardive à des discussions cruciales heurte le développement économique rural.
Dans le respect de l’esprit des objectifs énoncés dans votre lettre de mandat, pourriez-vous nous dire comment votre gouvernement entend consulter les coopératives financières systématiquement plutôt que tardivement?
(1450)
[Traduction]
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Merci, sénatrice. C’est une excellente question. Dès que j’ai été nommée ministre responsable de ce portefeuille, je me suis rendue au Centre de développement économique rural, qui était déjà établi. Je me suis assise avec l’équipe et j’ai demandé : qui avons-nous sur le terrain? Qui travaille avec les entreprises, les institutions bancaires, les organismes sans but lucratif, les collectivités et les collectivités autochtones? Je suis heureuse de dire que cette agence comprend maintenant 22 personnes, dont certaines travaillent sur le terrain dans les régions rurales de partout au Canada. Nous travaillons également avec les associations de développement régional, la Banque de développement du Canada et, bien sûr, tous les autres ministères dans ce domaine.
La réalité est que les services bancaires sont différents dans les régions rurales du Canada. Nous devons travailler avec l’Association des banquiers canadiens et tenir compte de tous les aspects pour nous assurer que nous élaborons et mettons en œuvre les bonnes solutions pour les Canadiens des régions rurales. J’ai demandé à mon équipe du Centre de développement économique rural de veiller à se rendre partout sur le terrain, car si nous ne fournissons pas les services dont les Canadiens des régions rurales ont besoin pour faire croître l’économie et aider les agriculteurs, les pêcheurs, le secteur du tourisme et le secteur minier, nous n’y arriverons pas. Ils sont essentiels à la collaboration avec tous les groupes sur le terrain, qui permettra de favoriser le développement rural et économique partout au pays.
Le système bancaire ouvert
L’honorable Colin Deacon : Bienvenue au Sénat, madame la ministre. Vous n’êtes pas sans savoir que 40 % des Canadiens vivent dans des endroits où la population est inférieure à 100 000 habitants, et les collectivités rurales sont souvent mal desservies par le système financier canadien. Je vais poursuivre dans la même veine que la sénatrice Moncion.
Il s’agit d’un problème particulièrement alarmant, car les banques continuent de fermer les succursales situées dans les collectivités petites et éloignées, ce qui limite la capacité des gens à continuer d’y vivre et d’y exploiter leurs entreprises. Le ministère des Finances du Canada est en train de concevoir et de mettre en œuvre un système bancaire ouvert. J’ose croire que cela pourra offrir de l’espoir aux collectivités rurales mal desservies. Dans quelle mesure songe-t-on à créer un système bancaire ouvert comme outil complémentaire pour aider à remédier à ce problème préoccupant qui mine le potentiel économique des régions rurales du Canada?
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Merci beaucoup de poser cette question, mon ami. Vous savez aussi bien que moi que le secteur financier devient de plus en plus numérique, et qu’il faut voir à moderniser les normes afin que toutes les régions du Canada puissent profiter d’un secteur financier solide, stable et novateur.
Il faut aussi voir à ce que le secteur financier soit concurrentiel à l’échelle mondiale, favorise le libre choix des consommateurs et contribue à la croissance économique, et ce, pour tous les Canadiens, peu importe où ils vivent. Nous devons être conscients de tous ces points. C’est pourquoi j’ai été ravie que le gouvernement mette sur pied le Comité consultatif sur un système bancaire ouvert. Vous savez sûrement qu’Abraham Tachjian, qui a été nommé responsable de ce système, fait un travail phénoménal auprès des intervenants, des associations de consommateurs et des organismes de réglementation. Le rapport du comité propose quatre piliers, soit l’accréditation, la responsabilité, la protection de la vie privée et la sécurité.
En ce moment, le gouvernement examine les recommandations du comité et prépare les prochaines étapes. Je sais que vous participerez activement à ce processus, monsieur le sénateur.
[Français]
Postes Canada—La saisie de produits illicites
L’honorable Pierre J. Dalphond : Bienvenue au Sénat, madame la ministre.
[Traduction]
Dans votre lettre de mandat, vous êtes invitée à aider la ministre des Services publics à faire en sorte que Postes Canada rejoigne plus efficacement les Canadiens des régions rurales et éloignées. Comme vous le savez peut-être, on rapporte que pour les vendeurs de fentanyl, Postes Canada est le mode d’expédition de choix, et souvent le seul disponible pour expédier ces produits illégaux dans les communautés rurales et éloignées.
Madame la ministre, êtes-vous prête à examiner des propositions telles que le projet de loi S-256 visant à supprimer de la Loi sur la Société canadienne des postes les restrictions qui empêchent la police de saisir les drogues illégales et autres articles illégaux expédiés dans des enveloppes postales?
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Merci, monsieur le sénateur. Votre question est incroyable, car elle fait référence à ce que je disais plus tôt au sujet du grave problème de drogue dans les régions rurales du Canada. Comme vous le savez, Postes Canada est une société de la Couronne, mais je vais suivre avec attention la progression de ce projet de loi. Je sais que c’est exactement la méthode utilisée pour faire parvenir certaines drogues dans les collectivités rurales.
Je suis aussi ravie de constater que Postes Canada envisage actuellement de diversifier son offre de services. La société a commencé à ouvrir des carrefours communautaires. Elle pilote de nouveaux projets. Il y en a quatre en ce moment. Un à Membertou, en Nouvelle-Écosse, et les trois autres sont situés en Alberta, en Saskatchewan et en Ontario. Ils cherchent à être davantage axés sur les services. On peut y trouver des bornes de recharge pour véhicules électriques et des services financiers, y louer des salles de réunion, y trouver des renseignements sur les entreprises locales et les services communautaires, et bénéficier d’un accès sécurisé à des cases postales et des boîtes à colis. Je crois que plus ces carrefours deviendront populaires, plus il y aura de gens aux alentours et, espérons-le, on pourra contrôler ce problème.
Comme vous le savez, ce dossier relève de la police. Je suis persuadée que nous allons aussi devoir discuter des services de police en région rurale, car la situation y est totalement différente. Toutefois, je vais suivre la progression de ce projet de loi, et je sais que vous en ferez autant, monsieur.
Le transport en région rurale
L’honorable Robert Black : Au cours de la dernière législature, j’ai rencontré des représentants de l’ancienne ministre de l’Infrastructure et des Collectivités pour discuter du fait que les collectivités rurales n’ont pas le même accès au transport en commun que leurs concitoyens en zone urbaine. Lors de cette rencontre, j’ai présenté plusieurs initiatives qui ont été mises en œuvre dans ma province, l’Ontario, par exemple le projet de covoiturage RIDE WELL, dans le comté de Wellington, et le projet de transport en commun LINX, dans le comté de Simcoe.
Madame la ministre, je pense que vous conviendrez qu’il est difficile pour les jeunes et les adultes de profiter d’un vaste ensemble de possibilités en raison du manque d’options viables en matière de transport en commun. Les collectivités rurales ont absolument besoin de services de transport non seulement pour prospérer, mais aussi pour soutenir la main-d’œuvre mobile. Dans votre lettre de mandat, le premier ministre vous a demandé de participer à l’élaboration de solutions de transport en commun en milieu rural.
Dans cette optique, pourriez-vous nous dire ce que le gouvernement a fait, ou ce qu’il compte faire, pour veiller à ce que les habitants des collectivités rurales au Canada aient accès à des options de transport fiables et abordables?
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Sénateur Black, je vous remercie de votre question. Ce sujet me passionne. Comme vous le savez maintenant, ma circonscription est plus grande que la Suisse. Il y a une ville où il y a deux petits autobus, un peu comme ceux de la Colline du Parlement, et il y a trois collectivités où les gens ont accès à un service de taxi. Il n’y a pas d’Uber à Terre‑Neuve‑et‑Labrador. Il y a de petits services de transport en mini-fourgonnette qui vont des petites collectivités vers les plus grandes pour aider les aînés et les personnes vivant dans des secteurs mal servis et faire la livraison des colis. Nous devons cependant faire mieux.
Même si des sommes ont été prévues pour le transport en commun dans les régions rurales dans le budget du ministre Leblanc j’ai la conviction qu’il faut aussi de l’argent pour la planification. Il ne sert à rien que quelqu’un mène un projet tout seul dans sa région et que quelqu’un d’autre mène un autre projet de transport en commun dans sa région si tous ces projets ne sont pas interreliés. Pour que le système de transport en commun dans les régions rurales soit efficace, il doit être intégré.
Il faut aussi oser sortir des sentiers battus. Peut-être que la solution passe par le covoiturage, ou encore la collaboration avec les collectivités qui ont un service d’autocars ou d’autobus. À titre d’exemple, on pourrait leur demander d’ajouter un véhicule pour transporter les aînés et les personnes mal desservies à l’épicerie située à une heure de route, à raison d’une fois par semaine. Je pense aussi qu’en milieu rural canadien, il faut comprendre que les services de transport en commun sont différents. Les personnes qui ont grandi en Europe ont appris à organiser leurs activités quotidiennes en fonction des horaires d’autobus ou de train. Dans le cadre de nos discussions sur le transport en commun en milieu rural, il est important de souligner que la population doit non seulement apprendre à organiser sa vie en fonction de ces services de transport en commun, mais aussi qu’il n’y a rien de mal à les utiliser.
L’immigration en milieu rural
L’honorable Paula Simons : Madame la ministre, comme vous le savez, le Canada a établi des cibles ambitieuses en matière d’immigration pour les prochaines années : accueillir 500 000 immigrants d’ici 2025. Cependant, les collectivités rurales qui sont impatientes d’accueillir les nouveaux arrivants peinent à les attirer et à les garder à cause du manque de services de soutien pour eux en milieu rural d’un bout à l’autre du Canada.
Outre le Programme pilote d’immigration dans les communautés rurales et du Nord, que pouvez-vous nous dire sur les initiatives mises en place par votre ministère pour contribuer à atténuer les obstacles relatifs à l’installation des nouveaux arrivants dans les collectivités rurales de notre pays, qui ont désespérément besoin de ce sang neuf?
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Sénatrice Simons, le numéro de mon collègue et ami le ministre Fraser figure dans la liste de composition rapide de mon téléphone. Lui et moi abordons régulièrement cette question. Nous discutons de la façon de gérer l’immigration dans les régions rurales. Je parle des tables rondes que j’ai organisées parce qu’elles m’ont permis d’obtenir de l’information dont j’ai besoin pour aider mes collègues à élaborer une meilleure politique à cet égard. Je souligne entre autres qu’il a été dit haut et fort que pour assurer le succès de l’immigration dans les régions rurales du Canada, il faut accueillir les familles.
Voici la magnifique histoire d’un homme qui a immigré dans le Nord de l’Ontario et avec lequel je me suis entretenue à deux ou trois reprises parce que je suis emballée chaque fois que nous nous parlons. Cet homme est issu d’une famille syrienne qui a immigré au Canada. Il a d’abord ouvert une pharmacie et il en a maintenant cinq. Il a aidé et parrainé plus de 20 pharmaciens venant d’Égypte et de Syrie et des amis qu’il avait en Afghanistan. Selon lui, le secret est d’accueillir la cellule familiale. C’est ce qui s’est passé en Nouvelle-Écosse dans le cas de la famille qui a ouvert l’usine de chocolat Peace By Chocolate. Le fondateur de l’entreprise est arrivé au Canada avec sa famille. L’unité familiale au complet restera ici.
(1500)
Par ailleurs, ce que j’entends, malheureusement, lorsqu’il est question d’immigration, c’est que les communautés doivent être accueillantes. Les communautés doivent être accueillantes et ouvrir leurs portes aux familles d’immigrants. Il ne faut pas seulement s’attendre à ce qu’une famille d’immigrants se renseigne sur ma communauté. La communauté dans laquelle je vis doit aussi chercher à connaître les traditions et la culture d’autrui, afin que tout le monde puisse vivre ensemble. Lorsque ces conditions sont réunies, les choses fonctionnent. C’est ce que nous devons faire pour favoriser l’arrivée de familles d’immigrants.
La plupart des familles d’immigrants arrivent au Canada avec des compétences incroyables. Elles veulent travailler. Elles veulent s’installer et s’établir ici. Nous devons tous savoir les accueillir dans nos régions rurales. C’est l’une des clés de notre croissance.
Le degré de préparation au numérique
L’honorable Marty Klyne : Madame la ministre, ma question porte sur la transformation numérique dans les collectivités rurales et éloignées au nord du 55e parallèle, sans compter les réserves autochtones dans le Canada rural, dont un trop grand nombre n’ont accès qu’à une connexion Internet médiocre, voire inexistante.
Alors que l’accès à Internet à large bande continue de s’améliorer dans ces collectivités rurales et éloignées, il incombera au gouvernement de veiller à ce que les jeunes adultes autochtones aient accès aux compétences numériques et aux possibilités de formation dont ils auront besoin pour participer à la nouvelle économie et y être compétitifs. La transformation numérique ne se limite pas à l’accès à Internet à large bande.
Madame la ministre, le gouvernement sait-il quel est le niveau de compétences numériques des jeunes autochtones dans ces collectivités rurales et éloignées? Seront-ils prêts à participer à la nouvelle économie et à y être compétitifs? Quelles mesures le gouvernement prend-il pour combler l’écart afin que les jeunes autochtones puissent apporter de précieuses contributions qui profitent aux collectivités rurales?
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Voilà une question fantastique. D’ailleurs toutes vos questions sont vraiment formidables.
Monsieur le sénateur, j’ai eu une conversation avec l’ambassadeur américain il y a quelques mois. Il est passionné par le dossier d’Internet à large bande et de la connectivité. Voici la question qu’il m’a posée : « Il est fort bien d’assurer la connectivité dans les collectivités, mais les résidants, notamment dans les communautés autochtones, possèdent-ils les compétences nécessaires pour en bénéficier? »
Je suis ravie de vous faire savoir que mon ministère, en collaboration avec le ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, a lancé le programme Compétences numériques pour les jeunes, assorti d’une enveloppe de plus de 100 millions de dollars. Ce financement a été annoncé dans le budget de 2021. Des fonds ont également été prévus pour aider les entreprises et les collectivités à prendre le virage numérique, autrement dit à se familiariser avec le monde numérique dans lequel nous évoluons.
Il a été établi que dans bien des cas, une formation — comme ce fut le cas lors de la pandémie de COVID-19 lorsque les entreprises sont passées au télétravail — contribue à l’intensification des activités et à l’augmentation des ventes. Cependant, il faut s’assurer d’offrir la formation appropriée.
Je vous ai bien compris, sénateur. Le financement est disponible. Si vous avez besoin d’un coup de main pour en trouver davantage, faites-moi signe et mon ministère et moi ferons de notre mieux pour que les communautés autochtones aient leur part et davantage. Vous avez effectivement raison : c’est dans les collectivités rurales et éloignées et dans les communautés autochtones que ce travail est plus nécessaire que jamais.
Les services policiers en milieu rural
L’honorable Pamela Wallin : Madame la ministre, en septembre, 11 personnes ont été assassinées à coups de couteau au cours d’une tuerie dans la nation crie de James Smith, en Saskatchewan. Nous savons que le gouvernement vient de s’engager à octroyer 40 millions de dollars à la Première Nation, mais nous savons aussi que le problème, c’est qu’il n’y a tout simplement pas assez d’agents de police pour intervenir à temps dans les cas de crimes en cours ou d’urgences dans les régions rurales. Lorsqu’un citoyen appelle la GRC, souvent, on lui dit simplement de rester à l’intérieur et de verrouiller les portes parce que les agents ne peuvent pas s’y rendre.
Madame la ministre, le gouvernement s’engagera-t-il à investir des sommes importantes dans la GRC pour la formation, le recrutement et des ressources pour les agents de toutes les régions rurales de la Saskatchewan et du Canada? Au bout du compte, la sûreté et la sécurité sont des déterminants économiques de premier plan.
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Sénatrice Wallin, c’est une question formidable. Malheureusement, nous devons en parler trop souvent.
J’en ai parlé au ministre Mendicino. Lui et moi avons organisé une table ronde sur les services policiers en milieu rural, qui s’avèrent bien distincts des autres.
Il y a neuf détachements de la GRC dans ma circonscription. Il faut des heures pour franchir la distance qui les sépare et tous sont mal desservis à 30 %. C’était avant la pandémie. La pandémie n’est pas la cause de tout.
Je me suis également adressée aux provinces et aux territoires pour leur dire que nous devions discuter de la façon d’améliorer les services policiers en milieu rural. Devons-nous avoir recours à la GRC pour la cybersécurité et les grandes saisies de drogue? Dans ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, nous avons la Force constabulaire royale de Terre-Neuve. Devons-nous contribuer à la déployer dans d’autres régions?
C’est une discussion que nous devons tous tenir. Il n’y a pas de solution universelle. Il s’agit de savoir ce que nous pouvons faire pour travailler de concert avec les provinces et les territoires, afin de nous assurer de la disponibilité des ressources appropriées.
Il s’agit d’un grave problème. On m’a raconté des histoires terribles, tout comme vous, j’en suis convaincue, de personnes qui commettent des crimes mineurs, probablement pour se procurer de l’argent pour acheter de la drogue, et qui ciblent les lieux où ils savent que les policiers, de quelque détachement qu’ils soient, mettront trois heures pour arriver. Ils ciblent le délai maximum pour s’assurer d’avoir tout le temps voulu pour commettre leur crime. Or, ce n’est pas le mode de vie que nous souhaitons au Canada.
Bref, je partage ces préoccupations, moi aussi. Si vous avez des idées, je vous prie de m’en parler. C’est grâce à des idées créatives que nous pourrons régler cet enjeu partout au pays.
[Français]
Postes Canada—Les services offerts aux collectivités rurales
L’honorable Claude Carignan : Madame la ministre, vous mettez de la pression sur les sénateurs qui suivent — plus la période des questions avance — à poser des questions phénoménales!
Ma question s’inspire de votre lettre mandat qui nomme l’engagement qui suit :
Aider la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement à faire en sorte que Postes Canada rejoigne plus efficacement les Canadiens vivant dans les régions rurales et éloignées.
Madame la ministre, pouvez-vous nous dire précisément combien d’argent Postes Canada a consacré en 2021 à sa stratégie visant à améliorer les services postaux offerts aux collectivités rurales, et combien de bureaux de poste ont été ouverts ou rénovés dans les collectivités rurales dans le cadre de votre stratégie?
[Traduction]
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Quelle merveilleuse question, monsieur le sénateur. Je n’ai pas ce chiffre, mais je le trouverai pour vous.
J’ai des conversations avec mes homologues, et nous explorons des façons d’améliorer les carrefours communautaires en région rurale. Cette semaine, j’ai eu une conversation dans une région qui a perdu sa banque locale. On constate malheureusement que certaines des grandes banques — je pense ici aux quatre ou cinq principales banques du pays — quittent les communautés rurales.
Le concept des gens avec qui j’ai discuté était d’installer une coopérative de crédit dans le carrefour communautaire de Postes Canada. Ils travaillent donc avec la coopérative de crédit en vue de créer un plus grand centre de service.
Je crois que Postes Canada imaginera toutes sortes de modèles de carrefours communautaires. Un modèle unique ne suffit pas; il faut concevoir la solution sur place. Peut-être que certaines communautés auront besoin d’une banque; d’autres, d’un petit centre d’affaires; d’autres encore, d’un centre de Service Canada.
Je crois que nous regarderons ce que nous pouvons faire et ce qui améliorerait le service offert aux communautés rurales, éloignées et autochtones. J’obtiendrai le chiffre que vous m’avez demandé, je vous le promets. Je suis moi-même curieuse de le connaître. Je vous reviens à ce sujet, monsieur le sénateur.
La taxe sur le carbone
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Madame la ministre, voici une question du sénateur Wells, qui, bien sûr, est de Terre-Neuve-et-Labrador :
La semaine dernière, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il imposait une taxe sur le carbone à Terre-Neuve-et-Labrador, qui doit entrer en vigueur le 1er juillet 2023. À l’instar de votre collègue le député Seamus O’Regan, qui vient également de votre province, vous avez exprimé votre enthousiasme à propos de cette nouvelle taxe. Cependant, cela ne tient pas compte des pressions que subissent les gens dans la province en raison de l’augmentation du coût de la vie. En fait, la taxe sur le carbone fera augmenter le prix du mazout de 17,38 ¢ le litre. L’augmentation importante du coût du chauffage au cours de la dernière année a déjà imposé des difficultés économiques et un stress considérables à ces habitants. Une augmentation de 20 % de la taxe sur le carbone menace d’entraîner les résidants de la province dans la pauvreté énergétique.
Une certaine déception a été exprimée quant au fait que la taxe sur le carbone s’appliquera au chauffage domestique. Celui‑ci était exempté dans l’approche sur mesure pour Terre‑Neuve‑et‑Labrador mise en œuvre en 2019.
Madame la ministre, le gouvernement envisagera-t-il de modifier cette taxe...
Son Honneur le Président : Sénateur Plett, votre temps est écoulé.
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Merci de la question, sénateur. Lorsque j’ai répondu à la même question de la part de votre collègue de Terre-Neuve-et-Labrador, je n’ai pas eu le temps de mentionner une autre chose que nous avons faite pour les gens de Terre-Neuve-et-Labrador afin d’atténuer les coûts.
Nous sommes tous au fait des conséquences du projet de Muskrat Falls pour les gens de Terre-Neuve-et-Labrador. Une fois ces installations en fonction, les gens allaient devoir payer le double pour leur électricité. Le gouvernement fédéral est intervenu pour garantir que le prix n’allait pas doubler.
Par ailleurs, en ce qui concerne la tarification de la pollution, je ne suis pas d’accord avec vous. À Terre-Neuve-et-Labrador, je sais qu’une famille de quatre personnes paiera en moyenne 700 $ et recevra en retour 1 300 $.
Nous avons pris une foule de mesures pour aider les gens à composer avec le coût de la vie. Comme je l’ai dit, nous avons bonifié l’Allocation canadienne pour enfants et le Supplément de revenu garanti. Nous avons mis en place un programme pour aider les gens à remplacer leur système au mazout par une thermopompe. Nous avons créé un programme de subvention pour le loyer.
Cependant, pour revenir à l’atténuation des coûts, nous avons pris bien des mesures pour les gens de Terre-Neuve-et-Labrador, et les mesures d’atténuation des coûts les aident également en ce qui a trait au chauffage.
Le logement dans les régions rurales
L’honorable Tony Loffreda : Merci, madame la ministre, d’être avec nous aujourd’hui. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ces questions importantes? J’ai remarqué dans votre rapport d’étape sur la Stratégie de développement économique du Canada rural, qui a été publié en août 2021, que l’une de vos principales priorités est d’aider à résoudre les problèmes de logement en construisant ou en rénovant plus de 9 000 unités de logement abordable dans les communautés rurales et autochtones.
(1510)
Pourriez-vous nous fournir une mise à jour sur cette initiative et nous donner plus de détails? J’ajouterai que l’abordabilité des logements est évidemment une question importante, mais que l’accessibilité et la disponibilité des logements sont tout aussi importantes. Comment le gouvernement aide-t-il à réduire certaines des pressions et des difficultés immobilières dans les collectivités rurales? Votre agence a-t-elle mis en place des mesures ou des politiques ciblées pour encourager les néo-Canadiens, les immigrants et les réfugiés à envisager de s’installer dans des collectivités rurales?
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Je vous remercie, monsieur le sénateur, de cette question. J’espère qu’ils envisageront de s’installer en milieu rural.
Le ministre Hussen a à sa disposition des milliards de dollars. Nous prenons la question du logement très au sérieux. Il y a maintenant de l’argent disponible au titre du Fonds pour accélérer la construction de logements afin de contribuer au renforcement des capacités. Une grande partie de cet argent ira aux petites collectivités rurales et éloignées, afin de les aider à s’y retrouver dans le processus de demande.
Des fonds pour le logement ont été réservés spécifiquement pour le développement rural dans le cadre de l’Initiative pour la création rapide de logements; 25 % des fonds sont allés aux zones rurales. Nous savons que nous devons faciliter la tâche des collectivités, des organismes sans but lucratif et des entreprises — de tout le monde — qui souhaitent participer à un projet de logement.
Par contre, le gouvernement fédéral aurait dû faire en sorte que le processus de demande corresponde au prix du projet. En effet, pourquoi le processus de demande pour construire un édifice de 10 logements dans le Nord de l’Ontario ou du Québec, est-il le même que pour un complexe de 1 000 logements au centre-ville d’Ottawa?
Je travaille avec le ministre Hussen, et on présentera bientôt une version rurale de ses politiques. Nous avons travaillé fort pour y parvenir. Nous lui avons aussi suggéré d’utiliser un service « phare », comme celui mis en place dans le cadre du Fonds pour la large bande universelle afin d’aider les gens et les collectivités à savoir comment trouver l’information, comment soumettre une demande, avec qui travailler et où s’adresser. Nous encourageons le ministre à appliquer ce service phare au fonds pour le logement afin d’aider les collectivités rurales et éloignées à s’y retrouver avec tous ces processus d’accès au financement, qui peuvent parfois devenir coûteux.
[Français]
La collaboration avec les provinces et les territoires
L’honorable Diane Bellemare : Bienvenue, madame la ministre.
Votre mandat vise notamment à susciter des projets de développement économique en milieu rural. Vous partagez ces préoccupations avec les provinces et les territoires.
Pouvez-vous, s’il vous plaît, nous parler d’exemples fructueux de collaboration avec les provinces et les territoires, dans d’autres dossiers que l’accès à Internet et le transport?
[Traduction]
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : C’est une excellente question. Vous savez probablement que nous avons diverses associations de développement régional — des organismes qui couvrent l’ensemble du pays. Les six ministres sont chacun responsables d’un dossier en particulier. Je m’occupe du développement économique rural d’un océan à l’autre. Le ministre Boissonnault fait la même chose pour le tourisme et la ministre Ng, pour les petites entreprises et les exportations. Nous nous réunissons toutes les deux semaines. Nous discutons de ce que nous devons faire, des façons de joindre les gens sur le terrain et des moyens de garantir que tout le monde est au courant de nos programmes.
Mon ministère a maintenant une page Web — canada.ca/rural — où nous mettons tout ce qui concerne le financement. Sur cette page, vous pouvez trouver de l’information sur Internet haute vitesse. Vous pouvez y trouver des renseignements sur le financement pour les petites collectivités, les organismes sans but lucratif et les groupes autochtones. Nous regroupons tout ce qui concerne le financement au même endroit pour simplifier les démarches des gens.
Je peux vous dire que les associations de développement régional font un excellent travail. Chacune d’entre elles a une composante rurale qui se concentre sur les zones rurales en plus du travail de mon équipe, l’équipe du Centre de développement économique rural. Ces personnes travaillent sur le terrain au quotidien avec les associations de développement régional, de sorte qu’elles coordonnent leurs activités. Si nous voulons réussir à faire prospérer les localités et les régions rurales canadiennes, nous devons cesser de fonctionner en vase clos et travailler tous ensemble, ce que nous faisons actuellement. Je vous remercie de votre question.
L’inflation en milieu rural
La législation sur les armes à feu
L’honorable Pamela Wallin : Madame la ministre, le 22 novembre, par la voie d’amendements apportés à la dernière minute au projet de loi C-21 sans que ceux-ci n’aient fait l’objet d’un débat ou d’audiences au comité, le gouvernement fédéral a pris des mesures pour interdire des centaines d’armes à feu et de fusils de chasse détenus légalement. Bon nombre de ces armes sont des carabines de faible puissance et à décharge lente conçues uniquement pour tirer sur des oiseaux ou des chevreuils.
Dans les régions rurales, une carabine ou un fusil de chasse est un outil important. Ils aident aussi à se nourrir alors que l’épicerie coûte trop cher. Ces amendements transformeront les chasseurs et les agriculteurs en criminels alors que nous savons pertinemment que la grande majorité des crimes violents commis à l’aide d’une arme à feu se passent dans les grandes villes. Pourquoi, donc, cibler les chasseurs et les agriculteurs respectueux des lois plutôt que les gangs et ceux qui importent des armes illégalement?
Comble de l’insulte, par la voie du projet de loi C-5, le gouvernement prend des mesures en vue de réduire les peines imposées aux personnes reconnues coupables d’un acte violent ou criminel grave commis à l’aide d’une arme à feu.
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Merci de votre question, sénatrice Wallin. Bien des sénateurs l’ignorent probablement, mais je possède un permis d’acquisition d’arme à feu. J’ai commencé à aller à la chasse avec mon père quand j’étais toute jeune et je chasse encore, même si je n’ai plus autant le temps qu’avant.
Je peux vous dire que, effectivement, si on fouille dans les détails du projet de loi C-21, on trouve un certain nombre d’armes à feu. Or, un grand nombre de ces armes ne sont d’aucun intérêt pour les chasseurs, pour les agriculteurs et pour ceux qui se servent d’armes à feu pour la chasse de subsistance.
Il faut mettre cette mesure en place afin que la question soit réglée une fois pour toutes. Nous avons investi des milliards de dollars à la frontière et cet investissement porte ses fruits. Une autre chose dont nous ne parlons pas assez est que beaucoup d’armes à feu sont employées dans les cas de suicide. Nous devons nous assurer que des règlements soient en place en ce qui concerne l’entreposage sécuritaire et l’obligation d’utiliser des verrous d’arme.
J’habite dans une région rurale du Canada et tout le monde pourrait en faire plus pour s’assurer que ses armes sont entreposées de façon sécuritaire. J’appuie entièrement le projet de loi C-21. Il ne cible pas les pêcheurs, les agriculteurs ou les chasseurs; son objectif est de rendre le pays plus sûr. Nous devons tous contribuer à cet objectif et c’est pourquoi j’appuierai le projet de loi.
Le Fonds de rétablissement de l’ouragan Fiona
L’honorable Michael L. MacDonald : Bienvenue, madame la ministre. Madame la ministre, certaines parties du Canada atlantique ont été durement touchées par l’ouragan Fiona. Il y a, entre autres, la côte sud-ouest et la côte du golfe à Terre-Neuve — vous êtes au courant — et toute la côte atlantique du Cap-Breton, sans oublier l’Île-du-Prince-Édouard qui a été très durement touchée.
Il y a deux jours, vous avez publié le message suivant sur Facebook :
L’impact de l’ouragan Fiona est considérable et continue de se faire sentir, surtout à l’approche de la saison hivernale.
C’est pourquoi je suis si heureuse d’apprendre que la ministre Ginette Petitpas Taylor, ma collègue et amie, a annoncé que l’Agence de promotion économique du Canada atlantique [...] accepte maintenant les demandes d’aide par l’entremise du Fonds de rétablissement de l’ouragan Fiona. Cette aide cible les collectivités des secteurs les plus durement touchés dans l’Atlantique qui ne sont pas admissibles aux autres mesures de soutien financier.
Devant une situation si urgente, pourquoi le gouvernement a-t-il mis autant de temps pour rendre le formulaire de demande accessible pour les collectivités et les entreprises dévastées par l’ouragan Fiona? Pourquoi avoir attendu plus de deux mois et demi?
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Vous avez raison, monsieur le sénateur : l’Est du Canada, y compris ma province, a été durement touché par l’ouragan Fiona. Lorsque l’ouragan a frappé, la province a immédiatement demandé de l’aide. Nous avons répondu à l’appel et envoyé l’armée sur place.
L’autre aspect de l’aide financière pour n’importe quelle région — et ce programme est en place au Canada depuis des années — passe par les Accords d’aide financière en cas de catastrophe avec les provinces et les territoires. La province a ainsi accès à une liste d’éléments dont elle peut se servir pour déterminer ceux qui feront l’objet d’une demande auprès du gouvernement fédéral.
L’argent que la ministre Petitpas Taylor a annoncé l’autre jour vise à cibler des besoins qui, comme nous le savons maintenant, ne sont pas inclus dans les demandes que la province a faites dans le cadre de l’Accord d’aide financière en cas de catastrophe. Je peux vous dire que les demandes affluent et que la ministre Petitpas Taylor s’assure qu’elles sont traitées immédiatement.
Nous savons que les infrastructures municipales et le logement seront couverts par l’Accord d’aide financière en cas de catastrophe. Comme je l’ai dit, il s’agit de choses qui ne sont pas prises en compte. Par exemple, un centre communautaire n’est peut‑être pas couvert par l’accord d’aide financière, et ce fonds a été mis en place pour les éléments qui n’ont pas fait l’objet d’une demande par les provinces dans le cadre de l’Accord d’aide financière en cas de catastrophe. C’est une autre source d’argent.
Écoutez, nous savons que cet ouragan va probablement nous coûter bien plus que ce qui a été annoncé. Dans l’énoncé économique de l’automne, la ministre Freeland a indiqué avoir prévu un milliard de dollars à cet effet. Cela s’ajoute aux 300 millions de dollars annoncés par la ministre Petitpas Taylor. Nous serons là pour venir en aide à tous...
Son Honneur le Président : Je suis désolé, madame la ministre, mais votre temps de parole est écoulé.
Honorables collègues, je m’excuse d’interrompre la séance, mais on m’a informé avant que la ministre n’arrive ici que lorsque le vote commencerait à la Chambre, elle devrait nous quitter pendant environ 30 secondes. Nous allons donc suspendre la séance pendant 30 secondes, pour donner à la ministre le temps de sortir pour voter. Ce temps sera ajouté à la période consacrée aux questions à la ministre.
Mme Hutchings : Je vous remercie, Votre Honneur.
(La séance du Sénat est suspendue.)
(Le Sénat reprend sa séance.)
(1520)
[Français]
La sécurité des femmes et des filles autochtones
L’honorable Amina Gerba : Bienvenue, madame la ministre. Je vous pose une question au nom de notre collègue la sénatrice Audette :
En juin dernier, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones rendait public son rapport intitulé Il faut agir pour les FFADA : Ce n’est pas juste l’intention qui compte.
Je rappelle que le gouvernement du Canada a commandé l’Enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et que les commissaires, accompagnés des familles, ont déposé leur rapport le 3 juin 2019. Plusieurs appels à la justice, tels que 4.1 et 4.6, demandent que le gouvernement déploie des efforts de construction et de rénovation afin que les femmes et les filles autochtones aient accès à des logements sécuritaires adaptés aux besoins géographiques et culturels, à l’endroit où elles résident, que ce soit dans une communauté urbaine, rurale ou éloignée.
Qu’avez-vous fait, en ce sens, madame la ministre, pour assurer un environnement sécuritaire pour les femmes et les filles autochtones?
[Traduction]
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Je vous remercie de cette question, madame la sénatrice.
Cette semaine coïncidant avec les 16 jours d’activisme contre la violence fondée sur le sexe : les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et les personnes LGBTQ2S+, la question tombe à point. D’ailleurs, ce matin, j’ai fait une annonce au nom de la ministre Ien, qui est responsable des Femmes et de l’Égalité des genres et de la Jeunesse. L’annonce portait sur des programmes autochtones pour les femmes en milieu rural.
Le problème du logement est succinct, et la situation est terrible dans l’ensemble du Canada rural, en particulier pour les Autochtones. Je peux vous dire que des fonds sont réservés à cette fin dans le cadre de l’initiative du ministre Hussein en matière de logement pour les Autochtones, et nous devons faire aboutir cette démarche. Nous avons particulièrement besoin de plus de refuges dans les collectivités rurales, éloignées ou autochtones.
Il faut tenir compte de tous les aspects, y compris du transport en commun. Si une personne se retrouve dans une relation de violence, comment peut-elle s’en sortir? Il y a la connectivité aussi. Au printemps dernier, j’ai eu le bénéfice de visiter la route des pleurs, un tronçon de route en Colombie-Britannique où tant de jeunes filles autochtones disparaissent. On a constaté que ce secteur était connu parce qu’on y cible les femmes et les jeunes filles autochtones. Par conséquent, le gouvernement fédéral, en partenariat avec le gouvernement provincial et Rogers Communications, a fait en sorte que ce tronçon de route soit dorénavant desservi par un service de téléphonie cellulaire. La situation était terrible.
Les partenariats fonctionneront. Ils fonctionneront en matière de logement et ils permettront de remédier à ce terrible problème que nous devons tous tenter de régler.
Le Fonds pour le développement des collectivités du Canada
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Madame la ministre, j’ai noté que votre collègue le député Kody Blois, qui est le président du caucus rural libéral national, a milité pour que les casernes de pompiers rurales soient admissibles au financement du Fonds pour le développement des collectivités du Canada.
Le site Web d’Infrastructure Canada met à la disposition du public des chiffres sur les sommes allouées au titre du Fonds pour le développement des collectivités du Canada par province et territoire. Les services ruraux de pompiers volontaires sont essentiels dans de nombreuses collectivités.
Ma question, madame la ministre, est très précise : depuis que ce fonds a été modifié plus tôt cette année pour inclure les casernes de pompiers, pouvez-vous nous parler du succès de cet ajout et du nombre de casernes de pompiers rurales qui ont demandé et obtenu des fonds?
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Merci de votre question, sénateur Plett.
Cette question est aussi importante dans ma circonscription, qui compte 87 services de pompiers volontaires et un seul service de pompiers rémunérés. J’entends donc constamment parler des services de pompiers volontaires.
Je vais vous trouver les chiffres exacts, mais je peux vous dire que le ministre LeBlanc élabore en ce moment un nouveau programme d’infrastructure afin de collaborer avec les provinces, les territoires et les municipalités. Nous discutions justement de la façon de veiller à ce que ces petits projets, qui sont si importants dans les petites localités rurales — il ne s’agit peut-être que de 200 000 $, 300 000 $ ou 400 000 $, ce qui ne représente presque rien à Ottawa, mais nous savons combien de telles sommes sont importantes dans ces petites localités.
Le ministre LeBlanc s’est engagé à ce que nous nous penchions sur la façon dont ces petites collectivités peuvent obtenir ces fonds pour une caserne, la connectivité ou un centre communautaire. Nous savons que, pour les régions rurales du Canada, ces petits montants peuvent faire toute la différence.
Je vais vous transmettre les chiffres exacts au sujet des casernes de pompiers. J’ai aussi appuyé mon ami le député Kody Blois dans ce dossier.
L’inflation en milieu rural
[Traduction]
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Madame la ministre, selon un reportage de la CBC, l’inflation vertigineuse contraint de plus en plus de personnes à se tourner vers des banques alimentaires dans les régions rurales. En fait, c’est un phénomène que l’on constate partout au pays, comme le recours aux banques alimentaires a atteint, cette année, son niveau le plus haut de l’histoire du Canada.
Bien qu’il s’agisse d’un problème qui touche tous les Canadiens, il n’est pas rare de constater des taux d’inflation différents partout au pays. Pour beaucoup de Canadiens qui vivent dans des collectivités éloignées et dont beaucoup sont des personnes à faible revenu ou des aînés à revenu fixe, les effets de l’inflation se font sentir encore plus fortement. Les hausses du prix de l’essence sont probablement un dur coup, car ces gens dépendent de leur véhicule pour leurs activités quotidiennes et ils n’ont pas le luxe de pouvoir emprunter les transports en commun, comme vous l’avez dit tout à l’heure.
En tant que ministre responsable de ce dossier, pouvez-vous me dire où se situe actuellement le taux d’inflation dans les régions rurales du Canada, et pouvez-vous me parler des répercussions sur le plan pratique de cette inflation sur les Canadiens vivant en milieu rural?
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur.
Comme j’y ai fait allusion plus tôt, nous venons de traverser une période terriblement difficile. Nous sortons tout juste d’une pandémie, et certains diront que nous sommes plutôt en train de vivre la dernière partie de la pandémie, en plus de subir les répercussions de la guerre.
Je peux vous dire que l’inflation ne se résume pas à un chiffre parce que la situation est bien différente si on vit dans une localité éloignée, une communauté autochtone ou ce que j’appelle une région très rurale et très éloignée. Le taux d’inflation varie selon l’endroit où on se trouve.
C’est une période difficile pour les gens, mais nous devons aussi sortir des sentiers battus. Il y a très peu de banques alimentaires dans ma circonscription. Il y a davantage de cuisines communautaires, où les gens travaillent ensemble. Comment pouvons-nous offrir notre soutien en sortant de ce que la bulle d’Ottawa propose comme solution, c’est-à-dire les banques alimentaires? Que pouvons-nous faire d’autre pour soutenir les régions rurales et venir en aide aux gens dans le besoin en ces temps difficiles?
Je serai là à tous les instants, sénateur.
[Français]
Le soutien apporté au secteur du tourisme
L’honorable Andrew Cardozo : Madame la ministre, merci d’être ici pour répondre à nos questions.
Vous avez évoqué un certain nombre de ministères avec lesquels vous travaillez. Je m’intéresse à l’appareil gouvernemental ou à la manière dont les choses se font ou se concrétisent, car vous semblez travailler avec un grand nombre de ministres et de ministères différents. Comment tout cela se passe-t-il?
Je veux glisser une petite question sur le tourisme rural, si vous pouvez en parler. J’ai eu la chance de voyager dans votre circonscription, qui est certainement l’une des plus belles régions du pays.
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Monsieur le Sénateur, lorsque le premier ministre m’a demandé d’assumer ce rôle, j’étais très enthousiaste, car il s’agissait de supprimer ces cloisonnements. Il ne s’agissait pas seulement de faire tomber les cloisonnements politiques, mais aussi les cloisonnements ministériels.
Notre travail a sans doute eu un certain effet, car en juin, on m’a appelé pour me dire que la greffière voulait me parler. Je ne sais pas comment vous réagissez, mais quand la greffière veut vous voir, votre cœur bat la chamade.
Elle m’a convoqué et m’a dit : « Écoutez, j’ai une bonne nouvelle, un autre sous-ministre va arriver dans votre ministère, et sa mission sera de se concentrer sur le développement économique rural, le tourisme et les petites entreprises ».
J’étais comblée. En parallèle de notre travail sur la ruralité et les aspects politiques, elle s’occupait également des ministères. Nous réalisions donc des progrès. Ce fut une grande nouvelle.
En outre — et vous y avez fait allusion —, ma lettre de mandat couvre de nombreux ministères. Notre gouvernement mettait déjà l’accent sur les questions LGBTQ. Puis nous avons été le premier gouvernement à mettre l’accent sur le genre. Puis nous avons pris en compte les questions autochtones. Maintenant, nous intégrons la question de la ruralité dans tous les programmes, politiques et lois que nous mettons en place.
Des ministres viennent maintenant me voir et me disent : « Avant que j’envoie ceci, pourriez-vous y jeter un œil? Il faut qu’on en discute. Comment cela va-t-il fonctionner? Devons-nous apporter des modifications pour nous adapter aux communautés rurales? »
Nous arrivons à changer les choses.
Malheureusement, j’ai aussi besoin de votre aide. Quand un projet de loi est présenté à la Chambre rouge, il faut que vous demandiez : « Quel effet cela aura-t-il sur les communautés rurales, éloignées et autochtones? »
En ce qui concerne le tourisme, monsieur le sénateur, je pourrais en parler toute la journée, parce que je sais que nous avons ce que le monde recherche et que nous devons tous travailler ensemble pour accueillir au Canada des touristes de partout. Je pense que pendant la pandémie, nous avons tous eu l’occasion d’explorer nos régions, et les gens ont constaté tout ce que nous avons au Canada. Nous devons le faire davantage. Nous devons tous être fiers de notre produit touristique et le développer.
(1530)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je suis convaincu que vous vous joignez à moi pour remercier la ministre Hutchings d’avoir été avec nous aujourd’hui. Nous sommes impatients de la revoir.
Des voix : Bravo!
L’honorable Gudie Hutchings, c.p., députée, ministre du Développement économique rural : Merci tout le monde. C’était ma première visite à la magnifique Chambre rouge. Je vous remercie de votre travail et j’espère que nous aurons l’occasion de nous rencontrer de nouveau. À ceux que je ne reverrai pas d’ici la relâche, ma famille et moi vous souhaitons de joyeuses Fêtes.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Jamila Afghani
Félicitations à l’occasion de l’obtention du prix de l’Initiative humanitaire Aurora
L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage à la lauréate du prix de l’Initiative humanitaire Aurora de 2022, Jamila Afghani, qui est à notre tribune aujourd’hui. Je remercie le sénateur Housakos d’avoir souligné l’importance de ce prix prestigieux.
Plus tôt cet après-midi, nous avons organisé une réception pour souligner les réalisations humanitaires exceptionnelles de Mme Afghani et son engagement auprès de ses concitoyens, en particulier les femmes et les filles de son pays, l’Afghanistan.
Mme Afghani est une éducatrice, une ancienne sous-ministre, une militante pour les droits de la personne et — ce qui est peut-être encore plus important — une femme qui fait retentir avec force la voix de la raison au nom des femmes de son pays, qui ont été réduites au silence, rabaissées et privées de leurs droits fondamentaux de la personne par le régime cruel et discriminatoire des talibans.
Mme Afghani dirige actuellement la section afghane de la Ligue internationale de femmes pour la paix et la liberté. Elle est aussi la fondatrice et la présidente de la Noor Educational and Capacity Development Organization. Elle a contribué à éduquer et autonomiser des milliers de femmes afghanes et leur a permis de se sentir utiles et valorisées en établissant des bibliothèques et des foyers-écoles, en organisant des séances de formation en développement des capacités et de soutien psychosocial, en offrant de l’aide et des conseils à des entreprises dirigées par des femmes et en fournissant de l’aide humanitaire et financière à des familles dans le besoin.
Dans un hommage vidéo émouvant de l’Initiative humanitaire Aurora, Mme Afghani raconte son histoire déchirante et nous rappelle qu’elle a été une réfugiée six fois dans sa vie. Grâce à la générosité et à la gentillesse d’innombrables personnes, Mme Afghani, son époux et ses enfants ont réussi à se rendre à Kitchener, en Ontario, où elle poursuit son militantisme, bien qu’elle se trouve à près de 10 000 kilomètres de chez elle.
Mme Afghani a récemment expliqué qu’elle espère retourner dans son pays pour poursuivre son travail à l’appui des droits des femmes. Nous espérons tous que ce jour viendra bientôt, mais nous vous exhortons à penser avant tout à votre sécurité et à votre bien‑être avant de rentrer chez vous. D’ici là, je sais que tous les honorables sénateurs se joignent à moi pour vous rappeler la chance que nous avons de vous avoir ici, au Canada. J’espère que vous et votre famille vous êtes sentis accueillis, appréciés et respectés.
Madame Afghani, votre service à l’humanité et votre désir d’aider les femmes et les filles de votre pays sont admirables et méritent certainement le prix Aurora 2022.
Je me tiens debout devant vous au Sénat du Canada, un lieu où on protège la liberté, où on défend la démocratie et où on accorde de l’importance à la paix, et je suis en admiration devant vos nombreuses réalisations et en solidarité avec vous, votre peuple et votre pays. Vous êtes une véritable source d’inspiration.
Je conclus par une citation de Randy Pausch :
Dans la vie, on ne peut pas choisir sa main, mais on peut choisir et on choisit la façon dont on joue ses cartes.
Merci d’avoir choisi le Canada.
Des voix : Bravo!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Marcia Kran, nouvellement investie de l’Ordre du Canada, et de son conjoint, Luis Molina. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice McPhedran.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
La Journée mondiale des sols
L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, j’ai pris la parole à plusieurs reprises au Sénat et au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts au sujet de l’importance de la santé des sols.
Aujourd’hui, j’aimerais souligner la Journée mondiale des sols des Nations unies, qui a lieu chaque année le 5 décembre. Le thème de cette année — Les sols, à l’origine des aliments — vise à sensibiliser à l’importance de maintenir des écosystèmes sains et le bien-être humain en abordant les défis croissants de la gestion des sols, en sensibilisant le public à l’importance des sols et en encourageant les sociétés à améliorer la santé des sols.
Je suis fier de vous informer que le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a entrepris une étude sur les sols au Canada pour déterminer quel impact à leur état de santé sur notre pays. En fait, pas plus tard que ce matin, les membres du comité se sont rendu au Musée de l’agriculture et de l’alimentation du Canada pour se salir les mains et en apprendre davantage sur les sols du Canada ainsi que sur les pratiques de conservation et de protection. Bien que cette étude n’en soit qu’à ses débuts, je suis sûr que nous aurons l’occasion de poser des questions sur la façon dont la nourriture provient d’abord de nos sols.
En tant que membre de longue date de la communauté agricole de l’Ontario, je connais toute l’importance d’un sol sain et arable pour nos terres agricoles et notre système alimentaire. Cependant, il est inquiétant de penser que l’Ontario perd chaque jour 319 acres de terres agricoles.
J’aimerais maintenant reconnaître la contribution de la campagne Home Grown de la Fédération de l’agriculture de l’Ontario. Il est temps que l’on travaille ensemble pour protéger les exploitations agricoles locales afin qu’elles ne soient pas englouties par l’étalement urbain.
Honorables collègues, quand notre pays perd des terres agricoles, nous perdons de la nourriture qui y aurait été cultivée. Ces pertes directes ont une incidence sur notre capacité de maintenir des chaînes d’approvisionnement solides et stables. S’il ne fait aucun doute que la sécurité alimentaire est un enjeu ailleurs dans le monde, c’est aussi un enjeu chez nous.
C’est avec tristesse que je vous annonce qu’un sondage réalisé par Banques alimentaires Canada a révélé qu’un Canadien sur cinq a déclaré ne pas avoir pu se nourrir au moins une fois entre mars 2020 et mars 2022. En outre, près du quart des Canadiens ont déclaré manger moins qu’ils le devraient en raison de la hausse des prix. En tant que chef de file mondial dans l’agriculture, nous devons accorder la priorité à mettre un terme à l’insécurité alimentaire au Canada et ailleurs dans le monde. Afin d’y arriver, nous devons aussi accorder une importance primordiale à notre industrie agricole et veiller à préserver la santé de nos sols pour qu’ils puissent produire la nourriture des prochaines générations.
À l’occasion de la Journée mondiale des sols, je vous encourage à prendre le temps d’en apprendre davantage sur les façons dont le Canada peut conserver et protéger ses sols et à réfléchir aux moyens dont les sols sains du Canada sont liés à un solide système d’approvisionnement alimentaire. Nous devons reconnaître qu’en protégeant nos sols sains, nous protégeons aussi les avantages qui en découlent, comme des écosystèmes plus sains, des eaux de meilleure qualité et moins d’émissions de gaz à effet de serre.
Je suis certain qu’il n’est pas nécessaire de se « creuser » la tête pour comprendre l’importance de la Journée mondiale des sols de cette année et des années subséquentes. Merci. Meegwetch.
[Français]
Les proches aidants
L’honorable Diane Bellemare : Honorables sénateurs, aujourd’hui, je veux rendre hommage aux aidants naturels. On ne choisit pas de devenir proche aidant. Cela arrive naturellement, et ce n’est pas toujours facile.
Au Québec, tout au long de la semaine du 6 au 12 novembre dernier, nous avons célébré le travail des personnes proches aidantes et des organismes communautaires qui les accompagnent dans leur parcours.
Au Canada, selon Statistique Canada, près d’une personne sur quatre est proche aidante, ce qui représente 25 % de la population des personnes âgées de 15 ans et plus ou 7,8 millions de Canadiens. La personne proche aidante est généralement une femme de 45 ans à 65 ans qui s’occupe le plus souvent d’un parent.
Il y a peu de soutien de la part des gouvernements pour les proches aidants. Selon une enquête effectuée par Statistique Canada en 2018, le soutien aux proches aidants provient principalement de membres de la famille ou d’amis. Toutefois, on accorde peu souvent un soutien financier aux proches aidants : 14 % des proches aidants reçoivent un soutien financier de la part de membres de la famille et d’amis, 8 % reçoivent des crédits d’impôts fédéraux et 6 % bénéficient de fonds accordés dans le cadre de programmes gouvernementaux.
Pourtant, la contribution économique des proches aidants est importante. Selon une étude citée par Statistique Canada, la contribution des aidants naturels au Canada a atteint vraisemblablement 26 milliards de dollars en 2009 sous la forme de main-d’œuvre non rémunérée. Pourtant, ces aidants reçoivent peu de reconnaissance pour le soutien qu’ils apportent.
Ma sœur Sylvie s’est occupée au quotidien de ma mère pendant de nombreuses années. Elle l’a accueillie chez elle quand elle ne pouvait plus demeurer seule. Ma sœur a dû se retirer du marché du travail, en acceptant toutes les conséquences de cette décision et qu’il est difficile d’imaginer. Je lui en suis très reconnaissante, car, pendant ce temps, comme sénatrice, je pouvais m’occuper des grands enjeux de société.
Il est urgent de penser aux services essentiels offerts aux personnes âgées et très âgées. La vague de vieillissement des baby‑boomers ne fait que commencer. Aujourd’hui, 19 % de la population a plus de 65 ans. En me promenant dans les différents établissements du Québec cet été pour trouver un endroit convenable et surtout disponible pour ma mère, j’ai constaté que les robots de demain ne pourront pas réellement prendre soin des personnes très âgées. On aura encore plus besoin de proches aidants.
Honorables sénateurs, comme le dit la chanson : « Tout le monde veut aller au ciel, mais personne ne veut mourir. » Je remercie sincèrement ces anges terrestres qui veillent jour et nuit sur nos proches bien-aimés. Reconnaissons qu’ils ne peuvent vivre uniquement de remerciements.
Merci, meegwetch.
(1540)
Hommage à Madeleine Féquière, C.M.
L’honorable Marie-Françoise Mégie : Honorables sénatrices et sénateurs, c’est avec une grande fierté que je vous présente aujourd’hui une icône de la communauté d’origine haïtienne au Canada. Cette grande dame cumule 35 ans d’expérience dans les plus grandes entreprises du monde en administration du crédit d’entreprise, en risques et en opération de crédit et en commerce international. Elle est titulaire d’un diplôme en gouvernance du programme de perfectionnement des administrateurs de l’école de gestion Rotman de l’Université de Toronto. Elle est titulaire d’un titre IAS.A de l’Institut des administrateurs de sociétés. Elle est aussi titulaire d’un mini-MBA de l’Institut des cadres de l’Université McGill.
Elle est titulaire d’un certificat en finances délivré conjointement par HEC Montréal et l’Institut canadien du crédit. Elle était cheffe du crédit d’entreprise chez Domtar Corporation depuis 2008. Elle est cofondatrice de l’initiative Excellence-Québec. Il s’agit d’une instance qui assure la présence des Noirs dans les conseils d’administration. C’est un groupe dont fait partie notre collègue la sénatrice Gerba.
Elle a travaillé activement à soutenir les défis liés à la diversité, à l’égalité et à l’inclusion, en intégrant de jeunes leaders prometteurs dans les communautés de la gestion, des finances et de la gouvernance. Elle a mis en œuvre des stratégies innovantes et a déployé des structures de crédit efficaces dans toutes les Amériques ainsi qu’en Europe, en Asie et au Moyen-Orient.
Au cours de sa carrière, elle a démontré sa polyvalence et son leadership en occupant des postes de direction dans le monde et dans différents secteurs, soit la culture, la santé, l’éducation, l’agroalimentaire, les technologies et les télécommunications, entre autres. Malgré sa charge de travail imposante, elle s’est impliquée dans des initiatives de développement communautaire dans notre pays natal, Haïti, comme Fonkoze et KANPE. Ce sont des fondations qui accompagnent les familles haïtiennes les plus vulnérables vers l’autonomie financière.
Pour sa fructueuse carrière et ses réalisations, elle a été investie le 25 mai 2022 à titre de membre de l’Ordre du Canada. Le 9 novembre dernier, la ministre des Affaires étrangères l’a nommée consule générale du Canada à Chicago, aux États-Unis.
Chers collègues, j’ai décrit l’impressionnant parcours de Madeleine Féquière. Je vous invite à vous joindre à moi pour la féliciter et lui souhaiter du succès dans ses nouveaux défis. Merci.
La Journée mondiale de lutte contre le sida
L’honorable René Cormier : Chers collègues :
Je suis venu au monde porteur du virus du VIH car le système de santé a échoué à octroyer à ma mère en temps opportun les traitements préventifs qui auraient pu prévenir mon infection.
Voilà ce que nous pourrions entendre de la bouche de cet enfant, né au CHU Saint-Justine à Montréal en octobre dernier et infecté par le VIH, s’il pouvait parler.
Dans une entrevue accordée au journal Le Devoir le 3 novembre dernier au sujet de cette situation déplorable, la Dre Isabelle Boucoiran s’inquiétait de voir de plus en plus de femmes migrantes séropositives prises en charge trop tard par notre système de santé en raison d’un fardeau administratif trop important.
[Traduction]
En cette Journée mondiale du sida et cette Semaine autochtone de sensibilisation au sida, j’interviens une fois de plus pour souligner que les inégalités qui persistent et entravent inexorablement les progrès réalisés pour éradiquer ce virus, en déplorant une fois de plus les ravages causés par cette épidémie, plus de 40 ans après son apparition.
Je le répète : le VIH n’est pas un virus du passé. Le fait qu’il continue à contaminer les jeunes de manière inquiétante prouve qu’il est toujours présent et qu’il persiste à s’ancrer dans les sociétés.
Chaque jour, chers collègues, 1 100 jeunes âgés de 15 à 24 ans sont infectés par le VIH dans le monde.
[Français]
Au Canada, en 2020, la majorité des cas de VIH étaient diagnostiqués chez les personnes âgées de 20 à 49 ans. Pour être plus précis, le taux d’infection chez la catégorie d’âge des 20 à 29 ans était de 6,2 nouveaux cas pour 100 000 habitants par année.
Que faudra-t-il, honorables sénateurs, pour que nous prenions enfin les mesures adéquates pour protéger notre jeunesse? Il est clair que la solution se trouve notamment au sein des organismes communautaires qui éduquent et offrent des services de proximité aux jeunes et à tous les Canadiens les plus à risque. Ces organisations font déjà des miracles avec le peu de ressources dont elles disposent. Il est temps qu’elles aient accès aux fonds qu’elles attendent depuis trop longtemps.
[Traduction]
Chers collègues, vous vous rappellerez qu’il y a exactement deux ans aujourd’hui, j’ai déposé au Sénat une motion qui a été adoptée le même jour — grâce à vous tous — pour exhorter le gouvernement à porter le financement de l’Initiative fédérale de lutte contre le VIH/sida au Canada à 100 millions de dollars par an, une recommandation également proposée par le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes en 2019.
Tout en applaudissant les récents efforts du gouvernement fédéral, notamment le financement ponctuel de tests accessibles et l’augmentation historique de sa contribution au Fonds mondial, je souligne que le financement durable des interventions communautaires ici, au Canada, fait toujours défaut et que les inégalités se creusent.
[Français]
Je terminerai en vous rappelant qu’ONUSIDA et ses pays membres, y compris le Canada, se sont engagés à mettre fin à l’épidémie du sida d’ici 2030. Huit ans pour arriver à éradiquer ce virus, c’est court, mais j’ai de l’espoir.
Chers collègues, les inégalités qui perpétuent l’épidémie de sida ne sont pas une fatalité. Nous avons tous un rôle à jouer pour y remédier. Agissons ensemble et maintenant.
Merci. Meegwetch.
AFFAIRES COURANTES
Régie interne, budgets et administration
Présentation du sixième rapport du comité
L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le sixième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, qui porte sur les modifications au Règlement administratif du Sénat.
(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 1097.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
(Sur la motion de la sénatrice Moncion, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
Projet de loi portant sur un conseil national de réconciliation
Première lecture
Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-29, Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation, accompagné d’un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons‑nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Gagné, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après‑demain.)
(1550)
ORDRE DU JOUR
L’ajournement
Adoption de la motion
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5g) du Règlement, je propose :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 6 décembre 2022, à 14 heures.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Projet de loi d’harmonisation no 4 du droit fédéral avec le droit civil
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Clement, appuyée par l’honorable sénatrice Petitclerc, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-11, Loi no 4 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil du Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law.
L’honorable Renée Dupuis : Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le principe du projet de loi S-11 intitulé Loi no 4 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil du Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law. Le titre complet du projet de loi fait bien ressortir la relation substantielle qui existe dans notre régime juridique entre le droit fédéral et le droit provincial, soit le droit civil du Québec et la common law dans les autres provinces et territoires. Cette forme de bijuridisme est une caractéristique inédite du Canada, dans le sens où deux traditions juridiques complètement différentes coexistent dans un même régime juridique. Elles constituent l’armature du système que nous connaissons aujourd’hui.
Ce projet de loi est présenté comme un texte de loi technique et il modifie plus d’une cinquantaine de lois fédérales au moyen de 642 articles. Contrairement à ce qu’on pourrait croire à la lecture du projet de loi S-11, son contenu ne se résume pas à des mots inscrits au hasard dans la loi. Utilisés dans différentes lois, ces mots traduisent des concepts de droit; en fait, ils traduisent les valeurs sur lesquelles le Parlement s’est prononcé après avoir tenu des débats législatifs souvent ardus sur des questions sociales complexes ou sensibles. Il s’agit donc d’un projet qui dépasse le simple traitement de mots comme s’ils étaient des concepts interchangeables.
La marraine du projet de loi nous a expliqué le contenu du texte de loi et ses propos ont éclairé notre réflexion. Je veux attirer votre attention sur un élément fondamental qui est le fait que ce projet de loi renvoie à un élément de notre régime juridique qui est constitutif de ce qu’il est devenu aujourd’hui, et je veux rappeler brièvement les éléments historiques qui permettent de comprendre les raisons pour lesquelles un tel projet de loi se retrouve devant nous.
Le bijuridisme canadien, comme sujet d’étude du droit, s’est développé au XXe siècle, mais il tire son origine d’événements historiques dont il est important de rappeler quelques balises.
Le premier élément est le régime de droits civils régissant principalement les droits privés, instauré par les Français et appliqué dans leur colonie de Québec au XVIIe siècle.
Le deuxième élément est le traité de Paris, conclu le 10 février 1763, qui a consacré la victoire des Britanniques sur les Français en 1759 à Québec et en 1760 à Montréal, traité par lequel la France a cédé à la Grande-Bretagne ses pays, ses territoires et ses îles en Amérique.
Le troisième élément est la Proclamation royale de 1763 entérinée au Conseil privé de Londres par le roi George III qui impose la common law dans ses nouvelles colonies en Amérique.
Le quatrième élément est l’incertitude qui a persisté quant à savoir si la common law avait aboli l’application du droit privé français.
Le cinquième élément est l’incertitude quant à la capacité du nouveau régime britannique d’imposer sa loi devant la résistance qu’il a rencontrée dans sa colonie, résistance qui s’ajoutait à la grogne qui s’exprimait alors dans les autres colonies britanniques américaines et qui mènera à la guerre d’indépendance de ces colonies américaines.
Le sixième élément est l’adoption de l’Acte de Québec en 1774 dont l’article VIII, qui est un acte du Parlement britannique, annule une partie de la Proclamation royale et rétablit les lois françaises antérieures relatives à la propriété et aux droits des citoyens au Québec, tout en maintenant la common law en matière criminelle, consignant ainsi formellement dans un document constitutionnel la coexistence de la tradition de droit civil et de la common law.
Le septième élément est l’Acte de Québec qui représente en fait une concession politique que les Britanniques ont estimé devoir céder aux Français qui ne se reconnaissaient pas dans ce qui constituait un régime de droit, la common law, qui leur était complètement étranger.
Le huitième élément est le droit civil qui devient un élément constitutif de la Constitution canadienne, c’est-à-dire que le Code civil du Bas-Canada, adopté en 1865, devient la première codification de ce droit civil et en sera la principale référence avant d’être révisé en profondeur et remplacé en 1991 par un nouveau code civil, qui est entré en vigueur en 1994. Dans sa nouvelle version, une disposition préliminaire du code précise ce qui suit, et je cite :
Le Code est constitué d’un ensemble de règles qui, en toutes matières auxquelles se rapportent la lettre, l’esprit ou l’objet de ses dispositions, établit, en termes exprès ou de façon implicite, le droit commun.
Le neuvième élément est la Loi constitutionnelle de 1867 qui crée un régime fédéral partageant les compétences législatives entre deux ordres : fédéral et provincial.
Le dixième élément est la confirmation de la coexistence de la tradition de droit civil et de la common law dans le cadre des compétences législatives exclusives attribuées au Parlement fédéral dans la Loi constitutionnelle de 1867 sur des éléments du droit privé, comme le mariage et le divorce, en parallèle à une compétence exclusive attribuée aux assemblées législatives provinciales de faire des lois sur la propriété et les droits civils dans la province.
Enfin, le onzième élément est l’adoption par le gouvernement fédéral d’une politique d’harmonisation de la législation fédérale avec le droit civil du Québec en 1993. Donc, cette politique reflète la complémentarité entre la législation fédérale et le droit civil lorsqu’il s’agit d’interpréter et d’appliquer les lois fédérales au Québec et de modifier les lois fédérales qui existaient en 1994 pour les adapter aux nouveaux concepts de droit introduits après la révision en profondeur du Code civil intervenue en 1994.
Honorables sénatrices et sénateurs, j’invite les membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles à examiner attentivement les 642 articles du projet de loi S-11, parce qu’il traite de questions fondamentales pour nous qui définissons les concepts et les mots qui doivent refléter le régime constitutionnel qui est le nôtre.
Merci.
L’honorable Bernadette Clement : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice Dupuis : Je suis honorée de répondre aux questions de la marraine du projet de loi.
La sénatrice Clement : Madame la sénatrice, j’ai beaucoup apprécié votre rappel de toutes les étapes historiques qui ont mené à cette caractéristique inédite de notre système juridique. Dans vos cercles, quelles sont les réactions des civilistes face à ce travail d’harmonisation en général? Est-ce une réaction favorable ou devrions-nous envisager autre chose?
La sénatrice Dupuis : Merci, sénatrice Clement, de votre question. Vous avez très bien interprété le dernier paragraphe de mon intervention, lorsque je dis que j’invite les membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles à scruter attentivement le contenu du projet de loi. Je sais qu’il fait 169 pages, si ma mémoire est bonne, et qu’il contient 642 articles. L’un des éléments importants sur lesquels nous devons nous pencher, c’est le degré d’adhésion, autant des représentants de la common law que des civilistes, qu’il s’agisse des chambres professionnelles comme le Barreau et des chambres des notaires. On sait que des consultations ont eu lieu à compter de 2017 sur cette quatrième loi d’harmonisation et que ce processus a commencé il y a un certain nombre d’années. Je crois que nous devons faire ce travail, et j’invite le comité à le faire.
(Sur la motion du sénateur Carignan, le débat est ajourné.)
(1600)
La justice
La Loi sur l’abrogation des lois—Motion tendant à faire opposition à l’abrogation de la loi et de dispositions d’autres lois—Ajournement du débat
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 30 novembre 2022, propose :
Que, conformément à l’article 3 de la Loi sur l’abrogation des lois, L.C. 2008, ch. 20, le Sénat adopte une résolution faisant opposition à l’abrogation de la loi et des dispositions des autres lois ci-après, qui ne sont pas entrées en vigueur depuis leur adoption :
1.Loi sur les relations de travail au Parlement, L.R., ch. 33 (2e suppl.) :
-partie II;
2.Loi sur les contraventions, L.C. 1992, ch. 47 :
-alinéa 8(1)d), articles 9, 10 et 12 à 16, paragraphes 17(1) à (3), articles 18 et 19, paragraphe 21(1) et articles 22, 23, 25, 26, 28 à 38, 40, 41, 44 à 47, 50 à 53, 56, 57, 60 à 62, 84 (en ce qui concerne les articles suivants de l’annexe : 2.1, 2.2, 3, 4, 5, 7, 7.1, 9, 10, 11, 12, 14 et 16) et 85;
3.Loi de mise en œuvre du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, L.C. 1998, ch. 32;
4.Loi sur l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public, L.C. 1999, ch. 34 :
-articles 155, 157, 158 et 160, paragraphes 161(1) et (4) et article 168;
5.Loi sur la modernisation de certains régimes d’avantages et d’obligations, L.C. 2000, ch. 12 :
-paragraphes 107(1) et (3) et article 109;
6.Loi sur le Yukon, L.C. 2002, ch. 7 :
-articles 70 à 75 et 77, paragraphe 117(2) et articles 167, 168, 210, 211, 221, 227, 233 et 283;
7.Loi modifiant la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes et d’autres lois en conséquence, L.C. 2003, ch. 26 :
-articles 4 et 5, paragraphe 13(3), article 21, paragraphes 26(1) à (3) et articles 30, 32, 34, 36 (en ce qui concerne l’article 81 de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes), 42 et 43;
8.Loi d’exécution du budget de 2005, L.C. 2005, ch. 30 :
-partie 18 à l’exception de l’article 125;
9.Loi modifiant certaines lois relatives aux institutions financières, L.C. 2005, ch. 54 :
-paragraphe 27(2), article 102, paragraphes 239(2), 322(2) et 392(2);
10.Loi d’exécution du budget de 2009, L.C. 2009, ch. 2 :
-articles 394, 399 et 401 à 404;
11.Loi sur les réseaux de cartes de paiements, L.C. 2010, ch. 12, art. 1834 :
-articles 6 et 7;
12.Loi visant à promouvoir l’efficacité et la capacité d’adaptation de l’économie canadienne par la réglementation de certaines pratiques qui découragent l’exercice des activités commerciales par voie électronique et modifiant la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, la Loi sur la concurrence, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et la Loi sur les télécommunications, L.C. 2010, ch. 23 :
-articles 47 à 51, 55 et 68, paragraphe 89(2) et article 90.
13.Loi sur la révision du système financier, L.C. 2012, ch. 5 :
-articles 54 et 56 à 59;
14.Loi améliorant la sécurité ferroviaire, L.C. 2012, ch. 7 :
-paragraphes 7(2) et 14(2) à (5);
15.Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada, L.C. 2012, ch. 17 :
-articles 70 à 77;
16.Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, L.C. 2012, ch. 19 :
-articles 432, 433, 459, 460, 462 et 463;
17. Loi de 2012 sur l’emploi et la croissance, L.C. 2012, ch. 31 :
-articles 361 à 364.
— Honorables sénateurs, je m’adresse à vous aujourd’hui afin d’appuyer la motion suivante : que le Sénat adopte, avant le 31 décembre, une résolution faisant opposition à l’abrogation d’une loi et des dispositions de 16 autres lois qui sont énumérées dans cette motion. Je demande à cette Chambre de faire en sorte que cette loi et ces dispositions, qui ne sont pas entrées en vigueur depuis leur édiction, ne soient pas abrogées par application de la Loi sur l’abrogation des lois.
Avant d’entrer dans les détails de cette motion, permettez-moi de partager avec vous quelques renseignements généraux sur la Loi sur l’abrogation des lois.
[Traduction]
La Loi sur l’abrogation des lois, édictée en 2008, est entrée en vigueur deux ans plus tard. La loi est un mécanisme d’ordre administratif pour la législation fédérale qui vise à assurer la bonne tenue du corpus législatif fédéral par l’abrogation périodique des lois et dispositions non en vigueur qui ne sont plus nécessaires.
L’article 2 de la Loi sur l’abrogation des lois prévoit que le ministre de la Justice dépose un rapport annuel devant chaque Chambre du Parlement dans les cinq premiers jours de séance de celle-ci au cours de chaque année civile. Le rapport énumère les lois fédérales ou les dispositions de lois qui ne sont pas encore en vigueur et qui ont été sanctionnées au moins neuf ans avant le 31 décembre de l’année civile précédente.
En vertu de la Loi sur l’abrogation des lois, toute loi ou disposition énumérée dans le rapport est automatiquement abrogée le 31 décembre de l’année au cours de laquelle le rapport est déposé, à moins qu’elle n’entre en vigueur au plus tard à cette date ou que l’une des Chambres du Parlement n’adopte une résolution faisant opposition à son abrogation.
[Français]
Le 12e rapport annuel produit sous le régime de la Loi sur l’abrogation des lois a été déposé le 3 février 2022 à la Chambre des communes et le 8 février 2022 au Sénat.
À la suite du dépôt du rapport, le ministère de la Justice a communiqué avec les ministères responsables de la loi et des dispositions énumérées dans le rapport afin d’évaluer si leur abrogation devrait être reportée.
Cette année, certaines dispositions de six lois seront automatiquement abrogées par application de la Loi sur l’abrogation des lois le 31 décembre, puisque les ministres qui en sont responsables n’ont pas recommandé le report de leur abrogation.
Treize ministres ont recommandé le report de l’abrogation d’une loi complète et de dispositions de certaines autres lois dont ils sont responsables.
Honorables sénateurs et sénatrices, avant de poursuivre, j’aimerais attirer votre attention sur un document d’information que mon bureau a communiqué aux vôtres. Comme mon temps de parole est limité, le document d’information explique l’objet de la Loi sur l’abrogation des lois et comprend une annexe énumérant la loi et les dispositions de 16 autres lois pour lesquelles les ministres ont recommandé le report des abrogations, y compris les raisons des reports recommandés. J’espère que cela permettra aux nouveaux sénateurs et sénatrices, ainsi qu’aux sénatrices et sénateurs chevronnés, de mieux comprendre ce processus annuel d’abrogation des lois. Cela dit, j’aimerais vous donner quelques renseignements généraux sur les reports d’abrogation recommandés cette année.
La ministre des Affaires étrangères recommande le report de l’abrogation d’une loi complète. La recommandation de report concerne la Loi de mise en œuvre du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.
Le ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités, la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, le ministre du Travail, la ministre de la Défense nationale, le ministre des Affaires du Nord et la ministre des Aînés recommandent le report de l’abrogation de certaines dispositions d’une loi qui sont sous leur responsabilité.
La présidente du Conseil du Trésor, le ministre des Transports et la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement recommandent le report de l’abrogation de certaines dispositions de deux lois dont ils sont responsables.
[Traduction]
Enfin, la ministre des Finances et le ministre de la Justice recommandent tous deux de reporter l’abrogation de certaines dispositions de trois lois dont ils sont responsables.
Ils font cette demande pour les raisons suivantes : avant que les dispositions législatives entrent en vigueur ou soient abrogées, un événement externe doit survenir, comme l’entrée en vigueur d’un traité international ou la mise en place de mesures législatives par les provinces et les territoires; on s’emploie actuellement à mettre en place les mesures législatives proposées pour abroger, remplacer ou faire entrer en vigueur les dispositions qui ne sont pas en vigueur; des causes en instance doivent être jugées; des approbations sont nécessaires pour faire entrer les dispositions en vigueur ou établir la réglementation; il faut mener à bien les travaux stratégiques ou les consultations nécessaires, et le fait de ne pas reporter l’abrogation pourrait avoir des répercussions négatives sur les relations internationales, les relations avec les peuples autochtones ou les relations avec les provinces et les territoires.
Selon la Loi sur l’abrogation des lois, le report de l’abrogation est valide pour un an, alors j’espère pouvoir être de retour l’année prochaine. On ne sait jamais, n’est-ce pas? Par conséquent, toute loi ou disposition législative dont l’abrogation est reportée cette année figurera de nouveau dans le rapport annuel de l’année prochaine.
[Français]
Il est important d’adopter la résolution avant le 31 décembre 2022. Autrement, la loi et les dispositions d’autres lois visées par la motion seront automatiquement abrogées par application de la Loi sur l’abrogation des lois, ce qui pourrait entraîner des incohérences dans la législation fédérale. L’abrogation de certaines dispositions pourrait également créer des tensions entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires et affecter les relations internationales du Canada.
De plus, si la loi et les dispositions d’autres lois énumérées dans la motion étaient abrogées le 31 décembre, les ministères fédéraux devraient combler les lacunes législatives qui en découleraient en présentant de nouveaux projets de loi. Ces projets de loi devraient franchir toutes les étapes du processus législatif, de la formulation des orientations jusqu’à la sanction royale. Je suis certaine que vous êtes d’accord avec moi pour dire que ce serait un exercice long et coûteux.
En conclusion, je vous demande d’appuyer cette motion et de voter en faveur de la résolution prévoyant que la loi et les dispositions d’autres lois énumérées dans la motion ne soient pas abrogées le 31 décembre 2022 par application de la Loi sur l’abrogation des lois.
Merci. Meegwetch.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion du sénateur Cormier, au nom de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)
[Traduction]
Projet de loi sur la protection des jeunes contre l’exposition à la pornographie
Adoption du huitième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, tendant à l’adoption du huitième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi S-210, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite, avec un amendement et des observations), présenté au Sénat le 15 novembre 2022.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons‑nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Miville-Dechêne, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
(1610)
[Français]
La Loi sur le gouverneur général
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Carignan, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Plett, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-221, Loi modifiant la Loi sur le gouverneur général (pension de retraite et autres prestations).
L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est à son 15e jour, et je ne suis pas prêt à prendre la parole. Par conséquent, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-15(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat pour le reste de mon temps de parole.
(Sur la motion du sénateur Carignan, le débat est ajourné.)
[Traduction]
Projet de loi de Jane Goodall
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Klyne, appuyée par l’honorable sénateur Harder, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-241, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial (grands singes, éléphants et certains autres animaux).
L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi S-241, Loi de Jane Goodall, dont les objectifs consistent à mieux protéger les animaux sauvages en captivité, à renforcer la sécurité publique et à soutenir la conservation. Aujourd’hui, en suivant le format de débat popularisé par mon ami et collègue le sénateur Cotter, j’aborderai trois éléments.
Premièrement, la relation entre les gouvernements fédéral et provinciaux en ce qui concerne les animaux sauvages en captivité; deuxièmement, la qualité de vie des éléphants en captivité au Canada; et troisièmement, les normes de désignation des zoos et autres organisations de soins des animaux en vertu du projet de loi.
Avant d’explorer ces éléments, je reconnais que le bien-être des animaux en captivité constitue une préoccupation pour de nombreux Canadiens, y compris des sénateurs. En effet, beaucoup d’entre nous partagent leur vie avec des animaux domestiqués comme les chiens et les chats. En vérité, je suis une personne qui aime les chiens et je suis toujours ravi de l’accueil que notre caniche rapporteur Mazie me réserve à mon retour à la maison, que j’aie été parti pendant trois heures, trois jours ou trois semaines. Je souligne également que mon ami et collègue le sénateur Ravalia est un oncle adoptif de Mazie, et que j’adore recevoir des photos de Mak, le magnifique caniche du sénateur Wells.
Dans ma jeunesse, j’ai passé de nombreux étés à vivre et à travailler dans une ferme. Comme certains sénateurs qui ont grandi dans une ferme, je suis revenu de cette expérience en m’émerveillant de nos relations avec ces créatures étonnantes : vaches, poulets, chevaux, cochons et autres. Cependant, mes souvenirs de pelletage de fumier dans les enclos à cochons ne font pas partie, je dois l’admettre, des moments forts de mon enfance.
Mais les animaux sauvages en captivité, c’est une autre paire de manches, si je puis dire. La relation entre les humains et les animaux sauvages en captivité est complexe et évolutive.
Dans l’Égypte et la Mésopotamie antiques, les souverains et les aristocrates conservaient des collections privées d’animaux sauvages, principalement pour démontrer leur pouvoir et leur statut. Plus la collection était grande et exotique, plus le propriétaire était puissant. Le mot « ménagerie » rend compte de cette réalité. Et ces traditions se perpétuent encore aujourd’hui. Michael Jackson et Pablo Escobar, par exemple, possédaient de vastes ménageries sur leurs propriétés.
Plus récemment, nous avons vu apparaître des zoos avec des animaux destinés à être vus par le public. Dans le monde occidental, le premier zoo moderne a ouvert ses portes à Paris en 1793. Il s’agissait fondamentalement d’un acte politique. Les ménageries privées du roi et de la reine et de divers aristocrates étaient exposées au public à la Ménagerie, le zoo du Jardin des Plantes, pour illustrer concrètement le concept de Liberté, Égalité, Fraternité. Il s’agissait également de distraire la population.
Les zoos contemporains sérieux ont évolué pour devenir des lieux qui favorisent l’éducation, et certains sont fortement engagés dans la recherche scientifique et la conservation. Dans de nombreux cas, les enclos ont été conçus pour ressembler de plus près aux habitats naturels. La cage exiguë du tigre avec son félin faisant perpétuellement les cent pas et le singe montrant des signes d’ennui, d’anxiété et de stress sont, espérons-le, beaucoup moins courants aujourd’hui.
Pourtant, cette histoire n’est pas encore terminée et, à mesure que nos connaissances sur les animaux sauvages s’améliorent, les personnes compatissantes continueront à trouver de meilleurs moyens de cohabiter sur cette planète avec d’autres espèces.
Voilà pourquoi ce projet de loi est important. Il s’agit d’un pas important pour faire du Canada un chef de file mondial des efforts pour bien traiter les animaux sauvages en captivité. Si le projet de loi est adopté, il créera une norme juridique transparente et accessible à laquelle les organismes animaliers pourront se conformer en respectant cinq critères : les soins qu’ils prodiguent aux animaux sont conformes aux normes les plus élevées, les dénonciateurs sont protégés, aucun animal n’est utilisé pour la production de spectacles s’apparentant à un cirque, les animaux sont acquis de manière responsable et les autres normes établies par le gouvernement en consultation avec des experts sont respectées par ces organismes.
Grâce aux rapports de Protection mondiale des animaux Canada et à de nombreux reportages, nous savons que nous devons de toute urgence en faire davantage pour protéger le bien-être des animaux sauvages en captivité. La législation s’impose pour faire avancer ce travail. Voilà pourquoi nous devons renvoyer le projet de loi au comité dans les plus brefs délais.
J’espère que l’étude débutera au début de la nouvelle année. Je suis impatient d’entendre Jane Goodall et d’autres experts, y compris les principaux zoos et organismes de protection des animaux du Canada.
Passons maintenant au premier des trois sujets que j’ai mentionnés : la relation entre les compétences fédérale et provinciale en ce qui concerne les animaux sauvages en captivité. Le sénateur Plett a déjà soulevé la question en se disant inquiet avec raison de constater qu’une grande partie de la législation en matière de protection des animaux est du ressort des provinces. D’autres m’ont informé que ce domaine relève également de la compétence du gouvernement fédéral.
En plus d’avoir tous les deux grandi dans une région rurale, je crois que le sénateur Plett et moi avons en commun de ne pas être des juristes. Cela dit, j’aimerais faire quelques observations au sujet de la compétence, mais je vous demande de garder en tête que, même si nous, les médecins, avons tendance — une mauvaise tendance peut-être — à considérer que notre expertise s’applique à différents secteurs comme les finances internationales, les affaires étrangères, la mécanique quantique ou la façon de faire du pain au levain, j’aborde cette partie de mon discours avec une certaine appréhension. J’ajouterais que le comité aura l’occasion d’entendre des experts au sujet des aspects juridiques du projet de loi.
Le projet de loi S-241 prévoit, pour le bien-être des animaux, des restrictions relatives à l’acheminement international et interprovincial des espèces visées par la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial. De ce que j’en ai compris, le commerce au-delà de ces limites est un champ de compétence exclusivement fédéral, compte tenu de ses pouvoirs relatifs aux échanges commerciaux. À titre d’exemple de restrictions relatives au bien-être des animaux incluses dans la législation fédérale, je citerais l’article 23.2 de la Loi sur les pêches, adopté en 2019, qui encadre l’importation et l’exportation des baleines et des dauphins vivants.
Le projet de loi S-241 nous permet en outre d’exercer la compétence fédérale en matière de cruauté contre les animaux et de sécurité publique, compétence qui s’appuie sur le pouvoir pénal fédéral.
Depuis 2019, l’article 445.2 du Code criminel comprend des infractions relatives aux baleines et aux dauphins en captivité, notamment en ce qui a trait à la reproduction sans licence et aux spectacles donnés à des fins de divertissement. Cet article vise à protéger la santé physique, le bien-être psychologique et la dignité de ces animaux contre tout traitement cruel ou dégradant.
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Avec ce projet de loi, le Parlement élargirait les infractions relatives à la captivité afin de garantir une protection supplémentaire aux espèces sauvages tout en permettant l’octroi de permis à des fins justifiables, sous réserve de conditions éventuelles. Bien que le projet de loi S-241 ne crée pas de nouvelles infractions criminelles, il modifie celles qui existent déjà. Comme plusieurs des espèces ajoutées à la liste sont dangereuses, le projet de loi protège également la sécurité publique.
La compétence provinciale sur les animaux non domestiques vivant en captivité existe en parallèle avec les pouvoirs des provinces en matière de droits de propriété et de droits civils. Les lois provinciales visent le traitement négligent et les restrictions liées aux droits de propriété qui varient d’une province à l’autre. Cependant, le traitement de tous les animaux vivant en captivité fait depuis longtemps l’objet de restrictions pénales fédérales en matière de cruauté envers les animaux. En d’autres termes, je crois comprendre que la question des animaux non domestiques vivant en captivité relève à la fois de la compétence du gouvernement fédéral et de celle des gouvernements provinciaux.
Dans le préambule du projet de loi, on dit que la question des animaux non domestiques vivant en captivité relève, d’un point de vue constitutionnel, à la fois des pouvoirs fédéraux et provinciaux. Je crois comprendre que pour cette raison, le projet de loi permet la délivrance de permis à la fois par le fédéral et par les provinces, selon le même modèle que les lois sur les baleines et les dauphins.
Bien qu’un comité puisse entendre davantage d’arguments, la validité de la compétence du gouvernement fédéral en matière de commerce et en matière pénale n’a pas été remise en question dans le cadre du débat. Avec le projet de loi S-241, la question n’est pas de savoir si le Parlement peut contribuer à protéger les animaux non domestiques vivant en captivité, mais plutôt de savoir s’il devrait le faire. À mon avis, la réponse est qu’il doit le faire.
Ma deuxième préoccupation a trait à la qualité de vie des éléphants en captivité. Il est indiscutable que, pour un éléphant, le meilleur endroit où vivre, c’est dans la nature. En captivité, ils ont au moins besoin de vastes espaces extérieurs dans un climat chaud. Ce sont des animaux extrêmement intelligents, socialement complexes et au territoire très étendu. En captivité, les éléphants éprouvent souvent une détresse physique et psychologique. Ils ont des problèmes de comportement, font des gestes répétitifs, leur taux de mortalité infantile est plus élevé et ils meurent à un plus jeune âge.
Selon un article paru en 2019 dans The New York Times Magazine, pour chaque éléphant né en captivité en Amérique du Nord, deux sont morts. Dans cet article, on décrit aussi un trouble psychologique observé chez les éléphants captifs dont je n’avais honnêtement jamais entendu parler avant de commencer mes recherches sur ce sujet. Il s’agit de la zoochose, une forme de maladie mentale qui se développe chez les animaux en captivité. Elle se manifeste souvent par des comportements stéréotypés qu’on ne retrouverait pas dans la nature, comme se balancer d’avant en arrière ou de gauche à droite, refaire toujours le même parcours, s’automutiler et bien plus. L’article va plus loin :
Une des manifestations les plus perturbantes de la psychose des éléphants des zoos est le taux élevé de mortinatalité et de troubles génésiques chez les mères en gestation. Même lorsque la naissance se déroule bien, il y a souvent des cas de mortalité infantile, de rejet du bébé et d’infanticide, quelque chose qui n’a presque jamais été observé dans le cadre des milliers d’études réalisées sur des hardes d’éléphants sauvages [...]
De plus, nous devons tenir compte d’une autre réalité des éléphants en captivité au Canada : notre climat froid. Les quatre endroits où l’on garde des éléphants en captivité au Canada les gardent à l’intérieur l’hiver. Il s’agit de conditions très différentes de celles qui répondent à leurs besoins sociaux, physiques et psychologiques innés. Selon la Born Free Foundation, la petitesse contre nature des enclos et les conditions qu’elles présentent amplifient les répercussions psychologiques et comportementales négatives de la captivité, et engendrent d’autres problèmes de santé, y compris des ulcères plantaires et l’obésité.
Honorables sénateurs, les environnements toxiques nuisent à la santé physique et mentale des éléphants, autant que chez les humains. En juin, plus de 20 scientifiques spécialistes des éléphants et d’autres experts, y compris des chefs de file mondiaux du domaine, ont appuyé l’élimination progressive au Canada de la captivité des éléphants que propose le projet de loi S-241. Dans une lettre adressée aux sénateurs, ils ont décrit les graves problèmes de santé des éléphants en captivité ainsi que les contraintes liées à leurs besoins, notamment le fait d’être à l’intérieur l’hiver et la pratique d’enchaîner des éléphants en captivité.
Des sénateurs ont reçu des lettres de nombreux organismes concernant les questions de la santé et du bien-être des éléphants en captivité. Le comité devra examiner attentivement tous les témoignages, tout en accordant — j’en suis sûr — la priorité à la santé et au bien-être de ces magnifiques créatures.
Je passe maintenant à mon troisième point. Le directeur exécutif d’Aquariums et zoos accrédités du Canada a fait savoir aux sénateurs qu’il souhaite que les membres de son organisation soient considérés comme des organismes animaliers aux termes du projet de loi S-241. Pour obtenir cette désignation, un organisme doit prodiguer des soins « conformes aux normes professionnelles reconnues les plus élevées et aux pratiques exemplaires »; il doit aussi satisfaire à d’autres conditions, notamment s’abstenir de donner les animaux en spectacle à des fins de divertissement.
J’ai parlé de cet enjeu avec le sénateur Klyne et j’ai fait des recherches au sujet de l’accréditation des zoos. Je rappelle aussi que le sénateur Plett a récemment soulevé, à juste titre, la question de l’accréditation des zoos avec le sénateur Dean et la sénatrice Sorensen pendant les débats du Sénat. J’ai appris que, selon certaines consultations menées auprès d’intervenants, des membres canadiens de l’Association of Zoos and Aquariums respectent des normes et des pratiques plus rigoureuses que les membres qui sont seulement accrédités par un autre organisme, Aquariums et zoos accrédités du Canada. D’autres personnes ont un point de vue différent à ce sujet.
Pendant mes discussions avec le sénateur Klyne, j’ai appris qu’il serait ouvert à un amendement selon lequel la désignation serait automatiquement accordée à tout zoo canadien qui respecterait les normes de l’Association of Zoos and Aquariums pendant les premières années. Il serait aussi ouvert à un examen indépendant des normes et des pratiques d’Aquariums et zoos accrédités du Canada. Peut-être serait-il important que le comité étudie cet enjeu.
Quelle que soit la conclusion en ce qui concerne l’accréditation, cet enjeu requiert le genre d’analyse approfondie que seul un comité peut mener à bien.
En conclusion, j’affirme que la loi de Jane Goodall est tout à l’honneur du Sénat et du Canada, car elle montre que nous pouvons faire figure de proue dans le domaine de la protection des animaux sauvages. J’ajoute ma voix à celles de nombreux collègues qui sont impatients de conclure l’étape de la deuxième lecture et de passer à celle de l’étude du projet de loi en comité. Merci. Wela’lioq.
Son Honneur le Président : Sénateur Plett, voulez-vous poser une question? Il reste 40 secondes. Pour avoir le temps de répondre, le sénateur Kutcher devra demander cinq minutes de plus.
Demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre à la question, sénateur Kutcher?
Le sénateur Kutcher : Certainement, Votre Honneur, si la Chambre y consent.
Son Honneur le Président : Est-ce d’accord, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Je soulignerai seulement quelques points. Monsieur le sénateur, on nous dit qu’il est urgent d’adopter ce projet de loi. Vous y avez fait allusion aujourd’hui. Savez-vous que le jour où il sera adopté, pas un seul zoo en bordure de route ne fermera ses portes? Les animaux qui s’y trouvent actuellement sont visés par une disposition de droits acquis — comme chaque zoo — et ils finiront donc leurs jours dans les conditions déplorables que les gens ont mentionnées.
Bref, le projet de loi n’aidera aucunement les animaux qui se trouvent actuellement dans des zoos en bordure de route. Par contre, il nuira immédiatement à l’excellent travail de conservation que mènent 18 zoos pleinement accrédités par Aquariums et zoos accrédités du Canada, puisqu’il limitera leur capacité d’élever des animaux et leur fera craindre de perdre leurs animaux. Vous avez mentionné, comme d’autres personnes, que les éléphants et d’autres animaux ont besoin d’activités sociales. On propose de les laisser mourir à l’endroit où ils se trouvent. Ils ne pourront pas se reproduire. Prendre des mesures pour empêcher des animaux sociaux de se reproduire, c’est beaucoup plus cruel que de les héberger dans ces zoos.
Je ne dis pas que le projet de loi ne devrait pas être renvoyé au comité. Pourriez-vous toutefois m’expliquer où est l’urgence, puisque son adoption n’empêchera pas ces zoos de garder les animaux qu’ils ont déjà?
Le sénateur Kutcher : Je vous remercie beaucoup de cette importante question, sénateur Plett.
Selon ce que je comprends, le projet de loi n’est pas axé sur la fermeture des zoos. Vous avez tout à fait raison sur ce point. À bien y penser, vous devriez peut-être y apporter un amendement.
Le projet de loi vise toutefois à protéger les animaux en captivité et à assurer leur bien-être.
Tout d’abord, il éliminera progressivement les pratiques néfastes. Ensuite, il encouragera le déplacement responsable des animaux. Ceux-ci ne mourront pas sur place. Il existe des possibilités de déplacement responsable. Je crois comprendre que certains zoos ont déjà fait savoir qu’ils seraient prêts à accueillir ces animaux. Il s’agit donc d’une considération importante, mais je pense que les zoos y ont réfléchi en prévision de cette situation. Vous avez soulevé un point valable.
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Le projet de loi prévoit également un mécanisme d’application de la loi qui, au fil du temps, protégera les animaux. J’estime que c’est une bonne chose et je pense que vous en conviendrez avec moi.
Le sénateur Plett : Sénateur Kutcher, Charles Gray est le responsable des éléphants de l’African Lion Safari. Il s’occupe directement des éléphants depuis 1982, et il a accédé au poste de gérant de la section des éléphants à l’Africa Lion Safari en 1987. Charlie est membre fondateur de l’Elephant Managers Association, en plus d’être membre fondateur et membre du conseil d’administration de l’International Elephant Foundation. Il a siégé au comité consultatif de l’American Association of Zoos and Aquariums mis sur pied pour examiner le programme de survie de l’éléphant d’Asie, et ce, de 1988 à 2019. Il est un expert mondialement reconnu pour son savoir sur les éléphants.
Sénateur Kutcher, M. Gray a déclaré que, contrairement à ce que vous avez dit et à ce que de prétendus experts essaient de nous faire croire, les éléphants dont ils prennent soin et qu’ils aiment sont très heureux pendant toutes les saisons de l’année. C’est principalement attribuable au fait que la majorité des individus de ce troupeau d’éléphants d’Asie est née et a grandi au Canada. Ils n’ont jamais vécu en Asie, c’est pourquoi ils sont très acclimatés à nos hivers. En fait, M. Gray a affirmé que leurs éléphants préfèrent le froid à la chaleur parce qu’ils ne sont pas incommodés par les insectes. Ils aiment aussi courir et jouer dans la neige, briser la glace à la surface du lac et y nager. Ils habitent dans de très grands enclos chauffés — et non dans des cages — et ils peuvent y entrer et en sortir à leur guise. Leur enclos est muni de portes qu’ils peuvent ouvrir et fermer eux-mêmes au gré de leurs sorties au froid à l’extérieur.
Or, vous êtes-vous entretenue avec ces gardiens? J’ai visité plus de zoos au cours des deux dernières années que je n’en ai visité de toute ma vie. Ces installations sont gigantesques. Plus personne ne chevauche ces éléphants, bien que s’ils se trouvaient dans leur pays d’origine, c’est ce qui se produirait certainement. On les utilise pour porter et tirer toutes sortes de choses. Pourtant, on considère qu’ils font l’objet de cruauté ici alors qu’ils n’ont pas à se livrer à ces activités? Ils ne vivent pas dans des enclos, mais dans des milieux sauvages...
La sénatrice Gagné : Quelle est votre question?
Le sénateur Plett : Pouvez-vous expliquer en quoi cela est logique alors que cet expert de renom dit le contraire de ce que vous et tous vos interlocuteurs avancez?
Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénateur Kutcher, mais votre temps de parole est expiré. Demandez-vous plus de temps?
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : J’ai entendu un « non ». Le consentement pour du temps supplémentaire n’est pas accordé.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Les travaux du Sénat
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-13(2) du Règlement, je propose :
Que la séance soit maintenant levée.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(À 16 h 33, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 6 décembre 2022, à 14 heures.)