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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 124

Le mardi 16 mai 2023
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mardi 16 mai 2023

La séance est ouverte à 14 heures.

La Présidente du Sénat

Lecture de la commission nommant l’honorable Raymonde Gagné

L’honorable Raymonde Gagné se lève du fauteuil au pied du trône et dit : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de vous informer que, en vertu d’une commission émise sous le Grand Sceau du Canada, j’ai été nommée Présidente du Sénat.

(Le greffier donne lecture de la commission.)

Prière.

Son Honneur la Présidente : Chers collègues, je vous remercie de l’accueil chaleureux que vous m’avez réservé.

Avant de prendre place dans ce fauteuil, permettez-moi de prendre quelques minutes pour vous adresser la parole, et ce, dans la tradition de mes prédécesseurs.

C’est avec beaucoup d’humilité que j’accueille cette nomination faite par la gouverneure générale, Son Excellence Mary Simon. Je remercie le premier ministre, le très honorable Justin Trudeau, pour la confiance qu’il me témoigne. Je ferai de mon mieux pour me montrer digne de sa confiance et pour obtenir la vôtre, dans ce Sénat que nous voulons toujours plus ouvert et inclusif.

Le Sénat est riche d’une histoire longue et inspirante. Il s’agit de s’attarder un peu sur la liste des éminents Présidentes et Présidents de cette auguste Chambre.

[Traduction]

Je pense par exemple à la dernière femme à avoir occupé la présidence, l’honorable Renaude Lapointe, au dernier Président originaire du Manitoba, l’honorable Gildas Molgat, ou, plus récemment, à l’honorable Noël A. Kinsella, à l’honorable Pierre Claude Nolin, à notre collègue l’honorable Leo Housakos et, bien sûr, à l’honorable George J. Furey, qui sera extrêmement difficile à remplacer. Je suis profondément honorée d’avoir la chance de me joindre à un groupe aussi distingué et je ferai tout en mon pouvoir pour être à la hauteur, même si la barre est très haute.

Pour exercer mes nouvelles fonctions, chers collègues, je compterai sur votre collaboration, votre compréhension et votre soutien. Cette assemblée est celle de tous les sénateurs qui souhaitent atteindre l’excellence, voir aux besoins des régions et des Canadiens qu’ils servent et représentent et qui font de ce pays un endroit aussi extraordinaire.

Meegwetch. Merci.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Raymonde Gagné, C.M. 

Félicitations à l’occasion de sa nomination à la présidence

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je prends la parole aujourd’hui pour vous féliciter de votre nomination au poste de 46e Présidente du Sénat du Canada. Je suis persuadé que vous présiderez cette Chambre avec l’équité, l’intégrité et le respect de l’institution et de vos collègues qui ont caractérisé votre travail depuis votre nomination au Sénat et dans votre rôle de coordonnatrice législative.

(1410)

[Traduction]

Madame la Présidente Gagné, vous avez entamé votre carrière comme enseignante dans une petite école rurale du Manitoba, dont vous êtes ensuite devenue la directrice. Avant d’arriver au Sénat, vous avez mené une longue et brillante carrière à la tête de l’Université de Saint-Boniface, de 2003 à 2014.

Vous êtes aussi une ardente défenseure des droits linguistiques des minorités et une digne représentante des Franco-Manitobains et des communautés linguistiques en situation minoritaire du pays. Vous avez également fait un passage remarqué au Comité sénatorial permanent des langues officielles, où vous avez eu l’occasion de contribuer directement aux études de première importance qu’il a menées. En fait, le premier message de l’autre endroit que vous lirez aujourd’hui porte sur le projet de loi C-13, Loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada. Voilà qui n’aurait pas pu mieux tomber, madame la Présidente.

[Français]

Madame la Présidente, j’ai eu le grand privilège de travailler en étroite collaboration avec vous. Au cours des trois dernières années et demie, j’ai bénéficié de vos conseils avisés, de votre connaissance et de votre respect du Sénat en tant qu’institution, y compris de l’importance de poursuivre la modernisation.

Vous êtes une collègue de confiance et une amie qui manquera à la sénatrice LaBoucane-Benson et à toute l’équipe du Bureau du représentant du gouvernement, mais c’est aussi avec une immense fierté et une grande gratitude que je vous vois accepter cette nomination. Je sais que le Sénat est entre de bonnes mains.

En tant que représentant du gouvernement au Sénat, je me réjouis de renouveler nos relations de travail et de collaborer avec l’opposition, les groupes et les sénateurs non affiliés au service des Canadiens. Une fois de plus, Madame la Présidente, permettez-moi de vous adresser mes plus sincères félicitations.

[Traduction]

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Madame la Présidente, au nom de l’opposition et du caucus conservateur, je tiens à vous féliciter pour votre nomination à la présidence du Sénat du Canada.

Je suis très content de voir que les hautes fonctions de 46e Président du Sénat ont été confiées à une collègue manitobaine. Comme certains l’ont déjà dit, vous êtes la deuxième personne du Manitoba à occuper ces fonctions. La première personne était le sénateur Molgat, de Sainte-Rose-du-Lac, qui a été Président de 1994 à 2001.

D’un point de vue personnel, je peux dire, Madame la Présidente, que je m’ennuierai des cafés que nous prenions parfois ensemble à l’aéroport avant de prendre le vol pour Ottawa ou de retourner au Manitoba, le vendredi matin. Je garde de bons souvenirs, non pas de la COVID, mais des jours où nous voyagions ensemble de Winnipeg à Ottawa, ou inversement. J’ai alors eu la chance de vous connaître un peu mieux.

Madame la Présidente, vous ne faites pas partie du caucus conservateur, mais je pense tout de même que le premier ministre n’aurait pas pu choisir une meilleure personne pour occuper la présidence du Sénat. C’est une sensation vraiment étrange, parce que je suis d’accord avec le premier ministre du Canada.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Plett : Chers collègues, notre nouvelle Présidente a fait preuve de fermeté dans le cadre de ses fonctions précédentes à titre de sénatrice et de leader adjointe du gouvernement. Elle s’est montrée à la fois pondérée, réfléchie et pragmatique, et je sais qu’elle saura faire preuve des mêmes qualités en tant que Présidente.

Madame la Présidente, votre calme et votre sagesse font de vous la personne idéale pour occuper ce poste. Étant quelque peu attaché aux traditions — comme vous le savez, et comme d’autres collègues le savent —, le fait de rompre avec la tradition, comme nous l’avons fait dans une certaine mesure aujourd’hui, m’attriste toujours. Toutefois, madame la Présidente, comme je l’ai indiqué dans le message de félicitations que je vous ai fait parvenir vendredi, nous vous promettons d’être sages pendant un certain temps avant de mettre votre fermeté à l’épreuve.

Madame la Présidente, au nom de l’opposition, du caucus conservateur et de tous mes collègues, je vous souhaite sincèrement bonne chance dans vos nouvelles fonctions. Nous nous réjouissons de travailler avec vous et avec les autres membres de cette auguste Chambre en tant que représentants de l’opposition, dans un esprit de collaboration et de convivialité. Je vous remercie, madame la Présidente.

[Français]

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Madame la Présidente, c’est avec respect que je vous appelle ainsi, en tant que première femme Présidente en 44 ans et seulement la troisième de l’histoire depuis les origines du Sénat en novembre 1867. Vous pouvez en être très fière. Je note d’ailleurs que vous formerez une équipe toute féminine avec notre Présidente intérimaire, l’honorable Pierrette Ringuette, qui, j’en suis certaine, saura vous épauler avec compétence dans l’exercice de vos nouvelles et importantes fonctions.

Grâce à votre parcours dans cette enceinte, votre intégrité, votre humilité et votre sens démocratique, vous méritez notre confiance à présider nos délibérations. Vous partagez avec votre prédécesseur une solide expérience du monde de l’éducation, ce qui est un atout pour la présidence du Sénat.

Votre carrière a été marquée par un dévouement au service public — un dévouement que vous poursuivez au Sénat depuis 2016. Forte de cette expérience, vous servirez désormais l’ensemble de l’institution et je sais que vous le ferez avec l’intégrité qui vous caractérise.

[Traduction]

Je voudrais maintenant revenir sur certaines des leçons que nous a laissées le Président Furey dans son discours d’adieu :

Honorables sénateurs, n’oublions jamais que notre vocation à la Chambre est honorable. Dans nos délibérations, n’oublions pas que les différends doivent être débattus, parfois avec vigueur, mais jamais — au grand jamais — au moyen d’attaques personnelles. Dénigrer un interlocuteur n’ajoute rien au débat et discrédite le Sénat en entier.

Madame la Présidente Gagné, vous incarnez ce message par votre dignité, votre humilité et votre intégrité. Je sais que vous porterez cette leçon et que vous poursuivrez le legs de l’ex-Président, tout en bâtissant le vôtre.

Présidente Gagné, 46e Présidente du Sénat, sachez que vous pouvez compter sur la collaboration, la compréhension et le soutien du Groupe des sénateurs indépendants dans l’exercice de vos fonctions. Nous serons à vos côtés pour assurer le respect des valeurs démocratiques, la modernisation de notre institution, la promotion de la collégialité entre nous et le respect de l’ordre et du décorum dans nos débats.

Félicitations.

L’honorable Scott Tannas : Madame la Présidente, au nom de mes collègues du Groupe des sénateurs canadiens, je vous félicite d’avoir été nommée à la présidence du Sénat.

Comme l’indique le site Web du Sénat, la personne qui occupe la présidence a notamment pour tâche de veiller au bon déroulement des délibérations. Or, il arrive parfois que ce soit un défi de taille dans cette enceinte. Néanmoins, votre expérience à titre de présidente de nombreuses organisations — notamment le Conseil des présidences des universités du Manitoba et l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne — se révélera fort utile pour vous acquitter de votre nouveau rôle de Présidente de la Chambre haute. Cependant, je crois que c’est votre expérience en éducation, comme enseignante et comme directrice, qui vous donne les compétences les plus facilement transférables à votre nouveau poste au sein de notre assemblée.

En qualité de Présidente, vous serez la représentante du Sénat et serez appelée à agir comme notre diplomate principale à l’étranger. Je suis persuadé que vous serez à la hauteur de la tâche et que vous vous acquitterez de vos responsabilités avec le même dévouement et le même engagement dont vous avez fait preuve durant toute votre carrière au Sénat et avant d’y être nommée.

Madame la Présidente, j’ai un souhait spécial à vous exprimer. J’ose espérer que votre transition se fera un peu plus aisément que celle de votre prédécesseur. Je me rappelle clairement que déjà, à son troisième jour en poste, il a dû composer avec deux questions de privilège et un rappel au Règlement. Nous souhaitons vous permettre de vous adapter en douceur à vos nouvelles fonctions.

Pour conclure, je dois avouer que, à l’instar d’autres collègues, j’éprouverai une certaine nostalgie de ne plus entendre, à la fin de chaque séance, votre annonce sur un ton musical de la motion « que la séance soit maintenant levée ».

Félicitations, madame la Présidente. Nous sommes impatients de collaborer avec vous.

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, au nom du Groupe progressiste du Sénat, je suis ravie de me joindre aux autres leaders pour offrir mes félicitations à l’honorable Raymonde Gagné, qui sera la 46e Présidente du Sénat.

(1420)

Comme d’autres l’ont mentionné, avec la nomination de la sénatrice Gagné, ces fonctions sont remplies pour la troisième fois seulement par une femme, pour la deuxième fois seulement par une personne du Manitoba, et pour la première fois seulement par une femme du Manitoba. C’est aussi la première fois que les postes de Président et de Président intérimaire sont tous deux occupés par une femme.

Sénatrice Gagné, lorsque je suis arrivée au Sénat, le Manitobain Gil Molgat était Président du Sénat. Étant donné que je partirai à la retraite en 2025, le poste de Président sera aussi occupé par une personne du Manitoba à ce moment-là. On pourra dire que ma carrière au Sénat aura été encadrée de Manitobains.

Sénatrice Gagné, je sais que votre expérience en tant qu’enseignante vous a bien préparée à la responsabilité que vous aurez de présider nos travaux. Lorsque votre nomination a été annoncée, le premier ministre a dit que vous êtes « [r]econnue pour [vos] idées productives, objectives et équilibrées », et d’après ce que j’ai entendu de la part des autres leaders, je crois qu’il est juste de dire qu’il n’est pas le seul à le penser. Le premier ministre a pris une excellente décision en choisissant de vous nommer comme nouvelle Présidente du Sénat.

Le Sénat traverse une période d’adaptation, alors qu’il vit divers changements et qu’il tente de s’engager sur une nouvelle voie. Nous ne sommes peut-être pas toujours d’accord sur les améliorations à apporter, mais je sais que nous voulons tous servir le mieux possible nos collectivités. Sénatrice Gagné, vous avez servi admirablement la population du Manitoba, et plus particulièrement les Franco-Manitobains. Lors de votre premier discours, vous avez dit que les Franco-Manitobains défendent traditionnellement :

[…] [l’]idée d’un Canada qui unit et rassemble ses citoyens dans le plein respect de leurs différences et de leurs droits.

Je ne peux pas penser à une meilleure façon de vous décrire, vous, notre nouvelle Présidente. Que ce soit dans cette enceinte ou dans le cadre de vos diverses nouvelles fonctions diplomatiques, je suis convaincue que vous représenterez notre institution avec distinction.

Au nom du Groupe progressiste du Sénat :

[Français]

— félicitations, madame la Présidente.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Daniel Beaudette, de Lynne Sylvestre, de Renaud et Léah Lafond et de Marie-Josée Houle.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L’honorable Raymonde Gagné, C.M.

Félicitations à l’occasion de sa nomination à la présidence

L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs et sénatrices, je désire me joindre à toutes vos voix pour offrir mes plus sincères félicitations à notre nouvelle Présidente, la 46e Présidente, la sénatrice Gagné, et lui souhaiter mes meilleurs vœux dans ce nouveau chapitre de sa vie parlementaire. Je suis d’autant plus ravie que finalement, après 44 ans, la présidence du Sénat est assurée par une femme — une francophone d’un milieu minoritaire, de surcroît.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Ringuette : Je serai brève pour ne pas répéter toutes les bonnes paroles qui vous ont été adressées aujourd’hui, afin d’être efficace et de permettre à d’autres sénateurs et sénatrices de faire leur déclaration.

Madame la Présidente, à titre de Présidente intérimaire, je vous confirme mon soutien dans cette enceinte afin que nous puissions remplir notre mandat de second regard objectif pour le mieux-être de tous les Canadiens et Canadiennes.

En somme, madame la Présidente, comme d’habitude, nous devons retrousser nos manches, notamment pour le projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois qui, selon moi, est nécessaire pour nos communautés.

J’aimerais profiter de l’occasion pour féliciter la sénatrice LaBoucane-Benson pour sa promotion au poste de coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat.

En conclusion, madame la Présidente, je vous réitère mon soutien pour le bon fonctionnement du Sénat et le respect de nos responsabilités individuelles et collectives dans cette enceinte.

Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Leo Housakos

Félicitations pour avoir reçu l’Ordre arménien de l’amitié

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage à l’un de nos distingués collègues, le sénateur Leo Housakos. Le sénateur Housakos siège au Sénat depuis de nombreuses années et il a déjà exercé diverses fonctions, notamment celles de Président du Sénat, en 2015. Il se passionne tout particulièrement pour la défense des droits de la personne, de la liberté et de la primauté du droit. Nous savons d’ailleurs qu’il a souvent dénoncé publiquement les violations des droits de la personne qui se produisent un peu partout dans le monde.

Il s’est notamment porté à la défense des Arméniens. L’Arménie a en effet beaucoup souffert ces dernières années parce qu’elle est entourée de voisins hostiles, voire agressifs. En 2020, l’Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie, l’a attaquée lors de ce qu’on a appelé la guerre des 44 jours.

À l’époque, peu de Canadiens ont osé se porter à la défense de l’Arménie, puisque la Turquie est un allié de l’OTAN. Pour bien des gens, la question était trop délicate. Le sénateur Housakos, lui, a tout de même eu le courage de prendre la parole. Il a dénoncé le mutisme de la communauté internationale au sujet de la guerre et du déracinement de nombreux Arméniens. Il a aussi dénoncé l’arrangement asymétrique que les puissants voisins de l’Arménie ont imposé à ce pays.

Le sénateur Housakos n’a pas reçu beaucoup d’éloges de la part du gouvernement du Canada pour ses actions, mais les Arméniens en ont pris note. En effet, il a récemment reçu l’Ordre de l’amitié à la suite d’un décret du président de l’Arménie. Cet honneur lui est décerné pour :

[...] sa contribution au renforcement et au développement de liens d’amitié [entre] [l’Arménie] et [le Canada], et sa détermination à préserver les valeurs humaines universelles.

Chers collègues, d’un point de vue personnel, je peux affirmer que je suis très fier du travail accompli par le sénateur Housakos pour défendre les droits fondamentaux et la primauté du droit dans le monde. J’espère que tous les sénateurs se joindront à moi pour offrir nos plus sincères félicitations à notre ami, le sénateur Leo Housakos. Félicitations pour cette marque de reconnaissance amplement méritée.

Des voix : Bravo!

La Journée nationale du violon traditionnel

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, vous avez sûrement déjà entendu l’expression « accorder ses flûtes ». Eh bien, en Nouvelle-Écosse, nous préférons « accorder nos violons », et plus précisément nos violons traditionnels, qui, en prime, nous font toujours taper du pied à l’unisson.

Les airs traditionnels et les violoneux sont présents depuis presque toujours sur à peu près toute la côte Est. Ils ont traversé l’océan en même temps que nos ancêtres celtes. À l’image des fils de trame et de chaîne du tartan de la Nouvelle-Écosse, on pourrait dire que le violon traditionnel et la cornemuse forment l’hélice double de notre ADN.

Le samedi 20 mai, nous célébrerons la Journée nationale du violon traditionnel. Le projet de loi qui l’a instaurée a été présenté par notre ancienne collègue la sénatrice Libbe Hubley, de l’Île-du-Prince-Édouard, qui joue elle-même du violon traditionnel. La célèbre violoneuse ontarienne Kelli Trottier a même composé une chanson en l’honneur de cette mesure législative, Fiddle Bill.

Le troisième samedi de mai, les violoneux de partout au Canada se réunissent pour célébrer leur tradition musicale et les différents styles de violon traditionnel. Le style du Cap-Breton est fortement ancré dans celui de l’Écosse, mais plus à l’ouest, il n’est pas rare d’entendre le style métis, ou anglo-canadien, qui tire ses origines d’une panoplie de styles différents. Le style franco-canadien, que l’on peut entendre au Québec et au Nouveau-Brunswick, est différent lui aussi.

À quel point le violon traditionnel est-il important pour les habitants du Cap-Breton? La première chose que voient les milliers de croisiéristes qui débarquent à Sydney est le plus gros violon traditionnel du monde et son archet, qui font 60 pieds de haut. Il est garanti qu’au cours de leur visite ils verront l’inévitable numéro de danse exécuté au rythme de plusieurs bons airs de violon traditionnel.

(1430)

Honorables sénateurs, si vous vous rendez en Nouvelle-Écosse cet été ou cet automne, le clou de la saison touristique en Nouvelle-Écosse est le festival international annuel Couleurs celtiques, qui, cette année, se déroulera du 6 au 14 octobre. Dans le cadre de ce festival, 49 concerts seront donnés dans 35 municipalités de l’île du Cap-Breton pour célébrer la culture de l’île par la musique, le chant et la danse.

Lorsque vous serez de passage en Nouvelle-Écosse, une visite du Red Shoe Pub, à Mabou, est un incontournable. Vous y découvrirez de la musique enjouée et un véritable party de cuisine de la côte Est. Vous y rencontrerez peut-être même un membre de la famille Rankin, qui est propriétaire du pub. Je vous lance le défi de vous abstenir de taper du pied. J’offre mes meilleurs vœux aux violoneux de tout le pays ainsi qu’à tous ceux qui aiment le violon traditionnel. Joyeuse Journée nationale du violon traditionnel!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Lucy et Larry Duke. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Black.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le soutien en santé mentale destiné aux agriculteurs

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui au sujet d’un enjeu de plus en plus préoccupant : la santé mentale des agriculteurs canadiens.

Les dernières années ont été éprouvantes pour les Canadiens, particulièrement pour les agriculteurs et les producteurs. L’insécurité alimentaire augmente et l’inflation exerce des pressions sur les familles, les inondations et les sécheresses affligent des régions agricoles essentielles partout au pays et l’économie canadienne a été durement ébranlée par les conséquences de la pandémie. Néanmoins, les agriculteurs canadiens demeurent résilients. De nouveaux programmes de financement et des mesures législatives prometteuses comme le projet de loi C-234 donneront un certain répit au secteur agricole.

Les agriculteurs ont soutenu les Canadiens, notamment sur le plan économique et en assurant le bon fonctionnement des chaînes d’approvisionnement même en période d’instabilité. Je félicite les nombreux agriculteurs et producteurs qui, au cours des dernières années, ont su s’adapter et sont restés déterminés à composer avec le fardeau réglementaire, la pénurie de main-d’œuvre et la hausse des coûts financiers et émotionnels. Grâce aux agriculteurs, les Canadiens et les gens du monde entier ont pu mettre de la nourriture sur la table trois fois par jour.

Toutefois, des enjeux se manifestent. En dépit du fait qu’ils continuent à surmonter les difficultés, les agriculteurs sont soumis à d’énormes pressions qui affectent inévitablement leur santé mentale. Une récente étude réalisée en 2020 auprès de plus de 1 100 producteurs canadiens révèle que 57 % d’entre eux vivaient de l’anxiété, 45 % devaient composer avec un niveau de stress excessif et 35 % souffraient de dépression.

Chers collègues, il y a toutefois de l’espoir. Certains organismes de soutien bénéficieront de nouveaux investissements. Je songe au Centre canadien pour le bien-être en milieu agricole, qui pourra faire connaître les ressources offertes au milieu agricole et en faciliter l’accès.

Dans le cadre de nos efforts pour réduire les préjugés, je félicite les groupes de ce genre qui s’efforcent de soutenir les producteurs, les transformateurs et les agriculteurs du Canada pendant certaines des périodes les plus turbulentes et les plus difficiles de leur vie.

Les agriculteurs restent résistants et déterminés. Ils continuent de nourrir le Canada et le monde entier et sont confrontés à des normes en constante évolution, et il est important que nous continuions à les soutenir dans cette tâche. Que ce soit en promouvant et en encourageant de nouveaux programmes, en achetant des aliments locaux dans la mesure du possible, en célébrant la 20e édition annuelle de la Journée des terroirs du Canada en août ou en défendant leur santé mentale, j’espère que, en tant que sénateurs, nous pourrons continuer à parler de leur dévouement à ce pays et au monde entier dans la Chambre rouge. Merci, meegwetch.

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Odette Lord et de Jean-Pierre Carlos. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Boisvenu.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Semaine des victimes et survivants d’actes criminels

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Madame la Présidente, comme mes collègues, je tiens à vous féliciter et dire qu’il n’y avait pas meilleur choix que vous pour la présidence du Sénat. Félicitations.

Honorables sénateurs et sénatrices, cette semaine, nous soulignons pour une 17e année, la Semaine des victimes et survivants d’actes criminels. En juin prochain, il y aura huit ans que la Charte canadienne des droits des victimes a été adoptée.

Pour souligner ces deux réalisations du précédent gouvernement conservateur, samedi dernier, je me suis rendu à Winnipeg au Musée canadien pour les droits de la personne avec ma collègue, la députée de la région Raquel Dancho, pour remettre au directeur du musée une copie de la Charte canadienne des droits des victimes afin qu’elle y soit bientôt exposée avec toutes les autres chartes adoptées par le Canada et ailleurs dans le monde.

Nous avons profité de notre présence pour échanger avec des victimes et des familles de victimes qui ont subi des crimes violents. En les écoutant, j’ai tristement constaté à quel point leurs droits, dans notre système de justice, ont régressé depuis le changement de gouvernement. Toutes ces familles avaient perdu confiance dans notre système de justice et pour elles, l’adoption de la charte représentait enfin l’espoir d’avoir des droits égaux à ceux des criminels — des droits qu’elles espéraient depuis des décennies.

Pour une des familles rencontrées, c’est l’assassin qui n’a jamais été jugé. Pour une victime de violence conjugale, c’est l’agresseur qui l’a menacée à répétitions sans avoir subi de conséquences judiciaires. Pour une mère, c’est qu’elle n’a jamais été informée de la libération de l’assassin de son fils à proximité de sa résidence.

Tant d’histoires, autant d’injustices, chez nous, au Canada.

Pour la députée Dancho, pour moi et même pour le directeur du musée, ce fut une rencontre très émotive et combien révélatrice. Quand les familles de victimes constatent comment notre système de justice est tenu au plus grand respect des droits des délinquants, elles ne peuvent s’empêcher de constater le gouffre entre le traitement de leurs droits et ceux des délinquants. Pour elles, l’injustice et le manque de confiance persistent, elles sont revictimisées par un système qui devrait avant tout les protéger et les respecter.

Est-ce pour cette raison que le gouvernement passe cette importante semaine de sensibilisation sous silence depuis tant d’années?

Chers collègues, pendant cette Semaine des victimes et survivants d’actes criminels, les mots ne suffisent plus pour tenter de redonner confiance aux victimes et à leurs familles dans notre système de justice.

Nous devons agir et faire preuve de solidarité à leur égard en posant des gestes concrets alors qu’ils se sont faits, malheureusement, très rares au Canada depuis huit ans.

Cette semaine, en guise de soutien envers toutes les victimes d’actes criminels et leurs familles et à la mémoire de celles qui nous ont été tragiquement enlevées, je déposerai un très important projet de loi qui permettra de renforcer la mise en application et la portée de la Charte canadienne des droits des victimes.

Honorables sénatrices et sénateurs, je connais votre sensibilité et je souhaite sincèrement que nous profitions ensemble de l’occasion de poser un geste concret pour les victimes en appuyant cet important projet de loi pour elles. Merci.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

La Fondation canadienne des femmes—L’appel à l’aide

L’honorable Donna Dasko : Votre Honneur, je suis tellement contente et fière que vous soyez notre nouvelle Présidente.

Honorables sénateurs, il est ressorti d’un sondage national que j’ai commandé en 2021 qu’aux yeux des Canadiens, la violence constitue le principal danger qui pèse contre les femmes du pays.

Bien que nous n’ayons pas encore trouvé de remède à ce problème gravissime, j’aimerais aujourd’hui attirer votre attention sur l’une des solutions les plus simples et innovatrices à avoir vu le jour ces dernières années. Elle a été créée ici même, au Canada, il y a de cela trois ans, et elle a reçu cette année le Prix du gouverneur général pour l’innovation.

De quoi s’agit-il? D’un simple geste de la main que peuvent faire les femmes, ou n’importe qui d’autre, qui est en détresse et veut le faire savoir. Je vous le montrerai dans un instant, mais permettez-moi d’abord d’expliquer d’où vient cette invention toute simple.

Ce signe de la main a été créé par la Fondation canadienne des femmes, dont le siège national est situé à Toronto. Cet organisme finance toutes sortes de programmes communautaires de premier plan aux quatre coins du pays, il milite pour l’égalité des sexes, il s’intéresse aux causes profondes de la violence contre les femmes et il vient en aide aux femmes dans le besoin. Je le compare souvent à une sorte de Centraide pour femmes, car il recueille des dons et les redistribue ensuite à qui en a besoin. Il s’agit également d’une des plus importantes fondations du monde œuvrant pour les femmes. Depuis 1991, elle a recueilli plus de 100 millions de dollars et financé près de 2 000 programmes d’un bout à l’autre du Canada.

En 2020, alarmée par la hausse des signalements de violence familiale pendant la pandémie, la fondation s’est associée à une entreprise de publicité pour trouver un moyen qui permettrait aux femmes en détresse de le faire savoir aux gens à l’extérieur de chez elles, par exemple en mettant une vidéo en ligne. Les représentants de la fondation et les publicitaires ont analysé les mouvements, les gestes et les caractéristiques des langues signées afin de trouver un geste encore inédit, car il fallait éviter que le futur signal d’alarme ne crée de la confusion dans les autres langues et cultures. Ils ont trouvé un simple geste de la main où il suffit de placer son pouce sous ses doigts, comme s’il était prisonnier.

(1440)

Lancé en avril 2020, l’appel à l’aide a été repris dans plus de 45 pays, a remporté de nombreux prix internationaux et est devenu viral sur les médias sociaux. Il a fait ses preuves bien au-delà de la pandémie et aide à sauver des vies.

Voici un exemple. Le 4 novembre 2021, un automobiliste du Kentucky a communiqué avec la police pour lui transmettre un numéro de plaque après avoir observé une fille dans une voiture qui utilisait ce geste de la main, que le conducteur avait vu sur TikTok et avait reconnu comme un appel à l’aide. La police a rattrapé le véhicule et arrêté le conducteur, qui a été accusé de séquestration et de possession illégale de matériel sexuel concernant une mineure. La jeune fille de 16 ans qui se trouvait dans la voiture avait été portée disparue en Caroline du Nord. La vie de cette jeune fille a pu être sauvée par le conducteur, qui savait ce que signifiaient ces signes et qui a pris les mesures appropriées.

Chers collègues, je pourrais donner d’autres exemples, mais permettez-moi de conclure en disant qu’un objectif important est de sensibiliser davantage la population à l’égard de ces signes : la main ouverte, le pouce sur la main, puis les doigts sur le pouce. Nous pouvons maintenant tous faire partie de la solution. Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Michael Cholod, directeur général de la Peace Coalition. Il est l’invité de l’honorable sénatrice Omidvar.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

La gouverneure générale

La commission nommant Maia Welbourne à titre de suppléante—Dépôt de document

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, une copie de la commission désignant Maia Welbourne suppléante du gouverneur général.

La justice

L’Énoncé concernant la Charte en ce qui a trait au projet de loi S-12—Dépôt de document

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un énoncé concernant la Charte préparé par le ministre de la Justice ayant trait au projet de loi S-12, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le transfèrement international des délinquants, conformément à la Loi sur le ministère de la Justice, L.R.C. 1985, ch. J-2, par. 4.2(1).

[Français]

Régie interne, budgets et administration

Présentation du huitième rapport du comité

L’honorable Lucie Moncion, présidente du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, présente le rapport suivant :

Le mardi 16 mai 2023

Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration a l’honneur de présenter son

HUITIÈME RAPPORT

Votre comité, que le Règlement du Sénat autorise à examiner les questions financières et administratives, fait maintenant rapport de son examen du Règlement administratif du Sénat visant à simplifier le traitement des demandes d’utilisation de la propriété intellectuelle et recommande ce qui suit :

1.Que le Règlement administratif du Sénat soit modifié au chapitre 3:30 par adjonction, après le paragraphe 11a), de ce qui suit :

a) il s’agit d’une utilisation équitable ou d’une utilisation visée par une autre exception légale à la protection de la propriété intellectuelle;

b) l’élément commercial de l’utilisation envisagée est négligeable;

c) avec le consentement du comité directeur.

2.Que le légiste et conseiller parlementaire soit autorisé à apporter toute modification technique, rédactionnelle, grammaticale ou autre requise et non substantielle au Règlement administratif du Sénat par suite de cette modification, y compris la mise à jour des références croisées et la renumérotation des dispositions.

Respectueusement soumis,

La présidente,

LUCIE MONCION

— Madame la Présidente, toutes mes félicitations.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Moncion, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

L’étude sur les dispositions et l’application de la loi de Sergueï Magnitski et de la Loi sur les mesures économiques spéciales

Dépôt du dixième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international

L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le dixième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international intitulé Renforcer l’architecture des sanctions autonomes canadiennes : Examen législatif quinquennal de la loi de Sergueï Magnitski et de la Loi sur les mesures économiques spéciales. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

(Sur la motion du sénateur Boehm, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Projet de loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

Projet de loi modifiant la Loi sur la gestion financière des premières nations, modifiant d’autres lois en conséquence et apportant une clarification relativement à une autre loi

Première lecture

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-45, Loi modifiant la Loi sur la gestion financière des premières nations, modifiant d’autres lois en conséquence et apportant une clarification relativement à une autre loi, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Français]

Projet de loi sur la Journée internationale pour la coopération et la justice fiscales

Première lecture

L’honorable Pierre J. Dalphond dépose le projet de loi S-264, Loi instituant la Journée internationale pour la coopération et la justice fiscales.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Le sénateur Dalphond : Encore une fois, je joins mes félicitations à toutes celles qui ont déjà été exprimées.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Dalphond, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après‑demain.)


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

L’innovation, les sciences et le développement économique

L’usine de fabrication de batteries pour véhicules électriques

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Ma question aujourd’hui s’adresse une fois de plus au leader libéral du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, il y a exactement une semaine, le premier ministre Trudeau se vantait du projet d’usine de batteries Stellantis, qui représente 5 milliards de dollars, et le citait comme exemple de la bonne gestion économique de son gouvernement.

(1450)

Ce que savait le premier ministre, mais qu’il n’a pas dit aux Canadiens, c’est qu’au moment où il tenait ces propos, les sociétés Stellantis et LG menaçaient d’abandonner le projet si elles n’obtenaient pas des subventions similaires à celles que le gouvernement a accordées à Volkswagen, ce qui coûterait jusqu’à 14 milliards de dollars aux contribuables.

Au cours des derniers jours, les sociétés Stellantis et LG ont déclaré qu’elles commenceraient à mettre en œuvre leur plan de secours. Les travaux ont été interrompus sur le chantier de Windsor, où l’usine est censée être opérationnelle dans un an.

Monsieur le leader, toute cette affaire est, en effet, un excellent exemple de l’incompétence du gouvernement Trudeau. Pourquoi les Canadiens devraient-ils faire confiance au moindre propos tenu par ce gouvernement ou de ce premier ministre en ce qui concerne l’économie et l’emploi?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. L’industrie de l’automobile est essentielle pour l’économie canadienne et pour les centaines de milliers de personnes qui travaillent dans ce secteur. C’est la raison pour laquelle le gouvernement libéral et, plus particulièrement, le ministre Champagne ne ménagent aucun effort pour en garantir l’avenir.

Pour ce qui est de l’usine de Stellantis, les négociations sont en cours, et le gouvernement continue de négocier de bonne foi avec ses partenaires. Ce qui importe le plus, c’est d’en arriver à la meilleure entente pour tous les Canadiens.

Le sénateur Plett : Un jour, je vais essayer de deviner à l’avance votre réponse pour savoir comment poser ma question; de cette façon, nous pourrons au moins obtenir une réponse à la question.

Monsieur le leader, pourquoi le gouvernement Trudeau ne répond-il jamais franchement aux Canadiens, même quand on lui demande combien de milliards de dollars ces subventions coûteront aux contribuables? Les libéraux ne peuvent pas être francs avec les Canadiens.

Hier, la ministre Freeland s’est fait poser des questions au sujet du projet de Stellantis à l’autre endroit. La ministre a été bien loin de répondre directement aux questions posées. Je suppose que vous avez assisté à la même séance de préparation qu’elle.

Voilà ce qu’on a pu constater depuis que le gouvernement Trudeau est au pouvoir : des hausses de taxe, l’ajout de formalités administratives, la modification des règles en cours de route, la disparition d’investissements privés et de projets énergétiques. La liste est loin de s’arrêter là, monsieur le leader.

Au bout du compte, combien tout cela coûtera-t-il aux contribuables? Le gouvernement Trudeau le dira-t-il enfin aux Canadiens, ou cherchera-t-il aussi à leur dissimuler cette information?

Le sénateur Gold : Le gouvernement actuel se montre ouvert et transparent envers les Canadiens à propos des efforts qu’il déploie pour assurer notre avenir et, en particulier, l’avenir d’un secteur important pour le Canada, celui de l’automobile, alors que le contexte commercial et le contexte des capitaux changent radicalement dans le domaine de la production des nouvelles générations de véhicules électriques.

Les investissements du gouvernement, notamment dans l’usine de batteries de Volkswagen et dans le cadre des négociations en cours avec Stellantis, visent, pour les générations à venir, à garantir des emplois bien rémunérés pour les Canadiens et, plus important encore, à assurer la place du Canada dans la chaîne d’approvisionnement nord-américaine de l’avenir.

La sécurité publique

L’ingérence étrangère

L’honorable Leo Housakos : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader du gouvernement, la fin de semaine dernière, le ministre de la Sécurité publique de Justin Trudeau, Marco Mendicino, a admis lors d’une entrevue télévisée qu’il y avait de nouveaux postes de police illégaux du Parti communiste chinois au Canada, et qu’ils intimidaient des citoyens canadiens. Bien entendu, honorables sénateurs, le ministre a promis, sans surprise, que la GRC les fermerait sans attendre. Le problème, monsieur le leader du gouvernement, c’est qu’il y a quelques semaines à peine, le ministre a déclaré à la Chambre des communes que ces postes de police illégaux avaient déjà été fermés. Nous savons maintenant, par la voie des médias, qu’il y a dans notre ville deux postes de police illégaux du Parti communiste chinois qui sont en activité depuis des années.

La question est la suivante : lorsque le ministre a pris la parole à la Chambre des communes, a-t-il simplement fait étalage de sa totale incompétence et de celle du gouvernement en matière d’ingérence étrangère, ou tentait-il d’induire les Canadiens en erreur?

Je vais préciser ma question pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté : quand le gouvernement Trudeau et le ministre Mendicino fermeront-ils, une fois pour toutes, ces postes de police illégaux du Parti communiste chinois et, s’ils n’ont pas l’intention de le faire, pourquoi?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Comme le gouvernement l’a déclaré, et comme je l’ai déclaré au nom du gouvernement, la GRC a fait enquête et continue de faire enquête sur les allégations concernant de prétendus postes de police illégaux au Canada. Néanmoins, le gouvernement n’intervient pas dans les enquêtes de la GRC.

Le ministre et moi avons clairement affirmé dans nos déclarations que la GRC poursuit son travail d’enquête et prendra toutes les mesures nécessaires pour mettre les Canadiens à l’abri de toute ingérence étrangère sur notre territoire.

Le sénateur Housakos : Oui. Vous avez été clair et le gouvernement l’a aussi été. Vous avez dit : « Nous allons poursuivre notre enquête. Nous continuerons d’avoir des rapporteurs spéciaux qui feront des rapports réguliers ou nous continuerons de charger des employés de la Fondation Pierre Elliott Trudeau de rédiger des rapports. »

Cependant, au bout du compte, aucune mesure n’a été prise. Des postes de police illégaux à la solde du Parti communiste chinois mènent des activités en sol canadien depuis des mois.

Par surcroît, le gouvernement a mis deux ans avant de se pencher sur le cas d’un député qui a fait l’objet de menaces — le député et sa famille ont été ciblés — de la part du Parti communiste chinois dans le cadre d’une tentative d’ingérence. Le gouvernement n’a rien fait dans ce dossier. Il a fallu deux ans avant que le gouvernement finisse par expulser la personne qui était directement responsable des menaces en question.

Les questions que j’ai à poser sont très simples. Combien de temps faudra-t-il encore attendre pour que le gouvernement ferme ces postes de police illégaux? Combien de temps faudra-t-il pour qu’il exige que les responsables de ces activités rendent des comptes et soient jugés avec toute la rigueur de la loi canadienne? Bref, on pourra dire que le gouvernement est sérieux dans ce dossier uniquement lorsque ces postes de police auront été fermés et que les responsables de ces activités illégales en sol canadien auront été traités avec toute la rigueur de la loi canadienne.

Le sénateur Gold : Il incombe à un gouvernement, à tout gouvernement responsable, de prendre des mesures appropriées, prudentes et conformes aux normes en vigueur.

Un parti de l’opposition a évidemment la prérogative de dire tout ce qu’il veut sans avoir la responsabilité d’étayer ses propos par des mesures concrètes.

Le gouvernement a été informé des allégations contre le député Michael Chong par le Globe and Mail. Une semaine plus tard, le diplomate concerné a été expulsé. Il s’agit là d’une réponse appropriée, rapide et responsable.

Le gouvernement continuera à agir de façon responsable et prudente lorsqu’il recevra des renseignements auxquels il doit donner suite.

[Français]

L’emploi et le développement social

Le Programme des travailleurs étrangers temporaires

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Madame la Présidente, encore une fois, félicitations pour votre nomination.

Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Le Canada a besoin de main-d’œuvre immigrante et le Québec réclame des immigrants francophones. Haïti, un pays de la Francophonie, est très proche du Canada et sa diaspora est bien enracinée depuis plusieurs décennies.

Qu’attend le Canada pour ajouter Haïti à la liste des pays admissibles au Programme des travailleurs étrangers temporaires?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et de souligner l’importance de cet enjeu pour notre économie et notre société.

Le gouvernement sait que le Canada cherche des solutions rapides et efficaces pour répondre à la demande de travailleurs étrangers qualifiés et talentueux. Au moyen du budget de 2022, le gouvernement s’est engagé à verser 385,7 millions de dollars pour accélérer l’arrivée de travailleurs étrangers temporaires au Canada pour qu’ils occupent les postes vacants critiques sur le marché du travail.

Grâce au projet de loi C-19, le gouvernement a apporté des changements au programme Entrée express afin de tirer les candidats les mieux classés du bassin de candidatures, et il lève temporairement le plafond de 20 heures par semaine au nombre d’heures que les étudiants postsecondaires admissibles sont autorisés à travailler sur le campus pendant les cours.

Pour ce qui est de la question d’Haïti, je m’engage à informer le ministre responsable de votre suggestion et de vos préoccupations.

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

L’octroi de visas temporaires

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Merci pour votre réponse, sénateur Gold. Je pourrais faire une suggestion. Face à l’urgence humanitaire en Haïti, les États-Unis ont adopté une approche unilatérale au moyen d’un visa nommé H-1B1 pour accueillir les ressortissants haïtiens.

Face à cette urgence humanitaire, qu’est-ce qui empêche le Canada d’adopter une telle approche?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Quant à votre suggestion, je la porterai à l’attention du ministre.

(1500)

[Traduction]

Les finances

La mise en œuvre du budget

L’honorable Pamela Wallin : Je vous remercie, madame la Présidente, et je vous souhaite le meilleur pour la suite des choses. Vous êtes bien partie.

J’ai une question pour le sénateur Gold. Constitutionnellement, le Sénat a pour mandat d’étudier les textes législatifs et de les amender au besoin, le tout de manière consciencieuse. Pourtant, le gouvernement ne cesse de nous imposer des délais tout à fait arbitraires. La fixation de délai pour le projet de loi C-11 et la motion de programmation pour le projet de loi budgétaire en sont de bons exemples. Ces façons de faire nous empêchent nous, les sénateurs, d’honorer nos obligations. Le projet de loi d’exécution du budget est une mesure omnibus qui contient des dizaines d’initiatives qui pourraient constituer un projet de loi à part entière, comme la Loi sur la Corporation d’innovation du Canada, les modifications de taille à la Loi sur les transports au Canada, dont le processus de résolution des plaintes a été revu de fond en comble et que nombre de témoins ont déjà qualifié de non viable, ou encore les modifications à la Loi sur les brevets, à la Loi électorale du Canada ainsi qu’à la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social ou la prolongation unilatérale des paiements de péréquation.

Sénateur Gold, trouvez-vous vraiment que le délai qu’on nous accorde pour étudier un projet de loi regorgeant de mesures qui n’ont absolument rien à voir avec le budget est adéquat? Estimez-vous que les droits et privilèges des sénateurs et de la Chambre de second examen objectif sont respectés?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie. Je crois effectivement que le Sénat aura le temps d’étudier ce projet de loi, car c’est ce qu’il fait avec brio non seulement depuis que je suis ici, mais à chacun des cycles budgétaires depuis plusieurs dizaines d’années, c’est-à-dire avant même qu’aucun d’entre nous n’arrive ici.

Les projets de loi budgétaires arrivent presque toujours sur le tard, mais grâce à l’excellent travail des comités — celui des finances nationales, évidemment, mais pas seulement —, et à l’habitude qu’ils ont des études préalables, les sénateurs réussissent à mettre le doigt sur les problèmes et à les étudier.

Je suis donc convaincu que, malgré les délais serrés, nous réussirons à faire notre travail. Par ailleurs, non, je ne crois pas que nos privilèges soient compromis.

La sénatrice Wallin : Je crois que nous n’allons pas nous entendre sur ce point, car le travail de nos comités consiste justement à mener un examen exhaustif. Lorsqu’on ajoute à un projet de loi budgétaire des éléments qui devraient faire l’objet d’une mesure législative distincte — c’est ce que des témoins et des membres du comité nous disent —, nous n’avons pas le temps ni les moyens d’approfondir notre étude. Par conséquent, nous nous retrouvons dans une situation où nous ne pouvons pas, en toute légitimité, prétendre mener un second examen objectif. Je crois que cela enfreint nos droits et nos privilèges en tant que sénateurs. Ne voyez-vous pas le problème?

Le sénateur Gold : Eh bien, s’il s’agit d’une invitation à convenir que nous sommes en désaccord, alors j’accepte.

Je comprends la frustration lorsque nous sommes saisis de sujets complexes que nous devons traiter dans un délai précis en raison des cycles budgétaires. Je le comprends très bien. Mais ma réponse demeure la même, sénatrice, et en tout respect, je ne suis pas d’accord.

Énergie, environnement et ressources naturelles

Les travaux du comité

L’honorable Marty Klyne : Merci, madame la Présidente. Je vous offre mes sincères félicitations.

Ma question s’adresse à la sénatrice Galvez, présidente du Comité de l’environnement.

Sénatrice Galvez, le projet de loi S-241, la loi de Jane Goodall, est à l’étape de la deuxième lecture depuis près de 14 mois. Le principal objectif du projet de loi étant de protéger les animaux sauvages en captivité, il faut renvoyer le projet de loi au comité. Finies les tactiques dilatoires — les délais nous privent de témoignages de la part d’experts comme Jane Goodall, l’honorable Murray Sinclair, de scientifiques, de représentants de zoos et de groupes de protection des animaux. Chaque jour qui passe met en péril non seulement le bien-être des animaux, mais aussi la sécurité publique. Par exemple, sans le projet de loi, aucun permis n’est nécessaire en Ontario pour posséder des tigres, des crocodiles ou des serpents venimeux.

Le projet de loi S-241 serait administré par Environnement et Changement climatique Canada. Au cours des dernières années, pas moins de cinq comités sénatoriaux ont étudié le projet de loi, qui comprend la criminalité, y compris votre comité, qui s’est penché sur les projets de loi S-5 et S-6 l’an dernier.

En tant que présidente du Comité de l’environnement, pouvez‑vous confirmer que vous acceptez de faire l’étude de la loi de Jane Goodall et que le comité est disponible pour ce faire?

[Français]

L’honorable Rosa Galvez : Félicitations de ma part aussi, madame la Présidente, pour votre nomination.

[Traduction]

Je vous remercie de votre question, sénateur Klyne. Je vois deux aspects à cette question. L’un est d’ordre technique et l’autre, d’ordre procédural.

Pour ce qui est de l’aspect technique, je crois effectivement que le Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, le comité ENEV, est le bon comité pour l’étude du projet de loi S-241, car les questions qu’il soulève englobent la protection de la biodiversité, de la flore et de la faune. Vous avez raison de dire que, lors de l’étude du projet de loi S-5, nous avons parlé de la protection des animaux pendant que nous discutions de l’utilisation de substances toxiques dans le cadre de l’expérimentation animale. Par conséquent, le mandat du comité ENEV pourrait effectivement comprendre l’étude de ce projet de loi.

L’autre partie de votre question porte sur les raisons pour lesquelles le projet de loi ne nous est pas confié. Permettez-moi de dire que de nombreux sénateurs, dont vous et moi, qui ont déposé des projets de loi d’initiative parlementaire se demandent ce qu’il en advient. Il y a des discussions qui se déroulent lors des réunions d’organisation ou des réunions des leaders, et nous n’y avons pas accès parce que ces réunions ne sont pas publiques. Nous devons savoir ce qu’il en est.

[Français]

Son Honneur la Présidente : Avez-vous une réponse à la question, sénatrice Galvez?

[Traduction]

La sénatrice Galvez : Oui. Je pense que les travaux concernant le projet de loi, que ce soit au comité ENEV ou un autre, sont entravés parce que nous ne savons pas quand le projet de loi sera à l’ordre du jour. Merci.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je veux simplement vous rappeler que, conformément à l’article 4-8(1) du Règlement du Sénat :

Pendant la période des questions, tout sénateur peut, sans préavis, poser une question orale :

c) au président d’un comité concernant les activités de ce comité.

Je souhaite rappeler aux sénateurs qu’ils doivent poser une question concernant les activités du comité.

Avez-vous une question complémentaire à poser?

Le sénateur Klyne : J’en avais une, mais je suis heureux d’entendre que les activités du comité ont été confirmées et que la voie à suivre est claire. Merci.

[Français]

L’environnement et le changement climatique

L’accès à l’eau potable

L’honorable Claude Carignan : Félicitations, encore une fois, madame la Présidente, pour votre nomination.

Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Monsieur le leader, hier et aujourd’hui dans le journal La Presse sous la plume du journaliste Tristan Péloquin, une série d’articles percutants relatent, encore une fois, la triste saga entourant le traitement des déchets sur le territoire de Kanesatake, dans la région d’Oka. On y apprend, entre autres, que de nombreux produits toxiques se déversent tous les jours dans la nature, contaminant même deux cours d’eau et le lac des Deux Montagnes.

Je vous rappelle, sénateur, que le lac des Deux Montagnes et ses embranchements, la rivière des Mille-Îles et la rivière des Prairies, sont la source d’alimentation en eau potable des municipalités en aval, soit Pointe-Calumet, Sainte-Marthe-sur-le-Lac, Deux‑Montagnes, Saint-Eustache, Boisbriand, Blainville, Rosemère, Terrebonne, Laval, une partie de Montréal et plusieurs autres municipalités de la couronne nord de Montréal.

Monsieur le leader, je vous ai posé deux questions précises sur cet enjeu environnemental grave le 17 juin 2020 et le 1er octobre 2020. J’ai aussi posé des questions au ministre Miller, le 22 septembre dernier. Les réponses de votre gouvernement ont été évasives et, d’après ce que j’ai constaté, les actions ont été nulles.

Monsieur le leader, rien ne semble évoluer correctement dans cette saga qui n’en finit plus.

En tant que leader du gouvernement au Sénat, comment expliquez-vous que votre gouvernement se traîne lamentablement les pieds dans ce dossier névralgique pour la santé des citoyens du secteur et pour la protection de l’environnement?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question.

Avec tout mon respect, le gouvernement ne se traîne pas les pieds. Le gouvernement reconnaît qu’il s’agit d’une situation très grave. Je vais continuer à faire des démarches auprès du gouvernement pour m’assurer que les bonnes mesures sont prises pour le bien-être des citoyens et citoyennes des environs et pour l’environnement.

(1510)

Le sénateur Carignan : Votre gouvernement va-t-il, une fois pour toutes, s’attaquer à ce drame? Avec quel échéancier va-t-il restaurer le patrimoine environnemental de ce site, qui est actuellement une cicatrice ouverte et infectée et qui est considéré par plusieurs comme une véritable bombe environnementale?

Le sénateur Gold : Merci de votre question. Je vais m’assurer que vos préoccupations, qui sont tout à fait valides et légitimes, sont soumises à l’attention des ministres responsables.

[Traduction]

Le Bureau du Conseil privé

Les nominations par le gouverneur en conseil

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Votre Honneur, je souhaite ajouter ma voix à celles de mes collègues pour vous féliciter aujourd’hui. Je suis vraiment ravie que vous occupiez la présidence.

Ma question s’adresse au leader du gouvernement et fait suite aux récentes questions du sénateur Boisvenu sur l’incapacité du gouvernement Trudeau à nommer des juges.

Lorsque le ministre Lametti a été assermenté à titre de ministre de la Justice en janvier 2019, il y avait alors 58 vacances au sein de la magistrature fédérale à l’échelle du Canada. Selon les chiffres du gouvernement, au 1er mai, le nombre de postes de juges vacants était passé à 88.

Il y a un an, le gouvernement a répondu à une question inscrite au Feuilleton concernant les nouveaux postes de juges créés aux termes des budgets fédéraux de 2017, 2018 et 2019. La réponse donnée indiquait que 26 postes de juge n’avaient pas été créés.

Monsieur le leader, j’ai deux questions à poser. Combien de postes de juges annoncés dans ces budgets restent à pourvoir? Pourquoi le ministre Lametti trouve-t-il si difficile de pourvoir les postes de juge vacants, alors qu’il s’agit d’une tâche élémentaire qui relève de son mandat?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Comme je l’ai mentionné précédemment dans cette enceinte, le gouvernement a nommé plus de 600 juges depuis novembre 2015. À l’instar des sénateurs, les juges doivent obligatoirement prendre leur retraite à 75 ans, comme le prévoit la Constitution. Par conséquent, un certain nombre de vacances seront simplement créées au fil du temps.

Le gouvernement a mis en place un système pour s’assurer que les candidatures aux postes de juges soient examinées par un comité consultatif indépendant pour la magistrature et que les meilleures soient soumises à l’attention du ministre. Autrement dit, ce système vise à retenir les candidats qui correspondent le mieux aux besoins de la magistrature et également à la composition du pays. Le ministre Lametti continue de s’employer avec diligence à pourvoir les vacances qui restent.

La sénatrice Martin : Le problème n’est pas nouveau, monsieur le leader. La Cour suprême a rendu sa décision, l’arrêt Jordan, en juillet 2016. Comme l’a dit le sénateur Boisvenu, plusieurs poursuites pénales pour des crimes graves, y compris des meurtres au premier degré, ont dû être abandonnées en raison de cette décision. Or, le gouvernement Trudeau fait un travail tellement lamentable dans le dossier des postes à combler, que le juge en chef Wagner a déclaré que, partout au Canada, des juges en sont rendus à choisir les affaires criminelles qui « méritent le plus » d’être entendues.

Monsieur le leader, pourriez-vous vous renseigner sur le nombre d’affaires qui ont dû être abandonnées au Canada en raison du délai maximal de 18 ou 30 mois qui a été établi par l’arrêt Jordan? De plus, combien d’affaires risquent actuellement d’être abandonnées?

Le sénateur Gold : La décision d’abandonner ou non une affaire relève des juges, qui doivent tenir compte d’une multitude de facteurs. Chaque affaire est différente. Chacun des cas dépend d’une série de facteurs qui impliquent — au sens neutre — le rôle de la Couronne et de la défense, ainsi que d’autres questions qui se rapportent à l’administration de la justice. Il faut rappeler que le gouvernement libéral se fie à la magistrature qui, conformément à la Constitution, a l’obligation de mener des procès équitables dans les meilleurs délais. Pour ce qui est des postes vacants, comme je l’ai déjà dit, le gouvernement s’emploie activement à les pourvoir.

Les affaires étrangères

La non-prolifération nucléaire

L’honorable Marilou McPhedran : Je vous remercie, madame la Présidente. Je me permets d’ailleurs de vous féliciter et de vous dire à quel point je me réjouis de vous voir occuper le fauteuil.

Ma question s’adresse au sénateur Gold. Sénateur, je me vois dans l’obligation de vous exprimer la grande inquiétude que suscite chez moi la place de plus en plus prépondérante qu’occupe l’arme nucléaire dans les affaires du monde, comme en font foi les menaces voilées et la posture militaire et agressive de la Russie et de la Corée du Nord. Il y a quelques semaines à peine, le président Biden, des États-Unis, et le président Yoon, de la Corée du Sud, créaient avec la Déclaration de Washington le groupe de consultation sur l’arme nucléaire et le groupe élargi de consultation et de stratégie de dissuasion, lesquels sont censés, à ce qu’on nous dit, opérationnaliser la planification nucléaire et stratégique. Je signale que ces deux pays ont signé le Traité sur la non‑prolifération des armes nucléaires de l’ONU.

Ce genre d’attitude tend à normaliser la guerre nucléaire. J’en ai froid dans le dos.

Comme les sénateurs le savent déjà, le Sommet du G7 aura lieu bientôt à Hiroshima, une ville qui porte les cicatrices indélébiles de la dévastation nucléaire et où seuls quelques hibakusha, c’est-à-dire les survivants de la Seconde Guerre mondiale, vivent encore. Au lieu de nous faire progresser vers un monde sans arme nucléaire, les États-Unis, la Corée du Sud et divers autres États, dont le Canada et les membres de l’OTAN, tournent le dos aux promesses de sécurité et de paix pour brandir la menace de la dévastation nucléaire.

Sénateur Gold, que fait le gouvernement, sur le plan diplomatique, pour dénucléariser la péninsule coréenne? Le Canada s’emploiera-t-il à convaincre les pays du G7 de condamner les menaces nucléaires et de favoriser le désarmement, comme le veulent le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires et les traités sur le désarmement?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie d’avoir posé cette question et d’avoir souligné les risques bien réels que l’escalade de la rhétorique nucléaire fait peser sur notre sécurité et notre tranquillité d’esprit.

Le premier ministre, comme chacun sait, est actuellement en Corée du Sud pour rencontrer ses homologues. J’imagine que ce sujet, et bien d’autres encore, fera alors l’objet de discussions sérieuses.

La sénatrice McPhedran : Sénateur Gold, je vous remercie de votre réponse, que je considère comme incomplète. Seriez-vous en mesure de vous engager à vous renseigner davantage sur ce que le Canada compte réellement faire au prochain sommet du G7 face à l’escalade de la menace nucléaire?

Le sénateur Gold : Merci de votre question. Je suis certain que le gouvernement publiera un rapport sur ces réunions. Je ne manquerai pas de porter vos préoccupations à l’attention de la ministre et du premier ministre.

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les services de passeport

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Ma prochaine question, monsieur le leader, fait suite aux questions que j’ai posées jeudi concernant les changements apportés à nos passeports. Le ministre Fraser était présent lors de cette annonce la semaine dernière. Son ministère, le ministère de l’Immigration, accuse actuellement un arriéré de plus de 2 millions de demandes. Comme vous le savez, monsieur le leader, la sénatrice Ataullahjan vous a récemment interrogé sur les délais d’attente extrêmement longs pour l’obtention de visas de visiteur au Canada.

La ministre Gould est responsable de Service Canada, qui a de la difficulté à fournir des services de base aux Canadiens, notamment en ce qui concerne le traitement des demandes de passeports. À la même époque l’an dernier, on a fait intervenir la police pour disperser les personnes qui campaient pendant la nuit devant les bureaux dans l’espoir d’obtenir leur passeport. Avec du recul, on se rend compte que le gouvernement Trudeau travaillait, à l’époque, à modifier la conception du passeport, au lieu de déployer les efforts nécessaires.

Monsieur le leader, ces ministres n’ont-ils pas mieux à faire?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Les ministres travaillent d’arrache-pied pour assumer leurs responsabilités et exécuter les mandats que le premier ministre leur a confiés. Il s’agit notamment de fournir aux Canadiens un passeport amélioré et plus sûr afin de réduire les risques de fraude. Il s’agit également de renforcer des mesures, déjà en place, qui portent leurs fruits et continueront à le faire, afin d’accélérer le traitement des demandes de visas et de passeports.

Le sénateur Plett : Monsieur le leader, j’osais espérer que le gouvernement Trudeau aurait convenu de…

Son Honneur la Présidente : Malheureusement, sénateur Plett, la période des questions est terminée.

(1520)

Réponses différées à des questions orales

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer les réponses aux questions orales suivantes :

Réponse à la question orale posée au Sénat le 15 février 2023 par l’honorable sénatrice Martin, concernant la Banque de l’infrastructure du Canada.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 22 mars 2023 par l’honorable sénateur Carignan, c.p., concernant les médias sociaux.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 28 mars 2023 par l’honorable sénatrice McPhedran, concernant les objectifs de développement durable des Nations Unies.

L’infrastructure

La Banque de l’infrastructure du Canada

(Réponse à la question posée le 15 février 2023 par l’honorable Yonah Martin)

Infrastructure Canada

La consultation publique a pris fin le 31 mars 2023; toutefois, en raison de l’intérêt démontré par les intervenants, les représentants d’Infrastructure Canada ont continué de rencontrer les parties intéressées et de recevoir des commentaires par écrit en avril. La phase d’engagement des intervenants externes de l’examen législatif des dispositions et du fonctionnement de la Loi sur la Banque de l’infrastructure du Canada a débuté le 8 novembre 2022, date à laquelle elle a été largement communiquée lors d’une réunion fédérale, provinciale et territoriale à laquelle ont participé des ministres, des sous-ministres et des sous-ministres délégués. Dans le cadre de leur travail, les représentants d’Infrastructure Canada ont envoyé de nombreuses invitations à un vaste éventail d’intervenants, dont des prêteurs, des promoteurs, divers partenaires gouvernementaux (municipaux et provinciaux), des groupes autochtones et diverses organisations, y compris le Syndicat canadien de la fonction publique, et tenu des réunions et des tables rondes avec les intervenants qui ont accepté l’invitation.

Des renseignements sur l’examen législatif, y compris sur la façon dont le grand public et d’autres parties intéressées pouvaient faire part de leurs points de vue, ont été disponibles sur le site Web d’Infrastructure Canada et sur le site Consultations auprès des Canadiens, avec une date d’échéance du 31 mars 2023. L’examen a été publicisé sur les comptes de réseaux sociaux du Ministère et par l’entremise de tiers selon les disponibilités.

La sécurité publique

Les médias sociaux

(Réponse à la question posée le 22 mars 2023 par l’honorable Claude Carignan)

Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT) :

La Politique sur les communications et l’image de marque (https://www.tbs-sct.canada.ca/pol/doc-fra.aspx?id=30683) et la Directive sur la gestion des communications (https://www.tbs-sct.canada.ca/pol/doc-fra.aspx?id=30682) qui l’accompagne ne prescrivent pas le type de média utilisé dans la publicité du GC. Les ministères sont responsables de la gestion du budget de leurs campagnes publicitaires, y compris du choix des médias, qui est déterminé en fonction des objectifs de la campagne, du public cible, du calendrier et du budget.

Les ministères sont encore autorisés à faire de la publicité sur TikTok s’ils estiment qu’il s’agit d’une plateforme nécessaire pour atteindre les Canadiens. Ils ne sont pas tenus d’avoir un compte sur TikTok pour y faire de la publicité.

Bien que le gouvernement ait décidé d’empêcher l’utilisation de TikTok sur les appareils mobiles du gouvernement, les Canadiens et les organisations canadiennes doivent prendre une décision éclairée quant à l’utilisation de l’application en fonction de leurs propres besoins et de leur évaluation des risques.

Pour les aider à prendre ces décisions, le Centre canadien de cybersécurité (Centre pour la cybersécurité) du Centre de la sécurité des télécommunications a récemment publié une mise à jour de ses conseils et orientations concernant l’utilisation des médias sociaux personnels. Cette publication vient s’ajouter aux conseils et orientations toujours pertinents du Centre pour la cybersécurité sur les considérations de sécurité à prendre en compte lors de l’utilisation des médias sociaux au sein d’une organisation (https://www.cyber.gc.ca/fr/orientation/facteurs-considerer-lors-de-lutilisation-des-medias-sociaux-dans-votre-organisation).

Les affaires étrangères

Les objectifs de développement durable des Nations unies

(Réponse à la question posée le 28 mars 2023 par l’honorable Marilou McPhedran)

Affaires mondiales Canada (AMC)

Le Canada a fait ses preuves en ce qui concerne le soutien à l’égalité des genres et au renforcement du pouvoir des femmes et des filles. En mettant en œuvre la Politique d’aide internationale féministe, le Canada a considérablement bonifié ses investissements pour faire progresser l’égalité des genres et a contribué à la réalisation des objectifs de développement durable des Nations Unies. L’Organisation de coopération et de développement économiques continue de reconnaître le Canada comme étant le plus important donateur bilatéral quant à la part globale de l’aide soutenant l’égalité des genres.

L’aide internationale apportée par le Canada dans le cadre de cette politique a permis d’obtenir des résultats vitaux et d’améliorer la vie des femmes et des filles. Cependant, Affaires mondiales Canada est d’accord avec le Bureau du vérificateur général : il doit en faire davantage pour rendre compte de ses résultats à cet égard, ainsi que pour communiquer les résultats. Le plan d’action de la direction d’Affaires mondiales Canada énoncera clairement les mesures concrètes prises pour combler les lacunes soulevées par le rapport.

Ces mesures comprennent entre autres la mise en place d’un système de collecte des renseignements permettant au Ministère de faire un meilleur suivi des résultats et d’en faire rapport de façon plus précise, de procéder à un examen des indicateurs de rendement pour veiller à ce que le Canada reflète les résultats obtenus, de rendre compte de manière plus approfondie des effets cumulatifs des projets d’aide internationale et de tenir compte de facteurs identitaires intersectionnels dans le cadre de la réalisation des évaluations relatives à l’égalité des genres à l’échelle des projets.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées

Projet de loi modificatif—Adoption du douzième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

Le Sénat passe à l’étude du douzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (projet de loi C-22, Loi visant à réduire la pauvreté et à renforcer la sécurité financière des personnes handicapées par l’établissement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées et apportant une modification corrélative à la Loi de l’impôt sur le revenu, avec des amendements et des observations), présenté au Sénat le 11 mai 2023.

L’honorable Ratna Omidvar propose que le rapport soit adopté.

 — Votre Honneur, permettez-moi de vous féliciter moi aussi à l’occasion de votre nomination. Nous avons hâte de bénéficier de votre leadership stable et calme.

Le projet de loi C-22 est un projet de loi gouvernemental vraiment important. Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a consacré 10 séances à l’étude du projet de loi C-22, dont sept à écouter 44 témoins. Outre les témoignages entendus pendant ses séances, le comité a aussi reçu 48 mémoires, sept suivis et deux lettres.

Le comité souhaite remercier les nombreux Canadiens qui ont pris le temps de communiquer avec nous, de nous sensibiliser à leurs expériences avec un handicap et de nous partager leur point de vue sur le projet de loi C-22. Leurs réflexions ont grandement aidé le travail du comité dans le cadre de cette étude.

Au début de notre étude, la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes handicapées, l’honorable Carla Qualtrough, a informé le comité de la quantité de travail et de consultations qui avait été consacrée à l’élaboration du projet de loi dont nous étions saisis. La ministre a confirmé son engagement à l’égard du principe du « rien ne doit se faire sans nous », qui a prévu et continuera de prévoir la participation des personnes handicapées dans l’élaboration et la mise en œuvre de la prestation canadienne pour les personnes handicapées qui est proposée.

Le comité a aussi été informé de l’importance d’examiner soigneusement l’idée de proposer des amendements, car tout amendement signifierait nécessairement un renvoi à la Chambre des communes.

C’est après avoir mûrement réfléchi que le comité fait rapport du projet de loi avec des propositions d’amendement.

Le comité a entendu les préoccupations de nombreux témoins au sujet de la possibilité que la prestation fasse l’objet d’une récupération lorsqu’elle est jumelée à d’autres prestations et mesures de soutien du revenu, notamment par les assureurs privés.

Hart Schwartz, professeur adjoint à la Faculté de droit Osgoode Hall, a déclaré ce qui suit :

Ce n’est pas un avantage si les assureurs privés de tout le pays, dans différentes provinces, peuvent compenser le montant, de sorte que, en fait, vous ne recevez aucune prestation d’invalidité.

Par conséquent, le comité a adopté un amendement à l’article 9 en utilisant un libellé semblable à celui proposé par plusieurs témoins et approuvé par les associations d’avocats plaidants de partout au Canada. L’amendement précise que les prestations ne peuvent être récupérées ou conservées en tout ou en partie selon les conditions de tout contrat, régime d’assurance ou instrument semblable.

Tout au long de l’étude, les témoins ont exprimé l’importance d’intégrer un processus d’appel explicite à la loi. Nous avons entendu Adrian Merdzan, du Centre d’action pour la sécurité du revenu, dire que le risque de ne pas prévoir un processus d’appel dans la loi, c’est qu’« un mécanisme d’appel inaccessible peut en fait être mis sur pied » dans l’avenir. Par conséquent, le comité a adopté un amendement visant la création du nouvel article 10.1, qui permettrait à une personne, ou à quelqu’un qui présente une demande en son nom, d’interjeter appel des décisions du ministre concernant son admissibilité ou le montant de la prestation.

Le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes a amendé le projet de loi C-22 de façon à obliger le gouverneur en conseil à tenir compte du seuil de pauvreté officiel, tel que le définit la mesure du panier de consommation.

Toutefois, les témoins ont indiqué au comité que par rapport à la moyenne des gens le coût de la vie est souvent plus élevé pour les personnes handicapées. La vice-présidence à la direction d’Inclusion Canada, Krista Carr, a déclaré ceci : « Nous devons reconnaître que les personnes handicapées font face à des coûts supplémentaires. » Parfois, la différence est de 30 % à 40 %.

Les témoins ont aussi dit que, malgré l’approche « Rien ne doit se faire sans nous » et les vastes consultations dans l’ensemble du Canada, d’autres obstacles à la consultation et à l’inclusion mettent encore à l’écart certaines personnes handicapées marginalisées. La vice-présidente de l’ASE Fondation communautaire pour les Canadiens noirs handicapés, Jheanelle Anderson, affirme que « les identités croisées influent vraiment sur l’expérience personnelle des handicaps ».

Le comité a donc ajouté à l’article 11 que le gouverneur en conseil doit tenir compte des coûts supplémentaires associés au fait de vivre avec un handicap, de la difficulté qu’ont les personnes handicapées à gagner un revenu d’emploi, des besoins intersectionnels des personnes et des groupes défavorisés et des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne.

En raison de cet amendement, le comité a aussi ajouté ce qui suit au préambule : « [...] que les personnes handicapées peuvent être confrontées à des obstacles supplémentaires du fait de leur genre, de leur statut de personne racisée ou d’Autochtone, ou d’autres statuts intersectionnels qu’ils peuvent avoir. »

Tous les témoins entendus par le comité estiment que la prestation canadienne pour les personnes handicapées devrait être versée le plus rapidement possible aux personnes admissibles. Comme l’a dit le directeur des communications de la Down Syndrome Resource Foundation, Glen Hoos : « [...] les prestations devraient être versées le plus rapidement possible, et même plus vite encore. »

Voilà pourquoi le comité a décidé d’amender l’article 11 afin d’exiger que, dans les 12 mois suivant l’entrée en vigueur du projet de loi, le gouverneur en conseil prenne les règlements nécessaires pour que les versements puissent débuter.

Le comité de la Chambre avait modifié la date d’entrée en vigueur du texte législatif afin qu’elle survienne au plus tard un an après la sanction royale, mais il n’a accordé les pouvoirs correspondants à personne. Selon un représentant d’Emploi et Développement social Canada, cette condition est pour ainsi dire impossible à respecter si le gouverneur en conseil n’a pas le pouvoir de mettre la loi en vigueur avant l’expiration du délai.

Voilà pourquoi le comité a adopté un amendement qui permet au gouverneur en conseil de fixer une date au plus tard un an après la sanction royale.

Outre ces amendements, le comité a aussi formulé sept observations. Il a notamment recommandé qu’en plus de soumettre la conception et la mise en œuvre de la prestation canadienne pour les personnes handicapées à un processus de consultation basé sur le modèle « Rien sans nous », la communauté de personnes vivant avec un handicap soit représentée dans toute sa diversité, et que les voix les plus marginalisées soient également impliquées dans toutes les étapes du processus décisionnel.

Nous craignons que la limitation de la prestation aux personnes handicapées en âge de travailler perpétue la pauvreté parmi les personnes handicapées de plus de 65 ans, en particulier les femmes, et que, lorsque la Sécurité de la vieillesse devient disponible à 65 ans, cela entraîne une réduction de revenu pour les personnes âgées handicapées.

Nous recommandons que les personnes ayant une maladie mentale soient explicitement impliquées dans l’élaboration des règlements de sorte que le spectre complet des handicaps, y compris l’invalidité épisodique due à une maladie mentale, soit pris en compte.

Nous insistons sur l’importance de respecter l’autonomie nécessaire de la personne en situation de handicap à mener sa propre vie en toute dignité ainsi que de reconnaître qu’une façon de prévenir certaines formes de violence envers une personne en situation de handicap est de lui donner une sécurité financière. Enfin, nous recommandons au gouvernement de se fonder sur le revenu de la personne pour déterminer l’admissibilité de celle-ci à la prestation, et non sur celle de la famille ou du ménage.

(1530)

Chers collègues, je remercie tous les membres du Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui ont accordé toute leur attention à cet important projet de loi. Je tiens également à remercier l’excellente greffière du comité, Emily Barrette, ainsi que l’analyste de la Bibliothèque du Parlement, Laura Blackmore, de leur soutien dans nos travaux. Merci, Votre Honneur.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence, et le rapport est adopté.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Cotter, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Le discours du Trône

Motion d’adoption de l’Adresse en réponse—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence la gouverneure générale du Canada :

À Son Excellence la très honorable Mary May Simon, chancelière et compagnon principal de l’Ordre du Canada, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite militaire, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite des corps policiers, gouverneure générale et commandante en chef du Canada.

QU’IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :

Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu’elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.

L’honorable Mary Jane McCallum : Merci, Votre Honneur, je vous félicite également.

Avant de commencer, je tiens à remercier James Campbell, de mon bureau, des nombreux services qu’il m’a rendus au cours des dernières années.

Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la motion no 1 du gouvernement, qui présente les remerciements du Sénat du Canada à Son Excellence la gouverneure générale pour le discours du Trône.

Un des principaux thèmes du discours du Trône prononcé en novembre 2021 était le renouvellement de l’engagement envers l’importance de la réconciliation. Ce n’est évidemment pas une surprise, puisque le premier ministre Trudeau a affirmé clairement que, pour le Canada et pour lui, qu’il n’y avait pas de relation plus importante que la relation avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis au Canada.

La partie du discours du Trône qui portait sur la réconciliation a peut-être été un peu plus lourde de sens puisqu’elle a été prononcée par Son Excellence Mary Simon, une Inuite qui est, nous le savons, la première Autochtone nommée au poste de gouverneure générale de l’histoire du Canada. Je suis d’accord avec la gouverneure générale sur ce qu’elle a dit dans son discours :

J’ai déjà constaté l’engagement de la population canadienne envers la réconciliation. Les peuples autochtones se réapproprient leur histoire, leurs récits, leur culture et leur langue de manière concrète. Les non autochtones comprennent désormais et acceptent le véritable impact du passé et la souffrance subie par des générations d’Autochtones. Ensemble, ils avancent sur la voie de la réconciliation.

Honorables sénateurs, Son Excellence a évoqué les gestes de réconciliation qui sont posés à l’échelle du Canada, et je vois, au sein même de notre institution, des lueurs de ce même espoir et de cette vision commune d’un avenir meilleur et plus équitable. Il n’y a peut-être pas de meilleur exemple de cet espoir que l’adoption par notre assemblée d’une motion présentant des excuses pour le rôle que le Sénat du Canada a joué dans la création du système des pensionnats.

Comme vous le savez, chers collègues, j’ai prononcé dans cette enceinte des discours qui étaient, pour moi, très émotifs. Ils portaient sur des aspects extrêmement difficiles de ma vie qui m’ont néanmoins permis de grandir, et je suis devenue plus forte en faisant part de ces expériences. Comme vous vous en souvenez peut-être, ces discours portaient sur divers enjeux, notamment les pensionnats, les tombes anonymes et les châtiments corporels. J’y évoquais également la perte de la langue, de la culture et de l’identité personnelle.

En dépit de ces moments de vulnérabilité et de douleur, j’ai toujours bénéficié de l’appui et de la compassion de mes collègues sénateurs, toutes allégeances confondues. Les sénateurs autochtones et non autochtones ont manifesté un sincère intérêt à écouter, comprendre et remettre en question leurs notions préconçues sur l’histoire de notre pays ainsi que leur compréhension des Premières Nations qui considéraient cette terre comme la leur.

Chers collègues, je reconnais qu’il est souvent difficile d’avoir ce genre de conversations. Une grande partie de cette difficulté réside dans le fait que beaucoup d’entre elles sont nouvelles. Elles ne nous sont pas familières, et ce manque de familiarité s’accompagne d’un malaise qu’il faut accepter. Dans l’ensemble, j’ai constaté que le Sénat est disposé à accueillir de nouvelles façons de connaître, de penser et de voir le monde.

Alors que les Canadiens de notre grand pays et les sénateurs de cette auguste enceinte continuent de faire face à l’histoire des premiers peuples et au traumatisme intergénérationnel que ceux-ci portent encore aujourd’hui, un sentiment de culpabilité prédomine. Culpabilité dans la conviction que le pays aurait dû faire preuve de discernement, plutôt que de créer et de maintenir des politiques aussi horriblement discriminatoires. Culpabilité parce qu’ils auraient dû, en tant que Canadiens, mieux connaître l’histoire de la terre qu’ils considèrent comme leur patrie.

Honorables sénateurs, à cet égard, j’aimerais réitérer les paroles que Son Excellence Mary Simon a prononcées dans le discours du Trône :

Nous devons transformer la culpabilité qui nous accable en actions concrètes.

Actions en faveur de la réconciliation.

Actions en faveur de notre santé et de notre bien-être collectifs.

Actions contre les changements climatiques.

Il est absolument essentiel, chers collègues, que nous souscrivions à l’importance de promouvoir la réconciliation et un avenir plus juste et plus équitable pour tous ceux qui vivent sur ce territoire. Tant que nous ne saisirons pas toutes les occasions de défendre cette cause, les indicateurs de la santé de la population, qui sont appelés les déterminants sociaux, tireront de plus en plus de l’arrière pour les Premières Nations au Canada. La gouverneure générale Mary Simon a abondé dans ce sens lorsqu’elle a lu ce qui suit :

La réconciliation exige une approche de l’ensemble du gouvernement dans un effort pour supprimer les obstacles et repenser la façon d’accélérer le travail.

[...] le gouvernement est résolu à combler les lacunes encore présentes dans trop de communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

À cette fin, Son Excellence a également déclaré que les Canadiens veulent que les parlementaires trouvent :

[...] des solutions audacieuses et concrètes pour relever les autres défis.

Faire croître une économie qui profite à tous.

Lutter contre les changements climatiques.

Poursuivre la réconciliation.

S’assurer que nos collectivités soient sécuritaires, saines et inclusives.

Honorables sénateurs, dans le discours du Trône, Son Excellence a parlé en détail d’une partie des enjeux auxquels notre nation fait face — qui sont dans certains cas existentiels — et de la voie à suivre pour nous en sortir. Au sujet de l’environnement, la gouverneure générale a dit ce qui suit :

Protéger nos terres et nos océans va aider à contrer les pertes de biodiversité. À cet égard, le gouvernement continuera de renforcer son partenariat avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis pour protéger la nature et respecter leurs connaissances traditionnelles.

S’agissant de racisme et de discrimination — des enjeux énormes et insidieux dans notre société — la Gouverneure générale a dit ceci :

Lorsqu’une personne, dans notre pays, est ciblée en raison de son genre, de la personne qu’elle aime, de son origine, de la façon dont elle prie, de la langue qu’elle parle ou de la couleur de sa peau, nous sommes tous affaiblis.

Tous doivent être en sécurité et se sentir en sécurité.

Le gouvernement continuera de combattre la haine et le racisme, notamment avec une version renouvelée de la stratégie de lutte contre le racisme.

La Gouverneure générale a ajouté :

Les Canadiens comprennent que l’égalité, la justice et la diversité constituent à la fois la fin et les moyens pour vivre ensemble.

La lutte contre le racisme systémique, le sexisme, la discrimination, les inconduites et la violence, y compris dans nos propres institutions, demeurera une grande priorité.

Honorables sénateurs, voilà des paroles profondes et de nobles objectifs. Nous devons travailler en ce sens, car il s’agit d’objectifs essentiels que nous devons atteindre non seulement pour améliorer le présent, mais aussi et surtout pour améliorer le sort des sept prochaines générations.

(1540)

Pour atteindre ces objectifs, il existe déjà plusieurs outils essentiels auxquels notre assemblée doit s’intéresser. Certains outils affirment l’égalité entre les sexes, d’autres visent à atténuer les dommages à l’environnement et d’autres encore cherchent à éliminer le racisme dans les systèmes de santé ou le racisme environnemental dans l’ensemble du pays. Chers collègues, ces outils sont essentiels pour la réconciliation; dans bien des cas, ils sont aussi — au sens fort du terme — une question de vie ou de mort.

La réconciliation, la discrimination, la lutte contre les changements climatiques, la bonne gestion de l’environnement ne sont pas de simples monnaies d’échange. Il ne s’agit pas de questions frivoles que nous devons laisser sombrer dans les jeux politiques ou la partisanerie. Non. Ces questions sont essentielles à la survie et au bien-être des personnes les plus vulnérables de notre société. Il s’agit de questions fondamentales pour la santé et la survivance même de nos terres, des animaux et du milieu dans lequel nous vivons.

Quand des enjeux de cette nature sont laissés en suspens sans résolution, il faut se regarder dans le miroir et se demander pourquoi il en est ainsi. Le Sénat a la capacité de faire énormément de bien. Or nous nous mettons nous-mêmes trop souvent des bâtons dans les roues, au détriment de tous ceux qui considèrent le Canada comme leur patrie.

En terminant, honorables sénateurs, j’aimerais citer encore une fois Son Excellence la très honorable Mary Simon, qui a déclaré ceci dans le discours du Trône :

Chaque jour est porteur d’espoir. La réconciliation n’est pas un geste ponctuel assorti d’une échéance. La réconciliation est le cheminement de toute une vie vers la guérison, le respect et la compréhension.

Par conséquent, chers collègues, j’aimerais que nous assumions notre rôle à titre de catalyseurs du changement et que le principe de la réconciliation soit la pierre angulaire dans notre système de valeurs alors que nous remplissons, chacun à notre façon, le rôle crucial qui nous a été confié en tant que membres de la Chambre haute du Canada.

Kinanâskomitin. Merci.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la responsabilité et le registre des agents d’influence étrangers

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénateur Wells, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-237, Loi établissant le registre des agents d’influence étrangers et modifiant le Code criminel.

L’honorable David Richards : Toutes mes félicitations, Votre Honneur.

Honorables sénateurs, le débat sur ce point a été ajourné au nom de la sénatrice Clement, et je demande le consentement du Sénat pour que, à la suite de mon intervention, le reste de son temps de parole lui soit réservé.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?

Il en est ainsi ordonné.

Le sénateur Richards : Je vous remercie.

Même si je suis le porte-parole de mon groupe parlementaire au sujet de ce projet de loi sénatorial, je serai très bref. J’y suis plutôt favorable. Cette mesure législative a été présentée par le sénateur Housakos.

Honorables sénateurs, je suppose qu’un pays doit avoir la force morale nécessaire pour subsister et défendre ses propres principes, quelles que soient les circonstances, mais aussi pour les protéger contre ceux qui veulent lui faire du tort. Il faut savoir que certains pays cherchent à tirer profit de nous et à nous causer du tort. Nous devons donc être vigilants.

Il arrive parfois qu’un pays soit assailli de l’intérieur par des mécontents. Parfois, il l’est de l’extérieur par des ennemis. Rester sourd à cette idée, c’est laisser libre cours à l’insatisfaction interne et aux offensives externes. Selon moi, ce projet de loi nous demande ni plus ni moins de décider si notre pays doit se protéger contre les forces externes. Dans le contexte actuel, pour une raison que je m’explique mal, cette question semble bien complexe.

Laisserions-nous un voisin entrer dans notre foyer pour y menacer notre famille? De la façon la plus élémentaire, voilà la question qui nous est posée, et voilà ce qui s’est passé au cours des dernières années.

Je pense qu’il n’est pas exagéré de demander que les agents étrangers s’inscrivent à un registre et qu’il n’est pas déraisonnable d’adopter une telle position. Pour protéger ses citoyens, un pays doit être conscient que ceux-ci ont le droit d’être protégés contre une influence prédatrice. Il n’est pas non plus déraisonnable de dire que, pour notre pays, négliger cette obligation, ne serait-ce qu’un peu, revient à négliger son devoir envers les citoyens, devoir qui lui incombe à titre de pays doté de sa propre Constitution, de ses propres frontières et de ses propres lois.

Je suppose que cela dépend du pays que nous voulons bâtir et des normes que nous exigeons de nous-mêmes. Nous pourrions donc poser la question suivante : si nous pataugeons dans un abîme de normes modifiées, s’il y a du retard dans la livraison de nos navires actuellement, si nos avions sont dépassés depuis des années, si nos militaires — aussi courageux et compétents qu’ils soient et qu’ils aient toujours été — ne correspondent pas une division, et si nos obligations envers l’OTAN sont à leur plus bas, répondrons-nous que c’est vrai? Si oui, qu’est-ce que cela dit à propos de ce que nous sommes comme nation et comme peuple ?

Peut-être cela signifie-t-il que nous ne comprenons pas vraiment les obligations qu’ont les citoyens envers leur pays, le reste du monde et les alliés qui comptent continuellement sur nous. Est-ce que ceux qui se trouvent à nos portes sont prêts à nous faire du mal? Il y a lieu de se le demander.

Un registre de ceux qui travaillent pour le compte d’un gouvernement étranger est à la fois sensé et pratique. On en retrouve dans les pays où ceux qui travaillent pour le compte d’autres nations sont tenus responsables de leurs actions. Je pense que ce n’est ni terrible ni raciste. Il s’agit d’une pratique saine visant à protéger sa nation et son peuple du bellicisme étranger.

Si la protection de nos propres concitoyens face à la Chine ou à d’autres nations constitue une horreur, alors pourquoi la Chine et d’autres nations la pratiquent-elles contre tant d’autres?

L’administration canadienne est habitée par l’idée peu pratique que la meilleure façon de résoudre une crise donnée est de ne jamais y répondre en temps utile. Au cours des dernières années, je crois que plus d’un pays s’est appuyé sur cette aberration. Elle est évidente dans le Nord, à portée de vue de nos frontières et, parfois, au large de la côte atlantique avec d’autres flottes de pêche.

Je reviendrai toutefois sur le premier point : nous devons décider si nous sommes un pays et non une nation postnationale. C’est aussi simple, aussi profond et aussi existentiel que cela. Si nous sommes une nation, nous devons être vigilants et honorer notre engagement envers elle et envers nos concitoyens, quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent : Premières Nations, Français, Anglais, Chinois ou Japonais.

Permettez-moi de faire une analogie avec le hockey. J’ai dit un jour à Ron MacLean, au sujet de notre sport national : « Nous devenons une nation dès que la rondelle est mise au jeu. » En effet, personne n’a jamais eu à expliquer aux Canadiens pourquoi ils sont sur la glace. J’aimerais que nous fassions preuve de la même ténacité, de la même audace et du même sens de l’honneur en affirmant notre État démocratique et nos valeurs démocratiques.

Un registre des agents étrangers permettrait simplement de vérifier qui travaille pour le compte d’une entité étrangère. Je ne propose pas de traiter ces personnes de manière irrespectueuse. Je souhaite que, s’il y a une injustice, elle soit signalée et qu’une sanction s’ensuive.

Je terminerai par une note sur une bataille qui s’est déroulée il y a longtemps. Elle me rappelle qui nous étions autrefois. À Ypres, en 1915, la première fois que les Allemands ont utilisé des gaz, les Canadiens ont tenu leur position alors que tout le monde fuyait autour d’eux. Ils étaient les seuls à ne pas abandonner la tranchée. Ils ont tenu la ligne. Ils l’ont fait parce qu’ils sentaient que c’était leur devoir, et ils ont refusé de rompre les rangs et de s’enfuir. C’étaient des Canadiens de toutes les races : Chinois, Premières Nations, Anglais et Français. Ils ont tenu bon, comme ce fut le cas à la plage Juno et en Corée.

(1550)

Pour les honorer, nous devons être vigilants et ne jamais renoncer à notre position ni à notre amour de la patrie. À cet égard, et à la lumière de ce qui s’est passé à cause de l’ingérence étrangère au cours des cinq dernières années, je demande que ce projet de loi soit renvoyé à un comité dans les plus brefs délais.

Merci.

(Le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi sur les aliments et drogues

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Brazeau, appuyée par l’honorable sénateur Housakos, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-254, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (étiquette de mise en garde sur les boissons alcoolisées).

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-254, proposé par l’honorable sénateur Brazeau.

Ce projet de loi vise à modifier la Loi sur les aliments et drogues du Canada pour que l’étiquetage des boissons alcoolisées diffuse l’information scientifique la plus à jour. Les sénateurs Brazeau, Cordy, Miville-Dechêne et Richards ont pris la parole à l’étape de la deuxième lecture sur ce projet de loi. J’ajoute ma voix aux leurs en espérant que nous renverrons promptement ce projet de loi au comité pour qu’il y soit étudié. Ne tardons plus à faire ce qu’il se doit pour améliorer la vie et la santé de la population.

À la lecture du préambule, trois questions surgissent à l’esprit. Quel lien existe-t-il entre l’alcool et les différents cancers? Est-ce que l’étiquetage est un moyen efficace pour informer le public? Comment pourrait-on bonifier ce projet de loi, au bénéfice de la santé du public et des consommateurs?

Avant d’établir le lien scientifiquement démontré entre l’alcool et les cancers, j’aimerais partager avec vous quelques données sur les principales causes de mortalité, afin de mieux comprendre la pertinence du projet de loi et l’urgence d’agir.

Vous entendrez plusieurs noms de maladies et de cancers. Je ne veux pas être alarmiste. Cependant, je vais dire les choses telles qu’elles sont rapportées dans la littérature médicale actuelle.

Au Canada, environ 300 000 personnes meurent chaque année, toutes causes confondues. En 2020, les tumeurs malignes représentaient plus de 80 000 de ces 300 000 décès. Les chiffres recueillis par Statistique Canada indiquent que les cancers sont toujours au premier rang des principales causes de décès, et que l’alcool est indirectement responsable de plus d’un décès sur quatre — de là l’urgence d’agir au Canada.

De plus, on a vu des augmentations notables du nombre et du taux de décès associés à la consommation d’alcool en 2020. Particulièrement chez les personnes âgées de moins de 45 ans, le nombre de décès directement causés par l’alcool a augmenté de 50 %. De nombreuses maladies sont causées par l’usage chronique de l’alcool, notamment la gastrite alcoolique, la cirrhose du foie, les pancréatites, et cetera.

Notez bien que les maladies que je viens de vous citer sont responsables de décès à long terme. Il y a aussi les décès immédiats, comme les accidents de la route, dans lesquels l’alcool est un facteur déterminant.

De plus, il existe un lien prouvé entre la consommation d’alcool et les actes d’agression et de violence.

Qu’a-t-on fait concrètement pour agir? Le gouvernement canadien a mandaté le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, le CCDUS, pour réaliser des études et lui soumettre des rapports contenant des recommandations basées sur la science. Le CCDUS a produit un rapport intitulé Ce que nous avons entendu : mise à jour du Cadre national d’action pour réduire les méfaits liés à l’alcool et aux autres drogues et substances au Canada. Ce titre est long, mais il s’agit bien du titre. Ce rapport est le résultat de consultations menées auprès de plus de 170 intervenants au Canada dans le but de mettre à jour le cadre national.

Le Cadre national d’action pour réduire les méfaits liés à l’alcool et aux autres drogues et substances au Canada existe depuis près de 20 ans. Sa vision, c’est que toutes les personnes peuvent vivre dans une société exempte des conséquences négatives de ces substances.

Parmi les principes du cadre d’action, on peut voir que l’action doit être fondée sur les connaissances et les données probantes et évaluée en fonction des résultats. Le rapport final de janvier 2023 sur les Repères canadiens sur l’alcool et la santé en a fait sursauter plus d’un. Il s’agit d’un tournant majeur. On parlait auparavant d’une approche prescriptive, et on se tourne maintenant vers une approche restrictive.

Plutôt que de suggérer un nombre de consommations par jour ou par semaine, on affirme maintenant que boire moins, c’est mieux. Contrairement à ce qui était véhiculé par Éduc’alcool au Québec, la modération n’a plus meilleur goût.

Aucune quantité d’alcool n’est considérée comme bonne pour la santé. Ce rapport mérite qu’on s’y attarde. Les repères sont fondés sur le principe d’autonomie en matière de réduction des méfaits. L’idée fondamentale, c’est que la population canadienne a le droit de savoir. En plus des maladies chroniques que j’ai citées plus tôt, l’alcool est lui-même une substance cancérigène. Il peut causer au moins sept types de cancers, et ceci est encore inconnu du public. Les plus récentes données révèlent que la consommation d’alcool cause près de 7 000 décès par cancer chaque année au Canada. La plupart des cas sont notamment les cancers du sein, de la région colorectale, du foie et de la région oropharyngée.

Selon la Société canadienne du cancer, boire moins d’alcool est l’une des principales habitudes de vie que l’on doit adopter pour prévenir le cancer.

Le rapport du CCDUS fait écho au projet de loi S-254 en disant ce qui suit, et je cite :

Les personnes au Canada ont d’abord et avant tout besoin d’information cohérente et facile à utiliser afin de pouvoir compter le nombre de verres standards qu’elles boivent. Elles ont également droit à des informations claires et accessibles sur les considérations de santé et de sécurité des produits qu’elles achètent.

L’une des retombées directes de ce projet de loi, ainsi qu’un changement de politique particulièrement efficace, pourrait être l’étiquetage obligatoire de toutes les boissons alcoolisées. On s’attendrait que l’étiquetage affiche notamment le nombre de verres standards par contenant, les Repères canadiens sur l’alcool et la santé et les mises en garde sur le plan de la santé.

Une autre étude effectuée par le CCDUS, en collaboration avec le Centre de toxicomanie et de santé mentale, rapporte un lien entre la consommation d’alcool et les actes d’agression et de violence.

Je suis bien consciente qu’il s’agit d’un changement réel de paradigme qui doit s’opérer pour nous libérer de notre dépendance collective à l’alcool. Cette dépendance est bien enracinée dans nos us et coutumes. On invite bien un ami ou nos collègues à aller prendre un verre. Certains revendiquent même le droit ou le devoir de boire, comme c’était le cas il y a quelques années avec le droit de fumer. Cependant, nos certitudes d’hier sur les bénéfices allégués de l’alcool sont tombées. Nous devons viser à réduire l’usage de l’alcool sous toutes ses formes. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait avec le tabac.

Le CCDUS a produit un rapport distinct intitulé Risque à vie de décès et d’invalidité attribuables à l’alcool. On y soulignait que le risque à vie de décès et d’invalidité augmente au même rythme que la consommation d’alcool. Ce projet, intitulé Coûts et méfaits de l’usage de substances au Canada, analysait les données canadiennes de 2007 à 2020 et présentait l’évolution fulgurante des coûts directs et indirects de l’usage de substances pour notre société. Le rapport du CCDUS, publié le 29 mars 2023, estimait que les coûts de l’usage de substances ont atteint 49,1 milliards de dollars en 2020. Les coûts associés à l’alcool représenteraient près de 20 milliards de dollars, soit 40 % de ce total. Les coûts attribuables à l’usage de l’alcool et du tabac ont fluctué au fil du temps. Les coûts pour l’alcool ont augmenté de 21 % par personne, alors que les coûts pour le tabac ont diminué de 20 %.

(1600)

Ces estimations font ressortir les conséquences de l’usage de substances, non seulement sur les systèmes de santé et de justice pénale, mais aussi sur la capacité de la population canadienne à travailler et à contribuer à l’économie.

Pour améliorer la santé et la productivité au Canada, il faut mettre en place des initiatives de prévention, de réduction des méfaits et de traitement contre l’alcool. Le projet de loi S-254 sur l’étiquetage des boissons alcoolisées n’est qu’une mesure parmi tant d’autres que le gouvernement devrait mettre en place pour offrir une meilleure expérience de vie en santé et en sécurité à l’ensemble de la population.

Je me posais la question suivante : est-ce que l’étiquetage fonctionne? Une étude sur l’effet de l’étiquetage des boissons alcoolisées sur la consommation, qui a été publiée en 2020 dans le Journal of Studies of Alcohol and Drugs, dans un article intitulé « The Effects of Alcohol Warning Labels on Population Alcohol Consumption », comparait la consommation d’alcool au Yukon avec celle de son voisin, les Territoires du Nord-Ouest. Environ 300 000 étiquettes ont été placées sur 98 % des boissons alcoolisées à Whitehorse. Les ventes ont considérablement chuté dans la capitale pour les produits qui affichaient ces avertissements. L’étiquetage a donc été utile.

Ma dernière question était la suivante : comment pourrait-on bonifier ce projet de loi au bénéfice de la santé du public et des consommateurs? La seule option que j’envisage serait une étude en comité. Cela nous donnerait la possibilité d’entendre des experts, des industries et d’autres parties prenantes sur une éventuelle implantation de l’étiquetage et de l’information à diffuser. Il m’apparaît primordial que les consommateurs puissent obtenir les informations nécessaires pour faire des choix libres et éclairés.

Étant donné que l’alcool est considéré par certains comme un aliment, ne devrait-on pas y inclure d’autres informations, comme les ingrédients et les informations nutritionnelles?

Voilà quelques pistes d’information que je voulais partager avec vous, chers collègues. Je vous remercie de votre attention.

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Est-ce que la sénatrice Mégie accepterait de répondre à une question?

La sénatrice Mégie : Oui.

La sénatrice Miville-Dechêne : Depuis le début de nos discours sur ce projet de loi, je m’interroge sur le fait qu’au Québec, il y a encore certains médecins, notamment à l’Institut de cardiologie, qui disent que la consommation de deux verres de vin par jour est excellente pour le cœur. Que dites-vous, en tant que médecin, sur ce débat qui semble opposer certains médecins à d’autres?

La sénatrice Mégie : Ce dont on s’est rendu compte après l’étude du CCDUS — et c’est pourquoi j’ai dit que cela a fait sursauter plus d’une personne —, c’est que même si ce message a été véhiculé pendant un bon moment, soit que le vin rouge était bon pour le cœur, ce nouveau paradigme vient bouleverser tout cela. On ne sait pas encore à quoi tout cela va aboutir. Les débats pour et contre sont en cours. Peut-être qu’il y aura d’autres études ou que certains croiront les études réalisées par le CCDUS. Je ne sais pas de quel côté cela va aller, mais ils ont travaillé très fort sur les nouvelles données, pour en arriver avec de vraies normes. Je pense qu’il faudrait donner plus de poids aux données du CCDUS. Cela ne vous empêche pas d’aller boire votre verre de vin.

La sénatrice Miville-Dechêne : Il y a quand même des médecins fort réputés au Québec qui disent que ces études sont mal faites et qu’on peut continuer de conseiller à leurs patients de boire deux verres de vin. Ce qui est intéressant, c’est que, entre grands spécialistes de ces questions, il semble y avoir une énorme opposition.

La sénatrice Mégie : Comme toutes les études en sciences, en médecine surtout... On parle ici de l’alcool, mais c’est la même chose pour d’autres sujets très importants, comme le cancer et d’autres maladies : il y a des études qui se contredisent souvent les unes les autres. Il faudra réaliser une métanalyse qui prendra les articles qui sont pour et les articles qui sont contre. Peut-être que cela aboutira à moyen terme ou que cela donnera raison à l’un ou à l’autre, mais il faudra attendre avant de tirer des conclusions. Pour l’instant, c’est une grande discussion.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Je voudrais vous rappeler que lorsque vous posez une question, même si je sais qu’il est un peu gênant de ne pas faire face à la personne à qui l’on pose la question, il est très difficile de vous entendre si vous tournez le dos au micro. Ce n’est qu’un petit rappel. Merci.

[Traduction]

La Loi sur l’Agence du revenu du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Downe, appuyée par l’honorable sénateur Tannas, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-258, Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (rapports concernant l’impôt sur le revenu impayé).

L’honorable Elizabeth Marshall : Je vous félicite de votre nomination, Votre Honneur. Il est formidable de vous voir au fauteuil.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que porte-parole pour le projet de loi du sénateur Downe, le projet de loi S-258, Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (rapports concernant l’impôt sur le revenu impayé), mais je dois admettre qu’il n’y a pas grand-chose à critiquer dans ce projet de loi.

Comme la plupart d’entre vous le savent, le sénateur Downe travaille sur ce dossier depuis plusieurs années. Il a présenté son premier projet de loi de cette nature en avril 2015, le projet de loi S-226. Le projet de loi est mort au Feuilleton lors du déclenchement des élections de 2015, mais le sénateur Downe l’a présenté de nouveau en tant que projet de loi S-243, en 2018. Ce projet de loi a été adopté au Sénat, avec quelques amendements mineurs proposés par le comité, et il s’est rendu jusqu’à l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes. Cette fois, j’espère que le projet de loi franchira toutes les étapes dans les deux Chambres.

Comme ses versions précédentes, le projet de loi S-258 vise à modifier la Loi sur l’Agence du revenu du Canada pour faire trois choses. Premièrement, il exigera que l’Agence du revenu du Canada énumère toutes les condamnations pour évasion fiscale, y compris celles pour évasion fiscale internationale, dans le rapport qu’elle soumet chaque année au ministre du Revenu national.

Deuxièmement, le projet de loi S-258 prévoit que, tous les trois ans, l’agence doit fournir des statistiques sur le manque à gagner fiscal.

Troisièmement, le projet de loi exige que le ministre fournisse au directeur parlementaire du budget des données sur le manque à gagner fiscal.

La valeur de ces modifications est évidente, mais permettez-moi d’expliquer brièvement l’importance de ce que fera le projet de loi, en commençant par l’écart fiscal.

C’est simple, l’écart fiscal correspond à la différence entre le montant que le gouvernement devrait percevoir en impôts et le montant qu’il perçoit réellement. Il ne s’agit pas d’une science exacte, car l’écart fiscal existe en partie à cause de revenus, d’actifs et d’activités économiques qui sont intentionnellement cachés et d’erreurs qui peuvent être difficiles à repérer. Cependant, il est possible d’établir une fourchette approximative de l’écart fiscal à l’aide d’une des deux méthodes suivantes.

Étant donné que l’écart fiscal est une estimation, il est présenté sous forme de fourchette; par exemple, en 2022, l’Agence du revenu du Canada a estimé que l’écart fiscal brut total était de 35 à 40 milliards de dollars, soit environ 9 % des recettes fédérales. L’Agence du revenu du Canada prévoit que ses efforts de recouvrement lui permettront de récupérer 17 milliards de dollars, ce qui laisserait un écart fiscal net de 23 milliards de dollars.

Chers collègues, il est essentiel de calculer cet écart parce qu’il nous donne un point de repère indispensable. Sans ce chiffre, nous n’avons pas d’image claire du fonctionnement de notre régime fiscal et nous n’avons aucun moyen de mesurer l’efficacité de nos efforts en matière de respect et d’application de la loi. Nous agissons essentiellement à l’aveuglette.

Bien que le simple calcul de l’écart fiscal ne règle rien en soi, il s’apparente à la vérification des signes vitaux d’une personne. Il révèle si quelque chose ne va pas et si la situation s’améliore ou s’aggrave. Si votre écart fiscal est élevé, vous savez que vous avez un problème. S’il augmente, le problème s’aggrave. En revanche, s’il diminue, cela signifie que vous faites quelque chose de bien.

(1610)

Cette information est un outil crucial. Avec cette information, le gouvernement peut améliorer la perception des recettes, évaluer les politiques fiscales, veiller à ce que le régime fiscal soit équitable, attribuer des ressources efficacement et développer des stratégies pour promouvoir le respect de la loi. Pourtant, jusqu’à tout récemment, le manque à gagner fiscal n’était pas calculé.

La situation a commencé à changer en 2016, quand l’Agence du revenu du Canada a commencé à publier des rapports sur divers éléments qui expliquent le manque à gagner fiscal du gouvernement fédéral, y compris les budgets principaux des dépenses et leurs méthodologies sous-jacentes. En 2022, l’Agence du revenu du Canada a publié le Rapport sur l’écart fiscal fédéral global: Estimations et principales constatations concernant l’inobservation pour les années d’imposition 2014 à 2018 — le premier rapport sur ce sujet —, qui examinait toutes les sources de recettes fiscales du gouvernement fédéral. Ce rapport est utile et reconnu, mais il présente des lacunes à bien des égards.

D’abord, il n’existe aucune exigence législative obligeant l’Agence du revenu du Canada à poursuivre cet examen. Comme cette information est essentielle pour les parlementaires, il faut en faire une obligation légale. Les données doivent être mises à jour régulièrement afin de suivre l’évolution de la situation au fil du temps. Le projet de loi S-258 propose des solutions pour remédier aux lacunes, notamment en rendant obligatoire de présenter un rapport sur le manque à gagner fiscal à tous les parlementaires, aux trois ans.

Ensuite, l’Agence du revenu du Canada n’est assujettie à aucune obligation de fournir des données sur le manque à gagner fiscal au directeur parlementaire du budget. L’absence de cette information crée une grave lacune en matière de reddition des comptes parce que le directeur parlementaire du budget n’est pas en mesure d’analyser et de vérifier lui-même les estimations de l’Agence du revenu du Canada sur le manque à gagner fiscal. Le projet de loi S-258 propose aussi une solution pour corriger cette lacune.

Troisièmement, bien que l’Agence du revenu du Canada publie une liste de certaines condamnations pour évasion fiscale, cette liste n’est pas exhaustive et contient peu de renseignements sur les cas d’évasion fiscale à l’étranger. L’absence de ces renseignements a pour effet de réduire la reddition de comptes de l’Agence du revenu du Canada au sujet des efforts qu’elle déploie pour réprimer l’évasion fiscale à l’étranger. Le projet de loi S-258 remédierait à cette situation en obligeant le gouvernement du Canada à énumérer toutes les condamnations pour évasion fiscale à l’étranger.

Au fond, ce projet de loi n’est qu’une étape dans la lutte contre l’évasion fiscale, mais c’est une étape importante, car l’évasion fiscale peut grandement influencer la confiance de la population envers l’équité du système fiscal. Lorsque des particuliers ou des entreprises se soustraient à l’impôt, ils se soustraient à leur obligation de payer leur juste part pour le financement des services et des programmes publics qui bénéficient à l’ensemble de la société. Cela crée un sentiment d’injustice et de ressentiment parmi ceux qui paient leurs impôts et peut donner l’impression que le système est pensé pour favoriser les riches et les puissants. Ainsi, la population n’est plus aussi convaincue que le gouvernement est en mesure d’appliquer les lois fiscales de manière équitable et de garantir que tout le monde sera traité de la même manière au regard de la loi.

En outre, l’évasion fiscale a des conséquences concrètes, comme la perte de recettes pour le gouvernement, ce qui peut mener à des compressions dans les programmes et les services publics ou à l’alourdissement du fardeau fiscal de ceux qui, eux, paient leurs impôts. Cette situation peut exacerber encore plus les sentiments d’injustice et d’iniquité et entraîner une rupture du contrat social entre les citoyens et le gouvernement.

Le projet de loi S-258 ne corrige pas tous ces problèmes, mais c’est un pas nécessaire dans la bonne direction. Il permettra de combler une grave lacune au niveau de l’information dont les parlementaires ont besoin pour bien faire leur travail. Il contribuera à accroître la responsabilité publique de l’Agence du revenu du Canada. Il encouragera une meilleure application de la loi et de meilleures politiques publiques. Finalement, il permettra d’améliorer l’observation volontaire de la loi grâce à une plus grande sensibilisation du public, et aidera la population à croire davantage en l’équité de notre système fiscal.

Honorables sénateurs, il n’existe pas de système fiscal parfait, mais nous pouvons améliorer et renforcer le nôtre en adoptant le projet de loi S-258. Je vous encourage à appuyer le renvoi du projet de loi au comité pour une étude plus approfondie.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénateur Boisvenu, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-226, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale visant à évaluer et prévenir le racisme environnemental ainsi qu’à s’y attaquer et à faire progresser la justice environnementale.

L’honorable Wanda Thomas Bernard : Merci, Votre Honneur. Je veux aussi vous féliciter et vous souhaiter la bienvenue en tant que Présidente.

Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi C-226, Loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale. Je souligne que nous nous trouvons sur le territoire non cédé de la nation algonquine et que je vis à Mi’kma’ki, le territoire ancestral et non cédé du peuple mi’kmaq. Il est particulièrement important pour moi de le souligner aujourd’hui, compte tenu du sujet qui nous occupe, le racisme environnemental. Je remercie Elizabeth May et Lenore Zann pour leur travail à l’autre endroit. Je remercie la sénatrice McCallum d’avoir parrainé ce projet de loi très important ici au Sénat et d’avoir partagé ses façons de savoir et d’être. C’est un véritable cadeau.

Honorables sénateurs, lorsque je parle de communautés marginalisées, je parle de groupes de personnes qui sont parfois physiquement en marge des collectivités. Pensons à la périphérie des grands centres urbains. Vous y verrez des décharges, des industries et des sites indésirables. Vous y verrez également des communautés racialisées. Lorsque je prononce le nom d’une communauté située au sud de notre pays, Flint, dans le Michigan, la plupart des Canadiens comprennent l’ampleur de la crise dévastatrice de l’eau potable qui touche les Afro-Américains. Permettez-moi de vous dire qu’il y a de nombreuses collectivités comme Flint ici même au Canada, où, dans bien des cas, les conditions de vie sont délétères.

L’un des exemples les plus connus de racisme environnemental envers une localité marginalisée du Canada est le cas d’Africville. Le sénateur Klyne en a parlé dans son discours. Permettez-moi d’en parler un peu plus. Africville était une localité dynamique où vivaient des Néo-Écossais d’origine africaine. Une décharge à ciel ouvert a été créée à 350 mètres de cette localité côtière. Les habitants n’avaient pas l’eau potable. Africville a existé pendant 170 ans. Au cours de cette période, un chemin de fer traversant la localité a été construit et l’explosion d’Halifax y a causé des dommages. Un hôpital traitant les maladies infectieuses y a été construit à proximité, ainsi qu’une fosse d’enfouissement de matières à vidange, une prison et un abattoir. C’est aussi l’endroit qu’on a choisi pour construire une usine d’engrais.

Imaginez-vous un endroit entouré de lieux dangereux, le dernier endroit sur terre près duquel vous voudriez que vos enfants et vos petits-enfants grandissent. Voilà les conditions qui ont été imposées à Africville. Située près d’Halifax, cette localité n’avait même pas les services essentiels, comme l’eau courante et les égouts. Au lieu d’offrir ces services, la Ville a choisi de déplacer ses habitants. Lors de cette relocalisation forcée, en 1967, certains habitants ont été transportés dans des camions à ordures jusqu’à des logements sociaux situés au nord d’Halifax. Si cela ne vous fait pas comprendre comment le gouvernement voyait les Néo-Écossais d’origine africaine, je ne sais pas quoi vous dire d’autre. On me raconte encore des anecdotes qui montrent le nombre ahurissant d’anciens habitants d’Africville qui sont morts d’une forme ou d’une autre de cancer. Les membres de la communauté ont fait les liens qui s’imposent. Le gouvernement devrait peut-être les faire aussi.

Je remercie le groupe acharné de militants qui se mobilisent depuis des dizaines d’années pour protéger les membres de leur communauté et voir à leur santé. La professeure afro-canadienne Ingrid Waldron a publié l’ouvrage There’s Something in the Water, qui lève le voile sur l’une des vérités les plus difficiles et honteuses de la Nouvelle-Écosse : l’omniprésence du racisme environnemental à l’endroit des Mi’kmaq et des Néo-Écossais d’origine africaine.

(1620)

Ce livre a inspiré un documentaire qui met en lumière la détresse des Néo-Écossais racisés. Ce film nous fait découvrir la communauté afro-néo-écossaise de Shelburne grâce à Louise Delisle, une militante locale, qui dresse la liste des personnes décédées, atteintes d’un cancer du poumon, ou d’un myélome multiple. Ces familles sont dans l’impossibilité de déménager, et même si elles le pouvaient, elles seraient obligées de quitter leur foyer et de s’éloigner de leur communauté.

Bien que le dépotoir ait été fermé, les déchets qui y sont enfouis continuent de contaminer l’eau. Louise décrit les souvenirs d’enfance qu’elle a gardés de la fumée noire qui envahissait régulièrement le ciel de son quartier lorsqu’on mettait le feu aux monticules de déchets dangereux provenant des hôpitaux, des usines et des résidences. Elle se souvient d’être arrivée à l’école imprégnée de cette odeur d’ordures brûlées.

Non loin de là, à Pictou Landing, en Nouvelle-Écosse, se trouve une communauté mi’kmaq totalement sinistrée en raison de la contamination de l’eau par les déchets toxiques de l’usine Northern Pulp.

Le collectif Grassroots Grandmothers est un groupe de militantes pour la protection de l’eau qui lutte pour faire respecter le droit à l’eau potable de leur communauté. Chers collègues, je vous invite à prendre une heure pour regarder le documentaire intitulé There’s Something in the Water, et en apprendre davantage sur la crise du racisme environnemental qui se déroule au Canada.

Nous pourrions citer de nombreuses collectivités : Whitney Pier, les étangs bitumineux de Sydney, Membertou, Lincolnville, Indian Brook — les exemples ne manquent pas, chers collègues. Dans ma propre communauté, East Preston, les habitants s’opposent depuis des décennies au projet de construction d’une décharge à proximité. Dans une lettre de doléances datant de 2016, Spencer Colley a documenté trois exemples d’implantation de décharges dans des quartiers de Preston, qui sont les plus grandes communautés noires de Nouvelle-Écosse, ou à proximité de ceux-ci : en 1992 près d’East Lake à North Preston; en 1997 à North Preston; et en 2016, la proposition de déplacer une installation de Porters Lake à East Preston en face de l’autoroute 107, près de la sortie 17, où je vis.

Chers collègues, l’élaboration de politiques sur les questions environnementales ne peut exclure la question de la race, car les deux sont intrinsèquement liées. Nous pouvons dresser la carte de la Nouvelle-Écosse en y plaçant les sites de décharges et d’industries dangereuses. Elles sont situées à côté des communautés néo‑écossaises autochtones et africaines. L’environnement, la race et la terre ont toujours été liés et le seront toujours.

La manifestation d’Eddy Carvery contre la relocalisation forcée des habitants d’Africville nous le rappellera toujours.

Dans son livre, Ingrid Waldron affirme que :

La violence raciale et sexiste sanctionnée par l’État est subtile et invisible, et, souvent, il n’y a pas de responsable (ou de futur responsable) tout désigné, contrairement à la violence interpersonnelle où l’on peut identifier le principal auteur de l’acte.

Comme il n’existe pas de responsable tout désigné, il est nécessaire d’obliger tous les décideurs politiques à prendre des décisions qui soient bonnes pour les communautés avoisinantes.

Ce projet de loi propose une stratégie nationale pour examiner le lien entre la race, les dangers environnementaux et l’emplacement des sites dangereux. Il vise à réformer les lois, les politiques et les programmes fédéraux qui se rapportent à la justice environnementale, à envisager l’indemnisation des collectivités touchées et à recueillir des renseignements sur l’état de santé de sorte que nous possédions les données voulues pour prouver ce que les résidants de certaines collectivités savent depuis des décennies, c’est-à-dire que le racisme environnemental est néfaste pour la santé.

Honorables collègues, les collectivités concernées savent bien ce que c’est que de se battre pour défendre leurs intérêts, et il est temps que le Sénat se batte pour elles. Le racisme environnemental est un excellent exemple du colonialisme à l’œuvre : il vise à éliminer les Autochtones et les Noirs du Canada.

La réconciliation ne peut se concrétiser sans que l’on mette fin au racisme environnemental. Renvoyons ce projet de loi au comité dans les plus brefs délais. Ce n’est pas un dossier dont il faut débattre; c’est un dossier à l’égard duquel il faut agir sans plus tarder. Nous sommes prêts à mettre en place des politiques publiques qui sauveront des vies au sein de certaines des populations les plus marginalisées du Canada.

Merci. Asante.

L’honorable Kim Pate : Votre Honneur, je joins ma voix à celle de mes collègues pour vous féliciter de votre nomination à la présidence et pour vous féliciter d’avoir accepté d’occuper ce poste vital et important pour vous, mais également pour nous tous. C’est un honneur qui rejaillit sur le Sénat. Je vous en remercie.

Honorables sénateurs, je prends la parole pour exprimer mon appui au projet de loi C-226. On a déjà parlé abondamment de nombreux exemples de racisme environnemental, notamment dans les discours prononcés récemment par la sénatrice Bernard, la sénatrice McCallum, le sénateur Klyne et la sénatrice Audette. Les excellentes interventions de ces sénateurs ont mis en lumière la profondeur et l’étendue de ce problème à l’échelle du Canada. Comme l’a si bien expliqué la sénatrice McCallum la semaine dernière, et comme vient de le faire la sénatrice Bernard, le racisme environnemental est l’une des facettes du problème intersectionnel beaucoup plus vaste du racisme systémique.

Le racisme systémique exacerbe et facilite la propagation des formes de racisme intersectionnelles, dont il normalise en fait l’existence et les effets auprès de la population générale en la désensibilisant trop souvent. Autrement dit, le racisme environnemental n’est pas un fait isolé ni involontaire. Il peut cependant passer inaperçu, parce que ses conséquences sont rarement ressenties par les personnes privilégiées et dans les secteurs favorisés.

Trop souvent, on décide en toute connaissance de cause, en parlant parfois de compromis nécessaires ou politiques, de permettre que des ravages écologiques soient causés dans ce qu’on appelle fréquemment des « zones de sacrifices », des collectivités qui sont bien loin des préoccupations de la population en général. De telles décisions sont ancrées dans le racisme géographique et l’alimentent. À l’échelle mondiale, le racisme environnemental est la raison pour laquelle certaines collectivités, certains pays et certains endroits — souvent racisés — subissent les conséquences les plus désastreuses de la crise climatique.

C’est ainsi qu’on s’est approprié dans le passé, et qu’on s’approprie toujours, des terres et des ressources afin de favoriser la commodité et la facilité d’accès pour les mieux nantis, notamment en rasant des collectivités pauvres et racisées comme Africville ou des espaces verts pour construire des autoroutes, des aéroports et des industries. On a délibérément construit les infrastructures polluantes dans les collectivités pauvres, autochtones et noires ou à proximité de celles-ci, en se préoccupant apparemment très peu des effets des polluants toxiques sur la santé respiratoire ou cardiaque des habitants, sans parler de l’indifférence fondée sur la classe sociale et la race pour ce qui est de la prolifération connexe de cancers et d’autres maladies.

La semaine dernière, alors que je survolais la Saskatchewan et l’Alberta, les feux de forêt dévastateurs qui font rage dans l’Ouest étaient au cœur de mes préoccupations. Les conséquences dévastrices de ces feux sont immédiatement ressenties par les peuples autochtones et les habitants des collectivités rurales. Les ravages qu’ils causent toucheront de nombreuses personnes pendant des décennies. Bien des gens ont perdu leur maison et n’ont nulle part où aller. Beaucoup ne se remettront jamais financièrement de ces pertes et auront besoin d’une aide financière. Nombreux sont ceux qui auront besoin d’une aide et d’un soutien psychologiques tout au long de leur vie à cause du traumatisme qu’ils ont subi.

Ces feux de forêt sont liés à la crise climatique, et ils sont des conséquences directes et prévisibles de notre approche colonialiste, qui consiste à privilégier la réalisation individualiste de bénéfices excessifs et la poursuite de la richesse au moyen des industries et des technologies. La crise climatique amplifie directement la gravité et la fréquence des feux de forêt, et les pertes environnementales, financières et personnelles qui en résultent ont des répercussions négatives disproportionnées sur les personnes les plus marginalisées, racialisées et défavorisées.

Ni les épreuves et les traumatismes subis ni l’aide ou les ressources correctives ne sont répartis équitablement. C’est ce que les communautés autochtones nous disent clairement.

(1630)

Le jour de mon arrivée à Edmonton, Carol Johnston, une habitante de l’établissement métis d’East Prairie s’inquiétait dans les médias que les collectivités à proximité d’Edmonton et du centre de l’Alberta obtiennent davantage d’attention que les communautés autochtones situées plus au nord qui étaient détruites par le feu. Elle décrivait comment l’incendie de quatre maisons près de Drayton Valley faisait les manchettes, tandis que la perte de 14 maisons dans l’établissement d’East Prairie ne valait même pas une mention même si le sort de cette communauté était en jeu.

Dans la même veine, la destruction de dizaines d’habitations de la nation crie de Sturgeon Lake et de la nation crie de Little Red River a pour ainsi dire laissé les médias indifférents. La province a demandé l’aide du gouvernement fédéral, mais aucun des gouvernements ne semble avoir vraiment remarqué qu’une dizaine de communautés autochtones sont actuellement touchées ou menacées par ces feux de forêt. Ni la province ni le gouvernement fédéral ne semblent vouloir assumer la responsabilité de cette crise qu’ils ont en partie causée.

À sa décharge, la ministre fédérale des Services aux Autochtones a admis qu’au moins 150 maisons et infrastructures communautaires avaient été détruites et que plus de 4 000 personnes avaient été évacuées. Pourtant, on n’entend presque rien au sujet de mesures de soutien. Selon le peu que l’on sait, des Autochtones ont de la difficulté à avoir accès aux sommes limitées disponibles parce qu’ils n’ont pas les pièces d’identité requises, y compris celles qui indiquent qu’ils habitent l’Alberta.

Les personnes déplacées se retrouvent souvent loin de leur collectivité, dans des endroits qu’elles n’ont jamais fréquentés. Crystal McAteer, maire de High Level, l’a récemment expliqué :

Un grand nombre des personnes évacuées viennent des réserves et ces réserves, dont Fox Lake, sont éloignées [...] beaucoup de gens n’ont donc jamais quitté Fox Lake. Beaucoup d’aînés parlent le cri. C’est la même situation pour les [membres des communautés] dénées, ils parlent le déné. Ils ne parlent aucune autre langue.

En l’absence de centres d’évacuation centraux ou de ressources adaptées à la culture, les familles et les communautés sont également souvent séparées. Ces communautés, déjà dévastées par des pertes incommensurables, perdent leurs systèmes de soutien, ce qui exacerbe les expériences traumatisantes qu’elles vivent.

S’il s’agissait d’une exception, nous pourrions être moins inquiets. Mais vous souvenez-vous des incendies de forêt qui ont ravagé la Colombie-Britannique en 2021? La Première Nation de Lytton a été pratiquement détruite, sans qu’aucune aide n’ait été apportée et sans qu’aucun plan n’ait été mis en place pour aider les plus démunis. Comme le chef Matt Pasco nous l’a rappelé de manière effarante à l’époque : « Ils avaient mis en place des processus pour notre bétail, mais aucun pour les Nlaka’pamux. »

Deux ans plus tard, leur collectivité n’a toujours pas terminé sa reconstruction et doit à nouveau assumer le fardeau d’une préparation à la saison des incendies de forêt. La sécheresse sévit toujours, et le risque d’un nouvel incendie demeure présent. Il a fallu 19 mois pour que le magasin communautaire de la Première Nation de Lytton, une épicerie temporaire pour les habitants de la collectivité, ouvre ses portes. Auparavant, les membres de la collectivité devaient faire plus de trois heures de route, jusqu’à Kamloops, pour acheter des produits alimentaires essentiels. Ils attendent toujours le début de la reconstruction permanente. La mairesse de Lytton, Denise O’Connor, a déclaré :

C’est extrêmement frustrant. Nous avons demandé des échéanciers et des dates, mais on ne nous en donne pas.

Ces collectivités sont déjà aux prises avec une surpopulation, un manque de financement, des soins de santé inadéquats et un déficit global pour ce qui est du soutien social et économique et du soutien en matière de logement et de santé. Les crises environnementales créent des difficultés et entraînent des responsabilités supplémentaires pour des collectivités déjà en difficulté. Cette situation les désavantage encore plus et perpétue le cycle des lacunes systémiques, de la méfiance et du racisme auxquels elles sont confrontées.

L’année dernière, la vérificatrice générale du Canada a publié un rapport sur cette question. Voici les conclusions de ce rapport.

Premièrement :

Services aux Autochtones Canada n’a pas fourni aux collectivités des Premières Nations le soutien dont elles avaient besoin pour gérer les urgences, comme les inondations et les feux de forêt, dont la fréquence et l’intensité ne cessent d’augmenter.

Deuxièmement, la vérificatrice générale a constaté que « les mesures prises par le Ministère visaient plutôt à réagir aux urgences qu’à les prévenir », et ce, malgré le fait que les Premières Nations avaient été proactives en cernant de nombreux projets d’infrastructure qui permettraient d’atténuer les répercussions des situations d’urgence. En fait, le ministère avait un arriéré de 112 projets admissibles en attente de financement.

Troisièmement — et c’est le pire jusqu’à maintenant —, un grand nombre des problèmes que l’ancien vérificateur général avait cernés dans le cadre de son audit de 2013 sur la gestion des urgences dans les réserves n’ont toujours pas été réglés.

Enfin :

Le Ministère ne savait pas non plus si les Premières Nations recevaient des services d’urgence adaptés sur le plan culturel et comparables à ceux offerts aux municipalités de taille semblable dans des situations similaires, car il n’avait pas défini les services ni les niveaux de service devant être fournis aux Premières Nations, ni surveillé rigoureusement la prestation de ces services.

La ministre Hajdu a déclaré qu’il est évident que les Premières Nations sont sur la ligne de front de cette crise environnementale, qui entraîne des coûts astronomiques liés à l’évacuation, à l’hébergement d’urgence, à la reconstruction des collectivités et à l’aide aux entreprises pour sauver le gagne-pain des gens de ces collectivités. Pourtant, nous faisons toujours bien peu, voir rien du tout pour aider véritablement ces collectivités, et nous ne prenons pas de mesures proactives pour régler le problème.

Bref, l’absence de stratégie nationale et l’accent mis sur la prise de mesures visant à réagir aux urgences plutôt qu’à les prévenir continuent de privilégier les populations les plus privilégiées, et ce n’est là qu’un exemple parmi tant d’autres du racisme environnemental qui perdure au Canada et auquel nous devons remédier. De grâce, renvoyons ce projet de loi au comité et poursuivons le travail.

Meegwetch. Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi C-226, Loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale. Je tiens à remercier la sénatrice McCallum d’avoir marrainé cet important projet de loi. Je suis heureux d’indiquer que le gouvernement appuie entièrement le projet de loi C-226.

Lors de la présentation de ce projet de loi à l’autre endroit, la députée Elizabeth May a raconté l’historique parlementaire du projet de loi en disant « que cette démarche demeure non partisane à l’instar de la démarche d’origine ». Elle faisait référence au projet de loi qui l’a précédé, le projet de loi C-230, présenté initialement par l’ancienne députée libérale Lenore Zann.

Le gouvernement considère le projet de loi C-226 et ses objectifs de prévention et de lutte contre le racisme environnemental et de promotion de la justice environnementale comme un travail important pour tous les Canadiens. Le projet de loi s’inscrit également dans l’engagement pris par le gouvernement de présenter un projet de loi visant à élaborer une stratégie de justice environnementale et à examiner le lien entre la race, le statut socioéconomique et l’exposition aux risques environnementaux.

S’il est adopté, le projet de loi C-226 créera une nouvelle loi obligeant le ministre de l’Environnement et du Changement climatique à élaborer une stratégie nationale visant à promouvoir les efforts déployés dans l’ensemble du Canada pour faire progresser la justice environnementale et pour évaluer, prévenir et combattre le racisme environnemental. L’élaboration d’une stratégie nationale ajouterait deux éléments importants aux efforts déployés pour lutter contre le racisme systémique et les inégalités liées à l’inclusion des Autochtones, des Noirs et des communautés racialisées dans la prise de décisions et les initiatives en matière d’environnement.

Premièrement, le processus d’élaboration de la stratégie servirait de véhicule pour favoriser la justice environnementale en permettant aux collectivités marginalisées de s’exprimer pour définir le problème et déterminer les solutions possibles. Les avantages de ce processus sont énoncés dans le projet de loi, comme suit :

[...] l’importance d’une participation significative de tous les Canadiens, en particulier des collectivités marginalisées, à l’élaboration des politiques environnementales [...]

Deuxièmement, le fait d’instaurer une stratégie nationale contribuerait à encadrer l’ensemble des mesures qui devront être prises par les diverses entités gouvernementales et non gouvernementales, compte tenu des liens complexes et des priorités concurrentes des intervenants, des partenaires et des secteurs stratégiques. Pour ce faire, la version définitive de la stratégie devra renforcer les efforts et les possibilités qui existent déjà pour réaliser des progrès en matière de justice environnementale au Canada, même dans les cas où l’injustice environnementale et le racisme environnemental n’ont pas été directement reconnus.

Si bon nombre de ces autres initiatives ne sont peut-être pas aussi explicites dans leur prise en compte de la justice environnementale, le projet de loi S-5, Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé, est un exemple où ce concept est directement incorporé. Comme les sénateurs s’en souviendront, après un examen et une étude approfondis, le projet de loi S-5 a été adopté à l’étape de la troisième lecture au Sénat le 22 juin 2022.

Ce projet de loi se trouve maintenant à l’autre endroit après une étude approfondie par le Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes. S’il est adopté, en plus de renforcer le régime canadien de gestion des produits chimiques, il reconnaîtrait le droit à un environnement sain prévu par la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999). Ces modifications à la loi exigeraient que le ministre de l’Environnement et du Changement climatique et le ministre de la Santé élaborent un cadre de mise en œuvre décrivant la prise en compte du droit à un environnement sain dans l’administration de cette loi.

(1640)

De plus, le cadre indiquera plus en détail comment des principes, comme le principe de justice environnementale, seront pris en considération dans l’administration de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. Grâce à des consultations, les Canadiens auront l’occasion de participer à l’élaboration du cadre de mise en œuvre. Favoriser la prise de conscience et la réflexion sur les possibilités d’injustice environnementale dans les approches adoptées en matière de protection de l’environnement peut nous aider à prévenir les injustices environnementales avant qu’elles ne se produisent ou à mieux comprendre celles qui existent déjà.

Comme autre exemple des efforts simultanés qui contribuent à la justice environnementale au Canada, citons le travail réalisé par le gouvernement pour délimiter, afin d’en prioriser l’assainissement, les sites contaminés là où vivent des peuples autochtones et des Canadiens racialisés et à faible revenu. Dans ce cas, les efforts d’assainissement des sites contaminés à proximité de populations pouvant être marginalisées répondent directement au problème soulevé dans le projet de loi C-226, soit « [...] qu’un nombre disproportionné de personnes qui vivent dans des zones qui présentent un danger sur le plan de l’environnement font partie [...] » de ces mêmes collectivités.

Nous nous attendons certainement à ce que d’autres programmes qui gèrent les risques environnementaux, comme les sites d’enfouissement ou les industries polluantes, offrent également des possibilités apportent une contribution positive à la réparation des injustices environnementales.

Nous pouvons également nous pencher sur la Stratégie fédérale de développement durable récemment publiée et sur la manière dont elle cherche à tenir compte des questions d’équité et de justice environnementales, qui désignent généralement le traitement équitable et l’inclusion significative de toutes les personnes dans les lois, les règlements et les programmes afin de les protéger contre les risques environnementaux; ainsi qu’à éviter de faire porter de façon disproportionnée le fardeau de la pollution et des autres dommages environnementaux aux groupes identitaires et à faciliter l’accès aux avantages et aux possibilités pour l’environnement indépendamment des facteurs identitaires, y compris l’identité et l’expression de genre, la race, l’ethnicité, l’appartenance autochtone, la langue, le revenu ou l’orientation sexuelle.

Compte tenu de la gamme des efforts décrits ci-dessus, et d’autres qui peuvent également avoir une incidence sur les résultats de la justice environnementale, un rôle important de la stratégie nationale consistera à expliquer comment ces efforts interagissent pour contribuer aux objectifs de la stratégie. Ensemble, nous avons la possibilité de faire progresser le pays de manière à ce que nous puissions profiter d’un environnement sain de manière plus juste et équitable.

Dans le contexte du projet de loi C-226, la collecte et l’utilisation de données pour mieux comprendre les liens entre la race, le statut socioéconomique et le risque environnemental sont d’une importance capitale. L’adoption du projet de loi C-226 devrait entraîner une collecte et une compilation supplémentaires de données dans le cadre de l’étude requise, qui pourrait également fournir des renseignements, notamment de la part des peuples autochtones, sur la collecte, la désagrégation et l’analyse des données en vue de soutenir la justice environnementale.

Toutefois, il convient aussi de mentionner qu’il existe au sein du gouvernement fédéral un grand nombre d’ensembles de données déjà disponibles qui comprennent des informations relatives aux risques environnementaux, à la composition des collectivités et aux résultats en matière de santé. Étant donné le délai de deux ans fixé dans le projet de loi pour l’élaboration et la publication d’une stratégie nationale après l’entrée en vigueur de la loi, on s’attend à ce que le travail de soutien à la stratégie exploite également les données existantes provenant d’initiatives gouvernementales plus larges et en cours. Nombre de ces initiatives contribuent déjà, directement ou indirectement, à fournir les informations nécessaires pour prendre des décisions sous l’angle de la justice environnementale.

Par exemple, depuis le lancement de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé en 2007, Santé Canada, en collaboration avec l’Agence de la santé publique du Canada et Statistique Canada, a recueilli des données sur l’état de santé général et les comportements liés à la santé des Canadiens. Ces données contribueront à améliorer la prévention, le diagnostic et le traitement des maladies, ainsi qu’à promouvoir la santé et le bien‑être des Canadiens. Parmi les autres exemples notables, citons le recensement de l’environnement de Statistique Canada et son travail pour fusionner les données environnementales existantes afin de créer des renseignements complets sur les atouts des écosystèmes du Canada, qui sont intégrés aux données socioéconomiques pour aider à surveiller les tendances environnementales et à mieux éclairer la prise de décision.

En outre, Environnement et Changement climatique Canada entretient les réseaux de surveillance de la qualité de l’air et collabore également avec les provinces et les territoires pour mettre en œuvre le Système de gestion de la qualité de l’air, qui comprend l’élaboration et la mise en place d’exigences en matière d’émissions industrielles et de normes de qualité de l’air ambiant afin de favoriser l’amélioration de la qualité de l’air à l’échelon local.

Il est essentiel de disposer d’informations de qualité pour pouvoir prendre des décisions publiques éclairées et pour demander des comptes au gouvernement. L’Inventaire national des rejets de polluants joue un rôle important dans l’atteinte de cet objectif. Il s’agit d’un inventaire prévu par la loi et accessible au public des polluants rejetés, éliminés et transférés. Il fait le suivi de plus de 320 polluants provenant de plus de 7 000 installations au pays. Les installations déclarantes comprennent des usines qui fabriquent divers produits, ainsi que des mines, des exploitations pétrolières et gazières, des centrales électriques et des usines d’épuration des eaux d’égout. L’inventaire comprend les informations déclarées par les installations à Environnement et Changement climatique Canada conformément à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement.

L’Inventaire national des rejets de polluants est au cœur des efforts que déploie le gouvernement pour faire le suivi des substances toxiques et d’autres substances préoccupantes. Il s’agit d’un outil essentiel pour repérer les sources de pollution au Canada et en faire le suivi. Il contient notamment des renseignements sur la pollution produite par les installations sous forme de rejets dans l’air, l’eau et le sol; les substances éliminées à l’installation ou transférées à un autre endroit pour élimination; les substances transférées à un autre endroit à des fins de traitement ou de recyclage; ainsi que les activités de l’installation, son emplacement, le nom de personnes-ressources, et ses plans et activités en matière de prévention de la pollution.

Il permet aussi d’élaborer des indicateurs de la qualité de l’air, de l’eau et du sol. Les données recueillies grâce à l’Inventaire national des rejets de polluants servent à l’élaboration d’initiatives de gestion des produits chimiques. Elles sont accessibles aux Canadiens afin de les aider à comprendre en quoi consistent les rejets de polluants dans leur collectivité, de les inciter à prendre des mesures pour réduire la pollution et de les aider à en suivre les progrès chaque année. L’accès public à l’Inventaire national des rejets de polluants motive aussi l’industrie à prévenir et à réduire les rejets de polluants. Les données de cet inventaire aident le gouvernement à suivre l’évolution de la prévention de la pollution, à évaluer les rejets et les transferts de substances préoccupantes, à déterminer les priorités environnementales et à y donner suite, à effectuer de la modélisation de la qualité de l’air et à mettre en œuvre des mesures de gestion des risques et des initiatives stratégiques.

L’Inventaire national des rejets de polluants adopte de plus en plus le paradigme de la connaissance sur demande en fournissant des outils permettant de traduire les données publiées en interprétations plus compréhensibles des risques, des répercussions et des priorités. En ajoutant du contexte, les priorités et les zones problématiques sont plus clairement visibles, sans parler des effets environnementaux sur la population en général, y compris les membres des communautés autochtones et racialisées. Les données recueillies grâce à l’Inventaire national des rejets de polluants pourraient permettre d’appuyer le travail requis dans le cadre du projet de loi C-226.

En plus de tout le travail déjà en cours, je me permets de revenir sur les modifications proposées à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement dans le projet de loi S-5. Ces modifications exigeront que des recherches, des études ou des activités de surveillance soient menées pour aider le gouvernement à protéger le droit à un environnement sain. Ces activités devraient fournir des renseignements précieux à mesure que le gouvernement avance sur les questions de justice environnementale. Par exemple, elles pourraient inclure la collecte et l’analyse de données pour identifier et surveiller les populations dans les collectivités qui sont particulièrement vulnérables aux risques environnementaux et sanitaires en raison d’une plus grande susceptibilité ou d’une plus grande exposition.

Enfin, je tiens à parler du programme des Indicateurs canadiens de durabilité de l’environnement qui est administré par Environnement et Changement climatique Canada. Ce programme fournit actuellement des indicateurs pour mesurer les progrès réalisés sur des questions environnementales clés, y compris les objectifs de la Stratégie fédérale de développement durable, pour lesquels il fournit des données contextuelles. L’expérience du programme des Indicateurs canadiens de durabilité de l’environnement en matière d’élaboration d’indicateurs intégrant des données et des renseignements provenant de plusieurs ministères fédéraux, ainsi que des gouvernements provinciaux et territoriaux, servirait probablement de base pour élaborer des indicateurs, suivre les progrès et rendre compte de l’efficacité d’une stratégie nationale tous les cinq ans, comme l’exige le projet de loi C-226.

Tout cela pour dire que le gouvernement s’est engagé à concrétiser la stratégie nationale en matière de justice environnementale. Dans cette optique, je crois comprendre qu’il étudie déjà la façon dont les ensembles de données, les lois et les politiques existantes peuvent être employés de manière coordonnée pour continuer à faire progresser la justice environnementale et pour mettre en œuvre le projet de loi C-226, s’il est adopté.

[Français]

En conclusion, honorables sénateurs, comme la députée de Saanich—Gulf Islands et plusieurs de nos collègues à l’autre endroit et dans cette enceinte, j’encourage tous les sénateurs à voter en faveur de ce projet de loi. S’il est adopté, une stratégie nationale pourrait être l’occasion de discuter de la meilleure façon d’aborder les risques environnementaux auxquels sont confrontés les groupes historiquement défavorisés.

Pour ceux qui auraient encore des inquiétudes, dont certaines ont été soulevées lors de l’étude du projet de loi au Comité permanent de l’environnement et du développement durable, je rappelle que le projet de loi permettra à la stratégie d’être « toujours d’actualité », notamment au moyen d’une évaluation de son efficacité tous les cinq ans. Puisque nous savons que ce projet de loi et la stratégie qui en découle représentent le début d’un parcours, et non la fin, il est important que nous fassions notre part pour aider à faire avancer les choses.

Cela ne résoudra pas tous les problèmes liés au racisme systémique ou aux inégalités dans le domaine de l’environnement, mais cela ne devrait certainement pas entraver notre progrès social. Ensemble, nous pouvons faire en sorte que le projet de loi soit examiné et adopté dès que possible. À partir de là, les gouvernements et les communautés pourront travailler ensemble pour instaurer la confiance et la connaissance et pour obtenir des résultats plus équitables sur les plans de l’environnement et de la justice.

Honorables sénateurs, je remercie encore une fois la sénatrice McCallum de son travail et de son plaidoyer, et j’espère que nous pourrons renvoyer ce projet de loi au comité dès que possible.

Je vous remercie de votre attention.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Son Honneur la Présidente : Sénatrice Batters, souhaitez-vous poser une question?

L’honorable Denise Batters : Oui.

Son Honneur la Présidente : Sénateur Gold, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Gold : Oui, bien sûr.

La sénatrice Batters : Sénateur Gold, je suis curieuse de savoir ce qui motive vos décisions lorsque vous prononcez un discours au nom du gouvernement sur un projet de loi, car vous prononcerez aujourd’hui un discours sur ce projet de loi d’initiative parlementaire à la Chambre des communes. La semaine dernière, cependant, bien que vous ayez parrainé, au nom du gouvernement, le projet de loi C-46, un projet de loi d’initiative ministérielle, vous n’avez pas prononcé de discours à l’étape de la troisième lecture, si bien que je n’ai pas pu vous poser de question à la fin de votre intervention ce jour-là. Comme vous n’avez pas vraiment présenté d’observations, je n’ai pas eu l’occasion de vous demander quel était le seuil de revenu. Je vous l’avais demandé après votre discours à l’étape de la deuxième lecture, mais vous n’aviez pas la réponse alors.

(1650)

Je me demande simplement ce qui guide votre décision de présenter ou non un discours. Par ailleurs, comme votre intention de prononcer ce discours ne figurait pas dans le plumitif d’aujourd’hui, je me demande quand vous avez décidé de le présenter. Personne ne s’attendait à ce discours et, par conséquent, n’a préparé de questions à vous poser.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question et du soin que vous portez à la préparation des questions que vous me posez. J’ai décidé — après la tenue de la réunion d’organisation — de faire mon discours aujourd’hui lorsque j’ai compris que j’avais l’occasion de prononcer mon discours hâtivement.

La position du gouvernement en ce qui a trait aux projets de loi qui n’émanent pas du gouvernement est d’étudier avec attention chaque projet de loi. Quand nous considérons que nous pouvons appuyer un projet de loi, nous votons pour, et quand c’est le contraire, nous votons contre.

En ce qui concerne la présentation d’un discours, dans le cas présent, le gouvernement considère que ce projet de loi est important, et j’ai cru qu’il serait dans l’intérêt des sénateurs de savoir que le gouvernement appuie entièrement le projet de loi. Ce fut donc pour moi un plaisir de prendre la parole aujourd’hui et je suis heureux de l’attention que vous m’avez accordée.

Quant à votre question au sujet de la semaine dernière, sénatrice Batters, le projet de loi du gouvernement, que j’ai été heureux de parrainer, était un projet de loi important qui devait être adopté avant une date précise pour que les Canadiens puissent recevoir leurs prestations en temps opportun — des prestations qui étaient importantes pour eux. J’avais donc pris la décision, pour des raisons de rapidité et de collaboration, après discussion avec d’autres sénateurs, de laisser tomber mon discours afin que le projet de loi puisse être adopté et que les Canadiens reçoivent leurs prestations à temps.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Pêches et océans

Budget et autorisation de se déplacer—L’étude sur les questions relatives au cadre stratégique actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans—Adoption du cinquième rapport du comité

Le Sénat passe à l’étude du cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans (Budget—étude des questions relatives à la gestion des pêches et des océans du Canada—autorisation de se déplacer), présenté au Sénat le 11 mai 2023.

L’honorable Fabian Manning propose que le rapport soit adopté.

 — Je me permets de joindre ma voix à mes collègues pour vous féliciter, madame la Présidente, pour votre nomination à ce rôle. Je vous souhaite beaucoup de succès.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Budget et autorisation d’embaucher du personnel et de se déplacer—L’étude sur les populations de phoques—Adoption du sixième rapport du comité

Le Sénat passe à l’étude du sixième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans (Budget—examiner pour en faire rapport les populations de phoques au Canada ainsi que leurs impacts sur les pêches au Canada—autorisation d’embaucher du personnel et de se déplacer), présenté au Sénat le 11 mai 2023.

L’honorable Fabian Manning propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Agriculture et forêts

Budget—L’étude sur l’état de la santé des sols—Adoption du neuvième rapport du comité

Le Sénat passe à l’étude du neuvième rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts (Budget—examiner pour en faire rapport, l’état de la santé des sols au Canada—autorisation de se déplacer), présenté au Sénat le 11 mai 2023.

L’honorable Paula Simons propose que le rapport soit adopté.

 — Mazel tov à vous, madame la Présidente.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L’apport commercial et économique des entreprises autochtones à l’économie du Canada

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénateur Klyne, attirant l’attention du Sénat sur l’apport commercial et économique continu des entreprises autochtones à l’économie du Canada.

L’honorable Scott Tannas : Je prends la parole aujourd’hui pour participer au débat sur l’interpellation de mon collègue le sénateur Klyne au sujet des contributions économiques des entreprises autochtones du Canada. Je tiens à le remercier d’avoir lancé cette interpellation importante.

Comme il l’a mentionné dans son discours, on compte au pays plus de 50 000 entreprises détenues par des Autochtones qui contribuent annuellement au PIB du Canada à hauteur de 31 milliards de dollars. Le sénateur Klyne a eu la grande gentillesse de parler des réussites de la Première Nation dakota de Whitecap, en Saskatchewan. La sénatrice Busson a aussi parlé avec enthousiasme des nombreuses réussites des peuples autochtones de sa province, la Colombie-Britannique, y compris les Nisga’a et la bande indienne d’Osoyoos, pour ne citer que quelques exemples.

Aujourd’hui, je vais parler de deux des nombreuses réussites dans ma province, l’Alberta. Je vais parler non seulement du succès remporté par ces gens, mais aussi des obstacles auxquels ils doivent encore faire face, malgré leurs réalisations monumentales. Je pense qu’en tant que représentants de nos provinces, nous devons non seulement célébrer les réalisations de nos régions, mais aussi reconnaître les obstacles qui subsistent et tenter de les éliminer.

Permettez-moi de commencer par la première réussite, celle de Fort McKay. Fort McKay est situé sur les rives de la rivière Athabasca, juste au nord de Fort McMurray. La communauté compte environ 800 membres d’origine dénée, crie et métisse. Signataire du traité no 8, Fort McKay a une longue histoire qui remonte à 1820, l’année où la Compagnie de la Baie d’Hudson a construit un poste de traite près de l’emplacement actuel du village.

Passons rapidement à 1986. Le Fort McKay Group of Companies est créé, et il convient de mentionner que la première cheffe en l’Alberta, la cheffe Dorothy McDonald-Hyde, a joué un rôle déterminant dans sa création.

Fort McKay Group of Companies a eu des débuts modestes, avec deux employés et un seul contrat de conciergerie. Aujourd’hui, l’entreprise compte plus de 1 000 employés issus de plus de 75 Premières Nations de partout au Canada et 5 filiales. En outre, Fort McKay a une société de portefeuille de nom de Fort McKay Landing Limited Partnership, et son portefeuille d’investissements comprend 13 entreprises privées qui ont été créées grâce aux revenus commerciaux générés par la nation. Ces revenus sont ensuite réinvestis dans les filiales actuelles et dans de nouvelles entreprises dans le cadre du fonds de capital-investissement de la nation.

L’objectif de Fort McKay est de devenir pleinement autonome, de sorte que les revenus générés par son portefeuille d’investissement croissant soient utilisés pour financer les infrastructures, les services et les programmes communautaires. Nous avons appris que son portefeuille d’entreprises actives dans quatre provinces génère des revenus d’environ 500 millions de dollars. En fait, grâce au cumul de ses activités commerciales, la Première Nation de Fort McKay a rapporté plus de 1 milliard de dollars à l’économie albertaine et emploie maintenant plus de 1 500 Albertains, contribuant ainsi à l’assiette du Régime de pensions du Canada et du régime d’assurance-emploi.

Toutes les entreprises de Fort Mckay adhèrent à des valeurs fondamentales spécifiques. Premièrement, elles sont toutes détenues ou exploitées majoritairement ou minoritairement par des Autochtones. Deuxièmement, chaque entreprise s’efforce de maintenir au moins 10 % d’employés autochtones au sein de son organisation. Il s’agit d’un objectif louable et difficile à atteindre. Si certaines des entreprises de son portefeuille ont atteint cet objectif, Fort McKay en aide d’autres à recruter des talents autochtones. Son objectif est de devenir le plus grand employeur des Autochtones — une main-d’œuvre que la communauté estime gravement sous-utilisée.

(1700)

En outre, de nombreux dirigeants communautaires ont travaillé dur pour se renseigner sur les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et les mettre en œuvre. Chaque année, ils ont vu de plus en plus d’entreprises de leur portefeuille participer à la Journée nationale de sensibilisation aux femmes, aux filles et aux personnes bispirituelles autochtones disparues et assassinées, le 5 mai; à la Journée de la campagne Moose Hide, le 11 mai; à la Journée nationale des peuples autochtones, le 21 juin; et à la Journée du chandail orange, le 30 septembre.

Troisièment, il y a un ensemble de valeurs fondamentales. Lors des entretiens avec Fort McKay, nous avons été informés de l’existence d’un acronyme anglais, PACE, pour « People, Accountability, Culture, Equity » — personnes, responsabilité, culture et équité. Monika Wilson, vice-présidente de Fort McKay Landing LP, l’a très bien expliqué :

C’est la façon dont nous valorisons les personnes, la responsabilité, la culture et l’équité. Voir et célébrer les réalisations de nos membres et de nos employés, faire preuve de transparence dans notre gouvernance et nos activités commerciales, avoir des politiques, des programmes et des services adaptés à la culture, faire appel aux aînés en tant que conseillers culturels et veiller à ce que nos politiques et procédures soient justes et sans préjugés, voilà comment nous nous efforçons d’accomplir notre travail.

Avant d’aborder les obstacles qui subsistent à Fort McKay, permettez-moi de vous présenter brièvement la deuxième histoire de réussite, celle de la Première Nation Tsuut’ina, signataire du traité n° 7, en bordure de la ville de Calgary. L’histoire des Tsuut’ina remonte au début des années 1700.

En 2007, les Tsuut’ina ont ouvert le Grey Eagle Resort & Casino tout près de Calgary. Le complexe comprend un casino de plus de 84 000 pieds carrés, plus de 1 000 machines à sous, 40 tables de jeu, six tables de poker, une salle de bingo, un hôtel quatre étoiles, un centre de conférences et un centre multifonctionnel de 2 500 places. Il est largement considéré comme le plus grand casino de Calgary et il occupe le deuxième rang en Alberta, juste derrière le River Cree Resort and Casino d’Enoch.

Aujourd’hui, le casino compte environ 450 employés, tandis que l’hôtel et le centre multifonctionnel en comptent 250 autres. Le casino compte 39 employés tsuut’ina et 82 employés issus des Premières Nations. L’hôtel et le centre multifonctionnel comptent 16 employés tsuut’ina et 52 employés autochtones.

La Première Nation des Tsuut’ina réinvestit toutes les recettes générées par le casino dans la collectivité. C’est une façon de faire que vous avez sûrement remarquée, chers collègues. Tous les profits tirés des établissements autochtones sont réservés à l’amélioration de la collectivité. Les profits de la Première Nation des Tsuut’ina servent à soutenir les soins de santé, les services d’urgence et le logement dans la réserve. En fait, au fil des années, les Tsuut’ina ont dépensé environ 30 millions de dollars pour des services de maintien de l’ordre dans la réserve. De plus, ils planifient en ce moment la construction de 60 maisons dans la collectivité, qui s’ajoutent aux 185 maisons qui ont déjà été construites grâce aux recettes du casino.

Je dois aussi mentionner que, conformément à l’entente de subvention pour le fonds de développement des Premières Nations qui a été conclue entre l’Alberta et toutes les Premières Nations, les revenus générés par le casino Grey Eagle sont partagés. Sur les revenus des machines à sous, 10 % sont versés aux Premières Nations non-hôtes, qui s’en servent pour soutenir leur développement économique, social et communautaire. Une tranche de 30 % de ces revenus est versée à la province de l’Alberta. C’est la façon des Tsuut’ina de redonner et de partager le fruit de leur réussite. Il importe aussi de noter que, depuis l’ouverture du casino, la Première Nation des Tsuut’ina a remis 442 millions de dollars à l’Alberta.

Maintenant que j’ai parlé de ces deux exemples de réussite, permettez-moi de vous faire part de certaines préoccupations de la Première Nation des Tsuut’ina et de la Première Nation de Fort McKay. Les deux Premières Nations pensent que le gouvernement du Canada n’en fait pas suffisamment. Elles se butent toutes les deux à des obstacles, que ce soit pour obtenir des fonds ou des permis nécessaires à des projets. Elles ont toutes les deux l’impression qu’il manque de ressources pour les propriétaires d’entreprises autochtones.

Dans le cas de la Première Nation de Fort McKay, les représentants ont remarqué qu’un problème unique aux entreprises des Premières Nations est qu’elles ne peuvent pas emprunter sur la valeur nette d’actifs situés dans une réserve pour obtenir du financement. Les banques et les prêteurs ne peuvent pas saisir d’actifs situés dans une réserve, ce qui rend donc de tels emprunts difficiles, voire impossibles à obtenir.

Un autre désavantage est le manque de programmes d’encadrement permettant aux personnes intéressées d’acquérir des compétences utiles pour diriger une entreprise, en particulier pour comprendre le cadre juridique complexe entourant la gestion d’une entreprise dans une réserve et hors réserve, la tenue des livres, la comptabilité, et la gestion financière en général. Ces compétences sont essentielles pour cultiver le talent de demain au sein des communautés autochtones. Il s’agit d’une responsabilité partagée. Il n’appartient pas seulement à la Première Nation de Fort McKay, à la Première Nation des Tsuut’ina ou à quelque collectivité autochtone que ce soit de cultiver le talent, car celui-ci profite à tout le pays. Cela s’inscrit dans le cadre de la réconciliation économique, qui fait partie de la réconciliation au sens élargi.

Les Tsuut’ina connaissaient déjà de nombreux problèmes avant l’ouverture du casino Grey Eagle. Pour construire le casino, les Tsuut’ina ont dû entamer des négociations avec le gouvernement fédéral pour louer leurs propres terres afin d’en assurer le développement. L’établissement a ensuite dû obtenir un permis de l’Alberta Gaming, Liquor and Cannabis Commission. Toutes ces démarches peuvent prendre beaucoup de temps et, comme les Tsuut’ina ne peuvent pas délivrer de permis pour leurs propres établissements de jeux, ils ne conservent qu’une partie des recettes générées par cet établissement, le reste revenant à la province. Or, si une partie de ces recettes est utilisée à des fins nobles, telles que l’entente de subvention pour le fonds de développement des Premières Nations, la majeure partie va tout simplement dans les coffres de la province. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il s’agit d’un marché injuste. Les choses seraient beaucoup plus simples si les Premières Nations n’étaient pas restreintes par les règles relatives à la délivrance de permis prévues par le Code criminel, et si elles pouvaient au contraire exercer leur souveraineté dans ce domaine lorsqu’il s’agit de leurs terres. Je ne m’attarderai pas davantage sur le sujet, mais, chers collègues, je vous invite à suivre l’évolution de ce dossier. En effet, je m’exprimerai plus en détail sur le sujet dans les semaines à venir.

Pour conclure, chers collègues, j’espère vous avoir donné matière à réflexion, et j’invite les sénateurs de l’Alberta à être fiers de ces formidables entrepreneurs autochtones. Je ne suis pas certain que les quelque 50 000 entreprises autochtones de ce pays feront parler d’elles, mais je suis persuadé qu’un grand nombre d’entre elles se distingueront, et j’ai hâte d’écouter les témoignages de mes collègues dans le cadre de cette interpellation. Merci encore, sénateur Klyne.

L’honorable Peter Harder : Merci, Votre Honneur, permettez‑moi d’ajouter ma voix à celle de mes collègues pour vous féliciter de votre nomination. Vous avez dit plus tôt que vous aviez de grands souliers à chausser, mais votre prédécesseur n’a jamais porté de souliers à talons hauts.

Avant de commencer, je veux souligner que nous tenons nos délibérations sur le territoire non cédé de la Première Nation algonquine anishinaabeg. Cette reconnaissance est particulièrement à propos, puisque je prends la parole au sujet de l’interpellation récemment lancée par notre collègue le sénateur Klyne, de la Saskatchewan, dont le pseudonyme sur Twitter est @Mister_Regina.

L’objectif de cette interpellation est de mettre en lumière les grandes réussites des entreprises dirigées par des Autochtones dans tout le Canada dont on ne parle pas assez. Je suis ravi que tant de collègues, y compris le sénateur Tannas qui vient de terminer son intervention, abordent cette question du point de vue de leur région.

En tant que sénateurs, je considère que nous sommes membres du plus privilégié des groupes de réflexion au pays et que nous pouvons faire beaucoup pour inspirer les Canadiens autochtones qui souhaitent créer leur propre entreprise ou apporter leur contribution en tant qu’employés, chercheurs, collaborateurs ou autres. Rien que dans ma province, l’Ontario, le répertoire des entreprises autochtones du Canada compte 526 entreprises de tous types et de toutes tailles.

Comme beaucoup d’entre nous le savent, les entrepreneurs qui dirigent une entreprise autochtone se heurtent souvent à des difficultés que les autres entreprises ne rencontrent pas. Compte tenu de cette réalité, on peut être sûr qu’un grand nombre de ces 526 entreprises ont surmonté de grandes difficultés pour arriver là où elles sont. Il serait facile d’en sélectionner une ou deux pour les féliciter. Mais au lieu de me contenter de donner des exemples de ces réussites, j’ai pensé passer un peu de temps à discuter des problèmes que les entreprises autochtones rencontrent pour que le nombre de 526 continue d’augmenter dans cette province.

À propos, comme le sénateur Tannas l’a déjà mentionné, il y a environ 50 000 entreprises autochtones au Canada.

J’aimerais parler un peu de la main-d’œuvre autochtone potentielle de ce pays, qui, comme nous le savons tous, est trop souvent inexploitée et sous-utilisée. Une grande partie des Canadiens autochtones sont jeunes, dynamiques et créatifs, mais nous ne tirons pas le meilleur parti de cette richesse. Dans les milieux d’affaires, la réussite commence bien sûr par l’éducation. Je m’empresse d’ajouter qu’une bonne éducation n’est en aucun cas essentielle pour diriger une entreprise prospère. D’ailleurs, je pense que nous devrions valoriser davantage les métiers au Canada, mais c’est un débat pour un autre jour.

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Il se trouve que le pourcentage d’Autochtones ayant obtenu un diplôme d’études postsecondaires continue d’être bien inférieur au reste de la population. Par exemple, en 2016, 52 % des femmes autochtones possédaient un diplôme d’études postsecondaires. Sur ce nombre, 14 % étaient titulaires d’au moins un baccalauréat. En comparaison, 46 % des hommes autochtones possédaient un diplôme d’études postsecondaires, et 8 % d’entre eux étaient titulaires d’au moins un baccalauréat.

Comparez ces chiffres à ceux du reste du Canada, où 67 % des femmes ont obtenu un diplôme d’études postsecondaires, et 32 % sont titulaires d’au moins un baccalauréat. Chez les hommes non autochtones, ces pourcentages ne sont que légèrement inférieurs, s’élevant à 64 % et à 27 % respectivement. Il s’agit là d’écarts importants, et c’est notre pays qui en sort perdant.

Bien que le taux de chômage des Canadiens autochtones en 2022 soit inférieur à celui de l’année précédente, l’écart entre le Canada autochtone et le reste du pays est encore trop important. En 2022, par exemple, 8 % des Canadiens autochtones étaient au chômage par rapport à 5,2 % des Canadiens non autochtones. Cela représente un écart de près de trois points.

Enfin, j’aimerais parler des Canadiens autochtones dans les domaines des STIM, soit la science, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques, où continue de se dérouler une bonne partie de la croissance de l’emploi dans notre pays.

Tout d’abord, en ce qui concerne les STIM, soulignons qu’environ 4 % des adultes canadiens sont autochtones, mais que moins de 2 % des personnes travaillant dans ces domaines sont des adultes autochtones canadiens.

Dans le domaine de la technologie, on constate un écart comparable. Parmi les Autochtones énumérés au Canada, la participation aux professions en technologie s’élevait à 2,2 % en 2016, ce qui équivaut à environ 13 000 personnes au total, ce qui est bien inférieur à la proportion d’Autochtones dans la population canadienne.

Ces faibles chiffres compliquent les choses pour les entreprises autochtones, même celles qui, animées par les meilleures intentions qui soient, veulent embaucher des travailleurs autochtones. Prenons par exemple l’expérience de David Yeo, président et fondateur de Dalian Enterprises Inc., une entreprise autochtone de cybersécurité établie à Ottawa. L’entreprise est constamment à la recherche de diplômés autochtones en technologie et entretient des relations étroites avec des établissements comme le Collège Algonquin, dans l’Ouest d’Ottawa. Mais il n’est pas facile d’embaucher à partir de ces bassins.

Il arrive trop souvent que David ait un œil sur un diplômé autochtone, mais qu’il le voie se faire recruter par une entreprise plus importante. Dans d’autres cas, les candidats autochtones retournent dans leur réserve d’origine après l’obtention de leur diplôme. Cette pierre d’achoppement est devenue un peu plus facile à surmonter récemment, étant donné l’importance nouvelle accordée au travail à domicile. M. Yeo suggère également que les jeunes autochtones désireux d’être embauchés s’auto-identifient. C’est un problème que nous rencontrons également dans la population active.

M. Yeo, descendant du chef Robert Franklin de la Première Nation d’Alderville, qui fut l’un des premiers signataires du traité Williams de l’Ontario en 1923, a créé Dalian en 2001. Étant un ancien combattant de l’Afghanistan et d’autres conflits, M. Yeo est aujourd’hui spécialisé dans les infrastructures de cybersécurité et les projets de centres de données au sein du gouvernement fédéral. Vingt-deux ans après sa création, Dalian compte plus de 200 experts en la matière intégrés à divers ministères. Durant cette période, l’entreprise a été une partenaire de confiance du gouvernement et elle est titulaire d’une attestation de sécurité d’installation de niveau très secret, la plupart des membres du personnel ayant une cote de sécurité de niveau secret ou plus.

L’intérêt de M. Yeo pour la technologie vient du fait que son école secondaire de Port Hope, en Ontario, a été l’une des premières à recevoir des ordinateurs et des unités centrales pour les inclure dans le programme scolaire. C’est ce qui a forgé son amour pour ce domaine et qui l’a incité à s’inscrire à l’université pour étudier l’informatique. Voilà qui démontre encore une fois l’importance de l’éducation.

Avant de conclure, j’aimerais prendre un moment pour mentionner l’importance de divers organismes de développement dans les réserves dont le rôle dans la promotion du développement des entreprises ne peut être ni sous-estimé ni sous-apprécié. Il s’agit notamment d’organisations dynamiques et progressistes telles que la Whitecap Development Corporation, située au sud de Saskatoon, la bande indienne d’Osoyoos, en Colombie-Britannique, et la Membertou Development Corporation, en Nouvelle-Écosse. Cette dernière a contribué à créer l’une des Premières Nations les plus prospères du pays. Elle compte plusieurs divisions qui vont des services sociaux et du logement aux programmes éducatifs, y compris les études en entrepreneuriat. Une fois de plus, on met l’accent sur l’éducation.

Membertou compte également parmi ses conseillers notre collègue l’ancien sénateur Dan Christmas, qui vient de prendre sa retraite et dont les conseils avisés sur les questions relatives aux entreprises autochtones ne peuvent que renforcer la contribution de Membertou dans le monde des affaires. Nous avons besoin de plus de personnes comme lui pour encourager les Canadiens autochtones à se lancer en affaires.

En résumé, les priorités et les objectifs des Autochtones du Canada changent avec le temps. Pendant un certain temps, la promotion de leurs droits a tenu le haut du pavé. À d’autres moments, la négociation de traités et l’autonomie gouvernementale semblaient être au sommet de la liste. Aujourd’hui, il me semble qu’ils mettent l’accent sur le développement des entreprises et l’entrepreneuriat, et c’est une bonne chose. En tant que sénateurs, nous devrions faire tout ce qui est en notre pouvoir pour encourager cet esprit.

Dans cet esprit, je remercie le sénateur Klyne de cette interpellation et j’invite les autres sénateurs à participer à cet important débat.

(Sur la motion du sénateur Downe, au nom du sénateur Patterson (Nunavut), le débat est ajourné.)

L’honorable Patricia Bovey

Interpellation—Ajournement du débat

L’honorable Jane Cordy, ayant donné préavis le 10 mai 2023 :

Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur la carrière de l’honorable Patricia Bovey.

 — Honorables sénateurs, j’amorce aujourd’hui le débat sur l’interpellation visant à donner la parole aux sénateurs qui n’ont pas pu rendre hommage à notre ancienne collègue la sénatrice Bovey, faute de temps pendant la période réservée à cette fin.

(Sur la motion de la sénatrice Bernard, le débat est ajourné.)

(À 17 h 19, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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