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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 169

Le lundi 11 décembre 2023
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le lundi 11 décembre 2023

La séance est ouverte à 18 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Alan Roy

Félicitations pour le Prix du lieutenant-gouverneur pour l'excellence en administration publique

L’honorable John M. McNair : Honorables sénateurs, je prends la parole pour annoncer que plus tôt aujourd’hui, à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, l’honorable Brenda Murphy et l’Institut d’administration publique du Canada ont remis le prix d’excellence de la lieutenante-gouverneure en administration publique pour 2023.

Le prix d’excellence du lieutenant-gouverneur a été créé en 2001 pour récompenser les fonctionnaires exceptionnels qui ont apporté une contribution précieuse et durable à la fonction publique. Il s’agit du prix d’excellence en administration publique le plus prestigieux remis dans la province du Nouveau-Brunswick.

Je suis très heureux de vous annoncer que cette année, le récipiendaire du prix d’excellence en administration publique est Alan Roy.

M. Roy a occupé plusieurs postes au cours de sa carrière, le plus récent étant celui de directeur général de Service Nouveau‑Brunswick, qu’il occupe depuis 2016. Dans le formulaire de candidature, son équipe de direction a énuméré de nombreux exemples des qualités exceptionnelles de M. Roy. Par exemple, il accorde toujours la priorité aux gens; il possède d’excellentes compétences en leadership et en gestion des crises; il est capable d’établir des liens personnels partout dans Service Nouveau‑Brunswick; il a démontré qu’il croit en la nécessité de redonner à l’organisation et à la communauté et il a fait preuve d’un grand leadership pendant la pandémie de COVID-19, alors que Service Nouveau-Brunswick a dû rester ouvert pour tous les Néo‑Brunswickois.

Voici un extrait de son formulaire de candidature qui décrit bien le style de leadership de M. Roy :

Alan a dirigé avec discrétion et humilité tout au long de sa longue et distinguée carrière dans le service public. Il est le premier à assumer les responsabilités lors d’une crise et à rendre hommage à son équipe pour les réalisations ou les succès.

La carrière de plus de 40 ans d’Alan lui a permis de se former une solide compréhension de la fonction publique. Il s’est montré capable d’entretenir des rapports avec des employés de Service Nouveau-Brunswick à tous les échelons organisationnels. Ayant joué de nombreux rôles distincts au cours de sa carrière, il comprend que les employés sont des experts du travail qu’ils font, ce qui leur permet d’être des chefs de file.

Honorables sénateurs, joignez-vous à moi afin de féliciter Alan Roy et de lui rendre hommage pour sa carrière exceptionnelle de plus de 40 ans dans la fonction publique, au service des Néo‑Brunswickois. Je ne vois pas qui d’autre pourrait mériter ce prix autant que lui.

Merci.

Les relations entre le Canada et la Corée

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Le Canada et la République de Corée partagent une histoire remarquable de coopération fondée sur le respect mutuel, des valeurs communes et une volonté de favoriser la prospérité et la paix. Le 30 novembre, la relation spéciale qu’entretiennent les deux pays a été soulignée par l’Assemblée nationale de la République de Corée. Les législateurs sud-coréens ont adopté une résolution spéciale qui célébrait le 60e anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays.

Le Canada est depuis longtemps un partenaire de ce qui est devenu aujourd’hui la réussite de la Corée du Sud. Depuis les efforts herculéens que des Canadiens ont consentis à titre individuel, comme ce fut le cas de Frank Schofield, qui s’est battu aux côtés des Coréens dans leur mouvement d’indépendance contre le colonialisme japonais, en 1919, ainsi que du Dr Oliver Avison, qui a passé plus de 40 ans à répandre le savoir médical occidental en Corée, jusqu’aux sacrifices des héros canadiens, qui ont été plus de 26 000 à prendre part à la guerre de Corée, sans oublier le travail des soldats canadiens déployés dans les forces du maintien de la paix après l’armistice, au nombre de plus de 7 000.

La collaboration économique est l’une des pierres d’assise de nos relations bilatérales. Le Canada et la Corée sont d’ardents partisans du commerce libre et équitable, et la mise à niveau de nos relations bilatérales dans le cadre du partenariat stratégique global, en septembre 2022, témoigne de notre volonté de créer un espace économique mondial plus ouvert, avec des acteurs plus interreliés. Cet accord a préparé le terrain pour un accroissement des échanges commerciaux et des investissements qui profite aux entreprises et aux consommateurs des deux côtés du Pacifique.

Notre collaboration dans les secteurs de la technologie et de l’innovation est un autre bel exemple de la force de notre partenariat. Grâce à des initiatives de recherche conjointes, à des échanges universitaires et à la collaboration entre divers secteurs, le Canada et la Corée du Sud favorisent l’innovation et contribuent à l’avancement de la technologie sur la scène mondiale. Cela favorise non seulement la croissance économique, mais renforce aussi les liens entre nos peuples.

Les échanges culturels ont joué un rôle crucial dans le rapprochement de nos nations. L’appréciation de la richesse de nos patrimoines culturels respectifs a donné lieu à de nombreux événements culturels, échanges et partenariats. Des festivals de films aux expositions d’art, ces initiatives nous permettent de mieux nous comprendre les uns les autres et de développer un sentiment d’amitié et de camaraderie. Cet engagement commun sera approfondi entre 2024 et 2025, à l’occasion de l’année des échanges culturels entre la République de Corée et le Canada.

Alors que nous réfléchissons aux réalisations de notre 60e anniversaire de relations bilatérales, il est essentiel de reconnaître le rôle de nos relations interpersonnelles dans le renforcement de nos liens. La communauté canado-coréenne dynamique présente au Canada ainsi que l’accueil chaleureux réservé aux Canadiens en Corée du Sud témoignent de l’amitié solide qui unit nos deux pays.

Au nom du Groupe d’amitié interparlementaire Canada-Corée et à titre de sa coprésidente au Sénat, je remercie sincèrement les membres de l’Assemblée nationale de la Corée d’avoir adopté la résolution spéciale qui vient clore cette année marquante.

[Français]

La Journée internationale des droits de l’homme

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, le 10 décembre est la Journée internationale des droits de l’homme. Cette année, nous célébrons le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

[Traduction]

C’est en 1948 que les Nations unies ont adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui établit une liste exhaustive des droits fondamentaux de la personne afin de garantir la dignité, l’égalité et la valeur de tous les membres de la famille humaine.

L’article premier nous rappelle que :

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

Cependant, je souhaite attirer votre attention sur l’article 25 :

Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires [...]

Le temps des Fêtes arrive à grands pas et nous rappelle chaque jour que tout le monde ne vit pas dans des conditions adéquates. Trop souvent, nous tenons pour acquis les droits fondamentaux de la personne, comme se nourrir et se vêtir. Aidons les personnes que nous pouvons aider.

En tant que pays industrialisé hautement développé et membre du G7, le Canada peut et doit en faire davantage pour lutter contre la pauvreté, l’inégalité et la crise de l’abordabilité. En dépit de ces défis, le Canada est certainement dans une position privilégiée par rapport à d’autres nations. Voilà pourquoi des organisations comme la Banque mondiale sont plus importantes que jamais. Cette institution mondiale, créée pour mettre fin à la pauvreté dans les pays les plus démunis et pour favoriser la prospérité de l’ensemble de l’humanité, s’emploie à favoriser une croissance économique durable, à investir dans les gens et à accroître la résilience aux chocs et aux menaces susceptibles d’anéantir des décennies de progrès.

En qualité de président de la section canadienne du Réseau parlementaire sur la Banque Mondiale et le FMI, je suis déterminé à collaborer avec nos collègues parlementaires du Canada et du monde entier pour promouvoir des mesures de réduction de la pauvreté auprès de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, le FMI, pour que tous puissent bénéficier des droits et libertés énoncés dans la déclaration.

Honorables sénateurs, cette année, la Journée des droits de l’homme se déroule sous le thème « Liberté, égalité et justice pour tous ». J’ose espérer que ces trois principes guideront dorénavant notre travail à titre de parlementaires. Puissent ces mots nous inspirer, car nous rentrerons bientôt dans nos régions respectives pour les Fêtes pour redonner aux nôtres et lutter pour que ces objectifs deviennent réalité pour l’ensemble des Canadiens.

(1810)

Merci, meegwetch.

Le bilan de l’UNICEF sur la pauvreté chez les enfants

L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, j’aimerais attirer votre attention sur le Bilan Innocenti 18 de l’UNICEF sur la pauvreté chez les enfants, qui a été publié le 6 décembre. Je tiens à féliciter UNICEF Canada et ses partenaires pour leur partenariat et leurs efforts continus dans ce dossier.

Chers collègues, il s’agit d’un rapport important qui nous apporte de bonnes nouvelles. Selon les données enregistrées jusqu’en 2021 sur la réduction de la pauvreté des enfants, les taux de pauvreté des enfants au Canada ont considérablement baissé ces dernières années. D’ailleurs, seuls 6 des 39 pays à revenu élevé ont fait mieux que le Canada ces dernières années. Néanmoins, ce rapport nous montre que le travail du Canada pour protéger les enfants des effets dévastateurs de la pauvreté est loin d’être terminé.

Si nous comparons notre taux de pauvreté chez les enfants à celui d’autres pays de l’OCDE, le Canada ne s’en tire pas aussi bien. Malgré nos progrès, nous nous classons actuellement au 19e rang parmi 39 pays de l’OCDE et de l’Union européenne. Chers collègues, si nous utilisons la norme européenne pour mesurer la privation monétaire des enfants, cela signifie que près de 18 % des enfants, soit plus d’un million, grandissent dans la pauvreté. Ce taux est encore plus élevé chez les enfants de familles monoparentales : il atteint 40 %. Comparons ces chiffres, chers collègues, à ceux des pays les plus performants, qui affichent des taux de pauvreté chez les enfants de moins de 10 % et qui ont établi les taux qu’il est possible d’atteindre.

Le rapport nous apprend également que le Canada se classe au 25e rang sur 38 pays en matière d’investissement dans la protection sociale des enfants et que la pauvreté chez les enfants recommence à augmenter. Elle a d’ailleurs augmenté en 2021. Compte tenu de l’augmentation du coût de la vie et du recours aux banques alimentaires, ainsi que des données récentes sur le logement, il semble probable que, en 2023, la tendance s’accentuera.

Éliminer la pauvreté chez les enfants dans un pays riche comme le Canada est tout à fait possible. La pauvreté chez les enfants est un choix que font les gouvernements. Bonifier l’Allocation canadienne pour enfants, qui est insuffisante, et offrir des congés parentaux plus inclusifs et mieux rémunérés sont deux exemples de politiques qui nous permettraient de réduire le taux croissant d’insécurité alimentaire et d’obtenir de meilleurs résultats en matière de santé et de développement pour tous les enfants. Elles nous permettraient également de respecter l’engagement pris il y a plus de 30 ans de mettre fin à la pauvreté chez les enfants.

Nous ne manquons pas d’idées, chers collègues, mais nous devons nous engager à réaliser la vision d’un Canada où chaque enfant bénéficie du soutien nécessaire pour réaliser son plein potentiel.

Merci, meegwetch.

Le conflit entre Israël et le Hamas

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, merci à mes collègues conservateurs pour ce temps de parole.

Le jour où nous avons commémoré le massacre à Montréal de jeunes étudiantes québécoises en ingénierie, j’ai reçu une lettre d’Efrat Rayten Marom, cheffe de la délégation de la Knesset israélienne, adressée à un groupe de femmes leaders politiques, dont je suis membre. Dans sa lettre, Mme Marom écrivait :

Le samedi 7 octobre, le Hamas a commis un massacre contre Israël. Au cours de cette série d’attaques, les terroristes du Hamas ont enlevé 240 personnes, dont 138 sont toujours détenues en captivité : 1 nourrisson, 1 jeune enfant, 20 femmes, 117 hommes et 10 personnes âgées...

Les témoignages de plus en plus nombreux de ceux qui ont été relâchés par le Hamas brossent un tableau terrifiant de la situation et montrent clairement que les otages sont détenus dans des conditions difficiles.

Des témoins ayant survécu au massacre du 7 octobre et des premiers intervenants sur les lieux ont décrit les crimes atroces perpétrés par les terroristes du Hamas contre les femmes, notamment des viols sauvages, des agressions sexuelles brutales et des mutilations génitales.

Ces témoignages soulèvent de sérieuses inquiétudes quant à la situation des femmes qui sont toujours retenues en captivité par les mêmes terroristes.

La députée Marom, de la Knesset, poursuit en écrivant :

Toute femme qui se tait, toute organisation internationale ou tout groupe qui s’occupe des droits de la personne et qui ne fait pas tout ce qui est en son pouvoir pour obtenir la libération immédiate des otages commet une négligence criminelle.

Enfin, le groupe ONU Femmes, qui s’était exprimé sur le sort bien réel des femmes et des filles palestiniennes, a déclaré :

Nous croyons qu’une enquête en bonne et due forme est essentielle afin que les auteurs de ces crimes, peu importe leur allégeance, répondent de leurs actes et que justice soit rendue.

Pour la première fois au cours de son mandat, M. Guterres, le secrétaire général des Nations unies, a invoqué l’article 99 de la Charte des Nations Unies, parce que la guerre dans la bande de Gaza met en péril la paix et la sécurité internationales.

J’aurais voulu être à la maison jeudi soir pour le service en mémoire de Vivian Silver, originaire de Winnipeg. Elle a travaillé inlassablement pour défendre les droits des femmes, et, en tant que fondatrice de l’organisme Women Wage Peace, elle a consacré sa vie à mettre fin au conflit israélo-palestinien et à promouvoir la participation des femmes au processus de paix. Vivian a aussi occupé les fonctions de codirectrice générale du Negev Institute for Strategies of Peace and Development, une organisation arabe et juive, en plus d’être bénévole pour Road to Recovery, un organisme qui assure le transport de Palestiniens vers des hôpitaux israéliens.

Voici une déclaration de son fils, Yonatan :

« J’espère que la mort de ma mère fera partie d’un nouveau mouvement, d’un changement de paradigme. »

Chers collègues, l’organisation Human Rights Watch rapporte que, depuis le 7 octobre, 1 enfant est tué toutes les 10 minutes, en moyenne, dans la bande de Gaza. Selon l’agence Reuters, plus de 17 000 enfants ont été tués à ce jour dans la bande de Gaza.

Cette situation est intolérable. Quand le Canada demandera-t-il un cessez-le-feu?


AFFAIRES COURANTES

La gouverneure générale

La commission amendée nommant Richard Wagner à titre de suppléant—Dépôt de document

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, une copie de la commission amendée désignant Richard Wagner suppléant de la gouverneure générale.

La commission nommant Kenneth MacKillop à titre de suppléant—Dépôt de document

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, une copie de la commission désignant Kenneth MacKillop suppléant du gouverneur général.

La justice

L’Énoncé concernant la Charte en ce qui a trait au projet de loi S-15—Dépôt de document

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un énoncé concernant la Charte préparé par le ministre de la Justice ayant trait au projet de loi S-15, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, conformément à la Loi sur le ministère de la Justice, L.R.C. 1985, ch. J-2, par. 4.2(1).

La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social
La Loi sur l’assurance-emploi

Projet de loi modificatif—Présentation du dix-huitième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

L’honorable Ratna Omidvar, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant :

Le lundi 11 décembre 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l’honneur de présenter son

DIX-HUITIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-244, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social et la Loi sur l’assurance-emploi (Conseil de l’assurance-emploi), a, conformément à l’ordre de renvoi du 13 juin 2023, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec la modification suivante :

1.Article 4, page 4 : Ajouter, après la ligne 38, ce qui suit :

« (6.1) Le Conseil tient au moins trois réunions par année. ».

Respectueusement soumis,

La présidente,

RATNA OMIDVAR

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

L’étude des questions concernant les droits de la personne en général

Dépôt du septième rapport du Comité des droits de la personne auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 3 mars 2022 et le 26 octobre 2023, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a déposé auprès du greffier du Sénat, le 11 décembre 2023, son septième rapport (provisoire) intitulé Racisme anti-Noirs, sexisme et discrimination systémique au sein de la Commission canadienne des droits de la personne. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

(Sur la motion de la sénatrice Ataullahjan, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(1820)

Le Sénat

Préavis de motion tendant à autoriser le Sénat à se réunir en comité plénier afin d’étudier la teneur du projet de loi C-56

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle :

1.le Sénat se forme en comité plénier à 14 heures le mercredi 13 décembre 2023, afin d’étudier la teneur du projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la concurrence;

2.le comité plénier sur la teneur du projet de loi C-56 reçoive l’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, vice-première ministre et ministre des Finances, et l’honorable François-Philippe Champagne, c.p., député, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, accompagnés d’un fonctionnaire chacun, pour une période d’au plus 65 minutes, suivie de la levée de la séance du comité;

3.les remarques introductives des témoins durent un total maximal de cinq minutes;

4.si un sénateur n’utilise pas l’entière période de 10 minutes prévue pour les interventions à l’article 12-32(3)d) du Règlement, les réponses des témoins y comprises, il puisse céder le reste de son temps à un autre sénateur.

[Français]

Projet de loi de crédits no 4 pour 2023-2024

Première lecture

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-60, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2024, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

[Traduction]

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-6(1)f) du Règlement, je propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième à la prochaine séance du Sénat.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

L’environnement et le changement climatique

La taxe sur le carbone

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, la semaine dernière, l’Assemblée des Premières Nations a élu comme cheffe nationale Cindy Woodhouse, cheffe régionale du Manitoba depuis trois ans. Je lui transmets tous mes vœux de succès dans ses nouvelles fonctions.

Pendant sa première conférence de presse en tant que cheffe nationale, on lui a demandé si elle était en faveur de la révision judiciaire que les chefs de l’Ontario cherchent à obtenir à propos de la taxe sur le carbone. Vous vous souviendrez peut-être que je vous ai posé une question à ce sujet la semaine dernière, pendant la période des questions. Elle a répondu : « Absolument. » Elle a aussi ajouté ceci : « D’après ce que j’entends, elle nuira à nos gens... »

Monsieur leader, comment réagissez-vous aux propos de la cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations? Je rappelle qu’il s’agit de ses propos et non des miens.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Tout d’abord, je me joins à vous — comme tous les sénateurs, j’en suis sûr — pour la féliciter de son élection. Je sais que le gouvernement du Canada se réjouit à l’idée de travailler avec elle de manière productive.

À vrai dire, la tarification de la pollution, telle qu’elle s’applique au Canada, aide les Canadiens bien plus qu’elle ne leur nuit. Je comprends qu’une campagne de mésinformation sur la question continue d’être menée, qui contredit les propos d’innombrables experts indépendants. Nous ne pouvons pas empêcher cela; nous sommes dans un pays libre.

Le fait est que la procédure de révision judiciaire suit son cours et que les tribunaux se prononceront en temps voulu, mais le gouvernement maintient son engagement à tarifer la pollution, car il s’agit d’un instrument de politique central. C’est la mesure la plus rentable, la plus efficace et la plus bénéfique pour lutter contre le changement climatique.

Le sénateur Plett : Il est stupéfiant de constater que le premier ministre et le gouvernement incompétents sont les seuls à croire ce que vous dites.

Monsieur le leader, la nouvelle cheffe nationale n’est pas la seule personne nouvellement élue à avoir dénoncé la taxe sur le carbone au cours des derniers jours. Le nouveau premier ministre des Territoires du Nord-Ouest — et je suppose qu’il ne sait pas de quoi il parle, selon vous — a déclaré, la fin de semaine dernière, qu’il souhaite une exemption complète pour le territoire. Le premier ministre R.J. Simpson a également dit : « Les coûts sont déjà élevés; une hausse des coûts n’est pas la solution. »

Monsieur le leader, encore une fois, ce ne sont pas mes mots, mais ceux du premier ministre Simpson. Que lui répondez-vous?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Tout d’abord, je n’ai jamais dit, et ne dirais jamais, que la cheffe, le premier ministre ou n’importe quel autre Canadien ne savent pas de quoi ils parlent. Je critique la campagne de désinformation et de mésinformation de l’opposition. Les analystes de ce pays savent comment la tarification de la pollution fonctionne, et le gouvernement demeure déterminé à en atténuer les répercussions sur les Canadiens, comme il l’a déjà fait, et il continuera de le faire.

Les changements climatiques

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, Stephen Buffalo est membre de la Nation crie de Samson, située au sud d’Edmonton, et président-directeur général du Conseil des ressources indiennes du Canada. Il a récemment commenté l’effet du plafond énergétique du gouvernement Trudeau sur l’implication, l’emploi et l’investissement en capital des Autochtones dans le secteur pétrolier et gazier :

Les Autochtones ont démontré leurs compétences entrepreneuriales et leur capacité à investir dans le développement des communautés et la création de richesses à long terme, tout en gardant à l’esprit les générations actuelles et futures. Le gouvernement semble prêt à mettre fin aux possibilités et à la prospérité que nous avons rigoureusement gagnés, sans la courtoisie d’une bonne discussion [...]

Monsieur le leader, que répondez-vous aux propos de M. Buffalo — pas les miens, mais les siens?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le plan du gouvernement visant à impliquer les Canadiens, les intervenants, les détenteurs de droits autochtones, les provinces et les territoires dans la lutte contre les changements climatiques est permanent. Le gouvernement dispose d’un plan global qui comporte de nombreuses facettes, qu’il s’agisse du plafond d’émissions récemment proposé, de la tarification de la pollution ou des remboursements et des incitatifs offerts aux Canadiens pour les aider à faire la transition.

Comme je l’ai dit, il est normal dans une démocratie qu’il y ait des divergences d’opinions quant à la meilleure approche pour lutter contre cette crise existentielle. Il s’agit d’une crise qui affecte notre bien-être, notre prospérité et celle des générations suivantes.

Il n’en reste pas moins que le gouvernement a un plan cohérent, et c’est le seul plan dont on dispose, du moins dans cette Chambre. L’opposition n’a pas de plan et elle n’a même pas jugé bon de présenter ne serait-ce que le début d’un plan.

La sénatrice Martin : Le premier ministre a dit à maintes reprises qu’aucune relation n’est plus importante pour le gouvernement actuel que celle qu’il entretient avec les peuples autochtones. Cependant, monsieur le leader, j’ai cru comprendre que M. Buffalo et d’autres leaders ont demandé plusieurs fois de rencontrer la ministre Freeland pour discuter de la taxe sur le carbone, mais elle refuse de les rencontrer. Pourriez-vous vous renseigner et nous dire si c’est vrai et, dans l’affirmative, pourquoi la ministre Freeland a refusé cette rencontre?

Le sénateur Gold : Il y a un dialogue constant à tous les niveaux entre les titulaires de droits et le gouvernement du Canada, et je suis ravi que vous accordiez tant d’importance aux enjeux autochtones. J’en déduis que vous êtes indépendante du parti à la Chambre des communes qui a voté contre un si grand nombre de mesures visant à avantager les communautés autochtones. J’aimerais que le Sénat soit un peu plus une Chambre de second examen objectif et qu’il soit moins enclin à tenir un double discours.

[Français]

Les émissions de gaz à effet de serre

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Gold, le gouvernement vient d’annoncer un plafonnement des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. On prévoit toutefois que notre production de pétrole et de gaz augmentera pendant cette période.

Comment expliquer cette incohérence? C’est le mirage de la « captation du carbone » — la solution miracle de l’industrie pour continuer le statu quo.

(1830)

L’Agence internationale de l’énergie a récemment écrit qu’il fallait « abandonner l’illusion » que la capture du carbone était une solution réaliste. C’est même John Moffet, sous-ministre adjoint au ministère de l’Environnement, qui a le mieux résumé ces doutes :

Le grand problème dont nous entendons parler est qu’il s’agit d’un moyen très coûteux de continuer à produire des hydrocarbures [...]. Tôt ou tard, le monde entier doit cesser d’utiliser le pétrole et le gaz. [...] Le problème n’est pas d’ordre technique, mais de risque moral : « Devrions-nous recourir à cette technologie et continuer à consommer du pétrole et du gaz? »

Sénateur Gold, pourquoi dépenser des milliards de dollars en fonds publics pour continuer de produire des énergies fossiles dont il faut se débarrasser le plus rapidement possible?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question.

Je me sens un peu comme Boucle d’or, c’est soit trop chaud d’un côté ou trop froid de l’autre. Bref, le gouvernement s’est engagé à continuer d’adopter une approche scientifique et prudente en ce qui concerne l’action climatique et pour assurer un avenir plus durable.

L’économie mondiale utilise et continuera d’utiliser le pétrole et le gaz, et c’est pourquoi le gouvernement va de l’avant avec son engagement en vue d’instaurer un plafond de pollution, un plan ambitieux qui est réalisable par rapport aux émissions du secteur du pétrole et du gaz.

C’est la première fois qu’un pays producteur met de l’avant un programme comme celui-ci. Le plafond de pollution garantira que le secteur pétrolier et gazier du Canada fera sa part pour réduire les émissions et renforcera sa compétitivité dans ce secteur de l’économie mondiale pour qu’il se décarbonise rapidement.

La sénatrice Miville-Dechêne : Quand les experts considèrent la technologie de la capture du carbone, c’est uniquement dans un contexte très précis, soit pour capter les émissions de secteurs pour lesquels il n’existe pas d’alternatives actuellement, comme l’acier ou le ciment. Personne ne considère que la capture du carbone est une option réaliste pour les gaz à effet de serre liés au pétrole et au gaz.

Pourquoi le Canada s’entête-t-il à investir des milliards de dollars de fonds publics dans une technologie qui nous mène vers un cul‑de-sac climatique et économique?

Le sénateur Gold : Merci, mais avec beaucoup de respect, je n’accepte pas la prémisse de votre question.

Chaque secteur de l’économie canadienne est appelé à contribuer pour lutter contre les changements climatiques et bâtir un avenir sûr. Pour accomplir cet objectif important, il faut faire des investissements dans la technologie et dans l’innovation. Le Canada fera sa part, avec ses partenaires provinciaux et territoriaux dans l’industrie, pour faire en sorte de trouver des moyens de réduire les émissions et sauver la planète.

[Traduction]

L’innovation, les sciences et le développement économique

Les frais de cartes de crédit pour les petites entreprises

L’honorable Tony Loffreda : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Dans le budget de 2023, le gouvernement s’est engagé à travailler avec Visa et Mastercard pour faire baisser les frais d’interchange des cartes de crédit pour les petites entreprises. La semaine dernière, la ministre Valdez a confirmé qu’une entente avait été conclue et expliqué que les propriétaires de petite entreprise allaient économiser 1 milliard de dollars au cours des cinq prochaines années grâce à cette entente. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, qui réclamait cette mesure depuis plus de 10 ans, estime que l’entente ne va pas assez loin.

Sénateur Gold, les petites entreprises ont besoin de répit maintenant, alors pourquoi ces changements n’entreront-ils en vigueur qu’à l’automne 2024? De plus, combien d’entreprises pourront profiter de ces changements et quel sera le critère d’admissibilité pour ce qui est de la taille des entreprises?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question et merci d’avoir souligné cette importante initiative. Les petites entreprises devront répondre à certaines conditions pour chaque réseau de carte de crédit. Les petites entreprises dont le volume annuel de ventes avec Visa est inférieur à 300 000 $ pourront payer des frais d’interchange moins élevés avec Visa. Pour Mastercard, ce seuil est de 175 000 $. Selon ma compréhension, sénateur, plus de 90 % des petites entreprises canadiennes qui acceptent les cartes de crédit profiteront d’une réduction de leurs frais de cartes de crédit pouvant atteindre 27 %, ce qui leur permettra d’économiser collectivement jusqu’à 1 milliard de dollars sur cinq ans.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de votre réponse.

Les ententes que le gouvernement a conclues avec Visa et Mastercard comprennent également un accès gratuit à des ressources en ligne de cybersécurité et de protection contre la fraude, puisque beaucoup d’entreprises augmentent de plus en plus leur présence en ligne, mais n’ont pas nécessairement toutes les capitaux, les technologies et l’expertise voulus pour prévenir ou gérer les cyberattaques majeures. Pourriez-vous parler plus en détail de cette portion des ententes? Quelle aide Visa et Mastercard ont‑elles convenu de fournir en matière de protection contre la fraude? Y a-t-il une limite à leur soutien?

Le sénateur Gold : D’après ce que je comprends, Visa et Mastercard fourniront aux petites entreprises admissibles un accès gratuit à des ressources en ligne de cybersécurité et de protection contre la fraude, et cela s’ajoute aux mesures de soutien déjà offertes telles que le Programme canadien d’adoption du numérique, qui aide ces entreprises à développer leur présence en ligne et leur commerce électronique ainsi qu’à numériser la gestion de l’entreprise en coulisse.

[Français]

La santé

Le Régime canadien de soins dentaires

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, le gouvernement libéral a annoncé ce matin un programme visant les soins dentaires pour l’ensemble du pays. Il semble que le programme a été annoncé avant même qu’il y ait eu des discussions convenables ou des ententes précises avec les provinces. Cela suscite évidemment du mécontentement de la part des provinces, particulièrement du Québec, où il y a déjà un programme couvrant les soins dentaires.

Le ministre québécois Jean-François Roberge a déclaré ce qui suit :

Nous avons un autre exemple du gouvernement fédéral qui, visiblement, ne peut s’empêcher d’empiéter dans les champs de compétence du Québec […]

Voilà ce que dénonce le ministre Jean-François Roberge.

Monsieur le leader, dois-je comprendre que votre gouvernement ira quand même de l’avant en implantant un nouveau programme d’assurance dentaire sans avoir signé d’entente avec le Québec ou les autres provinces?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Ce programme est annoncé depuis longtemps et il y a déjà une première étape qui est terminée, comme vous le savez très bien, cher collègue.

En ce qui concerne l’annonce d’aujourd’hui, il est très clair que ce programme va commencer en accordant de l’aide aux personnes les plus vulnérables, soit les personnes âgées ou les jeunes âgés de moins de 18 ans, et ce, dans les cas où ces citoyens n’ont pas d’assurance de leur employeur ou de leur province.

Donc, c’est un supplément de fonds que fournit le gouvernement fédéral pour faire en sorte que les 9 millions de Canadiens qui n’ont pas accès à des soins dentaires actuellement puissent avoir accès aux soins et aux services dont ils ont besoin.

Le sénateur Carignan : Je vais répéter ma question, parce qu’en entendant votre réponse, j’en déduis que vous ne l’avez pas comprise.

Avez-vous fait une annonce et avez-vous mis en place un programme qui empiète sur un champ de compétence provinciale, et ce, sans avoir conclu d’entente avec le Québec ou les provinces?

Est-ce qu’on aura encore une petite chicane pour savoir qui va mettre son sceau sur le chèque, la fleur de lys ou la feuille d’érable?

Le sénateur Gold : Non, j’ai bien compris la question et la réponse est la suivante : le gouvernement va de l’avant avec un programme bien annoncé pour aider les Canadiens qui n’ont pas accès aux soins dentaires selon les critères soit auprès de leur employeur, s’ils travaillent, ou auprès de leur province, comme au Québec.

Il ne s’agit pas d’empiéter sur une compétence provinciale. C’est plutôt un exemple d’un gouvernement qui utilise ces moyens pour aider les Canadiens.

[Traduction]

L'innovation, les sciences et le développement économique

Technologies du développement durable Canada

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, ça continue. Un autre ancien membre du conseil d’administration de Technologies du développement durable Canada a admis avoir versé des fonds publics à une entreprise dans laquelle il a des intérêts directs. Ce n’est pas de la mésinformation ni de la désinformation, sénateur Gold, c’est la personne en question qui l’a admis. Dans ce cas-ci, il est question de deux paiements effectués en 2020 et en 2021 totalisant plus de 393 000 $, monsieur le leader. Il devient très difficile de rester au fait de tous les cas de corruption découverts au sujet de cette caisse noire environnementale. Il s’agit du troisième membre du conseil nommé par les libéraux qui admet avoir versé des fonds publics à des entreprises avec lesquelles il a des liens. Monsieur le leader, on a l’impression que le gouvernement Trudeau n’a fait aucune vérification concernant cette caisse noire. Comment expliquer autant de corruption flagrante autrement — en parlant de mésinformation?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le ministre a annoncé des mesures pour régler la situation. Un tiers, un cabinet d’avocats indépendant, mène un examen sur lequel le ministre s’appuiera. Il est inacceptable qu’un tel programme ne réponde pas aux normes les plus élevées. Le gouvernement met des mesures en place pour s’assurer d’aller au fond de cette affaire et éviter qu’une telle situation se reproduise.

(1840)

Le sénateur Plett : Soit le gouvernement Trudeau a fermé les yeux, soit il savait ce qui se passait avec cette caisse noire et trouvait que c’était bien correct. C’est l’un ou l’autre, sénateur Gold. Le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique par intérim a confirmé qu’il allait se pencher sur ce membre du conseil d’administration dont les entreprises ont obtenu près de 400 000 $. Combien d’autres enquêtes devront être lancées avant que les Canadiens ne connaissent la vérité à propos de cette caisse noire? Combien d’autres cas de corruption devront être mis au jour, monsieur le leader?

Le sénateur Gold : Vous faites des allégations de corruption sans fondement. Le commissaire à l’éthique va enquêter. C’est tout à fait conforme à son mandat. Il tarde au gouvernement de prendre connaissance des résultats de cette enquête.

Les affaires mondiales

Le conflit entre Israël et le Hamas

L’honorable Kim Pate : Ma question s’adresse au sénateur Gold. Premièrement, j’aimerais exprimer mes condoléances à vous ainsi qu’à tous ceux qui ont perdu un être cher au cours des derniers mois.

Aujourd’hui est une journée de grève mondiale pour Gaza. Hier, c’était la Journée internationale des droits de l’homme. Les violations des droits de la personne perpétrées par le Hamas et d’autres groupes armés, notamment le 7 octobre, constituent des crimes de guerre dont il faut saisir la Cour pénale internationale. Même si ces violations sont épouvantables, elles n’anéantissent pas l’humanité palestinienne ni n’excusent les importantes violations par Israël de nombreuses lois internationales qui durent depuis longtemps.

Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a qualifié Gaza de « cimetière pour les enfants » et soutient que « de toute évidence, quelque chose ne fonctionne pas dans la manière dont les opérations militaires sont exécutées ». Comme l’ont dit des témoins au comité des droits de la personne aujourd’hui, plus de 30 enfants israéliens et plus de 7 000 enfants palestiniens sont décédés jusqu’à présent. Quelles mesures concrètes le Canada prend-il pour demander un cessez-le-feu?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. En effet, les attaques terroristes perpétrées par le Hamas sont déplorables. Il s’agit de crimes de guerre. En particulier, les agressions sexuelles et la violence fondée sur le sexe commises à l’endroit des femmes, notamment le viol, dépassent l’entendement.

Le gouvernement du Canada est profondément préoccupé par la fin de la pause humanitaire, la reprise de la violence et les conséquences de ce conflit sur le plan humain, en particulier pour les familles, les femmes et les enfants. Des progrès ont été réalisés, puisque des otages ont été libérés et qu’on a pu offrir de l’aide humanitaire à Gaza, mais les besoins sont beaucoup plus grands que cela.

Les vies humaines entremêlées dans cette guerre sont trop précieuses pour qu’on les réduise simplement à un nombre ou à l’aide que le Canada fournit. Le Canada continue de soutenir le droit des Palestiniens de vivre en paix et en sécurité, tout comme il continue de soutenir le droit des Israéliens de vivre en paix et en sécurité — le tout conformément au droit international.

La sénatrice Pate : Oui, et je vous remercie. Nous reconnaissons tous que la situation dans la bande de Gaza devient de plus en plus désastreuse d’heure en heure. Des experts de l’ONU, ainsi qu’un groupe de 800 spécialistes du génocide et du droit international, ont écrit et signalé que, si ce n’est pas déjà le cas, on s’approche maintenant d’un génocide. Quand pouvons-nous espérer que le Canada se joindra aux appels urgents des leaders internationaux des droits de la personne en faveur d’un cessez-le-feu?

Le sénateur Gold : Le gouvernement du Canada ne considère pas que les actions menées par Israël constituent un génocide. La position du Canada n’est pas non plus de réclamer un cessez-le-feu.

Le Canada est en première ligne — avec les États-Unis et ses alliés démocratiques — pour réclamer des pauses humanitaires et, comme je l’ai dit, il déplore qu’elles aient pris fin, et il continuera à faire pression pour qu’une aide appropriée puisse être apportée aux habitants de la bande de Gaza; ils le méritent.

Les ressources naturelles

L’oléoduc Trans Mountain

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, le gouvernement Trudeau n’a pas donné à Kinder Morgan la certitude qu’elle cherchait pour concrétiser l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain. En fait, le premier ministre a fourni le contraire de la certitude. Deux mois seulement après avoir approuvé le projet, il a déclaré ceci à propos des sables bitumineux de l’Alberta : « Nous devons les éliminer progressivement. »

Quand le gouvernement Trudeau a acheté l’oléoduc Trans Mountain pour 4,5 milliards de dollars de fonds publics, il a promis que cet achat n’aurait pas de répercussions fiscales. Actuellement, on estime le coût de construction de l’oléoduc Trans Mountain à un peu moins de 31 milliards de dollars. Monsieur le leader, combien l’oléoduc Trans Mountain aura-t-il coûté aux contribuables lorsqu’il entrera en service?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La décision du gouvernement d’intervenir, il y a de nombreuses années déjà, pour assurer la construction de l’oléoduc reflétait toute la complexité de la situation dans laquelle se trouve le Canada, à savoir que des provinces et des citoyens dépendent de certains secteurs de l’économie, soit les secteurs producteurs de combustibles fossiles, mais qu’il faut aussi être en mesure de prendre des mesures afin de réduire les répercussions environnementales de la combustion des combustibles fossiles et le nombre de catastrophes environnementales qui peuvent survenir, comme la catastrophe tragique survenue à Lac-Mégantic, quand on transporte des combustibles fossiles et du gaz par des moyens qui ne sont pas idéaux.

Comme vous le savez, le gouvernement n’a pas l’intention d’être propriétaire à long terme de l’oléoduc Trans Mountain. Nous en avons parlé au fil des ans. Il y a des parties intéressées, et le gouvernement du Canada continuera à suivre cette voie.

La sénatrice Martin : Je ne pense pas que vous ayez répondu à ma question sur le montant que les contribuables doivent s’attendre à payer d’ici la mise en service.

À l’heure actuelle, le projet d’expansion de l’oléoduc Trans Mountain devrait être terminé d’ici la fin mars, soit dans quelques mois. Étant donné que l’organisme de réglementation a récemment rejeté la modification d’un tronçon du pipeline, le gouvernement Trudeau respectera-t-il son échéance ou y aura-t-il un autre retard?

Le sénateur Gold : Le gouvernement est déterminé à aller de l’avant du mieux qu’il le peut. Ce projet, comme tous les projets de ce genre, fait face à divers défis en cours de route, qu’ils soient liés aux intervenants, à des questions réglementaires et ainsi de suite. Le gouvernement continuera de travailler avec célérité afin de respecter l’échéance fixée.

Les affaires mondiales

Les relations sino-canadiennes

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : M. Bob Pickard, un Canadien qui occupait un poste au sein de la haute direction de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, a comparu devant un comité de la Chambre des communes cet après-midi. Il a fait la déclaration suivante : « Le bureau du président au sein de cette banque est dominé par des dirigeants du Parti communiste chinois. [...] Les activités quotidiennes de la banque sont exécutées sous l’influence indue du PCC. » À propos du Canada, il a dit ceci :

[...] notre adhésion à cette organisation n’apporte absolument rien ayant une valeur tangible à notre pays qui pourrait nous permettre de justifier fièrement notre participation aux Canadiens.

Monsieur le leader, cette banque n’est-elle pas un autre exemple parfait que le premier ministre Trudeau n’en vaut pas le coût? Elle nous siphonne des centaines de millions de dollars et nous n’obtenons absolument rien en retour qui a une valeur concrète. Le Canada aurait dû se retirer il y a longtemps. Allez-vous le faire aujourd’hui, monsieur le leader?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Non, je ne retirerai pas le Canada de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures aujourd’hui. Comme je l’ai mentionné dans une intervention précédente en réponse à votre question, il ne fait aucun doute que notre relation avec la Chine s’est transformée au fil des ans. Certains aspects des actions de la Chine ont été dévoilés, dans le monde et au Canada, et ils sont tout à fait différents des hypothèses qui avaient été conclues par les gouvernements précédents et, en fait, même par le gouvernement actuel à son arrivée au pouvoir.

Comme le gouvernement l’a déclaré à maintes occasions, tous les aspects de notre relation complexe avec la Chine sont passés en revue. Cet examen se poursuivra au cours des jours et des mois à venir.

Le sénateur Plett : Parlant de ne pas en valoir le coût, le prétendu rapporteur du premier ministre a démissionné en juin après lui avoir présenté un rapport final que l’on a gardé secret. Le gouvernement Trudeau devrait maintenant connaître le montant exact des fonds publics qu’il a gaspillés en essayant de cacher ce que le premier ministre savait sur l’ingérence de Pékin.

Combien a-t-on dépensé pour le rapporteur, monsieur le leader, et comment ces dépenses sont-elles ventilées?

Le sénateur Gold : Je n’ai pas la réponse à cette question. Je suis bien tenté de rappeler aux Canadiens qui nous écoutent peut‑être tout le gaspillage de fonds publics et le coût humain des tactiques dilatoires employées plus récemment, mais, bien sûr, je ne le ferai pas.

Je me contenterai de dire qu’une enquête est menée en ce moment même par la juge Hogue, et le gouvernement a hâte de voir comment elle progressera.

Le conflit entre Israël et le Hamas

L’honorable Marilou McPhedran : Comme l’indique ma déclaration, ma question porte sur les événements en cours à Gaza.

Pendant trop longtemps, les crimes sexuels perpétrés contre des Israéliens, en majorité des femmes, n’ont pas été condamnés par ONU Femmes. Lundi dernier, cependant, elles ont parlé de la nécessité d’une enquête complète afin que les auteurs des deux camps puissent être tenus responsables et que justice soit rendue. Les rapports en provenance d’Israël cette semaine confirment que les combats à Gaza n’ont jamais été aussi intenses depuis le début de l’offensive terrestre israélienne. Selon Human Rights Watch, « depuis le 7 octobre, un enfant de Gaza aurait été tué toutes les 10 minutes en moyenne ». Nous savons que le secrétaire général des Nations unies, M. Guterres, a invoqué l’article 99 de la Charte des Nations unies et que le nombre de Palestiniens tués, principalement des femmes et des enfants, s’élève à plus de 18 000.

(1850)

Par souci de la civilisation humaine, quand le Canada demandera-t-il un cessez-le-feu?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, merci de votre question. Les ravages causés par cette guerre sont tragiques. Chaque vie humaine est précieuse. Quelles que soient nos traditions, religieuses ou autres, personne ne mérite d’être victime d’une guerre, et encore moins de la violence délibérée et brutale que vous avez évoquée au début de votre question.

Le Canada travaille avec ses alliés démocratiques, notamment les États-Unis et l’Union européenne, afin de fournir autant que faire se peut une aide humanitaire à Gaza, afin de travailler avec, dans ce cas, Israël, pour qu’Israël limite le plus possible les dommages collatéraux inévitables — c’est une expression terrible — les dommages inévitables que cause la poursuite d’une guerre dans une région comme celle-là, et le Canada continuera à le faire parce que cela fait partie inhérente de ce que la position canadienne sera toujours...

La sénatrice McPhedran : Sénateur Gold, nous vous remercions pour vos réponses. Nous savons que vous avez des directives quant à ce que vous avez le droit de dire. Cela étant, est‑ce que le Canada envisage autre chose que ce qu’on appelle des pauses? Le Canada ne peut-il pas en faire plus pour mettre fin à la dévastation et appuyer les pourparlers de paix?

Le sénateur Gold : Je représente le gouvernement. Quand je prends la parole au Sénat, je représente le point de vue du gouvernement, ce qui n’est pas la même chose que recevoir des directives. Je veux que ce soit bien clair.

Le Canada a toujours été favorable à la paix au Moyen-Orient. Il appuie la solution à deux États depuis le premier jour. Lors de la fondation de l’État d’Israël, il y avait une solution à deux États qui était sur la table et qui avait été rejetée par tous les pays voisins. Le Canada continuera d’appuyer cette approche même si, en ce moment, avec le Hamas, il n’y a pas d’interlocuteur avec qui parler de paix.

[Français]

Les services publics et l’approvisionnement

Les statistiques sur le télétravail

L’honorable Claude Carignan : Monsieur le leader, ma question concerne les prévisions du gouvernement fédéral en ce qui a trait à ses espaces de travail en raison du télétravail. En septembre 2022 et en octobre dernier, j’ai reçu des réponses à mes questions écrites de la part de Services publics et Approvisionnement Canada. On m’a informé que le gouvernement ne compile pas de données sur le télétravail de ses employés. Pourtant, le 29 mai dernier, devant un comité de la Chambre des communes, le sous-ministre Paul Thompson a soutenu que le gouvernement prévoit de réduire jusqu’à 50 % le nombre d’espaces de bureaux qu’il possède au cours de la prochaine décennie en raison de l’augmentation du télétravail.

Monsieur le leader, votre gouvernement sait-il ou non ce qui se passe au sein de ses ministères? Comment expliquez-vous ces incohérences, alors que l’on prévoit de diminuer de 50 % les espaces de bureaux sans avoir de statistiques sur le télétravail?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Tout le monde est au courant qu’il y a un changement concernant le télétravail, non seulement au sein du gouvernement, mais aussi dans toute la société et dans l’ensemble de notre économie. Cela a commencé bien avant la pandémie, mais le changement s’est accéléré durant la pandémie.

Donc, le gouvernement a agi de façon prudente en reconnaissant ce changement culturel, surtout chez les jeunes, pour qui le principal critère, avant d’accepter un emploi, que ce soit au sein du gouvernement fédéral ou du secteur privé — et je parle avec expérience à cet égard — est de travailler de chez eux au moins 50 % du temps.

Le sénateur Carignan : Monsieur le leader, encore une fois, je sais que c’est la tendance. Tous les employeurs savent combien de personnes font du télétravail au sein de leur entreprise, sauf le gouvernement du Canada. On m’a répondu la même chose à deux questions écrites; le sous-ministre dit autre chose devant un comité de la Chambre des communes. À qui a-t-il menti, aux députés ou à moi?

Le sénateur Gold : Cher collègue, peut-être que pour vous, le monde est binaire, en ce sens qu’il y a la vérité ou le mensonge, mais ce n’est pas la vraie vie. Dans la vraie vie, il y a peut-être une différence d’opinions ou de données.

Excusez-moi, je vais terminer ma réponse. Vous avez reçu deux réponses; je suis heureux que vous ayez reçu des réponses à vos questions.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Honorable sénateurs, nous avons maintenant terminé la période des questions. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 7 décembre 2023 et conformément à l’article 9-6 du Règlement, les cloches retentiront maintenant pendant 15 minutes, afin de convoquer les sénateurs pour le vote reporté à 19 h 11 sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Woo, appuyée par l’honorable sénateur Cotter.

Convoquez les sénateurs.

(1910)

La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Adoption de la motion d’amendement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Wells, appuyée par l’honorable sénatrice Batters, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, tel que modifié.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Woo, appuyée par l’honorable sénateur Cotter :

Que le projet de loi C-234, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à nouveau, à l’article 2 (dans sa version modifiée par décision du Sénat le 5 décembre 2023) :

a) à la page 2, par substitution, à la ligne 23, de ce qui suit :

« entrent en vigueur à la date du troisième anniver- »;

b) à la page 3, par substitution, à la ligne 6, de ce qui suit :

« la date du troisième anniversaire de l’entrée en ».

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : L’honorable sénateur Woo propose, avec l’appui de l’honorable sénateur Cotter :

Que le projet de loi C-234, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à nouveau, à l’article 2 (dans sa version modifiée par décision du Sénat le 5 décembre 2023) :

a) à la page 2, par substitution, à la ligne 23, de ce qui suit :

« entrent en vigueur à la date du troisième anniver- »;

b) à la page 3, par substitution, à la ligne 6, de ce qui suit :

« la date du troisième anniversaire de l’entrée en ».

La motion d’amendement de l’honorable sénateur Woo, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Aucoin Harder
Audette Hartling
Bellemare Kingston
Bernard Kutcher
Boehm LaBoucane-Benson
Boniface Lankin
Boyer Loffreda
Cardozo Massicotte
Clement McNair
Cordy Mégie
Cormier Miville-Dechêne
Coyle Moncion
Cuzner Moodie
Dalphond Omidvar
Dasko Pate
Dean Petitclerc
Dupuis Petten
Forest Ringuette
Galvez Saint-Germain
Gerba White
Gignac Woo
Gold Yussuff—44

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson McPhedran
Arnot Mockler
Ataullahjan Oh
Batters Osler
Black Patterson (Nunavut)
Boisvenu Patterson (Ontario)
Burey Plett
Busson Poirier
Carignan Prosper
Cotter Quinn
Dagenais Ravalia
Deacon (Nouvelle-Écosse) Richards
Deacon (Ontario) Ross
Downe Seidman
Duncan Simons
Francis Smith
Housakos Sorensen
Marshall Tannas
Martin Wallin
McCallum Wells—40

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun


(1920)

[Français]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la concurrence, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la motion no 146, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

Le Sénat

Adoption de la motion concernant les séances de la semaine du 11 décembre 2023 et tendant à autoriser les comités à siéger en même temps que le Sénat le mercredi 13 décembre 2023

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 7 décembre 2023, propose :

Que, nonobstant l’ordre adopté par le Sénat le 21 septembre 2022, la séance du mercredi 13 décembre 2023 continue au‑delà de 16 heures, si les affaires du gouvernement ne sont pas terminées, et continue jusqu’à la première des éventualités suivantes :

a)la fin des affaires du gouvernement;

b)l’adoption d’une motion tendant à lever la séance;

c)minuit;

Que, le mercredi 13 décembre 2023, les comités du Sénat soient autorisés à se réunir pour l’étude de projets de loi du gouvernement, même si le Sénat siège à ce moment-là, l’application de l’article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard;

Que, le lundi 11 décembre 2023 et le vendredi 15 décembre 2023, une fois l’ordre du jour appelé, le Sénat ne traite que des affaires du gouvernement.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

Projet de loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu)

Troisième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Yussuff, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu).

L’honorable Claude Carignan : Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-21, Loi modifiant la Loi sur les armes à feu et certaines autres lois. Comme on l’a déjà souligné, il y a très peu d’éléments du projet de loi dans sa forme actuelle qui traitent de la réalité des crimes commis avec des armes à feu comme ils se produisent aujourd’hui au Canada. Le titre que le gouvernement a donné à ses documents de presse l’an dernier pour décrire le projet de loi C-21 était le suivant : « Une stratégie détaillée pour contrer la violence liée aux armes à feu et resserrer les lois sur les armes au Canada ».

Chers collègues, c’est ainsi que le gouvernement fait référence au projet de loi C-21. Pourtant, l’étude du texte nous permet de constater qu’il n’y a pratiquement rien, parmi ces mesures, visant à sévir contre la criminalité mettant en cause les armes à feu.

Au moyen du projet de loi C-21, le gouvernement prétend que, en augmentant la peine maximale pour le trafic d’armes à feu, qui passe de 10 à 14 ans, il tente de remédier aux faibles peines que prononcent souvent nos tribunaux. Toutefois, les données nous indiquent que les tribunaux n’imposent même pas la peine maximale actuelle de 10 ans. En fait, pratiquement aucune affaire de trafic d’armes à feu ne fait l’objet des options de condamnation les plus sévères. L’an dernier, dans le témoignage qu’il a livré au comité de la Chambre des communes sur ce projet de loi, le sergent‑détective à la retraite André Gélinas, du Service de police de la Ville de Montréal, a dit ce qui suit, et je cite :

On propose aussi de faire passer de 10 à 14 ans la peine maximale pour les individus qui seraient déclarés coupables de trafic d’armes à feu. Bien qu’à première vue, cela puisse sembler louable, aucun accusé ne s’est vu imposer la peine maximale actuelle de 10 ans pour cette infraction. Cette mesure n’aura aucun effet réel. C’est un autre bel exemple d’une mesure qui sera inefficace.

Lorsque M. Gélinas a comparu devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, il a de nouveau fait état des frustrations des policiers à cet égard. Ces frustrations sont partagées par les victimes d’actes criminels et d’autres agents de police, non seulement des policiers à la retraite, mais aussi des chefs et des chefs adjoints de police qui ont comparu devant nous.

À titre d’exemple, la cheffe de police adjointe du Service de police de Vancouver, Fiona Wilson, a dit ceci à notre comité, et je cite :

À l’exception de la violence familiale et des fusillades policières, lorsque des policiers sont les victimes, les propriétaires d’armes à feu légitimes ne sont généralement pas les responsables des fusillades dans la ville de Vancouver. Sans exception, ces armes à feu n’appartiennent pas à des propriétaires légitimes en premier lieu.

Par ailleurs, en ce qui a trait à la violence armée à Vancouver au cours de la dernière année, la cheffe de police adjointe Wilson, a affirmé ce qui suit, et je cite :

À ce jour, en 2023, nous avons eu à Vancouver 22 incidents avec coups de feu qui ont fait trois morts et 16 blessés. Quinze de ces 21 incidents sont liés à des gangs ou sont soupçonnés de l’être.

Le chef adjoint Bill Fordy, de l’Association canadienne des chefs de police, a comparu devant notre comité et a mentionné ceci :

[…] il est important que nos citoyens se rappellent que, au Canada, la possession d’une arme à feu n’est pas un droit, mais un privilège. La loi doit atteindre un équilibre approprié entre les droits de l’accusé et ceux des victimes, des survivants, des communautés et des policiers et la sécurité publique afin de contribuer à atténuer l’impact des pires conséquences des armes à feu.

Puis, le chef adjoint Bill Fordy a recommandé ce qui suit lors de son témoignage :

[...] conférer aux juges chargés de la détermination de la peine la capacité discrétionnaire de porter l’inadmissibilité à la libération conditionnelle aux deux tiers d’une peine privative de liberté lorsque le tribunal constate qu’un délinquant a déchargé une arme à feu dans un lieu de rassemblement lors de la commission de l’infraction, et que cette capacité discrétionnaire en matière de détermination de la peine soit étendue à ceux qui sont reconnus comme étant parties à de telles infractions.

Il faut donc, honorables sénateurs, que la sanction imposée à l’infraction liée à l’utilisation d’une arme à feu dans un lieu public ait du mordant. Elle doit produire des résultats. C’est ce que beaucoup de policiers ont demandé.

Chaque fois que nous proposons des mesures visant à renforcer la loi et à incorporer des peines minimales obligatoires pour les crimes graves, le gouvernement ressort son argument habituel, qui remet en question la constitutionnalité de ces mesures. Par exemple, le sénateur Cardozo a tenu de tels propos au comité lorsqu’il a affirmé que les peines minimales obligatoires exigeaient l’utilisation de la clause dérogatoire. Toutefois, cette affirmation générale est tout simplement inexacte. Dans l’affaire R. c. Lloyd, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit, et je cite :

[…] le législateur n’a pas l’obligation constitutionnelle de prévoir une exception à l’application d’une peine minimale obligatoire. […] La question de savoir si le législateur devrait prévoir un mécanisme permettant d’écarter l’infliction d’une peine minimale obligatoire et, dans l’affirmative, quelle forme ce mécanisme devrait revêtir, relèvent de la politique générale et du pouvoir exclusif du Parlement.

Par ailleurs, la Cour suprême a confirmé cette position dans des arrêts ultérieurs. Plus tôt cette année, la cour a confirmé la constitutionnalité de la peine minimale obligatoire de quatre ans pour un vol qualifié commis à l’aide d’une arme à feu sans restriction. En effet, dans l’affaire R. c. Hilbach, la cour a conclu ce qui suit, et je cite l’opinion des juges majoritaires :

La peine minimale obligatoire...

— qui est de quatre ans pour l’usage d’une arme à feu sans restriction lors d’un vol qualifié —

... ne choque pas la conscience ou n’est pas excessive au point de porter atteinte aux normes de la décence. Bien que la peine soit sévère, le seuil élevé de la disproportion exagérée n’est pas atteint.

Malheureusement, à cause du projet de loi C-5, qui a obtenu la sanction royale le 17 novembre 2022, le gouvernement a abrogé cette peine obligatoire de quatre ans pour l’utilisation d’une arme à feu sans restriction lors d’un vol qualifié. Or, deux mois plus tard, la Cour suprême a confirmé la constitutionnalité de cette peine. Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas tenté alors de réintroduire cette peine au Code criminel, s’il avait véritablement l’intention de mieux protéger les Canadiens contre la criminalité commise avec des armes à feu? On peut se demander si le gouvernement a lu l’arrêt R. c. Hilbach. La cour y concluait que cette infraction intrinsèquement dangereuse sème la terreur chez les victimes et est commise uniquement par des délinquants qui font le choix conscient d’utiliser une arme à feu pour voler ou mettre la sécurité d’autrui en péril.

(1930)

Le gouvernement défie donc le gros bon sens et la jurisprudence en se montrant réfractaire à imposer des peines sévères pour les crimes graves commis avec des armes à feu, même si la jurisprudence lui laisse une grande marge de manœuvre.

Cela m’amène aujourd’hui à proposer un amendement qui nous a d’abord été proposé au comité par l’Association canadienne des chefs de police. Cet amendement créerait une disposition supplémentaire dans la loi prévoyant que le décès résultant de la décharge d’une arme à feu dans un lieu de rassemblement doit faire l’objet d’une considération automatique de meurtre au premier degré, en vertu du paragraphe 231(4) du Code criminel.

Non seulement l’utilisation criminelle des armes à feu est de plus en plus fréquente en milieu urbain, mais il arrive aussi que des armes à feu soient déchargées dans un lieu public sans qu’on se rende compte de l’impact sur les passants innocents qui s’y trouvent.

Le lundi 27 novembre dernier, au moment même où le Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants entendait des témoins sur le projet de loi C-21, une fusillade a éclaté à Gatineau, en plein jour, dans un stationnement public. Dans une vidéo captée par une caméra de surveillance, on peut apercevoir une personne dans un stationnement tendre le bras comme si elle avait une arme à la main et le pointer en direction d’un véhicule en mouvement. La scène est immédiatement suivie de deux bruits en rafales qui s’apparentent à des coups de feu. À quelques mètres, on peut voir des enfants qui marchent sur le trottoir. Les faits se sont déroulés à 16 h 45, près de la rue Eddy, selon les autorités. Deux hommes ont été blessés dans cette fusillade. Nous avons donc assisté à une fusillade à cinq minutes d’ici, au moment où l’on étudiait des amendements au projet de loi C-21 en vue de renforcer les peines pour les coups de feu tirés dans des endroits publics.

Nous avons aussi été témoins de nombreuses fusillades, notamment dans les villes de Toronto et de Montréal, où des passants innocents ont été tués ou blessés lorsque des membres de gangs ont ouvert le feu sur leurs rivaux sans se soucier des conséquences.

Selon moi, le gouvernement doit agir avec fermeté pour contrer le sentiment d’impunité qui habite ces criminels, comme l’a exprimé l’inspecteur-chef David Bertrand, du Service de police de la Ville de Montréal, dans son témoignage au comité sénatorial sur le projet de loi C-5 :

Ce sur quoi nous voulons travailler, c’est la perception selon laquelle les peines obligatoires sont maintenues. Nous voulons travailler le sentiment d’impunité chez le criminel à deux niveaux. Le sentiment d’impunité, c’est la certitude d’être pris lorsque l’on commet un crime et la certitude d’en subir les conséquences.

De tels actes irréfléchis avec des armes à feu, en particulier lorsqu’ils causent la mort, devraient entraîner les peines les plus sévères, mais ce n’est souvent pas le cas.

Prenons également le cas de Christopher Husbands, qui a ouvert le feu dans l’aire de restauration de l’Eaton Centre de Toronto en 2012. À l’origine, il n’a été reconnu coupable que de meurtre au deuxième degré pour cette fusillade qui a tué deux personnes et en a blessé plusieurs autres. À l’origine, il avait été condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 30 ans. Toutefois, après qu’il a interjeté appel, il a pu bénéficier d’un nouveau procès et il n’a été condamné que pour homicide involontaire lors du second procès. Bien que Christopher Husbands ait été condamné de nouveau à la prison à vie pour homicide involontaire, la période d’admissibilité à la libération conditionnelle anticipée, qui est requise dans le cadre d’une condamnation pour homicide involontaire, l’a rendu admissible à une libération conditionnelle anticipée en 2021, soit neuf ans après la perpétration de ce crime odieux. Pour les familles des victimes, c’est tout simplement odieux.

Je souhaite donc proposer un amendement, comme l’a recommandé l’Association canadienne des chefs de police, qui garantirait que tout décès résultant d’une fusillade dans un lieu public serait considéré comme un meurtre au premier degré. Je pense que cet amendement tient compte de la réalité, c’est-à-dire qu’il y a des personnes qui déchargent leur arme à feu de manière tout à fait imprudente et insouciante.

Motion d’amendement—Report du vote

L’honorable Claude Carignan : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-21 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à la page 28, par adjonction, après la ligne 24, de ce qui suit :

« 13.01 L’article 231 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe (6.2), de ce qui suit :

(6.3) Indépendamment de toute préméditation, le meurtre que commet une personne est assimilé à un meurtre au premier degré lorsque celle-ci cause la mort en déchargeant une arme à feu en direction ou à l’intérieur d’un endroit public au sens de l’article 150. ».

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Carignan, acceptez-vous de répondre à des questions? Vous avez deux minutes.

Le sénateur Carignan : Je m’excuse, Votre Honneur, mais je suis à la limite avec ma voix et je préfère la préserver.

[Traduction]

L’honorable Frances Lankin : Je prends part au débat, mais je comprends que vous avez un problème de voix. J’avais des questions à poser et peut-être qu’une personne qui a travaillé avec vous au sujet du projet de loi serait en mesure d’y répondre.

Évidemment, nous venons d’entendre l’amendement et je viens à peine de le lire. Je dois le remettre dans le contexte du reste du projet de loi. Je veux poser une question au sujet de l’impact global de l’amendement. Pour avoir discuté avec des membres de votre caucus en réponse à mes questions à propos de certaines craintes que j’ai au sujet du projet de loi, je sais que certains s’interrogeaient sur la nécessité d’ajouter des peines minimales, par exemple, et un éventail d’autres éléments.

Ma question porte sur un enjeu un peu différent. Elle porte sur le type d’accusation qui serait approprié compte tenu des circonstances dans lesquelles le crime dont vous parlez est commis. C’est une situation absolument ignoble que vous avez décrite, alors je comprends pourquoi vous voulez une réponse à ce genre de situations.

Ce que je ne sais pas, c’est dans quelle mesure les dispositions actuelles du Code criminel accordent aux procureurs et aux avocats le pouvoir discrétionnaire nécessaire, dans le cadre des procédures judiciaires, pour que l’on tienne compte des circonstances et de tous les facteurs auxquels on peut penser lorsqu’il est question du pouvoir discrétionnaire des juges en ce qui concerne la détermination de la peine. Cela fait partie des préoccupations qui sont soulevées par des gens et auxquelles je m’intéresse. J’aimerais savoir si des gens qui ont participé à l’étude du comité se sont penchés là-dessus et ont compris la situation. Je ne sais pas si on a abordé la question au comité ou si c’est tout nouveau.

Ce qui me préoccupe, c’est que les procureurs et les policiers ont un certain pouvoir discrétionnaire quant aux accusations qui sont portées dans certains cas. Je ne sais pas si cet amendement limiterait ce pouvoir, et j’ignore si on s’est penché sur les problèmes ou les conséquences qui pourraient en découler. Cela peut sembler raisonnable, mais je dois en avoir la certitude, et pour cela, je dois savoir quelle incidence cet amendement pourrait avoir sur l’application des dispositions en vigueur en ce qui a trait aux peines minimales prévues pour ce genre d’infraction.

J’aimerais connaître l’avis d’autres personnes avec qui vous avez travaillé, avec qui vous avez parlé ou qui s’opposent à ce projet de loi au sujet de cet aspect de votre amendement. Je suis désolée que l’état de votre voix vous empêche de répondre directement à cette question.

L’honorable Hassan Yussuff : Honorables sénateurs, permettez-moi tout d’abord de remercier le sénateur Carignan pour ses observations et pour son travail au sein du comité sur le projet de loi C-21.

Tout d’abord, je voudrais dire que je n’appuie pas l’amendement et que je demanderais à mes collègues de le rejeter, mais je pourrais contribuer à répondre à certaines des questions que la sénatrice Lankin vient de soulever à propos de l’amendement.

L’article 231 du Code criminel, que cet amendement vise à modifier, traite de la classification des meurtres. Cet article du Code traite des règles de détermination de la peine relatives au meurtre au premier degré et au meurtre au second degré. Il définit le meurtre au premier degré comme étant un « meurtre commis avec préméditation et de propos délibéré » et le meurtre au second degré comme étant l’inverse, c’est-à-dire un meurtre qui n’est ni prémédité ni délibéré.

Honorables collègues, il est important de noter que toute personne qui commet un meurtre, quel que soit le degré de culpabilité d’un acte criminel, sera condamnée à la même peine d’emprisonnement à vie.

(1940)

La différence de peine entre un meurtre au premier degré et un meurtre au deuxième degré réside simplement dans le degré de discrétion judiciaire. Les personnes reconnues coupables de meurtre au premier degré sont condamnées à perpétuité et inadmissibles à une libération conditionnelle avant un minimum de 25 ans. En revanche, une personne condamnée pour un meurtre au deuxième degré est inadmissible à une libération conditionnelle pour une période allant de 10 à 25 ans, qui est fixée par le juge qui prononce la peine, qui a entendu tous les témoignages relatifs à l’affaire et qui peut prendre une décision éclairée sur la période d’inadmissibilité à imposer à un délinquant en fonction des faits de l’affaire.

L’amendement proposé vise à modifier les règles de détermination de la peine pour les meurtres et prévoit que tout meurtre commis à l’intérieur d’un endroit public soit assimilé à un meurtre au premier degré, indépendamment de toute préméditation. Un tel amendement priverait de son pouvoir discrétionnaire le juge de première instance, alors que c’est lui qui connaît le mieux les faits et qui a la meilleure idée de la peine à infliger.

Honorables sénateurs, il est important de se rappeler que les personnes qui commettent un meurtre, quel qu’en soit le degré, sont condamnées à perpétuité. Il convient de noter que cet amendement vise à ajouter un nouveau paragraphe à l’article 231 du Code criminel, qui n’avait pas été envisagé par ses rédacteurs.

Cet amendement ferait en sorte que certains meurtres commis avec une arme à feu seraient traités plus sérieusement que d’autres. Par exemple, un meurtre au deuxième degré commis dans une maison avec une arme à feu serait considéré comme moins grave qu’un meurtre au deuxième degré commis avec une arme à feu dans un lieu public.

De plus, chers collègues, l’article 231 du Code criminel donne déjà de nombreux exemples de meurtres qui doivent être considérés comme des meurtres au premier degré, qu’il s’agisse ou non d’un meurtre délibéré et prémédité. En vertu de ces exceptions, certains meurtres seront toujours considérés comme des meurtres au premier degré, notamment le meurtre à forfait, le meurtre d’un officier de police, le meurtre commis dans le cadre d’un détournement, d’une agression sexuelle ou d’un enlèvement, de harcèlement criminel, d’activités terroristes, d’intimidation, et le meurtre commis au profit d’une organisation criminelle, sous sa direction, ou en association avec celle-ci.

Ces exceptions au critère relatif au caractère prémédité ou délibéré d’un meurtre visent à faire en sorte que les criminels qui commettent les infractions les plus graves soient condamnés aux peines les plus sévères que prévoit le système canadien de justice pénale. L’amendement dont nous sommes saisis aujourd’hui est trop large et ne tient pas compte des exceptions déjà prévues par le Code criminel. Une fois de plus, on cherche à priver les juges de leur pouvoir discrétionnaire.

Je voudrais qu’on me dise pourquoi un tel amendement serait nécessaire et qu’on m’explique quelles en seraient les conséquences juridiques. Par ailleurs, le projet de loi C-21 inclut beaucoup d’autres dispositions ayant pour but de renforcer le Code criminel dans sa version actuelle et de fournir à la police de nouvelles autorisations d’écoute électronique. La police sera ainsi mieux outillée pour faire enquête plus efficacement sur les crimes commis avec des armes à feu, y compris leurs liens avec le crime organisé. Ce sont des modifications tout à fait sensées qui répondent aux appels lancés par nos partenaires des provinces.

Mais surtout, le projet de loi C-21 augmenterait la peine maximale pour cinq infractions avec des armes à feu. Le maximum serait désormais de 14 ans, y compris pour les infractions de trafic et de contrebande d’armes à feu. C’est un changement important quoiqu’il ait été critiqué par certains sénateurs.

Selon la Cour suprême du Canada, lorsque le Parlement décide d’accroître la sévérité des peines pour des infractions qui existent déjà, c’est un signal que les législateurs envoient aux tribunaux pour que les juges considèrent ces infractions comme plus graves. Les législateurs leur donnent une fourchette plus grande de peines à infliger aux personnes déclarées coupables de ces infractions. Le projet de loi C-21 constitue un signal sans équivoque afin que les tribunaux traitent le trafic et la contrebande d’armes à feu comme des crimes très graves. Ceux qui critiquent les modifications législatives contenues dans le projet de loi et qui militent pour que l’on sévisse plus durement contre la criminalité pensent que la seule approche suffisamment ferme contre les crimes graves est de prévoir dans la loi des peines minimales obligatoires. Or, c’est faux. Je ne souscris pas du tout à ce point de vue.

Je ne suis pas en train de dire que les peines minimales obligatoires sont toujours inappropriées ou que les outils de détermination de la peine comme celui-là n’ont pas leur place dans notre droit pénal. Elles peuvent être pertinentes dans certains cas et peuvent avoir un effet dissuasif significatif.

Je crois que le gouvernement comprend cela, étant donné que les réformes de la détermination de la peine prévues dans le projet de loi C-5, que le Sénat a adopté il n’y a pas si longtemps, maintenaient certaines peines minimales obligatoires, y compris pour des infractions liées aux armes à feu mettant en cause le crime organisé, par exemple. Par ailleurs, les récentes réformes de la détermination de la peine apportées par le gouvernement prennent en considération le fait qu’il y a plus d’une façon de lutter contre les crimes graves. Le projet de loi C-21, avec la hausse des peines maximales qu’il propose, le montre bien.

À mon avis, ceux qui affirment que les peines minimales obligatoires sont la seule façon de punir les auteurs de crimes graves simplifient beaucoup trop les choses et donnent un faux sentiment de sécurité. Pour lutter contre la criminalité, il faut agir intelligemment, et les peines minimales obligatoires qui s’appliquent à des infractions qui peuvent être commises de diverses manières dans des circonstances à gravité variable n’ont rien d’intelligent. Elles ne sont certainement pas un bon moyen de sévir contre les criminels si elles débouchent sur des poursuites qui finissent par les invalider.

Les longs délais retardent l’application de la justice pour les victimes et peuvent faire perdre confiance à celles-ci dans le système de justice pénale.

Honorables sénateurs, en conclusion, nous devons aux victimes et, en fait, à tous les Canadiens de tenir compte de cela lorsque nous examinons des politiques touchant à la justice pénale. Je répète que cet amendement est trop vaste, ne tient pas compte des exceptions qui sont déjà prévues dans le Code criminel et réduit encore une fois le pouvoir discrétionnaire des juges.

Je vous exhorte donc, honorables sénateurs, à rejeter l’amendement et à adopter le projet de loi C-21.

Merci.

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, je n’avais pas l’intention d’intervenir dans le débat, et j’ai un immense respect pour la sagesse du sénateur Carignan en ce qui concerne les questions de droit criminel, mais je tiens à faire deux observations.

Premièrement, si la nature de cette mesure est d’essayer d’augmenter la peine minimale obligatoire pour certains crimes très graves, il semble un peu inhabituel de le faire en aggravant la nature de l’infraction, en particulier lorsqu’il s’agit du meurtre au premier degré.

Deuxièmement, d’une manière plus générale, et peut-être d’un point de vue un peu défensif en ce qui concerne le rôle et les responsabilités du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, le comité fait constamment face à des difficultés quand vient le temps d’ajuster — pour ne pas dire « bricoler » — le Code criminel de façon ponctuelle. Il est déjà assez difficile de nous assurer que nous abordons les questions d’une manière structurée, logique et cohérente.

En ce qui concerne le meurtre au premier degré, le régime qui consiste essentiellement à prendre le concept de préméditation, à le mettre de côté et à maintenir le statut de meurtre au premier degré pour d’autres types d’infractions, en particulier en fonction de la victime, est un cadre très fragile et soigneusement élaboré. Je ne parle même pas de « régime », mais bien de « cadre ». Avec tout le respect que je vous dois, il s’agit d’une manière problématique de modifier et d’élargir la portée du meurtre au premier degré sans réfléchir à cette catégorie dans son ensemble.

Comme vous le savez sans doute, le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles n’a pas reçu le mandat d’étudier le projet de loi et je pense qu’il s’agit d’une question qui, si elle mérite d’être étudiée, devrait l’être de manière indépendante et avec un degré de réflexion plus élevé.

Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Cotter, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Cotter : Bien sûr.

L’honorable Paula Simons : Merci, sénateur Cotter.

L’intervention du sénateur Carignan et ma lecture de l’amendement concernant l’arrêt R. c. Martineau de 1990 m’ont rappelé des souvenirs. Je me souviens de cet arrêt parce que, bien des années plus tard, j’ai couvert une affaire dans laquelle un juge, qui avait oublié que l’arrêt Martineau avait invalidé un article du Code criminel, a tenté de condamner quelqu’un pour meurtre au deuxième degré puisque le crime a été commis pendant la perpétration d’un des actes criminels énumérés à cet article, soit un vol qualifié.

Étant donné que vous êtes professeur de droit constitutionnel et que je ne le suis pas, je me demande si vous pouvez me dire si vous pensez que le raisonnement de la cour dans l’arrêt Martineau pourrait rendre l’amendement inconstitutionnel, car la cour a conclu dans l’arrêt Martineau qu’une personne accusée de meurtre doit avoir formé l’intention de commettre ce crime. Dans le cadre de l’amendement, même si vous n’aviez pas l’intention de commettre un meurtre au premier degré, vous seriez possiblement touché. Je me demande si vous pensez que l’argument présenté dans l’arrêt Martineau serait illustré dans l’amendement.

(1950)

Le sénateur Cotter : En ce qui me concerne, je dois réfléchir davantage à la question. C’est ce qui se passe dans le Code criminel en ce moment : ce qui est habituellement considéré comme une exigence pour avoir enlevé la vie à une personne en posant un geste prémédité et délibéré est contourné dans le libellé du Code criminel pour un ensemble précis d’infractions presque toujours axées sur certaines victimes. Je ne pourrais dire si ce cas précis correspondrait à ce régime ou s’il serait contesté. Je crois qu’il serait contesté. Il est certes possible de soutenir que si on souhaite considérer la chose comme entrant dans la catégorie du meurtre au premier degré, il faut songer à l’ensemble des dispositions qui portent sur le meurtre au premier degré, et cela contourne l’exigence concernant le caractère prémédité et délibéré.

En tout respect, je ne crois pas que cette question a été suffisamment approfondie. Je crois que le Sénat ne s’y est pas attardé suffisamment pour que nous puissions aller de l’avant.

Les gens posent des gestes terribles, et les dispositions de meurtre au premier degré représentent un des mécanismes associés à la plus importante reddition de comptes. C’est tout à fait légitime, mais nous devons nous assurer de mettre en place un tel mécanisme pour les bons types d’infractions. Il est prématuré d’affirmer que c’est le cas en l’occurrence.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénateur Carignan propose en amendement que... puis-je me dispenser de lire l’amendement?

Une voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente sur la durée de la sonnerie?

Une voix : Reportons le vote à la prochaine séance du Sénat.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Conformément à l’article 9-10 du Règlement, le vote est reporté à 17 h 30 le prochain jour où le Sénat siégera et la sonnerie retentira à 17 h 15.

(À 19 h 54, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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