Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 170

Le mardi 12 décembre 2023
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mardi 12 décembre 2023

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, en vertu de l’article 4-3(1) du Règlement, la facilitatrice du Groupe des sénateurs indépendants a demandé que la période accordée aux déclarations des sénateurs soit prolongée aujourd’hui afin que nous puissions rendre hommage à l’honorable Renée Dupuis, qui prendra sa retraite le 17 janvier 2024.

Je rappelle aux sénateurs que, en vertu du Règlement, leur intervention ne peut dépasser trois minutes, et qu’aucun sénateur ne peut parler plus d’une fois.

Êtes-vous d’accord pour que l’on poursuive les hommages à notre collègue l’honorable sénatrice Dupuis sous la rubrique Déclarations de sénateurs et d’ajouter trois minutes au total du temps disponible? De cette façon, la réponse de la sénatrice Dupuis suivra les hommages, et tout le temps qu’il restera après les hommages pourrait servir à d’autres déclarations.

Des voix : D’accord.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Hommages

L'honorable Renée Dupuis, C.M.

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, en novembre 2016, Me Renée Dupuis a fait son entrée dans cette enceinte.

Son parcours jusque-là lui a valu cette nomination : femme de mérite par sa brillante carrière d’avocate, membre et présidente de commissions d’enquête, vice-présidente de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec, professeure, auteure, récipiendaire de prix, médailles et décorations prestigieux.

Sept ans plus tard, j’ai le privilège de témoigner de l’excellence de Renée Dupuis, sénatrice. Pendant ce mandat — qu’elle a exercé en comprenant parfaitement le rôle et les pouvoirs du Sénat —, elle aura sans failles été fidèle aux valeurs et engagements qui l’ont guidée tout au long de sa carrière : le respect et la promotion des droits dans leur portée la plus englobante.

Sa contribution restera marquante par la qualité du second regard attentif qu’elle a apporté à la législation devant nous, celle en provenance du gouvernement comme celle émanant de parlementaires de l’une ou l’autre des deux Chambres.

Studieuse et compétente, la sénatrice Dupuis n’a jamais cherché la visibilité non plus que l’occupation systématique du temps. Elle parlera quand et si elle est bien préparée, quand et si elle pense avoir une valeur ajoutée. C’est sans doute pourquoi ses prises de parole ont tant retenu l’attention et fait progresser les débats.

Son indépendance d’esprit et sa remarquable capacité d’écoute sont inspirantes. Dans son plus récent ouvrage, où elle évoque des moments forts de sa vie, sous le titre Ce chemin sous mes pas, Renée explique pourquoi l’écoute est pour elle de la plus haute importance. Je la cite :

Le travail d’avocat met l’accent sur la plaidoirie, ce qui peut entraîner une surestimation de la valeur de ses propres arguments […] On oublie souvent que l’écoute des autres, de l’Autre, de la partie adverse, est tout aussi déterminante. Ne serait-ce que pour bien évaluer ce que l’autre exprime afin de mieux en mesurer la portée. Sinon, on risque de se concentrer uniquement sur ce qui nous apparaît comme les bons arguments et de négliger les arguments contraires, et d’ainsi en mésestimer la force.

Lorsque l’honorable Renée Dupuis quittera pour la dernière fois cette Chambre dans quelques jours, elle pourra le faire avec fierté et avec le sens du devoir accompli.

Renée, comme législatrice, tu peux être fière de ta constance à t’assurer que les lois que tu as votées mènent à l’équité, à l’égalité et à la justice, le leitmotiv de toute ta carrière

Sur un plan plus personnel, j’ai eu le privilège d’échanger avec Renée au cours de nombreux allers-retours de Québec à Ottawa. Aucune conversation avec elle n’est banale. Sa culture générale, son subtil sens de l’humour et sa curiosité intellectuelle insatiable m’ont toujours fait paraître plus courts ces longs trajets.

[Traduction]

Au-delà de sa brillante carrière, Renée Dupuis est une femme de famille fière et prévenante, en plus d’être une source d’inspiration pour ses deux filles et ses quatre petits-enfants. Je salue son conjoint, Pierre, et les membres de leur fratrie, pour qui elle a déjà écrit des leçons de vie. Maintenant qu’elle va retrouver la maîtrise de son emploi du temps, peut-être trouvera-t-elle le temps de publier — pour nous tous, et pour ceux qui nous suivront — un ouvrage sur son parcours au Sénat.

Renée, vous nous manquerez. Au nom de tous vos collègues dans le Groupe des sénateurs indépendants, je tiens à vous exprimer notre estime, notre gratitude et notre amitié.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, honorables sénatrices, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à notre collègue la sénatrice Renée Dupuis. Ses contributions dans cette enceinte nous manqueront terriblement.

En tant qu’avocate spécialisée en droit autochtone, en droit de la personne et en droit administratif, la sénatrice Dupuis a consacré toute sa carrière à la lutte pour la justice sociale. Elle est reconnue pour sa détermination à promouvoir l’autonomie gouvernementale des Autochtones au Canada, de même que pour sa défense des droits des femmes.

Avant d’être nommée au Sénat en 2016, elle a été commissaire en chef de la Commission des revendications des Indiens ou CRI et a enseigné à l’École nationale d’administration publique, où elle a conçu les programmes de formation sur les droits de la personne et le développement des institutions démocratiques. Elle a été vice-présidente de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec de 2011 à 2016 et a été désignée témoin honoraire de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Elle a aussi été une ardente défenseure des enjeux féministes et a fait partie du groupe qui a créé le Centre de santé des femmes du Québec.

La sénatrice Dupuis s’est toujours prononcée de façon calme, sensible et ciblée à propos des dossiers présentés au Sénat. Ses argumentaires étaient toujours bien documentés et factuels, et son ton calme, mais catégorique, nous laissait entrevoir l’avocate émérite qu’elle est. Ses collègues comprenaient que lorsqu’elle parlait, nous devions être attentifs. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a tout particulièrement profité de son expérience en matière de droit et de son engagement envers la justice. Sa présence nous manquera, tant à la Chambre qu’en comité.

(1410)

Au nom de mes collègues du bureau du représentant du gouvernement au Sénat, je vous souhaite tout le succès possible dans ce prochain chapitre de votre vie. Je suis certain que votre mari, Pierre, et vos filles, Catherine et Clara, se réjouiront de passer plus de temps avec vous. Je suis cependant persuadé que vous n’arrêterez jamais de parler au nom de ceux dont vous avez défendu les droits toute votre vie.

Merci, Renée.

Des voix : Bravo!

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs et sénatrices, je prends la parole aujourd’hui au nom du caucus conservateur de l’opposition pour rendre hommage à notre collègue la sénatrice Renée Dupuis, qui se prépare à quitter le Sénat du Canada pour la retraite, le 17 janvier 2024.

[Traduction]

La sénatrice Dupuis a passé une bonne partie de sa vie à servir et à aider les autres. Avocate de profession, elle a été vice-présidente de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, elle a fait partie du Comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne, elle a été commissaire à la Commission canadienne des droits de la personne, et j’en passe. Elle a aussi fait du bénévolat auprès de nombreux organismes, en plus de militer pour les droits des femmes et les groupes de soutien.

Son dynamisme et son travail inlassable dans la collectivité se reflétaient dans le travail qu’elle accomplissait ici, sur la Colline du Parlement. En 2016, la sénatrice Dupuis a été nommée au Sénat pour y représenter le Québec, et plus particulièrement les Laurentides. Depuis, elle a siégé au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles ainsi qu’au Comité de l’audit et de la surveillance. Son expérience du droit, son souci du détail et son attitude calme et posée ont souvent été remarqués, que ce soit ici ou dans les comités. La sénatrice Dupuis a toujours défendu les habitants de sa circonscription et elle a souvent contribué à faire avancer les débats sur divers projets de loi d’envergure grâce à ses interventions réfléchies.

Je tiens à vous féliciter, sénatrice Dupuis, pour vos nombreuses années au service des Québécois et des Canadiens en général. Je tiens aussi à remercier votre famille de son soutien indéfectible, car c’est grâce à elle si vous avez pu siéger à notre auguste assemblée sénatoriale. Vous prendrez peut-être votre retraite en janvier, mais sachez que votre contribution au Sénat du Canada restera gravée dans nos mémoires et que vous ferez toujours partie de la grande famille sénatoriale.

[Français]

Honorables sénateurs et sénatrices, je sais que vous vous joindrez à moi pour féliciter l’honorable Renée Dupuis à l’occasion de sa retraite, et pour lui souhaiter tout le succès possible à l’aube de ce prochain chapitre de sa vie.

Merci.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, nous soulignons le départ de la sénatrice Renée Dupuis, une collègue remarquable.

La sénatrice Dupuis est arrivée parmi nous en novembre 2016. Elle a été nommée au Sénat pour son leadership et ses réalisations notables dans le secteur juridique, plus précisément en ce qui concerne les droits des Autochtones. Le sénateur Harder, qui était à l’époque représentant du gouvernement au Sénat, avait déclaré « le leadership et les réalisations de la sénatrice Dupuis ont maintes fois été reconnus par ses pairs et par la société canadienne en général ».

J’ai eu le privilège de siéger avec la sénatrice Dupuis au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles et, à l’occasion, au Comité des peuples autochtones. En tant que collègue au Sénat, je puis attester de sa connaissance des dossiers et de sa détermination indéfectible à en faire un examen approfondi. Lorsqu’elle prenait la parole, les gens l’écoutaient attentivement.

Au cours de sa carrière juridique, la sénatrice Dupuis, s’est particulièrement intéressée à la nécessité d’innover et au besoin de réformes dans le secteur juridique. Le Barreau du Québec a dit qu’elle faisait preuve d’un engagement indéfectible et d’une grande intégrité dans son travail. La sénatrice Dupuis a affiché ces mêmes qualités pendant toute la durée de son mandat au Sénat.

Le cheminement qui a conduit la sénatrice Dupuis au Sénat a commencé très tôt dans sa vie. À un très jeune âge, elle était déjà fascinée par les principes de justice. Nous pouvons tous imaginer qu’à l’école élémentaire, la future sénatrice Dupuis défendait déjà ceux qui étaient marginalisés. D’après les témoignages que nous avons reçus, elle militait déjà pour la justice sociale dans la cour d’école et au terrain de jeu.

Cet enthousiasme pour la justice sociale était manifeste tout au long de sa carrière d’avocate, de commissaire à la Commission canadienne des droits de la personne et de sénatrice. Cela l’a amenée à intervenir dans de nombreuses affaires et causes, allant des droits constitutionnels des peuples autochtones et de la réconciliation à la santé des femmes, en passant par le droit de mourir dans la dignité. Au cours de la présente législature, la sénatrice Dupuis est intervenue plus de 150 fois au Sénat.

Avant d’être nommée au Sénat, la sénatrice Dupuis était une auteure prolifique et primée d’ouvrages portant sur les questions autochtones. Si vous êtes intéressés, six de ses livres sont encore disponibles à des prix très raisonnables, surtout les éditions de poche. Maintenant que vous partez à la retraite, Renée, nous espérons voir bientôt d’autres publications.

Sénatrice Dupuis, au nom du Groupe des sénateurs canadiens, mes collègues et moi vous souhaitons une retraite bien méritée et nous vous remercions sincèrement de votre contribution substantielle à notre travail au service des Canadiens, ici au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : Chers collègues, j’ai le plaisir de rendre aujourd’hui hommage à notre collègue, dans la langue de Gabrielle Roy et de Gaston Miron, qu’elle a bien connus.

En acceptant, en novembre 2016, de participer à la modernisation du Sénat, ce n’était, pour Me Dupuis, qu’un défi de plus pour cette avocate émérite, forte de 40 années vouées à l’avancement de la justice sociale.

Dès le début de sa carrière, elle se porte à la défense des droits bafoués des plus démunis, tels les chambreurs de Québec. À la fin des années 1970, elle participe à la création du Centre de santé des femmes du Québec, qui soutient le libre choix en matière de grossesse. Puis elle est retenue par les Atikamekw du Québec, auxquels s’ajouteront quelques années plus tard les Innus.

Comme elle l’explique dans son dernier livre, que j’ai lu avec plaisir — que j’ai même dévoré —, intitulé Ce chemin sous mes pas, elle ne parle pas pour eux, elle les accompagne plutôt avec conviction dans leur revendication d’autonomie.

En 1989, elle devient membre de la Commission canadienne des droits de la personne où elle participe à la lutte contre la discrimination et le harcèlement en milieu de travail, notamment le harcèlement sexuel des femmes. En 2001, elle est nommée à ce qu’on appelait alors la Commission des revendications particulières des Indiens, dont elle deviendra présidente en 2003 — la dernière, d’ailleurs.

Il n’est donc pas surprenant qu’elle devienne, en 2011, vice-présidente de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec.

Ce qui fascine chez elle, c’est qu’elle a vite compris que la méconnaissance est une source de contentieux, de préjugés et de stéréotypes qui conduisent à la discrimination, tant individuelle que systémique. C’est pourquoi elle n’hésite pas à enseigner à l’École nationale d’administration publique, à donner des conférences partout dans le monde, à faire des présentations dans les écoles primaires et secondaires, à donner des entrevues aux médias, et à publier des livres et articles dont plusieurs ont été cités dans les discours précédents. Elle a même conçu et animé, en 1979, une série radiophonique qui faisait connaître des femmes innues aux auditeurs de Radio-Canada.

C’est au Sénat que j’ai pu enfin côtoyer cette personne formidable, tant comme voisine de pupitre que comme membre influente du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. J’ai été très heureux de travailler avec cette collègue indépendante d’esprit, qui écoute attentivement et prend toujours des notes avant d’offrir des commentaires pertinents, parfois même incisifs, qui reflètent ses grands talents juridiques et ses vastes expériences de vie tant professionnelle que personnelle.

Ma chère Renée, bon retour à l’île d’Orléans avec Pierre. Vous nous manquerez.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, l’une des parties les plus difficiles de notre travail, c’est quand nous devons dire au revoir aux collègues qui partent à la retraite. Sénatrice Dupuis, j’ai seulement eu droit à deux ans à vos côtés, mais j’en aurais certainement pris plus. Vous êtes de celles qui laissent leur marque. Vous m’avez rendue meilleure, vous m’avez appris beaucoup de choses et, que vous en soyez consciente ou non, vous m’avez aidée à traverser certains moments difficiles.

(1420)

[Français]

Comme plusieurs d’entre vous le savent, j’ai eu un peu de mal à trouver ma place au Sénat, particulièrement au sein du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Sénatrice Dupuis, vous avez perçu mon malaise et vous n’avez pas tardé à me rassurer. Vous m’avez rappelé que j’étais prête à siéger ici et que j’avais des contributions et des perspectives différentes à apporter à ce comité.

J’ai observé de près la sénatrice Dupuis au sein du comité, sachant qu’elle est une leader, une avocate hyper compétente avec une longue histoire de pratique en matière de droits de la personne et de la lutte contre la discrimination, et qu’elle a toujours privilégié une perspective féministe. Lorsque la sénatrice Dupuis pose une question ou prend la parole, nous écoutons et apprenons. Si la question vous est adressée, watch out! Préparez-vous! Elle exige de la clarté et des références appropriées à la loi et aux procédures. Elle est rigoureuse et diligente, et elle a toujours été une penseuse indépendante qui tire ses propres conclusions et se laisse guider par son expérience et ses valeurs.

La sénatrice Dupuis prend son éthique de travail et son approche face à ses responsabilités très au sérieux. Elle inspire ce que nous recherchons tous dans un modèle : intelligence, intensité, confiance et courage. Son approche est inclusive et je l’ai moi-même ressenti. Toutefois, faites attention : son attitude sérieuse pourrait vous surprendre. La sénatrice Dupuis a un sens de l’humour très vif, un genre d’humour qui vous fait réfléchir. Il est si spontané et si intelligent qu’il est facile d’en perdre l’essence si l’on n’arrive pas à la suivre.

Sa détermination, son professionnalisme et ses convictions révèlent une autre facette remarquable de la sénatrice Dupuis. Elle est alimentée par son engagement en vue de créer un monde vraiment meilleur. Lors d’un récent discours, elle a déclaré ceci, et je cite :

[...] maintenant que les femmes sont là, elles ne vont pas partir, elles vont rester et vont continuer à se battre, y compris pour leurs petites-filles, comme les miennes.

Quand vous avez prononcé votre discours, sénatrice Dupuis, votre grâce, votre sang-froid et l’amour que vous dégagez m’ont fait monter les larmes aux yeux. Votre voix, votre présence, votre impact et votre travail vivront toujours dans vos petites-filles, en nous, en moi et dans tous ceux que vous défendez, soutenez, encouragez et accompagnez.

Merci à vous et à votre famille, Renée.

[Traduction]

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, je souhaite aujourd’hui exprimer ma gratitude à l’honorable sénatrice Dupuis et lui rendre hommage. Depuis sept ans, la sénatrice Dupuis sert fidèlement le Sénat. Je retiens surtout sa connaissance du droit, la manière dont elle a su représenter les peuples autochtones et les démarches que nous avons faites, elle et moi, pour que le Comité sénatorial permanent de l’audit et de la surveillance puisse voir le jour, car c’est lors des nombreux appels que nous avons dû faire le soir et les fins de semaine que j’ai pu profiter de ses connaissances et de sa sagesse.

Ces qualités se reflétaient aussi dans ses prises de position, son ardeur au travail et son attachement à la cause autochtone, et jusque dans les œuvres qu’elle a publiées, dont Quel Canada pour les Autochtones? La fin de l’exclusion. En tant que juriste, la sénatrice Dupuis a montré qu’elle connaît le droit et la procédure sur le bout de ses doigts, ce dont elle a su faire profiter le Sénat et le Comité de l’audit et de la surveillance, surtout au début. Je vous suis reconnaissant d’avoir aussi bien servi le Sénat et le Canada et je vous souhaite le meilleur, à Pierre, à vous et à vos proches, pour les années à venir.

L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à la sénatrice Renée Dupuis. Au Sénat, sur notre scène politique, elle a suivi un principe important du théâtre : il faut laisser le spectateur sur sa faim.

La sénatrice Dupuis a connu beaucoup de grands moments, et l’un d’entre eux s’est produit il y a quelques semaines. Au cours d’un débat, elle a rappelé à notre assemblée qu’à une certaine époque, il n’y avait pas de femmes au Sénat. Elle a dit :

[…] maintenant que les femmes sont là, elles ne vont pas partir, elles vont rester et vont continuer à se battre, y compris pour leurs petites-filles, comme les miennes.

Honorables collègues, dans notre enceinte, les paroles de la sénatrice Dupuis perpétuent bien l’héritage des Célèbres cinq, dont le monument commémoratif se trouve à l’extérieur de notre édifice, près de la porte d’entrée. Prenons ses paroles à cœur.

Aujourd’hui, saluons également son incroyable travail législatif. Beaucoup d’entre vous savent à quel point la sénatrice Dupuis est réfléchie, précise et assidue dans l’exercice de ses fonctions, surtout au sein des comités. Nous devons être particulièrement attentifs lorsqu’elle lève la main pour prendre la parole ou poser une question, sous peine de passer à côté d’un détail important ou d’une idée originale.

La sénatrice Dupuis est aussi humble. Bien des gens ignorent peut-être qu’elle était une grande défenseure de la réconciliation bien avant que la population entende parler des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Pendant de nombreuses années, avant d’arriver au Sénat, elle a été conseillère et consultante juridique auprès d’organismes des Premières Nations pour les négociations globales tripartites et en matière de Constitution. De 2003 à 2009, elle a été commissaire en chef de la Commission des revendications des Indiens, où elle s’est employée à régler de nombreux dossiers. En avril 2013, elle a été témoin honoraire de l’activité nationale de la Commission de vérité et réconciliation qui s’est tenue à Montréal, ce qui lui a permis d’assimiler et de transmettre un savoir crucial.

La sénatrice Dupuis a aussi écrit plusieurs ouvrages, dont Quel Canada pour les Autochtones? La fin de l’exclusion qui a remporté en 2001 le prix du Gouverneur général dans la catégorie « Essais » en français. En 2005, elle s’est vu décerner l’Ordre du Canada.

La sénatrice Dupuis a aussi été vice-présidente du Comité de l’audit et de la surveillance. Son œil de lynx et ses commentaires succincts nous manqueront beaucoup après son départ. À titre de président, j’ai eu l’honneur de siéger avec elle à ce comité, qui est une importante réalisation de la réforme du Sénat.

Sénatrice Dupuis, vous êtes une femme énergique. J’aime beaucoup votre façon d’aborder la vie et votre humour pince‑sans‑rire. Après un de vos traits d’humour, j’essaie toujours de remarquer les personnes qui sourient, ce qui me donne un indice de leur intelligence. Voyez donc un peu tous les gens qui essaient maintenant de passer pour intelligents.

Sénatrice Dupuis, vous avez su être une sage conseillère et une excellente amie. Vous avez toujours été facile d’approche et près des gens. Pour tout cela, je vous suis extrêmement reconnaissant. Merci! Chers collègues, souhaitons tous à la sénatrice Dupuis une excellente retraite.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénatrices et sénateurs, j’ai l’honneur de prendre la parole aujourd’hui pour chanter les louanges de notre collègue bien-aimée, travailleuse acharnée, brillante experte des questions juridiques, parlementaire pleinement engagée et toujours prête, notre collègue et amie toujours serviable, solidaire et charmante, la sénatrice Renée Dupuis.

Je crois que j’ai beaucoup de chance de la connaître et d’apprendre d’elle au Sénat. Son impressionnante carrière juridique, axée sur les droits de la personne, les droits relatifs aux Autochtones et le droit administratif, l’a bien préparée à son séjour ici. En 2000, la sénatrice Dupuis a participé au comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Elle a été nommée témoin honoraire de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Elle a été vice-présidente de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec avant de se joindre au Sénat du Canada.

La sénatrice a apporté de précieuses contributions au sein de nombreux comités et aux débats dans cette Chambre. Elle est toujours bien préparée et connaît bien les règles et procédures du Sénat.

J’ai apprécié ses réflexions fondées sur sa profonde expérience auprès des peuples autochtones et des femmes et son travail au sein du groupe de travail conjoint du Barreau du Québec et du Collège des médecins du Québec sur le droit de mourir dans la dignité.

Chers collègues, je voudrais partager les mots de Dominique Charland, ma stagiaire, qui étudie en droit. Elle a été guidée et conseillée par la sénatrice Dupuis. Je la cite :

Malgré son horaire chargé, la sénatrice Dupuis m’a accueillie à plusieurs reprises pour discuter de mon travail pour la sénatrice Coyle et les sénateurs pour les solutions climatiques. La sénatrice Dupuis est une personne attentive, qui se concentre exclusivement sur la tâche à accomplir, sans jamais vous faire douter que vous êtes sa priorité dans ce moment. Je n’aurais pas pu demander une meilleure personne pour m’accompagner tout au long de mon stage.

Honorables sénateurs, je suis très heureuse d’avoir été personnellement témoin de ces grandes qualités de générosité, de sens du devoir et d’intelligence qui sont au cœur de l’identité de notre collègue.

(1430)

Honorables sénatrices et sénateurs, veuillez vous joindre à moi pour remercier notre collègue l’honorable Renée Dupuis, l’applaudir et lui crier brava!

Renée, profitez de votre prochain chapitre; vous nous manquerez beaucoup.

Des voix : Bravo!

L’honorable Lucie Moncion : Chers collègues, chère amie, comment parler de notre distinguée collègue, l’honorable Renée Dupuis, cette femme discrète, à la feuille de route impressionnante?

Chère sénatrice Dupuis, quel honneur et surtout quel privilège j’ai eu de vous côtoyer au cours des sept dernières années. La sénatrice Dupuis et moi avons été assermentées le même jour, le 16 novembre 2016. Nous avons eu l’occasion de faire connaissance et de converser, avant même de franchir les portes de cette enceinte.

À l’époque, nous étions de parfaites inconnues. Je ne la connaissais ni de nom ni de réputation. Je n’avais aucune idée de son parcours académique ni de son parcours professionnel. Au fil du temps, j’ai appris à connaître cette femme droite, rigoureuse et étonnante, qui a su se tailler une place en défendant les droits des femmes, de la personne et des peuples autochtones.

Comme toutes les femmes ayant bâti une carrière professionnelle remarquable, le parcours de la sénatrice Dupuis a été marqué par des défis significatifs. S’imposer dans des milieux gardés et protégés demandait du cran et de l’audace. À sa façon, elle a su faire sa place et prendre sa place.

Respectueuse en tous points, la sénatrice Dupuis se distingue comme femme en politique. Ici même, à la Chambre, elle est fabuleuse à regarder et à écouter. Calme et posée, lorsqu’elle prend la parole, pesant chacun de ses mots, elle passe ses messages, toujours en français. Chacune de ses interventions nous porte à la réflexion. Quel plaisir de l’entendre; pas de paroles inutiles, pas de commentaires désobligeants, que de l’information pertinente.

J’ai aussi eu le privilège de la côtoyer de longues heures comme partenaire de pupitre au Sénat, et je dois vous avouer que c’est un plaisir renouvelé quotidiennement. Nous échangeons des confidences, des commentaires sur ce que nous voyons ou entendons dans cette enceinte, ou encore, nous nous référons parfois au Règlement du Sénat lorsque nous constatons des comportements, des propos ou des interprétations de règles qui nous semblent inexactes.

Femme de tête, de lettre et de cœur, qui a su demeurer forte et libre, conciliant avec brio une carrière d’avocate, de juriste, de conférencière, d’enseignante, d’administratrice, de sénatrice, d’épouse, de mère et de grand-mère, chère collègue, je vous salue!

Nous sommes rendues à l’étape de nos vies où nos chemins se séparent. Nous reprenons notre parcours, là où nos vies se sont croisées il y a plus de sept ans. Quel plaisir et surtout quel honneur d’avoir pu apprendre à vous connaître, à vous apprécier et à vous estimer.

Vous avez encore de grandes choses à faire, à écrire et à accomplir. Ce chemin sous vos pas continue et votre route est encore longue.

Au plaisir, Renée!

Des voix : Bravo!

L’honorable René Cormier : Chers collègues, madame la sénatrice, chère Renée Dupuis, après avoir lu votre dernière publication Ce chemin sous mes pas, paru récemment aux Éditions du Boréal et avoir réalisé le parcours professionnel exceptionnel qui fut le vôtre, après avoir entendu les hommages élogieux que d’autres ont faits à votre sujet depuis tant d’années, j’ai un reproche affectueux à vous faire, madame la sénatrice.

Vous qui avez mis toute votre expertise, vos connaissances et vos expériences au service du Sénat du Canada depuis novembre 2016, vous qui, au sein du Groupe des sénateurs indépendants, avez défendu la modernisation du Sénat avec rigueur et conviction, eh bien, vous nous quittez trop tôt, madame la sénatrice, en nous laissant orphelins de votre présence! Car il faut bien se le dire, vous êtes humble et peut-être trop discrète parfois, chère Renée, et je crois que beaucoup d’entre nous n’auront pas eu le temps de vous apprécier à votre juste valeur.

Pourtant, en vous écoutant, en vous observant, j’ai tant appris de vous. Vous m’avez fait prendre conscience de notre responsabilité constitutionnelle de parler la langue française dans cette enceinte, la langue de Gabrielle Roy, une langue que vous chérissez et parlez avec précision, vous qui côtoyez un poète dont la plume inspirante est reconnue ici et ailleurs.

Vous m’aurez appris l’art de l’écoute et de l’articulation d’argumentaires rigoureux s’appuyant sur le droit et les faits. Tout au long de votre carrière, vous avez travaillé et défendu les droits et intérêts des peuples autochtones avec ardeur, lucidité et compassion. Un jour, vous avez dit avec sagesse les paroles qui suivent :

Je suis une marcheuse de fonds, j’ai creusé un sillon dans l’espoir qu’on puisse un jour arriver à rencontrer les peuples autochtones, quelque part entre ce qu’ils sont et ce que nous sommes [...]

Eh bien, je fais mienne cette citation, car le travail remarquable que vous avez fait à cet égard, sénatrice, devrait nous inspirer toutes et tous.

Il y aurait tant à dire pour vous témoigner notre gratitude et notre appréciation, madame la sénatrice, mais il est temps de vous dire au revoir. À cette fin, comme l’a écrit Pierre Morency, un poète que vous connaissez bien et qui me pardonnera d’emprunter ses mots, je vous souhaite, madame la sénatrice :

Une chambre sous la Voie lactée.

Une maison posée sur un bateau d’estuaire.

Un bois choisi au milieu de l’île.

Un lieu qui ne se reconnaît pas de cloisons.

Une lampe aux cheveux de nuit et de clarté.

Un lit juste avant que je tombe.

Des cafés à Paris, à Québec, en Provence.

Une ville des Hauts vers les citrus du Lavandou.

Une petite tente ronde accrochée à la banquise de Bylot.

Les cayos pelucheux de Cuba.

Le sable noir de la baie du Renard.

Les pins siffleurs d’Alliougana.

Ce petit bureau bleu ouvert sur le grand fleuve.

Les bouleaux dont l’écorce est grafignée par les ours.

Le pied du cap Maillard en Charlevoix.

Bonne retraite, chère Renée; bonne retraite!

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Pierre Morency, conjoint de l’honorable sénatrice Dupuis, de leurs filles, Catherine et Clara, d’autres membres de la famille et d’amis et de membres du personnel de l’honorable sénatrice.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L'honorable Renée Dupuis, C.M.

Remerciements

L’honorable Renée Dupuis : Chers collègues sénatrices et sénateurs, je vous ai épargné une mise en scène que j’avais prévue, c’est-à-dire apporter une espèce de petit meuble et arriver avec le Code civil expliqué pour vous faire vraiment peur et vous faire penser que j’allais passer à travers cela; mais non.

Plus sérieusement, chers collègues, j’ai appris dans mes cours de philosophie au collège que des croyances selon lesquelles les femmes ne sont pas des êtres vraiment rationnels et que certains êtres humains sont naturellement faits pour l’esclavage, constituent le fondement de nos sociétés.

J’ai constaté à la Faculté de droit que nos règles de droit découlent directement de ces croyances. De telles croyances sous‑tendent la discrimination systémique profondément inscrite dans trop de nos lois, de nos pratiques et de nos préjugés. Il m’est alors apparu que le droit me mènerait plus rapidement que la philosophie à travailler à faire changer les règles qui nous régissent. C’est ce travail qui occupe mon temps et mon activité professionnelle d’avocate depuis 50 ans cette année.

Lors de ma première comparution à titre de témoin, le 1er mars 1977 devant le Comité permanent des Affaires indiennes et du développement du Nord canadien de la Chambre des communes, enceinte de notre fille aînée, je ne pouvais pas imaginer que je deviendrais un jour sénatrice. J’accompagnais alors une délégation de chefs et d’aînés-chasseurs innus et atikamekw venus témoigner dans leur langue respective, avec leurs interprètes, contre le projet de loi C-9 qui allait non seulement mettre en vigueur la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, mais qui allait également éteindre, sans indemnisation, les droits des Premières Nations non signataires de cette entente. Cette question n’est pas réglée à ce jour.

Tout au long de mon mandat de sénatrice représentant la division sénatoriale Les Laurentides, au Québec, mandat qui a commencé il y a un peu plus de sept ans, le 10 novembre 2016, j’ai gardé à l’esprit le petit groupe de cinq femmes canadiennes de l’Alberta : la juge Emily Murphy, Henrietta Muir Edwards, Nellie McClung, Louise McKinney et Irene Parlby, dont la détermination a pu venir à bout de la discrimination contre les femmes inscrite dans la loi, c’est-à-dire l’impossibilité pour les femmes de devenir sénatrices.

(1440)

Je ne sais pas si ces cinq femmes connaissaient les œuvres de Marie de Gournay, célèbre pour sa relation avec Montaigne, mais surtout auteure de l’ouvrage intitulé Égalité des hommes et des femmes, publié une première fois en 1622, il y a plus de 400 ans, et dont la contribution inédite s’est perdue au cours des siècles, pendant que la langue française occultait le mot « matrimoine », qui était utilisé à l’époque pour décrire en droit les biens hérités de la lignée maternelle. Marie de Gournay considère que rien ne justifie « les avantages et privilèges » que les hommes ont tenu à se réserver. On dira que le Sénat du Canada, une institution parlementaire établie au XIXe siècle, était le reflet fidèle des sociétés de ce siècle. Je n’oublie pas qu’il y a 100 ans, je n’aurais pas pu être nommée sénatrice. Je rappelle que le premier ministre de l’époque évoquait l’impossibilité de nommer des femmes au Sénat en s’appuyant sur la règle de common law selon laquelle —

[Traduction]

[...] Les femmes sont des personnes pour ce qui est des peines et des sanctions, mais non pour ce qui est des droits et des privilèges.

[Français]

— que l’on pourrait traduire librement par : « Les femmes sont admissibles aux peines et aux sanctions, mais pas aux droits et aux privilèges. » Mille neuf cent vingt-neuf est une année décisive, car c’est le moment où l’on a reconnu que le mot « personne » incluait les femmes et pas seulement les hommes, et, par conséquent, que les femmes, comme les hommes, pouvaient être nommées au Sénat du Canada. Il a fallu un tribunal britannique pour y arriver.

Dans le jugement du Comité judiciaire du Conseil privé de Grande-Bretagne, le vicomte Sankey, lord chancelier, a alors conclu que l’exclusion des femmes des postes publics était une relique des jours qu’il disait « plus barbares » que ceux du début du XXe siècle et a répondu à ceux qui se demandaient pourquoi le mot « personne » devrait inclure les femmes, que la réponse évidente était : pourquoi ne devrait-il pas l’inclure?

Je m’inscris dans cette ligne de temps long de l’histoire, qui vise à faire advenir, ici et ailleurs, un monde d’égalité réellement vécue par les femmes.

Dans le domaine des droits de la personne, rien n’est jamais assuré. Tout peut être remis en question quand il s’agit de l’égalité réelle des droits des femmes et des autres groupes protégés par les chartes de droits fondamentaux. La vigilance est de mise à toutes les époques, y compris la nôtre.

L’année 2017 a marqué le 150e anniversaire de l’existence du Sénat du Canada. Le monde a évolué depuis 1867 et le Sénat doit devenir une institution inscrite dans le XXIe siècle. Nous sommes beaucoup plus scolarisés qu’au moment où le Parlement du Canada a été créé. Nous sommes beaucoup plus exigeants sur la façon dont les législateurs fédéraux, députés et sénateurs, décident des règles qui nous gouvernent. Nous estimons que nous devons être consultés et engagés à toutes les étapes de la prise de décisions en matière de politiques publiques.

En 2015, la décision politique de changer le mode de nomination au Sénat a eu pour effet d’élargir le bassin de recrutement des sénateurs à des citoyennes engagées dans leur communauté, comme moi, qui ont choisi de ne pas s’engager dans un parti politique.

L’aspect pédagogique de notre travail doit être mieux valorisé au Sénat, alors que nos débats sur des questions contemporaines complexes sont déterminants dans la dissémination d’une information que l’on souhaite la plus exacte possible. Une responsabilité individuelle et collective nous incombe pour ce qui est de maintenir des débats vigoureux qui représentent des courants d’opinion souvent opposés et irréconciliables, qui représentent la marque distinctive des sociétés démocratiques. Notre responsabilité comprend également l’obligation de ne pas reproduire des campagnes de désinformation, de ne pas se livrer à des attaques personnelles et de maintenir une attitude de civilité envers nos collègues, ce qui exclut le harcèlement à l’endroit des femmes et les abus de pouvoir.

Durant l’exercice de mon mandat en tant que sénatrice indépendante, j’ai choisi d’intervenir en français dans les débats au Sénat et dans les séances de comités pour deux principales raisons. Premièrement, j’exerce, comme vous le savez, le droit constitutionnel de m’exprimer en français ou en anglais au Parlement du Canada. Deuxièmement, je n’oublie pas qu’un nombre important de Premières Nations du Québec, avec lesquelles j’ai travaillé pendant des décennies, ont le français comme langue seconde ou comme troisième langue, en plus de leur langue maternelle.

Chaque fois que je prends la parole au Sénat, j’ai plus particulièrement à l’esprit les citoyennes et les citoyens francophones de Yellowknife, qui, en écoutant les travaux du Sénat et de ses comités, peuvent légitimement se demander ce qu’une sénatrice du Québec a à dire sur des questions de politique publique. Je m’autorise à dire qu’ils auront au moins pu constater que je suis consciente de l’honneur qui m’a été fait de siéger au Sénat, et que j’ai travaillé sérieusement à assumer la grande responsabilité que cette fonction entraîne.

Le droit administratif, qui a défini de nouvelles relations entre l’État et les citoyens dans les années 1970, s’est développé de manière exponentielle dans sa fonction de régulation sociale. Une panoplie de nouvelles normes juridiques — lois, règlements et directives — et de nouvelles structures de prise de décisions publiques — tribunaux administratifs, conseils, commissions — ont été mises en place. La responsabilité de l’État et de ses agents a remplacé l’immunité historique dont l’État a longtemps bénéficié. Il n’est pas inutile de rappeler que l’autorité de l’État ne relève plus d’une transmission du pouvoir divin qui le mettait autrefois à l’abri de rendre des comptes aux citoyens.

L’environnement du débat public est devenu plus complexe, avec l’adoption des chartes et des lois fédérales et provinciales sur les droits et libertés, comme la charte québécoise en 1975, la loi fédérale en 1978 et la Charte des droits et libertés en 1982. L’adoption de ces normes juridiques appelle un nouvel espace de délibérations et de participation citoyenne, d’autant plus que le lien entre la légalité et la légitimité des normes n’a jamais été aussi ténu. En adoptant ces textes dans le dernier quart du XXe siècle, les pouvoirs politiques ont accepté de limiter leur autorité pour préserver la dignité humaine de tous, y compris les personnes et les groupes les plus vulnérables parmi nous.

Par ailleurs, l’élévation considérable du niveau de scolarisation dans notre société, favorisée par l’accès généralisé à une éducation publique gratuite, a eu pour effet de former une communauté de citoyens et de citoyennes qui possèdent un haut degré de connaissances et d’expertise dans tous les domaines de l’expérience humaine. Ainsi, on trouve autant d’expertise à l’extérieur des instances de gouvernance publique que dans ses rangs, sauf peut‑être dans certains secteurs de la défense nationale.

De plus, les conflits d’intérêts non déclarés des autorités, des experts et des lobbys ont généré beaucoup de suspicion à leur endroit. De même, l’explosion de la diffusion des connaissances par le biais d’Internet et des réseaux sociaux a mis à mal la crédibilité des autorités et des experts en créant des haut-parleurs, dont plusieurs déversent opinions, diktats, préjugés sexistes et racistes, attaques haineuses et intimidation, qui fleurissent devant notre incapacité à les encadrer.

La légitimité des autorités ne va plus de soi et leur engagement à protéger le bien commun n’est plus acquis pour une partie de la population. La population s’attend à participer à la définition des enjeux qui la concernent, à la discussion des modes d’intervention et des normes à appliquer, à toutes les étapes de la prise de décisions en matière de politiques publiques. Nous sommes toujours gouvernés au XXIe siècle comme la population l’était au XIXe siècle. L’évolution des connaissances scientifiques et technologiques ne peut pas remplacer ces débats sur les valeurs sous-jacentes qui déterminent ces décisions. Les structures mises en place depuis les 50 dernières années pour encadrer l’action de l’État dans ses relations avec les citoyennes et les citoyens doivent être revues à la lumière de cette nouvelle réalité.

Les institutions traditionnelles de l’État, les chambres législatives — l’autre endroit et le Sénat —, l’exécutif, l’administration publique, les tribunaux, les partis politiques et les groupes d’intérêt font l’objet d’une méfiance, quand ce n’est pas une désaffection qui met à mal la fiducie sur laquelle repose l’État tel que nous le connaissons. La confiance que lui accordent les citoyens est le principe fondateur de cette autorité de l’État à réguler la vie de la communauté. Le malaise actuel appelle à la mise en place d’un nouvel espace de délibérations et de participation pour combler le déficit actuel dans les débats publics.

En tant que Chambre de second examen attentif, le Sénat devrait, à mon avis, être au cœur de cette révision. Ce second examen attentif ne doit pas se limiter aux projets de loi que le gouvernement du jour préconise. Il doit demander des comptes au gouvernement, notamment en faisant un suivi rigoureux de la révision de toute législation existante et en s’assurant que la révision par le Sénat soit incluse dans toutes les lois, et non laissée au bon vouloir du gouvernement du jour; en examinant très attentivement les instruments de législation déléguée que représentent les règlements adoptés par le Cabinet, quand on sait à quel point les gouvernements y ont de plus en plus recours; en insistant pour que les ministres déposent systématiquement au Sénat les documents nécessaires pour juger des projets de loi, comme l’analyse comparative entre les sexes plus; en amorçant, de sa propre autorité, la révision de politiques publiques, notamment les principes du droit criminel, comme ils se déclinent dans le Code criminel, qui a été pensé au début du XXe siècle, et dont les modifications à la pièce, selon les considérations politiques du moment, ont fait un outil éclaté.

Pourtant, les victimes, en particulier les femmes victimes de violences diverses dans tous les contextes de leur vie, ou la surreprésentation des Autochtones, et plus encore des femmes autochtones et des Noirs dans les pénitenciers fédéraux et provinciaux, exigent une révision en profondeur des valeurs qui sous-tendent le droit criminel au Canada, comme le Comité des affaires juridiques l’a souvent exprimé dans des rapports.

(1450)

Le Code criminel, qui a été pensé pour la réalité de 1920, est dépassé et doit faire l’objet d’une révision en profondeur provoquée, sinon menée par le Sénat, révision qui mettrait en présence tous les acteurs de la société, dont les victimes, qui sont aux prises avec la criminalité au XXe siècle.

On doit recourir à d’autres méthodes de délibérations et de participation qui assureraient une participation plus directe des citoyens à la révision des instruments existants, mais aussi à l’élaboration de politiques systémiques institutionnelles pour permettre au Sénat de répondre à des interpellations publiques, notamment sur le travail de vérité et de réconciliation nécessaire pour mettre un terme à la discrimination systémique inscrite dans le système actuel, ce à quoi des institutions comme le Sénat doivent s’engager.

En tant que témoin honoraire de Commission de vérité et réconciliation, j’attire votre attention sur un élément qu’il reste à reconnaître pour ce qui est des peuples autochtones : les souffrances et les sacrifices particuliers que l’arrachement forcé des enfants autochtones à leur mère a entraînés pour ces mères. Les souffrances de chacun de ces enfants, de leur famille et de leur communauté sont incommensurables. Toutefois, les répercussions sur les mères qui ont porté ces enfants, les ont mis au monde et les ont introduits dans la vie de leur communauté n’ont pas été documentées à ce jour à leur juste mesure. Le système des pensionnats qu’on leur a imposé a eu pour effet de couper la relation privilégiée entre une mère et son enfant et il doit être dénoncé à la hauteur de la douleur qu’il a engendrée et de la discrimination systémique qu’il représente. Le Sénat, qui a contribué à légiférer sur ces questions, est directement interpellé et doit trouver une façon non seulement de reconnaître cette vérité, mais aussi de contribuer à la réparation qu’elle exige et de travailler en tant qu’institution à la nécessaire réconciliation avec les peuples autochtones. L’engagement individuel doit se transposer sur le plan institutionnel.

Le Sénat doit aussi contribuer à une plus grande légitimité des institutions publiques, en lançant le mouvement de révision des modes de participation citoyenne, comme le remplacement de l’accès exclusif aux modes de régulation sociale réservés aux acteurs sociaux dont la position sociale est dominante et la mise sur pied d’un mode de délibérations fondé sur une participation citoyenne organisée. En ce sens, la décision politique de nommer des sénateurs indépendants issus d’horizons divers et qui n’ont pas été engagés dans la politique partisane devrait les engager à favoriser la mise en place de ce nouvel espace, notamment en ce qui a trait aux questions environnementales dans leur interaction avec la justice et l’égalité des personnes et des États, au Canada et dans le monde, qui sont des questions qui interpellent tous les groupes de notre société.

Honorables sénatrices et sénateurs, je veux exprimer mon appréciation à un certain nombre de personnes que j’ai croisées au Sénat pendant les sept années de mon mandat.

Je salue le sénateur Peter Harder, la sénatrice Diane Bellemare, qui a été ma marraine lors de mon assermentation, et le sénateur Grant Mitchell, avec qui j’ai eu mes premiers contacts après ma nomination.

Je remercie la sénatrice Raymonde Saint-Germain pour la diplomatie et la ténacité qu’elle a montrées à titre de facilitatrice du Groupe des sénateurs indépendants depuis 2021, après avoir exercé les fonctions de facilitatrice adjointe.

J’adresse des salutations particulières aux membres passés et actuels de l’équipe de direction et aux autres membres de notre groupe parlementaire, avec qui j’ai eu des échanges fructueux.

Je remercie les employés du Groupe des sénateurs indépendants (GSI) de leur soutien. Je tiens à rappeler le souvenir de la sénatrice Elaine McCoy, qui est décédée en décembre 2020. Elle m’a accueillie à mon arrivée au Sénat et a joué un rôle déterminant dans la création du GSI.

Chers collègues avec qui j’ai siégé au comité directeur de certains comités, je vous salue et je considère que nos échanges ont été productifs.

Chers collègues membres des divers comités auxquels j’ai siégé, j’ai apprécié nos échanges, qui ont été vifs par moment. Ils ont contribué à enrichir ma propre réflexion.

Chers collègues, je garderai de vifs souvenirs de nos discussions animées, de nos conversations et même de nos blagues et de nos rires à l’extérieur de cette Chambre.

[Traduction]

Chers collègues anglophones, je tiens à vous faire savoir que je n’ai pas manqué une occasion de prendre contact et d’échanger des points de vue, de discuter, d’argumenter, de bavarder et parfois de rire avec vous à l’extérieur de cette enceinte ou d’une salle de comité. Je rentre chez moi la tête pleine de bons souvenirs.

[Français]

Je souhaite exprimer ma gratitude à un nombre incalculable de personnes qui m’ont soutenue dans mon travail de sénatrice, et aux personnes qui ont assuré ma sécurité dans l’exercice de mes fonctions, dès le matin quand j’arrive à l’édifice du Sénat jusqu’à la toute fin de la journée quand je quitte mon bureau. Je ne peux toutes les nommer, mais elles se reconnaîtront.

Je veux souligner que j’ai pu compter sur la collaboration de certains hauts fonctionnaires du Parlement, plus particulièrement le Président du Sénat au moment de ma nomination, le sénateur George Furey, la Présidente actuelle, la sénatrice Raymonde Gagné, et la Présidente intérimaire, la sénatrice Pierrette Ringuette, dont j’ai apprécié les efforts constants en vue de maintenir le décorum dans cette Chambre — un défi de tous les instants.

La collaboration de l’huissier du bâton noir et de son équipe de pages du Sénat, des greffiers successifs du Sénat et des greffiers assignés aux comités du Sénat auxquels j’ai siégé, ainsi que de l’équipe du Bureau de la procédure et des travaux de la Chambre a facilité mon travail, et je leur en sais gré.

Le directeur parlementaire du budget a contribué à élargir mes recherches sur le manque d’eau potable au sein des communautés des Premières Nations vivant dans les réserves.

La directrice de la Bibliothèque du Parlement et les analystes ont soutenu mes recherches tout au long de mon mandat.

Je veux exprimer ma gratitude à toutes les personnes employées par le Sénat qui ont facilité mon travail de sénatrice, que ce soit dans nos travaux à la Chambre, dans les différents comités auxquels j’ai siégé et dans mon bureau de sénatrice, d’abord à l’édifice du Centre avant sa fermeture et maintenant à l’édifice Chambers. J’ai apprécié leur civilité, leur collaboration et leur flexibilité dans le but de soutenir mon travail dans l’environnement du Sénat, que je qualifierais de mouvementé et trépidant.

Je n’oublie pas le Service de protection parlementaire, qui a assuré la sécurité de ma personne dans un monde où les États étrangers, les lobbyistes et les citoyens sont devenus nettement plus pressants vis-à-vis des parlementaires, non seulement à Ottawa, mais aussi là où nous résidons.

J’invite tous les directeurs de l’Administration du Sénat et des autres institutions qui nous assistent dans nos fonctions à transmettre aux employés mon appréciation de leurs interventions en vue de faciliter mon travail et celui des membres de mon bureau, même quand les aléas de la technologie et des nouveaux équipements ont fait surgir des obstacles à notre efficacité, et ce, pas seulement durant la période d’adaptation accélérée provoquée par la crise de santé publique de la COVID-19. Je veux saluer toutes ces personnes qui y ont contribué; le souvenir de l’aide qu’ils m’ont fournie m’accompagnera.

Je remercie les interprètes, qui m’ont assistée dans l’exercice de mon droit constitutionnel de m’exprimer en français durant les séances du Sénat et les réunions des comités auxquels j’ai participé, et qui nous ont permis de poursuivre notre travail de parlementaires quand nous avons siégé en mode hybride durant l’épidémie de COVID-19, malgré les difficultés supplémentaires que ce mode de travail leur occasionnait.

Avant de conclure, honorables sénatrices et sénateurs, je veux souligner la collaboration des personnes qui ont travaillé avec moi sans relâche durant mon mandat.

Mme Brigitte Poullet, que j’ai retrouvée à Ottawa pour la troisième fois, est arrivée au Sénat en même temps que moi pour ouvrir mon bureau dans cet édifice historique qu’est l’édifice du Centre, un bureau ouvert sur le parterre avant et éclairé par la lumière du soleil levant. Nous avons appris ensemble de quoi cette institution séculaire retourne. La complexité de la tâche et le volume de travail qui a été le nôtre depuis sept ans en ont fait la directrice des enjeux la plus efficace que je connaisse. Comme elle me l’a répété, elle a été mes « yeux » et mes « oreilles » à Ottawa. Je lui sais gré de m’avoir accompagnée, de son intégrité, de son honnêteté, de sa diplomatie et de sa capacité de rire des aléas de ce travail inédit et stressant. Je lui sais gré pour tout cela, en plus du fait qu’elle a accepté volontiers de guider les employés des nouveaux sénateurs à qui j’avais vanté ses qualités professionnelles et personnelles en leur offrant notre collaboration. Mon mandat de sénatrice n’aurait pas pu être aussi intéressant pour moi, n’eût été sa présence. Nos réunions de travail hebdomadaires pour organiser nos travaux resteront dans les meilleurs souvenirs de mon passage au Sénat. Je tiens aussi à souligner son engagement envers le Sénat, notamment au moyen des recommandations qu’elle a faites à l’administration pour améliorer les processus administratifs, lesquelles ont été intégrées dans les procédures administratives.

Je remercie Me Sheila Purdy, que j’ai retrouvée à Ottawa, dont la rigueur et l’expertise politique et juridique en ont fait mon interlocutrice privilégiée pour les questions juridiques pendant la majeure partie de mon mandat, en particulier dans la préparation des questions adressées aux témoins que nous avons entendus lors de l’analyse de projets de loi étudiés par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Je remercie Mme Thérèse Gauthier, qui a appuyé le personnel de mon bureau à différentes périodes de mon mandat.

(1500)

En terminant, chers collègues, vous me permettrez d’exprimer une gratitude particulière aux personnes qui sont les plus proches de mon esprit et de mon cœur : mon compagnon au long cours, l’écrivain Pierre Morency; nos filles écrivaines, Catherine et Clara; nos petits-enfants Simone, Lucille, Lia et Grégoire, en empruntant certains titres de nos livres. Comme Le jour survit à sa chute (Catherine Morency), la Mère d’invention (Clara Dupuis-Morency) que je suis reprend ses Effets personnels (Pierre Morency) et rentre à Québec continuer de pousser la poussette du petit Grégoire sur Ce chemin sous mes pas, le livre que je viens de dédier à mes petites‑filles Simone, Lucille et Lia.

Chers collègues, en terminant, sénatrices et sénateurs, devant l’ampleur de la tâche qui se présentait au lendemain de mon assermentation, je me suis fixé comme priorité, pour la première année de mon mandat, de ne pas oublier de respirer. Je me permets de vous souhaiter, sénatrices et sénateurs, de ne pas oublier de respirer pour que la vie continue.

Merci beaucoup.

Le décès de l’honorable Gerald J. Comeau, c.p.

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénatrices et sénateurs, je veux aujourd’hui rendre un hommage particulier à mon ami, l’honorable Gerald Comeau, qui est décédé la semaine dernière.

Comptable de formation, Gerald fut élu député de South West Nova, en Nouvelle-Écosse, en 1984, poste qu’il occupa durant quatre ans. En 1990, il fut nommé au Sénat par le premier ministre Brian Mulroney. Au total, il aura passé 10 000 jours dans les deux Chambres.

Je me suis lié d’amitié avec Gerald lors de ma nomination au Sénat, en 2012, parce que nous avions plusieurs points en commun. Gerald est né le 1er février; je suis né le 2 février. C’est aussi un Comeau; il ne faut pas oublier que je suis marié à une Comeau, donc deux authentiques Acadiens.

Gerald et son épouse Aurore sont des snowbirds de la Floride, à Bradenton, sur la côte ouest. Curieusement, Danielle et moi sommes aussi des snowbirds de la Floride, sur la côte ouest, à 30 minutes de Gerald et Aurore. Vous pouvez imaginer les soupers au restaurant et même à la maison.

Danielle et moi avons eu le privilège de passer un week-end à leur magnifique résidence de Baie Sainte-Marie, en Nouvelle-Écosse, où Gerald nous a montré comment manger un homard. Selon lui, le meilleur homard vient de la Nouvelle-Écosse. Je regarde certains sénateurs sceptiques, mais quand même.

Mon ami savait que j’aime les voitures de luxe et il profita donc de l’occasion pour me montrer sa superbe Chevrolet Corvette Stingray des années 1970, qu’il gardait précieusement dans son garage.

J’ai pu constater à quel point les gens de sa région appréciaient Gerald et Aurore. Gerald était engagé dans sa communauté. Il était à l’écoute des gens. Il savait comment les aider.

Aujourd’hui, je perds un ami et il va me manquer. Toutefois, comme le ciel est bleu et que je sais que Gerald était un fier conservateur, du haut de son ciel bleu, il pourra veiller sur le Sénat et peut-être même influencer celui-ci dans certaines décisions.

En terminant, je me permettrai un petit commentaire. Au Sénat, il y a des joutes politiques, parfois même partisanes. Cependant, ce que je retiens, c’est qu’au Sénat se créent des amitiés, des amitiés qui peuvent durer des années.

Gerald, merci pour tous les bons souvenirs que tu nous laisses, en particulier à mon épouse « la petite Comeau », comme tu l’appelais, et à moi-même.

À Aurore, j’offre mes plus sincères condoléances.


AFFAIRES COURANTES

Lois et règlements

L’étude des propositions visant à corriger des anomalies et à abroger certaines dispositions—Dépôt du vingt et unième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le vingt et unième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles concernant le document intitulé Propositions visant à corriger des anomalies, contradictions, archaïsmes ou erreurs relevés dans les lois et règlements du Canada et à y apporter d’autres modifications mineures et non controversables ainsi qu’à abroger certaines dispositions ayant cessé d’avoir effet.

Projet de loi favorisant l’identification de criminels par l’ADN

Projet de loi modificatif—Présentation du vingt-deuxième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L’honorable Brent Cotter, président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :

Le mardi 12 décembre 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l’honneur de présenter son

VINGT-DEUXIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-231, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le casier judiciaire, la Loi sur la défense nationale et la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques, a, conformément à l’ordre de renvoi du 3 novembre 2022, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec les modifications suivantes :

1.Supprimer l’article 3, page 3.

2.Supprimer l’article 4, pages 3 et 4.

3.Supprimer l’article 16, page 6.

4.Supprimer l’article 18, pages 7 et 8.

5.Article 20, page 8 : Remplacer les lignes 42 et 43 par ce qui suit :

« culpabilité ou d’absolutions ».

6.Article 24, page 9 : Remplacer la ligne 23 par ce qui suit :

« des empreintes digitales et établit un rapport à cet égard, en analysant en particulier les effets du prélèvement des échantillons d’ADN sur l’inculpation et la disculpation des populations autochtones, noires et racisées. ».

Respectueusement soumis,

Le président,

BRENT COTTER

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Cotter, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi visant à protéger les merveilles naturelles du Canada

Projet de loi modificatif—Présentation du sixième rapport du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le sixième rapport du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, qui porte sur le projet de loi S-14, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada, la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada, la Loi sur le parc urbain national de la Rouge et le Règlement sur la pêche dans les parcs nationaux du Canada.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 2348.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Galvez, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(1510)

[Traduction]

Projet de loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable

Projet de loi modificatif—Autorisation au Comité des finances nationales d’étudier la teneur du projet de loi

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5d) du Règlement, je propose :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, et sans entraver les travaux relatifs au projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la concurrence :

1.le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier la teneur du projet de loi C-56;

2.le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard pendant les affaires courantes le jeudi 14 décembre 2023, et soit autorisé à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas à ce moment-là;

3.aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir, même si le Sénat siège à ce moment-là ou est alors ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

L’Assemblée parlementaire de la Francophonie

Les réunions de la Commission des affaires parlementaires et du Réseau des femmes parlementaires, tenues du 1er au 3 mars 2023—Dépôt du rapport

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant les réunions de la Commission des affaires parlementaires et du Réseau des femmes parlementaires de l’APF, tenues à Rabat, au Maroc, du 1er au 3 mars 2023.

L’assemblée de la région Afrique, tenue du 16 au 18 mai 2023—Dépôt du rapport

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant la vingt-neuvième assemblée de la région Afrique de l’APF, tenue à Niamey, au Niger, du 16 au 18 mai 2023.

La mission parlementaire aux Nations unies, le 9 juin 2023—Dépôt du rapport

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie concernant la mission parlementaire aux Nations unies, tenue à New York, dans l’État de New York, le 9 juin 2023.

Les Jeux de la Francophonie, tenus du 3 au 7 août 2023—Dépôt du rapport

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie concernant les IXe Jeux de la Francophonie, tenus à Kinshasa, en République démocratique du Congo, du 3 au 7 août 2023.

L’Association interparlementaire Canada-France

La réunion annuelle, tenue du 1er au 8 avril 2023—Dépôt du rapport

L’honorable René Cormier : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association interparlementaire Canada-France concernant la quarante-neuvième réunion annuelle, tenue en Île-de-France et en Normandie, en France, du 1er au 8 avril 2023.

[Traduction]

L’Association parlementaire Canada-Europe

La deuxième partie de la session ordinaire de 2023 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, tenue du 24 au 28 avril 2023—Dépôt du rapport

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire Canada-Europe concernant la deuxième partie de la session ordinaire de 2023 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, tenue à Strasbourg, en France, du 24 au 28 avril 2023.

La réunion du Comité permanent des parlementaires de la région arctique, tenue les 25 et 26 avril 2023—Dépôt du rapport

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire Canada-Europe concernant la réunion du Comité permanent des parlementaires de la région arctique, tenue à Washington, D.C, aux États-Unis, les 25 et 26 avril 2023.

La réunion de la Commission permanente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, tenue le 15 mai 2023—Dépôt du rapport

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire Canada-Europe concernant la réunion de la Commission permanente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, tenue à Reykjavik, en Islande, le 15 mai 2023.

La troisième partie de la session ordinaire de 2023 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, tenue du 19 au 23 juin 2023—Dépôt du rapport

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire Canada-Europe concernant la troisième partie de la session ordinaire de 2023 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, tenue à Strasbourg, en France, du 19 au 23 juin 2023.

Le Sénat

Préavis de motion concernant un retrait possible de l’Alberta du Régime de pensions du Canada

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat du Canada :

1.demande à l’actuaire en chef du Bureau du surintendant des institutions financières de publier une étude actuarielle portant sur :

a)un retrait possible de l’Alberta du Régime de pensions du Canada (RPC), y compris une analyse de la viabilité du RPC après un tel retrait par l’Alberta;

b)une estimation raisonnable du coût de sortie de la part de l’Alberta dans le fonds du Régime de pensions du Canada;

c)toute autre information que l’actuaire en chef juge pertinente dans le cadre de l’étude de cette question;

2.demande au Bureau du directeur parlementaire du budget d’étudier la possibilité que l’Alberta se retire du RPC, y compris les répercussions fiscales et/ou économiques d’un tel retrait du RPC sur les Canadiens.

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, avant de passer à la période des questions, permettez-moi de vous rappeler qu’à 15 h 30, je devrai interrompre la période des questions afin de préparer la séance en comité plénier.


PÉRIODE DES QUESTIONS

L'innovation, les sciences et le développement économique

La responsabilité ministérielle

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, hier soir, un lanceur d’alerte a parlé à un comité de la Chambre de la corruption généralisée et de l’inconduite au sein de Technologies du développement durable Canada. Au début de l’année, des lanceurs d’alerte ont présenté un mémoire de 345 pages au Conseil privé. Il faisait état de cas graves de mauvaise gestion dans tous les aspects des activités et de la gouvernance de cette caisse noire environnementale, de non‑conformité à la loi et à l’accord de contribution dans tous les volets de financement et de graves manquements à la politique sur les conflits d’intérêts de la part de la direction.

Monsieur le leader, selon le lanceur d’alerte, 150 millions de dollars de l’argent des contribuables ont été détournés, et ce, seulement au cours des dernières années. Pourquoi, monsieur le leader, le gouvernement Trudeau n’a-t-il pas saisi la GRC de cette affaire?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Il s’agit d’une question sérieuse, et je vous en remercie. La situation est grave. Comme je le disais plus tôt, on a demandé à un cabinet d’avocats externe de procéder à un examen indépendant, et celui-ci fera rapport de ses constatations au ministre.

Technologies du développement durable Canada va permettre à ses employés, actuels et anciens, de parler librement aux avocats sans craindre de violer un quelconque accord de règlement ou de non-divulgation.

Plus tôt cette année, chers collègues, dès que le ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique a été mis au courant de ces allégations de malversations, il a chargé un tiers impartial de rassembler les faits. Selon ce que j’en sais, le rapport issu de cet exercice est aujourd’hui entre les mains du ministre.

Le gouvernement prend ces allégations au sérieux. Il a immédiatement pris des mesures correctives, et celles-ci se poursuivent encore aujourd’hui, puisqu’un plan d’action devrait voir le jour d’ici la fin du mois. Le gouvernement va continuer de suivre ce dossier, car il s’attend à ce que tous les organismes qui reçoivent du financement fédéral respectent les normes les plus élevées qui soient.

Le sénateur Plett : Ne serait-ce pas plutôt parce que le gouvernement n’a jamais vraiment eu ce fonds occulte à l’œil, comme le disait le lanceur d’alerte, que ce dossier n’a pas été confié à la GRC? Ou alors serait-ce parce que votre gouvernement a voulu cacher la vérité, comme l’a aussi soutenu le lanceur d’alerte? Ou encore parce que le ministre Champagne et le ministère du premier ministre, le Bureau du Conseil privé, étaient au courant de ces problèmes depuis plus longtemps que ce qu’ils ont dit aux Canadiens, toujours à en croire ce même lanceur d’alerte? À moins que ce soit « toutes ces réponses », monsieur le leader?

Le sénateur Gold : Merci de votre question et de cette enfilade d’options. Je peux seulement vous répéter que le gouvernement prend la situation au sérieux. Un examen indépendant par un tiers est actuellement en cours. Un rapport a été remis au ministre, des mesures correctives ont été prises et elles se poursuivent encore aujourd’hui.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : La question que je veux poser au leader du gouvernement au Sénat porte aussi sur Technologies du développement durable Canada. Ces dernières semaines, les Canadiens ont appris que trois personnes ayant des liens avec cet organisme ont approuvé le versement de sommes à des entreprises qui leur appartiennent ou dans lesquelles elles ont des intérêts. Le lanceur d’alerte qui a comparu hier soir devant un comité de l’autre endroit a déclaré qu’au moins la moitié des membres du conseil d’administration et de la direction de cet organisme ont accordé des fonds à des entreprises dans lesquelles ils avaient directement des intérêts.

(1520)

Monsieur le leader, si la responsabilité et la bonne gestion des fonds publics avaient de l’importance pour le gouvernement Trudeau, n’auriez-vous pas déjà confié ce dossier à la GRC? Qu’est-ce qui vous empêche de le faire dès aujourd’hui?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Comme je l’ai déjà dit, ces allégations sont graves. Tous ceux qui obtiennent des fonds publics sont tenus de respecter les normes les plus strictes. Ces questions sont traitées avec rigueur et sérieux et font l’objet d’une enquête approfondie menée par une tierce partie impartiale. Tous les lanceurs d’alerte doivent pouvoir parler aux médias, mais aussi à cet organisme sans craindre de déroger à une entente de non‑divulgation ou à toute autre entente qui les empêcherait normalement de parler librement. On prend actuellement des mesures pour corriger la situation, et le gouvernement suivra ce dossier de très près.

La sénatrice Martin : Cependant, le lanceur d’alerte a également allégué qu’en 2021, l’ancienne présidente de cette organisation a présenté une demande de financement de 2,2 millions de dollars à la caisse noire environnementale pour un centre nommé en son nom, mais que sa demande a été refusée. Monsieur le leader, le gouvernement Trudeau devait être au courant de cet incident, alors pourquoi la présidente a-t-elle été autorisée à remettre sa démission le 1er décembre au lieu d’être congédiée?

Le sénateur Gold : Je n’ai pas en ma possession l’information à l’origine de ces circonstances, qui sont habituellement traitées comme des questions de ressources humaines. À cet égard, je ne peux que répéter que le gouvernement prend les mesures nécessaires pour veiller à ce que les fonds publics soient dépensés de façon responsable et honorable.

Le financement pour les étudiants des cycles supérieurs et les chercheurs postdoctoraux

L’honorable Stan Kutcher : Sénateur Gold, le Canada a toujours jugé que chaque dollar investi dans la recherche et le développement génère plus de 4 $ en croissance du PIB. Le segment de la population active à l’origine de cette croissance, ce sont les 300 000 étudiants de cycle supérieur et postdoctoraux qui travaillent dans les milieux universitaires. Pourtant, le Canada n’a pas augmenté le financement qui leur est destiné depuis 2003. Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas investi dans les étudiants de cycle supérieur et postdoctoraux alors que l’on sait que ce type d’investissements donne un très bon rendement pour le pays?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, monsieur le sénateur, et de vos efforts continus dans ce dossier important. En effet, le gouvernement a fait des investissements considérables dans ce domaine. Il a investi plus de 16 milliards de dollars pour soutenir la recherche et la science au Canada, et, comme je l’ai mentionné à d’autres occasions, cela comprend 600 nouvelles bourses d’études supérieures du Canada. L’année dernière, le gouvernement a également annoncé l’octroi de plus de 275 millions de dollars à 5 700 étudiants prometteurs et nouveaux chercheurs du Canada dans de nombreuses disciplines par l’entremise du programme de bourses d’études et de bourses de recherche de l’organisme subventionnaire, notamment le Programme de bourses d’études supérieures du Canada, ainsi que des bourses de doctorat et des bourses postdoctorales propres à chaque organisme. Le gouvernement comprend très bien que, lorsqu’il investit dans le milieu de la recherche du Canada, il investit dans les découvertes de demain. Cela se traduit par une meilleure qualité de vie pour tous les Canadiens.

Le sénateur Kutcher : Merci beaucoup, sénateur Gold. Cependant, il n’en demeure pas moins que les étudiants des cycles supérieurs et les postdoctorants éprouvent des difficultés parce qu’ils n’ont pas eu d’augmentation substantielle de leurs bourses, de leurs allocations et de leur salaire de base depuis plus de 15 ou 20 ans, ce qui est tout simplement inacceptable.

Comment le gouvernement s’assurera-t-il que le Canada continue de bénéficier de la productivité économique de ces gens s’il n’augmente pas le financement de façon générale?

Le sénateur Gold : Eh bien, le gouvernement collabore avec ses organismes de financement pour trouver des façons de mieux soutenir la prochaine génération de chercheurs et de talents. J’ajouterai que le milieu de la recherche bénéficie également du soutien des universités et des instituts de recherche grâce à la grande philanthropie du secteur privé, qui fait de plus en plus de dons au milieu de la recherche.

Les finances

La charte hypothécaire canadienne

L’honorable Tony Loffreda : Sénateur Gold, dans son énoncé économique de l’automne, la ministre Freeland a annoncé une nouvelle charte hypothécaire canadienne, qu’elle décrit comme visant à protéger les Canadiens qui ont de la difficulté à payer leur hypothèque en cette période où les taux d’intérêt sont élevés. Cette charte présente les mesures d’assouplissement adaptées auxquelles les Canadiens peuvent s’attendre de la part de leur banque s’ils éprouvent des difficultés financières. Toutefois, selon CBC/Radio-Canada, cette charte n’est pas une loi, mais plutôt une liste de règles et d’attentes. L’Agence de la consommation en matière financière du Canada a déjà élaboré des lignes directrices à l’intention de ceux qui ont de la difficulté à payer leur hypothèque en raison de circonstances exceptionnelles.

Comment le gouvernement va-t-il mettre en œuvre ou appliquer cette charte? Quelle incidence aura-t-elle sur les institutions financières qui aident déjà les détenteurs d’hypothèque?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénateur. Permettez-moi d’abord de souligner qu’il s’agit d’une étape très importante pour la ministre des Finances, qui publie clairement — noir sur blanc et dans les deux langues officielles — les attentes du gouvernement relativement à la manière dont les banques doivent soutenir et soutiendront leurs clients.

Cela dit, je crois comprendre que la charte hypothécaire canadienne a préalablement fait l’objet de discussions approfondies avec les banques. La ministre des Finances s’attend à ce que les banques travaillent avec le gouvernement et les Canadiens afin de donner suite aux engagements contenus dans la charte.

Comme la ministre l’a dit, je crois, il s’agit d’un intérêt national commun, tant pour le secteur bancaire que pour ses clients.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de votre réponse. Bien que nos banques collaborent déjà activement avec les emprunteurs, je comprends que la charte peut offrir des conseils supplémentaires aux titulaires d’hypothèques qui éprouvent peut-être des difficultés financières. Quel rôle, le cas échéant, le gouvernement jouera-t-il pour déterminer qui sont les emprunteurs vulnérables et les détenteurs d’hypothèques à risque? Comment le gouvernement fédéral compte-t-il contrôler la mise en œuvre et le respect par les banques des mesures d’allégement hypothécaires?

Le sénateur Gold : La ministre des Finances s’attend une fois de plus à ce que les banques travaillent en étroite collaboration avec le gouvernement afin que le soutien qu’elles offrent à leurs clients pendant la période de difficultés financières temporaires causées par les taux d’intérêt élevés cible les personnes qui en ont besoin et aide les Canadiens à demeurer chez eux.

J’ai reçu l’assurance que la ministre des Finances et son cabinet suivront la situation de très près.

La santé

Les professionnels de la santé

L’honorable F. Gigi Osler : Le 12 décembre est la Journée internationale de la couverture sanitaire universelle, et le thème de 2023 est « La santé pour tous : Place à l’action ». En ce jour, les défenseurs de la santé réclament des systèmes de santé robustes et équitables où personne n’est laissé pour compte. L’une des pierres d’assise d’un système de santé universel et performant est l’offre de soins primaires accessibles. Or, en avril 2023, un sondage national nous a révélé que plus d’un Canadien sur cinq, ce qui équivaut à environ 6,5 millions de personnes, n’avait pas accès à un fournisseur de soins primaires, c’est-à-dire un médecin de famille ou une infirmière praticienne qu’il peut consulter régulièrement.

Sénateur Gold, à part l’argent versé aux provinces et aux territoires, quelle est la contribution du gouvernement fédéral pour promouvoir les soins primaires au Canada et veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie. Effectivement, en plus des contributions financières, qui ont une importance fondamentale dans notre système, le gouvernement fédéral exerce un rôle de chef de file. Je dirais presque qu’il agit comme une sorte de catalyseur. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.

Jusqu’à maintenant le gouvernement a établi la Coalition d’action pour les travailleurs de la santé afin d’élaborer des solutions immédiates et à long terme pour surmonter les difficultés importantes auxquelles les réseaux se heurtent. Il a pris des mesures pour faciliter l’arrivée au pays de médecins étrangers en tant que résidents permanents. Il a consacré près de 200 milliards de dollars au plan Travailler ensemble, qui consiste à collaborer avec les provinces et les territoires pour rationaliser la reconnaissance des titres de compétence obtenus à l’étranger par des professionnels de la santé ayant reçu leur formation ailleurs qu’au Canada. Le gouvernement continuera de collaborer avec ses partenaires des provinces et des territoires en tant que chef de file et de catalyseur apportant constamment le soutien financier fédéral dont le système a désespérément besoin.

La sénatrice Osler : Merci, sénateur Gold. De quelle autre manière le gouvernement collabore-t-il avec les professionnels de la santé et les parties prenantes pour déterminer les causes profondes des problèmes systémiques du Canada en matière de services de santé?

Le sénateur Gold : À cet égard, comme vous le savez, chers collègues, le ministre de la Santé est en contact régulier avec ses homologues de tout le pays pour explorer tous les aspects du système, qu’il s’agisse des besoins à l’échelon provincial ou des questions qui ont été soulevées sur le plan national. Ces discussions sont le principal moyen de générer de nouvelles idées et de forger de nouveaux partenariats.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Conformément à l’ordre adopté le 7 décembre 2023, je quitte le fauteuil pour que le Sénat se forme en comité plénier afin de recevoir Marie-Chantal Girard relativement à sa nomination au poste de présidente de la Commission de la fonction publique du Canada. L’honorable sénatrice Ringuette présidera le comité.

(1530)

[Traduction]

La présidente de la Commission de la fonction publique

Réception de Marie-Chantal Girard en comité plénier

L’ordre du jour appelle :

Le Sénat en comité plénier afin de recevoir Marie-Chantal Girard relativement à sa nomination au poste de présidente de la Commission de la fonction publique du Canada.

(La séance est suspendue et le Sénat se forme en comité plénier sous la présidence de l’honorable Pierrette Ringuette.)


La présidente : Honorables sénateurs, pendant un comité plénier, les sénateurs s’adressent à la présidente, mais ne sont pas obligés de se lever. Conformément au Règlement, le temps de parole est de 10 minutes — questions et réponses y comprises — mais, tel qu’il est ordonné, si un sénateur n’utilise pas tout son temps de parole, il peut céder le temps qu’il lui reste à un autre sénateur. Le comité accueillera Marie-Chantal Girard, candidate proposée au poste de présidente de la Commission de la fonction publique du Canada, et je l’invite maintenant à nous rejoindre.

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, Marie-Chantal Girard prend place dans la salle du Sénat.)

[Français]

La présidente : Madame Girard, j’ai le plaisir de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à faire vos observations préliminaires d’au plus cinq minutes.

[Traduction]

Marie-Chantal Girard, candidate proposée au poste de présidente de la Commission de la fonction publique du Canada : Merci, madame la présidente et honorables sénateurs, pour le temps que vous m’accordez. C’est un honneur pour moi d’être considérée pour le rôle de présidente de la Commission de la fonction publique du Canada. J’aimerais d’abord souligner que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin anishinaabe.

Le Canada dispose d’une fonction publique de premier ordre, mais nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. Les fonctionnaires jouent un rôle important dans la défense des valeurs démocratiques et dans la préservation de la confiance envers nos institutions. Je crois que la Commission de la fonction publique doit, plus que jamais, œuvrer à la sauvegarde d’une fonction publique fondée sur le mérite, non partisane et représentative, en collaboration avec ses partenaires et avec les parties prenantes.

[Français]

Lorsque j’ai commencé ma carrière, j’étais une jeune diplômée unilingue. Le taux de chômage était élevé et la précarité d’emploi presque garantie.

Pendant sept ans, j’ai travaillé en milieu communautaire pour améliorer l’accès des femmes au marché du travail. Je poursuivais en parallèle mes études doctorales, où j’analysais les obstacles rencontrés par les jeunes pour intégrer le marché du travail et développer de meilleures stratégies.

Par la suite, je me suis jointe à la fonction publique fédérale pour travailler de l’intérieur, principalement sur les questions entourant la sécurité du revenu et le développement socioéconomique.

Depuis les cinq dernières années, au Secrétariat du Conseil du Trésor je dirige la création et la mise en œuvre d’une approche de rémunération globale qui a pour but d’attirer et de retenir les talents les plus diversifiés. Cette approche repose sur des piliers tels que la modernisation des conditions d’emploi, la viabilité des régimes de retraite et des avantages sociaux et la mise en œuvre de la Loi sur l’équité salariale.

[Traduction]

En tant que présidente, je prendrais le temps d’écouter et de demander conseil, bien entendu. Cela dit, mes priorités incluraient la mise en œuvre complète des modifications apportées en 2021 à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, qui renforcent la diversité et l’inclusion. Les ministères et les agences sont désormais tenus d’examiner les méthodes d’évaluation utilisées dans les processus de recrutement, en cherchant à cerner, pour les supprimer, les préjugés et les obstacles qui désavantagent les personnes appartenant à des groupes en quête d’équité. Ils étendent également le pouvoir de la commission et des sous-ministres d’enquêter sur les erreurs, les omissions ou les comportements inappropriés à cet égard.

Lorsque j’examine les données et les commentaires reçus, je constate que certaines personnes continuent de faire l’objet d’une discrimination systémique, par exemple, les personnes handicapées, les Autochtones et les Noirs. C’est important non seulement pour le recrutement, mais aussi pour le maintien dans l’emploi. Chaque effort compte. Par exemple, en partenariat avec les agents négociateurs, nous avons pu introduire un nouveau type de congé pour les pratiques traditionnelles autochtones dans les conventions collectives les plus récentes, ce qui favorise le bien-être et le maintien sur le lieu de travail. Chaque petit effort compte.

[Français]

Je passe maintenant à la deuxième priorité, qui est de consolider notre présence en région et d’améliorer la prestation de services dans les deux langues officielles.

Avec plus de 10 ans d’expérience dans les régions, je pense que la fonction publique fédérale, afin de mieux se faire connaître, peut bâtir de nouvelles alliances avec des grappes industrielles, des organismes communautaires, des collèges et des universités.

Nous devons aussi puiser davantage dans le nouveau bassin de résidents permanents. Avec un plus grand nombre de communautés identifiées comme bilingues partout au Canada, les langues officielles sont plus que jamais une qualification de mérite essentielle.

Plus d’innovation en matière de dotation est donc nécessaire, au moyen de stratégies d’embauche simplifiées, de l’utilisation judicieuse des technologies et de l’optimisation des processus afin de pourvoir les postes plus rapidement. La nouvelle plateforme d’évaluation des candidats de la commission pour faire passer des tests de langue seconde en ligne en est un bon exemple.

[Traduction]

Je voudrais enfin mentionner que, si je suis nommée, je considère qu’il est de ma responsabilité, avec le soutien des deux autres commissaires et de l’équipe de direction, d’examiner attentivement la manière dont l’argent des contribuables est utilisé afin d’obtenir de meilleurs résultats pour les Canadiens, mais aussi d’éviter tout impact négatif sur les récents progrès réalisés en matière de représentation.

[Français]

En conclusion, je souhaite remercier le président par intérim, M. Stan Lee, et l’ancien président, M. Patrick Borbey. Ils laissent un solide héritage que j’espère poursuivre.

Merci. Meegwetch.

La présidente : Merci, madame Girard.

[Traduction]

Nous allons maintenant passer à quatre périodes de 10 minutes pour les questions.

Le sénateur Plett : Bienvenue au Sénat, madame Girard, et félicitations pour votre nomination. Vous êtes évidemment en terrain connu ici, puisque vous avez déjà témoigné devant nos comités.

J’aimerais avoir un bref résumé du processus qui vous a menée devant nous aujourd’hui. Plus précisément, avez-vous postulé à ce poste ou vous a-t-on invitée à soumettre votre candidature? Pourquoi avez-vous décidé de solliciter cette nomination? Qui vous a interviewée et quels tests avez-vous dû faire?

Mme Girard : Je vous remercie de votre question, honorable sénateur. J’ai postulé au poste. Le concours était supervisé par le Bureau du Conseil privé. J’ai proposé ma candidature puis, après une première évaluation fondée sur mon dossier, j’ai été invitée à me présenter à une entrevue qui était menée par deux sous-ministres et des membres du personnel de soutien administratif.

Pourquoi ce poste m’intéressait-il? J’y vois l’occasion de tirer parti de mon parcours, de mes études, de l’expérience que j’ai acquise au sein du gouvernement et dans d’autres milieux, des liens que j’ai créés et renforcés au fil des ans avec des agents négociateurs et des réseaux axés sur la diversité et la recherche d’équité, ainsi qu’avec des membres de la communauté des sous‑ministres, et de mettre tout cela au service de la fonction publique dans son ensemble.

À l’heure actuelle, je suis sous-ministre adjointe principale, Relations avec les employés et rémunération globale. Dans le cadre de mon travail actuel, j’offre du soutien et j’interviens en lien avec le mandat de la Commission de la fonction publique. Je crois être en mesure de maintenir mon indépendance et de m’acquitter de mes fonctions sans être influencée, tout en comprenant très bien les défis auxquels la fonction publique fait face et en travaillant à sa modernisation pour l’avenir.

Le sénateur Plett : Je vous remercie, madame Girard. Vous occuperez un nouveau poste et vous avez déjà parlé un peu de ce que vous avez l’intention de faire et de la façon de procéder pour que tout le monde dépense judicieusement les fonds publics.

(1540)

Seulement quelques semaines plus tard, la ministre Freeland a présenté son énoncé économique de l’automne, dans lequel on annonçait d’autres compressions dans la fonction publique au-delà de ce qu’on avait promis dans le budget fédéral en mars. Je me permets de rappeler à tout le monde que le gouvernement Trudeau a promis au printemps de réduire de 15 milliards de dollars les dépenses publiques. Le mois dernier, les libéraux ont dit qu’ils allaient retrancher un autre 345 millions de dollars et que dès 2025-2026, il y aurait près de 700 millions de dollars en compressions chaque année.

Madame Girard, comme on dit, sur cette question, je suis comme Saint-Thomas. J’ai des doutes quant à la manière dont ils vont y arriver ou même s’ils vont y arriver. Toutefois, il serait peut-être préférable de poser cette question au sénateur Gold.

Comment comptez-vous, madame Girard, guider la commission dans le cadre de ces compressions promises dans la fonction publique?

Mme Girard : Je vous remercie de votre question, honorable sénateur.

C’est bien entendu à chaque sous-ministre de gérer ses dépenses et de prendre ses décisions de manière à ce que son ministère puisse s’acquitter de son mandat. Cela dit, je suis consciente que l’on a demandé à la Commission de la fonction publique, comme à toutes les autres institutions fédérales, de revoir ses dépenses actuelles, à commencer par les frais de déplacement et le recours aux services professionnels.

Comme je le disais, si je suis nommée, je lirai attentivement toutes les propositions reçues. Pour le moment, je n’y ai pas accès, car il s’agit de documents confidentiels du Cabinet, et ils font présentement l’objet d’un examen, mais il s’agira certainement d’une de mes priorités afin que nous puissions continuer à faire profiter la fonction publique de nos services et de notre expertise.

Le sénateur Plett : Je ne sais pas si vous avez vu la vidéo qui a été publiée dernièrement par la Marine royale canadienne, madame Girard. Les faits qui y sont exposés montrent que la marine est en piètre état, surtout au chapitre des ressources humaines. Il manque plus de 20 % d’employés dans de nombreuses catégories d’emplois.

Dernièrement, le commandant de la marine a donné une entrevue au journaliste Paul Wells dans laquelle il évoque « le défi d’une génération ». Le vice-amiral Topshee a aussi dit que le pire problème pour la marine, c’est qu’elle perd un technicien de marine tous les deux jours. Il faut de cinq à dix ans d’entraînement et de formation pour occuper ces postes, mais pourtant, on perd un marin tous les deux jours.

Madame Girard, que peut faire la Commission de la fonction publique pour simplifier concrètement le processus de recrutement et favoriser le maintien en poste, ce dont on a grand besoin, et pas seulement pour la marine, pour l’aviation et l’armée aussi? Où ce dossier s’inscrirait-il dans votre emploi du temps des 100 premiers jours?

Mme Girard : Je vous remercie de votre question, qui est très vaste. Effectivement, c’est la réalité dans la marine.

Je m’occupe du renouvellement des conventions collectives dans l’ensemble de la fonction publique et je vois à leur mise en œuvre individuelle. À ce titre, je peux dire, comme les autres employeurs, qu’il y a des besoins criants de main-d’œuvre dans plusieurs de nos organismes et de nos champs d’expertise. La main-d’œuvre est rare. En collaboration avec les équipes de la Commission de la fonction publique chargées de la recherche et des politiques, je vais continuer à aider les sous-ministres à mieux comprendre où se trouvent les bassins de recrues.

Comme je l’ai dit tout à l’heure dans ma déclaration liminaire, il est possible d’élargir nos réseaux et nos partenariats sur le marché du travail et de nous tourner, par exemple, vers les grappes industrielles, les organismes communautaires et les établissements d’enseignement collégial et technique, qui nous aideront à recruter de nouveaux candidats dans la fonction publique.

Nous avons aussi du mal à nous faire entendre des recrues. Nous devons nous moderniser afin de comprendre comment elles communiquent et ce qu’elles recherchent. En outre, notre approche globale de la rémunération nous permet de nous présenter comme un employeur attrayant. Je suis souvent étonnée de voir que certains de nos employés en connaissent très peu sur la valeur de ce que propose la fonction publique fédérale, sur tous les avantages sociaux qui nous permettent de soutenir la concurrence et sur toute la mobilité que nous offrons.

Grâce à tout ce travail, je pense que nous pouvons nous présenter comme un employeur attrayant et repenser le renouvellement de la fonction publique.

Le sénateur Plett : Compte tenu des deux questions que j’ai soulevées, et que je trouve assez importantes, j’aimerais utiliser les quelques minutes qu’il me reste pour vous demander de m’indiquer quelles seraient les principales priorités dont vous vous occuperiez immédiatement si votre nomination était approuvée.

Mme Girard : Premièrement, nous devons mettre en œuvre la modernisation de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, renforcer la diversité et l’inclusion et éliminer ou briser les préjugés ou les obstacles qui nuisent à l’entrée dans la fonction publique, mais il faut aussi veiller à ce que la fonction publique représente pleinement la population canadienne et à ce que cette dernière ait confiance dans nos institutions.

Je crois également que nous devons redoubler d’efforts pour mettre en œuvre les mesures du projet de loi C-13 en ce qui a trait aux langues officielles. Un plus grand nombre d’employés devront répondre à ces exigences dans l’avenir, et il faudra déployer des efforts collectifs au sein de la Commission de la fonction publique pour mettre en place les outils, les évaluations et la formation nécessaires. Je vais aussi me pencher sur les ressources à notre disposition pour accélérer et assouplir le processus de recrutement, sans toutefois compromettre les principes d’intégrité et de mérite que nous devons respecter.

Je vais en rester là pour l’instant, mais ces priorités seront importantes.

Le sénateur Plett : Permettez-moi de dire, en guise de conclusion, que j’espère que vous prendrez également en considération les deux questions que j’ai soulevées, car elles constituent pour moi une priorité absolue, et j’espère que vous leur accorderez toute l’attention qu’elles méritent.

Mme Girard : Je vous remercie, honorable sénateur. J’en ai pris bonne note.

La sénatrice Duncan : Merci, madame Girard, de votre présence ici aujourd’hui. Ma question concerne le système de paie Phénix.

Des fonctionnaires fédéraux n’ont pas été payés pendant de longues périodes, d’autres ont été payés moins ou encore bien plus que prévu, ce qui a entraîné des difficultés financières considérables. Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a suivi la question du système de paie Phénix dans un certain nombre de rapports, et je crois savoir que des progrès ont été réalisés. Néanmoins, il y a des séquelles lorsque des employés sont touchés de cette manière. Le moral en souffre, et des personnes hautement qualifiées cherchent un autre emploi.

En votre nouvelle qualité de présidente de la Commission de la fonction publique du Canada, avez-vous un plan pour résoudre les problèmes de démotivation causés par Phénix et pour renforcer la valeur que les Canadiens accordent à la fonction publique?

Mme Girard : Je vous remercie de la question, honorable sénatrice. Vous soulevez un élément important qui joue effectivement un rôle dans nos messages et les façons dont nous pouvons attirer de nouvelles personnes. Cela dit, je comprends que, parfois, les problèmes éprouvés avec le système font hésiter les fonctionnaires à changer de poste, donc, cela nuit à la mobilité au sein de la fonction publique.

Ces dernières années, nous avons tenté d’améliorer la communication avec les employés à cet égard. À ce que je comprends, nous avons fait beaucoup de progrès pour ce qui est de verser l’indemnisation qui était due pour tenter de compenser les répercussions très négatives du système. En même temps, nous savons que Services publics et Approvisionnement Canada a adopté un principe relativement à la façon dont il traite ses affaires selon lequel il ne laisse pas un nouveau dossier traîner en longueur.

Dorénavant, dès qu’un employé signale à son gestionnaire une erreur dans sa paie — soit dit en passant, il s’en produisait même avant Phénix, car dans une grande entreprise comme la nôtre, c’est inévitable —, celle-ci est traitée immédiatement et non placée au bas de la pile en vue d’être traitée ultérieurement, pour éviter que l’erreur se multiplie et que les erreurs aient le temps de s’accumuler.

(1550)

Cela aide à réduire le nombre d’erreurs, mais nous comprenons que des collègues travaillent fort pour préparer un plan d’atténuation des répercussions pour gérer l’arriéré et travaillent également à trouver une solution plus permanente.

En ce qui concerne mes responsabilités actuelles, je peux vous assurer que dans le cadre du renouvellement des conventions collectives auquel nous travaillons en ce moment, nous déployons de grands efforts pour tenter de normaliser et d’harmoniser les modalités d’emploi dans les différentes conventions afin de les simplifier et de réduire le fardeau pour le système actuel et tout prochain système.

La sénatrice Duncan : Je vous remercie de cette réponse. Je partage mon temps de parole avec la sénatrice Omidvar.

La sénatrice Omidvar : Merci. Madame Girard, je vous félicite de votre nomination et je vous remercie d’être parmi nous aujourd’hui.

Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de l’importance de la Commission de la fonction publique : son mandat est de préserver une fonction publique représentative, non partisane et fondée sur le mérite. Cependant, des fonctionnaires fédéraux noirs ont intenté un recours collectif contre le gouvernement du Canada pour des décennies de discrimination systémique présumée.

Que répondez-vous à cela? Si vous étiez nommée à ce poste, comment vous attaqueriez-vous à la discrimination systémique — non seulement envers les employés noirs, mais aussi envers d’autres groupes?

Mme Girard : Merci, madame la sénatrice. C’est une priorité absolue parce que, à mon avis, la confiance que les Canadiens nous accordent en dépend. Comme nous l’avons constaté au cours des dernières années, lorsque des situations complexes se présentent, la population se tourne plus que jamais vers le gouvernement pour obtenir des conseils et des services susceptibles de répondre à ses besoins. Par conséquent, pour y arriver, il est essentiel que nous nous mobilisions et que nous nous améliorions.

Je vais veiller à ce que soient mis en œuvre tous les changements prévus dans la loi. Nous collaborons actuellement avec les sous-ministres pour cerner les préjugés — conscients ou inconscients — de même que les obstacles dans le système et les processus. Une fois que ce sera fait, nous nous emploierons à les éliminer ou à les atténuer.

Nous ferons ce travail en collaboration avec le Bureau du Conseil privé et l’École de la fonction publique, qui se charge de la formation. À titre de présidente de la Commission de la fonction publique, j’ai également le pouvoir d’enquêter. Les nouveaux changements donnent à la Commission le pouvoir d’enquêter et d’intervenir en cas d’omissions, d’erreurs ou d’inconduite dans le cadre des processus ou des activités de gestion. Nous collaborerons également avec les sous-ministres pour assurer la mise en place de mesures correctives qui peuvent prendre diverses formes. Il peut s’agir de formation, mais il peut aussi s’agir de mesures disciplinaires.

C’est en servant de modèles, notamment en termes de collaboration, à l’échelle de l’organisation, que les leaders peuvent vraiment favoriser un changement de culture. La formation aura également son importance. C’est aussi en augmentant dans la fonction publique la proportion d’employés qui reflète la composition de la société canadienne que nous pourrons réaliser ce changement de culture à partir de la base.

La sénatrice Omidvar : Madame Girard, le Comité sénatorial des droits de la personne vient de publier son septième rapport intitulé Le racisme envers les Noirs, le sexisme et la discrimination systémique à la Commission canadienne des droits de la personne. Bien qu’il s’agisse de la Commission canadienne des droits de la personne et non de la Commission de la fonction publique du Canada, nous avons entendu des témoignages d’employés — qui relevaient de votre mandat —, sur la discrimination dont ils ont fait l’objet. En les interrogeant, nous nous sommes aperçus que les fonctionnaires qui faisaient de la discrimination dans le traitement d’autres employés étaient simplement mutés à d’autres postes dans la fonction publique.

J’aimerais savoir ce que vous auriez fait dans une telle situation pour remédier au comportement de quelques pommes pourries, pour ainsi dire. Auriez-vous décidé d’écarter ces employés, de les transférer ailleurs ou de leur accorder une promotion? Qu’auriez-vous fait?

Mme Girard : Je vous remercie de votre question. C’est une question délicate, car je ne suis pas titulaire de ce poste. Je pense que tous ceux que vous interrogerez vous diront que je suis une gestionnaire consciencieuse, qui sait écouter, mais qui sait aussi prendre les mesures qui s’imposent pour faire respecter les règles et les principes en vigueur. C’est une question d’équité envers ces personnes, mais aussi envers les autres membres de l’équipe qui sont témoins de ces comportements.

Cela dit, d’un point de vue général, je remercie le comité d’avoir publié ce rapport. Si je suis nommée à ce poste, je m’assurerai de rencontrer l’équipe et les commissaires pour analyser plus attentivement les diverses recommandations que j’ai lues hier soir dans le rapport qui vient d’être publié.

Je peux dire d’emblée que j’appuie entièrement la reconnaissance des personnes noires et de la communauté 2ELGBTQI+ comme groupes en quête d’équité. Nous devons avoir une vision plus large des choses, ce qui nous sera bénéfique. Je vous remercie.

La présidente : Nous passons maintenant à la prochaine période de 10 minutes.

Le sénateur Downe : Bienvenue au Sénat. Je suis content de vous avoir entendu parler de diversité et d’inclusion parce que, comme vous le savez, les militaires qui ont été blessés en servant leur pays et libérés des Forces armées canadiennes pour des motifs médicaux sont inscrits sur une liste de priorité d’embauche dans la fonction publique pour les postes correspondant à leurs compétences. Leur statut prioritaire dure cinq ans.

Toutefois, du 1er janvier 2005 au 30 novembre 2021, 800 militaires libérés pour des motifs médicaux ont perdu leur priorité avant même qu’on leur ait offert un emploi. Près de 800 anciens combattants qui ont été blessés en servant leur pays — que ce soit dans un conflit, comme le caporal que j’ai rencontré et qui a perdu des membres en Afghanistan, dans les missions de maintien de la paix ou lors d’accidents s’étant produits dans l’exercice de leurs fonctions — voulaient travailler dans la fonction publique fédérale, mais n’en ont pas eu la possibilité.

À l’heure actuelle, certains ministères et organismes gouvernementaux semblent chercher beaucoup plus que d’autres à embaucher des vétérans libérés pour des motifs médicaux, mais dans l’ensemble, les résultats sont lamentables.

Parmi tous les ministères et organismes ayant contribué à ces embauches prioritaires de 2005 à 2021, le ministère des Anciens Combattants a engagé 68 vétérans, c’est-à-dire moins que le ministère de l’Emploi et du Développement social, qui en a engagé 126. Service correctionnel Canada en a embauché 99; Transports Canada, 28; et Environnement Canada, 15. De son côté, la Commission de la fonction publique n’en a embauché que quelques-uns : 5 à 7 personnes.

Que pourriez-vous faire — en tant que présidente de la Commission de la fonction publique du Canada — pour inciter plus de ministère et organismes à embaucher d’anciens combattants libérés pour des raisons médicales afin qu’ils soient des centaines de plus à ne pas être rayés de la liste de priorité?

Mme Girard : Merci, d’abord, je dois dire que j’appuie vos observations concernant l’importance des services rendus par les vétérans au Canada, ainsi que les compétences et l’expérience qu’ils possèdent. Dans la plupart des postes que j’ai occupés au cours des 15 dernières années, j’ai pu profiter de l’expertise de vétérans et d’ex-membres des Forces armées canadiennes et d’ex-militaires de la Défense nationale. Par exemple, ils nous aident présentement dans la négociation des conditions d’emploi au ministère de la Défense nationale et ils nous apportent leurs vastes connaissances.

Cela dit, il faut faire une meilleure promotion de ces candidats auprès des sous-ministres, parce que je ne crois pas que la façon dont ces candidatures sont présentées à l’employeur mette en valeur le bagage que les candidats possèdent. Je ne crois pas que, à l’heure actuelle, le système optimise la façon dont les candidatures sont distribuées.

(1600)

Il existe deux types de priorités : législatives et réglementaires. Une s’applique aux anciens combattants qui ont été libérés pour des raisons médicales et l’autre aux anciens combattants qui ont été libérés pour des raisons autres que médicales. Nous pouvons maintenant proposer un certain nombre de mesures d’adaptation qui, par le passé, n’étaient peut-être pas aussi bien connues des ministères et des gestionnaires d’embauche.

Il y a une autre variable dans l’équation, à savoir le travail hybride et le recrutement dans les régions. Il s’agit d’une nouvelle variable. Avant la pandémie, les anciens combattants qui habitaient en région ou en campagne n’étaient pas prêts à venir travailler dans les ministères partout au Canada ou assez mobiles après leur libération pour le faire. Ce facteur n’est peut-être plus aussi important qu’avant.

Nous savons qu’il y a des fluctuations parce que, chaque année, nous constatons que le taux d’entrée des anciens combattants dans la fonction publique varie en fonction de la démographie et de la région où ils se trouvent. Je suis convaincue que le travail en mode hybride est un atout supplémentaire pour les gestionnaires et les anciens combattants.

Le sénateur Downe : Parlant du travail hybride, comme vous le savez, traditionnellement, un tiers des postes de la fonction publique fédérale se trouvent à Ottawa, et deux tiers se trouvent dans le reste du pays. Toutefois, la proportion de postes au gouvernement fédéral se trouvant dans la région de la capitale nationale a récemment augmenté pour passer à 47 %. En fait, selon le directeur parlementaire du budget, depuis 2016, le nombre d’employés fédéraux a augmenté de plus de 82 000, soit une hausse de 24 %, et la plupart d’entre eux travaillent dans la capitale nationale. Ainsi, de moins en moins de gens travaillent dans les régions.

Une partie du mandat de la commission porte sur la diversité, l’inclusion et, comme on le dit sur votre site Web, les « personnes de talent d’un océan à l’autre ». Que ferez-vous pour ramener des emplois dans les régions du Canada? Si vous avez besoin d’un exemple, il vous suffit de penser à l’Administration centrale nationale d’Anciens Combattants Canada, qui se trouve à Charlottetown. C’est la seule administration centrale nationale située à l’extérieur de la région de la capitale nationale. Elle emploie 1 600 personnes par an et sa masse salariale s’élève à 140 millions de dollars. Cette prospérité devrait s’étendre à d’autres régions du pays. Que ferez-vous pour que cela se produise?

Mme Girard : Je vous remercie, monsieur le sénateur. J’ai travaillé plus de 10 ans à Développement économique Canada pour les régions du Québec et j’ai moi-même travaillé en région pendant un certain nombre d’années. Je sais de quoi vous parlez.

Vous avez raison. La fonction publique offre des possibilités aux anciens combattants, mais nous avons aussi parlé tout à l’heure de la marine et de la nécessité absolue de renouveler la fonction publique en embauchant des employés spécialisés et compétents. La stratégie des compétences que nous mettons sur pied en collaboration avec le Secrétariat du Conseil du Trésor devra tenir compte de cette nouvelle réalité. Cette stratégie fera partie de tout ce que la fonction publique fédérale peut offrir à titre de premier employeur du Canada.

La sénatrice Osler : Merci, madame Girard. Je remarque que vous avez parlé de groupes en quête d’équité dans votre déclaration liminaire. La formule « en quête d’équité » laisse entendre que ce sont les personnes traditionnellement marginalisées qui doivent être activement en quête d’équité. L’autre formule, qui parle des personnes « ayant droit à l’équité », modifie l’éclairage en insistant sur le fait que ces personnes ont le droit d’être traitées équitablement.

La volonté est essentielle pour que la culture interne change. On dit souvent que la diversité, c’est d’être invité à la fête, et que l’inclusion, c’est d’être invité à danser.

Si vous deveniez présidente de la Commission de la fonction publique du Canada, que feriez-vous pour changer la culture interne et favoriser l’inclusion?

Mme Girard : Tout d’abord, merci de ce commentaire. Je suis parfaitement consciente de la distinction, même si on ne la fait pas toujours au quotidien, entre « être en quête d’équité » et y avoir droit.

L’idéal, évidemment, serait de ne pas avoir besoin de ces mesures, mais nous savons qu’il faut du temps pour changer les mentalités. C’est une spécialiste de la sociologie industrielle qui le dit, mais ce changement ne se fait pas tout seul non plus. Nous avons besoin de direction et nous avons besoin de ces mesures, car on ne peut pas juste se fier aux contraintes et aux réalités du quotidien. Nous devons faire notre travail de manière rigoureuse afin de faire tomber les préjugés dont je parlais, de supprimer les obstacles, d’apprendre de nouvelles façons de faire aux employés de sorte qu’un jour, ces mesures ne seront plus nécessaires.

C’est d’ailleurs pour cette raison que nous menons des enquêtes. J’ai été heureuse d’apprendre que la Commission de la fonction publique a entrepris deux audits, même si l’examen ne porte pas encore sur l’organisation elle-même, car elle voulait être certaine de disposer d’un cycle d’apprentissage continu et elle voulait éviter de faire encore et toujours le même travail.

Je vais m’attendre à ce que les choses progressent et à ce qu’on n’en soit pas encore au même point dans sept ans. Je veux que la conversation évolue et se précise afin que nous puissions tirer parti des progrès réalisés, que nous en fassions profiter les autres et que nous puissions nous attaquer à des problèmes plus complexes, mais il ne faut pas répéter encore les mêmes choses après sept ans. Nous devons mesurer ce qui se fait, et si tout va bien, j’aurai le plaisir de faire rapport au Parlement des progrès réalisés.

[Français]

La présidente : Madame Girard, nous passons maintenant au dernier bloc de 10 minutes pour les questions.

[Traduction]

La sénatrice Bernard : Merci, madame Girard. Comme je suis la dernière, je sais que certaines de mes questions ont déjà été posées. J’aimerais aller un peu plus loin. J’ai remarqué que, dans votre déclaration préliminaire, vous avez fait référence à la Loi sur l’équité salariale et à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, mais vous n’avez pas mentionné la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Cela m’a surpris, surtout compte tenu du rapport du groupe de travail qui a été publié hier et qui est intitulé Réaliser et soutenir l’équité en matière d’emploi : un cadre transformatif.

Certaines recherches ont souligné le fait que, jusqu’à maintenant, la Loi sur l’équité en matière d’emploi a aidé les femmes blanches à briser le plafond de verre. Les Noirs, les autres personnes racialisées, les Autochtones et les personnes handicapées, quant à eux, se heurtent à des plafonds de béton.

Madame Girard, au cours de vos 90 premiers jours à ce poste, quelles mesures précises envisagez-vous de prendre pour éliminer les préjugés et les obstacles qui sont enracinés dans le racisme et la discrimination systémiques?

Mme Girard : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Je me suis penchée sur les chiffres et j’ai calculé la différence entre les données qui se rapportent aux hommes et aux femmes, aux minorités visibles et aux personnes qui n’en font pas partie, aux Autochtones et aux non-Autochtones, et ainsi de suite.

Le rapport du groupe de travail venait d’être publié. Je vais étudier plus attentivement chacune des recommandations, mais je vais mettre en œuvre celles qui sont du ressort de la Commission de la fonction publique.

L’augmentation du nombre de groupes ayant droit à l’équité aura pour effet immédiat que nous devrons aussi appliquer aux deux nouveaux groupes les mesures que nous avons déjà commencé à mettre en œuvre pour éliminer les préjugés et les obstacles. Il faut alors que la surveillance, c’est-à-dire les rapports et les travaux de recherche que nous faisons, soit elle aussi inclusive et donne suite aux recommandations du rapport.

(1610)

Le rapport vient d’être publié, et je ne suis pas encore à la commission. J’aimerais d’abord consulter et étudier les données. Ce qui est sûr, c’est que nous prendrons très au sérieux ce qui relèvera de la commission et nous agirons rapidement.

La sénatrice Bernard : On sait que la volonté et la façon de dire les choses sont importantes. Il y a sans doute plusieurs groupes ayant droit à l’équité qui attendent impatiemment de voir les nouvelles idées que vous apporterez à la Commission de la fonction publique afin de changer les choses, parce que les gens attendent depuis longtemps que les choses changent.

Mme Girard : Nous avons déjà mis en place diverses initiatives qui, ensemble, visent à fracasser ce plafond dont vous avez parlé. Il y a le programme Mosaïque. La moitié des participants de la cohorte de l’an dernier occupent maintenant un nouveau poste dans la fonction publique.

Il y a aussi le programme Mentorat Plus. J’ai déjà été mentor et j’ai déjà participé au programme Mosaïque. Grâce au travail de la commission, nous avons conçu et amélioré les outils permettant d’évaluer les langues officielles et de les rendre plus accessibles. Grâce à ces efforts, il y a davantage de cadres supérieurs — des employés opérationnels qui atteignent maintenant leur objectif, soit occuper un poste de direction dans différents secteurs et domaines de la fonction publique.

Il faudra en faire davantage. Selon les données que nous recevons de la part des réseaux de la diversité avec lesquels nous travaillons en étroite collaboration, les personnes handicapées, les Autochtones et les Noirs n’obtiennent pas les mêmes résultats jusqu’à présent. Nous devons donc travailler plus fort et trouver des manières différentes et mieux adaptées d’atteindre nos objectifs.

[Français]

La présidente : Merci, madame Girard.

Le sénateur Cardozo : Madame Girard, je voudrais continuer sur le thème de la question de la sénatrice Bernard pour ce qui est d’avoir une vision plus large pour préparer un service public pour l’avenir.

[Traduction]

C’est peut-être une bonne question pour conclure la discussion au sujet de la création d’une fonction publique prête pour l’avenir. Nous avons parlé de diversité. Vous avez parlé d’un changement de culture. Je vous rappelle que la Loi sur l’équité en matière d’emploi a presque 40 ans; le changement de culture ne s’opère pas tellement vite. Il nous faut une fonction publique qui soit plus bilingue et qui possède des compétences en technologie afin de mieux utiliser les TI pour servir les Canadiens, et ce, malgré la rareté du personnel dans un monde où il est difficile de trouver des ressources autant au privé que dans le public — sans parler du budget qui est en baisse. Comment faire pour atteindre tous ces objectifs, faire des miracles en quelque sorte, et améliorer la fonction publique pour qu’elle serve mieux les Canadiens?

Mme Girard : Je vous remercie de votre question, honorable sénateur.

Il s’agit d’un gros mandat, mais c’est en travaillant ensemble que nous pourrons relever les défis. Il faudra miser sur un effort collectif pour réaliser ce mandat. Je pense entre autres à nos collègues de la communauté des sous-ministres au sein de la fonction publique, mais aussi à l’École de la fonction publique et au Bureau du Conseil privé. Le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada est l’employeur. Chaque entité doit apporter sa contribution pour réaliser les améliorations voulues.

Il y a plusieurs défis à relever, mais, parallèlement, les possibilités d’attirer des candidats talentueux abondent. Oui, le marché de l’emploi est concurrentiel, mais il offre une main‑d’œuvre mieux formée, dotée de nouvelles compétences et plus diversifiée que jamais. Notre travail consiste à tendre la main, à être plus attrayant dans notre offre de possibilités et à nous adapter à la réalité du monde d’aujourd’hui.

En même temps, lorsque nous embauchons, nous avons l’obligation — je dirais que ce n’est pas nouveau, mais nous constatons que c’est plus vrai que jamais — de rappeler à ceux qui se joignent à la fonction publique en quoi consistent les valeurs de mérite et de non-partisanerie associées aux emplois dans la fonction publique. Nous devons nous assurer de communiquer très clairement ces valeurs et de donner un sens à notre travail; c’est différent de ce que les autres employeurs offrent.

La fonction publique doit fournir des services d’une complexité inégalée et à une vitesse inouïe. Ces dernières années, nous avons constaté que la prestation de services s’est complexifiée. Encore une fois, nous devons travailler tous ensemble pour trouver les bonnes technologies et recruter les personnes qui ont les compétences numériques requises et une connaissance pratique des besoins des Canadiens afin de réaliser cette mission.

C’est en simplifiant les outils et en veillant à partager davantage de données au sein du groupe des organisations qui sont responsables de chacun de ces leviers, en étant plus efficaces et en faisant attention à l’argent des contribuables, que nous allons demeurer crédibles et attrayants et que nous allons pouvoir fournir aux Canadiens les services que nous devons leur offrir.

Le sénateur Cardozo : Je vous remercie. Je dois dire que, lorsqu’on reçoit les nombreux fonctionnaires qui viennent témoigner devant nous, je suis frappé par le manque de diversité, le nombre croissant de femmes et le peu de représentants de minorités visibles. Je ne me souviens pas d’avoir vu un Autochtone pour autre chose qu’un portefeuille des affaires autochtones. Je vous invite à veiller à ce qu’on augmente la diversité au sein de la fonction publique.

Par ailleurs, je trouve que peu de gens parlent les deux langues officielles. Il n’y a pas suffisamment de gens qui parlent français dans la haute fonction publique. Je vous encourage à relever tous les défis qui se présentent à vous et vous souhaite bonne chance à ce poste.

Mme Girard : Merci.

La présidente : Honorables sénateurs, le comité siège depuis maintenant 45 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, je suis obligée d’interrompre les délibérations afin que le comité puisse faire rapport au Sénat.

Madame Girard, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être jointe à nous aujourd’hui.

Des voix : Bravo!

La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que la témoin a été entendue?

Des voix : D’accord.


Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

[Français]

Rapport du comité plénier

L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, le comité plénier, qui a été autorisé par le Sénat à recevoir Marie‑Chantal Girard relativement à sa nomination au poste de présidente de la Commission de la fonction publique du Canada, signale qu’il a entendu ladite témoin.

Son Honneur la Présidente : Le Sénat reprend la période des questions.


PÉRIODE DES QUESTIONS

L'infrastructure et les collectivités

Le logement abordable

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement. Monsieur le leader, il y a un problème de logements au Canada. Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement, il manquera 3,5 millions de logements d’ici 2030, et la solution que votre gouvernement a trouvée pour résoudre ce problème de financement est de créer 37 000 logements, ce qui représente une goutte d’eau dans l’océan.

(1620)

On apprenait aujourd’hui que le gouvernement avait l’intention de relancer les catalogues Sears avec des plans préautorisés pour aider à la construction. Au début, je pensais que c’était une blague, mais il semble que non. Le gouvernement est-il à court d’idées à ce point? Ne devriez-vous pas penser à laisser la place à quelqu’un d’autre?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le défi, pour faire face au problème du logement, est que chaque ordre de gouvernement fasse sa part avec le secteur privé. À cet égard, le gouvernement du Canada, avec les changements dans la législation et au moyen des mesures qu’il a annoncées dans le budget, fait sa part pour créer des possibilités et des initiatives pour que le secteur privé participe à cet effort en bâtissant davantage de logements abordables pour les Canadiens. C’est une approche qui respecte non seulement les compétences des provinces et des territoires, mais aussi le rôle que peut jouer secteur privé.

Le sénateur Carignan : Cela ne respecte nullement les champs de compétence des provinces. Êtes-vous au courant que ce sont les municipalités qui accordent les permis de construction, avec des plans qui sont déposés, des dossiers qui sont étudiés par les comités d’urbanisme et des plans d’implantation et d’intégration architecturale, de manière à s’assurer de l’intégration de chacune des propriétés dans un quartier résidentiel? Vous allez proposer des plans du catalogue Sears préautorisés. Êtes-vous sérieux quand vous dites que cela respecte les champs de compétence des provinces?

Le sénateur Gold : C’est exactement ce que j’ai dit. Le gouvernement du Canada travaille avec les provinces et les municipalités pour répondre à leurs besoins et leur donner un coup de main, dans des circonstances pertinentes et particulières à leurs besoins.

[Traduction]

Les services aux Autochtones

L’ouragan Fiona

L’honorable Brian Francis : Sénateur Gold, comme le Canada atlantique est particulièrement vulnérable aux effets des changements climatiques et que ceux-ci touchent les Premières Nations de façon disproportionnée, il est profondément troublant que les communautés de la région doivent assumer les coûts considérables associés à l’ouragan Fiona, qu’il s’agisse des interventions qui ont été nécessaires ou des travaux requis pour se remettre du passage de l’ouragan. Cette situation nuit considérablement à leur capacité de fournir des services essentiels et d’autres formes de soutien.

Pourriez-vous nous dire combien de demandes de remboursement concernant les dommages causés par Fiona ont été traitées par Services aux Autochtones Canada, y compris dans le cadre du Programme d’aide à la gestion des urgences?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de poser cette question et de nous rappeler que les dommages causés par des désastres naturels comme celui-là se font encore sentir au pays et qu’ils entraînent des coûts à la fois financiers et humains pour les communautés autochtones et les autres collectivités.

Je n’ai pas les chiffres à portée de la main, monsieur le sénateur. Je ferai toutefois de mon mieux pour obtenir des renseignements sur l’aide accordée jusqu’ici et celle qui n’a peut-être pas encore été versée.

Le sénateur Francis : Merci, sénateur Gold.

Comme vous vous en souvenez peut-être, l’année dernière, la vérificatrice générale a constaté que Services aux Autochtones Canada n’a pas répondu aux besoins des Premières Nations concernant la préparation aux urgences et l’atténuation des répercussions, et elle a formulé plusieurs recommandations pour corriger le problème.

Pourriez-vous nous informer des résultats que le ministère a obtenus et des priorités qu’il a fixées jusqu’ici pour permettre aux Premières Nations du Mi’kma’ki et ailleurs de se préparer adéquatement aux situations d’urgence découlant des changements climatiques et en atténuer les répercussions?

Le sénateur Gold : Encore une fois, merci. Bien que je ne puisse pas répondre de façon détaillée à votre question, je pense qu’elle est importante. Je vous sais gré de cette question parce qu’elle montre qu’à cause des changements climatiques, il faudra de plus en plus mettre l’accent sur l’atténuation. Il est inéluctable que nous subirons des dommages et des changements et que toutes les collectivités du pays, y compris les vôtres, devront envisager sérieusement des moyens d’atténuer les répercussions des changements climatiques.

Les finances

La Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, hier, un ancien haut dirigeant de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, Bob Pickard, a témoigné devant le Comité des relations sino-canadiennes. M. Pickard, qui a dénoncé l’influence de Pékin sur la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, laquelle est financée par les contribuables canadiens, a livré un témoignage choquant, déclarant que le président de la banque « [...] parle des politiques du gouvernement de la Chine comme si elles étaient les siennes ». Il a dit que le Parti communiste chinois exerce une influence indue sur les activités d’exploitation quotidiennes de la banque.

Ce n’est là qu’une partie de l’élément véritablement alarmant. M. Pickard a déclaré que le Canada n’a pas reçu la moindre chose de valeur tangible en échange du quart de milliard de dollars en argent public qu’il a donné à la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures et qu’il ignore si le gouvernement libéral exige que cet argent lui soit rendu.

Sénateur Gold, est-ce vrai? Justin Trudeau s’est-il même donné la peine de demander qu’on nous rende l’argent? Pourquoi le gouvernement Trudeau sert-il toujours l’intérêt de la dictature de Pékin avant celui des contribuables canadiens?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Votre dernière affirmation n’est simplement pas vraie. Comme la ministre et moi l’avons affirmé au Sénat, le gouvernement prend très au sérieux les allégations soulevées au sujet de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures. La participation du Canada est suspendue. Des mesures ont été prises pour déterminer une marche à suivre adéquate et responsable.

Encore une fois, je rappelle aux sénateurs que le gouvernement répond de façon adéquate à l’évolution de la relation du Canada avec la Chine et à notre compréhension de cette relation.

Le sénateur Housakos : Envoyer des centaines de millions de dollars à la dictature de Pékin n’est pas responsable. Sénateur Gold, après huit années, le gaspillage de fonds de Trudeau a creusé la dette nationale plus que tous les autres gouvernements et premiers ministres avant lui combinés. Les dépenses inflationnistes de Trudeau ont fait monter les taux d’intérêt et doubler le prix des loyers et des paiements d’hypothèque et elles feront gonfler la facture d’épicerie des Canadiens de 700 $ dans l’année à venir.

Ne croyez-vous pas que le quart de million de dollars en fonds publics que le premier ministre a dépensé pour la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures contribue à la hausse du coût de la vie au pays? Il ne s’agit que de l’une des mesures nuisibles de l’actuel gouvernement...

Son Honneur la Présidente : Je vous remercie, sénateur Housakos. Sénateur Gold, vous avez la parole.

Le sénateur Gold : Le gouvernement a l’intention de mener une enquête approfondie sur la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, et j’aimerais simplement rappeler à mes collègues que leurs affirmations sur ce qui contribue ou non à l’augmentation du coût de la vie, — et qui touche tous les Canadiens —, doivent être prises, du moins lorsqu’elles proviennent de l’opposition, avec un grain de sel compte tenu de toute la désinformation qui circule, notamment au sujet de la taxe sur le carbone.

Le patrimoine canadien

CBC/Radio-Canada

L’honorable Donna Dasko : Ma question s’adresse au sénateur Gold. Cette question était initialement destinée à la ministre St‑Onge, mais elle a manqué de temps lorsqu’elle était ici la semaine dernière.

Le 30 novembre, devant le Comité du patrimoine canadien de la Chambre des communes, et dans une entrevue accordée aux médias le 4 décembre, la ministre St-Onge a déclaré qu’elle avait l’intention d’entreprendre un examen du mandat et de la mission de CBC/Radio-Canada. Elle a notamment indiqué qu’elle souhaitait discuter de cet examen avec les Canadiens.

Mes questions sont donc les suivantes : Pouvez-vous nous donner des précisions sur cet examen? En quoi consistera-t-il? S’agira-t-il d’un examen approfondi? Toutes les options seront-elles envisagées dans le cadre de cet examen du mandat de CBC/Radio-Canada?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci. Je regrette que vous n’ayez pas pu poser la question plus directement à la ministre. Elle est ma députée.

J’ai toutes les raisons de croire que l’examen sera exhaustif. Nous connaissons tous les difficultés auxquelles les médias sont confrontés. Nous savons également — du moins certains d’entre nous le croient — que CBC/Radio-Canada continue à remplir une fonction importante partout au Canada, en particulier dans certaines régions et certainement au Québec.

Malgré les difficultés auxquelles CBC/Radio-Canada est confrontée et les difficultés économiques auxquelles tous les médias sont confrontés, le gouvernement a l’intention de prendre l’examen au sérieux afin de fournir à notre radiodiffuseur public de meilleurs outils pour s’adapter à l’environnement en évolution et continuer à servir les Canadiens.

(1630)

La sénatrice Dasko : Merci, sénateur.

Quand pourrons-nous connaître les détails de cet examen? Merci.

Le sénateur Gold : Je n’ai pas de réponse précise à vous donner, sénateur. Un examen de ce type sur une question aussi importante mérite d’être bien conçu, organisé et mis en œuvre. Je suis sûr que la ministre tiendra les Canadiens au courant de l’évolution du processus.

L'innovation, les sciences et le développement économique

Technologies du développement durable Canada

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, nous ne pouvons nous fier à la parole du gouvernement Trudeau, qui affirme que le ministre Champagne se penche sur les cas d’inconduite à la caisse noire environnementale. Hier soir, un lanceur d’alerte a déclaré : « [...] [le ministre] a menti au Comité de l’éthique [...] » Il s’agit là d’une allégation très grave. Je sais que vous prenez cette affaire très au sérieux; vous nous l’avez dit.

Le lanceur d’alerte a ajouté :

[...] pour la direction d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada et pour le Bureau du Conseil privé, il ne faisait aucun doute qu’il fallait congédier les membres du conseil d’administration et de la direction de Technologies du développement durable Canada. C’est ce qui nous a été clairement expliqué à plusieurs reprises à la fin août et en septembre.

Cette conclusion a changé uniquement quand le cabinet du ministre est intervenu. En dernière analyse, comme c’est au ministre qu’incombe la responsabilité de Technologies du développement durable Canada, c’est lui qui doit dire la vérité au sujet de ce qui s’est vraiment passé.

Monsieur le ministre, qu’est-ce que le ministre cherche à cacher au sujet de la caisse noire environnementale?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénateur, ce n’est pas parce qu’un lanceur d’alerte est protégé, comme devraient toujours l’être les lanceurs d’alerte afin de pouvoir s’exprimer librement sans craindre de subir des représailles ou de violer un quelconque accord de non-divulgation, que ce qu’il dit est nécessairement vrai. Il s’agit d’allégations. On ne peut pas prendre une allégation et en déduire que le ministre cache quelque chose; cela ne se fait pas.

Le processus mis en branle par le gouvernement vise justement à aller au fond des choses. Le gouvernement prend la situation au sérieux et il va continuer de la prendre au sérieux. Il s’agit effectivement d’un problème grave, même si j’en ai contre la manière dont vous le dépeignez.

Le sénateur Plett : Voici ce que le lanceur d’alerte avait à dire au sujet de la protection accordée aux employés de la caisse noire :

[...] personne ne se sentait en sécurité, et c’est encore vrai aujourd’hui, parce que les responsables et le ministre leur refusent cette sécurité.

C’est le gouvernement qui a le gros bout du bâton. [Technologies du développement durable Canada] est financé avec l’argent des contribuables; il est financé à 100 % par [Innovation, Sciences et Développement économique]. Comment peuvent-ils prétendre que les ressources humaines ne sont pas de leur ressort? Comment peuvent-ils affirmer ne pas avoir les moyens de protéger les employés? C’est absurde.

Monsieur le leader, pouvez-vous donner l’assurance aux Canadiens que le gouvernement Trudeau ne fera pas subir de représailles à ces lanceurs d’alerte et qu’il ne leur fera pas la vie dure?

Le sénateur Gold : Le gouvernement estime que les personnes qui dénoncent des actes répréhensibles graves doivent être protégées. Les lois prévoient un processus sûr et confidentiel pour dénoncer les actes répréhensibles graves qui se produisent dans un milieu de travail et elles protègent aussi les personnes concernées contre les représailles. C’est la loi, et je suis convaincu que le gouvernement va s’y conformer.

Les finances

Le coût de la vie

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, lundi, un rapport national sur les loyers au Canada a indiqué que même en colocation, le coût des loyers est inabordable. En Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario et au Québec, le coût moyen d’un loyer avec un colocataire a augmenté de plus de 16 % en seulement un an, pour atteindre le montant record de 960 $. En ce qui concerne ma province, le rapport indique ce qui suit :

Les loyers moyens demandés pour les logements partagés ont augmenté de 13 % par an et sont demeurés les plus élevés en Colombie-Britannique, soit de 1 121 $, le loyer moyen pour les logements partagés étant de 1 442 $ à Vancouver.

Monsieur le leader, c’est près de 400 $ de plus que ce que coûtait en moyenne le loyer d’un appartement comportant une chambre à coucher à Vancouver en 2015, avant que le gouvernement Trudeau n’arrive au pouvoir.

Le gouvernement est-il prêt à assumer sa part de responsabilité pour ce qui est du coût inabordable des loyers au Canada?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La responsabilité du gouvernement est d’aider les Canadiens à faire face à l’augmentation du coût de la vie, y compris pour le logement. À cet égard, le gouvernement prend des mesures sans précédent pour faire baisser le coût des loyers en accélérant la construction d’un nombre accru d’appartements et en libérant des immeubles de placement pour que des Canadiens puissent y vivre.

Rien que cet automne, le gouvernement a pris des mesures qui permettront d’offrir plus de 600 000 nouveaux logements locatifs, dont des dizaines de milliers de logements abordables aux quatre coins du pays. Comme je l’ai déjà dit à maintes reprises — et cela devrait, je pense, plaire à un parti qui est reconnaissant, comme il se doit, des contributions que le secteur privé peut apporter —, le gouvernement travaille en partenariat avec le secteur privé et avec tous les ordres de gouvernement afin que chacun contribue selon son champ de compétence pour aider les Canadiens à surmonter cette crise du logement.

La sénatrice Martin : Voilà justement le problème, monsieur le leader. Je vous ai déjà parlé du problème de la dette gigantesque entre le nombre de logements que le gouvernement dit vouloir fournir et la quantité que la SCHL dit qu’il nous faut pour rétablir l’abordabilité. La semaine dernière, la présidente de la SCHL a déclaré au Comité des finances nationales du Sénat qu’il n’existait toujours pas de plan global pour combler cet écart. Ce plan est toujours en cours d’élaboration.

Monsieur le leader, pourquoi le gouvernement continue-t-il à être si lent dans la gestion de la crise du logement?

Le sénateur Gold : Le gouvernement prend des mesures appropriées et responsables. Il ne va pas simplement imposer une approche et s’ingérer dans les affaires du secteur privé et des provinces. Il travaille en partenariat. Il apporte sa contribution et continuera de le faire.

L’état de l’économie

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, les énormes dépenses inflationnistes du gouvernement Trudeau rendent le coût de la vie moins abordable pour les familles en faisant grimper les taux d’intérêt, ce qui fait aussi augmenter le coût du service de l’énorme dette de votre gouvernement.

Selon l’énoncé économique de l’automne, le coût du service de la dette pour l’exercice en cours seulement s’élève à un montant ahurissant de 46,5 milliards de dollars. Sénateur Gold, l’année prochaine, les dépenses du gouvernement Trudeau pour payer les intérêts sur la dette dépasseront les dépenses en santé. Pensez-y un instant, monsieur le leader; c’est plus que les dépenses en santé. C’est de la grossière incompétence. Cela ne montre-t-il pas parfaitement que le premier ministre n’en vaut pas le coût, monsieur le leader?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Non. C’est plutôt un exemple de question recyclée qui m’a été posée il y a quelques mois, et ma réponse sera la même.

Le gouvernement gère l’économie de façon prudente et responsable. Il a investi considérablement dans le Canada et dans les Canadiens pendant la pandémie afin d’aider le Canada à traverser la tempête et de le mettre sur la bonne voie pour assurer sa relance. L’inflation diminue et la confiance des entreprises continuera de croître à mesure que les Canadiens s’adapteront à cette phase de notre cycle économique.

Le sénateur Plett : S’il s’agit d’une question recyclée, peut-être devriez-vous connaître la réponse.

Le gouvernement néo-démocrate—Libéral prévoit que, l’an prochain, les frais de la dette publique franchiront le seuil des 50 milliards de dollars, pour atteindre 52,4 milliards de dollars. Il ne s’agit pas de « s’y habituer ». Cela correspond à environ le double de ce qui a été dépensé pour les Forces armées canadiennes cette année.

Monsieur le leader, comment expliquez-vous que l’on dépense deux fois plus d’argent pour les détenteurs d’obligations et les banques que pour les Forces armées? Cela vous paraît sensé, monsieur le leader?

Le sénateur Gold : Le gouvernement du Canada appuie les Forces armées et le réseau de la santé de façon appropriée et généreuse, et il continuera de le faire.

Le service de la dette qui est assumé est une conséquence naturelle de la hausse des taux d’intérêt. Ces taux d’intérêt sont en train de baisser et le gouvernement continue de penser qu’il est sur la bonne voie et qu’il agit de manière responsable.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, la période des questions est terminée.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : l’étude de la motion no 148, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

Le Sénat

Projet de loi modificatif—Adoption de la motion tendant à autoriser le Sénat à se réunir en comité plénier afin d’étudier la teneur du projet de loi C-56

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 11 décembre 2023, propose :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle :

1.le Sénat se forme en comité plénier à 14 heures le mercredi 13 décembre 2023, afin d’étudier la teneur du projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la concurrence;

2.le comité plénier sur la teneur du projet de loi C-56 reçoive l’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, vice-première ministre et ministre des Finances, et l’honorable François-Philippe Champagne, c.p., député, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, accompagnés d’un fonctionnaire chacun, pour une période d’au plus 65 minutes, suivie de la levée de la séance du comité;

3.les remarques introductives des témoins durent un total maximal de cinq minutes;

4.si un sénateur n’utilise pas l’entière période de 10 minutes prévue pour les interventions à l’article 12-32(3)d) du Règlement, les réponses des témoins y comprises, il puisse céder le reste de son temps à un autre sénateur.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(1640)

La Loi sur Investissement Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gignac, appuyée par l’honorable sénateur Klyne, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur Investissement Canada.

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, c’est pour moi un plaisir de prendre la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur Investissement Canada.

J’aimerais commencer par remercier le sénateur Gignac du discours qu’il a fait à titre de parrain du projet de loi et le sénateur Gold de sa contribution au débat.

Ce projet de loi a été adopté à l’unanimité par la Chambre des communes, ce qui témoigne certes de son importance aux yeux de nos collègues de l’autre endroit, mais qui devrait aussi nous alerter sur la possibilité que les députés soient tombés dans le piège de la pensée unique, vu la charge émotive de ce projet de loi. Je veux parler ici de l’objectif premier du texte, qui est de moderniser les dispositions de la Loi sur Investissement Canada portant sur la sécurité nationale. Ai-je besoin de rappeler que son titre abrégé est Loi sur la modernisation de l’examen des investissements relativement à la sécurité nationale?

Dans un monde marqué par les conflits meurtriers et où les rivalités géostratégiques ont pénétré toutes les couches de la société, la vigilance en matière de sécurité nationale est primordiale. Il est donc tout à fait indiqué que nous jetions un regard neuf sur les sources de danger susceptibles de perturber la vie des Canadiens, de les empêcher de gagner leur vie, d’affaiblir le tissu social et de ternir notre image sur la scène internationale.

Cet exercice ne doit pas avoir pour seul but de satisfaire l’instinct primal qui nous pousse à grossir les dangers extérieurs à des fins politiques ou plus ou moins viles, mais au contraire à faire en sorte que nous nous sentions en sécurité dans toutes les sphères de notre vie, c’est-à-dire les sphères extérieures autant qu’intérieures.

Il ne faut pas être naïf en ce qui concerne les menaces qui planent sur la sécurité du Canada, car elles viennent à la fois de la multiplication des mesures de protection de la société canadienne et des mesures de protection inadéquates contre les menaces externes. Cela vaut aussi pour la Loi sur Investissement Canada et ce projet de loi visant à la moderniser. Je suis favorable aux dispositions du projet de loi qui portent sur la sécurité nationale, et je suis d’accord pour dire que nous devons constamment adapter notre façon d’appliquer les mesures visant à protéger le Canada et les Canadiens.

Dans un article que j’ai publié il y a 10 ans, j’ai fait valoir que la meilleure façon d’évaluer les investissements des sociétés d’État consiste à les soumettre non pas à un examen spécial, mais plutôt à un examen relatif à la sécurité nationale lorsque c’est nécessaire. J’ai également dit dans cet article que je ne suis pas en faveur :

[...] d’une application plus libérale des dispositions en matière de sécurité nationale, car, dans certains États, de telles dispositions ont servi de prétexte au protectionnisme ou d’excuse au chauvinisme [...]

C’est ce qui me préoccupe au sujet du projet de loi C-34. Faire appel à la sécurité nationale est le dernier refuge d’un nationalisme et d’un protectionnisme économiques néfastes. On observe déjà ce genre d’approche dans d’autres pays du monde, qu’ils partagent ou non nos vues. En effet, pendant l’administration Trump, les États-Unis ont contesté nos exportations d’acier et d’aluminium en invoquant des motifs de sécurité nationale.

Je souligne que l’administration Biden a non seulement poursuivi cette approche de sécurité nationale contre certains pays, mais qu’elle a aussi rejeté quatre groupes spéciaux de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce qui s’étaient clairement prononcés contre les États-Unis. La même chose se produit en République populaire de Chine et chez d’autres grandes puissances qui utilisent leur poids économique et politique pour agir de la sorte.

Nous ne faisons pas partie de ces grandes puissances. Par conséquent, il est à la fois irréaliste et peu judicieux pour nous d’utiliser la sécurité nationale comme moyen d’obtenir un avantage économique. Je ne dis pas que c’est ce que tente de faire le projet de loi, mais je crains que notre intérêt soudain pour la sécurité nationale dans le contrôle des investissements étrangers nuise à nos perspectives économiques.

Permettez-moi de vous expliquer ma préoccupation. À l’étranger, le Canada n’est pas considéré comme une destination attrayante pour les investisseurs et la Loi sur Investissement Canada est une des raisons pour lesquelles nous traînons derrière certains de nos pairs. Selon l’indice de restrictivité de la réglementation applicable à l’investissement direct étranger de 2020 de l’Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, le Canada est au bas de la liste des pays du G7. Selon cet indice allant de zéro à un — un représentant les conditions les plus restrictives —, le Canada a obtenu l’indice le plus élevé comparativement à l’Allemagne, au Royaume-Uni, à la France, à l’Italie, au Japon et aux États-Unis.

Si on examine d’une façon plus large les pays de l’OCDE, le Canada n’est qu’à quatre places de la dernière position au chapitre de la restrictivité de la réglementation parmi 30 pays. Bien entendu, ces données ne tiennent pas compte des modifications proposées dans le cadre du projet de loi C-34, mais je serais surpris que celui‑ci permette d’améliorer notre classement.

À cette étape, il pourrait être utile de présenter un aperçu de l’examen des investissements au Canada, qui a débuté par la Loi sur l’examen de l’investissement étranger a été adoptée en 1974 en réponse à un sentiment nationaliste des Canadiens et à des craintes par rapport aux effets négatifs à long terme de l’acquisition d’entreprises canadiennes par des intérêts étrangers. En vigueur de 1974 à 1985, cette loi était le reflet d’une attitude réservée, voire hostile, à l’égard des investissements étrangers.

À l’époque du gouvernement du premier ministre Brian Mulroney, la Loi sur l’examen de l’investissement étranger a été abrogée et remplacée par la Loi sur Investissement Canada, qui était également un mécanisme d’évaluation des avantages des investissements étrangers au Canada. Contrairement à la loi précédente, elle reposait sur la prémisse qu’attirer les investissements étrangers était un objectif stratégique louable. Vu cette nouvelle approche, le critère fondamental pour autoriser un investissement, qui était l’existence d’un « avantage important » pour le Canada, a été remplacé par le critère de « l’avantage net ».

Pendant les 22 premières années où elle était en vigueur, la Loi sur Investissement Canada ne faisait aucune distinction entre les investissements d’entreprises d’État et les investissements privés. En 2007, toutefois, une série des lignes directrices spéciales a été émise au sujet de la gestion des entreprises d’État, dont il fallait déterminer dans quelle mesure elles fonctionnaient à titre d’entités commerciales. Ces lignes directrices n’ont pas été mises à l’épreuve jusqu’en 2012, année où deux entreprises d’État ont cherché à faire des acquisitions majeures dans le secteur canadien des hydrocarbures. PETRONAS, une société malaisienne, voulait acheter Progress Energy Resources Corp., et la société chinoise CNOOC Ltd. voulait acheter Nexen Inc.

Les deux transactions ont en fin de compte été autorisées, mais non sans soulever une controverse, et l’autorisation a été accompagnée d’une série de nouvelles lignes directrices concernant l’examen des entreprises d’État en général et plus particulièrement l’examen des investissements des entreprises d’État dans les sables bitumineux. En fait, le gouvernement du jour a publié, après les transactions avec PETRONAS et CNOOC, une déclaration disant que les investissements des entreprises d’État dans les sables bitumineux ne seraient plus acceptés à l’avenir.

La décision de 2012 a été un tournant dans la façon dont la Loi sur Investissement Canada est appliquée aux entreprises d’État. Depuis cette décision, les restrictions imposées aux entreprises d’État ont augmenté, et ce, même si de façon générale le rôle de ces entreprises s’est accru dans les pays industrialisés et émergents. Le projet de loi C-34 intensifie les restrictions imposées sur les investissements entrants provenant d’entreprises d’État. Il s’agit selon moi d’un parti pris que bien peu de données viennent étayer.

En général, les économistes sont favorables aux règlements qui ciblent un comportement indésirable plutôt que la propriété. La Loi sur Investissement Canada semble faire le contraire. J’invite le comité à qui sera renvoyé le projet de loi à se pencher attentivement sur le fait que seules les entreprises d’État doivent se soumettre à un examen spécial en plus de respecter le critère de l’avantage net, qui est déjà exhaustif.

Même si on est convaincu de la nécessité de resserrer la réglementation sur les investissements entrants pour des raisons de sécurité nationale, il faut tout de même être conscient des répercussions. Le resserrement des règles imposées à d’autres pays pourrait avoir des effets sur les investissements directs du Canada à l’étranger.

Après tout, en chiffres nets, le Canada est un investisseur direct à l’étranger, comme en témoignent les sociétés canadiennes de calibre mondial qui se développent dans un marché intérieur relativement modeste. En 2022, la valeur totale des investissements directs du Canada à l’étranger était de près de 2 billions de dollars. En comparaison, la valeur totale des investissements directs étrangers au Canada n’était que de 1,3 billion de dollars. J’espère vraiment que le comité concevra les investissements étrangers directs comme des échanges bilatéraux plutôt que de voir la Loi sur Investissement Canada comme un mécanisme de contrôle des investissements entrants.

J’espère que le comité se penchera aussi sur quelques autres aspects du projet de loi. Premièrement, il doit se pencher sur la disposition qui permettrait un meilleur échange d’information avec d’autres pays, notamment pour s’attaquer aux menaces communes en matière de sécurité nationale.

(1650)

À première vue, cet amendement est sensé, mais je serais plus à l’aise si le principe qui le sous-tend était d’échanger des renseignements avec des homologues internationaux qui adoptent des pratiques exemplaires dans le cadre de leurs procédures de sélection des investissements plutôt que, par exemple, de partager des renseignements avec des homologues dans une chambre d’écho.

Nous ne devrions pas être naïfs au sujet des intérêts et des motivations de certains homologues internationaux qui pourraient ne pas correspondre aux intérêts du Canada. Par exemple, un pays aux vues soi-disant similaires qui est incapable d’accepter un investissement étranger bénéfique sur son territoire pour des raisons politiques peut être réticent à fournir au Canada des renseignements qui seront favorables à l’entité étrangère.

En ce qui concerne plus précisément la sécurité nationale, le risque de suivre l’exemple d’autres pays, y compris des partenaires aux vues soi-disant similaires, peut nuire aux intérêts canadiens. Notre voisin du Sud, notamment, adopte un point de vue de plus en plus extrême sur ce qu’il considère comme une menace à la sécurité nationale — l’exemple le plus récent étant la suggestion d’un sénateur américain qui croit que l’importation d’ail en provenance de la Chine entre dans cette catégorie.

Enfin, je vais brièvement me pencher sur les fameuses dispositions de transparence prévues dans le projet de loi C-34. L’article 25.7 sera ajouté pour permettre l’utilisation de renseignements de nature délicate lors d’audiences à huis clos en cas de contrôle judiciaire de décisions. C’est une approche sensée, mais le législateur va loin en qualifiant ces dispositions de mesure de transparence pour autant que le public soit concerné. Je ne réclame pas la publication de renseignements de nature délicate ou confidentielle, mais il existe bon nombre de véritables mesures de transparence concernant la publication des motifs de rejet d’une demande d’investissement aux termes des divers critères d’examen prévus dans la Loi sur Investissement Canada.

Le critère de l’avantage net pose problème parce que sa portée est tellement générale qu’un investisseur pourrait ne pas savoir comment divers éléments seront évalués lors de l’examen de sa demande. Une explication claire de la part du ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie des motifs de rejet d’un investissement contribuerait énormément à améliorer la transparence de la Loi sur Investissement Canada, à accroître la confiance dans le régime et, à mon avis, à faire du Canada un pays encore plus attrayant pour les investissements directs étrangers.

J’ai présenté plusieurs questions que je souhaite voir poser lors de l’étude en comité. J’appuie le renvoi de ce projet de loi au comité. Je suis impatient d’en examiner attentivement les dispositions et je me ferai un plaisir de poursuivre le débat à l’étape de la troisième lecture. Merci, chers collègues.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je propose l’ajournement du débat.

Son Honneur la Présidente : L’honorable sénatrice Martin, avec l’appui de l’honorable sénatrice Seidman, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi de crédits no 4 pour 2023-2024

Deuxième lecture

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-60, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2024, soit lu pour la deuxième fois.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

La présidente de la Commission de la fonction publique

Adoption de la motion tendant à approuver sa nomination

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 30 novembre 2023, propose :

Que, conformément au paragraphe 4(5) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13, le Sénat approuve la nomination de Marie-Chantal Girard à titre de présidente de la Commission de la fonction publique pour une période de sept ans.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

La justice

La Loi sur l’abrogation des lois—Adoption de la motion tendant à faire opposition à l’abrogation de la loi et de dispositions d’autres lois

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, appuyée par l’honorable sénatrice Lankin, c.p.,

Que, conformément à l’article 3 de la Loi sur l’abrogation des lois, L.C. 2008, ch. 20, le Sénat adopte une résolution faisant opposition à l’abrogation de la loi et des dispositions des autres lois ci-après, qui ne sont pas entrées en vigueur depuis leur adoption :

1.Loi sur les relations de travail au Parlement, L.R., ch. 33 (2e suppl.) :

-partie II;

2.Loi sur les contraventions, L.C. 1992, ch. 47 :

-alinéa 8(1)d), articles 9, 10 et 12 à 16, paragraphes 17(1) à (3), articles 18 et 19, paragraphe 21(1) et articles 22, 23, 25, 26, 28 à 38, 40, 41, 44 à 47, 50 à 53, 56, 57, 60 à 62, 84 (en ce qui concerne les articles suivants de l’annexe : 2.1, 2.2, 3, 4, 5, 7, 7.1, 9, 10, 11, 12, 14 et 16) et 85;

3.Loi de mise en œuvre du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, L.C. 1998, ch. 32;

4.Loi sur l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public, L.C. 1999, ch. 34 :

-articles 155, 157, 158 et 160, paragraphes 161(1) et (4) et article 168;

5.Loi sur la modernisation de certains régimes d’avantages et d’obligations, L.C. 2000, ch. 12 :

-paragraphes 107(1) et (3) et article 109;

6.Loi sur le Yukon, L.C. 2002, ch. 7 :

-articles 70 à 75 et 77, paragraphe 117(2) et articles 167, 168, 210, 211, 221, 227, 233 et 283;

7.Loi modifiant la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes et d’autres lois en conséquence, L.C. 2003, ch. 26 :

-articles 4 et 5, paragraphe 13(3), article 21, paragraphes 26(1) à (3) et articles 30, 32, 34, 36 (en ce qui concerne l’article 81 de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes), 42 et 43;

8.Loi d’exécution du budget de 2005, L.C. 2005, ch. 30 :

-partie 18 à l’exception de l’article 125;

9.Loi modifiant certaines lois relatives aux institutions financières, L.C. 2005, ch. 54 :

-paragraphe 27(2), article 102, paragraphes 239(2), 322(2) et 392(2);

10.Loi d’exécution du budget de 2009, L.C. 2009, ch. 2 :

-articles 394, 399 et 401 à 404;

11.Loi sur les réseaux de cartes de paiements, L.C. 2010, ch. 12, art. 1834 :

-articles 6 et 7;

12.Loi visant à promouvoir l’efficacité et la capacité d’adaptation de l’économie canadienne par la réglementation de certaines pratiques qui découragent l’exercice des activités commerciales par voie électronique et modifiant la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, la Loi sur la concurrence, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et la Loi sur les télécommunications, L.C. 2010, ch. 23 :

-articles 47 à 51, 55 et 68, paragraphe 89(2) et article 90;

13.Loi sur la révision du système financier, L.C. 2012, ch. 5 :

-articles 54 et 56 à 59;

14.Loi améliorant la sécurité ferroviaire, L.C. 2012, ch. 7 :

-paragraphes 7(2) et 14(2) à (5);

15.Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada, L.C. 2012, ch. 17 :

-articles 70 à 77;

16.Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, L.C. 2012, ch. 19 :

-articles 459, 460, 462 et 463;

17. Loi de 2012 sur l’emploi et la croissance, L.C. 2012, ch. 31 :

-articles 361 à 364;

18.Loi visant à renforcer la justice militaire pour la défense du Canada, L.C. 2013, ch. 24 :

-articles 12, 13 et 46;

19.Loi sur l’accord définitif concernant la Première Nation de Yale, L.C. 2013, ch. 25 :

-articles 1 à 17, 19, 20, 21, 22, 23 et 24;

20.Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2013, L.C. 2013, ch. 33 :

-paragraphe 228(2);

21.Loi no?2 sur le plan d’action économique de 2013, L.C. 2013, ch. 40 :

-articles 263, 266 et 267.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Wells, appuyée par l’honorable sénatrice Batters, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, tel que modifié.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-234.

C’est en fait le deuxième discours que je prépare pour la troisième lecture. Le premier a été préparé juste après que le Sénat eut rejeté, à juste titre, le rapport du Comité de l’agriculture et des forêts. À ce moment-là, j’ai pensé — pendant un instant — que la raison et le bon sens pourraient triompher du tribalisme et de la mesquinerie qui règnent au sein de cette assemblée. J’ai été sincèrement encouragé de voir que la majorité des sénateurs étaient prêts à examiner ce projet de loi en fonction de son bien-fondé plutôt que dans le cadre étroit de leur loyauté indéfectible envers le premier ministre.

Je suis déçu d’avoir eu tort. Après avoir subi les pressions du ministre de l’Environnement et du Changement climatique et du premier ministre, 40 sénateurs ont abandonné la façade d’indépendance et sont retournés dans le giron libéral.

Une voix : Bravo!

Le sénateur Plett : Si vous vous opposez à cette observation, chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que le projet de loi C-234, lorsqu’il a été renvoyé au Sénat, n’était controversé que pour une seule raison : le Parti libéral s’y opposait. Il ne s’y opposait pas parce que le projet de loi contredisait ses politiques. Après tout, il avait déjà accordé de multiples exemptions à la taxe sur le carbone. Il ne s’y opposait pas non plus parce que le projet de loi nuirait à sa lutte contre le changement climatique, car il n’aurait aucune incidence sur les émissions. Ils ne s’y sont pas opposés en raison d’un fondement scientifique incertain, puisque les données scientifiques sont solides. Ils s’y sont opposés pour des motifs strictement politiques. Il s’agissait d’un simple calcul politique : consolider leurs appuis en perte de vitesse en donnant l’impression de faire la vie dure aux changements climatiques, alors qu’ils ne faisaient la vie dure qu’aux agriculteurs

(1700)

Voilà ce à quoi 40 sénateurs ont donné leur appui en votant pour l’amendement du sénateur Dalphond il y a quelques jours. Ils ont donné leur appui au calcul politique des libéraux au lieu d’appuyer le gros bon sens.

Voyons pourquoi, factuellement, ce projet de loi devrait être adopté tel quel, sans amendement. La taxe sur le carbone est censée inciter les gens à se tourner vers les sources d’énergie propre et efficace afin d’atténuer les effets des changements climatiques. Tout le monde s’entend là-dessus.

Cela dit, pour que la taxe sur le carbone ait l’effet escompté et modifie les comportements des consommateurs, ceux-ci doivent avoir d’autres options. Là-dessus aussi, tout le monde s’entend. Or, dans le domaine de l’agriculture, ces options sont inexistantes. Ce fait a été confirmé par les témoins experts entendus par le comité et n’est remis en question ni par le Parti conservateur, ni par le Bloc québécois, ni par le Parti vert, ni par le Parti libéral, ni par le président libéral du Comité de l’agriculture de la Chambre des communes, ni par les agriculteurs, où qu’ils soient au Canada.

Le député néo-démocrate Alistair MacGregor l’a bien exprimé :

Nous savons que la tarification du carbone est là pour encourager un changement de comportement, mais elle ne fonctionne pas très bien s’il n’y a pas d’autres solutions commercialement viables.

Il s’agit d’une notion économique de base. Pour qu’un marché fonctionne, il faut à la fois une offre et une demande. La taxe sur le carbone qui est prélevée sur le propane et le gaz naturel utilisés dans le secteur agricole a pour but de créer une demande pour d’autres sources d’énergie. Or, il n’y a pas d’offre pour ces autres sources d’énergie. Cette politique publique complètement coupée de la réalité est le fruit d’une idéologie tordue et du désarroi politique. Elle ne repose ni sur des données scientifiques ni sur des préoccupations climatiques. Elle ne permettra pas d’atteindre l’objectif visé. Or, 40 sénateurs se cramponnent aveuglément aux arguments des libéraux sans tenir compte des faits.

Chers collègues, ce n’est pas ce que je qualifierais de « second examen objectif ». Le fait d’imposer une taxe sur le carbone aux agriculteurs n’a qu’une seule conséquence : faire augmenter les prix. Lorsque les agriculteurs ne pourront pas refiler la taxe sur le carbone aux consommateurs, comme dans la production céréalière, ils devront assumer eux-mêmes le coût. Le Bloc québécois en est arrivé aux mêmes conclusions. Le bloquiste Yves Perron a déclaré ceci :

S’il n’y a pas de solution de rechange, cela veut dire que, présentement, si on impose une taxe relativement à ces processus, cela ne fera qu’augmenter le coût de production et réduire les marges bénéficiaires des producteurs, qui n’ont pas d’autres options.

Lorsque les agriculteurs sont en mesure de refiler à d’autres l’augmentation des coûts de production, les consommateurs finissent par écoper d’une augmentation du prix des aliments.

C’est pourquoi le gouvernement a reconnu que les agriculteurs devraient jouir d’une exemption de la taxe sur le carbone applicable au diésel et à l’essence, ce qui comprenait une exemption pour ces carburants. Plus tard, le gouvernement a également mis en place un remboursement de la taxe sur le carbone applicable, tenez-vous bien, au propane et au gaz naturel. Chers collègues, que les choses soient claires, le projet de loi C-234 ne crée pas une nouvelle exemption à la taxe sur le carbone. Il prend une exemption qui a été créée par le gouvernement libéral et la rend plus équitable et plus efficace. Tout ce que ce projet de loi fait, c’est de transformer le remboursement du gouvernement pour le propane et le gaz naturel en exemption. C’est ahurissant que les détracteurs de ce projet de loi aient voulu faire croire que ce projet de loi va percer une soi‑disant ligne de défense contre les changements climatiques.

Mardi soir, la sénatrice Miville-Dechêne a dit que si on commençait à créer des exemptions à la taxe sur le carbone, cela ne s’arrêterait jamais. Chers collègues, je ne sais pas si c’était en raison de l’heure tardive, mais lorsque la sénatrice a pris la parole, elle aurait dû savoir que ce projet de loi n’est pas le début des exemptions à la taxe sur le carbone. Comme je viens de le dire, il existe déjà des exemptions dans le cadre de la politique actuelle du gouvernement, y compris une exemption pour le propane et le gaz naturel utilisés à des fins agricoles.

Voici ce que le gouvernement a déclaré lorsqu’il a annoncé l’exemption pour le propane et le gaz naturel dans la mise à jour économique et budgétaire de 2021 :

Conscient que de nombreux agriculteurs utilisent le gaz naturel et le propane dans le cadre de leurs activités, et conformément à l’engagement du budget 2021, le gouvernement propose de retourner les produits issus de la redevance sur les combustibles directement aux agriculteurs des administrations assujetties à un filet de sécurité au moyen d’un crédit d’impôt remboursable, à compter de l’exercice 2021-2022 de la redevance sur les combustibles.

Chers collègues, ce n’est pas pour soutenir certaines politiques publiques que le gouvernement libéral s’oppose à ce projet de loi. Il s’y oppose pour des raisons politiques. Il veut donner l’impression d’être un ardent défenseur de la lutte contre les changements climatiques alors qu’il n’a atteint aucune des cibles climatiques qu’il a fixées. Après avoir terriblement mal géré la question de la taxe sur le carbone payable sur le mazout domestique, les libéraux sont désespérés. La seule chose qu’ils défendent ardemment, ce n’est pas les bonnes politiques publiques, mais bien les intérêts politiques du Parti libéral, et ils sont prêts à agir au détriment des agriculteurs pour arriver à leurs fins. Voilà ce que 40 sénateurs ont appuyé quand ils ont voté en faveur de l’amendement du sénateur Dalphond au projet de loi C-234.

Ils ont voté en faveur des arguments bidon du Parti libéral plutôt qu’en faveur des agriculteurs.

Chers collègues, j’ai parfois l’impression de vivre la version sénatoriale du film Les 50 premiers rendez-vous. Je ne sais pas si vous avez vu ce film. Je vous explique, au cas où vous ne l’auriez pas vu. Adam Sandler joue le rôle de Henry Roth qui tombe amoureux de Lucy Whitmore, jouée par Drew Barrymore. Henry et Lucy s’entendent bien et Henry pense avoir enfin trouvé la fille de ses rêves jusqu’à ce qu’il découvre que Lucy a un trouble de mémoire à court terme et qu’elle l’oublie dès le lendemain et tous les jours suivants. Par conséquent, Henry doit gagner le cœur et la confiance de Lucy encore et encore, car elle ne se souvient ni de lui ni de rien de leur relation le lendemain.

Voilà comment doivent se sentir les agriculteurs qui veulent voir le Parlement adopter le projet de loi. Ils sont obligés d’expliquer les mêmes choses encore et encore parce que certains sénateurs semblent oublier ce qu’ils ont appris chaque fois que le soleil se couche. Je vous rappelle que l’amendement du sénateur Dalphond, qui a été adopté par le Sénat, a d’abord été présenté en comité, où il a été jugé irrecevable par le président parce qu’il contredisait l’esprit du projet de loi. Sans se laisser décourager par cette décision, les champions de la procédure et de l’équité ont bafoué la décision du président avec l’aide du gouvernement lui-même, par l’entremise du bureau du sénateur Gold, lorsque la sénatrice LaBoucane-Benson s’est jointe à l’effort et a voté contre la décision du président. L’amendement a été adopté.

Puis, quand le projet de loi est revenu au Sénat à l’étape du rapport, les sénateurs Woo et Dalphond ont défendu vigoureusement l’indéfendable, et ils ont perdu. Le rapport et l’amendement qu’il contenait ont été rejetés. Pendant un moment, j’ai eu de l’espoir.

Toutefois, au moment où le sénateur Dalphond s’est levé pour présenter l’amendement au Sénat, une nuit s’était écoulée et 40 sénateurs semblaient avoir oublié tout ce qui venait de se produire. Lors du vote sur l’adoption du rapport, les sénateurs Kutcher, Miville-Dechêne et Simons se sont tous abstenus. Or, lors du vote sur l’amendement, ils ont décidé de faire échouer le projet de loi en soutenant l’amendement. Les sénateurs White, MacAdam et Boehm ont voté contre l’adoption du rapport du comité afin de sauver le projet de loi. Ils ont ensuite fait volte-face et ont voté en faveur de l’amendement. Cela a dû être toute une conversation avec le premier ministre.

Cet amendement était clairement irrecevable, et je l’ai fait remarquer dans cette enceinte. Tant pis pour le « second examen objectif ». Chers collègues, ce projet de loi n’est pas une mesure législative ordinaire. Il a mobilisé le secteur agricole d’une manière que je n’avais jamais vue. Vous ne le savez peut-être pas, mais le secteur agricole n’est pas une industrie homogène qui voit les choses d’une seule et même manière et qui se serre les coudes contre vents et marées. C’est un milieu est extrêmement diversifié, non seulement dans ses activités et ses objectifs, mais aussi dans ses croyances, ses valeurs et ses convictions.

On le voit constamment dans les débats relatifs à des dossiers agricoles. L’exemple le plus éloquent est sans doute le débat sur le monopole de la Commission canadienne du blé, qui a duré des décennies.

Il n’est pas inhabituel de voir des différences d’opinions au sein de la communauté agricole. Il s’agit d’une communauté très diversifiée où certains agriculteurs croient avoir besoin de protection contre les grandes sociétés, et d’autres croient avoir besoin de protection contre l’État omniprésent. Rarement se sont-ils entendus sur un sujet lié à la politique comme ils le font à l’égard du projet de loi C-234. De nombreux dirigeants d’exploitation agricole m’ont dit n’avoir jamais vu la communauté agricole se mobiliser ainsi pour une cause commune.

Il y a deux ans, 10 organismes agricoles ont convenu qu’ils devaient unir leurs efforts pour défendre l’intérêt de l’ensemble des agriculteurs et réclamer des politiques constructives et fondées sur des données probantes concernant la compensation pour la tarification du carbone, le financement de la modernisation et les politiques environnementales connexes.

(1710)

Les groupes de financement comprenaient la Canadian Canola Growers Association, la Fédération canadienne de l’agriculture, l’Association canadienne des bovins, Les Producteurs de grains du Canada, le Conseil canadien du porc, Les Producteurs d’œufs du Canada, Les Producteurs de poulet du Canada, Les Éleveurs de dindon du Canada et Les Producteurs d’œufs d’incubation du Canada. Ils se sont appelés l’Agricultural Carbon Alliance et, en quelques mois, la coalition s’est élargie pour inclure les Producteurs de fruits et légumes du Canada, l’ancien Conseil canadien de l’horticulture, l’Association canadienne pour les plantes fourragères, le Réseau ovin national, l’Association nationale des engraisseurs de bovins, les Producteurs laitiers du Canada, l’Association canadienne des producteurs de semences et Mushrooms Canada.

Dans l’ensemble, les membres englobent les principaux produits agricoles et représentent 190 000 entreprises agricoles qui gèrent 65 millions d’hectares et qui s’expriment à l’unisson sur cette question importante. Bien que l’alliance ne soit pas la seule voix agricole à s’exprimer sur ce sujet, elle illustre l’incroyable unité du secteur agricole à l’égard de ce projet de loi.

Ce sont ces personnes contre lesquelles 40 sénateurs ont voté lorsqu’ils ont choisi sciemment de torpiller ce projet de loi en l’amendant.

Les sénatrices Simons et LaBoucane-Benson ont choisi de voter contre les agriculteurs et les éleveurs de l’Alberta.

Les sénateurs ontariens Boehm, Cardozo, Clement, Dasko, Dean, Harder, Lankin, Moncion, Moodie, Omidvar, Pate et Yussuff ont tous voté contre les 39 000 familles agricoles membres de la Fédération de l’agriculture de l’Ontario.

Le sénateur Yussuff a fait valoir la semaine dernière que la décision de ne pas adopter un amendement à l’étape de la troisième lecture est justifiée si cet amendement a été étudié et rejeté en comité. Pourtant, il n’a pas hésité à appuyer un amendement qui avait déjà été rejeté à l’étape du rapport.

Les sénateurs Audette, Bellemare, Dalphond, Dupuis, Forest, Gerba, Gold, Loffreda, Massicotte, Mégie, Miville-Dechêne, Petitclerc et Saint-Germain du Québec ont tous fait fi de la volonté évidente du secteur de la gestion de l’offre du Québec de ne pas amender le projet de loi, y compris les Producteurs laitiers du Canada, les Producteurs de poulet du Canada, les Éleveurs de dindon du Canada, les Producteurs d’œufs du Canada et les Producteurs d’œufs d’incubation du Canada.

Les sénatrices Petten et White ont voté contre tous les agriculteurs de Terre-Neuve-et-Labrador, y compris les producteurs laitiers, les producteurs de poulet, les producteurs d’œufs, les serriculteurs, les pépiniéristes et les producteurs maraîchers.

Les sénateurs Aucoin, Cordy, Coyle, Cuzner et Kutcher ont voté contre les agriculteurs de la Nouvelle-Écosse, y compris les horticulteurs, les producteurs laitiers, les producteurs de volaille, les producteurs d’œufs et les éleveurs de bétail.

La sénatrice MacAdam a voté contre l’industrie agricole de l’Île-du-Prince-Édouard, dont plus de 42 % des terres sont des terres agricoles, malgré son surnom de rocher. On y cultive notamment des pommes de terre, des céréales, des oléagineux, des légumes et des fruits et on y élève notamment des bovins, des vaches laitières, des porcs, des poulets, etc.

À entendre la sénatrice Ringuette, la pomme de terre représente 99 % de la production agricole du Nouveau-Brunswick, mais dans les faits, la sénatrice Ringuette et ses collègues les sénateurs Cormier, Hartling, Kingston et McNair n’ont pas seulement voté contre les 111 fermes productrices de pommes de terre de la province, ils ont voté contre les 344 élevages de bovins, les 319 producteurs de fruits, les 232 exploitations fourragères, les 162 fermes laitières, les 53 fermes avicoles, les 43 producteurs de céréales et d’oléagineux, les 33 élevages de moutons et de chèvres, les 5 fermes productrices de champignons et j’en passe, selon les chiffres du Rapport du recensement de l’agriculture du Nouveau-Brunswick 2021.

La sénatrice Ringuette a également eu raison de signaler que les agriculteurs du Nouveau-Brunswick n’utilisent pas de gaz naturel, mais ce qu’elle a omis de dire, c’est qu’ils utilisent du propane et que ce combustible sera assujetti à la taxe sur le carbone parce que ses collègues et elle ont appuyé cet amendement.

Je suis fier de voir que tous les sénateurs du Yukon, du Nunavut, de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et du Manitoba qui ont voté se sont portés à la défense des agriculteurs canadiens.

Chers collègues, les agriculteurs, les éleveurs et les cultivateurs contribuent chaque année à hauteur de 135 milliards de dollars au PIB et ils sont à l’origine d’un emploi sur neuf au pays. En plus de fournir de la nourriture au Canada et au reste de la planète, ils trouvent des solutions ingénieuses aux changements climatiques, car ils doivent prendre soin de 154 millions d’acres de terres agricoles réparties d’un océan à l’autre.

Grâce à leurs efforts contre les changements climatiques, l’intensité des émissions de gaz à effet de serre a diminué de moitié de 1987 à 2017. Les agriculteurs ont à cœur de nourrir les Canadiens et de lutter contre les changements climatiques. Le projet de loi C-234 les aurait aidés dans cette démarche. Malheureusement, les probabilités que ce projet de loi soit adopté sont maintenant très faibles.

Je termine en remerciant tous ceux qui ont soutenu ce projet de loi sous sa forme initiale. Il a fallu du courage à nombre d’entre vous pour adopter une position différente de celle de vos collègues et de votre premier ministre. Je sais que les producteurs de tous les grands produits agricoles du pays vous remercient de vos efforts.

Aux agriculteurs canadiens, je demande de ne pas perdre espoir. Bien que ce projet de loi soit maintenant sur une trajectoire qui risque de le faire languir à l’autre endroit, dès que les Canadiens éliront un gouvernement conservateur sensé sous l’excellente direction de notre chef, Pierre Poilievre, nous reconnaîtrons vos importantes contributions à la lutte contre les changements climatiques et nous adopterons des politiques qui renforceront vos capacités et votre secteur, au lieu de les affaiblir comme l’a fait et continue de le faire le gouvernement libéral incompétent.

Merci, chers collègues.

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, comme il est 17 h 15, je dois interrompre les travaux. Conformément à l’article 9-6 du Règlement, la sonnerie se fera entendre afin de convoquer les sénateurs au vote reporté à 17 h 30 sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Carignan, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice Poirier.

Convoquez les sénateurs.

(1730)

Projet de loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu)

Troisième lecture—Rejet de la motion d’amendement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Yussuff, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu).

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Carignan, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice Poirier :

Que le projet de loi C-21 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à la page 28, par adjonction, après la ligne 24, de ce qui suit :

« 13.01 L’article 231 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe (6.2), de ce qui suit :

(6.3) Indépendamment de toute préméditation, le meurtre que commet une personne est assimilé à un meurtre au premier degré lorsque celle-ci cause la mort en déchargeant une arme à feu en direction ou à l’intérieur d’un endroit public au sens de l’article 150. ».

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : L’honorable sénateur Carignan, c.p., propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice Poirier :

Que le projet de loi C-21 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à la page 28...

Puis-je me dispenser de lire la motion, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La motion d’amendement de l’honorable sénateur Carignan, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Martin
Batters Mockler
Boisvenu Oh
Carignan Plett
Dagenais Poirier
Housakos Seidman
MacDonald Wells—15
Marshall

CONTRE
Les honorables sénateurs

Anderson Harder
Arnot Hartling
Aucoin Jaffer
Bellemare Kingston
Bernard Klyne
Black Kutcher
Boehm LaBoucane-Benson
Boniface Lankin
Boyer Loffreda
Burey Massicotte
Busson McNair
Cardozo Mégie
Clement Miville-Dechêne
Cordy Moncion
Cormier Moodie
Cotter Omidvar
Coyle Osler
Cuzner Pate
Dalphond Patterson (Ontario)
Dasko Petitclerc
Deacon (Nouvelle-Écosse) Petten
Deacon (Ontario) Prosper
Dean Quinn
Downe Ravalia
Duncan Ringuette
Dupuis Ross
Forest Saint-Germain
Francis Simons
Galvez Sorensen
Gerba Verner
Gignac White
Gold Woo
Greenwood Yussuff—66

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Richards Wallin—3
Smith

Troisième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Yussuff, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu).

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je ne crois pas que j’arriverai à parler assez rapidement pour gagner la course contre la montre dans cette intervention, donc nous devrons peut-être procéder en deux temps. Je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu).

Honorables sénateurs, au cours des huit dernières années, nous avons vu de nombreux projets de loi franchir les étapes du processus législatif au Sénat. Si je suis charitable, je crois pouvoir dire sans me tromper qu’un nombre important de ces projets de loi sont criblés de problèmes. Certains reflètent un manque de réflexion, une tendance que nous observons chez le gouvernement actuel. Trop souvent, ce genre de projet de loi ne privilégie pas l’intérêt des Canadiens. Ces projets de loi sont hautement politiques.

À cet égard, nous connaissons tous des projets de loi comme le C-18, Loi sur les nouvelles en ligne, qui entrera en vigueur dans quelques jours à peine. Tous les avertissements que les témoins ayant comparu devant nos comités nous avaient donnés à son sujet se sont matérialisés. Le gouvernement a, bien sûr, aussi fait adopter une série de projets de loi sur le système de justice pénale, tous motivés par une approche idéologique et laxiste en matière de criminalité. Des mesures législatives comme les projets de loi C-5, C-75 et C-83 ont contribué à la hausse considérable de la criminalité, y compris des crimes violents, que nous observons à l’échelle du Canada. Non seulement ces projets de loi n’ont pas atteint leur objectif déclaré d’amélioration de la sécurité publique, mais ils ont également miné la capacité des services de police et des agents correctionnels du Canada à combattre et à maîtriser l’augmentation des crimes violents.

Maintenant, nous sommes saisis du projet de loi C-21, qui est certes l’un des projets de loi les plus clivants que le gouvernement actuel ait jamais imposé aux Canadiens. L’ancien ministre a soutenu que, comme les autres projets de loi que j’ai mentionnés, le projet de loi C-21 contribuerait à éradiquer les crimes commis avec des armes à feu au Canada.

(1740)

Il s’agit décidément d’une affirmation audacieuse, sénateurs. Elle a toutefois déjà été rejetée par la majorité des témoins qui ont comparu devant le Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense. Ils l’ont rejetée parce qu’en fait, le projet de loi ne porte pas vraiment sur les crimes commis au moyen d’une arme à feu; à vrai dire, il en fait même complètement abstraction. Il cible plutôt les propriétaires légitimes d’armes à feu, des personnes qui, en fait, respectent toujours la loi. Au cours de mon discours, j’aborderai plusieurs problèmes concernant la mesure législative à l’étude.

Premièrement, je parlerai du manque total de consultation de la part du gouvernement. Je crois que cela explique en grande partie la piètre qualité du projet de loi.

Deuxièmement, je parlerai d’un élément central du projet de loi : la fameuse interdiction d’acheter et de vendre des armes de poing légales. Il m’apparaît évident que cette mesure ne contribuera aucunement à réduire le nombre de crimes commis au moyen d’une arme à feu. Cette mesure n’aura aucun effet positif et ne servira qu’à détruire le tir sportif de compétition au Canada.

Troisièmement, je souhaite discuter de la définition élargie du terme « arme à feu prohibée » que propose le projet de loi. Cette mesure n’aura aucun effet à court terme, mais je crois qu’elle montre que le gouvernement a l’intention, à long terme, de se tourner vers la réglementation pour accomplir ce qu’il ne réussit pas à faire au moyen de lois.

Ces trois problèmes expliquent pourquoi ce projet de loi est fondamentalement mauvais et pourquoi il risque de diviser le Canada. Cela dit, si nous voulons être honnêtes, chers collègues, je crois que nous devons accepter que les libéraux souhaitent justement que ce projet de loi sème la division. C’est parce qu’ils pensent que cette division pourrait les avantager aux prochaines élections. Pour avoir l’adhésion des citadins, ils vont leur répéter les mêmes messages superficiels et simplistes selon lesquels ce projet de loi va éliminer les crimes commis au moyen d’armes à feu, mais sans leur expliquer tout ce qu’il entraînera. Je doute toutefois que leur stratégie porte ses fruits. Les libéraux vont rater leur coup parce tout le monde aura vite fait de constater qu’il se commet encore des crimes au moyen d’armes à feu et que le projet de loi C-21 n’a rien changé du tout. Ils vont quand même tenter le coup, je vous le dis.

Avec le projet de loi C-21, le gouvernement actuel essaie de refaire ce qu’un autre gouvernement libéral a réussi à faire il y a une trentaine d’années avec un projet de loi qui portait alors le numéro C-68. Présentée au milieu des années 1990, c’est cette mesure législative qui a créé le tristement fameux registre des armes d’épaule. À l’époque, le gouvernement prétendait qu’il s’agissait d’une panacée aux nombreux problèmes que les armes à feu causaient au Canada.

Comme tous les projets de loi sur les armes à feu avant lui, le projet de loi C-68 était censé faire baisser le nombre de crimes commis au moyen d’armes à feu en resserrant les restrictions imposées aux propriétaires d’armes à feu qui respectaient la loi. Le problème, c’est qu’il visait des objectifs aussi irréalistes qu’inatteignables. Le registre des armes d’épaule devait coûter à peine 2 millions de dollars, mais il a fini par coûter 2 milliards de dollars aux contribuables. Comme le dit toujours le sénateur Gold, le gouvernement disait alors qu’il entendait remédier à la situation. En soi, le registre n’a eu aucune incidence sur les crimes commis au moyen d’armes à feu. Parce que ce projet de loi n’a pas réussi à faire ce que le gouvernement avait promis qu’il ferait, il a vite perdu le soutien du public. Je pense que c’est aussi ce qui va arriver au projet de loi C-21.

C’est tout simplement impossible que le projet de loi C-21 ait l’effet qu’on dit qu’il aura parce que même si le gouvernement prétend qu’il s’attaquera aux crimes commis au moyen d’armes de poing, aucune de ses dispositions ne fera diminuer le stock d’armes de poing illégales que les gangs criminels du Canada peuvent se procurer. Non seulement le projet de loi C-21 ne fait rien pour contrer le fléau des armes illégales, il ne fera même pas baisser le nombre d’armes à feu légales qui seront en circulation au Canada. Il empêchera plutôt environ 650 000 Canadiens qui détiennent légalement une arme de poing de la vendre ou d’en acheter une autre. Cette mesure législative n’aura aucun effet sur les crimes commis au moyen d’armes à feu, mais il fera de facto des boucs émissaires de ces 650 000 Canadiens, qui feront ainsi les frais d’un problème social beaucoup plus vaste.

Le gouvernement croit probablement que ces 650 000 Canadiens seront plus faciles à gérer que les quelque 2 millions de Canadiens qui ont été ciblés par le projet de loi C-68 dans les années 1990. En définitive, le projet de loi C-21 sera tout aussi inefficace que l’était le projet de loi C-68 et il sèmera autant la discorde. En fin de compte, le projet de loi C-21 connaîtra exactement le même sort.

Pour la première partie de mon intervention, je tiens à expliquer le facteur principal qui a contribué à rendre le projet de loi C-21 aussi mauvais. Le cœur du problème, c’est l’absence totale de consultation de la part du gouvernement sur ce projet de loi. Quand le ministre actuel a comparu devant notre comité le 23 octobre dernier, il a déclaré ce qui suit au sujet des consultations :

Nous avons noué le dialogue avec des organisations des Premières Nations, des Inuits et des Métis, des collectivités rurales et nordiques, des groupes de victimes et la communauté des armes à feu, des sportifs et des tireurs sportifs dans tout le Canada pour connaître leur point de vue et nous assurer que nous respectons leurs traditions et leur mode de vie. Ces consultations ont permis de définir la voie à suivre.

Pourtant, peu de temps après que le ministre a fait cette affirmation, notre comité a commencé à entendre ses premiers témoins. Les tout premiers ont été la contrôleuse des armes à feu de l’Alberta ainsi que le contrôleur des armes à feu de la Saskatchewan. Si le gouvernement avait voulu faire preuve de sérieux dans la rédaction des nouvelles dispositions législatives sur les armes à feu, il aurait certainement consulté le groupe formé par les contrôleurs des armes à feu des provinces, peut-on croire. Pourtant, Teri Bryant, la contrôleuse des armes à feu de l’Alberta, a répondu ceci lorsqu’on lui a demandé s’il y avait eu des consultations : « Je peux répondre rapidement à la question et nous faire gagner du temps. Il n’y a eu absolument aucune consultation. »

Robert Freberg, le contrôleur des armes à feu de la Saskatchewan, a dit qu’il n’y avait pas eu de consultation. Aucune consultation. Rien.

Vu la nature tranchante de ces réponses, je me suis employé à demander aux autres témoins qui ont comparu devant le comité comment ils avaient été consultés par le gouvernement avant le dépôt du projet de loi.

Gilbert White, président de la Communauté des armes à feu de loisir de la Saskatchewan Wildlife Federation, nous a dit ceci : « La Saskatchewan Wildlife Federation n’a pas été consultée. »

Eric Schroff, directeur général de la Yukon Fish and Game Association, nous a indiqué que son organisme avait reçu une visite seulement après que le gouvernement eut déposé des amendements au projet de loi à la fin de l’année dernière. Il n’avait pas été consulté avant cela. Au moment de sa comparution, le ministre nous avait dit ceci : « [...] je ne crois pas que les chasseurs ou les groupes sportifs s’opposent au projet de loi. » Je viens de citer le ministre mot pour mot.

J’ai posé une question à M. Schroff précisément au sujet de cette affirmation et il m’a dit le contraire : « Je ne connais aucun organisme de tir sportif qui appuie le projet de loi. » Gilbert White m’a répondu la même chose : « Selon ce que j’en sais, il n’y a pas de chasseur ou d’organisme qui appuie le projet de loi C-21. » Comment le ministre peut-il prétendre de telles choses?

Marc Renaud, président de la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs, a affirmé ceci :

Au Québec, notre fédération ne connaît aucun organisme qui soutient ce projet de loi contraignant, que ce soit nos tireurs sportifs, nos clubs de tir, nos membres ou nos chasseurs.

J’ai posé la question suivante à Marcell Wilson, fondateur du mouvement One By One, à Toronto : « Connaissez-vous quelqu’un dans votre communauté que le gouvernement a consulté avant de présenter ce projet de loi? » Il m’a répondu : « Je dois dire que non, absolument personne. »

(1750)

Le 6 novembre, lorsque la sénatrice Deacon a posé la question suivante à Sandra Honour, présidente du conseil d’administration de la Fédération de tir du Canada : « Est-ce que vous-même et votre groupe avez été consultés? Avez-vous eu l’occasion de donner votre avis? » Elle a répondu ceci :

Le comité qui a examiné le projet de loi C-21 n’a pas invité la Fédération de tir du Canada à participer et il n’a pas été répondu aux différentes lettres que nous avons écrites au ministre.

Nous avons ensuite posé nos questions aux témoins qui représentaient divers organismes autochtones. Il faut se rappeler que le ministre avait expressément déclaré ceci : « Nous avons noué le dialogue avec des organisations des Premières Nations, des Inuits et des Métis […] » et « […] je ne pense pas que les populations autochtones dans leur ensemble s’opposent au projet de loi. » Or, le 6 novembre, Terry Teegee, le chef régional de l’Assemblée des Premières Nations, a déclaré ce qui suit au sujet des consultations menées auprès de son organisation :

Au mieux, elles ont été minimes, voire inexistantes. Il est certain qu’il n’y en a pas eu assez et c’est pourquoi nous avons adopté une résolution en décembre dernier.

Lorsqu’on a demandé à la cheffe Jessica Lazare, du Conseil des Mohawks de Kahnawàke, si sa Première Nation avait été consultée, elle a répondu ceci : « Nous n’avons eu qu’une seule réunion et ce n’était pas nécessairement une consultation adéquate. Je ne considérerais donc pas cela comme de la consultation. »

Le 8 novembre, Paul Irngaut, vice-président de Nunavut Tunngavik Inc., a déclaré ceci : « […] ni ITK ni NTI n’ont été pleinement consultés sur le libellé dudit projet de loi ou sur les répercussions qu’il pourrait avoir. »

Me Will David, directeur des Affaires juridiques de l’organisme Inuit Tapiriit Kanatami, a dit ceci :

Pour dire les choses simplement, il n’y a pas eu de consultations. Le ministre avait communiqué avec nous et nous avions fait une demande, mais cette consultation n’a jamais eu lieu. Nous attendons toujours.

Pas un seul représentant des organismes autochtones qui sont venus témoigner devant nous n’a dit avoir été consulté avant la présentation du projet de loi C-21, malgré ce que le ministre a clairement prétendu. N’oubliez pas qu’il s’agit du gouvernement qui a insisté pour adopter la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. À l’époque, le ministre nous avait dit que l’adoption de cette déclaration signifiait que le gouvernement allait dorénavant honorer le principe « rien de ce qui nous concerne ne doit se faire sans nous ».

J’ai demandé au chef régional Terry Teegee, de l’Assemblée des Premières Nations, ce que signifiait cet engagement s’il n’y avait pas de consultation préalable à la présentation d’un projet de loi comme celui-ci. Voici ce qu’il a répondu :

Eh bien, il est clair que cela ne répond pas à la norme que nous voulons adopter, surtout dans le cas d’un projet de loi qui peut avoir des effets très néfastes sur nos peuples autochtones. [...] Le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause signifie donc qu’il y aurait une consultation appropriée auprès des Premières Nations, et je dirais même une consultation encore plus approfondie si le projet de loi a des effets négatifs sur les Autochtones, surtout sur nos droits inhérents.

Chers collègues, je ne vois pas comment on peut parvenir à une autre conclusion que celle-ci : le ministre a purement et simplement menti devant le comité. Je rappelle à nouveau aux sénateurs ce qu’il a dit :

Nous avons noué le dialogue avec des organisations des Premières Nations, des Inuits et des Métis, des collectivités rurales et nordiques, des groupes de victimes et la communauté des armes à feu, des sportifs et des tireurs sportifs dans tout le Canada pour connaître leur point de vue et nous assurer que nous respectons leurs traditions et leur mode de vie. Ces consultations ont permis de définir la voie à suivre.

Je dirais que — uniquement à la lumière de cette affirmation — le projet de loi C-21 devrait être rejeté par le Sénat.

Ce que le ministre nous a dit est faux. Nous devons nous demander s’il devrait y avoir des conséquences quand le gouvernement ment de façon si éhontée. Je suis de ceux qui croient qu’il devrait y avoir des conséquences. Au minimum, même si certains pensent que le projet de loi ne devrait pas être rejeté pour cette seule raison, le projet de loi aurait dû, à tout le moins, être amendé de manière à exiger des consultations avant son entrée en vigueur. Les consultations sont importantes pour tout projet de loi portant sur un sujet complexe, car les experts et les intervenants de l’externe en savent toujours plus que le gouvernement sur de tels sujets.

Dans le cadre de l’étude du comité, nous avons proposé un amendement pour la tenue obligatoire de consultations, mais, bien entendu, cette proposition a été rejetée par la majorité des sénateurs nommés par le gouvernement.

Nous avons ensuite proposé un autre amendement : le gouvernement devrait, à tout le moins, être tenu de consulter les peuples autochtones avant de prendre tout règlement découlant de ce projet de loi. De telles consultations seraient nécessaires si des règlements avaient une incidence sur les droits des peuples autochtones prévus à l’article 35, mais cet amendement a lui aussi été rejeté par la majorité des sénateurs nommés par le gouvernement — non seulement au comité, mais aussi ici, au Sénat, en réponse à l’amendement proposé par le sénateur Boisvenu.

La seule conclusion qu’on peut en tirer, c’est que non seulement les principes de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ne veulent rien dire pour le gouvernement — c’est évident —, mais, en pratique, ils ne veulent pas dire grand-chose pour la majorité des sénateurs nommés par le gouvernement.

La sénatrice LaBoucane-Benson, qui nous rappelle sans cesse qu’elle vient du territoire visé par le Traité no 6, a tenté de nous dire ceci au comité :

[...] je crois fermement en une consultation véritable...

 — moi aussi —

... avec les organismes autochtones. J’ai parrainé le projet de loi sur la Déclaration des Nations unies qui a été adopté en 2021.

Elle a ajouté : « De toute évidence, j’appuie sans réserve l’idée de la consultation, et le gouvernement s’améliore. »

Je pose la question suivante à la sénatrice LaBoucane-Benson : à quel moment la réalité finira-t-elle par rattraper les beaux discours, ou les beaux discours sont-ils tout ce qui compte vraiment?

Je tiens à souligner qu’au moins trois sénateurs nommés par le gouvernement ont bel et bien pris leur rôle au sein de notre comité au sérieux. Il s’agit des sénatrices Deacon et Anderson et, bien sûr, du sénateur Richards. Ils n’étaient pas d’accord avec certains des amendements proposés, mais je pense qu’ils ont au moins examiné tous les amendements avec sérieux.

En ce qui concerne la question des consultations, la sénatrice Anderson, en particulier, a plaidé avec passion pour que les prochains examens ne se fassent pas à huis clos. Elle a parlé ouvertement de ce que ce genre d’examens superficiels avaient historiquement représenté dans le Nord. Elle a déclaré :

Pour ce qui est de l’examen, je n’ai pas confiance. Il y a constamment des examens dans le Nord. La moitié du temps, peut-être plus de la moitié, nous n’en entendons jamais plus parler une fois qu’ils sont terminés. Les gens ne savent même pas qu’il y a des examens en cours. C’est un problème. Je ne pense pas qu’un examen réglera le problème. Nous savons déjà que c’est un problème. En tant que législateurs, nous avons la responsabilité de nous attaquer à ce problème. Nous avons le pouvoir de le faire. Ne pas le faire, c’est échouer sur le plan de la réconciliation et des droits garantis par l’article 35 de la Charte. C’est inadmissible.

Je ne pense pas qu’une observation soit suffisante. Je pense que c’est insuffisant. Je suis ici depuis cinq ans. Il y a eu beaucoup d’observations au sujet des questions autochtones. Honnêtement, je ne peux pas vous en nommer une qui a été mise en œuvre.

C’est, je pense, ce qui préoccupe également les nombreuses parties prenantes qui ont comparu devant le comité.

Malgré tous les organismes autochtones et regroupements de chasseurs et de pêcheurs qui ont été entendus par le comité, c’est le bilan du gouvernement en matière de consultations qui leur fait dire que leur voix ne sera pas prise en compte dans le processus réglementaire. Le gouvernement a clairement dit qu’un processus réglementaire suivrait l’adoption de ce projet de loi — ça au moins, on le sait.

À la Chambre des communes l’an dernier, le gouvernement a voulu interdire un vaste éventail d’armes à feu, ce qui aurait directement pénalisé les chasseurs, y compris les chasseurs autochtones, mais il en a été empêché. Le risque que le futur règlement d’application de la loi soit rédigé derrière des portes closes et nuise aux chasseurs est très élevé. Bon nombre de témoins s’en sont d’ailleurs inquiétés.

Le président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, Natan Obed, a dit ceci au comité :

[...] nous n’avons vu aucune mise en œuvre à l’échelle du gouvernement des structures que nous avons essayé d’établir avec le gouvernement du Canada sur le respect systématique de nos droits et la possibilité de notre participation à des éléments comme les processus législatifs tels que les règlements. Par conséquent, nous ne sommes pas du tout convaincus que nous pourrions participer à l’élaboration de ces règlements.

(1800)

De même, Paul Irngaut, vice-président de Nunavut Tunngavik, nous a dit : « Je n’ai vraiment pas confiance que cela va se produire si ces mesures législatives sont adoptées très rapidement, comme nous l’avons vu par le passé [...] » Il a ajouté : « Nous devons être consultés au sujet de ce projet de loi sur les armes à feu. Il faut que les gens soient informés et qu’ils puissent exprimer leurs préoccupations. »

Son Honneur la Présidente : Je suis désolée de vous interrompre, sénateur Plett. Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure. Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?

Une voix : Non.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le consentement n’est pas accordé. Par conséquent, la séance est suspendue, et je quitterai le fauteuil jusqu’à 20 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

Troisième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Yussuff, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu).

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Chers collègues, Natan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, a dit ceci au comité :

[...] nous n’avons vu aucune mise en œuvre à l’échelle du gouvernement des structures que nous avons essayé d’établir avec le gouvernement du Canada sur le respect systématique de nos droits et la possibilité de notre participation à des éléments comme les processus législatifs tels que les règlements. Par conséquent, nous ne sommes pas du tout convaincus que nous pourrions participer à l’élaboration de ces règlements.

Dans le même ordre d’idées, Paul Irngaut, vice-président de la Nunavut Tunngavik, nous a dit ceci :

Je n’ai vraiment pas confiance que cela va se produire si ces mesures législatives sont adoptées très rapidement, comme nous l’avons vu par le passé [...]

Nous devons être consultés au sujet de ce projet de loi sur les armes à feu. Il faut que les gens soient informés et qu’ils puissent exprimer leurs préoccupations.

La cheffe Jessica Lazare du Conseil des Mohawks de Kahnawake a déclaré ceci :

Nous avons également des préoccupations au sujet de la tenue de véritables consultations sur la réglementation, car cette dernière aura une incidence considérable sur la façon dont nos gens peuvent se comporter et transporter leurs armes à feu. Nous souhaiterions donc voir de plus près de quoi il en retourne.

Quand cette question a fait l’objet d’une discussion au comité, certains sénateurs ont dit qu’ils voulaient avoir une meilleure idée de ce à quoi les futures consultations devraient ressembler. Par exemple, le sénateur Cardozo a demandé ceci à la cheffe Lazare :

[...] d’après ce que je comprends, si le projet de loi est adopté, le ministère responsable [...] sera alors chargé d’élaborer le règlement. Nous pourrions envisager d’être assez précis dans ce que nous lui suggérons sur la façon de mener ces consultations, en admettant qu’elles n’ont pas eu lieu plus tôt quand le gouvernement a élaboré le projet de loi.

Est-ce ainsi que nous devrions procéder?

La cheffe Lazare a répondu :

Oui. Il faudrait organiser une réunion initiale qui devrait permettre d’établir un plan. Pour mener des consultations valables, il faut avoir un plan pour s’assurer de couvrir tous les secteurs et tous les besoins des deux parties. Pour ce faire, nous devons tenir cette réunion initiale.

En réponse à tous ces témoignages, un amendement a été proposé à notre comité afin que le processus de réglementation des armes à feu s’appuie sur des consultations menées auprès des peuples autochtones. Cependant, l’amendement a été rejeté par la majorité des sénateurs du côté du gouvernement, y compris, bien sûr, le sénateur Cardozo. Le processus réglementaire reste donc entièrement entre les mains du gouvernement, qui peut en faire ce qu’il veut. À ce jour, il n’a procédé à aucune consultation et, malheureusement, c’est ce à quoi nous pouvons dorénavant nous attendre.

J’aimerais maintenant aborder ce que l’absence de consultations de la part du gouvernement pourrait entraîner comme résultats, le principal étant un projet de loi très mauvais. Dans le projet de loi C-21, on peut constater cette piètre qualité dans deux éléments bien précis, d’abord, l’interdiction proposée visant l’achat et la vente d’armes de poing légales, ensuite, la définition élargie de ce qu’on entend par arme à feu prohibée.

Au sujet de l’interdiction visant l’achat et la vente d’armes de poing légales, cet élément est le plus injustifié de tout le projet de loi, car il vise environ 650 000 Canadiens respectueux de la loi, essentiellement sans raison valable. Depuis de nombreuses décennies au Canada, les armes à feu qui sont utilisées par les tireurs sportifs formés et les collectionneurs titulaires d’un permis sont assujetties à des conditions très strictes.

N’oublions pas, chers collègues, que des restrictions très précises s’appliquent déjà à tous les propriétaires d’armes à feu à autorisation restreinte au Canada. Tous ces propriétaires doivent suivre et réussir la formation sur les armes à feu à autorisation restreinte, se soumettre à une vérification des antécédents par la police et demeurer prêts à de nouvelles vérifications subséquentes; seulement acquérir, avant l’entrée en vigueur du gel, des armes de poing pour le tir sportif ou pour en faire la collection; ne transporter les armes à feu qu’à un champ de tir approuvé; toujours protéger leurs armes de poing par deux verrous pendant le transport et l’entreposage et ne les transporter que de la manière approuvée par le contrôleur des armes à feu de leur province et enregistrer individuellement toutes leurs armes à feu à autorisation restreinte.

Selon moi, la plupart des Canadiens, ou même des sénateurs, ne sont pas réellement conscients de toutes les restrictions qui s’appliquent déjà aux titulaires de permis d’arme à feu à autorisation restreinte. Mais en formulant la question aussi simplement que possible et en présentant l’interdiction de l’achat et de la vente d’armes de poing légales comme une option simple, le gouvernement espère que ses messages simplistes convaincront ce qu’il espère être un public non informé.

Pour dire les choses franchement, la sénatrice Dasko a adopté une approche similaire dans un sondage qu’elle a commandé il y a quelques semaines. Son sondage demandait si les personnes interrogées étaient favorables au gel de la vente, du transport et de l’importation des armes de poing. La sénatrice Dasko a proclamé que 73 % des Canadiens soutenaient ou soutenaient quelque peu cet objectif du gouvernement. Mais quel contexte a été fourni dans ce sondage à propos des lois déjà existantes sur les armes de poing au Canada?

Les personnes interrogées ont-elles été informées du fait que seuls les tireurs sportifs et les collectionneurs titulaires d’une licence peuvent légalement détenir des armes de poing au Canada? Toutes les restrictions légales existantes ont-elles été clairement expliquées aux répondants? Lorsqu’un sondage pose une question générale sans fournir de contexte, le résultat est prédéterminé. Ce que les Canadiens découvriront dans les années à venir, c’est que l’interdiction par le projet de loi C-21 de l’achat et de la vente d’armes de poing légales, déjà étroitement contrôlées, n’améliorera pas leur sécurité.

Comme l’ont souligné presque tous les témoins qui ont comparu devant le comité, la grande majorité des armes de poing utilisées pour commettre des crimes au Canada sont introduites clandestinement au pays. Au cours de son témoignage devant le comité, le professeur Noah Schwartz a indiqué que :

À Montréal, 95 % des armes de poing utilisées étaient illégales, et, en Ontario, 79 % des armes de poing dont on a établi l’origine provenaient de l’étranger, surtout des États-Unis.

Voici ce que Christian Leuprecht, professeur au Collège militaire royal du Canada, a dit au comité :

Les données sont sans équivoque : plus de 90 % des armes à feu qui sont saisies après la perpétration d’un crime ou qui sont détenues illégalement au Canada ont été introduites au pays clandestinement par le crime organisé depuis les États-Unis. [...]

Montrez-moi les données qui soutiennent le projet de loi. Il n’y en a pas.

Marcell Wilson, qui a déjà été parmi les haut placés du milieu criminel torontois, a confirmé au comité que les membres des gangs ne s’intéressent qu’aux armes illégales qui sont impossibles à retracer et que les armes en question viennent principalement des États-Unis.

Voici donc la réalité, en substance : interdire la vente et l’achat d’armes de poing légales ne réduira pas le nombre d’armes à feu en circulation parce que, selon les dispositions du projet de loi, ces armes seront seulement retirées de la succession des gens après leur décès, et ce, sans compensation. Ajoutons que cette mesure n’aura aucune incidence sur les suicides, puisqu’elle ne réduira pas vraiment le nombre d’armes de poing légales en circulation.

Par ailleurs, le point suivant échappe souvent aux sénateurs du côté gouvernemental : tous les titulaires d’un permis d’arme à feu à autorisation restreinte sont aussi automatiquement titulaires d’un permis d’arme à feu sans restriction pour les armes d’épaule. Cela signifie qu’ils peuvent posséder des armes d’épaule en plus de leurs armes de poing.

(2010)

En quoi le fait de limiter ce que les titulaires de permis restreints peuvent faire avec une seule catégorie d’armes à feu a-t-il une incidence sur les autres armes à feu que ces personnes possèdent déjà légalement? La vérité, bien sûr, c’est que cela n’a aucun effet. Par conséquent, il ne peut y avoir d’incidence sur le problème des suicides par arme à feu et il ne peut y avoir non plus d’effet concret sur le problème plus vaste des armes à feu volées.

Un certain nombre de policiers, en activité ou à la retraite, ont témoigné devant le comité sur ce point très précis. Les policiers qui ont témoigné étaient unanimes pour dire que le projet de loi C-21 n’aurait aucune incidence sur le problème de la criminalité liée aux armes de poing au Canada.

M. André Gélinas, ancien sergent-détective de la police de Montréal, a déclaré qu’il n’y avait aucun lien entre la violence des gangs à Montréal et les armes à feu détenues légalement par les tireurs sportifs. Son collègue Stéphane Wall, également ancien agent de la police de Montréal, a fait exactement la même observation. Même les policiers plus haut gradés qui ont donné au gouvernement le bénéfice du doute sur le projet de loi C-21 ont néanmoins clairement exprimé leur scepticisme quant à l’efficacité du projet de loi.

Bill Fordy de l’Association canadienne des chefs de police, ou ACCP, a dit au comité :

Au sujet de la contrebande et du trafic d’armes à feu, l’ACCP continue à affirmer que la restriction de la possession légale d’armes à feu ne résoudra pas de manière significative le problème des armes à feu illégales provenant des États-Unis.

De même, Fiona Wilson, cheffe de police adjointe du Service de police de Vancouver a dit au comité :

À ce jour, en 2023, nous avons eu à Vancouver 22 incidents avec coups de feu qui ont fait trois morts et 16 blessés. Quinze de ces 21 incidents sont liés à des gangs ou sont soupçonnés de l’être.

Elle a aussi dit que dans tous les cas, sans exception, les auteurs de ces crimes commis avec des armes à feu ne sont pas des propriétaires d’armes à feu détenant un permis.

Qu’en est-il des efforts actuellement déployés par le gouvernement pour s’attaquer au véritable problème des armes à feu de contrebande? Mark Weber, président national du Syndicat des douanes et de l’immigration, a dit au comité qu’une bonne partie des mesures frontalières prises par le gouvernement ne sont que du « théâtre en matière de sécurité »; ce sont ses paroles. Aaron McCrorie, vice-président de la Direction générale du renseignement et de l’exécution de la loi de l’Agence des services frontaliers du Canada a dit au comité, en parlant des résultats obtenus par l’Agence pour stopper la contrebande d’armes à feu à la frontière, que c’est « [...] une belle réussite [dont] nous sommes très fiers ». Or, Mark Weber a rejeté catégoriquement cette affirmation lorsqu’il a comparu devant le comité. M. Weber, a déclaré que « la capacité de l’agence à endiguer le flux d’armes à feu illégales ne s’est pas améliorée d’un iota » au cours des deux dernières années.

Il a ajouté ceci :

Les agents frontaliers n’ont toujours pas la capacité d’agir entre les points d’entrée, ce qui rend plus difficile le traitement efficace de situations problématiques. Les outils tels que les scanners mobiles qui pourraient aider à intercepter la contrebande illégale, y compris les armes à feu dangereuses, tombent fréquemment en panne. Il n’y a toujours pratiquement aucune chance que soit trouvée une arme illégale entrant au pays par voie ferroviaire.

Toute personne réfléchie serait légitimement préoccupée par ce déséquilibre dans le projet de loi actuel. Un certain nombre de témoins nous ont dit que la mesure du gouvernement visant à faire passer la peine maximale pour le trafic d’armes à feu de 10 à 14 ans n’aura aucun effet sur le trafic parce que la peine maximale actuelle de 10 ans n’est jamais imposée par les tribunaux. J’ai relevé ce fait dans mes observations à l’étape de la deuxième lecture et, malheureusement, cette conclusion a été confirmée par les témoignages. Le sénateur Yussuff a demandé aux fonctionnaires du ministère de la Justice quelle était la peine moyenne pour le trafic d’armes à feu. M. Matthew Taylor, avocat général et directeur, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada, a répondu en notant ce qui suit :

[...] En 2019-2020, il y a eu une condamnation entraînant une peine de plus de deux ans. En 2018, les peines allaient de trois à six mois seulement à plus de deux ans. Donc, les peines sont ce qu’elles sont.

Le gouvernement est manifestement satisfait de ce résultat puisque les sénateurs du gouvernement ont rejeté tous les amendements proposés pour rétablir certaines peines minimales abrogées par le projet de loi C-5 pour les infractions liées aux armes à feu. Les sénateurs doivent comprendre ce que cela signifie : les membres des communautés les plus vulnérables continueront d’être les plus touchés par les crimes commis avec des armes à feu.

Voici ce que M. Marcell Wilson a dit à notre comité au sujet de l’affirmation selon laquelle le projet de loi C-21 s’attaquera aux crimes commis à l’aide d’armes à feu :

S’il vous plaît, arrêtez d’exploiter à des fins politiques des gens qui ont déjà suffisamment souffert. Nous savons mieux, nous voulons mieux et nous méritons mieux [...]

Je peux assurer une chose aux sénateurs d’en face : les Canadiens savent ou sinon sauront bientôt que le projet de loi C-21 est un écran de fumée. C’est un écran de fumée qui fait des propriétaires légitimes d’arme à feu des boucs émissaires. Il ne fera rien pour réduire la véritable activité criminelle liée aux armes à feu. En particulier, il ne fait rien pour aider les gens au sein des communautés les plus vulnérables, ce que la fréquence toujours croissante des actes criminels liés aux armes à feu et aux gangs rendra on ne peut plus évident.

Le dernier élément de ce projet de loi dont je veux parler est la définition élargie d’« arme à feu prohibée ». Avant de parler de cette disposition précise, je crois que nous devons nous rappeler que certaines armes à feu sont prohibées à des fins d’utilisation civile au Canada depuis très longtemps. C’est le cas notamment des armes à feu entièrement automatiques, des armes à feu semi-automatiques à percussion centrale pouvant recevoir un chargeur de plus de cinq cartouches, des fusils de chasse à canon scié, des pistolets à canon court et de diverses autres armes à feu qui, à un moment donné, ont été prohibées pour une raison ou une autre. Toutefois, le projet de loi C-21, prenant appui sur le décret que le gouvernement a pris en 2020, propose maintenant d’élargir la définition d’« arme à feu prohibée » tout à fait inutilement.

Dans le projet de loi, le gouvernement élargit la définition d’une arme à feu prohibée pour inclure les armes à feu qui répondent à tous les critères suivants : arme à feu qui n’est pas une arme de poing, qui tire des munitions à percussion centrale de manière semi‑automatique, qui a été conçue à l’origine avec un chargeur détachable d’une capacité de six cartouches ou plus; et qui est conçue et fabriquée à la date d’entrée en vigueur du présent alinéa ou après cette date. Une arme à feu doit satisfaire à tous ces critères pour qu’elle soit considérée comme une arme à feu prohibée selon la nouvelle définition.

Quand le sénateur Yussuff a pris la parole au sujet du projet de loi à l’étape de la troisième lecture, il a allégué que les armes d’épaule n’étaient pas du tout touchées par le projet de loi. Eh bien, je suis désolé, mais cet article du projet de loi, qui modifie le paragraphe 84(1) de la loi, touche uniquement les armes d’épaule. En fait, cet article exclut spécifiquement les armes de poing. Comme nous l’avons entendu de la part des témoins, la définition proposée est source de nombreux problèmes.

Ce que le gouvernement tente de définir, c’est une arme à feu de style arme d’assaut pour laquelle il n’existe en fait aucune définition. Je suis certain que si l’on demandait à bien des Canadiens ce que ce terme signifie, ils répondraient qu’il s’agit d’une arme à feu capable de tirer de manière entièrement automatique. En effet, si on pense à n’importe quelle carabine militaire en circulation aujourd’hui, c’est ce dont un tel fusil serait capable. Toutefois, comme je l’ai dit, au Canada, ces fusils sont légalement interdits à l’usage civil depuis de nombreuses décennies. Au lieu de cela, le gouvernement propose maintenant d’élargir la nouvelle définition afin d’interdire également les armes à feu simplement parce qu’elles tirent des munitions de manière semi‑automatique. Cependant, il ne définira ces armes à feu comme prohibées que si elles sont fabriquées après la date d’entrée en vigueur de la loi. Cela signifie que la même arme à feu sera soit prohibée, soit légale simplement en fonction de sa date de fabrication. Ce serait comme dire que la même marque de voiture est soit interdite, soit légale en fonction de la date de fabrication de la voiture. Chers collègues, ça n’a littéralement aucun sens.

(2020)

Théoriquement, cette disposition pourrait avoir une incidence sur plus d’un million d’armes de chasse au Canada, qui sont considérées comme des armes à feu sans restriction en vertu de la loi canadienne actuelle et qui ont été jugées tout à fait appropriées pour la chasse. Elle ne s’appliquera pas de cette façon parce que toutes les armes à feu semi-automatiques qui se trouvent déjà au Canada sont exemptées de cette disposition. Il en va de même pour tout fusil semi-automatique qui pourrait être importé, à condition qu’il ait été fabriqué avant la date d’entrée en vigueur de la disposition.

Les sénateurs doivent comprendre ce que cela signifie : des dizaines de millions d’armes à feu semi-automatiques sont admissibles à l’importation au Canada, simplement en fonction de leur date de fabrication. Je dois vraiment poser la question suivante : en quoi cette mesure améliore-t-elle la sécurité publique? Bien sûr, la réponse, c’est qu’elle n’a absolument aucune incidence sur la sécurité publique.

Dans ses remarques à l’étape de la troisième lecture, le sénateur Yussuff a prétendu que la mesure est inefficace parce que le projet de loi ne vise pas les armes d’épaule. Si c’est le cas, alors pourquoi cette disposition se trouve-t-elle dans le projet de loi? Un amendement a été proposé au comité afin de la retirer du projet de loi. Une fois de plus, toutefois, des sénateurs ministériels, dont le sénateur Yussuff, ont voté contre cet amendement.

Le sénateur Yussuff ne peut pas jouer sur les deux tableaux. Il ne peut pas prétendre que le projet de loi n’a aucune incidence sur les propriétaires d’armes d’épaule, puis voter contre un amendement visant à éliminer la disposition portant sur les armes d’épaule. À cet égard, il faut prendre conscience du message que le gouvernement envoie au sujet de ses intentions. Il pourrait être en train d’indiquer qu’il tente d’accomplir, par voie réglementaire, ce qu’il a été incapable de faire par voie législative l’an dernier.

Comme tellement d’armes semi-automatiques sont sans restrictions et utilisées pour la chasse, lorsque le gouvernement a tenté de faire adopter une vaste interdiction l’an dernier, des chasseurs de partout au pays — y compris, bien entendu, des chasseurs autochtones — ont réagi très négativement, à juste titre. Ils ont réagi ainsi parce que la vaste interdiction proposée n’avait aucun motif crédible. Je pense que les parties prenantes ont raison d’être très préoccupées par les intentions du gouvernement. Il semble fort probable qu’il souhaite toujours faire indirectement ce qu’il n’a pas pu faire directement.

De nombreux témoins, en particulier des chasseurs autochtones, ont la même préoccupation. Ils s’inquiètent, à juste titre, des intentions à long terme du gouvernement. Ils sont particulièrement inquiets au sujet des décisions arbitraires qui mèneront à l’interdiction de certaines des armes à feu semi-automatiques des chasseurs, mais pas d’autres. Comme l’a souligné Paul Irngaut, vice-président de Nunavut Tunngavik, lorsqu’il a comparu devant le comité, la définition proposée d’arme à feu de type « arme d’assaut » pose problème. Voici ce qu’il a dit :

La définition est trop large et englobe de nombreux fusils semi-automatiques qui sont utilisés au Nunavut pour la chasse ou comme moyen de défense contre les prédateurs.

Aux termes de l’Accord du Nunavut, les Inuits ont le droit de chasser. Pour nombre d’entre eux, la chasse est un moyen de survie essentiel.

Les fusils semi-automatiques sont un moyen humain efficace et essentiel d’éliminer rapidement les animaux et de se défendre contre les ours polaires, les grizzlis et les loups. Les chasseurs inuits apprennent à prévenir les rencontres dangereuses et à effrayer les prédateurs, mais cela ne suffit pas. Lorsqu’un ou plusieurs ours agressifs entrent dans votre cabane ou votre tente, cela peut devenir une question de vie ou de mort. Vous devez être en mesure de les faire fuir rapidement et vous n’aurez peut-être pas le loisir de recharger. Si ce projet de loi est adopté avec le maintien de l’interdiction des armes à feu semi-automatiques, nous devrons tirer avec l’intention d’abattre, ce qui entraînera une augmentation du nombre de victimes parmi les animaux sauvages.

Il a également ajouté ceci :

Nous ne sommes pas opposés à certaines dispositions de la loi, mais la définition large de ce qui est considéré comme un « fusil d’assaut » nous préoccupe beaucoup.

Chers collègues, vous devez prendre conscience qu’il s’agit d’une question de vie ou de mort pour les habitants du Nord. Ils protègent leur vie, celle de leur famille et la faune. Pour les chasseurs qui dépendent de leurs armes à feu pour leur subsistance, cette situation est, naturellement, très inquiétante.

En réponse à cela, un amendement a été proposé au comité afin de garantir la transparence du futur processus réglementaire envisagé. Les chasseurs méritent ce genre de transparence. C’est particulièrement le cas des peuples autochtones qui dépendent de la chasse de subsistance, dont les droits sont concernés et qui doivent être consultés. C’est ce que proposait l’amendement, chers collègues, mais malheureusement, comme tous les autres amendements, il a été rejeté par la majorité gouvernementale.

Les chasseurs autochtones et les autres chasseurs craignent maintenant que le gouvernement fasse ce qu’il a déjà fait en 2020 : se servir d’un décret pour sélectionner arbitrairement les armes semi-automatiques qui seront prohibées.

Nous devons être clairs. La mesure que le gouvernement a adoptée en 2020 ne comportait aucun avantage pour la sécurité publique. En fait, il s’agit de l’une des mesures les plus stupides jamais adoptées par un gouvernement canadien. Cette mesure prévoyait la prohibition de certaines armes d’épaule semi‑automatiques, principalement en raison de leur apparence, tout en laissant toutes les autres en circulation légale. Autrement dit, une arme d’épaule semi-automatique est prohibée, mais une autre — qui utilise peut-être exactement les mêmes munitions — demeure légale.

De plus, puisque le gouvernement dit qu’il indemnisera les propriétaires dont l’arme à feu est arbitrairement prohibée, rien n’empêche ces derniers de simplement utiliser cet argent pour acheter une autre arme à feu semi-automatique pouvant tirer exactement les mêmes munitions que celle qui a été prohibée. Voilà un bel exemple de raisonnement libéral.

Le directeur parlementaire du budget estime que ce programme d’indemnisation stupide coûtera aux contribuables au moins 750 millions de dollars. Quelques dollars entre amis, ce n’est rien, diront les libéraux. Essentiellement, les contribuables paieront les propriétaires d’arme à feu pour qu’ils rendent leurs armes d’épaule semi-automatiques, puis prennent cet argent pour acheter une autre arme d’épaule semi-automatique. Seul le gouvernement libéral—néo-démocrate pourrait inventer un programme aussi inutile qui, comme l’a dit le sénateur Boisvenu, finira tout de même par coûter au moins 750 millions de dollars aux contribuables, et probablement plus.

Lorsqu’il a témoigné devant notre comité, le Dr Caillin Langmann, professeur clinicien adjoint à l’Université McMaster, a dit d’un ton plein de sous-entendus :

Les milliards de dollars que coûtera probablement la confiscation d’armes à feu détenues légalement seraient sans doute mieux dépensés dans des programmes de dissuasion des jeunes et de réduction des gangs, ainsi que dans des programmes de prévention du suicide et des programmes destinés aux femmes qui quittent des foyers à risque.

Il a ensuite ajouté :

Je vois des patients ayant des idées suicidaires à cause de problèmes de dépression, et il est extrêmement difficile de leur apporter de l’aide. Les délais d’attente sont de plus de six mois pour certaines personnes. Il y a une pénurie de médecins qui travaillent dans ce domaine.

Non seulement ces mesures de confiscation n’apporteront aucun avantage pour la sécurité publique, mais elles priveront littéralement les policiers de première ligne et d’autres travailleurs de ressources très limitées. Comment une telle élaboration des politiques publiques peut-elle être acceptable?

Comment le Sénat, qui est censé procéder à un second examen objectif, peut-il approuver un projet de loi qui confirme un décret aussi stupide?

(2030)

Soyons clairs, je ne suis pas opposé à ce qu’une indemnisation soit versée dans certains cas. Les propriétaires d’armes à feu ont acquis ces dernières en toute légalité et bonne foi et il est normal que le gouvernement les indemnise s’il décide de façon arbitraire d’interdire ces armes et de les leur voler.

Par contre, cette politique n’a aucun sens du point de vue de la sécurité publique. D’ailleurs, on perd tellement notre temps avec une mesure aussi inutile que cela dépasse l’entendement — tout cela a comme seul objectif de donner l’illusion que le gouvernement « fait quelque chose ». Ils disent toujours qu’ils « prennent tout au sérieux ». C’est encore la réponse qu’on nous servira demain à la période des questions : « Nous prenons la chose au sérieux. »

Dans mes observations jusqu’à maintenant, j’ai parlé de tout ce que le projet de loi n’accomplira pas malgré les affirmations du gouvernement.

Je vais maintenant parler de l’un des impacts les plus négatifs du projet de loi, soit l’impact qu’il aura sur les tireurs sportifs et les collectionneurs. Ces Canadiens respectueux de la loi pourraient subir un impact négligeable ou un impact considérable.

Permettez-moi de commencer par les collectionneurs d’armes de poing, dont plusieurs font collection d’armes à feu anciennes.

Tony Bernardo, directeur général de l’Association des sports de tir du Canada, a dit ceci dans son témoignage au comité :

[...] il existe un certain nombre de grandes collections et un certain nombre de petites collections. Certaines collections ne comprennent que deux ou trois armes de poing, et valent disons 2 000 ou 3 000 $. Les collections plus conséquentes [...] peuvent facilement atteindre des centaines de milliers de dollars [...] J’estime que pour l’ensemble du pays, la valeur globale des armes de poing s’élève à plusieurs centaines de millions de dollars.

Il ne fait aucun doute que les collectionneurs, dont beaucoup possèdent des collections à caractère historique, sont très touchés. Ils ne peuvent plus vendre ou acheter légalement des armes de poing et au moment de leur décès, leurs collections seront confisquées par l’État.

Comparons cette conséquence manifeste à ce que le ministre nous a dit :

[...] l’idée que cela a une incidence sur les propriétaires d’armes à feu respectueux de la loi qui pratiquent des activités sportives, comme la chasse ou le tir sportif, est souvent véhiculée. Nous avons été explicites et avons fait attention pour que ces mesures ne ciblent pas ces personnes [...]

[ces gens] ne sont pas visés, touchés ni inclus dans les mesures [...]

Voilà ce que le ministre nous a dit le plus sérieusement du monde.

Encore une fois, l’affirmation du ministre est complètement déconnectée de la réalité.

Certains sénateurs ont une attitude cavalière au sujet de cette conséquence. Le sénateur Kutcher a haussé les épaules lors d’une réunion du comité et a simplement dit que « les Canadiens n’ont pas le droit constitutionnel de posséder des armes à feu ». Que, pendant des dizaines d’années, les gouvernements aient demandé aux tireurs sportifs du Canada de respecter les règles et de se conformer à des conditions très strictes s’appliquant à la possession d’armes de poing ne lui a inspiré aucune critique.

Bien que ces propriétaires légitimes d’armes à feu aient toujours respecté les règles, le gouvernement vient de décider arbitrairement de les modifier sans aucune excuse ni aucun dédommagement.

À tout le moins, le premier ministre, qui a le don de s’excuser de tout, devrait leur présenter des excuses.

Le sénateur Kutcher peut faire preuve d’une certaine désinvolture à l’égard de ce genre de trahison. Cependant, à mon avis, c’est tout à fait inacceptable.

Ironiquement, cette mesure fera aussi en sorte qu’aucun propriétaire d’armes à feu à autorisation restreinte ne les remettra. Ces armes demeureront entre les mains de particuliers, ce dont le gouvernement prétend fortement se préoccuper.

En quoi exactement cette mesure renforce-t-elle la sécurité publique? À vrai dire, en rien. Prendre pour cible les collections d’armes à feu anciennes et à caractère historique est une mesure ridicule. Cela devrait être plus qu’évident, même pour les sénateurs du côté du gouvernement.

Permettez-moi maintenant de me pencher sur les conséquences de ce projet de loi sur certains sports de tir. La vérité, c’est que ce projet de loi mettra un terme aux sports de tir au Canada. Ils seront appelés à disparaître.

Dans le cadre de cette démarche, le gouvernement prétend protéger les disciplines olympiques et paralympiques. Lorsque le ministre a comparu devant notre comité, il a déclaré ceci :

[...] [N]ous ne compromett[ons] pas la capacité des athlètes d’élite d’accéder aux armes à feu dont ils ont besoin pour leurs compétitions sportives. Il n’y a pas que les personnes qui participent à ces compétitions internationales pour représenter le Canada; il y a ceux qui s’entraînent et se préparent à avoir un jour, espérons-le, l’occasion de le faire.

Cependant, tout cela est inexact. C’est inexact même en ce moment, alors que le projet de loi n’est pas encore en vigueur.

À ce sujet, la sénatrice M. Deacon a demandé à la contrôleuse des armes à feu de l’Alberta, Teri Bryant, qui a comparu devant notre comité, ce qu’on a fait à l’égard de l’interdiction d’acheter des armes de poing avec laquelle les athlètes olympiques doivent composer depuis que le gouvernement a imposé son décret l’an dernier. Elle nous a dit ceci : « [...] [N]ous ne sommes pas parvenus une seule fois à [obtenir une exemption pour les tireurs olympiques]. » Je ne connais personne, où que ce soit, qui y soit parvenu.

Encore une fois, je rappelle que le ministre nous a dit que les compétiteurs olympiques étaient expressément exemptés et qu’on n’avait pas l’intention de les cibler. De toute évidence, honorables collègues, c’est tout à fait faux.

Quelqu’un nous a dit plus tôt que, parfois, il ne faut pas appeler un chat un chat — je paraphrase —, mais je ne suis pas autorisé à dire ce que le ministre a fait ici. C’est faux, honorables collègues. Il ne nous dit pas la vérité.

Le ministre promet à nouveau qu’il procédera à des consultations, parce qu’il est sérieux à cet égard. Il consultera sur la manière d’exempter les tireurs olympiques et paralympiques des effets de ce projet de loi.

Il a écrit une lettre à ce sujet, que le sénateur Yussuff a fièrement citée. Le ministre dit :

Je tiens à assurer au comité que des consultations auront lieu afin d’établir clairement le processus encadrant l’exception visant les sports de tir d’élite.

Comment faut-il interpréter l’expression « auront lieu »? Plus tôt, il a dit qu’elles avaient eu lieu. Avec tout le respect que je lui dois, compte tenu des antécédents du ministre, cette déclaration ne signifie absolument rien et elle n’a aucune crédibilité.

Elle ne veut surtout rien dire parce qu’en dessous du niveau olympique, le gouvernement ne fait aucune prétention : tous les autres sports de tir doivent être anéantis. Comme personne ne commence la compétition au niveau olympique, cela signifie que le Canada ne présentera bientôt plus aucun compétiteur de niveau olympique, puisque personne ne commence à ce niveau.

Chers collègues, vous serez peut-être étonnés d’apprendre que Wayne Gretzky n’a pas commencé à jouer au hockey dans la LNH. Il a plutôt commencé sur une patinoire dans son jardin à l’âge de 3 ans. Il s’est entraîné. Il a acheté des bâtons de hockey, qui n’étaient pas interdits. Ils n’étaient pas illégaux. Par contre, nos tireurs sportifs sont censés débuter aux Jeux olympiques.

Robert Freberg est le contrôleur des armes à feu de la Saskatchewan et il a déjà été un compétiteur de niveau olympique. Voici ce qu’il a dit à notre comité :

J’ai déjà été un tireur à la cible de niveau olympique, mais je n’ai pas commencé là. [...]

Quelle surprise!

[...] J’ai commencé dans un autre sport, le tir, puis j’ai acquis certaines compétences et on m’a dit « Hé! tu as du talent dans ce domaine », et j’ai monté graduellement les échelons jusqu’à atteindre le niveau olympique, et, par la suite — même si, avec l’âge, ma vue s’est affaiblie —, j’ai poursuivi dans d’autres sports de tir. Mes résultats n’atteignaient plus le niveau olympique, mais, au moins, je pouvais m’adonner à mon sport ailleurs. Cela n’est plus possible. Il n’est plus possible de former une équipe pour les Olympiques et nous n’avons aucun moyen de le faire, actuellement, avec ces règlements — on refuse tout simplement de traiter les demandes.

Cette mesure ne fera donc pas que tuer tous les sports de tir; elle laissera également les anciens athlètes olympiques dans l’incertitude quant à la possibilité de récupérer leurs investissements dans leur sport. Ces athlètes ne pourront pas non plus agir comme mentors auprès de nouveaux athlètes, car il n’y en aura pas.

(2040)

Lynda Kiejko, qui est ingénieure civile et athlète olympique, a témoigné devant notre comité. Elle a été très claire. Voici ce qu’elle a dit :

Le tir à la cible est l’une des disciplines sportives les plus inclusives et les plus susceptibles d’être pratiquées pendant toute la vie, partout dans le monde. C’est un sport qui mérite que les Canadiens s’y intéressent. L’équité de ce sport est sans pareille. Tout le monde, peu importe la morphologie, le genre ou les capacités physiques, peut pratiquer le tir à la cible. Nous pouvons tous compétitionner épaule contre épaule dans un cadre où les règles du jeu sont équitables.

Tout cela, chers collègues, est terminé. Cela n’existe plus.

Chers collègues, je suis ici depuis 2009. Des projets de loi, j’en ai vu. J’en ai vu des mauvais, mais franchement, celui-ci est le plus absurde de tous.

J’aimerais citer l’analyse faite par le professeur Christian Leuprecht lors de sa comparution devant notre comité :

Au lieu d’être honnête avec les Canadiens et d’élaborer des politiques constructives qui freineront réellement le torrent d’armes à feu criminelles en provenance des États-Unis, le projet de loi crée un faux récit contre quatre millions de propriétaires d’armes à feu légitimes, titulaires de permis et soumis à une vérification des antécédents.

Cette mesure législative est un stratagème cynique destinée à polariser la société canadienne en faisant des armes à feu un sujet de discorde avant les prochaines élections fédérales.

Ce n’est pas Pierre Poilievre qui a dit cela, chers collègues. Le professeur a poursuivi ainsi :

Depuis plus de 20 ans que j’étudie la sécurité publique et nationale dans les pays démocratiques, je n’ai jamais vu un projet de loi qui présente un tel décalage entre ses moyens et ses objectifs supposés. Voter en faveur du projet de loi revient à mépriser les données probantes, à soutenir la dérision, à attiser la polarisation, à encourager la désinformation [...]

 — « désinformation », sénateur Gold; un mot que vous êtes très prompt à utiliser chaque fois que nous nous exprimons —

 — [...] et à gaspiller de maigres ressources publiques pour des mesures politiques qui n’ont pas atteint leur but.

Je crois que nous ne pourrions pas avoir devant les yeux un sommaire plus succinct ou exact du projet de loi dont nous sommes saisis.

J’aimerais ajouter une observation à ce sujet.

Je comprends les sentiments derrière ce projet de loi. Je comprends les sentiments des victimes d’actes criminels, surtout les victimes de violence liée aux armes à feu. Je peux vous assurer que tous les sénateurs qui siègent au comité ont la plus profonde empathie envers Samantha Price et toutes les autres victimes de la violence insensée commise avec des armes à feu qui ont témoigné devant le comité. Cependant, nous avons besoin de solutions véritablement efficaces.

Comme je l’ai déjà dit, les conservateurs sont favorables à un contrôle des armes à feu raisonnable. Nous sommes favorables au régime de délivrance de permis. Nous sommes favorables aux dispositions législatives sur l’entreposage sécuritaire. Nous sommes favorables à la formation obligatoire sur le maniement des armes à feu. Nous sommes favorables à la vérification approfondie des antécédents par la police. Cependant, honorables collègues, nous ne rendrons pas service aux Canadiens si nous décidons tout simplement de céder et de faire comme si un projet de loi comme celui-ci permettrait vraiment de régler le problème de la violence liée aux armes à feu de manière concrète.

C’est aussi rendre un très mauvais service aux personnes victimes de violence liée aux armes à feu, qui seront les premières à s’apercevoir qu’en fin de compte, le projet de loi C-21 ne fait rien pour lutter contre ce genre de violence. Je pense en ce moment au témoignage de Boufeldja Benabdallah, cofondateur et porte-parole du Centre culturel islamique de Québec.

Nous sommes tous au courant de l’horrible tuerie qui a eu lieu là‑bas. Six personnes ont été assassinées et d’autres grièvement blessées dans un lieu de culte. Je ne peux m’imaginer les horreurs subies par les familles qui ont dû faire face à un crime aussi atroce.

Pour ce qui est des causes profondes, dans un cas comme celui‑là, on parle d’une haine d’une ampleur presque inimaginable. Ce genre de haine fait partie des facteurs associés à la plupart des fusillades. Cependant, comment peut-on, de façon réaliste, veiller à ce que de tels événements ne puissent jamais se reproduire?

Je crois qu’il est pratiquement impossible de garantir un tel résultat, compte tenu de ce que l’histoire nous enseigne au sujet des pires atrocités que les humains sont capables de commettre.

Dire que la solution passe par un contrôle accru des armes à feu, c’est un raisonnement simpliste. Le gouvernement a choisi cette approche lorsqu’il a interdit au hasard certaines armes à feu semi‑automatiques, mais pas d’autres.

Comme le sénateur Yussuff l’a lui-même fait remarquer, il y a au moins 12 millions d’armes à feu au Canada. Même après l’adoption du projet de loi C-21, il y aura toujours au moins 12 millions d’armes à feu au Canada. Nous avons été témoins d’autres tueries où l’arme utilisée était une automobile. À Toronto, en 2018, une fourgonnette a été utilisée pour tuer 11 personnes et en blesser beaucoup d’autres.

Honorables sénateurs, faute de pouvoir transformer l’âme humaine, nous n’arrêterons pas ce genre d’événements.

Ce qui me préoccupe également dans le cas de la tragédie de Québec, c’est le message que nous avons envoyé, en tant que société, par notre réaction à cet attentat. Dans un premier temps, l’auteur de ce crime a été condamné à l’emprisonnement à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle avant 40 ans. Pour être franc, je pense que c’était une peine trop légère compte tenu du crime terrible que cet individu a commis. Pourtant, aux yeux des juges de la Cour suprême, cette peine était trop sévère. Ils l’ont réduite pour que l’auteur soit un jour admissible à la libération conditionnelle, afin qu’il puisse récidiver.

Franchement, il s’agit d’une décision scandaleuse, et le gouvernement du Canada s’est contenté de l’accepter, même s’il avait des moyens, sur le plan législatif, de dire à la Cour : « Non, nous ne sommes pas d’accord avec votre décision et nous allons la renverser. »

En tant que société, nous ne pouvons pas simplement plier l’échine et accepter des décisions qui ne font pas répondre les auteurs des pires actes criminels de ceux qu’ils ont commis. Pourtant, le gouvernement le fait constamment.

Il est tout simplement inacceptable de plutôt promulguer des lois sur le contrôle des armes à feu en sachant qu’elles ne fonctionneront pas. Il est particulièrement inacceptable pour le gouvernement de cibler 650 000 Canadiens afin de faire d’eux les boucs émissaires pour tout ce qu’il y a de mal dans la société. C’est tout simplement inacceptable. Pourtant, c’est ce qu’on nous propose par la voie du projet de loi C-21.

Ce projet de loi a été conçu à Ottawa par des gens qui recherchent des formules simples à réciter pour bien faire paraître le gouvernement et qui, bien franchement, ne comprennent pas les autres régions du pays. Est-ce que cela vous fait penser à un autre projet de loi dont nous avons traité aujourd’hui?

De nombreux témoins s’en sont plaints, notamment des Autochtones, y compris les témoins inuits, qui ont parlé du fait que le Nord n’a même pas ses propres contrôleurs des armes à feu. Au lieu de cela, les contrôleurs des armes à feu responsables du Nord résident dans le Sud du Canada.

Les gens de Toronto et de Montréal prétendent savoir ce qui sert le mieux l’intérêt des agriculteurs de la Saskatchewan. C’est une grosse partie du problème : le projet de loi a été conçu à Ottawa par les élites du Centre du Canada, qui ne comprennent tout simplement pas les autres parties et les autres populations du Canada et qui, bien franchement, ne cherchent pas à les comprendre.

En ce sens, le projet de loi C-21 est exactement comme le projet de loi C-68 d’il y a trois décennies. Il échouera pour les mêmes raisons. Ne vous y trompez pas, chers collègues : ce projet de loi sera annulé. Voilà le bon côté de la situation. C’est le résultat inévitable de ce que nous faisons aujourd’hui. Cependant, dans l’intervalle, tout ce que nous aurons accompli, c’est de semer encore plus la division dans notre merveilleux pays.

(2050)

On m’a accusé de retarder l’adoption de ce projet de loi. C’est ce qu’a dit le ministre, ainsi que d’autres députés ministériels. Tout cela fait partie intégrante de la politique de la division du gouvernement actuel. On m’a dit que je retardais l’adoption du projet de loi avant même que le Sénat en soit saisi. Avant même qu’il soit renvoyé ici, le gouvernement publiait des gazouillis disant : « Le sénateur Plett retarde l’adoption du projet de loi C-21. »

Cependant, même s’il s’agit de l’un des projets de loi les plus stupides jamais présentés par le gouvernement, le projet de loi C-21 a progressé au Sénat.

Une voix : Et pourtant, il en a présenté beaucoup.

Le sénateur Plett : Et pourtant, il en a présenté beaucoup, oui. Le plus triste, c’est qu’il a encore le temps d’en présenter d’autres.

Quoi qu’il en soit, depuis le premier jour et encore aujourd’hui, le projet de loi progresse au Sénat selon le calendrier négocié par le gouvernement libéral, le leader du gouvernement au Sénat et le leader de l’opposition. Toutes les réunions du comité ont été planifiées par consensus entre tous les membres du comité.

Je tiens à remercier le sénateur Tony Dean pour l’esprit de collaboration dont il a fait preuve avec les membres de notre parti pour fixer le calendrier des réunions et faire venir les témoins que nous avions demandé d’entendre. L’opposition conservatrice a accepté que les réunions du comité aient lieu pendant les plages horaires habituelles du lundi. Nous avons également accepté de siéger le lundi suivant une semaine de relâche. Nous avons accepté de nous réunir le mercredi, pendant la plage horaire du comité des anciens combattants, et au cours de journées supplémentaires.

L’étude article par article du projet de loi s’est terminée le 4 décembre, exactement comme nous en avions convenu. Pourtant, le message politique du gouvernement demeure le même : les conservateurs retardent l’adoption de ce projet de loi.

Aux fins du compte rendu, je précise que, la semaine dernière, j’ai dit au sénateur Gold que je voulais être le premier à intervenir aujourd’hui. Je suis le porte-parole pour ce projet de loi. Normalement, la coutume veut que le porte-parole intervienne en dernier. J’ai demandé à intervenir en premier. Pourquoi? Parce que je retarde l’adoption du projet de loi? Cela n’a aucun sens.

Je dois admettre que l’opposition officielle a cherché des moyens de rejeter ce projet de loi. Sans une intervention divine, je ne crois pas que ce soit possible. Cependant, la plupart des témoins que le comité a reçus nous ont demandé de le torpiller ou encore de lui apporter d’importants amendements. Malheureusement, nous n’avons pas su répondre à leurs demandes. Nous avons essayé, mais un grand nombre de membres du gouvernement ont dit : « Le projet de loi sera adopté. Bon ou mauvais, ce n’est pas grave. Il envoie le bon message et nous allons l’adopter. »

La raison pour laquelle nous avons tout fait pour rejeter le projet de loi, c’est qu’il n’est pas bon pour le Canada, et les conservateurs ont à cœur le sort du Canada. Nous avons notre pays à cœur. Nous ne sommes pas à la fin du processus; ce n’est que le commencement de la regrettable obligation que nous avons maintenant d’éliminer cette mauvaise mesure législative. Nous voulions faire tout en notre pouvoir pour empêcher son adoption.

Or, c’est exactement ce que le gouvernement actuel souhaite, et c’est le résultat qu’il obtient.

En conclusion — et je sais que vous attendez ces mots depuis un bon moment; pour certains, « en conclusion » signifie seulement qu’il reste encore 20 minutes —, je veux revenir sur un seul des nombreux problèmes liés à ce projet de loi : ses répercussions sur toute la gamme des sports de tir au Canada. Ce projet de loi anéantirait non seulement tous les sports de tir au Canada, mais il forcerait la fermeture des champs de tir privés où un grand nombre de nos policiers vont se pratiquer afin de maintenir leur niveau de compétence.

Encore une fois, la sénatrice Deacon est l’une de ces personnes nommées par le gouvernement Trudeau qui pense réellement par elle-même et qui a de bonnes idées — c’était d’ailleurs l’une de ses idées. Elle a proposé un amendement au comité, mais il a été rejeté par la majorité libérale. Toutefois, j’estime que nous devrions maintenant l’examiner à nouveau. Je crois sincèrement qu’il faut le réexaminer. Je sais que le sénateur Yussuff pense que, une fois rejeté, il devrait le rester — à moins qu’il n’approuve pas le rejet d’un amendement; dans ce cas-là, nous faisons une exception, bien sûr.

L’amendement ferait que toute discipline de tir serait reconnue comme étant légitime afin qu’une personne puisse acheter ou vendre des armes de poing pertinentes à cette discipline.

Le comité a entendu de nombreux témoignages à ce sujet. J’ai déjà mentionné ce qu’une athlète olympique, Lynda Kiejko, avait dit au comité. J’ai aussi cité les propos de M. Robert Freberg, contrôleur des armes à feu de la Saskatchewan, au sujet du même problème. Je citerai maintenant un autre témoin, James Smith, président et coordonnateur national des agents de terrain, Confédération internationale de tir pratique du Canada. Voici ce qu’il a dit au comité :

Même s’il n’interdit pas carrément les armes de poing, le projet de loi C-21 condamne notre sport à une mort lente au Canada. Sans nouveaux athlètes pour prendre la relève des compétiteurs actuels et sans moyen de renouveler l’équipement qui s’use avec le temps, notre sport va finir par disparaître. Il n’y aura plus de champs de tir pour les policiers et les autres organismes qui s’en servent pour l’entraînement et il n’y aura plus de tireurs de calibre olympique.

Vous remarquerez, chers collègues, qu’il ne parle pas d’une simple possibilité, mais bien d’un fait lorsqu’il dit qu’« il n’y aura plus de champs de tir ».

L’amendement proposé au départ par la sénatrice Deacon vise à corriger au moins partiellement une lacune considérable du projet de loi, puisqu’il reconnaîtra toutes les disciplines de tir sportif. Il requiert que l’arme de poing en question soit appropriée et nécessaire à la pratique de cette discipline.

Certains pourraient faire valoir que l’amendement rétablirait le statu quo en ce qui concerne l’achat d’armes de poing. Malheureusement, ce n’est pas le cas. L’amendement ne ferait que reconnaître davantage de disciplines de tir sous les auspices du projet de loi. Il exigera que, pour participer à une discipline de tir, l’individu soit membre d’un club qui propose cette discipline.

Je vais répéter ce que les témoins ont dit : à moins que le projet de loi ne reconnaisse et ne protège les autres disciplines de tir qui génèrent les tireurs susceptibles d’être assez bons pour participer au tir de niveau olympique, l’exemption pour les athlètes de niveau olympique qui figure déjà dans le projet de loi est totalement inutile.

Chers collègues, voici les mots que vous attendez tous depuis une heure. Je vous demande donc d’appuyer ce que je m’apprête à proposer.

Motion d’amendement—Report du vote

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-21 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à l’article 43, à la page 49, par substitution, aux lignes 26 à 31, de ce qui suit :

« tion des sports de tir précisant que le particulier pratique une discipline de tir à l’arme de poing, que l’arme de poing est appropriée et lui est nécessaire pour ce faire et la discipline en ques- ».

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, l’honorable sénateur Plett, avec l’appui de l’honorable sénatrice Martin, propose en amendement... Puis-je me dispenser de lire l’amendement?

Des voix : Oui.

(2100)

L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, je prends la parole brièvement au sujet de l’amendement de mon collègue le sénateur Plett. J’ai présenté un amendement semblable ou identique lors de l’étude article par article, et je félicite chaudement le sénateur Plett de se soucier aussi sincèrement des athlètes. Toutefois, dans le but de me faire ma propre idée, j’ai continué à réfléchir après la dernière réunion du comité, il y a quelques semaines, et j’ai réfléchi longuement, puis j’ai agi.

Je partage évidemment les préoccupations du sénateur Plett. J’ai travaillé directement avec de nombreux tireurs de haut niveau et j’ai été témoin des difficultés qu’ils rencontrent pour déplacer leur matériel de compétition dans les meilleures conditions. Déplacer ces armes à travers le monde constitue un très grand défi.

Au comité, nous avons entendu deux contrôleurs d’armes à feu et des athlètes — et vous avez déjà entendu une partie de leurs témoignages aujourd’hui — craignant que le tir à l’arme de poing dans les disciplines sportives canadiennes ne disparaisse complètement à cause de cette mesure législative. Bien sûr, j’étais très sensible à cette question, et c’est pourquoi j’ai tenté d’amender le projet de loi au comité, mais mon amendement a été rejeté. Bien qu’il ait été rejeté, je suis reconnaissante que le comité ait accordé à cette question toute l’attention requise.

Depuis, j’ai reçu des nouvelles du bureau du ministre, qui a pris acte de mes préoccupations, et je lui en sais gré. L’intention du gouvernement n’est pas d’éliminer les sports de tir au Canada pour les jeunes, les débutants ou les aînés. Notre comité a également reçu, comme vous l’avez entendu récemment, un message du ministre LeBlanc réitérant cet engagement. Voici ce qu’il écrit aux troisième et quatrième paragraphes de sa lettre :

Ils veulent trouver un équilibre entre la capacité de permettre les sports et les compétitions de tir et celle d’empêcher que des gens se servent de ce prétexte comme moyen détourné pour posséder des armes de poing.

Je comprends cela. C’est une question délicate qui devra être réglée par voie réglementaire. Je dois au moins laisser la chance au ministre de tenir parole.

Des mesures ont déjà été prises relativement aux contrôleurs des armes à feu dans le Nord, et ce, grâce au travail de notre comité — pas parce que le projet de loi avait été adopté ou approuvé, mais grâce au travail du comité. Je choisis donc de croire que le ministre va respecter l’engagement qu’il a pris dans sa lettre en ce qui concerne les sports de tir.

Au nom des Canadiens, j’ai promis aux tireurs sportifs que je ne lâcherais pas le morceau. Je suis à l’aise avec le projet de loi dans sa forme actuelle.

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Une voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement? Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Conformément à l’article 9-10(1) du Règlement et à l’ordre adopté le 21 septembre 2022, le vote est reporté à 16 h 15 demain, et la sonnerie retentira à compter de 16 heures.

Fixation de délai—Préavis de motion

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’avise le Sénat que je n’ai pas pu m’entendre avec les représentants des partis reconnus sur un nombre d’heures de débat à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu).

Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l’article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu).

La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Wells, appuyée par l’honorable sénatrice Batters, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, tel que modifié.

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je prends de nouveau la parole à l’étape de la troisième lecture pour vous demander d’appuyer le projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, bien qu’il ait été amendé. Comme vous vous en doutez peut-être, je tiens d’abord à exprimer ma frustration et ma déception à l’égard du fait que ce projet de loi a été modifié à deux reprises, d’autant plus que ces amendements avaient déjà été débattus, comme on l’a mentionné en comité, et qu’ils avaient été rejetés dans cette Chambre de second examen objectif lorsque mes collègues ont rejeté le rapport du Comité de l’agriculture et des forêts. L’industrie était très reconnaissante envers les députés qui n’ont pas appuyé le rapport.

Il y a quelques semaines, de nombreux acteurs du secteur agricole m’ont fait part de leur soutien à cette décision. Je suppose que c’est aussi le cas pour beaucoup d’entre vous qui avez voté contre. Alors que j’étais à la COP 28 à Dubaï la semaine dernière, j’ai été réveillé pendant la nuit par plusieurs courriels provenant d’intervenants qui exprimaient leur grande déception quant à l’adoption du premier de ce qui est maintenant deux amendements adoptés dans cette Chambre. J’ai moi aussi été déçu d’apprendre qu’une majorité de nos collègues appuyaient un amendement semblable à celui qui figurait dans le rapport du Comité de l’agriculture et des forêts, que cette Chambre a rejeté. Chers collègues, lors de la COP 28, il est devenu évident que la décision prise dans cette Chambre la semaine dernière a eu des répercussions au-delà de nos frontières et dans le monde entier. J’ai entendu la déception suscitée par l’amendement de la part de nombreux intervenants que j’ai rencontrés à la COP 28 à Dubaï. À titre d’information, chers collègues, depuis que ce projet de loi est au Sénat, j’ai reçu plus de 2 500 lettres et plus de 2 000 courriels de la part d’agriculteurs, d’éleveurs et de producteurs, qui m’ont tous fait part de leur appui à une version non amendée du projet de loi C-234.

Depuis la semaine dernière, un certain nombre de personnes m’ont à nouveau contacté pour exprimer leur déception à l’égard du projet de loi amendé. Ils ont utilisé des mots et des commentaires comme « le Sénat fait de l’obstruction », « le Sénat ne comprend pas notre situation », « certains sénateurs sont vraiment mal informés », « le Sénat méprise les agriculteurs, n’est-ce pas? » et « il est temps de se débarrasser du Sénat ».

Chers collègues, ces commentaires me dérangent beaucoup.

Je ne suis pas fier de ce qui s’est passé au Sénat ces dernières semaines au sujet du projet de loi C-234. Nous avons laissé tomber un segment très important de la population canadienne, et je demeure inquiet de ne pas avoir suffisamment bien fait mon travail en tant que sénateur représentant le milieu agricole au Canada, car c’est ce qu’on m’a demandé de faire lorsque le premier ministre m’a invité au Sénat.

Bien que je pense qu’il s’agit maintenant d’un projet de loi très imparfait et que l’industrie est d’accord avec moi à ce sujet, nous devons l’adopter maintenant afin de le renvoyer dès que possible aux représentants élus qui ont voté en faveur de sa version initiale. Ils pourront alors décider s’ils acceptent ou non ce projet de loi amendé.

Même si j’espère qu’il en sortira peut-être quelque chose de positif et qu’il nous reviendra dans sa forme initiale, comme mon honorable collègue le sénateur Wells l’a déjà indiqué, le parcours de ce projet de loi amendé à l’autre endroit pourrait être long et difficile.

Ce sont les agriculteurs, les éleveurs et les producteurs canadiens qui sont les perdants dans tout cela. Honorables collègues, en appuyant ce projet de loi amendé de manière à ne soutenir que le séchage du grain effectué par les agriculteurs de partout au pays, nous pouvons encore démontrer notre détermination à offrir à nos agriculteurs, à nos éleveurs et à nos producteurs un environnement qui favorise leur épanouissement afin qu’ils puissent continuer de faire ce travail essentiel qui consiste à nourrir notre grand pays.

(2110)

Bien que — et je le répète —, il soit extrêmement regrettable que ce projet de loi ait été modifié, nous devons continuer à témoigner notre soutien aux milliers d’agriculteurs qui en bénéficieront.

Chers collègues, les agriculteurs sont progressistes. Ils sont ambitieux, déterminés et désireux d’employer des technologies novatrices afin de permettre au secteur agricole de progresser. Les agriculteurs comprennent l’importance de l’innovation et du progrès pour lutter contre les changements climatiques, et ils ne cesseront d’innover. Or, ce n’est pas en limitant leurs capacités financières et en les obligeant à porter le fardeau injuste d’une taxe sur leur gagne-pain qu’on les y encouragera. Ce n’est pas non plus en leur imposant une réglementation plus stricte, comme celle que le gouvernement examine et étudie, qu’on les y incitera.

Honorables collègues, je vous demande respectueusement de voter en faveur de ce projet de loi modifié, au nom des agriculteurs et des producteurs locaux que vous représentez. Adoptez ce projet de loi sans attendre pour exprimer votre soutien aux agriculteurs, aux éleveurs et aux producteurs qui nous nourrissent trois fois par jour, sept jours sur sept et 365 jours par an. Quel que soit le motif qui vous anime, tout ce que je vous demande, c’est de voter en faveur des agriculteurs, des éleveurs et des producteurs qui bénéficieront des mesures prévues par le projet de loi C-234 modifié. Ils implorent le gouvernement d’alléger le fardeau de la taxe sur le carbone.

Ensemble, nous pouvons assurer un avenir meilleur et plus prospère à certains agriculteurs et, ce faisant, nous pouvons soutenir ceux qui subviennent quotidiennement à nos besoins.

Merci, meegwetch.

L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, tout d’abord, je tiens à dire, en réponse à notre ami et à notre collègue le sénateur Black, que les agriculteurs, les éleveurs et les producteurs n’ont pas de meilleur allié que vous, sénateur Black, pour défendre leurs intérêts et dénoncer les problèmes auxquels ce secteur est confronté. Si ce n’est pas une opinion unanime, je suis certain que nous sommes nombreux à le penser.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Dean : Je vais parler brièvement du projet de loi C-234. Je voudrais d’abord remercier mes collègues et tous ceux qui ont apporté leur importante contribution au débat. Nous en avons appris beaucoup au sujet du séchage du grain et du chauffage des bâtiments agricoles, n’est-ce pas?

Je voudrais mettre en relief certains des arguments qui m’ont le plus convaincu au cours des débats. En commençant, pour que ce soit clair, chers collègues, je n’ai reçu aucun appel téléphonique. J’ai gardé l’œil sur mon téléphone et j’ai attendu qu’il sonne, mais en vain.

La sénatrice Ringuette nous a rappelé que le directeur parlementaire du budget a publié un rapport le 15 juin 2023 indiquant que plus de 90 % de l’essence et du diésel employés par les agriculteurs sont déjà visés par une exemption de la taxe sur le carbone. C’est un bon début. Un rapport d’Agriculture et Agroalimentaire Canada indique que les carburants les plus utilisés dans les exploitations agricoles sont l’essence et le diésel, tous deux visés par une exemption. Cependant, la majorité de l’équipement de séchage fonctionne au gaz naturel ou au propane, deux combustibles assujettis à la redevance fédérale sur les combustibles, dans les provinces et territoires où elle s’applique, et c’est de cela que nous avons parlé.

Dans son rapport, le directeur parlementaire du budget a ajouté qu’avec cette exemption, près de 10 % des émissions de carbone du Canada feraient l’objet d’une exemption. En ce qui concerne le séchage du grain, qui est visé par la taxe, selon l’information reçue, Agriculture et Agroalimentaire Canada estime qu’en ce qui a trait au séchage du grain, le coût moyen de la tarification de la pollution peut correspondre, selon la province, à 0,05 % à 0,38 % des coûts de fonctionnement nets d’une exploitation agricole moyenne, ce qui équivaut à un montant de 210 $ à 774 $. Voilà pour le séchage du grain.

Le sénateur Dalphond nous a dit que la part des dépenses consacrée aux combustibles de chauffage pour les bâtiments agricoles représente moins de 1 % des dépenses de fonctionnement des exploitations agricoles canadiennes. Pour être très précis, elle représentait 0,9 % des dépenses en 2019, 0,8 % des dépenses en 2020 — y compris la taxe sur le carbone — et le même pourcentage en 2021. Ainsi, la tarification du carbone qui s’applique au séchage du grain et aux combustibles de chauffage compte pour moins de 1 % des coûts de fonctionnement d’un agriculteur.

Le sénateur Woo nous a rappelé que les incitatifs offerts grâce à la redevance sur le carbone pour l’agriculture, en particulier les incitatifs économiques pour l’adoption de technologies plus écoénergétiques, peuvent aider à compenser les émissions tout en réduisant les coûts pour les agriculteurs à long terme. Bon nombre de ces technologies sont déjà accessibles; d’autres ne le sont pas, mais offrir cet incitatif est une première étape importante pour encourager les secteurs à forte intensité carbonique à investir dans des technologies plus efficaces. Si on accorde un répit à ces secteurs dès maintenant, cela ne fera que rendre la transition plus difficile dans l’avenir, et cette transition est inévitable.

Les amendements du sénateur Woo et du sénateur Dalphond répondent tous les deux à ces préoccupations. L’amendement du sénateur Woo ferait passer la période de transition prévue par le projet de loi de huit ans à trois ans, tandis que celui du sénateur Dalphond viendrait restreindre l’exemption pour qu’elle ne s’applique qu’au séchage du grain et non au chauffage des bâtiments agricoles.

Je souhaite parler brièvement du paysage agricole du Canada. Comme bon nombre d’entre nous le savent, le croient et le constatent, il y a encore beaucoup de petites fermes au Canada. Toutefois, l’envergure des exploitations agricoles connaît de profonds changements. Tout ce paysage connaît une transformation rapide et considérable tant en ce qui concerne la taille des entreprises que leur structure financière. Un nombre croissant de fermes se constituent en société.

En 2021, environ un quart des fermes du Canada étaient considérées comme des sociétés, détenues ou non par une famille. Il s’agit d’une augmentation par rapport à 2015, alors qu’un cinquième des fermes faisaient partie de cette catégorie. Le nombre de fermes constituées en société augmente constamment depuis quelques décennies, notamment parce que, comme on le sait, au fil du temps, le traitement fiscal des sociétés est devenu de plus en plus avantageux par rapport à celui des petites entreprises.

D’après Statistique Canada, en 2020, plus de la moitié des revenus d’exploitation totaux du Canada provenaient de 4,1 % des exploitations agricoles, qui appartenaient toutes à la catégorie de revenu de 2 000 000 $ et plus. On parle bien de plus de 50 % des revenus agricoles, chers collègues, comparativement à 41,5 % cinq ans plus tôt.

Par ailleurs, les exploitations agricoles des trois premières classes de revenus, soit de 500 000 $ à 1 million de dollars, de 1 million à 2 millions de dollars et de plus de 2 millions de dollars, ont représenté 82,3 % des revenus d’exploitation en 2020, soit une augmentation de 75 % par rapport à l’année précédente.

Un rapport de données d’Agriculture et Agroalimentaire Canada nous indique que les coûts doivent normalement varier selon la taille de l’exploitation agricole. Les exploitations les plus importantes ont des coûts supérieurs à la moyenne, tandis que les petites exploitations ont des coûts inférieurs à la moyenne. Bien que les coûts de séchage ne soient pas nécessairement proportionnels à la taille de l’exploitation agricole, il devrait normalement y avoir une forte corrélation.

Quoique le revenu brut moyen d’un producteur de grain et d’oléagineux canadien soit de 460 000 $ par année, plus de 2 000 producteurs ont des revenus dépassant les 2 millions de dollars par année, ce qui fait que la tarification de la pollution par le carbone pourrait leur coûter passablement plus cher que les moyennes provinciales. Si vous voulez être honnêtes au sujet des effets de ce projet de loi, chers collègues, vous devez admettre qu’il aidera les grandes entreprises d’exploitation agricole industrielle à s’emparer d’une plus grande part de marché en leur accordant un allégement fiscal. C’est le même genre d’aide que ces entreprises auraient reçue grâce au projet de loi C-208, dont certains d’entre vous se souviendront comme le projet de loi des agriculteurs et des pêcheurs et qui a été adopté très rapidement par le Sénat il y a quelques années. Il visait à aider les exploitations agricoles à se constituer en personnes morales. Chers collègues, les petites exploitations agricoles profiteraient bien entendu de ce que prévoit le projet de loi C-234, mais les grandes exploitations d’envergure industrielle seraient de loin les plus avantagées.

Enfin, je voudrais parler brièvement des changements climatiques et de la carboneutralité, qui semblent avoir été des sujets marginaux dans ce débat. La sénatrice Ringuette a posé une question très pertinente : quel est le coût des changements climatiques pour notre économie?

Tandis que nous débattons au Sénat du coût économique pour les agriculteurs, nous devons reconnaître le coût pour nos enfants, pour nos petits-enfants et pour leur capacité à vivre confortablement sur cette planète, qui est déjà fortement menacée. La température augmente chaque année. Nous battons des records en matière de températures extrêmes et de catastrophes naturelles dans le monde entier. Nous savons que le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde et que l’Arctique se réchauffe trois fois plus vite. Cette situation n’est pas viable, et nous devons tous faire des sacrifices sur le chemin vers la carboneutralité — surtout les entreprises puisqu’elles sont les plus grandes productrices d’émissions.

Si nous avions adopté le projet de loi dans sa forme initiale, je pense que nous aurions affaibli la stratégie du Canada pour atteindre la carboneutralité. Certains collègues ont laissé entendre que le gouvernement l’avait déjà affaiblie avec ses exemptions pour le mazout domestique, et je pense qu’il s’agit d’un argument raisonnable.

(2120)

Le gouvernement a certainement permis à d’autres groupes et à d’autres provinces de prétendre qu’ils devraient être exemptés de la taxe sur le carbone. Chers collègues, nous ne devrions pas encourager la voie des exemptions. Nous le devons aux générations futures. En outre, je crois que le projet de loi C-234, tel qu’amendé, parvient à trouver le juste équilibre entre tous ces éléments. Merci beaucoup.

L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour dire quelques mots et ajouter quelques observations à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-234, tel qu’amendé.

Comme je l’ai dit dans mon discours lors du débat à l’étape du rapport, le fédéralisme est difficile. Les négociations fédérales‑provinciales-territoriales et nos relations avec les Autochtones diffèrent d’un bout à l’autre de ce vaste pays. Notre situation au Canada doit être l’une des formes les plus difficiles — si ce n’est la plus difficile — de fédéralisme au service d’une population répartie sur un vaste territoire.

Néanmoins, malgré ces difficultés, les gouvernements de toutes les allégeances politiques et à tous les échelons lancent un certain nombre d’initiatives, notamment des mesures législatives, dans le but de répondre aux besoins des citoyens, tout en se rappelant que nous faisons partie d’une communauté mondiale.

Parfois, ces initiatives connaissent assez facilement du succès, et parfois, comme ma tante écossaise avait l’habitude de le dire : « C’est simplement que l’impossible prend un peu plus de temps. »

La plupart des Canadiens — et je suis sûre que la sénatrice Dasko pourrait me dire combien — reconnaissent que les changements climatiques sont un problème mondial et que le Canada a un rôle à jouer à cet égard. La partie impossible, du moins, dans le discours public, semble maintenant être de savoir comment persuader autant que possible la population d’apporter des changements pour relever les défis des changements climatiques.

Les gouvernements dûment élus — les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, les administrations municipales et les gouvernements autochtones et des Premières Nations — cherchent des options. Le Canada, s’appuyant sur des données scientifiques et économiques — comme l’ont expliqué des sénateurs qui en savent plus que moi sur le sujet —, a mis en place une taxe sur le carbone afin d’encourager une réduction de l’utilisation des combustibles fossiles. Il a beaucoup été question de la taxe sur le carbone dans les discussions sur le projet de loi C-234. Je voulais ajouter le point de vue du Yukon à nos délibérations ici pour montrer à quel point une solution universelle ne convient pas à tous dans cette fédération.

Le Yukon a adhéré au régime fédéral de la taxe sur le carbone parce que nous sommes tout à fait d’accord avec l’idée de réduire les émissions et que nous faisons de notre mieux pour y arriver. Pendant que nous débattions de ce projet de loi, le gouvernement a décidé d’exempter de la taxe sur le carbone les ménages qui chauffent leur maison au mazout. Certains ont dit qu’il s’agissait d’un allégement injuste accordé aux Canadiens des provinces de l’Atlantique. L’exemption s’applique au Yukon. Il est important de connaître le contexte et la situation au Yukon, et je suis heureuse d’avoir l’occasion de représenter ma région.

C’est compliqué. Au Yukon, l’électricité provient à 93,9 % de l’hydroélectricité. La Société d’énergie du Yukon a récemment installé quatre nouvelles éoliennes après avoir mis hors service celles installées en 1993 et en 2000. On estime que les éoliennes fourniront de l’électricité à 650 foyers. C’est un ajout des plus bienvenus à l’approvisionnement en électricité.

Chers collègues, vous savez peut-être que la mairesse Cabott de Whitehorse m’a récemment informée que la population de sa ville avait augmenté de 12,5 %. Les logements bâtis pour cette population utilisent, dans l’ensemble, le chauffage électrique, dont le coût varie de 150 $ à presque 1 000 $ par mois selon la période de l’année et la température à laquelle les gens règlent leur thermostat.

La majeure partie de notre énergie provient de l’hydroélectricité, avec de l’énergie éolienne maintenant utilisée comme énergie d’appoint. Les Premières Nations autonomes et certaines n’ayant pas signé d’accord définitif installent des parcs solaires dans leurs communautés. Des milliers de Yukonnais ont installé des panneaux solaires. Une installation de stockage d’énergie par batteries à l’hydrogène est en cours de construction. Ces initiatives sont le fruit de partenariats bénéficiant d’une aide financière substantielle du gouvernement du Canada, du gouvernement du Yukon et des sociétés de développement des Premières Nations du Yukon.

Malgré ces efforts, le Yukon a un besoin urgent de plus d’électricité. La centrale hydroélectrique de Whitehorse est également alimentée tout au long de l’hiver par des génératrices au diésel, parfois jusqu’à sept, qui fonctionnent jour et nuit. Le carburant de ces génératrices arrive par la route de l’Alaska, transporté par train double de type B, dont le moteur est alimenté au diésel — soit à partir de l’Alberta ou de l’autre extrémité de la route — ou acheminé depuis le port de Skagway, en Alaska. Le carburant utilisé est le diésel. On se sert du carburant le plus sale pour apporter encore plus de carburant sale. En tout, 49 % des Yukonnais se chauffent au diésel. De nombreux Yukonnais se chauffent au bois, une option également polluante pour l’environnement; 4 % utilisent du propane; les autres se chauffent à l’électricité, certains avec le bois comme chauffage d’appoint.

En septembre, il en coûtait près de 1 200 $ pour remplir, au Yukon, un réservoir de mazout destiné à chauffer une maison, y compris presque 200 $ en taxe sur le carbone. En octobre, le prix n’était que la moitié de cela environ. Toutefois, il faut dire que l’automne est chaud.

Pourquoi ne pas chauffer au gaz naturel? Eh bien, c’est une autre histoire. Sénateurs, certains se rappellent peut-être le traité de 1972 entre le Canada et les États-Unis qui prévoyait que le gaz de l’Alaska serait transporté le long de la route de l’Alaska, un corridor de transport qui existait déjà.

Il va sans dire que vous êtes les bienvenus si vous voulez venir dans mon bureau pour y admirer l’autocollant à parechoc qui est affiché au mur et qui dit, si vous me pardonnez le langage non parlementaire, « le Canada [mon postérieur], c’est le gaz de l’Alaska ». En fait, un autre mot que « postérieur » est employé. Le gaz est transporté vers le sud, et les Yukonnais ne reçoivent pas de gaz naturel.

Les thermopompes sont une autre solution de rechange et elles ont fait leurs preuves au Yukon. Malheureusement, je sais qu’à moins 30 degrés, il faut un système d’appoint électrique. Je sais aussi que, lors d’entrevues récentes à la radio avec l’installateur des thermopompes, nous avons appris qu’il y avait des problèmes de chaîne d’approvisionnement. Si vous voulez obtenir une thermopompe et si l’installateur est disponible, il reste que cela coûte cher. Et je vous renvoie alors de nouveau à mon argument au sujet de la disponibilité de l’électricité.

Le projet de loi C-234 concerne spécialement l’agriculture. L’agriculture est en pleine croissance au Yukon et nous pourrions la comparer à une jeune pousse dans la forêt qu’est le secteur agricole canadien. Elle n’en est pas moins importante.

L’exploitation agricole Mandalay Farm produit 4 400 œufs par jour, vendus sous la marque Little Red Hen Eggs, ce qui représente un total approximatif de 1,6 million d’œufs par année. Pour une population d’environ 45 000 habitants, dont le nombre ne cesse d’augmenter, cela correspond à 15 % des œufs consommés au Yukon. Les autres œufs sur le marché, outre ceux provenant de quelques petits producteurs locaux, arrivent tous par camion diésel qui emprunte l’autoroute. Mandalay Farm dépense près de 35 000 $ par année en propane pour chauffer ses poulaillers. Le chauffage principal est alimenté au diésel, mais il est accompagné d’un chauffage d’appoint au bois. En passant, une corde de bois de chauffage peut coûter de 400 $ à 500 $.

Est-ce que le prix de la douzaine d’œufs Little Red Hen Eggs sera moins cher à l’épicerie après l’adoption du projet de loi C-234? Probablement pas, car les agriculteurs sont des preneurs et non des décideurs de prix. Est-ce que la situation financière de Mandalay Farm serait plus avantageuse si le projet de loi C-234 était adopté dans sa version originale? Oui, absolument.

Le Yukon compte deux installations de séchage du grain et elles fonctionnent au propane. Ce sont de petites entreprises, mais si le projet de loi C-234 avait été adopté dans sa version d’origine, cela aurait été plus avantageux pour elles.

Je voudrais dire brièvement si oui ou non le projet de loi C-234 est une exemption. Je ne pense pas que ce soit le cas. Des fonctionnaires ont déclaré au comité qu’il ne s’agissait pas d’un oubli. J’ai le plus grand respect pour les fonctionnaires canadiens. J’ai moi-même été députée et j’éprouve un grand respect pour les députés du Parlement et les députés provinciaux qui ont fait du porte-à-porte pour parler aux citoyens. C’est tout à fait compréhensible, car des amis agriculteurs du Sud de l’Alberta m’ont dit la même chose. Auparavant, il travaillait pour le gouvernement albertain et s’occupait du crédit agricole et du financement de l’agriculture. Il m’a confirmé explicitement l’importance du chauffage pour les exploitations avicoles, en particulier, et pour les séchoirs à grains, surtout dans le Nord de l’Alberta.

Dans le cadre de l’exemption accordée à l’industrie agricole, un fonctionnaire d’Ottawa ne considérera peut-être pas qu’il s’agit d’un oubli d’exclure les séchoirs à grains et les exploitations avicoles, le propane et le gaz naturel, alors que les pêcheurs et l’agriculture ont reçu une exemption. Mais la personne qui fait du porte-à-porte pour obtenir des votes va se faire demander : « Pourquoi? Ce n’est pas juste que ceux qui utilisent du diésel obtiennent une exemption à la taxe sur le carbone, et pas moi. »

Chers collègues, j’ai soutenu le projet de loi dans sa forme initiale pour toutes les raisons que j’ai mentionnées. Ce que je ne peux pas soutenir et ce qui me met en colère, m’attriste et me déçoit vraiment en tant que Canadienne et en tant qu’électrice, c’est que la politique a profondément polarisé le débat. Il ne s’agit plus de savoir s’il s’agit d’une inclusion appropriée dans une exemption déjà accordée à l’agriculture, mais de slogans politiques et de politique partisane.

(2130)

Je trouve cela particulièrement frustrant, chers collègues, car je pensais sincèrement qu’au Sénat, nous pouvions faire mieux, que nous pouvions dépasser les messages préparés, les campagnes et les divisions politiques, et trouver une solution au problème. Je suis attristée que nous n’y parvenions pas. Comme je l’ai dit précédemment, je pense que l’impossible prend un peu plus de temps. Je vous remercie de votre attention.

L’honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, je tiens à remercier les personnes qui ont contribué au débat de ce soir de manière réfléchie et respectueuse. Sénateurs Black, Dean et Duncan — ma bonne amie —, nous sommes dans des camps opposés sur cette question, mais nous passons beaucoup de temps à discuter et à apprendre les uns des autres. J’apprécie les contributions respectueuses de ces sénateurs.

Permettez-moi de commencer cette intervention dans le débat en disant ce que je ne ferai pas ce soir. Je ne ferai pas d’accusations ad hominem ni d’autres déclarations de ce genre au Sénat, et je ne me livrerai pas à des attaques personnelles. Je ne participerai pas à la dénonciation de mes collègues qui ont passé tant de temps à examiner ce projet de loi et à déterminer quelle est la meilleure approche selon eux.

Je respecte la diversité des opinions au Sénat, tant celles des partisans que des détracteurs du projet de loi, et je reconnais que beaucoup d’entre nous avons adopté notre position dans ce débat pour diverses raisons et à l’issue d’un raisonnement différent. Nous pouvons discuter de cela les uns avec les autres. J’espère que, un jour, nous adopterons les sages paroles de votre grand-mère, qui a dit qu’il nous faudra peut-être un peu plus de temps, mais que le Sénat y parviendra. C’est ce à quoi nous aspirons pour ce qui est de la réforme de cette institution et du travail à valeur ajoutée que nous effectuons pour les Canadiens. Je crois que si nous mesurons notre réussite selon ce critère, nous échouons lorsque nous ne nous comportons pas comme je viens de le décrire.

J’appuie ceux qui, comme vient de le mentionner le sénateur Dean, sont sceptiques par rapport à la décision du gouvernement d’exempter de la taxe sur le carbone le mazout utilisé à des fins de chauffage domestique. Je n’appuie pas cette décision du gouvernement, quoique je m’empresse de dire à ma chère collègue de l’Île-du-Prince-Édouard que j’appuie toutefois l’offre de mesures de soutien supplémentaires aux propriétaires résidentiels qui chauffent toujours leur habitation au mazout.

Je ne crois pas qu’une exemption soit la meilleure mesure à adopter. Le gouvernement aurait pu avoir recours à de nombreux autres moyens. Par exemple, il aurait pu bonifier les remboursements accordés, comme il l’a déjà fait dans le cadre de cette mesure, et aller encore plus loin en ce sens. Il aurait pu prévoir une autre subvention. Il aurait pu consentir ce soutien sans compromettre ses orientations stratégiques en matière de tarification du carbone, ce qui, à mon avis, à l’heure actuelle, en plus de l’adoption des technologies disponibles, est l’une des mesures les plus importantes que nous devons prendre pour relever le défi existentiel auquel notre planète fait face. C’est quelque chose que nous devons faire non seulement pour notre pays, mais aussi pour notre planète.

Cependant, je suis favorable à l’aide et aux subventions que le gouvernement a décidé d’accorder pour l’installation de thermopompes. Il s’agit là d’une mesure complémentaire brillante, tout comme les mesures destinées à aider directement ceux qui se chauffent au mazout.

Je vous ai dit ce que je ne ferai pas ce soir. Ce que je vais faire par contre, en plus de respecter les opinions qui sont exprimées, c’est d’essayer de rectifier les faits et de consigner au compte rendu certains des faits publiés qui contredisent certaines choses qui ont été dites, assurément à l’autre endroit, mais ici aussi. Il s’agit d’un discours qui a été amplifié dans Twitter ou X et dans certains reportages des médias, et je crois que cette campagne a été orchestrée par certaines des personnes dont la contribution au débat a été moins que respectueuse, ce que j’ai déjà mentionné à propos d’autres interventions ce soir.

Je sais que nous cherchons parfois les mots pour décrire les interventions des autres. C’est parce que nous pensons au décorum de cet endroit, au respect que nous devons avoir envers cette institution en tant que parlementaires et à ce qui constitue un langage non parlementaire. Certaines personnes ont fait des blagues au sujet de différents projets de loi et ont dit des choses comme : « On ne peut pas appeler un chat, un chat. » Alors, nous trouvons d’autres mots pour nous exprimer. Un autre mot que j’ai entendu est « faussetés » et l’expression « c’est faux ». Quand je dis que je veux rectifier les faits, c’est que je veux corriger les faussetés qui ont été prononcées ici.

La première fausseté concerne les thermopompes. Lorsque j’ai pris un congé de maladie récemment parce que j’avais la grippe — certaines personnes sont au courant que je m’étais absentée —, j’ai regardé tous les débats à ce sujet. J’ai suivi le débat sur un amendement et le débat à l’étape de la deuxième lecture, et j’ai entendu une déclaration catégorique comme quoi les thermopompes ne fonctionnent pas dans notre pays en raison des multiples journées au cours d’une année où la température descend à -40 degrés Celsius. Mes amis, à cause des changements climatiques, de telles journées se font de plus en plus rares. Cela dit, il y en a encore. Il y a 22 ans, lorsque mon époux et moi avons bâti notre maison, nous voulions y faire installer une thermopompe. J’habite dans le Nord de l’Ontario, et à l’époque, les thermopompes n’étaient pas assez perfectionnées, donc ce que nous avons entendu au Sénat était peut-être vrai il y a 22 ans.

Une multitude de rapports ont été produits. J’ai lu des rapports d’entreprises qui installent des thermopompes dans le Nord de l’Ontario. Elles sont dépassées par la demande en raison des subventions que le gouvernement a annoncées et de l’Initiative canadienne pour des maisons plus vertes, dont je fais la publicité en ce moment et qui aura épuisé son enveloppe budgétaire en mars, je crois. J’espère que le prochain budget en renouvellera le financement. Je suis également consciente que des entreprises telles qu’Enbridge offrent une subvention pouvant aller jusqu’à 10 000 $ aux Canadiens à faible revenu qui désirent acheter une thermopompe. Il existe du soutien pour les gens qui effectuent la transition. Des agriculteurs m’ont dit que l’installation d’une thermopompe leur permettra de réaliser des économies.

Pour les semaines où il fait 40 degrés sous zéro, la plupart des gens ont un chauffage d’appoint. Dans notre cas, je sais que nous sommes passés du mazout au propane, et nous avons un chauffage d’appoint au bois. Maintenant que la technologie a évolué, je vais passer à l’installation d’une thermopompe.

Des agriculteurs m’ont dit que l’utilisation du propane ou du gaz naturel, qui coûte déjà le quart du prix du mazout, leur permet d’économiser et d’améliorer leur situation financière de façon importante, même si c’est seulement pendant les saisons intermédiaires. La technologie a changé. On ne nous en a pas informés. On nous a plutôt informés d’une fausseté manifeste, pour ainsi dire.

J’ai aussi longuement réfléchi à la question de l’équité. J’ai écouté le sénateur Black et d’autres personnes qui ont avancé cet argument. Au départ, il m’a semblé très convaincant. Une partie de notre travail consiste à examiner les différentes incidences selon les régions. Lorsque j’ai commencé à creuser la question, je me suis rendu compte que l’on nous avait raconté une autre fausseté. Je ne lirai pas les citations, mais j’ai le compte rendu ici, et cette fausseté, c’était que la mesure du gouvernement ne concernait que le Canada atlantique, et non le reste d’entre nous. C’est cela presque mot pour mot, je crois. Pas pour le reste d’entre nous ni pour le reste du Canada. C’est faux. C’est tout simplement faux. Il suffit de regarder comment le programme est conçu, de regarder qui il touchera et de regarder les chiffres.

Je viens de l’Ontario. Du nombre total de foyers qui utilisent le mazout domestique — 266 700 —, la grande majorité se trouve en Ontario. Les citoyens que je représente — je représente tous les Canadiens, mais je suis sénatrice de l’Ontario — sont ceux qui utilisent le plus ce type de combustible de chauffage, qui coûte trois ou quatre fois plus cher que le propane et le gaz naturel. C’est de lui qu’il est question dans le projet de loi dont nous sommes saisis.

(2140)

Les agriculteurs ont également reçu de l’aide fédérale grâce au projet de loi initial sur la tarification du carbone. Il y avait des exemptions pour l’essence et le diésel, des crédits d’impôt et des remboursements comme ceux dont nous bénéficions tous en ce qui concerne la taxe sur le carbone qui a été imposée. Par ailleurs, ayant été ministre provinciale, j’entends parler de nombreuses mesures provinciales qui aident les agriculteurs et j’y suis tout à fait favorable. Il est question de la production de notre nourriture sur les terres les plus fertiles de notre pays. J’aimerais que tout le monde lutte avec autant d’ardeur pour que l’on protège ces terres au lieu d’autoriser leur développement, comme c’est le cas dans ma province, l’Ontario.

On craint que si les exemptions sont accordées à un groupe d’agriculteurs, ceux-ci perdent également le remboursement. Ils s’en sortiraient peut-être un peu mieux, mais regardons les chiffres. Nous les avons déjà entendus. Je ne vais donc pas m’y attarder. Sénatrice Ringuette, merci beaucoup : vous nous avez fourni des renseignements précieux après avoir mené des recherches auprès du Bureau du directeur parlementaire du budget. Si on tient compte de la taxe sur le carbone qui sera imposée aux agriculteurs dont il est question dans ce projet de loi et qu’on soustrait le remboursement qu’ils recevront — et je sais que c’est difficile à calculer parce qu’il y a de grandes entreprises agricoles et de petites exploitations familiales — en moyenne, dans l’ensemble du pays, le coût supplémentaire pour les agriculteurs sera de 806 $ cette année. C’est quelque chose dont nous n’avons pas non plus été informés durant le débat qui a eu lieu ici, sauf de la part de ma collègue la sénatrice Ringuette.

Permettez-moi de répéter le montant : 806 $. Regardez la rancœur et la polarisation qui ont été suscitées au Canada et, malheureusement, comme l’a dit la sénatrice Duncan, au sein du Sénat.

En guise d’avant-dernier point, je tiens à exprimer mon inquiétude quant à la manière dont le projet de loi a été positionné. Il se peut que certains nouveaux sénateurs n’en soient pas conscients. Je ne peux pas prendre beaucoup de temps pour en parler ce soir, mais je serais prête à le faire à tout autre moment. J’ai écouté nos collègues d’en face parler de l’importance des précédents et des politiques de Westminster en ce qui concerne ce que nous faisons dans cette enceinte. L’une des choses dont nous devons tenir compte est la convention de Salisbury, qui, en bref, indique que si un parti élu au gouvernement a — au cours de la campagne précédente — promis une politique, alors cette politique doit être soutenue lorsqu’elle est présentée au Sénat. On peut apporter des amendements et essayer de l’améliorer, mais il est très rare que l’on tente d’obtenir le rejet du projet de loi.

Ce qui s’est passé ici, chers collègues, c’est le contraire de la convention de Salisbury. Nous nous trouvons dans une situation où on a présenté un projet de loi visant à modifier et à saper l’intention de la loi sur la tarification du carbone que nous avons adoptée dans cette enceinte et sur laquelle le gouvernement a fait campagne avec succès, tant pour former un gouvernement minoritaire que majoritaire.

Quand on fait le contraire de ce que prévoit la convention, on se retrouve avec le projet de loi dont nous sommes saisis. Mon collègue, le sénateur Plett, et moi avons beaucoup de réserves à l’égard des projets de loi d’initiative parlementaire et de la façon dont ils sont étudiés dans cette enceinte. Habituellement, nous n’aimons pas quand ces derniers ont préséance sur les affaires du gouvernement, parce que notre rôle dans cette enceinte est de nous pencher sur les affaires du gouvernement.

Dans le cas présent — et pour ceux d’entre nous qui ont eu de la difficulté à étudier ce projet de loi quand il a été renvoyé ici —, adopter le projet de loi d’origine tel qu’il nous a été soumis équivaudrait à faire l’inverse de ce que prévoit la convention de Salisbury dans cette institution, et ce n’est pas notre rôle. Nous devons être attentifs. Nous ne siégeons pas à la Chambre qui rend des comptes. Nous sommes des représentants de la Chambre de second examen objectif. Nous devons tenir compte du renvoi constitutionnel de 2014 qui précise les domaines de notre champ d’action : la Constitution, la Charte ainsi que les populations autochtones, mais aussi les populations en région, en situation minoritaire et en situation linguistique minoritaire. Voilà quels sont nos domaines de travail. Il y a des limites à ce que nous pouvons faire. Cet endroit ne peut pas tout simplement examiner une préoccupation ou une position à caractère privé. Nous avons la capacité de le faire, mais il faut garder à l’esprit que nous avons été nommés pour examiner les affaires du gouvernement. En prêtant serment, c’est ce sur quoi repose notre engagement.

Finalement, avec la permission et le consentement du Sénat et une certaine ouverture, je voudrais dire quelques mots sur une note plus personnelle. Je m’écarte du projet de loi pour dire qu’au cours de la dernière année, j’ai souvent été absente à cause de la longue maladie de mon mari et de son décès. Vous avez été si nombreux à me soutenir tout au long de cette épreuve. Vous avez tous fait une différence. Il y a une personne parmi vous qui a changé ma vie en choisissant d’agir. Je tiens à remercier personnellement les membres du caucus conservateur qui ont fait un don — je l’ai appris il y a à peine deux mois et je voulais vous envoyer une carte — au projet d’agrandissement de la légion locale. C’était l’endroit préféré de mon mari. Cela en dit long sur lui. Nous y avons passé beaucoup de temps. Le caucus conservateur a fait un don de 200 $ pour ce projet. Lorsque je l’ai appris, excusez-moi, je me suis mise à pleurer tellement j’étais touchée. Merci beaucoup. Merci de m’avoir laissée dire ces quelques mots. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de participer avec les derniers intervenants au débat, tellement respectueux, sur ce projet de loi. Je vous en suis reconnaissante. Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Margo Greenwood : Honorables sénateurs, j’espère pouvoir contribuer au présent débat en vous offrant des réflexions diversifiées.

Je commence en soulignant que nous sommes actuellement réunis pour travailler sur les terres ancestrales non cédées du peuple algonquin anishinabe. Je reviendrai constamment dans mon discours au concept même de la terre. Je remercie du fond du cœur les Algonquins anishinabes, qui ont toujours pris soin de ces terres sur lesquelles je vis et je travaille actuellement. C’est grâce à ces terres que j’ai pu connaître le peuple algonquin anishinabe. La terre nous relie tous les uns aux autres.

Honorables sénateurs, je vous invite à prendre un instant pour vous reconnecter à la terre. Nous sommes tous enracinés à notre terre. Chacun d’entre nous est relié à la terre sur laquelle nous nous trouvons. Nous avons tous vécu des histoires sur ces terres, mais c’est par l’endroit où nos pieds sont ancrés dans le sol que nous sommes tous reliés les uns aux autres.

Cela dit, je voudrais remercier les sénatrices Saint-Germain, Clement et Petitclerc pour l’aide qu’elles apportent à leurs collègues du Sénat, de manière à ce que nos voix soient entendues dans cette enceinte. Hiy hiy.

Je prends la parole aujourd’hui à propos du projet de loi C-234, qui vise à modifier la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Les modifications proposées auraient pour effet d’exempter certains combustibles et certaines activités agricoles dans les provinces ou les territoires qui n’ont pas de système de tarification du carbone.

Il y a eu beaucoup de discussions, de débats et même des amendements au Sénat. Ces débats et ces discussions ont été aussi instructifs que constructifs. Je prends la parole pour apporter ma contribution à ces débats et à ces discussions. J’espère apporter un point de vue qui, je crois, est trop souvent négligé, que ce soit ici, au Sénat, ou à bien d’autres endroits. Je prends la parole aujourd’hui pour vous raconter des histoires au sujet de la terre. Je prends la parole aujourd’hui pour parler de l’importance du territoire pour la santé et le bien-être des peuples autochtones et de tous les Canadiens. Je vous fais part de ce point de vue dont vous pourrez tenir compte dans le cadre de vos délibérations sur le projet de loi C-234.

(2150)

Pour de nombreux peuples autochtones, la terre n’est jamais isolée. Évoquer le concept de la terre, c’est parler en même temps de l’eau et de l’air. Parler de la terre, c’est aussi parler de tout ce qui vit dans les réseaux complexes de la vie. Lorsque je parle de la terre, je parle de l’eau, de l’air et de tout ce qui est vivant, passé, présent et futur.

Parler de la terre, c’est aussi parler de culture, de relations, d’écosystèmes, de systèmes sociaux, de spiritualité et de droit.

Chers collègues, de nombreux enseignements sont ancrés dans des histoires. Les histoires nous offrent un potentiel d’apprentissage illimité. Je vous propose une de ces histoires, qui m’a été transmise par Mary Thomas, une aînée Secwépemc de l’intérieur de la Colombie-Britannique.

Par une chaude journée de printemps, je suis allée à la montagne avec Mary. À mi-chemin de la montagne, nous nous sommes arrêtées, et Mary a décrit comment la montagne était autrefois, avec des plantes, des animaux et de petits sentiers qui serpentaient le long de ses flancs. Plus de 80 ans auparavant, elle avait parcouru ces sentiers avec sa grand-mère. Cette dernière lui avait appris à connaître la terre, lui indiquant les différentes plantes et leur utilisation, les refuges des animaux et tant d’autres choses. Quatre‑vingts ans plus tôt, Mary avait marché avec sa grand-mère. Aujourd’hui, elle marchait avec moi.

Mary s’est arrêtée à côté d’un grand pin et a montré du doigt des morceaux de pommes de pin éparpillés à proximité. Elle a dit :

Tu vois ça? Si tu regardes bien, tu trouveras un tas de morceaux et, sous ce tas, une cache de pommes de pin appartenant à un écureuil. Les petites pommes de pin seront disposées en rangées, la tête en bas, de sorte que lorsque les neiges d’hiver commenceront à fondre, l’eau s’écoulera dans la cache et ruissellera sur les pommes de pin sans abîmer les graines qu’elles contiennent. C’est ma grand-mère qui m’a appris cela.

Mary avait demandé à sa grand-mère comment les petits écureuils savaient faire cela. Elle lui avait répondu : « Ils apprennent comme nous et nous transmettent leurs connaissances. »

Pour de nombreux peuples autochtones du monde entier, les humains ne possèdent pas la terre. Au contraire, les humains font partie de la terre; ils en sont issus et existent grâce à elle. Au cœur de l’histoire de Mary se trouve l’enseignement selon lequel même les plus petites créatures ont des vérités à offrir, pour autant que les humains soient prêts à les écouter. Si on les écoute, ces histoires racontent la vérité d’une connectivité avec la terre. Ces histoires parlent de notre interconnexion avec la terre.

Les façons d’être et les savoirs autochtones sont aussi diversifiés que les peuples autochtones eux-mêmes, mais ont des points communs. L’un de ces points est une compréhension profonde et respectueuse du fait que la terre est le point d’ancrage des philosophies autochtones du savoir et de l’être. C’est de la terre que notre compréhension du monde émerge. Notre vision du monde se caractérise par les interrelations entre l’esprit, le monde naturel et les êtres humains.

Le chercheur autochtone Greg Cajete a décrit la relation des peuples autochtones avec la terre comme une « théologie du lieu ». La théologie du lieu exprime notre perception sacrée du lieu, de l’espace et de la terre.

Les peuples autochtones acquièrent leur compréhension spirituelle grâce à leur relation intime avec le lieu et l’environnement — ce sont les éléments qui nous donnent la vie. Ce sont les éléments qui nous donnent un sens en tant que peuples autochtones. Pour Cajete :

La terre est le prolongement de la pensée et de l’être indiens. [...] C’est là que se trouvent nos souvenirs et les os de notre peuple. [...] C’est d’elle dont nous sommes issus!

Examinez à nouveau le sol que nous foulons. Ce sol retient les souvenirs de mon peuple. Ce sol se compose d’un réseau d’êtres, qui tient en place les os des peuples autochtones d’un océan à l’autre. Vos pieds foulent les os des Autochtones, les peuples, les lieux et les histoires de mon peuple.

Les connaissances et les enseignements culturels autochtones sont transmis à l’aide d’histoires, de cérémonies et d’expériences. Ils sont dans la terre. Ce sont les fondements de la condition autochtone. La terre nous apprend à privilégier les relations. La fluidité des connaissances entre le passé, le présent et l’avenir est ancrée dans la terre. La terre honore la langue et l’oralité. La terre est inextricablement liée à l’identité autochtone ainsi qu’à la santé et au bien-être des peuples autochtones et non autochtones.

Dans un discours qu’il a prononcé devant des représentants du gouvernement dans les années 1800, le chef Seattle dit : « Ce que nous faisons à la terre, nous le faisons à nous-mêmes. »

Nous vivons une crise écologique. La terre, l’eau et l’air sont en difficulté. La terre brûle. Le ciel s’étouffe. Les eaux s’assèchent et disparaissent. L’eau, l’air et la terre se détériorent partout.

Je me demande ce qui arrivera si la terre se détériore tellement qu’il n’y a plus d’histoires à raconter autres que des histoires d’épreuves et de chagrins. Je me demande comment je peux contribuer à la santé et au bien-être à long terme de tous les Canadiens. Quelles leçons puis-je tirer des histoires du passé? Quelles leçons puis-je tirer des peuples qui sont ici depuis des temps immémoriaux? Comment protégerons-nous la terre avec toutes nos actions et tous nos soins?

Nous avons tous un rôle à jouer dans la protection de la terre et, par conséquent, de notre existence. Je comprends le débat entourant le projet de loi C-234. Je sais que, à première vue, nous discutons de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. De façon plus approfondie, nous parlons de la santé et du bien-être de la terre et de tous les gens.

De nombreux auteurs, lorsqu’ils écrivent au sujet des déterminants de la santé et des Autochtones, évoquent la colonisation, le racisme contre les Autochtones, la perte de la langue et la rupture des liens comme des facteurs essentiels au bien‑être des gens et des communautés. Les Autochtones du Canada subissent de manière disproportionnée le fardeau de la maladie. Notre santé et notre bien-être sont inextricablement liés à la terre. La santé et le bien-être, voire l’avenir même de la santé et du bien‑être de tous les peuples, sont ancrés dans la terre, dans l’eau et dans l’air.

Nous devons non seulement contempler ces réalités d’un point de vue conceptuel, mais aussi ressentir ce dialogue. Que pensez-vous de la santé et du bien-être de vos enfants et de vos petits-enfants? Que pensez-vous de la vitalité de la terre, de l’air et de l’eau? Tenons-nous compte de la vie de la terre alors que nous examinons ce projet de loi ou d’autres projets de loi?

Honorables sénateurs, je demande à tout le monde ici présent de se poser la question suivante : modifier cette loi protégera-t-il la terre? Modifier la loi favorisera-t-il la santé et le bien-être de tous les Canadiens? L’adoption de ce projet de loi fera-t-elle avancer la cause de la réconciliation? Alors que j’examine le projet de loi C-234, ce sont là mes pensées, en plus de tous les autres points de discussion qui ont été présentés en ces murs.

(2200)

Je termine mon intervention par ces mots de Mary :

Ce n’est pas comment nous nous habillons ou nous agissons, ou encore ce que nous sommes qui nous a permis de survivre. Ce sont les valeurs de notre peuple qui ont été chuchotées, de génération en génération, comme un fil à travers le temps, qui ont assuré notre existence. C’est aux enfants que ces valeurs et manières d’être sont transmises. Ils sont notre avenir et notre survie.

Quelles histoires allons-nous leur raconter?

Honorables sénateurs, je vous remercie. Hiy hiy.

L’honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, je serai très bref.

Ce n’est pas la première fois que je suis inspiré par les propos de la sénatrice Lankin, mon ancienne collègue du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. J’aimerais revenir sur quelques préoccupations qu’elle a soulevées au sujet du projet de loi C-234.

Elle a parlé de l’Île-du-Prince-Édouard. Il y a un véritable fossé, chers collègues. Il s’agit d’une institution régionale. Il y a un véritable fossé entre ce que comprennent certains de nos collègues et entre les différentes régions du pays. De toute évidence, par rapport à la façon de lutter contre les changements climatiques, il y a un écart énorme entre ce que pensent les gens des centres urbains — et je respecte leurs points de vue — et ce que pensent les habitants des régions rurales.

Je ne connais personne à l’Île-du-Prince-Édouard qui n’utilise pas le mazout pour le chauffage domestique. Dans cette province, il n’y a ni propane, ni pétrole, ni gaz naturel. Tout ce que nous consommons provient de l’extérieur de la province. La dernière fois que j’ai vérifié, les factures d’électricité étaient aussi parmi les plus élevées au Canada. Comme la sénatrice Duncan l’a souligné dans son discours, certains des montants qu’elle a mentionnés ressemblent beaucoup à ce que l’on doit payer en énergie à l’Île-du-Prince-Édouard. Je connais beaucoup de gens qui doivent consacrer plus de 1 000 $ par mois en frais de chauffage pendant la saison hivernale.

Pour ce qui est des thermopompes, il existe un programme provincial en plus du programme fédéral. Tout ménage ayant un revenu de 75 000 $ ou moins a droit à une thermopompe gratuite. Beaucoup de gens ont des thermopompes. J’en ai une et je peux vous dire que, par temps froid, nous avons besoin du mazout. Nous n’avons pas le choix. Sinon, la maison et les tuyaux gèlent. Nous sommes prisonniers de la réalité actuelle. Nous n’aurons pas d’autres options tant que la technologie n’aura pas progressé, car les thermopompes ne fonctionnent malheureusement pas quand il fait particulièrement froid.

Voilà ce qui me préoccupait dans les commentaires que j’ai entendus plus tôt. Pour conclure, j’aimerais ajouter que la convention de Salisbury est un excellent argument lorsque vous êtes du côté du gouvernement et que vous tentez de faire adopter un projet de loi, mais qu’on ne peut pas l’appliquer au Sénat du Canada en 2023. Elle a été conçue dans une situation particulière, en 1945 au Royaume-Uni, alors que le Parti travailliste détenait la majorité des sièges à la Chambre des communes et que la Chambre des lords était occupée par des conservateurs qui avaient hérité de leur siège. Personne, ici, n’a reçu son siège en héritage. Le message que vous transmettez réellement aux sénateurs indépendants qui ont été nommés — je regarde les nouveaux sénateurs — est que votre tâche consiste à examiner les mesures législatives du gouvernement et à les amender, mais qu’au final, vous n’avez pas d’autre choix que de les adopter.

Eh bien, ce n’est pas ce que le premier ministre Trudeau nous a dit dans le cadre de son processus de nomination, que je trouve tout à fait merveilleux. Vous êtes des sénateurs indépendants. Vous faites appel à votre jugement. Vous êtes ici en raison des expériences que vous avez acquises et des emplois que vous avez occupés. Vous n’êtes pas du tout limités par la convention de Salisbury. Je reviendrai sur cette question beaucoup plus en profondeur à une date ultérieure.

Comme je l’ai déjà dit, je suis déçu que le projet de loi C-234 ait été amendé. Deux députés libéraux de l’Île-du-Prince-Édouard — et j’ai remarqué que le sénateur Plett a omis cette précision —, Robert Morrissey, d’Egmont, et Heath MacDonald, de Malpeque, ont voté en faveur de l’amendement. J’ai été guidé par leur sagesse, car ils sont sur le terrain et parlent beaucoup plus que moi aux agriculteurs concernés par cette question. Ils ont appuyé l’amendement, et je les ai appuyés.

Je suis déçu que le projet de loi ait été amendé. Nous ne pouvons qu’espérer que la Chambre des communes nous le renverra.

Merci, chers collègues.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

La Corporation épiscopale catholique romaine d’Ottawa
La Corporation épiscopale catholique romaine du diocèse d’Alexandria-Cornwall

Projet de loi d’intérêt privé tendant à modifier la loi constitutive—Troisième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Bernadette Clement propose que le projet de loi S-1001, Loi portant fusion de La Corporation Épiscopale Catholique Romaine d’Ottawa et de la Roman Catholic Episcopal Corporation for the Diocese of Alexandria-Cornwall, in Ontario, Canada, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

Honorables collègues, voici maintenant quelque chose de complètement différent.

J’interviens aujourd’hui pour faire le point sur le projet de loi S-1001 et pour vous inviter à l’adopter avant les vacances de Noël.

La dernière fois que vous m’avez entendue parler de ce projet de loi, c’était en mai dernier. Je vous ai parlé de l’histoire de l’archidiocèse d’Ottawa et du diocèse d’Alexandria-Cornwall. Vous avez entendu parler de consultations, de réconciliation et de fusion canonique.

Aujourd’hui, je parlerai de l’importance de l’article 4, de l’étude en comité et des amendements, ainsi que des prochaines étapes.

Le projet de loi S-1001 est un projet de loi portant fusion de La Corporation Épiscopale Catholique Romaine d’Ottawa et de la Roman Catholic Episcopal Corporation for the Diocese of Alexandria-Cornwall, in Ontario, Canada. En termes simples, le projet de loi fusionne un diocèse constitué au niveau provincial et un archidiocèse constitué au niveau fédéral.

Bien que le pape ait déjà procédé à la fusion canonique des deux régions, un projet de loi privé est nécessaire pour compléter le processus dans la loi canadienne. Nous en sommes à la dernière étape d’un processus qui a duré près de 10 ans et qui a donné lieu à des consultations approfondies avec les communautés concernées de l’Est de l’Ontario — consultations auxquelles j’ai participé en tant que paroissienne et conseillère municipale, sans savoir qu’un jour je parrainerais le projet de loi au Sénat.

Après mon discours à l’étape de la deuxième lecture, la sénatrice Dupuis a demandé s’il était possible de garantir que les exigences de conformité avec la loi provinciale soient respectées. J’aimerais vous donner un peu plus de contexte à ce sujet.

Honorables collègues, vous savez que je fais de mon mieux pour que mes interventions sur ce sujet soient légères et intéressantes, et parfois même drôles. Cependant, nous sommes sur le point de nous plonger dans un peu de jargon juridique, alors tenez-vous bien. Vous savez quoi, je vais faire ce petit plongeon en français, parce que c’est mon droit.

[Français]

L’article 10 du projet de loi S-1001 traite des statuts de maintien. Une fois le projet de loi adopté, le diocèse d’Alexandria-Cornwall sera réputé avoir obtenu un statut de maintien signifiant son consentement à ce qu’elle soit désormais sous juridiction fédérale.

Les responsables de l’archidiocèse devront également déposer une demande auprès du ministère des Services gouvernementaux et des Services aux consommateurs du gouvernement de l’Ontario. Cela exportera le diocèse d’Alexandria-Cornwall hors de la juridiction de l’Ontario. Ce dépôt aura lieu une fois que le projet de loi sera un peu plus près d’obtenir la sanction royale.

La demande de transfert vers une autre juridiction exigera que le demandeur confirme qu’il n’est pas en défaut dans ses dépôts en vertu de la Loi sur les renseignements personnels sur les personnes morales et que les biens, les responsabilités et les réclamations légales de et contre la société ne seront pas affectés par le transfert vers une autre juridiction. La Roman Catholic Episcopal Corporation for the Diocese of Alexandria-Cornwall, in Ontario, Canada peut effectivement confirmer qu’elle est à jour dans ses dossiers déposés en vertu de la loi et que les biens, les responsabilités et les réclamations juridiques de et contre la société ne seront pas affectés par le transfert vers la juridiction fédérale.

[Traduction]

Cela nous amène à l’une des parties les plus importantes du projet de loi S-1001 : elle garantit que les réclamations contre l’une ou l’autre des sociétés peuvent être maintenues.

(2210)

L’article 4b) prévoit que « la Corporation est responsable des obligations de chacune des corporations fusionnantes ».

L’article 4f) prévoit que « les réclamations, droits et privilèges des corporations fusionnantes deviennent ceux de la Corporation ».

Chers collègues, l’article 4 protège les droits de toute personne ou entité susceptible de soumettre une réclamation ou d’intenter des procédures contre la corporation. La fusion ne doit pas entraver ou limiter leur droit de le faire.

Lors de notre étude au Comité permanent des banques, du commerce et de l’économie, nous avons entendu deux témoins représentant la corporation : Richard Pommainville, directeur général de l’administration de l’archidiocèse d’Ottawa-Cornwall, et Ryan Kilger, associé du cabinet Vincent Dagenais Gibson. Je remercie la sénatrice Miville-Dechêne pour ses questions sur les conséquences de cette fusion sur d’éventuelles réclamations de personnes ayant subi des abus de la part de l’Église catholique.

M. Kilger a expliqué :

De nombreuses options ont été présentées à l’archidiocèse, et c’est celle qui a été retenue précisément pour cette raison, pour faire en sorte que les dettes — ainsi que tous les legs, toutes les responsabilités positives — soient transférées à la nouvelle corporation. Ce qui est encore plus important, c’est qu’on voulait être franc avec les résidants du diocèse, ainsi qu’avec les demandeurs potentiels, et dire qu’on n’essayait pas de cacher quoi que ce soit. Il en est fait mention. Toutes les demandes qui pourraient être présentées à l’avenir demeureront possibles pour tout le monde.

La sénatrice Miville-Dechêne a également posé des questions sur les consultations et a demandé pourquoi on n’avait pas consulté particulièrement les paroissiens autochtones, notamment à Akwesasne. M. Pommainville a expliqué que la seule paroisse de la région qui dessert spécifiquement les Autochtones, l’église catholique de la Mission Saint-Régis, se trouve du côté québécois du territoire d’Akwesasne. Il a parlé des activités menées par l’Église catholique pour contribuer aux efforts de réconciliation. Je suis certaine que nous avons tous hâte de voir la poursuite de ces efforts.

La sénatrice Marshall a demandé s’il y avait eu des objections au projet de loi. Le comité a appris qu’il n’y en avait eu aucune. Je peux confirmer que, parmi les centaines de courriels que mon bureau reçoit chaque jour, il n’y en a pas eu un qui critiquait le projet de loi S-1001. Personne n’a appelé non plus pour s’y opposer.

Le sénateur Cardozo a demandé s’il s’agit d’une situation courante. Est-il courant qu’un diocèse soit constitué en personne morale par une loi fédérale à cette fin? Pourquoi ne pas utiliser plutôt la Loi sur les corporations canadiennes? Il y a eu de nombreuses lois spéciales du Parlement comme celle-ci, et des lois spécifiques comme celle que nous examinons ici sont adaptées aux activités de cette organisation particulière. Nous avons entendu parler de l’histoire de ces lois et de la stabilité qu’elles procurent.

Je suis reconnaissante des discussions que nous avons eues au sein du Comité des banques. Nous avons adopté des amendements de forme qui ont permis de corriger le nom de l’archidiocèse. Ainsi, nous avons supprimé « du diocèse », de sorte que le nom se lise « Corporation épiscopale catholique romaine d’Ottawa-Cornwall ». Nous en sommes maintenant à l’étape finale. Les consultations, l’étude en comité et les amendements sont terminés.

Permettez-moi de dire un dernier mot sur les projets de loi d’intérêt privé avant de passer aux affaires publiques. Je serai honnête. Je n’ai pas été très à l’aise de défendre mon projet de loi parmi d’autres projets de loi du Groupe des sénateurs indépendants et de défendre un projet de loi d’intérêt privé parmi des projets de loi d’intérêt public. Les projets de loi d’intérêt public du Sénat et les projets de loi d’intérêt privé du Sénat sont bien différents. Les projets de loi d’intérêt public définissent des politiques publiques, c’est-à-dire, en théorie, des politiques qui pourraient avoir ou qui auront un effet sur chaque Canadien. Les projets de loi d’intérêt privé confèrent des pouvoirs ou des exemptions à des individus ou à des sociétés. Ils n’établissent pas de politique publique. Leur portée est limitée, et ils sont assez rares.

Nous avons adopté un projet de loi d’intérêt privé dans les années 2021, 2019, 2016, 2014, 2012 et 2007, soit un par année. L’année 2011 a été exceptionnelle avec deux projets de loi d’intérêt privé. Ces projets de loi concernaient les compagnies d’assurance, les guides, les scouts, l’Église luthérienne et l’Église unie. Ces groupes comptent sur nous pour faire avancer leurs demandes au Sénat dans le cadre d’un processus qui respecte la nature unique de ces projets de loi.

Honorables collègues, je remercie la sénatrice Martin pour son travail respectueux en tant que porte-parole, le sénateur Dean pour son discours de soutien au printemps et la sénatrice Wallin pour son leadership et la rapidité avec laquelle elle a fait cheminer le projet de loi au sein du Comité des banques. Je remercie mes collègues du plumitif, qui m’ont souvent entendu soulever la question du projet de loi S-1001.

Chers collègues, je suis une paroissienne de cet archidiocèse et une membre de cette collectivité. On m’a chargée d’aider ces entreprises à achever le processus qu’elles ont entamé il y a de nombreuses années. J’espère pouvoir vous annoncer très bientôt que c’est ce que nous avons fait.

Merci, nia’wen.

L’honorable Andrew Cardozo : J’ai une brève question à poser, madame la sénatrice. Merci beaucoup pour ce résumé très bref. Je trouve que c’est une bizarrerie intéressante de l’histoire, compte tenu de la longue rivalité qu’il y a eu entre l’Église d’Angleterre et l’Église catholique romaine, que Sa Sainteté le pape François ait effectivement créé cette nouvelle corporation. Toutefois, cela n’entrera en vigueur que lorsque le gouvernement de Sa Majesté l’aura approuvé. Je me demande si vous avez une opinion là-dessus. C’est un point purement rhétorique.

La sénatrice Clement : Je vous remercie, sénateur Cardozo, de cette question et de ces observations. C’est un point de vue intéressant.

Tout ce que je peux dire au sujet de cette fusion, c’est que l’aspect le plus important est qu’il s’agit de la fusion d’une grande entité à une plus petite. Je vis dans la plus petite collectivité. Dans cette petite collectivité, nous craignions de nous perdre dans ce plus grand diocèse. Je peux dire que, dans les années qui ont suivi la fusion, les choses se sont passées relativement bien. Les gens de la région de Cornwall-Alexandria se sentent bien écoutés et respectés. Je dirais que c’est l’aspect le plus important, mais je vous remercie de votre commentaire.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Premièrement, je voudrais remercier la sénatrice Clement pour son travail de chef de file dans le débat sur cet important projet de loi. Je sais que nous avons entendu de bons témoignages lors des travaux du comité. Je voudrais simplement vous assurer qu’à titre de porte-parole, je travaille sur mon discours au sujet du projet de loi. Sur ce, permettez-moi de demander l’ajournement du débat à mon nom, pour le reste de mon temps de parole.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social
La Loi sur l’assurance-emploi

Projet de loi modificatif—Dix-huitième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l’étude du dix-huitième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (projet de loi S-244, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social et la Loi sur l’assurance-emploi (Conseil de l’assurance-emploi), avec un amendement), présenté au Sénat le 11 décembre 2023.

L’honorable Ratna Omidvar propose que le rapport soit adopté.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole très brièvement aujourd’hui pour parler du rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie sur le projet de loi S-244, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social et la Loi sur l’assurance-emploi. Nous nous sommes réunis trois fois pour délibérer au sujet de ce projet de loi. Nous avons entendu 11 témoins — une vaste gamme d’intervenants, y compris des représentants de syndicats, des employeurs et les deux commissaires actuels à l’assurance-emploi.

Tous les intervenants que nous avons entendus ont convenu que la création du conseil de l’assurance-emploi serait bénéfique pour favoriser le dialogue social sur l’assurance-emploi. Nous avons aussi entendu les témoignages de fonctionnaires du ministère de l’Emploi et du Développement social.

La commissaire des employeurs, Nancy Healy, nous a dit ceci:

[Le projet de loi S-244] instaurerait un forum au sein duquel les groupes d’employeurs et les groupes de travailleurs pourraient discuter de questions d’intérêt commun concernant l’emploi, le développement de la main-d’œuvre et les compétences.

Pierre Laliberté, le commissaire des travailleurs et travailleuses, nous a indiqué qu’il appuyait le projet de loi, qui augmenterait la reddition de comptes et l’efficacité, selon lui.

De plus, le comité a entendu, de la part de la marraine du projet de loi, la sénatrice Diane Bellemare, que tant les représentants des travailleurs que les représentants des employeurs ont cerné le besoin d’un conseil de l’assurance-emploi qui se réunisse régulièrement. Cela contribuerait à bâtir une relation de confiance entre les participants et établirait les meilleurs moyens de mettre en œuvre les programmes d’acquisition de compétences. Par conséquent, le comité a adopté un amendement à l’article 4 du projet de loi S-244, en vue de créer le paragraphe 29.1(6.1) dans la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, lequel exigerait que le conseil se réunisse au moins trois fois par année.

Cela dit, je remercie les analystes de la Bibliothèque du Parlement, la greffière et tout le personnel du comité de nous avoir aidés à parvenir là où nous en sommes.

(2220)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Français]

Projet de loi sur l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Boisvenu, appuyée par l’honorable sénatrice Martin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-265, Loi édictant la Loi sur l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, modifiant la Charte canadienne des droits des victimes et établissant un cadre de mise en œuvre des droits des victimes d’actes criminels.

L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que porte-parole du projet de loi S-265, Loi édictant la Loi sur l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, modifiant la Charte canadienne des droits des victimes et établissant un cadre de mise en œuvre des droits des victimes d’actes criminels.

[Traduction]

D’entrée de jeu, par souci de transparence, je précise que je m’exprimerai en tant que porte-parole favorable à cette mesure législative, car après l’avoir examinée, j’estime qu’elle est véritablement susceptible d’améliorer le sort des victimes au Canada et qu’elle doit donc faire l’objet d’un examen approfondi au comité.

J’aimerais également remercier mon cher collègue et le parrain de ce projet de loi, le sénateur Boisvenu, pour tous les efforts qu’il a déployés et sa détermination à chercher des solutions pour améliorer le sort des victimes d’actes criminels au Canada.

Dans mon intervention, je ferai tout d’abord un résumé des quatre parties principales du projet de loi. Dans un deuxième temps, je ferai une analyse afin de mettre en lumière certains éléments qui devront faire l’objet d’une étude plus approfondie du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Je crois que nous pouvons tous appuyer les objectifs du projet de loi du sénateur Boisvenu, qui vise à prendre des mesures pour améliorer le sort des victimes d’actes criminels au Canada. Près d’une décennie après l’entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits des victimes, il s’agit d’une initiative louable et qui arrive à point nommé.

[Français]

Bien que les victimes soient directement touchées par le crime, notre système judiciaire les confine souvent à un rôle d’observateur. Le ministre de la Justice admet par ailleurs que les victimes se sentent souvent victimisées de nouveau et appuie la nécessité de changements majeurs pour mieux défendre leurs droits.

[Traduction]

Les personnes victimes d’actes criminels ont toujours été marginalisées et négligées par notre système de justice pénale.

Pourtant, les actes criminels font payer un lourd tribut aux victimes et à la société dans son ensemble. Les gouvernements doivent fournir des solutions adaptées et apporter un soutien personnalisé aux victimes, en les traitant avec compassion, respect et dignité.

Les gouvernements font parfois preuve de laxisme lorsque les compétences sont partagées. On peut supposer que cela a entravé les progrès dans le domaine des droits des victimes tout au long de l’histoire du droit pénal au Canada.

Il ne fait aucun doute que la justice pénale est une responsabilité partagée entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Par conséquent, dans des limites bien définies, le gouvernement fédéral a le pouvoir de mettre en œuvre des mesures visant à protéger et à aider les victimes d’actes criminels.

L’étude du comité doit évaluer la constitutionnalité du projet de loi, en veillant à ce qu’il soit conforme aux domaines de compétence définis dans la Loi constitutionnelle de 1867 et à la jurisprudence pertinente.

Concrètement, quel est l’objectif du projet de loi S-265? Il vise à améliorer les droits et le soutien des victimes d’actes criminels au Canada en créant une entité indépendante, l’ombudsman, et en élargissant et en renforçant les droits des victimes.

[Français]

Plus spécifiquement, la première partie du projet de loi édicte la Loi sur l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels. Cette loi crée le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels et définit les pouvoirs, attributions et restrictions de cette nouvelle entité. Elle précise également les missions, notamment le soutien aux victimes, l’évaluation des plaintes et les recommandations.

La deuxième partie du projet de loi modifie la Charte canadienne des droits des victimes afin de renforcer les droits des victimes d’actes criminels, notamment en ce qui concerne l’accès à l’information, aux enquêtes et aux procédures, ainsi que les droits aux renseignements concernant le délinquant ou l’accusé. Les modifications à la Charte canadienne des droits des victimes élargissent également la portée du droit à une indemnisation et à un soutien offert en matière d’exécution des ordonnances de réparation.

La troisième partie exige que le ministre de la Justice crée un cadre de mise en œuvre précisant la manière dont les droits des victimes d’actes criminels garantis par la Charte canadienne des droits des victimes seront mis en œuvre et respectés. Le cadre de mise en œuvre couvre divers aspects, comme l’évaluation de l’accès aux services, les recours en cas de non-respect des droits, les normes minimales de services d’aide, l’établissement d’une campagne de sensibilisation publique et l’adoption de mécanismes visant à renforcer la participation des victimes dans le système de justice pénale. Le cadre exige également que le ministre de la Justice consulte les représentants des gouvernements provinciaux responsables de l’administration de la justice dans leurs provinces respectives, ainsi que d’autres parties prenantes concernées.

Enfin, la quatrième partie précise que l’entrée en vigueur de la loi se fait par décret. Les articles 1 à 8, qui concernent notamment la création du Bureau de l’ombudsman fédéral, dépendent d’une recommandation du gouverneur général concernant l’affectation de fonds pour l’application de la Loi sur l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, et, d’autre part, de l’affectation de fonds par le Parlement.

Permettez-moi de faire quelques observations sur le poste d’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels.

Actuellement, l’ombudsman est nommé par le gouverneur en conseil pour un mandat renouvelable de trois ans. Il relève du ministère de la Justice. L’ombudsman est également tenu de rendre compte de ses activités dans le cadre d’un rapport annuel déposé devant le Parlement.

La proposition du sénateur Boisvenu a pour objectif de conférer au Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels le statut d’entité légale indépendante, directement responsable devant le Parlement canadien, plutôt que de le maintenir comme un programme ministériel sous l’autorité du ministère de la Justice du Canada.

Comme l’a souligné le sénateur Boisvenu dans son discours, cette approche présente plusieurs avantages.

Un organisme indépendant peut jouer un rôle crucial dans la protection des droits des victimes en fournissant un mécanisme impartial pour traiter les plaintes et recommander des améliorations. En tant qu’entité indépendante, un mandataire du Parlement jouit d’une autonomie par rapport aux ministères et aux agences gouvernementales, ce qui renforce son impartialité et favorise une plus grande transparence.

De même, les notions d’indépendance et d’impartialité renforcent la légitimité en tant qu’agent de changement dans le système de justice pénale.

La présentation d’un rapport annuel par cette entité pourrait également contribuer à sensibiliser le public et les décideurs politiques aux enjeux spécifiques auxquels les victimes peuvent être confrontées dans le système de justice pénale, et la formulation de recommandations pourrait éclairer les réformes nécessaires dans ce secteur.

Dans le rapport de 2022 intitulé Améliorer le soutien aux victimes d’actes criminels du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, le comité évoquait le témoignage d’Heidi Illingworth, ancienne ombudsman du Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels. Mme Illingworth soulignait notamment que les ressources financières limitées et le nombre restreint d’employés à temps plein au sein de son bureau avaient considérablement entravé sa capacité à mener efficacement ses missions.

[Traduction]

Mme Illingworth précise en outre que ces contraintes se manifestent principalement par la réduction du nombre d’enquêtes systémiques que le bureau peut entreprendre et de sa capacité à s’occuper des nouvelles questions. De plus, de nombreux témoins ont souligné la nécessité d’assurer un financement adéquat pour le bureau de l’ombudsman afin qu’il puisse remplir pleinement son mandat.

La création d’un bureau distinct et indépendant entraînera-t-elle réellement l’amélioration de la situation des victimes d’actes criminels, ou les lacunes de la mise en œuvre de la Charte canadienne des droits des victimes sont-elles uniquement attribuables à un manque de ressources et de financement?

(2230)

Il sera essentiel que l’étude du comité examine attentivement cette question afin de mieux comprendre les besoins de financement de l’entité proposée par rapport à un service interne du ministère de la Justice. Cette enquête vise précisément à cerner la source des problèmes en question.

Bien que la disposition d’entrée en vigueur exige l’affectation de fonds par le Parlement pour la création de cette entité, il reste à savoir si l’indépendance de cette dernière fera une réelle différence dans un contexte de ressources inadéquates.

[Français]

Je vais maintenant aborder les modifications à la Charte canadienne des droits des victimes.

Il est intéressant de noter que le sénateur Boisvenu avait parrainé le projet de loi C-32, qui instaurait la Charte canadienne des droits des victimes. Il a donc les connaissances et la légitimité requises pour proposer des améliorations à cet outil juridique. Le projet de loi a reçu la sanction royale le 23 avril 2015 et il représentait à l’époque une avancée considérable pour les victimes au Canada.

Sur le plan des modifications à la Charte canadienne des droits des victimes, le projet de loi S-265 propose de remplacer le « droit au dédommagement » par le « droit à la réparation », renforçant ainsi le concept d’indemnité octroyée aux victimes. Cette proposition me semble intéressante et appropriée, mais l’impact de cet amendement devra évidemment être étudié en comité.

Le projet de loi prévoit également une nouvelle disposition afin que les victimes reçoivent du soutien en cas de non-respect d’une ordonnance de dédommagement. Il a été suggéré dans le cadre de l’étude au comité de l’autre endroit qu’il faudrait, et je cite :

[...] examiner les pratiques exemplaires mises en œuvre dans d’autres provinces en ce qui concerne le soutien aux victimes pour le dédommagement, afin de reproduire ces initiatives ailleurs.

Heidi Illingworth a souligné que certaines provinces, comme la Saskatchewan, la Nouvelle-Écosse et la Colombie-Britannique, ont déjà mis en place des programmes efficaces pour aider les victimes à faire exécuter les ordonnances de dédommagement. Le comité responsable d’étudier le projet de loi S-265 devrait faire une analyse comparative afin d’identifier les meilleures pratiques en matière d’exécution des ordonnances dans les différentes provinces et territoires. Cette approche concorde par ailleurs avec la recommandation no 13 du rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, qui demandait ce qui suit :

Que le ministère de la Justice travaille avec les provinces et les territoires pour convenir de moyens efficaces afin d’aider les victimes à faire respecter les ordonnances de dédommagement.

En ce qui a trait au cadre de mise en œuvre des droits des victimes, comme l’a fait valoir le sénateur Boisvenu dans son discours à l’étape de la deuxième lecture, reprenant ainsi les propos d’Heidi Illingworth, la mise en œuvre de la Charte canadienne des droits des victimes, depuis son adoption, a été sporadique et incohérente.

Dans son rapport d’étape publié en novembre 2020, l’ancienne ombudsman notait que « l’adoption d’une loi “en théorie” est différente de sa mise en œuvre “en pratique” ».

Dans ce rapport, elle soulignait notamment les limites de la formation des fonctionnaires du système de justice pénale et l’absence d’initiatives visant à informer les citoyens de leurs droits.

La création d’un cadre de mise en œuvre vise à remédier à ce problème, en donnant un sens concret aux textes législatifs. Encore une fois, les consultations avec les gouvernements provinciaux et d’autres parties prenantes, telles qu’elles sont proposées dans le projet de loi, renforcent l’approche collaborative nécessaire pour apporter un changement significatif.

[Traduction]

Je félicite le sénateur Boisvenu pour le travail qu’il a accompli dans l’élaboration de ce projet de loi. Comme vous pourrez le constater tout au long de mon discours, ses propositions s’appuient sur les recommandations formulées par le Comité de la justice de l’autre endroit dans son rapport intitulé Améliorer le soutien aux victimes d’actes criminels, ainsi que sur la recommandation de Mme Heidi Illingworth, qui possède une connaissance approfondie du régime juridique régissant les droits des victimes au Canada.

Je note cependant que le projet de loi est muet sur la question des preuves nécessaires à l’évaluation des besoins. Dans son rapport de 2020, Heidi Illingworth recommande explicitement la collecte de telles données afin de mieux comprendre les besoins et les lacunes en matière de soutien aux victimes d’actes criminels. Elle y fait la recommandation suivante :

Recueillir de façon uniforme à l’échelle nationale des données sur le traitement des victimes dans le système de justice pénale et mettre à la disposition du public un rapport sur la question. Il faut aligner les indicateurs de données sur les droits énumérés dans la Charte canadienne des droits des victimes afin qu’on puisse suivre et mesurer cette information en vue d’évaluer la façon dont on assure le maintien des droits dans toutes les administrations. Le ministère de la Justice devrait envisager la création d’un groupe de travail sur les données relatives aux victimes qui réunirait des représentants du Ministère et les procureurs généraux des provinces et des territoires, des universitaires et Statistique Canada dans le cadre d’un effort national de collaboration pour atteindre cet objectif.

Elle s’inquiète également du manque de données uniformes et utilisables sur la façon dont le système de justice pénale traite les victimes. Elle écrit ceci :

[...] Bien que la Charte canadienne des droits des victimes délimite clairement les droits légaux des victimes, on n’a pas pris de dispositions adéquates pour exiger que tous les représentants mesurent ou consignent de l’information sur la manière dont ils informent les victimes de leurs droits et le moment où ils le font, ni sur les droits exercés par les victimes et le moment où elles l’exercent. Sans cette information, il est difficile d’évaluer l’efficacité des systèmes. En outre, il nous faut des données permettant de cerner les aspects des systèmes qu’il faudrait améliorer, pas seulement des données administratives ou internes qui ne sont jamais passées en revue. Cette question préoccupe le Bureau depuis le dépôt du projet de loi.

J’espère que le comité envisagera sérieusement d’inclure une disposition sur la collecte de données dans le projet de loi, car il est essentiel d’évaluer le traitement différencié des victimes et ses répercussions plus vastes sur des groupes précis et sur notre société. Je tiens à souligner l’importance d’examiner la façon dont le projet de loi pourrait régler plus efficacement des problèmes précis, y compris ceux liés aux femmes autochtones disparues ou assassinées, ainsi que d’autres préoccupations liées à des aspects structurels de la discrimination systémique.

Je vous encourage, chers collègues, à renvoyer rapidement ce projet de loi au Comité sénatorial permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles. Il devrait être étudié avec diligence et en prenant dûment en considération la compassion, le respect envers les victimes d’actes criminels au Canada et leur dignité.

[Français]

J’aimerais conclure mon discours en soulignant les contributions exceptionnelles du sénateur Boisvenu à la législation canadienne et au système de justice pénale. Le sénateur Boisvenu a consacré sa carrière au Sénat à titre de porte-parole d’un groupe sous‑représenté : les victimes d’actes criminels. Il a embrassé cette mission avec dévouement, passion et compassion. Le sénateur Boisvenu a transformé une tragédie personnelle qui a marqué sa vie en une force positive, saisissant chaque occasion pour transformer l’adversité en progrès pour la société canadienne.

Les contributions remarquables du sénateur Boisvenu continueront de guider les réformes à venir en faveur d’un système de justice pénale plus équitable et plus attentif aux besoins des victimes.

Le sénateur n’est pas ici, mais je lui adresse tout de même cette petite phrase : cher collègue, merci pour votre dévouement sans fin et félicitations pour votre impressionnante carrière. Je vous souhaite le meilleur pour la suite. Je vous remercie, chers collègues, de m’avoir écoutée.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Bellemare, avez-vous une question à poser?

L’honorable Diane Bellemare : Est-ce que la sénatrice Moncion accepterait de répondre à une question?

La sénatrice Moncion : Avec plaisir.

La sénatrice Bellemare : Je vous ai entendue dire qu’il devrait peut-être y avoir des crédits alloués à ce projet de loi.

J’aimerais vous entendre un peu plus en détail sur notre capacité à proposer des projets de loi qui prévoient des allocations de crédit.

Ne faut-il pas une recommandation royale ou quelque chose de ce genre?

La sénatrice Moncion : Merci de votre question. Vous avez effectivement raison. C’est pour cela que, dans le travail que nous devons faire, il faut examiner cet aspect, parce que, pour que le Bureau de l’ombudsman puisse fonctionner de façon indépendante, il faut que le gouvernement adopte des mesures qui lui permettront d’exister.

C’est l’un des aspects qui doit aussi être examiné par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

(2240)

Projet de loi sur le cadre national sur la maladie falciforme

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Mégie, appuyée par l’honorable sénateur Cotter, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-280, Loi concernant un cadre national sur la maladie falciforme.

L’honorable Amina Gerba : Honorables sénateurs, l’un des mandats du Sénat est de défendre les minorités de notre pays et, en ce sens, il est de notre devoir de veiller au bien-être des plus vulnérables.

Aujourd’hui, je prends la parole pour soutenir avec conviction le projet de loi S-280, Loi concernant un cadre national sur la maladie falciforme. Je salue et félicite la sénatrice Mégie, qui a proposé ce projet de loi absolument nécessaire.

Je ne suis pas médecin et encore moins experte de cette terrible maladie génétique héréditaire, qui se transmet donc par les parents et qui est présente dès la naissance.

Je prends la parole, car j’ai connu et je connais des personnes, des familles et des proches vivant avec cette maladie, que notre collègue a brillamment décrite dans son discours à l’étape de la deuxième lecture.

La sénatrice Mégie nous a notamment appris que la maladie falciforme est une condition génétique qui touche un nombre important de Canadiens, en particulier nos concitoyens originaires de l’Afrique, des Caraïbes, du Moyen-Orient, de l’Amérique centrale et du Sud, de certaines régions de l’Inde et du bassin méditerranéen.

Toutefois, ce serait une erreur, honorables sénateurs, de penser que ceux qui sont d’une autre origine sont à l’abri. En effet, nous vivons dans un monde où, à cause du brassage des populations, les unions entre personnes de différentes origines sont de plus en plus fréquentes. La possibilité de transférer le gène d’un groupe à un autre existe. Nous devons donc agir dès maintenant pour l’avenir de toutes nos populations.

Permettez-moi justement de vous raconter une anecdote personnelle. Lorsque mon mari et moi nous sommes fiancés au Cameroun en 1984, l’officier d’état civil a exigé un test de dépistage de la drépanocytose, qui est une autre façon d’appeler l’anémie falciforme. Le test, appelé électrophorèse, a permis, Dieu merci, de montrer que nous étions négatifs. C’est la première fois que j’entendais parler de cette maladie. En confirmant que nous étions négatifs, nous avions donc de la chance, dirais-je, et nous étions autorisés à prendre le risque de nous marier, sans risque pour nos futurs enfants.

Imaginez deux personnes qui s’aiment et à qui l’on annonce qu’elles sont porteuses de ce gène, soit l’un ou l’autre, soit les deux! La terrible nouvelle signifie que l’on doit prendre une décision lourde de conséquences : celle de s’unir en connaissant tous les risques.

Un dilemme se pose alors : s’unir en sachant que l’on risque d’avoir des enfants porteurs du gène et qui auront de fortes probabilités de développer la maladie falciforme, ou choisir de ne pas avoir d’enfants. Je précise qu’à l’époque, au Cameroun, l’espérance de vie des personnes souffrant des formes graves de la maladie falciforme dépassait à peine les 20 ans, compte tenu de la précarité du système de santé dans ce pays.

Revenons à mon entourage au Québec, où je vis; plusieurs de mes proches sont atteints de la maladie falciforme. Je vous donnerai uniquement quelques exemples de ces personnes que j’ai côtoyées.

En effet, j’ai été témoin des crises de douleurs et des hospitalisations fréquentes de Lisa, la fille de ma coiffeuse, qui était atteinte de la forme la plus grave de la maladie et qui avait besoin de soins médicaux fréquents, ce qui affectait sa qualité de vie et celle de sa famille.

Évidemment, il y a eu des conséquences sur ses études, qu’elle n’a jamais pu terminer. De plus, à 35 ans, elle ne s’est jamais mise en couple. Lisa manque totalement de confiance en elle. La peur, la solitude et l’anxiété sont son lot quotidien.

Laissez-moi aussi vous parler de l’histoire de mon ami Mario, qui, contrairement à Lisa, est un professionnel accompli. Mario a décidé de combattre la maladie en l’affrontant de plein fouet. Sachant dès son plus jeune âge qu’il n’était pas né avec la santé d’un athlète, il a toujours été conscient que c’est grâce à son éducation et à son travail intellectuel qu’il réussirait à réaliser ses rêves, même en vivant avec cette maladie.

Il a terminé brillamment ses études universitaires dans certaines des institutions les plus prestigieuses au monde, malgré les hospitalisations qu’il a dû subir au fil du temps. Marié et père d’un enfant, Mario suit assidûment ses traitements et a su trouver des astuces et des arrangements pour ce qui est de sa vie professionnelle et personnelle pour être en mesure de vivre le mieux possible avec cette maladie, qui lui a permis de développer beaucoup d’empathie envers les autres.

En résumé, chers collègues, malgré les difficultés, les personnes atteintes de la maladie falciforme accomplissent des choses extraordinaires dans la vie et pour notre société, même si elles doivent parfois cacher leur condition médicale pour progresser dans des milieux professionnels exigeants qui laissent peu de place à la vulnérabilité.

Ce qui m’a surtout poussée à prononcer ce discours, c’est l’histoire de Mamadou Camara, réalisateur d’un projet pilote de docufiction intitulé Souffrir en silence. Mamadou, que nous avons invité au Sénat et avec qui la sénatrice Mégie et moi avons présenté un visionnement au mois de juin, souffre en silence. Il nous fait plonger dans l’intimité d’une famille pour nous montrer le désarroi de parents impuissants à soulager leur enfant des souffrances qu’il subit.

Cela permet de mieux comprendre l’anxiété ressentie par les porteurs du gène et leur famille. Comme le dit Mamadou, il vit avec une sentence de mort et une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

Chers collègues, la maladie falciforme a des implications sérieuses sur la dynamique familiale et affecte la santé émotionnelle, physique, psychologique et financière de l’entourage du malade.

Ce projet de loi est important pour plusieurs raisons : il améliorera la sensibilisation des professionnels de la santé; il créera un cadre national de recherche; il instaurera un registre national; il assurera un accès universel au dépistage néonatal; il favorisera la sensibilisation du public; enfin, il fournira le soutien financier nécessaire pour faire avancer la recherche sur cette maladie.

Comme l’a si bien décrit la sénatrice Mégie, trop peu de professionnels de la santé connaissent la maladie et ses symptômes. Résultat : lorsque certains malades en crise arrivent dans les salles d’urgence, ils reçoivent souvent un mauvais diagnostic, ce qui conduit à une mauvaise prise en charge, voire à une sous-estimation des soins requis. En 2023, au Canada, cela n’est pas acceptable.

(2250)

Cette maladie exige une approche cohérente et proactive de la part de notre gouvernement. En établissant un cadre national, nous pouvons garantir un accès équitable aux soins de santé et un soutien aux patients et aux familles touchés.

En votant en faveur du projet de loi S-280, nous contribuons à mettre en place un écosystème qui assure à tous les enfants une vie épanouissante et dépourvue de stigmatisation et un accès équitable aux soins de santé, peu importe leur génétique ou leurs origines.

Madame la sénatrice Mégie, bravo.

Je vous remercie, chers collègues.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La Loi sur les télécommunications

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Martin, appuyée par l’honorable sénatrice Marshall, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-288, Loi modifiant la Loi sur les télécommunications (renseignements transparents et exacts sur les services à large bande).

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je fais de la politique depuis quelques années maintenant et il y a une compétence qu’on acquiert qui consiste à « prendre le pouls d’un groupe ». Si je prends le pouls des sénateurs présents en ce moment, je constate que ce n’est pas le meilleur moment pour vous captiver avec ce discours.

Je tiens également à vous dire ce qui suit et je peux le dire en toute confiance : je pense être le doyen des sénateurs ici présents, ce qui signifie que vous devez m’écouter cette fois-ci, s’il vous plaît.

J’interviens brièvement, en tant que porte-parole très bienveillant, au sujet du projet de loi C-288, Loi modifiant la Loi sur les télécommunications (renseignements transparents et exacts sur les services à large bande), qui est un projet de loi d’initiative parlementaire présenté à l’autre endroit par le député de Dauphin—Swan River—Neepawa, M. Dan Mazier.

Je remercie M. Mazier du travail qu’il a accompli en présentant le projet de loi. Comme beaucoup de sénateurs le savent, j’ai — si j’ose dire — défendu la nécessité de procéder à une réforme de la loi, de la politique et des pratiques canadiennes en matière de télécommunications. Nous connaissons tous les statistiques. Le coût des données mobiles et d’Internet au Canada compte parmi les plus élevés au monde. L’accès à un service à large bande fiable est inéquitable au Canada, ce qui signifie que de nombreuses communautés autochtones, éloignées et nordiques demeurent sans connexion ou reçoivent des services de qualité médiocre.

Je suis fermement convaincu qu’il n’y aura pas de changement si nous ne fondons pas un tel changement sur des données. Voilà pourquoi ce projet de loi est important. En obligeant les fournisseurs à divulguer les paramètres de qualité du service, ainsi que les vitesses de téléchargement et de téléversement pendant les périodes de pointe, nous disposerons des données nécessaires pour savoir quelles mesures supplémentaires peuvent être prises afin d’atteindre les vitesses cibles au Canada : 10 mégaoctets par seconde en téléversement et 50 mégaoctets par seconde en téléchargement.

Ce projet de loi prévoit également une certaine responsabilité grâce à des exigences en matière de rapports et à un mécanisme d’audiences publiques, ce qui, je le reconnais, est indispensable pour si nous voulons atteindre des vitesses de cet ordre.

Chers collègues, un accès équitable signifie que les Canadiens peuvent participer pleinement à notre monde numérique. Il ne s’agit pas de regarder votre émission préférée en rafale sur un service de diffusion en continu ou de regarder des vidéos de danse virales. Il s’agit d’un meilleur accès et d’un accès équitable aux soins de santé. Cela signifie que les patients pourront consulter des spécialistes au moyen de services de télésanté. Il s’agit d’un meilleur accès et d’un accès équitable à la justice. Cela signifie que des témoins experts pourront comparaître et témoigner à distance. Il s’agit d’une meilleure éducation, de meilleures possibilités d’emploi, du développement économique et de bien d’autres choses encore.

Je suis heureux que la Chambre basse ait décidé de soumettre un projet de loi comme celui-ci à l’examen du Sénat, car cela signifie qu’elle s’intéresse, dans une certaine mesure, à ce que tous les Canadiens puissent bénéficier d’un accès rapide et fiable à Internet, car — permettez-moi de vous le dire — on n’a pas toujours l’impression qu’elle considère ce sujet comme important.

En effet, le 8 novembre 2023, les collègues de l’autre endroit ont jugé qu’il valait mieux faire preuve de prudence en votant contre mon projet de loi — le projet de loi S-242 — à l’étape de la deuxième lecture. En passant, chers collègues, je vous remercie d’avoir appuyé mon projet de loi au Sénat.

Comme vous le savez tous, la deuxième lecture porte sur le principe d’un projet de loi. Comme je viens de le faire pour le projet de loi C-288, en débattant le bien-fondé de ces mesures législatives, l’autre endroit — dans sa sagesse — a voté contre mon projet de loi. Je présume que cela signifie que, en principe, les députés ont jugé qu’il est approprié d’avoir à rendre des comptes sur un accès équitable, mais qu’il est exagéré d’imposer de lourdes conséquences lorsque le spectre n’est pas déployé dans les régions où les services sont insuffisants. Mais je m’écarte du sujet.

Contrairement aux députés d’en face à l’autre endroit, je crois que les projets de loi devraient être étudiés par un comité. S’ils ne franchissent pas cette étape, il faudrait que ce soit parce qu’il y a des lacunes sur le plan de la substance ou du bien-fondé. Par ailleurs, je crois que ce projet de loi s’attaque à la montagne que nous devons gravir pour offrir l’équité numérique à tous les Canadiens.

Je vous exhorte, honorables collègues, à appuyer le renvoi de ce projet de loi au comité. Merci. Qujannamiik.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

Régie interne, budgets et administration

Septième rapport du comité—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moncion, appuyée par l’honorable sénateur Yussuff, tendant à l’adoption du septième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, intitulé Prévisions budgétaires du Sénat pour 2023-2024, présenté au Sénat le 7 février 2023.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Avec le consentement du Sénat, j’aimerais ajourner le débat au nom du sénateur Housakos.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est‑il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

(2300)

Le Sénat

Motion tendant à exhorter le gouvernement à dénoncer l’illégitimité du régime cubain—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénateur Wells,

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à :

a)dénoncer l’illégitimité du régime cubain et à reconnaître l’opposition cubaine et la société civile en tant qu’interlocutrices;

b)exhorter le régime cubain à assurer le droit du peuple cubain à manifester pacifiquement sans possibilité de représailles et de répudiation.

L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est à son 15e jour. Par conséquent, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-15(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat pour le temps de parole qu’il me reste.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion tendant à demander au gouvernement d’accélérer la mise en œuvre des solutions numériques qui transforment l’expérience des Canadiens en matière de prestation des services publics—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Deacon (Nouvelle-Écosse), appuyée par l’honorable sénateur Smith,

Que le Sénat demande au gouvernement du Canada de remplacer ses systèmes de prestation de programmes et de technologie de l’information désuets en accélérant, de toute urgence, la mise en œuvre de solutions numériques axées sur les usagers qui transforment l’expérience des Canadiens en matière de prestation des services publics et, en fin de compte, réduisent le coût de la prestation des programmes.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je devrais peut‑être prendre exemple sur le sénateur Dennis Patterson, mais je sens beaucoup d’excitation dans la salle.

J’interviens en appui à la motion no 107. Je vous remercie, sénateur Colin Deacon, de demander au gouvernement du Canada de remplacer ses systèmes de prestation de programmes et de technologie de l’information désuets en accélérant, de toute urgence, la mise en œuvre de solutions numériques axées sur les usagers qui transforment l’expérience des Canadiens en matière de prestation des services publics, dans le but de réduire les délais administratifs et les coûts de prestation des programmes.

Dans bien des cas, la prestation des programmes gouvernementaux est lente, difficile et coûteuse, en plus d’imposer un lourd fardeau administratif aux participants. Parmi les systèmes où ces défauts sont bien en évidence, mentionnons ceux qui servent à la production des déclarations de revenus et à la suspension du casier judiciaire. Bien que le système de production des déclarations de revenus ait été le seul à avoir été en mesure d’offrir des mesures de soutien du revenu pendant la pandémie, il a besoin d’être amélioré. En effet, les contribuables sont encore obligés de soumettre une déclaration de revenus annuelle qui est ensuite vérifiée par l’Agence du revenu du Canada, l’ARC, alors que beaucoup de pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, ont adopté une déclaration de revenus automatisée. Le second système, celui qu’on utilise pour la suspension du casier judiciaire, comporte quatre volets ayant chacun leurs propres systèmes bureaucratiques. De plus, les gens qui souhaitent obtenir une suspension de leur casier doivent obtenir les documents pertinents auprès de sources policières ou de tribunaux, payer des frais et soumettre des demandes complexes.

Comme ces deux systèmes requièrent des efforts considérables de la part des utilisateurs, leur inefficacité désavantage particulièrement les personnes les plus marginalisées.

Ces dernières années, le gouvernement a pris certaines mesures pour moderniser les services et accroître leur accessibilité, notamment en créant Service numérique canadien et en mettant en œuvre l’Ambition numérique du Canada. Toutefois, dans son rapport publié en réponse à la motion, le directeur parlementaire du budget souligne que le gouvernement a encore bien du chemin à parcourir avant d’atteindre ses objectifs en matière de prestation de services numériques. Malgré les efforts admirables déployés par le gouvernement pour améliorer la sécurité, la fiabilité et la confidentialité de ses services, le directeur parlementaire du budget a constaté un manque d’uniformité dans l’accès aux services et leur convivialité.

Le gouvernement n’a pas non plus fait un suivi des économies réalisées grâce au passage au numérique. Comme il n’existe pas de guichet central de renseignements sur les montants totaux dépensés ou économisés par le gouvernement dans le cadre de ces initiatives, le directeur parlementaire du budget n’a pas pu comparer les économies escomptées à ce qui a été effectivement réalisé. Le directeur parlementaire du budget souligne également qu’il n’est pas certain que le financement prévu pour les initiatives de transformation et de services numériques — un total de 1 milliard de dollars sur sept ans — sera suffisant pour atteindre les objectifs du gouvernement.

Ces conclusions mettent en évidence un manque de transparence et de responsabilité de la part du gouvernement.

Nous devrions tous demander à quoi servent les fonds et avec quelle efficacité ils sont utilisés. L’objectif du financement est de moderniser les systèmes obsolètes qui ne parviennent pas à répondre aux besoins du public. Le financement ne doit pas être utilisé pour la maintenance des systèmes existants.

L’actuel système de déclaration de revenus du Canada est un bon exemple.

Le chapitre 9 du budget de 2022 portait sur l’équité fiscale et le gouvernement efficace. L’équité fiscale exige que les plus marginalisés puissent avoir accès aux avantages fiscaux qui leur sont destinés. Chaque année, jusqu’à 12 % des Canadiens ne produisent pas de déclaration de revenus. La plupart de ces personnes sont des gens à faible revenu qui, en produisant une déclaration de revenus, pourraient bénéficier de remboursements du gouvernement et de programmes comme l’Allocation canadienne pour enfants et le Supplément de revenu garanti. Par exemple, en 2015 seulement, les personnes en âge de travailler qui n’ont pas produit leur déclaration de revenus ont perdu 1,7 milliard de dollars en prestations.

La lourdeur administrative du système de déclaration de revenus réduit l’efficacité des dépenses fiscales qui sont expressément conçues pour lutter contre la pauvreté. À quel point pourrait-on rendre ce système plus efficace si l’Agence du revenu du Canada produisait les déclarations de revenus de ces personnes?

Dans le budget de cette année, le gouvernement a annoncé qu’il aiderait des millions de Canadiens à faible revenu à produire leur déclaration de revenus en augmentant le nombre de Canadiens admissibles au service téléphonique Produire ma déclaration pour le porter à 2 millions d’ici 2025. Le gouvernement a également promis de demander à l’Agence du revenu du Canada de mener un projet pilote sur un nouveau service automatisé de production de déclarations de revenus.

L’introduction de la production automatisée des déclarations de revenus est une étape cruciale dans la promotion de l’équité fiscale. La production automatisée des déclarations de revenus est un processus par lequel le fisc remplit une déclaration de revenus pour un particulier à l’aide des renseignements à son dossier, puis lui fournit la déclaration pour qu’il la mette à jour ou la corrige. L’évaluation de l’incidence de cette mesure par le gouvernement a montré que les personnes célibataires et sans enfant en bénéficieront particulièrement. Ces personnes ont actuellement un taux de déclaration de revenus inférieur à celui des personnes ayant des enfants; elles ont généralement des revenus plus faibles; et elles représentent la grande majorité des bénéficiaires de l’aide au revenu provinciale et territoriale.

Les experts en équité fiscale réclament depuis longtemps la mise en œuvre de cette mesure. Le système actuel, dans lequel les particuliers compilent et soumettent leurs déclarations à l’Agence du revenu du Canada pour vérification, est à la fois obsolète et inefficace, et il oblige les personnes marginalisées à supporter une lourde charge administrative. De nombreux pays se sont débarrassés de ce système et ils ont opté pour des formes automatisées de déclaration de revenus. C’est le cas de la Slovénie, de la Norvège, du Danemark, de la Finlande, du Chili, du Portugal, de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie.

Puisque le gouvernement se fie actuellement à l’Agence du revenu du Canada pour verser aux particuliers des prestations fondées sur le revenu en fonction des renseignements contenus dans la déclaration de revenus, l’absence de production automatisée empêche les Canadiens de recevoir les prestations essentielles auxquelles ils ont droit. Aller de l’avant avec la production automatisée est une étape cruciale vers la modernisation de la prestation des services publics, qui correspond aux objectifs de la motion no 107. Cette étape pourrait également permettre une utilisation plus rationalisée et efficace des fonds publics dans les mesures d’aide au revenu, ce qui favoriserait la réduction de la pauvreté et les efforts de redistribution des revenus.

Honorables sénateurs, comme vous l’aurez sans doute remarqué, j’aimerais vraiment voir le Canada instaurer un régime national de revenu de base garanti suffisant. La motion no 107 vise l’établissement de systèmes qui faciliteraient la prestation du genre de régime envisagé dans le projet de loi S-233, lequel obligerait le gouvernement à examiner les options et à créer un cadre en prévision de la mise en œuvre d’un revenu de base garanti suffisant.

Donc manifestement, j’appuie cela.

L’autre système qui a besoin d’être modernisé et dont j’aimerais discuter est celui des casiers judiciaires. En 2018, les membres du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes ont mis de côté les lignes de parti et demandé à l’unanimité l’examen d’un système d’expiration automatisée des casiers judiciaires. À l’heure actuelle, nous attendons toujours un tel système, le premier du genre au Canada, qui ne vise que les casiers liés à la possession de drogue, devant entrer en vigueur d’ici novembre 2024.

La Commission des libérations conditionnelles du Canada a déclaré sans équivoque que l’obstacle à la mise en œuvre est de nature technologique. En 1995, il en coûtait 50 $ pour demander l’effacement du casier judiciaire. Ce tarif est passé à 150 $ en 2010, à 630 $ en 2012 et a atteint les 657,77 $ en 2021. Même s’il a été ramené à 50 $ à compter du 1er janvier 2022, la complexité du processus de demande et les frais cachés font que, pour beaucoup trop de gens, la suspension du casier demeure inaccessible.

Selon les consultations menées par la Commission des libérations conditionnelles du Canada, 63 % des personnes interrogées estiment que le processus actuel de demande de suspension de casier entrave l’accès au programme. Nombre d’entre elles ont déclaré qu’il s’agissait d’une punition supplémentaire pour des personnes qui ont déjà été tenues responsables de leurs actes. Dans ce cas, la punition prend la forme d’une discrimination en matière d’emploi, de logement, d’éducation et de bénévolat. Les personnes qui ont purgé leur peine ont souvent du mal à vivre à nouveau dans la société, et encore plus à s’y intégrer, en raison des obstacles posés par les casiers judiciaires et les vérifications des antécédents judiciaires.

(2310)

Le nombre de vérifications du casier judiciaire augmente d’environ 7 % par année, ce qui exacerbe les impacts négatifs subis par les personnes qui ont un casier judiciaire, en particulier les personnes racisées. Trois employeurs sur cinq à Toronto exigent maintenant une vérification des antécédents par la police pour tous leurs nouveaux employés.

Malgré les affirmations soutenant que l’existence d’un casier judiciaire améliore la sécurité publique, les données indiquent que, après quelques années sans avoir commis de crimes, la personne qui possède un casier judiciaire ne risque pas plus que le reste de la population d’être judiciarisée.

L’itinérance augmente le risque d’incarcération et l’incarcération augmente le risque d’itinérance, notamment en raison du stigmatisme que cause l’existence d’un casier judiciaire.

Le recours à des systèmes désuets en matière de suspension des casiers judiciaires perpétue les méfaits subis par les personnes visées et par leur collectivité et cela n’améliore pas la sécurité publique. L’inefficacité administrative nuit à la capacité des gens de trouver une vie meilleure. Au cas où vous l’ignoriez, des 3,8 millions de Canadiens détenant un casier judiciaire, 9 sur 10 n’ont pas de réhabilitation ni de suspension de casier judiciaire.

Qu’est-ce qui pourrait être fait pour alléger ce fardeau administratif et promouvoir l’équité dans le système de justice pénale?

La base de données du Centre d’information de la police canadienne de la GRC pourrait être utilisée comme système centralisé des dossiers pour assurer l’automatisation de l’expiration des casiers en éliminant le coût et le fardeau administratif associés au processus de demande actuel.

La mise en œuvre d’une expiration automatique des casiers judiciaires, sans avoir à en faire la demande, serait faisable sur le plan technologique au Canada. Des pays comme le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et la Nouvelle-Zélande ont tous mis en œuvre l’expiration automatique des casiers judiciaires.

Signalons que cette approche existe déjà au Canada pour la gestion des casiers criminels des jeunes contrevenants.

C’est la raison d’être du projet de loi S-212 qui, comme vous le savez également, n’a pas pu progresser depuis son adoption par le Comité des affaires juridiques. En attendant la troisième lecture et, espérons-le, l’adoption du projet de loi, je précise qu’il vise à mettre en place un système qui réduirait le racisme, l’inégalité et l’inaccessibilité du programme actuel de suspension du casier en éliminant les obstacles inutiles à la réadaptation et à l’intégration communautaire. Les changements apportés par le projet de loi S-212 allégeraient le fardeau des personnes qui doivent actuellement endosser le processus de demande coûteux et fastidieux. L’expiration du casier judiciaire ne devrait pas être un privilège accordé uniquement aux personnes les mieux nanties.

Il faut remanier le processus désuet de suspension de casier dans le cadre de la mission globale du gouvernement, qui cherche à moderniser les systèmes de prestation de services et à accélérer la mise en œuvre de solutions numériques conviviales. Ces objectifs sont compatibles avec ceux de la motion no 107. Comme le sénateur Deacon l’a clairement indiqué, pour réussir, il faut privilégier les pratiques exemplaires plutôt que les anciennes pratiques et permettre l’apport de changements législatifs, réglementaires et stratégiques afin de s’assurer que les services gouvernementaux répondent aux besoins des Canadiens. Il est important de remplacer des systèmes de prestation de programmes désuets non seulement pour accroître l’efficacité et réduire les coûts, mais aussi pour garantir aux citoyens un accès rapide aux ressources dont ils ont tant besoin.

Sur le plan de la prestation de services, le Canada accuse une décennie de retard par rapport à de nombreux autres pays. Par exemple, le Royaume-Uni a mis en place des services gouvernementaux numériques en 2011, la Nouvelle-Zélande a mis sur pied une équipe de transformation numérique en 2013, et les États-Unis ont lancé le Service numérique américain en 2014, dans le but d’améliorer l’efficacité et la convivialité de leurs services.

L’enquête sur l’E-gouvernement 2022 des Nations unies classe le Canada au 32e rang sur 33 pays pour ce qui est du développement des stratégies d’administration numérique. Bien que le classement du Canada n’ait pas toujours été aussi faible, celui-ci s’est considérablement dégradé au cours des dix dernières années. Au cours de la dernière décennie, d’importants progrès technologiques ont été réalisés et, comme l’ont souligné le sénateur Deacon, la vérificatrice générale et le directeur parlementaire du budget, sans oublier le gouvernement lui-même, comme en témoignent les objectifs qu’il s’est fixés dans le cadre du budget, le Canada doit agir dès maintenant pour rétablir sa crédibilité dans le domaine du numérique.

Plus le Canada prendra du retard, plus des gens continueront d’être laissés pour compte, notamment les membres des groupes les plus marginalisés. Il est grand temps que le Canada se joigne au mouvement mondial de mise à jour des systèmes de prestation de services désuets.

J’attends avec impatience de voir les résultats et les avantages indéniables de ces efforts, notamment en ce qui concerne la déclaration d’impôts électronique et la réforme des casiers judiciaires.

Sénateur Deacon, je vous remercie de votre leadership et, chers collègues, je vous remercie d’appuyer cette importante initiative. Meegwetch. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Le rôle que jouent les débats des chefs dans le renforcement de la démocratie en engageant et en informant les électeurs

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Dasko, attirant l’attention du Sénat sur le rôle que jouent les débats des chefs dans le renforcement de la démocratie en engageant et en informant les électeurs.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

L’apport commercial et économique des entreprises autochtones à l’économie du Canada

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénateur Klyne, attirant l’attention du Sénat sur l’apport commercial et économique continu des entreprises autochtones à l’économie du Canada.

L’honorable Karen Sorensen : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de l’interpellation du sénateur Klyne sur les entreprises autochtones et la valeur qu’elles apportent au Canada. La découverte de différents exemples d’entrepreneuriat autochtone a été une source d’inspiration, et je remercie le sénateur Klyne d’avoir lancé cette interpellation. Je suis ravie d’avoir l’occasion de parler d’un sujet qui m’intéresse beaucoup : le tourisme autochtone.

Le tourisme autochtone est aussi diversifié que les communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits qui composent ce pays. Il englobe tout, des centres d’interprétation des lieux historiques aux grands événements tels que les pow-wows, les festivals de musique et les compétitions sportives, qui attirent des participants du monde entier.

Les entreprises touristiques autochtones proposent des aventures en plein air comme la chasse, la pêche et les promenades en traîneau à chiens; de l’agritourisme, comme à la ferme Madahoki ici, à Ottawa; et des spectacles, de la nourriture et des œuvres d’art incroyables.

De nombreux artistes autochtones du Canada ont été reconnus et acclamés à l’échelle internationale. Le public vient de partout pour assister à des concerts de musiciens tels que Tanya Tagaq, la nation Halluci et William Prince, à des pièces de théâtre et à des lectures de Cliff Cardinal et de Tomson Highway, ainsi qu’aux œuvres d’art impressionnantes de Kent Monkman et de Jason Carter.

Les chefs des restaurants autochtones comme Pei Pei Chei Ow à Edmonton ou Feast Café à Winnipeg préparent des plats contemporains étonnants à partir d’ingrédients traditionnels récoltés localement.

En outre, les touristes continuent de rechercher des articles faits à la main par des artisans autochtones, notamment des bijoux ornés de motifs de perles complexes, des sculptures réalisées avec des matériaux locaux, des poupées, des sacs à main et des articles de mode en fourrure et en peau de phoque. Les boutiques appartenant à des Autochtones, comme Adaawewigamig, au marché By d’Ottawa, et le Treaty Truckhouse, sur le front de mer d’Halifax, offrent aux artisans autochtones un espace pour vendre leurs créations; elles agissent comme des centres communautaires essentiels et elles sont extrêmement populaires auprès des visiteurs de partout dans le monde.

Bien sûr, le tourisme autochtone crée des emplois et des débouchés économiques dans les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis, ce qui contribue à atteindre l’objectif de la prospérité et de l’autodétermination. Les visiteurs que ces entreprises attirent ont des retombées positives sur les collectivités environnantes.

Ces retombées régionales sont particulièrement importantes, si l’on considère que plus de 60 % des entreprises touristiques autochtones au Canada mènent leurs activités dans des régions rurales et éloignées. La présence de ces entreprises touristiques favorise le développement économique et les investissements là où ils sont le plus nécessaires, tout en donnant un coup de pouce aux entreprises locales.

Pour illustrer comment cela fonctionne, les Jeux autochtones de l’Amérique du Nord de cet été ont rassemblé à Halifax des athlètes, des vendeurs et des spectateurs venus de tout le continent. En plus de présenter le meilleur de l’athlétisme, de l’art et de la culture autochtones, les participants aux jeux ont séjourné dans des hôtels locaux, fréquenté des boutiques et des restaurants locaux et découvert la beauté de la côte Est du Canada, et ce, pour la première fois pour beaucoup d’entre eux. Je suis sûre que beaucoup de ces gens sont tombés amoureux de la Nouvelle-Écosse et qu’ils y retourneront probablement.

C’est pourquoi j’ai été ravie d’apprendre que les jeux de l’année prochaine se tiendront à Calgary, en Alberta, et que les organisateurs souhaitent mettre l’accent sur les activités artistiques et culturelles, en plus des sports. J’ai hâte de voir ce qu’ils font et comment ils mettent en valeur les cultures dynamiques des Pieds‑Noirs, des Tsuut’ina, des Stoney Nakoda et des Métis de la région.

Les avantages du tourisme autochtone vont cependant bien au‑delà de l’aspect économique.

L’industrie du tourisme autochtone est un moteur vital de la revitalisation culturelle des peuples autochtones. Elle soutient les conteurs, les artistes et les gardiens du savoir qui transmettent leurs traditions aux générations futures, y compris, il faut le dire, des coutumes qui ont presque été perdues à cause du colonialisme et de l’assimilation forcée.

De plus, ce secteur joue un rôle indispensable pour sensibiliser les non-Autochtones à l’histoire du Canada et de tous les gens qui y vivent. L’apprentissage du patrimoine dynamique des peuples autochtones — y compris leur spiritualité, leurs magnifiques œuvres d’art et leurs contes ainsi que leur mode de vie durable — favorise le respect mutuel et la compréhension. C’est l’aspect « vérité » de la vérité et de la réconciliation.

(2320)

Depuis ma nomination au Sénat, j’ai eu l’occasion de visiter des lieux historiques partout au Canada, dont le précipice à bisons Head-Smashed-In et le parc historique de Blackfoot Crossing, dans le Sud de l’Alberta; Metis Crossing, à Smoky Lake; l’Indigenous Peoples Experience, au parc Fort Edmonton; et le centre d’interprétation mi’kmaw de la Forteresse de Louisbourg, en Nouvelle-Écosse. Bon nombre de ces centres sont gérés par des Autochtones. Par exemple, le directeur de la Forteresse de Louisbourg était fier de m’informer que tous les membres du personnel du centre d’interprétation étaient des Autochtones. Ces employés sont en première ligne de l’éducation en matière de réconciliation et sont formés pour faire face à toutes sortes de situations, des questions gênantes aux comportements indélicats et même, malheureusement, aux mauvais traitements.

Au Comité des peuples autochtones, nous parlons souvent du négationnisme au sujet du génocide. Je trouve cela exaspérant et je ne peux imaginer à quel point il doit être difficile d’y être confronté tous les jours dans le cadre de son travail lorsqu’on a un lien personnel avec cette histoire douloureuse. J’applaudis le dévouement de ces employés de l’industrie du tourisme et je peux témoigner que leurs efforts ne sont pas vains. De plus en plus de Canadiens ouvrent les yeux sur les conséquences persistantes du colonialisme et de la discrimination, et ils recherchent des sources d’information fiables et directes pour les aider à mieux comprendre.

Il y a quelques années, j’ai emmené ma mère, alors octogénaire, visiter le précipice à bisons Head-Smashed-In Buffalo Jump, où nous avons appris l’histoire des Pieds-Noirs en Alberta, y compris les épreuves qu’ils ont endurées à cause de la colonisation. Ma mère est née en 1930, 10 ans après que la fréquentation des pensionnats autochtones fut devenue obligatoire pour les enfants autochtones. Elle avait 21 ans lorsque le Canada a levé l’interdiction des cérémonies autochtones traditionnelles et elle avait 78 ans lorsqu’elle a regardé le premier ministre Stephen Harper présenter les excuses officielles du Canada pour le rôle joué par le gouvernement dans le système des pensionnats autochtones. Rien n’a été appris à sa génération sur les préjudices infligés par ces politiques.

Je peux vous dire que ma mère a été très émue de ce qu’elle a pu apprendre lors de sa visite de ce site historique, notamment en parlant aux guides autochtones. Elle a passé des jours par la suite à réfléchir à l’histoire honteuse du Canada. Apprendre la vérité qu’elle connaît maintenant a eu une influence énorme sur elle. Voilà ce qu’apporte le tourisme autochtone.

Parce que le tourisme autochtone repose en grande partie sur l’art de raconter des histoires, c’est un moyen parfait pour faire connaître la vérité, alors que nous avançons sur la voie de la réconciliation. Je ne parle pas seulement des moments difficiles — même s’il est essentiel de les raconter —, mais aussi de la vie quotidienne des peuples autochtones avant et après l’arrivée des Européens. Il est extrêmement inspirant d’entendre des interprètes autochtones partager les histoires et les légendes de la création, d’expliquer la signification de la juge à rubans et autres tenues traditionnelles, de raconter les histoires derrière les chansons et les danses traditionnelles, et de raconter comment leurs ancêtres pratiquaient la chasse, la pêche et l’agriculture, ou encore comment ils ont élevé leurs enfants, bâti leur communauté et se sont adaptés aux changements au fil du temps.

On constate un grand intérêt pour apprendre la culture des Autochtones et en faire l’expérience, pas seulement chez les Canadiens, mais à l’échelle internationale. Selon un sondage de Destination Canada effectué en 2021, un touriste étranger sur trois veut participer à des expériences autochtones pendant son séjour au Canada. Le gouvernement du Canada a récemment publié la Stratégie fédérale pour la croissance du tourisme, qui précise que « les expériences autochtones authentiques » sont l’un des éléments importants de l’image de marque du Canada à l’échelle internationale, comme le sont les espaces naturels, l’intendance environnementale et les valeurs du Canada en matière de sécurité, d’inclusion et de droits de la personne.

Promouvoir et soutenir la croissance continue de ce secteur est une bonne stratégie, puisque le Canada souhaite attirer des touristes et développer l’industrie touristique. Le tourisme autochtone, comme tout le reste de ce secteur, a été durement touché par la pandémie de COVID-19. En tant que vice-présidente du Caucus parlementaire sur le tourisme, je peux vous affirmer que le secteur du tourisme fut le premier à être touché par les restrictions concernant les voyages et les rassemblements et celui qui le fut le plus durement. Cette industrie n’a toujours pas retrouvé son niveau d’activité d’avant la pandémie. C’est pourquoi nous avons plaidé en faveur d’une action forte pour appuyer ce secteur et l’aider non seulement à survivre, mais également à prospérer.

Je suis très reconnaissante d’avoir eu l’occasion de travailler avec l’Association touristique autochtone du Canada et d’autres organisations pour veiller à ce que le Canada ne passe pas à côté des possibilités illimitées que ce secteur a à offrir. L’Association touristique autochtone du Canada est un ardent défenseur de cette industrie et c’est impressionnant de voir tout ce qu’elle a fait pour maintenir le tourisme autochtone.

Ce secteur bénéficie également du travail d’organisations provinciales et territoriales comme Indigenous Tourism Alberta, Indigenous Destinations Saskatchewan, Indigenous Tourism Manitoba, Indigenous Tourism Ontario, Yukon First Nations Culture & Tourism Association, Tourisme autochtone Québec, Indigenous Tourism Association PEI, Nova Scotia Indigenous Tourism Enterprise Network, Indigenous Tourism Association of New Brunswick, Newfoundland & Labrador Indigenous Tourism Association, et Indigenous Tourism BC.

Le gouvernement doit continuer à investir dans le tourisme autochtone, car il contribue à l’épanouissement des communautés, stimule le développement économique et permet de créer des emplois et des carrières pour les Autochtones. Il favorise également la conservation de l’environnement, l’autodétermination économique et la revitalisation culturelle. Il nous aide à mieux connaître notre histoire et permet à des gens de tous horizons de tisser des liens et de bâtir des relations fondées sur la confiance et le respect mutuels.

Pour conclure la séance d’aujourd’hui, j’aimerais inviter tout le monde à vivre des expériences autochtones authentiques dans sa province ou dans son territoire. Vous n’en serez pas déçus.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

[Français]

Les préoccupations continues concernant l’agriculture canadienne, les milieux humides et la réaffectation des terres forestières

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénateur Black, attirant l’attention du Sénat sur les préoccupations que continuent de susciter la réaffectation des terres agricoles, des terres humides et des terres forestières du Canada, ainsi que la possible insécurité alimentaire, économique et sociale découlant de la capacité de production réduite de produits agricoles, de pâturages, de produits forestiers et d’aliments, tant à l’échelle nationale qu’internationale.

L’honorable Sharon Burey : Honorables sénateurs, je prends la parole ce soir au sujet de l’interpellation no 16 proposée par le sénateur Black, attirant l’attention du Sénat sur les préoccupations que continuent de susciter la réaffectation des terres agricoles, des terres humides et des terres forestières du Canada, ainsi que la possible insécurité alimentaire, économique et sociale découlant de la capacité de production réduite de produits agricoles, de pâturages, de produits forestiers et d’aliments, tant à l’échelle nationale qu’internationale.

[Traduction]

Aujourd’hui, j’ai l’intention de me pencher sur la question de l’utilisation des terres et de la sécurité alimentaire dans le cadre d’une interpellation lancée par une sénatrice qui vient tout juste de fêter le premier anniversaire de sa nomination au Sénat...

Des voix : Bravo!

La sénatrice Burey : ... et celle d’une pédiatre, d’une mère et d’une grand-mère préoccupée par les changements climatiques, la santé et la sécurité alimentaire.

En parlant de cela, mon but est de vous encourager, honorables collègues, après le débat, à voter pour que cette interpellation passe à l’étape du comité pour un examen plus approfondi.

En tant que législatrice, je suis de plus en plus consciente de la division des droits, des responsabilités et des pouvoirs entre les provinces, les territoires, les Premières Nations, les Innus, les Métis et le gouvernement fédéral. Certains d’entre vous se demandaient peut-être pourquoi une pédiatre s’intéressait de si près à la sécurité alimentaire lorsque je suis arrivée au Sénat.

Comme toutes les connaissances que j’ai acquises au cours de ma carrière, c’est en écoutant attentivement mes patients et leurs familles et en tirant les leçons de leurs épreuves que je me suis découvert un tel intérêt. C’est en faisant le lien entre la mauvaise santé et les résultats scolaires — les problèmes d’apprentissage, comportementaux et émotionnels — que j’ai été amenée à creuser pour découvrir que beaucoup de familles éprouvaient ou avaient éprouvé des difficultés à fournir suffisamment de bons aliments nutritifs, nécessaires à une vie saine, à leurs enfants.

Lorsque je suis arrivée au Sénat, j’ai décidé de me concentrer sur la sécurité alimentaire; du moins, c’est ce qu’il m’a semblé à l’époque. Toutefois, après réflexion, je crois que toutes les rencontres que j’ai eues avec mes patients ont tracé le chemin de ma vie, qui allait suivre son petit bonhomme de chemin.

Pendant l’étude du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts sur les sols, de nombreux témoins nous ont parlé de la nécessité de mettre en place une stratégie nationale sur la santé des sols. Même si l’utilisation des terres relève en grande partie des provinces et des territoires, nous sommes tous bien conscients qu’une stratégie nationale peut aider à concevoir des politiques cohérentes et à promouvoir les pratiques exemplaires et l’échange de connaissances dans l’ensemble des provinces et des territoires.

Il est également bien évident que, comme dirait la sénatrice Duncan, il n’y a pas de solution unique qui convient à tout le Canada, et cela fait partie de la beauté du Canada. J’estime que cette diversité dans tous les domaines est le superpouvoir de ce pays.

Les terres agricoles sont une ressource limitée au Canada. Moins de 7 % des terres du pays conviennent à l’agriculture. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques, en 2018, la superficie totale des terres agricoles du Canada s’élevait à 68,1 millions d’hectares, ce qui place le pays à la 13e position au classement mondial. Tout cela pour dire que le Canada joue un rôle essentiel dans la production alimentaire et la sécurité alimentaire à l’échelle mondiale.

Le Canada compte 189 874 exploitations agricoles. La taille moyenne des exploitations agricoles a presque doublé au cours des 50 dernières années, en raison des regroupements et des progrès technologiques. Les recettes agricoles, qui représentent les revenus des agriculteurs provenant de la vente de produits agricoles, ont atteint en 2022 un niveau record, avec une croissance annuelle moyenne de 5,6 % entre 2012 et 2022. Or, il est important de préciser que parmi ces exploitations agricoles, les 10 % les plus importantes ont généré plus des deux tiers des recettes totales. Ce fait doit être mis en évidence.

(2330)

En outre, un récent rapport du directeur parlementaire du budget datant de juin 2023 montre que la moitié des exploitations agricoles perdent de l’argent ou en gagnent à peine. Ces facteurs, entre autres, font qu’il est impératif que le Canada approfondisse ses connaissances en matière de réaffectation des terres agricoles et forestières au pays.

À la suite de la ratification par le Canada de l’Accord de Paris en octobre 2016, ce que j’appuie sans réserve, un plan exhaustif, connu sous le nom de Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, a été adopté pour réduire les émissions dans tous les secteurs d’activité au Canada, y compris l’agriculture. Ce cadre énonce quatre mesures liées à l’agriculture : accroître le stockage du carbone dans les forêts et les terres agricoles; favoriser une utilisation accrue du bois pour la construction; produire du carburant à partir de sources bioénergétiques et des bioproduits; et promouvoir l’innovation, notamment les technologies propres, afin de réduire les émissions provenant de l’agriculture. Voilà pourquoi cette interpellation sur la réaffectation des terres est d’une importance vitale.

Selon un examen récent intitulé Au-delà du PIB : leçons pour redéfinir le progrès dans la politique du système alimentaire canadien, et mené par Naomi Robert et Kent Mullinix, l’intensification de l’agriculture dans le but de répondre aux demandes croissantes d’exportation a dégradé les écosystèmes des Prairies canadiennes.

Cette intensification a entraîné la quasi-élimination des écosystèmes de prairies à herbes hautes […] de l’assèchement d’environ 70 % des milieux humides […] et de la perte de la biodiversité qui dépend de ces écosystèmes

Passons maintenant à l’Ontario. Moins de 5 % des terres de l’Ontario se prêtent à la culture des aliments ou à l’élevage de bétail, les meilleures d’entre elles étant souvent situées à proximité de grandes villes.

Selon les données du Recensement de l’agriculture, l’Ontario perd chaque jour plus de 319 acres de terres arables, ce qui se traduit par une perte de près de 1 % de la superficie agricole de l’Ontario chaque année. Les règlements de zonage rigides et les villes axées sur les automobiles sont un catalyseur de l’étalement des centres urbains sur les terres agricoles fertiles. Même si les populations augmentent, les zones urbaines deviennent moins denses. Cela fait valoir l’importance des terres agricoles protégées, comme la Ceinture de verdure de l’Ontario. Les fermes se trouvant sur cette étendue, qui ne représentent que 7 % des terres agricoles de la province, produisent 42 % des fruits et 7 % des légumes de la province et génèrent 47 % de plus par acre que les fermes du reste de l’Ontario.

Tout au long de notre étude sur l’état de la santé des sols, nous avons entendu de nombreux témoins, et certains thèmes se dégagent nettement. La planification adéquate de l’utilisation du territoire est l’une des mesures les plus bénéfiques que nous puissions prendre pour favoriser la santé des sols. Les agriculteurs ont expliqué les difficultés qu’ils éprouvent à faire l’acquisition de leurs propres terres en vue des les cultiver. Cheyenne Sundance, de Sundance Commons, a proposé une politique d’utilisation du territoire qui pourrait être un outil utile pour favoriser une bonne gestion des terres et la santé des sols : la création de fiducies foncières. Son organisme a été inspiré par d’autres modèles qui offrent des fonds aux agriculteurs qui améliorent la santé des sols.

Dans le mémoire qu’elle a soumis au comité, elle déclare :

On a besoin d’un nouveau modèle d’exploitation agricole — un modèle où [des soutiens] sont jumelés à un accès équitable et à long terme aux terres.

Selon elle, c’est primordial pour rendre l’agriculture à petite échelle plus accessible aux jeunes, dont beaucoup n’ont pas hérité de terres ni bénéficié de conseils de leurs parents pour gérer une exploitation agricole.

Un autre jeune agriculteur, Dean Orr, a écrit au conseil régional d’York au sujet de l’étalement urbain. Il a exprimé une profonde inquiétude à l’égard du plan actuel d’utilisation du territoire et des mesures spéciales qui sont prises pour favoriser la sécurité alimentaire :

Mon travail me permet de voir directement ce qu’il en est de l’aménagement du territoire, ainsi que de l’urbanisme et de la planification urbaine [...] Notre ferme familiale se trouve à King City, où nous cultivons principalement du maïs, du soja, du blé, des haricots noirs et des haricots rouges biologiques pour le grain et du sirop d’érable. Toutes nos terres sont louées. Comme vous pouvez l’imaginer, cela nous rend extrêmement vulnérables et très conscients des décisions prises en matière d’aménagement du territoire, ainsi que des décisions prises par les propriétaires des terres, qui sont le plus souvent des promoteurs et des spéculateurs.

Il conclut en faisant la demande suivante : « Il faut préserver nos terres agricoles pour la sécurité alimentaire de la population et des générations futures. » Je dirais que la pandémie a exacerbé tous ces enjeux et qu’il ne faut pas le perdre de vue.

Un reportage récent de la CBC soulignait qu’une personne sur dix à Toronto a recours aux banques alimentaires et qu’un enfant sur cinq en Ontario est en situation d’insécurité alimentaire; il peut notamment s’agir de la crainte de manquer de nourriture. Les populations noires et autochtones, vous le savez, se retrouvent de façon disproportionnée en situation d’insécurité alimentaire.

L’une des recommandations formulées dans le cadre du plan pour la souveraineté alimentaire de la communauté noire de Toronto pour 2021, la recommandation no 2, intitulée « Accès à des zones destinées à la culture » préconise ce qui suit :

[Il faut réorganiser] les terrains publics pour promouvoir une approche inclusive de l’économie réparatrice afin de renforcer la résilience des communautés, les initiatives d’apprentissage axées sur la terre et la guérison grâce à l’identification, la restitution et la réaffectation des terres...

... afin de promouvoir leur gestion par la communauté noire et les initiatives agricoles en milieu urbain.

Il faut se pencher sur l’accès équitable aux terres et effectuer une analyse comparative entre les sexes plus de nos politiques et de nos processus de réaffectation des terres agricoles. L’inventaire des terres du Canada repose sur des données qui datent des années 1960, 1970 et 1980. Il est urgent de recueillir des données à jour à l’aide des dernières technologies, notamment d’apprentissage automatique, et de mettre ces données à la disposition de divers groupes de citoyens canadiens de manière équitable et accessible.

Honorables collègues, la réaffectation de terres agricoles, humides et forestières au Canada, ainsi que l’insécurité alimentaire, économique et sociale potentielle découlant de la réduction de la capacité de production agricole, forestière, alimentaire, et des pâturages, tant sur le plan national qu’à l’étranger, sont d’une importance capitale pour le Canada. Nous devons mieux nous informer sur les pratiques exemplaires mises en œuvre dans d’autres pays, notamment celles qui peuvent être employées au Canada, dans toute sa diversité. Nous devons également nous inspirer des connaissances des scientifiques, des aînés et des gardiens du savoir autochtones. La durabilité et l’intendance responsable de la terre est au cœur des pratiques agricoles des Autochtones, de leurs pratiques d’utilisation des sols et de leurs croyances culturelles.

J’espère que cette interpellation contribuera à faire participer les Canadiens de tous âges et qu’elle sensibilisera la population à l’utilisation des terres, ce qui permettra d’approfondir notre compréhension de ses effets sur la sécurité alimentaire, les changements climatiques, la santé et la stabilité économique. Il s’agit peut-être du dossier le plus important de notre époque.

Honorables sénateurs, après le débat, je vous exhorte à renvoyer cette interpellation à l’étape du comité afin qu’on puisse l’approfondir, car nous avons la garde de ces terres pour les prochaines générations, nos enfants et nos petits-enfants. Ils comptent sur nous. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

Peuples autochtones

Motion tendant à autoriser le comité à étudier la politique fédérale sur les revendications particulières et le processus connexe—Ajournement du débat

L’honorable Brian Francis, conformément au préavis donné le 9 novembre 2023, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à étudier la politique fédérale sur les revendications particulières et le processus connexe, et à en faire rapport, y compris, sans toutefois s’y limiter :

a)les recherches relatives aux revendications particulières et leur élaboration;

b)le règlement des revendications particulières, notamment les indemnisations et l’accès à la médiation;

Que le comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 30 octobre 2025;

Que le comité conserve les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final;

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer ses rapports auprès du greffier du Sénat, si le Sénat ne siège pas, et que les rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(2340)

Motion tendant à autoriser le comité à étudier les dispositions et l’application de la Loi sur les langues autochtones—Ajournement du débat

L’honorable Brian Francis, conformément au préavis donné le 5 décembre 2023, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, les dispositions et l’application de la Loi sur les langues autochtones (L.C. 2019, ch. 23) conformément à l’article 49.1 de ladite loi;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2025;

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer des rapports sur cette étude auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas, et que les rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat;

Que le comité conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(À 23 h 41, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

Haut de page