Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 206
Le jeudi 30 mai 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- L’environnement et le changement climatique
- L’emploi et le développement social
- Le patrimoine canadien
- Les finances
- Les affaires mondiales
- Les finances
- Le Cabinet du premier ministre
- L’emploi et le développement social
- L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
- La sécurité publique
- Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton
- La sécurité publique, les institutions démocratiques et les affaires intergouvernementales—Le Secrétariat des conférences intergouvernementales canadiennes—Le droit à la vie privée
- L’immigration, les réfugiés et le citoyenneté—Le match de soccer contre l’Iran
- Le Bureau du Conseil privé—Les commentaires du premier ministre
- Les transports—Les commentaires du premier ministre
- La sécurité publique, les institutions démocratiques et les affaires intergouvernementales—La Gendarmerie royale du Canada
- Les services publics et l’approvisionnement—Le 24, promenade Sussex
- L’innovation, les sciences et l’industrie—Les armes de poing
- La sécurité publique, les institutions démocratiques et les affaires intergouvernementales—Les armes de poing
- ORDRE DU JOUR
- Les travaux du Sénat
- Le Code canadien du travail
- Le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles
- Projet de loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023
- Projet de loi corrective de 2023
- L’ajournement
- La Loi sur le casier judiciaire
- La Loi canadienne sur les droits de la personne
- Projet de loi sur le Mois du patrimoine hellénique
- Projet de loi sur la Journée nationale de sensibilisation au gliome infiltrant du tronc cérébral
- Projet de loi contre la rétribution du silence
- Projet de loi sur la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes
- Le Code criminel
- La Loi sur les Indiens
- La Loi de l’impôt sur le revenu
- La Loi sur les aliments et drogues
- La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition
- Le Code criminel
- L’étude sur les questions concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général
- Le Sénat
- Motion tendant à exhorter le gouvernement à dénoncer l’illégitimité du régime cubain—Suite du débat
- Motion tendant à demander au gouvernement d’accélérer la mise en œuvre des solutions numériques qui transforment l’expérience des Canadiens en matière de prestation des services publics—Suite du débat
- Le rôle que jouent les débats des chefs dans le renforcement de la démocratie en engageant et en informant les électeurs
- La violence entre partenaires intimes
- Les travaux du Sénat
LE SÉNAT
Le jeudi 30 mai 2024
La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le Mois de la fierté
L’honorable Marnie McBean : Votre Honneur, ma femme et moi avons la chance d’avoir une fille. Le parcours de notre famille, comme celui de nombreuses familles, a été facilité par le soutien de nos amis et de nos proches. Comme nous le savons tous, il faut tout un village pour élever de bons êtres humains.
Le simple fait de dire « ma femme et moi avons une fille » comporte des risques. En disant « ma femme », je me dévoile à vous en tant que queer, gaie, lesbienne. Je dois vous faire confiance ou être courageuse et tenir pour acquis que notre relation ne changera pas et que vous apprécierez ma famille de la même manière que vous appréciez la vôtre. Déclarer son homosexualité n’est pas facile ni même sûr pour personne.
Cependant, j’ai de la chance. Lorsque j’ai finalement pris le temps de comprendre que j’étais gaie, j’étais une adulte. Je ne m’étais pas cachée; j’étais simplement trop occupée et déterminée à devenir la meilleure rameuse possible pour penser à qui je voulais aimer et à comment j’allais vivre mon amour. Tel a été mon parcours : rapide dans l’aviron, lente dans la compréhension de soi.
Lorsque j’ai révélé mon homosexualité à mes parents, j’étais financièrement indépendante, mais je m’inquiétais tout de même de leur réaction. Lorsque je l’ai dit à ma mère, elle a été triste pour moi. Elle craignait que je ne puisse pas fonder ma propre famille. Toutefois, j’ai eu de la chance, car elle m’a aimée et m’a soutenue.
Un an plus tard, lorsque j’ai enfin eu le courage d’en parler à mon père — comme je l’ai dit, il est risqué d’en parler aux gens —, il m’a demandé : « Qu’est-ce que je suis censé dire à mes amis? » Je lui ai répondu : « Que je suis heureuse ». Cela lui a suffi. J’ai de la chance.
Leur amour et leur soutien pour moi, ma femme et ma fille m’aident à être courageuse et à m’exprimer en langage clair afin de normaliser des termes tels que « ma femme », « gaie » et « queer ».
Je suis une défenseure, une alliée et une membre de la communauté queer, mais cela me brise le cœur de savoir que pour de nombreux jeunes 2ELGBTQ+ les choses se passent autrement. Près d’un jeune sans-abri sur trois au Canada s’identifie comme appartenant à la communauté 2ELGBTQ+. Nombre d’entre eux se retrouvent sans abri parce qu’ils ne peuvent pas être eux-mêmes au sein de leur famille ou parce qu’ils se sont faits montrer la porte simplement parce qu’ils ont osé dire qui ils sont.
Nous respectons les droits des parents, mais nous ne pouvons nier le droit fondamental des enfants d’explorer et d’embrasser qui ils sont sans craindre d’être rejetés ou blessés. Nous devons nous efforcer de créer des environnements où chaque personne, quelle que soit son orientation sexuelle ou son identité de genre, se sent en sécurité et acceptée comme elle est.
La sénatrice Bellemare a récemment parlé de son expérience en tant que parent aimant d’un enfant transgenre. Son histoire nous rappelle que l’amour est l’amour.
Je suis impatiente d’entendre, tout au long du mois de juin, Mois de la fierté, d’autres sénateurs raconter leur expérience. N’hésitez pas à la raconter. Servons-nous-en comme source d’inspiration pour nous réengager dans la lutte pour l’égalité et l’inclusion de tous.
Joyeux Mois de la fierté!
La Journée mondiale du lait
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, le 1er juin sera la Journée mondiale du lait, et je profite de l’occasion pour souligner l’apport inestimable de tous les producteurs laitiers canadiens.
Tous les matins, jour après jour, des milliers de familles qui ont une ferme laitière se lèvent à l’aube et travaillent sans relâche du lever au coucher du soleil pour offrir aux Canadiens du lait nutritif et de haute qualité. Grâce à ces familles qui travaillent dur, nous pouvons boire un verre de lait frais ou consommer du lait dans nos aliments de tous les jours en ayant l’assurance que le lait canadien est à la fois nutritif et de la plus haute qualité.
Une journée typique dans la vie d’un producteur laitier canadien commence bien avant le lever du soleil, avec la première traite. Les producteurs nettoient et préparent soigneusement les vaches pour la traite en veillant à leur confort et à leur santé. La traite elle-même est un processus méticuleux qui demande d’avoir le souci du détail afin de respecter les normes de qualité les plus strictes.
Les producteurs nourrissent ensuite leurs vaches et leur donnent des soins. Une alimentation équilibrée est essentielle à la santé et la productivité du troupeau, et les producteurs travaillent en étroite collaboration avec des experts en nutrition pour fournir le meilleur fourrage possible.
Toute la journée, les producteurs veillent à la propreté et à la maintenance de leurs bâtiments agricoles. Ils consacrent beaucoup de temps et de ressources au maintien de la salubrité et de la qualité du lait qu’ils produisent. Ils utilisent des technologies de pointe pour surveiller la santé de chaque vache. Ils tiennent des dossiers vétérinaires détaillés et mettent en place des protocoles sanitaires pour appliquer les normes les plus élevées.
Et, chers collègues, je n’ai même pas abordé les tâches que les producteurs effectuent chaque jour dans les champs, l’entretien de leurs machines et toutes les formalités administratives associées à leur entreprise. Les producteurs n’ont pas la vie facile. C’est pourquoi je suis heureux de faire valoir leurs points de vue et d’évoquer leur contribution chaque fois que j’en ai l’occasion au Parlement.
Pour produire du lait de grande qualité, il faut d’abord des pratiques agricoles de grande qualité et des vaches bien portantes et bien traitées. Au Canada, il ne s’écoule que deux ou trois jours entre le moment où une vache est traite et celui où le lait se retrouve sur les tablettes de votre épicerie locale.
À l’occasion de la Journée mondiale du lait, nous célébrons le rôle crucial que jouent les produits laitiers dans une alimentation saine et équilibrée. Le lait est une source vitale de nutriments à tous les stades de la vie.
L’industrie laitière joue un rôle essentiel non seulement dans l’alimentation de notre pays, mais aussi dans le renforcement de notre économie. Elle soutient environ 195 000 emplois à travers le Canada et contribue à hauteur d’environ 19,9 milliards de dollars par an à la production économique totale du Canada. Rien qu’en 2022, le secteur a exporté pour 508,9 millions de dollars de produits et 143,1 millions de dollars de matériel génétique laitier.
En cette Journée mondiale du lait, levons notre verre de lait et portons un toast à nos producteurs laitiers canadiens. Leur dévouement sans pareil pour nourrir notre pays, en particulier dans les périodes difficiles, est vraiment remarquable. Merci de votre engagement, de votre résilience et de votre soutien indéfectible pour nous fournir l’un des aliments les plus parfaits de la nature.
Bonne journée mondiale du lait à tous. Merci.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de la sergente Jennifer Collins, qui est accompagnée de sa fille, Olivia Collins. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice Busson.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Les policières de la Gendarmerie royale du Canada
Le cinquantième anniversaire
L’honorable Bev Busson : Honorables sénateurs, au début de l’année 1974, la Gendarmerie royale du Canada recherchait, comme elle le fait aujourd’hui, des candidats pour sa force de police. Pour postuler, il fallait être blanc, de sexe masculin, célibataire, hétérosexuel et chrétien.
La Commission royale d’enquête sur le statut de la femme n’a pas été impressionnée. Il y a 50 ans ce mois-ci, la GRC a suivi l’exemple de la Police provinciale de l’Ontario — qui avait déjà une classe en formation et qui a ensuite nommé notre estimée collègue la sénatrice Gwen Boniface comme première femme commissaire —, et le paradigme a changé. Sans que le public en soit averti, et encore moins les agents en service, la GRC a annoncé qu’elle acceptait des recrues féminines. Pour les membres actifs, il s’agissait d’un changement radical que certains ont célébré et que d’autres ont déploré. Quoi qu’il en soit, une chose est certaine : la GRC ne serait plus jamais la même, et moi non plus.
(1410)
J’ai posé ma candidature le jour même de l’annonce. Avec 31 autres femmes âgées de 19 à 29 ans, j’ai été acceptée dans la troupe 17, la première classe de recrues féminines de la GRC. Bon, j’ai assez parlé de moi. L’organisation n’était pas préparée. L’uniforme a été conçu à la hâte par la même entreprise qui a conçu les vêtements d’Air Canada. Très à la mode — je dois vous le dire —, l’uniforme était aussi incroyablement peu pratique, avec une jupe, des chaussures à talons, une cravate triangulaire et le pire faux pas qui soit : un sac à bandoulière contenant un revolver Smith & Wesson à canon très court. Il a fallu attendre 16 longues années avant que l’emblématique tunique rouge et le chapeau Stetson soient autorisés.
Six mois plus tard, 30 des 32 femmes admises initialement ont obtenu leur diplôme et ont été affectées partout au Canada. Ce que nous avions toutes en commun, c’est que nous voulions être des agentes de la GRC et améliorer les choses. Nous n’avions aucune idée de l’importance de ce changement révolutionnaire. Certaines, comme moi, ont eu une carrière marquée par des enquêtes réussies et des premières. Pour d’autres, le parcours a été plutôt différent : leur présence a suscité de la résistance, et même de l’hostilité. Néanmoins, toutes ont servi avec dévouement et professionnalisme.
En 1974, les radios portables n’avaient pas encore été inventées. Lorsque vous quittiez votre véhicule, il n’y avait aucun moyen de communiquer jusqu’à ce que vous y retourniez. Il n’y avait pas de GPS et souvent pas de système de secours. La technologie a été d’un grand secours, mais une chose a malheureusement changé. À l’occasion, si j’avais des difficultés à effectuer une arrestation, un passant s’arrêtait sans hésiter pour m’aider. Cinquante ans plus tard, les policiers me disent que les badauds se contentent généralement de prendre une photo ou une vidéo pour la publier sur les médias sociaux.
Les femmes représentent aujourd’hui un cinquième des effectifs. Elles travaillent fièrement et courageusement aux côtés de leurs collègues masculins et, ensemble, ils ont fait de cette expérience sociale une réussite. De nos jours, on retrouve des femmes à tous les grades de la police, qui servent fièrement dans toutes les spécialités, de l’équipe d’enquête sur l’exploitation des enfants à l’équipe d’intervention spéciale.
À titre d’exemple, mon invitée, la sergente Collins, membre vedette de la GRC en Colombie-Britannique, a fait de nombreux choix exceptionnels et courageux dans sa vie. Elle connaît une carrière formidable. Elle a exercé des fonctions générales, des fonctions de police autochtone dans des communautés côtières éloignées et des fonctions en civil. Elle dirige actuellement une équipe de 11 personnes enquêtant sur des crimes majeurs dans le district nord de la Colombie-Britannique et elle a voyagé dans le monde entier pour enseigner notamment l’interrogatoire d’enfants victimes vulnérables.
Le 50e anniversaire de l’arrivée des femmes dans la GRC ne concerne pas seulement la troupe 17. Il s’agit d’une célébration des femmes et des hommes qui ont servi dans la GRC depuis cette date historique de 1974 jusqu’à aujourd’hui et qui serviront dans le futur, donnant vie à un patrimoine dont nous n’aurions pu que rêver.
Merci beaucoup.
[Français]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Pierre Donais et Tony Cannavino, accompagnés de leurs épouses. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Dagenais.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Pierre Donais
Félicitations à l’occasion de sa retraite
L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénatrices et sénateurs, je veux prendre quelques minutes aujourd’hui pour souligner — peut-être — le départ à la retraite du journaliste et animateur Pierre Donais, qui est, depuis 2018, chef d’antenne des bulletins d’information de la station de télévision TVA Gatineau-Ottawa.
Pierre Donais fait partie du paysage médiatique depuis plus de 50 ans, et bien peu d’hommes et de femmes politiques de la Colline du Parlement ne le connaissent pas. Pendant 15 ans, il a animé des émissions d’affaires publiques quotidiennes sur CPAC, où il a notamment réalisé des entrevues avec plus de 400 personnalités politiques canadiennes.
Le cheminement de carrière de Pierre Donais est assez particulier. Je le dis parce que, tout en travaillant dans les médias, Pierre a complété une formation de notaire à l’Université d’Ottawa. Cependant, remontons plus loin dans le temps.
Pierre Donais a fait ses débuts comme animateur à la radio de Drummondville, sa ville natale, avant de devenir journaliste à CJMS à Montréal, puis directeur de l’information à Radio CJRC, dans la région d’Ottawa. De 1984 à 1988, il a été directeur du réseau NTR (Broadcast News), à Montréal. En 1988 et 1989, il a animé le bulletin d’informations Ce Soir, sur ICI Ottawa-Gatineau, de même qu’une émission hebdomadaire qui s’appelait à l’époque La Semaine parlementaire.
Animateur du matin à Rouge Gatineau-Ottawa (CIMF), chef d’antenne à TQS Gatineau-Ottawa, animateur à Canal Vox et à la chaîne Rogers d’Ottawa, voilà autant de postes en information que Pierre Donais a occupés durant sa longue carrière. Vous comprendrez sûrement qu’au fil des ans, Pierre Donais a pris racine en Outaouais.
Cependant, il n’y a pas que la politique qui l’intéresse. Il a été directeur des sports à la station CJMS et descripteur des matchs de soccer du Manic de Montréal. Il a même fait la description à la radio des matchs de la NFL des Patriots de la Nouvelle-Angleterre, en 1987.
Beaucoup, beaucoup, beaucoup de souvenirs : voilà le résultat de 50 ans de carrière dans les médias.
À la fin de sa carrière, comme pour prouver que la technologie ne lui fait pas peur, Pierre anime depuis la fin de 2023 un balado diffusé sur plusieurs plateformes, dont Spotify. Au-delà du domaine des médias, je m’en voudrais de ne pas souligner l’implication sociale de Pierre dans la communauté de la grande région d’Ottawa. Il a été président du conseil d’administration du Marathon de la capitale nationale de 1990 à 1997, membre du conseil d’administration de l’Hôpital Montfort et membre du conseil d’administration de la Fondation du CHEO.
Je retiens une chose de mes rencontres avec Pierre Donais. Il a toujours eu l’air d’avoir du plaisir dans ce qu’il faisait. C’est d’ailleurs ce que je prône depuis que je suis moi-même sur le marché du travail.
Monsieur Donais, je vous félicite pour cette belle carrière, et j’ose espérer que l’éloignement de la fébrilité de l’information au quotidien ne vous fera pas trop souffrir. Maintenant, c’est votre profession de notaire et de conseiller juridique qui vous occupera. Je suis convaincu que, malgré l’aridité de certains sujets à traiter, vous ne serez pas un notaire ennuyeux pour vos clients.
Pierre Donais, je vous souhaite la meilleure des chances.
Des voix : Bravo!
Visiteur à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Aby-Gaëlle Jérôme. Elle est l’invitée de l’honorable sénatrice Audette.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Aby-Gaëlle Jérôme
L’honorable Michèle Audette : Tshinashkumitin, honorables sénateurs et sénatrices, et merci au peuple anishinabe de nous accueillir encore une fois sur son beau territoire.
Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui pour vous parler d’une magnifique et incroyable jeune femme innue qui est venue passer la semaine avec moi ici, à Ottawa, pour découvrir notre belle enceinte, le Sénat.
Cette histoire a commencé avec sa maman, Jackie Bizeau, lors d’une soirée de remise de prix à Uashat mak Mani-Utenam par l’Institut Tshakapesh.
Nous avons parlé de sa fille Aby-Gaëlle, et les yeux de la maman brillaient; elle était remplie de fierté. Nous avions un objectif : comment faire pour qu’Aby puisse devenir une mini-sénatrice pendant une semaine, vivre une expérience au Sénat et comprendre comment fonctionne ce bel espace.
Du matin au soir, tout au long de la semaine, elle m’a suivie. Elle vous a écoutés, elle vous a entendus, elle a assisté à des réunions de comité et à des séances de la Chambre. Elle a même participé à deux activités dans le cadre de SENgage cette semaine. Elle a aussi rencontré les gens du Sommet Vote16. Félicitations! Je répète qu’elle a 18 ans et qu’elle est originaire de Uashat. Mani-Utenam, c’est chez nous, et à côté, c’est Uashat; c’est la même communauté.
Il y a un an exactement, le 30 mai 2023, elle a reçu la médaille du lieutenant-gouverneur du Québec. Aujourd’hui, Aby, c’est ta dernière journée et tu reçois beaucoup d’amour de la part des sénateurs, j’en suis certaine. Aby a reçu cette médaille parce qu’elle est impliquée dans sa communauté, dans son école, mais aussi parce que son parcours académique ne fait que prouver sa persévérance, son ardeur et son implication.
Cependant, au-delà de ses engagements, Aby est profondément intéressée par la politique. On lui a même dit qu’elle délogerait peut-être bientôt la sénatrice Audette. Elle a aussi été première ministre de son école secondaire. Pour une jeune Innue, c’est une première. Félicitations!
Cette année, elle continue de s’impliquer au cégep. Cet été, son mandat avec notre bureau sera d’écouter les jeunes des Premières Nations, pour savoir si on devrait voter à partir de l’âge de 16 ans ou non. C’est elle qui préparera mon discours. Merci! Alors, à la maman, on peut dire « mission accomplie » et Aby, merci de ta visite au Sénat.
Tshinashkumitnau.
Des voix : Bravo!
(1420)
[Traduction]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de la sœur du sénateur Cotter, Maureen Bowerman, et de son beau-frère, Colin Bowerman. Ils sont accompagnés d’autres membres de la famille du sénateur Cotter.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le projet Virtual Health Hub
L’honorable Brent Cotter : J’avais demandé à mes collègues de ne pas s’abstenir de les applaudir parce que ce sont simplement des membres de ma famille. Merci.
Honorables sénateurs, dans cette enceinte, il y a des jours où nous critiquons vivement toutes sortes de choses. Nous pestons contre les ténèbres, en quelque sorte. Je préfère que nous suivions l’adage qui dit : « Mieux vaut allumer une bougie que pester contre les ténèbres. »
Je tiens à vous faire part d’une idée lumineuse mise en œuvre la semaine dernière, en Saskatchewan.
Comme bon nombre d’entre vous le savent, une grande partie de la Saskatchewan comprend beaucoup de collectivités rurales et éloignées qui sont éparpillées sur un vaste territoire. De plus, dans notre province, un grand nombre de communautés autochtones vivent loin des grands centres. Cela pose d’énormes défis lorsque vient le temps d’offrir toutes sortes de services à nos concitoyens, notamment des soins de santé.
Nombre d’entre vous se rappelleront qu’il y a presque un an jour pour jour, nous avons adopté un projet de loi assurant l’autonomie gouvernementale de la Première nation dakota de Whitecap, en Saskatchewan. Non seulement cette Première Nation visionnaire prend des mesures pour exercer cette autonomie gouvernementale, mais elle cherche également à régler certains des problèmes de taille auxquels nos concitoyens autochtones et non autochtones des régions rurales et éloignées doivent faire face.
La semaine dernière, après plusieurs années de travail et de planification, la Première Nation de Whitecap a pu annoncer une importante initiative de soins de santé à distance. S’appuyant sur un projet pilote réussi, cette initiative — Virtual Health Hub — propre à la Première Nation dakota de Whitecap utilisera une technologie éprouvée pour offrir des services de santé virtuels de pointe à des dizaines de milliers de citoyens autochtones et non autochtones de la Saskatchewan et d’ailleurs. Une fois le système entièrement fonctionnel, il sera accessible sept jours sur sept, ce qui permettra d’économiser des centaines de millions de dollars en coûts de transport des patients vers des centres urbains pour recevoir des diagnostics et des traitements. En outre, il permettra d’économiser jusqu’à 175 millions de dollars en frais médicaux et de créer des programmes de formation et des postes pour 90 professionnels de la santé, dont un grand nombre au sein de la communauté, le tout en partenariat.
Le coût de la mise en place du centre de santé virtuel s’élève à 36 millions de dollars. Ottawa apporte les deux tiers du financement en capital. En partenariat, la province de la Saskatchewan assure l’autre tiers. La formation et l’expertise sont assurées par des partenaires : la Faculté de médecine de l’Université de la Saskatchewan et le Saskatchewan Indian Institute of Technologies (SIIT). Ce projet est dirigé par Riel Bellegarde et le Dr Ivar Mendez, un expert de renommée mondiale dans le domaine de la médecine virtuelle.
Voilà ce que signifient la réconciliation et le partenariat. Voilà une autre bougie allumée ou, comme je préfère le dire, une autre solution trouvée plutôt que des coupables.
Merci. Hiy hiy.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Young Taek Kim et de Yong‑Yeol Park. Ils sont les invités de l’honorable sénateur MacDonald.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
AFFAIRES COURANTES
La Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador
La Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers
Projet de loi modificatif—Première lecture
Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-49, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador et la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, accompagné d’un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
[Traduction]
PÉRIODE DES QUESTIONS
L’environnement et le changement climatique
Parcs Canada
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, en mars, la sénatrice Martin et moi-même vous avons posé une série de questions sur l’abattage de cervidés sur l’île Sydney en Colombie-Britannique. Le gouvernement incompétent de Trudeau a payé des tireurs d’élite étrangers pour qu’ils tirent sur des cerfs envahissants depuis des hélicoptères avec des armes à feu à autorisation restreinte, alors qu’il prive les chasseurs canadiens de leurs armes à feu. Le coût pour les contribuables s’est élevé à environ 800 000 $. Toutefois, des documents obtenus en vertu de la Loi sur l’accès à l’information par la Fédération canadienne des contribuables montrent que le programme dispose d’un budget total d’environ 12 millions de dollars.
Monsieur le leader, l’abattage a coûté aux Canadiens environ 10 000 $ par cervidé l’automne dernier. À combien s’élève le coût par cervidé aujourd’hui? Y a-t-il quelqu’un de sensé au sein du gouvernement Trudeau pour mettre un terme à ce gaspillage?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. D’après ce que je comprends, le gouvernement a décidé de procéder ainsi parce qu’il était nécessaire de régler le problème rapidement.
Le sénateur Plett : Même le gouvernement vraiment incompétent de Trudeau aurait dû savoir combien d’argent public cela coûterait par cervidé. Après tout, les documents montrent qu’ils dépensent 1,5 million de dollars en analyses et études liées à cette absurdité!
Monsieur le leader, les chasseurs locaux feraient ce travail gratuitement, afin d’obtenir de la viande pour nourrir leur famille. Pourquoi fait-on payer cette chasse aux contribuables?
Le sénateur Gold : Je suis sûr que le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux et territoriaux étudieront des moyens de travailler avec les communautés locales de chasseurs pour voir s’il existe une meilleure façon de procéder à l’avenir.
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : En ce qui concerne la question posée par notre leader, le Vancouver Sun a rapporté que les habitants de l’île Sidney ont organisé leur propre chasse au cerf en octobre et en novembre 2023. Ils ont tué 54 daims de la bonne espèce, et cela n’a rien coûté aux contribuables. En revanche, 20 % des cerfs tués par des tireurs d’élite étrangers l’automne dernier n’appartenaient pas à la bonne espèce.
Depuis, nous avons également appris que la location de l’hélicoptère a coûté aux Canadiens plus de 67 000 $, et que les contribuables doivent également payer 84 000 $ rien que pour les assurances.
Monsieur le leader, en mars, je vous ai demandé pourquoi on n’avait pas demandé aux chasseurs locaux de la Colombie-Britannique de participer, mais vous n’avez pas répondu. Pourquoi votre gouvernement continue-t-il d’ignorer les chasseurs locaux de la Colombie-Britannique qui feraient ce travail gratuitement pour les contribuables?
Le sénateur Gold : Je vous remercie pour cette question. Encore une fois, il ne fait aucun doute que les choses peuvent toujours être faites différemment, et j’ai hâte de voir les discussions fructueuses qu’il y aura entre les divers ordres de gouvernement et les collectivités locales pour voir où cela peut nous mener.
La sénatrice Martin : Monsieur le leader, les documents fournis à la Fédération canadienne des contribuables montrent que le gouvernement Trudeau dépense plus de 137 000 $ des fonds publics uniquement pour la certification des armes à feu pour les travailleurs étrangers. Monsieur le leader, comment est-ce possible? Allez-vous vous engager à nous fournir la ventilation détaillée de ces dépenses précises?
(1430)
Le sénateur Gold : Je vous remercie pour la question. Le gouvernement est fier des mesures qu’il a prises pour que l’utilisation des armes à feu fasse l’objet d’une réglementation appropriée et responsable. Il va poursuivre sur cette voie, malgré ce qu’en pense l’opposition.
L’emploi et le développement social
La pénurie de main-d’œuvre
L’honorable Tony Loffreda : Sénateur Gold, plus tôt cette semaine, Statistique Canada a publié les résultats de son enquête trimestrielle sur la situation des entreprises au Canada. Sans surprise, les entreprises indiquent que la hausse de l’inflation sera leur principal obstacle au cours des trois prochains mois. Deux entreprises sur cinq ont également eu d’importants problèmes de main-d’œuvre associés au recrutement et au maintien en poste d’employés qualifiés, et la pénurie de main-d’œuvre préoccupe le quart des entreprises.
Que fait le gouvernement fédéral pour aider les entreprises à régler leurs problèmes de main-d’œuvre? Le gouvernement a-t-il la capacité, le désir ou la volonté d’utiliser certains outils à sa disposition pour inciter les travailleurs à rester en poste plus longtemps et à retarder leurs projets de retraite? Avec notre population vieillissante, on sait que ce problème ne va aller qu’en s’aggravant au cours des prochaines années.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Comme vous le savez, chers collègues, le gouvernement a pris diverses mesures pour contrer les pénuries de main-d’œuvre un peu partout au pays en fonction de ses champs de compétence. Je n’ai pas le temps d’énumérer tous les programmes, mais permettez-moi de parler de la nouvelle voie d’accès économique. Le Projet pilote sur la voie d’accès à la mobilité économique aide les employeurs à embaucher des réfugiés et d’autres personnes déplacées qualifiées. Je devrais ajouter que les outils à la disposition du gouvernement fédéral sont plutôt limités, car la réglementation en matière de travail, y compris l’âge de la retraite, relève de la compétence des provinces, qu’il s’agisse des conventions collectives de travailleurs syndiqués ou d’autres lois provinciales. Néanmoins, le gouvernement fédéral fait ce qu’il peut pour régler ce grave problème dans les limites de son champ de compétence.
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de la réponse. Le secteur de la construction est un bon exemple. Le gouvernement envisage-t-il d’élargir le Programme des travailleurs de métiers spécialisés afin de remédier à cette pénurie? Il pourrait peut-être attribuer davantage de points aux candidats en fonction des besoins du marché du travail ou même accélérer le traitement des candidatures approuvées par les employeurs.
Je souligne que la pénurie de main-d’œuvre contribue à allonger les délais de construction des logements et 22 % des travailleurs du secteur de la construction résidentielle prendront leur retraite au cours de la prochaine décennie.
Le sénateur Gold : Merci, sénateur. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada collabore avec ses partenaires fédéraux, notamment Infrastructure Canada et la Société canadienne d’hypothèques et de logement, afin d’élaborer une approche pangouvernementale pour la planification des niveaux d’immigration, en mettant l’accent sur les infrastructures et la capacité de logement au Canada. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada est tout à fait conscient des défis liés à l’offre de logements et continuera à soutenir et à mettre en œuvre des stratégies qui répondent à la nécessité de poursuivre l’immigration tout en s’attaquant à la situation actuelle du logement.
[Français]
Le patrimoine canadien
L’exigence de bilinguisme
L’honorable René Cormier : Sénateur Gold, le 13 mai dernier, la ministre du Patrimoine canadien a annoncé la formation du comité consultatif composé de sept experts dans l’optique de moderniser CBC/Radio-Canada. Ces experts auront la responsabilité de prodiguer des conseils stratégiques à la ministre sur la gouvernance, le financement et le mandat du diffuseur public. À mon grand étonnement, ce comité ne comprend aucun expert issu des communautés francophones en situation minoritaire.
Sénateur Gold, dans le respect de ses engagements linguistiques en vue de favoriser l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM), et considérant le rôle essentiel que joue la Société Radio-Canada pour les cultures minoritaires francophones, comment la ministre du Patrimoine canadien explique-t-elle cette exclusion, et comment entend-elle assurer une juste représentation de ces communautés?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question.
Les membres du comité consultatif ont des décennies d’expérience diversifiée dans le domaine des médias. De multiples perspectives et expériences seront essentielles pour éclairer les prochaines étapes de la transformation de la radiodiffusion publique afin de relever les défis du marché des médias d’aujourd’hui. Par exemple, je crois que Loc Dao vit en Colombie-Britannique, qu’il y habite depuis plus de 10 ans et qu’il parle parfaitement le français.
Le conseil d’administration peut également s’entretenir avec des Canadiens et des conseillers de toutes les régions. Le groupe, y compris le ministre, compte au moins 50 % de francophones à la table.
Le comité consultatif sur l’avenir de CBC/Radio-Canada est un véhicule important pour que le gouvernement puisse évaluer les nombreuses idées qui ont été avancées au fil des ans. Le gouvernement est impatient de renforcer la radiodiffusion publique, parce que les Canadiens ont besoin d’entendre des nouvelles, des informations et des histoires canadiennes qui les unissent.
Le sénateur Cormier : Merci de cette réponse, sénateur Gold.
Puisque nous parlons d’engagement en vue de favoriser l’épanouissement des minorités francophones, comme vous le savez, sénateur Gold, le gouvernement fédéral s’est engagé à ce que le prochain lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick maîtrise les deux langues officielles.
Considérant que le titulaire de ce poste est généralement nommé pour un mandat de cinq ans et que la lieutenante-gouverneure actuelle a été nommée en 2019, le gouvernement a-t-il l’intention d’honorer cet engagement d’ici les prochaines élections fédérales prévues en 2025?
Le sénateur Gold : Merci pour votre question.
Malheureusement, je ne suis pas en mesure de me prononcer sur d’éventuels rendez-vous à venir.
[Traduction]
Les finances
Le taux d’inclusion des gains en capital
L’honorable Colin Deacon : Ma question s’adresse au leader du gouvernement et elle porte sur l’incitatif aux entrepreneurs canadiens qui a été annoncé dans le budget de 2024. Selon la documentation officielle du gouvernement, les entrepreneurs ayant des gains en capital admissibles allant jusqu’à 6,25 millions de dollars seront avantagés par les changements apportés par le gouvernement au moyen de cet incitatif. Le gouvernement admet ainsi que les entreprises qui engrangent des gains supérieurs à ce seuil seront pénalisées dans le cadre du nouveau régime. Ce sont pourtant les entreprises en pleine croissance dont le Canada a désespérément besoin pour faire croître notre économie.
Sénateur Gold, le Canada est bon dernier parmi les pays du G7 en ce qui concerne les investissements commerciaux privés non résidentiels. Si le nouveau taux d’inclusion des gains en capital — de l’aveu même du gouvernement — aura des répercussions négatives sur les investissements commerciaux, pourquoi le gouvernement a-t-il décidé que le moment est bien choisi pour mettre en œuvre cette politique?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Les mesures contenues dans le budget — et les mesures à venir dans un projet de loi distinct que nous attendons en ce qui concerne les gains en capital —, font l’objet d’un examen au Sénat et elles continueront d’être examinées. Nous procédons actuellement aux études préalables, comme vous le savez, et la plupart des sénateurs participent à une forme ou une autre de ces travaux. Les ministres et les fonctionnaires ont été et continueront d’être disponibles pour répondre aux questions. Je m’en remets au processus en cours ainsi qu’aux ministres et aux fonctionnaires pertinents pour fournir des réponses à ces questions avec plus de précision.
Le sénateur C. Deacon : Merci, sénateur Gold, mais pourriez-vous nous donner des détails sur les consultations ou les études qui ont été menées par le gouvernement avant de faire cette annonce sur la modification du taux d’inclusion des gains en capital pour les investissements d’entreprise? Plus précisément, a-t-on pris en compte le fait que cette mesure pourrait décourager les investisseurs d’établir des entreprises au Canada parce qu’elle impose davantage les actifs potentiels des entreprises?
Le sénateur Gold : Je ne suis pas en mesure de me prononcer sur les consultations ou les éléments qui ont été pris en compte, mais je peux dire que le gouvernement étudie assurément, du mieux qu’il le peut, toutes les répercussions possibles, positives et négatives, des mesures qu’il présente. Encore une fois, j’encourage mes collègues à continuer de poser ces questions, s’il y a lieu, aux fonctionnaires et aux ministres, qui continueront de se mettre à notre disposition.
[Français]
Les affaires mondiales
Le soutien à l’Ukraine
L’honorable Clément Gignac : La fin de semaine dernière, j’ai eu l’occasion de participer à la session du printemps de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN à Sofia, en Bulgarie, en compagnie de mes collègues les sénateurs Dasko, Patterson et Carignan. En tant que membres de la Commission de l’économie et de la sécurité , nous avons eu la possibilité d’avoir une mise à jour sur la situation économique et budgétaire en Russie. En gros, il semble que les sanctions financières soient très peu efficaces et que l’économie russe se porte plutôt bien grâce à un prix du pétrole élevé et à des échanges commerciaux croissant avec la Chine et l’Inde.
Il est clair que la Russie a la capacité militaire de soutenir cette guerre pendant plusieurs années, si nécessaire. Or, selon le secrétaire général de l’OTAN, l’Ukraine a besoin de beaucoup plus de munitions et d’obus pour se défendre adéquatement. Or, si le Canada envoyait tout son inventaire, cela équivaudrait à trois jours de combat.
En ce sens, que fait le Canada pour accélérer la production d’artillerie et d’obus pour venir en aide à l’Ukraine?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question.
Dans le cadre de Notre Nord, fort et libre : Une vision renouvelée pour la défense du Canada, le gouvernement a investi 9,5 milliards de dollars sur 20 ans pour accélérer la mise en place d’une nouvelle capacité de production de munitions d’artillerie fabriquées au Canada et investir dans un approvisionnement stratégique en munitions. Il est de plus en plus difficile de se procurer des munitions d’artillerie à l’étranger, et cette capacité de production permettra de répondre à la demande de munitions du Canada et de ses alliés les plus proches, tout en créant des emplois qualifiés pour les travailleurs canadiens à long terme et en générant des retombées économiques pour les collectivités canadiennes.
(1440)
Le sénateur Gignac : En juillet, les pays membres de l’OTAN vont se réunir à Washington. Monsieur le représentant du gouvernement au Sénat, le Canada fait partie des pays qui ne respectent pas la cible de 2 %, alors que deux tiers des pays membres de l’OTAN la respectent déjà. Est-ce que le premier ministre Justin Trudeau va réitérer son intention de respecter la cible de 2 % du PIB avec un échéancier précis?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Les Canadiens peuvent être assurés que le gouvernement continuera de faire des investissements nécessaires et intelligents pour soutenir nos forces armées pour les générations à venir. Le gouvernement continuera de travailler avec ses alliés pour assurer la sécurité des Canadiens, tout en respectant nos capacités financières et nos obligations dans le monde.
Les finances
Le déficit fédéral
L’honorable Claude Carignan : Monsieur le représentant du gouvernement, avant le budget, le directeur parlementaire du budget prévoyait un déficit de 47 milliards de dollars. Au moment de la présentation du budget, il y a un mois, il y a eu une grande annonce : le déficit n’est pas de 47 milliards de dollars, mais de 39,8 milliards de dollars. Le gouvernement s’est lui-même applaudi, mais on a appris un mois plus tard dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) qu’il y a de nouvelles dépenses qui n’avaient pas été prévues, soit des dépenses de 7,8 milliards de dollars dans le cadre des règlements des affaires autochtones et de 3 milliards de dollars d’intérêts attribuables à la hausse des taux d’intérêt. Curieusement, on arrive au-delà du montant de 47 milliards de dollars du directeur du budget. Ce gouvernement est-il incompétent ou trafique-t-il les chiffres?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Ce n’est ni l’un ni l’autre, car les circonstances changent et c’est responsable, prudent et transparent de la part du gouvernement de faire en sorte que lorsque les chiffres changent, les nouvelles données sont divulguées aux Canadiens.
Le sénateur Carignan : Voilà un gouvernement qui n’est pas capable de prévoir une hausse des taux d’intérêt, alors que tous les Canadiens savent qu’il y a une hausse des taux d’intérêt et que cela représente une différence de 3 milliards de dollars sur un mois. C’est ce montant que l’on demande dans le Budget supplémentaire des dépenses (A). C’est de l’incompétence et de la perte de contrôle.
Le sénateur Gold : Je n’ai pas entendu de question là-dessus, donc je n’ai pas de réponse à ce commentaire.
Le sénateur Carignan : Ne trouvez-vous pas?
Le sénateur Gold : Non.
[Traduction]
Le Cabinet du premier ministre
L’appui au premier ministre
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, la semaine dernière, je vous ai posé une question sur le fait que même les libéraux fuient Justin Trudeau. J’ai donné comme exemple le fait que le candidat libéral à une élection partielle provinciale à Terre-Neuve-et-Labrador était un partisan de Pierre Poilievre.
Monsieur le leader, au risque de me faire accuser encore une fois de vous faire perdre beaucoup de votre temps précieux, je tiens à faire le point sur la situation. Les deux partisans de Pierre Poilievre qui se sont présentés à l’élection partielle ont obtenu 98 % des votes — malheureusement pour les libéraux. Le candidat conservateur a obtenu près de 80 % des voix dans cette circonscription traditionnellement libérale. Monsieur le leader, la question de l’urne portait sur Justin Trudeau.
Sénateur Gold, quand le premier ministre comprendra-t-il le message? Quand démissionnera-t-il?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Permettez-moi d’abord de remettre les pendules à l’heure. Lorsque vous m’avez posé la question la dernière fois, je ne parlais pas de perdre mon temps. Comme je l’ai dit, mon temps de parole est le vôtre. J’ai autant de temps pour répondre à la question, ou peut-être plus de temps, que vous n’en avez eu pour la poser. Le fait est que je continue de croire que ce n’est pas — comment dire — la meilleure façon d’utiliser le temps du Sénat que de répondre à des questions partisanes dans une Chambre non élue en discutant d’hypothèses sur la façon dont notre premier ministre élu décide de gérer son avenir politique. Je maintiens cette réponse.
Le sénateur Plett : Que vous souhaitiez ou non que le Sénat soit exempt de partisanerie, cela reste un vœu pieux. Il ne l’est pas. Un nouveau sondage Léger montre que la moitié des Canadiens pensent que le premier ministre Justin Trudeau reste à la tête du Parti libéral simplement parce qu’il aime être le premier ministre, non pas parce qu’il a quelque chose de nouveau à offrir, mais parce qu’il aime les avantages qui viennent avec le poste. S’il refuse de démissionner, Justin Trudeau va-t-il enfin redonner de l’espoir aux Canadiens et déclencher des élections sur la taxe sur le carbone afin qu’ils puissent voter pour se débarrasser de lui?
Le sénateur Gold : J’admire votre optimisme. Je suppose que l’espoir est éternel dans le cœur et l’esprit de certains. Encore une fois, je ne suis pas en mesure de spéculer sur ce qu’est ou ce que sera la décision du premier ministre, et je ne fais pas partie de son Cabinet. Les faits comptent ici, chers collègues, du moins pour certains d’entre nous. Merci.
L’emploi et le développement social
La prestation canadienne pour les personnes handicapées
L’honorable Kim Pate : Sénateur Gold, et chers collègues, je tiens d’abord à souligner que nous célébrons la Semaine nationale de l’accessibilité. Au titre de l’alinéa 36(1)c) de la Loi constitutionnelle, le Canada a l’obligation constitutionnelle de fournir « à tous les Canadiens, à un niveau de qualité acceptable, les services publics essentiels ». Pour cette raison et compte tenu de cette réalité, en ne prévoyant dans le budget de cette année qu’une prestation canadienne pour les personnes handicapées de 200 $ par mois, le gouvernement croit-il honnêtement qu’il respecte ses obligations constitutionnelles à l’égard des personnes handicapées?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie d’avoir posé cette question et souligné l’alinéa de la Loi constitutionnelle dans lequel figure le libellé, soit l’alinéa 36(1)c). Pour la gouverne des sénateurs, étant donné qu’on en parle peu, même entre juristes et devant les tribunaux, le paragraphe se lit comme suit :
Sous réserve des compétences législatives du Parlement et des législatures et de leur droit de les exercer, le Parlement et les législatures, ainsi que les gouvernements fédéral et provinciaux, s’engagent à [...]
Vient ensuite le reste du libellé.
Il est donc évident que cet engagement — c’est ainsi que le paragraphe a été qualifié dans les très rares cas où il a été mentionné devant les tribunaux — est une reconnaissance des compétences législatives du gouvernement du Canada et des provinces. Voilà mon premier point.
Mon deuxième point, c’est que la prestation canadienne pour les personnes handicapées s’ajoute aux autres prestations pour les personnes handicapées offertes par les provinces et les territoires. Mon troisième point, c’est que le gouvernement fédéral a pris des mesures...
Son Honneur la Présidente : La sénatrice Pate a la parole.
La sénatrice Pate : Merci, sénateur Gold. L’année dernière, alors que le Parlement était saisi de la Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées, la ministre a dit à maintes reprises aux Canadiens que la prestation canadienne pour les personnes handicapées sortirait des centaines de milliers de personnes handicapées de la pauvreté. Le gouvernement croit-il que le versement mensuel de 200 $ au titre de cette prestation qui est prévue dans le budget pour certaines personnes handicapées, mais pas toutes, mettra fin à la pauvreté chez les personnes handicapées au Canada?
Le sénateur Gold : La réponse courte est non, mais je m’explique. Il s’agit de la première étape d’un programme sans précédent mis en œuvre pour la première fois à l’échelon fédéral, qui s’ajoute aux prestations d’invalidité qui sont requises par la Constitution ou qui relèvent du moins de la compétence des provinces. Il s’agit de la première étape, bien que modeste, nous le reconnaissons, en ce qui concerne les prestations financières qui seront versées dans un premier temps. Le gouvernement s’est engagé à travailler sur le programme, à le développer et l’améliorer, ce qui signifie qu’il s’agit d’un pas dans la bonne direction.
L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
Les demandes de visas
L’honorable Percy E. Downe : Sénateur Gold, le 17 avril dernier, je vous ai demandé quelle est la position du gouvernement du Canada en ce qui concerne l’annonce d’un changement par la Ligue canadienne de hockey, ce qui lui permettra de recommencer à recruter des joueurs russes et biélorusses. En effet, elle avait imposé une interdiction à cet égard quand la Russie a envahi l’Ukraine. Quelle est la position du gouvernement dans ce dossier? Va-t-il octroyer des visas à ces joueurs? Pouvez-vous répondre à cette question?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénateur Downe, je vous remercie de revenir sur cette question, mais malheureusement, je n’ai pas la réponse pour le moment.
Le sénateur Downe : Sénateur Gold, peut-être aurez-vous la réponse à ma deuxième question. Je vous ai demandé quelle est la position actuelle du gouvernement en ce qui concerne l’octroi de visas aux personnes de la Russie ou du Bélarus qui souhaitent venir au Canada. Avez-vous la réponse?
Le sénateur Gold : Je n’ai pas la réponse à cette question précise. Cela dit, je crois que nous convenons tous qu’il faut faire la distinction entre les actes des gouvernements et des personnes responsables, dans le cas de la Russie, de l’invasion illégale d’un pays souverain, et ceux des citoyens de ce pays. À cet égard, je suppose que cela détermine, en partie, les politiques dont vous parlez.
(1450)
La sécurité publique
Les infractions d’extorsion
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader, ma question porte sur la réponse que vous avez donnée hier à la question de la sénatrice Ataullahjan au sujet de la flambée de cas d’extorsion sous le gouvernement Trudeau.
Dans ma province, la Colombie-Britannique, les cas d’extorsion ont augmenté de 386 % au cours de la dernière décennie. C’est incroyable. D’après la réponse que vous avez donnée hier, vous estimez que l’extorsion est un problème provincial et non fédéral. Cependant, le Code criminel relève du fédéral, la GRC est une organisation fédérale. De plus, tant le projet de loi C-5 que le projet de loi C-75 ont été déposés par le gouvernement Trudeau.
Monsieur le leader, vous représentez au Sénat un gouvernement dont les députés, y compris l’ensemble du Cabinet, ont voté contre un projet de loi d’initiative parlementaire, qui, par exemple, faisait de l’incendie criminel une circonstance aggravante dans les accusations d’extorsion. Pourquoi? Si vous ne le savez toujours pas, pouvez-vous vous renseigner?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour votre question, sénatrice Martin, mais ce que j’ai dit dans ma réponse — et je pense que le hansard le confirme —, c’est que nous avons des dispositions rigoureuses dans le Code criminel pour lutter contre l’extorsion, mais que leur application, que ce soit par la GRC, qui est indépendante du gouvernement — comme il se doit, et j’espère que cela restera ainsi, sans ingérence politique —, ou par les services de police provinciaux ou municipaux, que l’application de nos lois, dis-je, quelle que soit leur teneur, est habituellement du ressort des procureurs, dans la plupart des cas, et, certainement, dans tous les cas, des services de police, qui sont et doivent demeurer indépendants du gouvernement. C’était le sens de ma réponse. Mon propos n’était pas de minimiser l’importance de l’extorsion ni les préjudices qui y sont associés pour les Canadiens, ni rien de tel. J’essayais simplement de donner une image fidèle des responsabilités et de leur répartition.
La sénatrice Martin : Le fait est qu’au lieu de s’attaquer à l’augmentation du nombre de cas d’extorsions, le gouvernement Trudeau a fait adopter des mesures législatives qui permettent aux membres de gangs et aux extorqueurs d’éviter plus facilement la prison, d’être remis en liberté et de récidiver.
Monsieur le leader, pourquoi le gouvernement Trudeau n’admet-il pas que les projets de loi C-5 et C-75 contribuent grandement au problème?
Le sénateur Gold : Pour faire une réponse courte, je dirai que le gouvernement ne souscrit pas à votre caractérisation des faits, pas plus qu’il ne souscrit, en général, à l’application répétée au cours de multiples décennies d’une politique de droit pénal dont toutes les recherches et les données probantes — non seulement au Canada, mais dans d’autres pays qui avaient adopté cette politique avant nous — montrent qu’elle est un échec. Telle est la position du gouvernement par rapport à la question que vous soulevez.
L’Agence canadienne des crimes financiers
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, le budget du gouvernement NPD-Trudeau a promis de verser 1,7 million de dollars sur deux ans pour parachever la conception et le cadre juridique de l’Agence canadienne des crimes financiers. En mars, j’ai reçu la réponse à une de mes questions écrites sur le statut de cette agence. Elle indiquait que le gouvernement Trudeau ne savait pas quand l’agence serait opérationnelle, où elle serait située, combien d’employés elle compterait, ni même quel serait son rôle ou ses pouvoirs.
Monsieur le leader, cette agence était une promesse électorale des libéraux en 2021, mais il est clair que rien n’a été fait depuis. Pourquoi le gouvernement Trudeau se traîne-t-il les pieds?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Monsieur le sénateur, je ne peux pas faire de commentaire à ce sujet. Par ailleurs, je n’accepte pas l’idée que le gouvernement se traîne les pieds. Je ne connais pas l’état d’avancement des travaux, mais je pense que vous — ou, du moins, les Canadiens — pouvez avoir l’assurance que les travaux sont effectivement en cours et qu’ils seront menés à bien de manière responsable et diligente.
Le sénateur Plett : La réponse écrite que j’ai reçue disait : « L’Agence canadienne des crimes financiers n’étant pas encore mise en place, elle n’a pas engagé de dépenses. »
Ce qui est amusant, c’est que j’ai également découvert que le programme de confiscation des armes à feu du gouvernement Trudeau a déjà coûté 42 millions de dollars aux contribuables, alors qu’il n’a pas encore été mis en place. Comment expliquer cette différence?
Le sénateur Gold : Il y a une boutade — et ce n’est pas un très bon conseil ni pour les sportifs ni pour les chasseurs — qui dit : « Tirez d’abord, visez ensuite. » Le fait est qu’il faut dépenser de l’argent pour planifier les choses, et si l’on veut faire les choses correctement et de manière responsable, comme tout gouvernement devrait le faire, il faut du temps pour faire les choses correctement avant de mettre en place un programme.
L’avancement des travaux législatifs
L’honorable Marilou McPhedran : Sénateur Gold, le projet de loi C-41 est devenu loi en juin dernier, créant ainsi un cadre pour l’aide humanitaire canadienne offerte aux gens dans le besoin qui vivent dans des régions contrôlées par des terroristes. En vertu de ce cadre législatif, le Canada devait créer un régime d’autorisation afin qu’on autorise les organismes canadiens à fournir de l’aide tout en les protégeant contre des poursuites criminelles en vertu des lois antiterroristes. Selon le rapport annuel de 2023 du ministre de la Sécurité publique, aucune autorisation n’a été accordée.
Sachant à quel point les femmes souffrent à cause de l’apartheid fondé sur le genre et de l’oppression sous les talibans, comment le gouvernement peut-il justifier un tel retard dans la mise en œuvre du projet de loi C-41?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question et de nous avoir rappelé les circonstances horribles que beaucoup de gens, en particulier les femmes, doivent endurer en Afghanistan.
Je ne connais pas la réponse à votre question sur la mise en œuvre. Il y a un processus à mettre en place, plus précisément un processus d’approbation. Je vais certainement soulever la question auprès du ministre en vue d’obtenir une réponse, et je vous remercie de votre question.
La sénatrice McPhedran : La semaine dernière, le Forum féministe canadien pour l’Afghanistan a réuni la société civile, des dirigeants, des universitaires et des parlementaires pour soutenir la codification de l’apartheid basé sur le genre dans le projet de traité des Nations unies sur les crimes contre l’humanité, parce que l’apartheid basé sur le genre n’est pas encore interdit par le droit international. À l’instar d’autres sénateurs qui se sont élevés contre l’apartheid basé sur le genre, j’ai une question à poser au gouvernement : les talibans obligent les Afghanes à se taire, mais pourquoi le gouvernement canadien choisit-il de rester silencieux?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Plus que tout autre gouvernement dans l’histoire du Canada, le gouvernement actuel a placé les droits des femmes au premier plan de sa politique étrangère, et il continuera à le faire. Il existe de nombreux exemples de cette politique et il n’est pas nécessaire de les citer.
La position du gouvernement canadien sur la reconnaissance de la situation comme de l’apartheid basé sur le genre est une question distincte. Encore une fois, je soulèverai cette question auprès du ministre lorsque j’en aurai l’occasion.
Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton
La sécurité publique, les institutions démocratiques et les affaires intergouvernementales—Le Secrétariat des conférences intergouvernementales canadiennes—Le droit à la vie privée
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 126, en date du 8 février 2022, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant le droit à la vie privée des Canadiennes et des Canadiens — Secrétariat des conférences intergouvernementales canadiennes.
L’immigration, les réfugiés et le citoyenneté—Le match de soccer contre l’Iran
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 166, en date du 2 juin 2022, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.
Le Bureau du Conseil privé—Les commentaires du premier ministre
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 230, en date du 30 mai 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des commentaires du premier ministre — Bureau du Conseil privé.
Les transports—Les commentaires du premier ministre
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 230, en date du 30 mai 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des commentaires du premier ministre — Transports Canada.
La sécurité publique, les institutions démocratiques et les affaires intergouvernementales—La Gendarmerie royale du Canada
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 308, en date du 6 février 2024, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant la Gendarmerie royale du Canada.
Les services publics et l’approvisionnement—Le 24, promenade Sussex
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 317, en date du 9 avril 2024, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant le 24, promenade Sussex.
L’innovation, les sciences et l’industrie—Les armes de poing
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 318, en date du 9 avril 2024, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant les armes de poing — Innovation, Sciences et Développement économique Canada.
La sécurité publique, les institutions démocratiques et les affaires intergouvernementales—Les armes de poing
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 318, en date du 9 avril 2024, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant les armes de poing — Sécurité publique Canada.
ORDRE DU JOUR
Les travaux du Sénat
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-12(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la deuxième lecture du projet de loi C-58, suivie de la deuxième lecture du projet de loi C-59, suivie de la deuxième lecture du projet de loi S-17, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.
(1500)
Le Code canadien du travail
Le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’honorable Frances Lankin propose que le projet de loi C-58, Loi modifiant le Code canadien du travail et le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je suis heureuse de lancer le débat à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-58, Loi modifiant le Code canadien du travail et le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles. Ce projet de loi vise à instaurer un régime d’équilibre en ce qui concerne l’interdiction de recourir aux travailleurs de remplacement durant une grève ou un lockout dans les industries sous réglementation fédérale. De plus, il prévoit une disposition qui régit le moment opportun et les étapes à respecter pour conclure une entente relative au maintien des activités et la prise de décisions par le Conseil canadien des relations industrielles qui aurait une incidence sur la nature du travail à maintenir pendant une grève et les situations que j’ai mentionnées.
Chers collègues, à la fin des années 1970, je me suis jointe à la fonction publique de l’Ontario, en tant qu’employée au ministère des Services correctionnels. Très rapidement, je me suis investie au sein de la section locale de mon syndicat, à mon lieu de travail. Par la suite, je suis devenue membre de l’exécutif de cette section du syndicat et, éventuellement, déléguée provinciale à la Division des services correctionnels du Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario, que j’appellerai l’OPSEU, pour la suite de mes observations.
Quelques années plus tard, au milieu d’une ronde de négociations hargneuses — qui n’étaient pas en fait des négociations contractuelles, mais des négociations visant à établir une nouvelle unité de négociation collective pour les agents correctionnels, distincte des autres divisions de la fonction publique de l’Ontario —, je me suis retrouvée au microphone, lors d’une réunion d’urgence de la Division des services correctionnels, en train de présenter une motion visant à déclencher une grève illégale à l’échelle de la province. Oui, j’ai bien dit « illégale ». À l’époque, les fonctionnaires ontariens n’avaient pas le droit de faire la grève, et les différends liés à la négociation des conventions collectives étaient soumis à l’arbitrage exécutoire.
J’étais loin de me douter que, 10 ans plus tard, je serais députée provinciale et ministre, et que je présenterais et que je ferais adopter un projet de loi accordant le droit de grève aux travailleurs syndiqués de la fonction publique de l’Ontario.
Au début des années 1980, j’ai quitté la fonction publique de l’Ontario et je suis allée travailler pour le syndicat dont j’ai parlé — l’OPSEU — et j’ai fini par devenir négociatrice pour un certain nombre de contrats d’unités de négociation à l’échelle de la province dont j’étais responsable. Les négociations, les différends, l’arbitrage, les grèves, les règlements et le rétablissement des relations de travail entre les employeurs et les employés après les différends, c’est dans mon ADN, pour ainsi dire.
Aujourd’hui, plus de 40 ans plus tard, j’ai l’honneur de parrainer au Sénat ce projet de loi tant attendu — le projet de loi C-58 —, qui interdit le recours à des travailleurs de remplacement pendant une grève dans le secteur privé sous réglementation fédérale et qui exige que les parties concluent un accord de maintien des activités avant le début d’une grève ou d’un lockout.
Je vais d’abord décrire le projet de loi. Dans un premier temps, je vais préciser à qui il s’applique et à qui il ne s’applique pas.
Le projet de loi C-58 s’applique aux organismes du secteur privé sous réglementation fédérale visés aux parties I, II, III et IV du Code canadien du travail.
Je vais vous donner quelques exemples. La liste est longue, mais vous comprendrez rapidement de qui il est question : le transport aérien, les banques, les services portuaires, les chemins de fer, la radiodiffusion, la télédiffusion, les services de transport routier, les systèmes de télécommunications et certains organes de gouvernance des Premières Nations. Un certain nombre de secteurs industriels sont visés par le projet de loi, mais n’oubliez pas qu’il est question de secteurs sous réglementation fédérale.
Ce secteur compte environ 22 000 employeurs. J’ai été étonnée par ce chiffre. Il y a plus de 300 000 employés syndiqués. En réalité, il y en a davantage, mais je parle des employés syndiqués qui seraient concernés par l’application du projet de loi.
Voici à qui le projet de loi ne s’appliquerait pas. Il ne s’appliquerait pas aux services publics sous réglementation fédérale, comme les fonctionnaires fédéraux des différents ministères. Il ne s’appliquerait pas non plus au Parlement, que ce soit la Chambre des communes — l’autre endroit, comme on l’appelle ici — ou le Sénat.
Étant donné que je pense que c’est une question que beaucoup de gens se posent, je vais expliquer pourquoi il en est ainsi : ce sont des modifications apportées au Code canadien du travail et aux règlements qui régissent le CCRI. Le cadre législatif pour les fonctionnaires fédéraux et le Parlement est établi dans une loi entièrement différente. Nous nous concentrons sur les modifications du Code canadien du travail à ce stade-ci. Nous verrons si ces questions seront abordées à l’avenir dans le cadre d’un projet de loi d’initiative ministérielle ou d’un projet de loi d’initiative parlementaire; pour l’instant, nous traitons du Code canadien du travail.
Bref, le projet de loi comporte deux aspects principaux. Il interdit aux employeurs d’utiliser des travailleurs de remplacement pendant les grèves, une mesure prise par les travailleurs, ou les lockouts, une mesure prise par les employeurs.
Il en est ainsi parce que le projet de loi vise à établir une relation plus équilibrée entre les employés et les employeurs — les employeurs et leurs travailleurs — dans une situation de grève ou de lockout. Je voudrais revenir sur ce point, mais il faut garder à l’esprit que ce dont nous parlons et ce que nous recherchons ici, c’est une question d’équilibre. Grâce à des changements, le projet de loi rééquilibre la relation. Bien sûr, il y a des gens qui auront des opinions divergentes sur ce qui constitue un juste équilibre, ce qui est toujours le cas lorsque nous étudions un projet de loi et écoutons les partisans et les détracteurs de ce projet de loi.
En 2015, la Cour suprême du Canada a affirmé que les dispositions relatives à la liberté d’association de la Charte canadienne des droits et libertés garantissaient le droit de grève. Dans la décision de la Cour suprême, la juge Abella, l’une de mes personnes préférées du monde entier, a écrit :
L’histoire, la jurisprudence et les obligations internationales du Canada confirment que, dans notre régime de relations de travail, le droit de grève constitue un élément essentiel d’un processus véritable de négociation collective.
La juge poursuit ensuite en citant Otto Kahn-Freund et Bob Hepple, qui ont déclaré :
Le pouvoir des travailleurs de cesser le travail équivaut à celui de la direction de cesser la production, de la réorienter, de la déplacer. Le régime juridique qui supprime la liberté de grève met les salariés à la merci de l’employeur. Là réside tout simplement l’essentiel.
La citation de ces deux experts s’arrête là.
Bref, selon certains, le recours à des travailleurs de remplacement peut porter atteinte au droit de grève.
Chers collègues, au cours de mes années de travail au sein du mouvement syndical et en tant que négociatrice, j’ai fait toutes sortes d’expériences : j’ai participé à des piquets de grève, j’ai négocié le règlement de litiges et j’ai agi comme arbitre. Et je dois vous dire que la grève est la toute dernière option que les travailleurs envisagent.
Parfois, je pense que les gens qui n’ont pas vécu ou n’ont pas été dans cette situation ne comprennent pas. Ils voient la situation de loin et croient qu’il s’agit simplement des syndicats qui montrent les dents et qui retirent à l’employeur la possibilité de poursuivre sa production.
Or, quand on regarde la situation de près, on remarque que les travailleurs perdent leur salaire et leurs avantages sociaux. Cela a un impact direct sur la vie de leur famille et de leur communauté. Il s’agit d’une solution de dernier recours qui est très difficile à choisir.
J’espère que nous garderons cela à l’esprit pendant que nous réfléchissons à un juste équilibre et à ce que propose le projet de loi. Il ne faut pas considérer les employeurs ou les syndicats comme un bloc monolithique. N’oublions pas qu’il s’agit de personnes. Ce sont des personnes qui travaillent dans un but précis et qui subviennent à leurs besoins, à ceux de leurs familles et de leur communauté.
La deuxième question qui est abordée dans le projet de loi C-58 — il s’agit d’un nouveau régime qui est mis en place, un processus — est celle des moyens et des délais pour arriver à une entente entre les parties ou à une décision arbitrale par le Conseil canadien des relations industrielles concernant les activités liées au travail qui doivent être maintenues en cas de grève ou de lockout. Il s’agit d’activités que l’on qualifie souvent d’activités nécessaires pour prévenir un danger immédiat et grave pour la sécurité ou la santé du public.
(1510)
L’article 84 contient un certain nombre de dispositions, mais le Code canadien du travail prévoit déjà que les parties doivent élaborer des accords ou des arrangements sur le maintien des activités. L’expérience a toutefois montré que, lorsque les parties sont impliquées dans le processus de négociation et qu’elles se concentrent sur les discussions pour tenter de parvenir à un accord, ces questions de maintien des activités professionnelles ne sont souvent pas abordées avant qu’il ne soit très clair que le différend est inévitable et qu’aucun accord ne sera manifestement possible. Il peut donc s’écouler beaucoup de temps avant que ces accords ne soient mis en place, ou lorsqu’il y a un différend sur le maintien des activités, afin que les perspectives de l’employeur et des travailleurs soient prises en compte pour la demande au Conseil canadien des relations industrielles afin qu’il prenne une décision et fasse une déclaration sur les activités qui doivent être maintenues.
Comme nous l’indique le passé, ce processus du Conseil canadien des relations industrielles est extrêmement long. On pourrait se demander, à juste titre, pourquoi il en est ainsi. À mon avis, c’est essentiellement une question de ressources disponibles. Parfois, il faut aussi tenir compte de la complexité et de la nature de l’enquête qui doit être faite, mais la capacité d’une personne à y parvenir est souvent ce qui est en cause. Certaines années, il y a quelque temps, les délais moyens étaient de 250 jours à partir de la demande jusqu’à l’émission d’une directive par le Conseil canadien des relations industrielles. À une autre année, les délais étaient bien inférieurs, mais ils étaient quand même de 150 jours. Cela demeure un processus extrêmement long à la suite de ce qui peut être une très longue série de négociations acrimonieuses.
L’une des choses qui se passent dans les cas de grèves, de lockouts et d’échecs des négociations collectives, ce sont les ressentiments et les sentiments négatifs qui s’enracinent. Plus le processus s’étire, plus ce type d’acrimonie a le temps de se développer et d’empoisonner le milieu de travail.
Nous devons nous rappeler que, au bout du compte, les parties devront à nouveau travailler ensemble pour une même entreprise. Même si elles ont évidemment des raisons différentes pour le faire, elles ont aussi des points en commun.
Au fil des ans, les employeurs, les travailleurs et leurs syndicats ont fait valoir la nécessité d’un processus qui fixe les échéances appropriées, et il y a eu de nombreuses discussions sur la forme que devraient prendre ces échéances. Le projet de loi répond à ce besoin et met en place, pour la première fois, une série d’étapes et fixe le nombre de jours prévus pour chaque étape. Les parties doivent commencer à négocier une entente dans les 15 jours suivant l’avis de négociation et le début des négociations.
En cas de différend et de renvoi au Conseil canadien des relations industrielles, que ce soit à la suite d’une plainte ou de pressions exercées sur le ministre afin qu’il effectue un renvoi, ce qu’il a le pouvoir de faire en vertu du projet de loi, le conseil dispose alors d’un temps limité pour rendre une décision. Il y a des détails là‑dessus, et je serai heureuse de répondre à des questions si les gens veulent plus de détails à ce sujet.
Afin de créer un équilibre, le projet de loi prévoit aussi des exceptions qui permettraient aux employeurs de recourir à des travailleurs de remplacement. Les paramètres seront mieux définis que dans le passé. Avant, il y avait une phrase qui tenait sur une seule ligne. C’était très difficile de trancher, car c’était très subjectif. Maintenant, cette mesure législative présente des dispositions très claires concernant les exceptions possibles à l’interdiction de recourir aux travailleurs de remplacement. Ce serait pour parer à une menace pour la vie, la santé ou la sécurité de toute personne; à une menace de détérioration grave des biens ou des locaux de l’employeur; ou à une menace de graves dommages environnementaux touchant les biens ou les locaux de l’employeur.
Les employés de l’unité de négociation visée par une interdiction de recourir aux travailleurs de remplacement n’ont pas le droit de franchir les piquets de grève. Il ne faut pas oublier l’unité de négociation. Dans certaines circonstances, toutefois, il y a une exception à cette règle dans ce projet de loi. En effet, les employés de l’unité de négociation seraient autorisés à traverser les piquets de grève au besoin pendant une grève ou un lockout afin de veiller à ce que l’arrêt de travail ne constitue pas un risque imminent et grave pour la sécurité ou la santé du public.
Par conséquent, en créant un équilibre, cette mesure législative tente d’accorder la priorité à la santé et la sécurité du public, selon les dispositions détaillées que je viens d’énumérer concernant les exceptions à l’interdiction du recours à des travailleurs de remplacement.
Au fil des ans, le Conseil canadien des relations industrielles a reçu des demandes ou des renvois de ministres ainsi que d’un éventail d’industries en vue de régler des désaccords concernant une entente sur le maintien des activités. Je vous en ai donné quelques exemples tout à l’heure.
J’aimerais vous donner un exemple pour que vous sachiez ce dont il est question ici. Le 22 juillet 2014, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, un syndicat qui représente les scientifiques et les professionnels qui travaillent dans des industries sous réglementation fédérale, a présenté une demande au Conseil canadien des relations industrielles en vertu de l’article 87.4 du Code canadien du travail. Le syndicat demandait une ordonnance pour trancher les dossiers en suspens entre lui et un employeur, en l’occurrence Énergie atomique du Canada limitée, qu’on désigne habituellement par l’acronyme EACL.
L’acronyme de l’entente sur le maintien des activités est EMA. Je n’ai pas besoin d’apprendre d’autres acronymes à ce stade-ci de ma vie, mais pour faire ce travail, nous n’avons parfois pas le choix.
Pour la petite histoire, une fermeture a eu lieu pour des raisons d’entretien courant. Elle n’était pas le résultat d’un conflit de travail. Il s’agissait d’un entretien courant qui a été effectué en novembre 2007 à la centrale nucléaire de Chalk River. Cette centrale relève d’Énergie atomique du Canada limitée et de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Vous vous en souvenez peut-être. En tant qu’ancienne ministre de la Santé, j’ai suivi l’évolution de la situation. Cette fermeture a entraîné une pénurie mondiale de radio-isotopes. Les enjeux étaient considérables. Le Canada n’était pas le seul pays touché. Comme je l’ai dit, il y a eu une pénurie mondiale, ce qui montre l’importance que ce secteur revêt non seulement pour notre pays, mais aussi pour le reste du monde.
Revenons à ce qui s’est passé en 2014, le conseil a déterminé que le critère de l’intérêt public associé à l’article 87.4 du Code canadien du travail — et il s’agit là d’une interprétation et d’un précédent importants — exige que la partie affirmant qu’il n’y a pas de danger pour la santé ou la sécurité publique porte le fardeau de la preuve. Nous parlons maintenant de la manière dont les dossiers sont tranchés, de l’application régulière de la loi et du concept du fardeau de la preuve.
Soit dit en passant, je trouve cette décision très intéressante parce qu’elle impose un fardeau de la preuve. En effet, si vous affirmez qu’il n’y a pas de danger ou de menace pour la sécurité publique, votre partie, quelle qu’elle soit — cette affirmation ayant été faite par les deux côtés dans des circonstances différentes —, a le fardeau de prouver ce qu’elle avance.
À mon avis, c’est là une autre partie du régime qui fait passer la sécurité publique et l’intérêt public avant les intérêts de l’employeur, du syndicat ou des syndiqués par rapport à un litige donné.
Il y a beaucoup d’autres exemples. Heureusement, mon bureau a parcouru le site Web du Conseil canadien des relations industrielles pour tenter de trouver des exemples. Ce n’est pas facile, mais les gens qui le désirent peuvent en trouver. Il y a des décisions qui concernent notamment NAV CANADA, le Canadien National et l’Administration de l’aéroport international du Grand Moncton. Il y a un certain nombre de décisions qu’on peut consulter.
J’aimerais maintenant parler du processus qui a mené à l’élaboration du projet de loi et à son adoption à l’autre endroit.
Dans le cadre de son entente de soutien et de confiance avec le Nouveau Parti démocratique, le gouvernement s’est engagé à présenter :
[...] un projet de loi d’ici la fin de 2023 pour interdire le recours à des travailleurs de remplacement, ou « briseurs de grève », lorsqu’un employeur syndiqué d’une industrie sous réglementation fédérale a mis ses employés en lockout ou est en grève.
Dans le budget de 2023, il s’est de nouveau engagé à améliorer le processus de maintien des activités.
(1520)
La consultation sur l’ensemble du projet de loi s’est déroulée entre octobre 2022 et janvier 2023. Au cours de cette période, une série de tables rondes a été organisée. Des employeurs, des syndicats et d’autres parties intéressées se sont manifestés. À la suite de ces consultations, un rapport résumant les discussions a été publié en septembre 2023.
Parfois, après avoir participé à ce type de consultations ou à l’élaboration d’une politique ou d’une loi, nous prenons du recul, nous examinons le rapport sur les consultations et nous avons l’impression de ne pas avoir parlé assez fort ou de ne pas avoir été entendus. J’ai entendu des plaintes provenant des deux parties dans ce dossier, mais les consultations ont été faites et un rapport a été publié.
J’ai passé du temps à discuter avec l’un des principaux représentants du patronat et des associations d’entreprises — une personne très réfléchie. Nous avons tous deux abordé ces discussions en sachant que nous venons d’horizons différents et que nous avons des points de vue différents sur la meilleure démarche. Pour moi, ce sont toujours les conversations les plus fécondes, car elles nous donnent l’occasion d’apprendre, d’écouter et de comprendre le point de vue de l’autre.
Je voulais comprendre. Vous vous souviendrez que j’ai dit que les employeurs et les syndicats semblaient généralement en faveur des nouvelles dispositions concernant le processus de maintien des activités ou la résolution des litiges à cet égard. Il n’y a pas un tel accord en ce qui concerne la question délicate de l’interdiction des travailleurs de remplacement, même si l’on prévoit des exceptions et ce genre de choses.
Cela ne m’étonne pas, et je pense que cela ne devrait étonner personne. Le projet de loi à l’étude tente d’établir un équilibre et de permettre des négociations collectives libres et équitables. Le représentant des employeurs avec lequel je me suis entretenue a clairement indiqué que de nombreux employeurs pensent qu’il existe un équilibre soigneusement établi en l’état actuel de la loi, avant tout changement qui pourrait résulter du projet de loi s’il devait être adopté.
Vous ne serez pas surpris d’apprendre que si vous parlez aux représentants des travailleurs syndiqués, aux syndicats et à leurs défenseurs, ils vous diront que l’équilibre n’existe pas à l’heure actuelle — que les choses penchent en faveur des employeurs et que les travailleurs sont abandonnés à leur sort, parfois pendant de longues périodes de temps, lorsque l’on fait appel à des travailleurs de remplacement.
Pensons par exemple aux travailleurs du Port de Québec, qui sont en grève depuis 18 ou 19 mois. On a eu recours à des travailleurs de remplacement et la grève se poursuit.
Dans d’autres cas où il existe une réglementation provinciale — je ne parle pas des dispositions du Code canadien du travail —, il y a des grèves. Une petite entreprise de télécommunications en Colombie-Britannique s’est syndiquée, et l’employeur a contesté ce processus. Les travailleurs ont fait la grève pendant trois ans pour obtenir une première convention collective, tandis que l’entreprise continuait d’exercer ses activités. En fin de compte, les travailleurs ont gagné leur cause grâce à la décision d’une commission des relations de travail — il faudrait que je vérifie laquelle — qui a déterminé que les mesures prises contrevenaient aux obligations de l’employeur.
Il s’agit là d’un dossier provincial, mais c’est un exemple. Il existe de nombreux exemples de grèves qui se sont prolongées pendant une durée indéterminée parce que l’employeur a eu recours à des travailleurs de remplacement.
Dans l’ensemble, lorsque j’écoute les deux parties s’exprimer, cela me rappelle le travail que j’ai fait au fil des ans pour lutter contre la pauvreté et défendre les droits des travailleurs, en avançant l’argument de l’augmentation du salaire minimum. Lorsque quelqu’un au gouvernement parle d’augmenter le salaire minimum, d’un côté, on nous dit immédiatement que cela va faire disparaître des emplois et entraîner la faillite de petites entreprises et, de l’autre côté, on nous dit que c’est nécessaire pour protéger les travailleurs contre l’inflation et le coût de la vie, afin qu’ils puissent subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles et contribuer à l’économie en gardant leur pouvoir d’achat.
Chaque fois que cet enjeu refait surface, que ce soit dans une province ou ailleurs, les arguments ne changent jamais. Ce serait bien si, à un moment donné, nous pouvions mettre fin aux discours ronflants qui polarisent afin de mieux comprendre qu’elles sont les répercussions et les défis.
Tout cela se produit dans la conjoncture économique actuelle. Quand il y a un différend sur cet enjeu, il faut examiner les conditions économiques qui le sous-tendent. On ne peut pas prendre les mêmes arguments réchauffés de chaque partie et les appliquer à toutes les situations parce qu’elles ne sont tout simplement pas les mêmes — bien que, parfois, le débat donne cette impression.
J’utilise cet exemple, mais quand je dis « arguments réchauffés », je ne fais pas référence à la position des employeurs et des travailleurs syndiqués dans le contexte de ce projet de loi. J’ai un immense respect pour la position du patronat. Je dois toutefois vous dire que, à la lumière de mon expérience personnelle à examiner les éléments de preuve des travailleurs syndiqués, l’argument selon lequel le système actuel n’est pas équilibré — et qu’il faut rétablir un équilibre — a beaucoup de mérite. C’est pourquoi je suis heureuse de parrainer ce projet de loi.
Pour comprendre comment les gens étayent leurs arguments, il faut examiner les données empiriques. Eh bien, les amis, comme pour beaucoup de questions que nous examinons, il existe peu de données empiriques à ce sujet. Les deux parties présentent habituellement des rapports. J’ai lu des rapports présentés par des syndicats, dans lesquels ils mentionnent leurs sources et ce qu’ils ont examiné, et j’ai examiné des rapports sur lesquels s’appuient des employeurs, comme celui de l’Institut Fraser. Dans, ces rapports, on se demande essentiellement s’il y aura davantage de grèves et si les grèves dureront plus longtemps, ce qui occasionnerait davantage de jours perdus à cause des arrêts de travail. Les deux parties ont des interprétations différentes, qui reposent sur des données probantes, mais il est question d’un très petit nombre d’études.
Il est également important de garder à l’esprit que ces études portent sur les provinces canadiennes où une mesure législative semblable a été adoptée. Il n’y en a que deux : la Colombie-Britannique et le Québec. Le Québec dispose d’une telle mesure législative depuis 1977 environ, et la Colombie-Britannique a adopté une mesure législative semblable au début des années 1990.
Alors que j’essaie de donner un sens à des données qui, à mon avis, ne sont convaincantes ni pour une partie ni pour l’autre, je vous rappelle que la fréquence des grèves dépend beaucoup plus des conditions économiques auxquelles les parties sont confrontées au moment considéré et de la durée de l’arrêt de travail. Comme je l’ai dit, dans les cas où on fait appel à des travailleurs de remplacement, l’arrêt de travail dure beaucoup plus longtemps. Toutefois, cela ne préoccupe pas les employeurs parce qu’ils ont des travailleurs et que leurs activités se poursuivent à peu près normalement. Il s’agit peut-être d’une généralisation excessive, car chaque cas est unique.
Les cas qui ont été étudiés relèvent tous de la compétence provinciale; ils ne correspondent pas à ce que nous voyons ici. Par conséquent, aucune de ces données ne peut s’appliquer aux secteurs sous réglementation fédérale, car il n’a jamais été interdit de recourir à des travailleurs de remplacement dans les secteurs relevant de la compétence fédérale. Si on se reporte aux exemples de décisions du Conseil canadien des relations industrielles, ou CCRI, que j’ai donnés, on constate que la situation des employeurs assujettis à la réglementation fédérale diffère grandement de celle des employeurs relevant de la compétence provinciale.
Pour conclure sur la question de l’équilibre, je voudrais que nous nous souvenions tous que dans les secteurs fédéraux dont nous parlons, le gouvernement a toujours la possibilité de présenter une mesure législative de retour au travail. Je siège ici depuis plus de huit ans et j’en ai été témoin deux fois.
Certaines mesures dictent quand c’est autorisé. Il est important de se rappeler que la Charte protège la liberté d’association, le droit de grève et le moment où l’on peut faire la grève. Au cours des débats sur cette question, nous avons débattu en comité plénier à quelques reprises. Si je me souviens bien, des représentants de Postes Canada et du port de Montréal ont comparu. Le sénateur Gold et moi-même n’étions pas du tout d’accord quant à l’interprétation de la Constitution. Je ne suis pas une grande spécialiste. Je ne suis ni avocate ni experte en matière constitutionnelle, contrairement à lui. Des contestations judiciaires sont en cours et nous verrons ce qu’il en ressortira. Toutefois, je pense que dans ces deux cas, le gouvernement a agi prématurément car il n’avait pas respecter les conditions lui permettant de faire adopter une loi forçant le retour au travail. À mon avis, c’était une violation des droits garantis par la Charte.
(1530)
Il faut que nous nous rendions compte qu’avec le temps les jugements et la jurisprudence permettent aux parties d’en arriver à une bien meilleure compréhension de ce qui est admissible et de ce qui ne l’est pas.
Pour revenir à la question du processus, le projet de loi C-58 a été présenté à la Chambre des communes en novembre 2023. La Chambre des communes a consacré six séances à l’étude à l’étape de la deuxième lecture entre novembre 2023 et février 2024.
À la Chambre, plus de 20 députés ont fait part de leurs réflexions et de leurs points de vue au sujet du projet de loi. Après les interventions des députés, il y a eu 53 échanges de questions et de réponses, au cours desquels de nombreux autres députés ont posé des questions. Cela a duré jusqu’au 27 février 2024.
Le projet de loi a franchi l’étape de la deuxième lecture — je veux que vous prêtiez attention au résultat — par 318 voix contre 0. À l’étape de la deuxième lecture, je le répète, aucun député n’a voté contre. Le projet de loi a ensuite été renvoyé à un comité pour étude.
Je vois un sourire narquois de l’autre côté de la Chambre, et je comprends ce qui le provoque.
Le projet de loi a été étudié au Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, à l’autre endroit, du 21 mars 2024 au 2 mai 2024. Le comité y a consacré six séances. Il a entendu 37 témoins et a reçu 20 mémoires d’autres parties intéressées.
Pendant l’étude article par article, le comité a adopté un petit nombre d’amendements, des amendements importants, mais peu nombreux. En d’autres mots, je dirais que le projet de loi n’est pas très complexe. Vous serez pour ou contre. Des raisons justifient certains de ces amendements. Encore une fois, je peux les expliquer en réponse à des questions.
À l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-58, cinq intervenants ont pris la parole, et il y a eu 22 échanges dans les périodes réservées aux questions et aux observations. Le 27 mai 2024 — lundi dernier —, le projet de loi a été adopté à l’autre endroit par un vote de 316 voix contre 0, encore une fois.
Je souligne le processus pour une raison. Souvent, lorsque nous entendons au Sénat qu’une mesure législative a été adoptée par tous les partis dans un contexte de gouvernement minoritaire — toutes ces choses s’additionnent et finissent par représenter quelque chose de non négligeable —, certains se demandent ce qui s’est passé. Était-ce un accommodement politique? L’adoption de la mesure législative a-t-elle été précipitée? Une étude adéquate a-t-elle été menée? Ce sont des questions que nous nous posons, à juste titre.
J’ai présenté le processus pour que vous constatiez qu’il y a eu amplement de discussions — je ne parle pas de la qualité des échanges ou de ce genre de choses. Ce que je dis, c’est qu’il y a eu un débat approfondi, une étude exhaustive et des discussions concluantes à l’étape de la troisième lecture.
Voilà où nous en sommes. C’est à notre tour. C’est à notre tour d’examiner ce projet de loi, de le renvoyer au comité et, espérons-le, de procéder à un examen approfondi de la mesure législative. À l’étape de la deuxième lecture, là où nous en sommes, nous examinons le principe du projet de loi. Je dois vous dire que j’appuie de tout cœur le principe de ce projet de loi. J’attends avec impatience l’examen du projet de loi par le comité.
Lorsque j’ai commencé mon intervention aujourd’hui, j’ai fait un retour en arrière. Alors que je termine mon intervention, je vous prie de bien vouloir m’accorder un moment supplémentaire.
En 1992, j’étais membre du Cabinet du gouvernement de l’Ontario. Ce n’était pas mon ministère, mais j’étais très heureuse en tant que membre du Cabinet de soutenir la présentation et l’adoption d’un projet de loi antibriseurs de grève pour la main-d’œuvre réglementée par la province de l’Ontario. C’était en 1992.
Malheureusement, en 1995, l’abrogation de cette loi a été l’une des premières mesures prises par le gouvernement conservateur nouvellement élu dirigé par le premier ministre Mike Harris, avec un programme qu’il a appelé la « Révolution du bon sens » — chaque fois que j’entends le slogan de la campagne sur le bon sens à l’autre endroit ou dans cette enceinte, je ressens quelque chose s’apparentant à un choc traumatique. En ce qui concerne les slogans, il m’arrive de penser : — quel est le dicton? — plus ça change. Je vous laisse le compléter.
Je suis honorée et heureuse de marrainer ce projet de loi. Je suis heureuse qu’on me l’ait demandé. Je dois vous dire que, pour moi, cela me permet en quelque sorte de boucler la boucle et de tourner la page sur cette question, en plus de mettre en évidence une réalité que j’ai connue toute ma vie dans la fonction publique et qui me frustre — mais nous ne pouvons rien y changer : les choses peuvent prendre beaucoup de temps dans le monde des politiques publiques, de la politique et de l’élaboration des lois.
Nous vivons un moment historique grâce à ce projet de loi, qui est attendu et en faveur duquel on exerce des pressions depuis longtemps afin de rétablir l’équilibre vers des négociations collectives justes et libres assurant la capacité d’exercer le droit de grève, qui est protégé par la Charte. Nous vivons un moment historique.
Je ne sais pas encore qui est le porte-parole de l’opposition pour ce projet de loi, mais j’ai hâte de l’entendre. J’ai hâte que le projet de loi soit renvoyé à un comité pour qu’il l’étudie et en discute, ce que nos comités font si bien. Je ne sais pas, mais je soupçonne que le projet de loi pourrait être renvoyé au Comité des affaires sociales. Je sais que ses membres sont minutieux. Je me réjouis à l’idée que le projet de loi soit étudié comme il se doit.
Il s’agit d’un projet de loi important. J’attends avec impatience la contribution d’autres sénateurs au débat, puis le renvoi du projet de loi à un comité.
Votre Honneur, merci. Meegwetch.
[Français]
L’honorable Claude Carignan : J’aurais une question à poser à la sénatrice Lankin. Est-ce qu’elle accepterait d’y répondre?
La sénatrice Lankin : Oui.
Le sénateur Carignan : Il semble que mon leader trouvait que j’avais encore du temps libre, malgré les huit comités, alors je serai le porte-parole pour ce projet de loi.
Je n’ai pas encore eu le privilège de recevoir le breffage des fonctionnaires, comme c’est l’habitude, mais j’ai tout de même une question. Il y a eu un amendement par rapport à l’entrée en vigueur. Ce devait être 18 mois, mais maintenant, c’est 12 mois. Avez-vous une idée de la raison de cet amendement? Pourquoi est-ce maintenant 12 mois avant l’entrée en vigueur?
[Traduction]
La sénatrice Lankin : Merci. Oui, il y a eu des pressions lors de l’étude en comité à l’égard d’un tel amendement, principalement de la part du Bloc québécois, en raison, je crois, de ce qui est en vigueur au Québec depuis 1977 par rapport aux lois de retour au travail et du vaste appui du public à l’égard de ce régime de relations de travail au Québec. Selon le Bloc québécois, 18 mois, c’est trop long pour rétablir l’équité.
Cependant, le Conseil canadien des relations industrielles a dit qu’il lui faut du temps pour renforcer les capacités et former plus de personnel. Il lui faut plus de ressources pour être en mesure de respecter une échéance de moins de 18 mois.
Lors des échanges à ce sujet, on a dit au CCRI qu’il avait 12 mois, mais que le gouvernement s’engageait à fournir les ressources nécessaires pour qu’il puisse embaucher et former du personnel en vue de mettre le système en place. Ce n’était pas parfaitement acceptable pour les membres du comité qui souhaitaient essentiellement que ce soit mis en place dès la sanction royale. Voilà pour l’autre aspect.
Comme c’est souvent le cas lors de ce genre de négociations, on a coupé la poire en deux et fixé un délai de 12 mois, mais le gouvernement s’est engagé à fournir les ressources nécessaires pour que le CCRI puisse renforcer ses capacités afin de respecter le délai.
[Français]
Le sénateur Carignan : J’ai une question complémentaire au sujet du maintien des services essentiels. Je vois que l’on prévoit un processus de négociation en parallèle dans un court délai après l’avis de négociation, afin d’établir quels sont les services essentiels en cas de grève ou de lock-out.
(1540)
Y a-t-il eu des craintes exprimées par des parties par rapport à ce processus en parallèle, qui pourrait s’étirer dans le cadre d’une double négociation d’une convention collective et de services essentiels?
[Traduction]
La sénatrice Lankin : Je pense que la réponse à cette question est non, de mon point de vue. C’est un bon argument, car vous remarquerez que l’un des amendements au projet de loi porte sur le délai. En effet, le projet de loi prévoyait un délai de 90 jours pour que le Conseil canadien des relations industrielles agisse après avoir reçu une demande de plainte ou un renvoi par le ministre. Il devait avoir 90 jours pour répondre.
Comme je l’ai dit plus tôt dans mon discours, il y a eu des années où les réponses prenaient en moyenne 250 jours ou 150 jours à arriver — bien plus, en tout cas, que les 90 jours prévus. Cette disposition a été élaborée avec le Conseil canadien des relations industrielles et les fonctionnaires du ministère, puis le Cabinet l’a acceptée et l’a inscrite dans le projet de loi.
Certains députés ont estimé que ce délai était beaucoup trop long et que la possibilité de retarder les grèves ou les lockouts était préjudiciable au processus, qui devrait se dérouler de manière plus efficace et plus rapide. Ils ont proposé 45 jours.
Le délai de 90 jours a été réduit à 82 jours. En regardant cela, on peut se dire : « Quoi? Une différence de huit jours? Pourquoi? »
Voici ce que j’ai appris au cours de ce processus, et il est important de le comprendre. Vous y avez fait allusion lorsque vous avez parlé du processus de négociation collective.
Tout d’abord, la partie émet un avis de négociation collective. À partir de ce moment, les négociations peuvent se poursuivre aussi longtemps que les parties le souhaitent, jusqu’à ce qu’elles parviennent à un point où soit elles ont conclu une entente, soit elles ont décidé qu’il est impossible de résoudre leur différend à la table de négociation. Elles doivent alors émettre un avis de différend.
À ce moment, le ministre a jusqu’à 15 jours — mais cela prend rarement aussi longtemps — pour décider s’il nomme des services de conciliation ou de médiation de la fonction publique fédérale. Ce point a été soulevé à maintes reprises à l’autre endroit, car nous disposons de services de conciliation et de médiation très efficaces. En fait, 96 % des différends sont résolus par l’entremise de ce processus. Seulement 4 % des différends — un sous-groupe de l’ensemble des accords conclus — passent à la prochaine étape, ce qui signifie la possibilité d’un vote de grève ou d’un lockout, selon le cas.
Le processus de conciliation dure 60 jours, à moins que les parties décident mutuellement de le prolonger. Il peut ensuite être suivi d’une médiation, selon l’écart qui sépare les parties. Le processus de médiation peut durer aussi longtemps que les parties sont disposées à le poursuivre, si des progrès sont réalisés. Il est toujours préférable d’avoir une convention collective négociée; je pense que nous convenons tous de ce point. Cela permet d’éviter les arrêts de travail, qu’il s’agisse d’une grève ou d’un lockout, et l’acrimonie qui en découle. Les meilleures ententes sont celles que les parties peuvent conclure elles-mêmes.
Bien que cette étape puisse durer longtemps, elle doit se poursuivre pendant 21 jours avant que l’une ou l’autre des parties puisse donner un avis de grève ou de lockout. Je suis sûre que vous savez parfaitement qu’une fois qu’un avis est donné, il faut attendre 72 heures avant de pouvoir déclencher la grève ou le lockout. Parfois, les parties prennent plus de temps. Parfois, cela les pousse à recommencer à négocier. Il y a tout cela, mais il faut attendre au moins 72 heures.
Si vous additionnez tout cela, sénateur Carignan, vous obtenez un intervalle minimal de 97 jours pendant lequel les parties peuvent suivre toutes les étapes et atteindre un point où il pourrait y avoir une grève ou un lockout.
Examinons maintenant votre préoccupation concernant la création d’un processus de négociation parallèle dans le but de conclure une entente sur le maintien des activités. Une fois que l’avis de négociation est donné, le projet de loi prévoit un délai maximal de 15 jours, que les parties parviennent à une entente ou non. Ce n’est pas comme si les parties ignoraient quels seront les éléments de contention ni comme s’ils n’avaient jamais connu pareille situation auparavant. Parfois, il existe une entente type, et si rien n’a changé, c’est ce qui sera adopté, souvent avec l’accord des deux parties. Si ce n’est pas le cas, une demande est présentée, ou, encore une fois, il y a la possibilité d’un renvoi ministériel.
Du début à la fin — je constate que la Présidente se lève —, ce processus prendra en tout moins que les 82 jours actuellement prévus dans le projet de loi. Cette négociation s’effectue séparément la plupart du temps. Je ne crois pas qu’il y ait une redondance...
Son Honneur la Présidente : Le temps de parole de la sénatrice est écoulé.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
[Français]
Projet de loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023
Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’honorable Lucie Moncion propose que le projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 21 novembre 2023 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je vous assure que je ne serai pas aussi éloquente et aussi intéressante que ma collègue précédente, la sénatrice Lankin.
[Traduction]
J’ai le privilège de prendre la parole à titre de marraine du projet de loi C-59, Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023.
Je tiens tout d’abord à saluer le travail fondamental effectué par le Comité sénatorial permanent des finances nationales, qui a consacré quatre réunions à l’examen approfondi de l’objet de cette mesure législative et a entendu 59 témoins.
Votre travail est essentiel pour guider le processus législatif et assurer une surveillance proactive.
Le projet de loi C-59 mettrait en œuvre des mesures clés de l’Énoncé économique de l’automne 2023 afin de soutenir les efforts déclarés du gouvernement pour faire construire davantage de logements, rendre la vie plus abordable et créer davantage de bons emplois. Le projet de loi est divisé en cinq parties.
La première partie apporte des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu et à des textes connexes : en tout, 17 mesures y sont incluses. La deuxième partie du projet de loi C-59 édicte la Loi sur la taxe sur les services numériques. La troisième partie modifie la Loi sur la taxe d’accise et des textes connexes : on y trouve 12 mesures. La quatrième partie modifie la Loi de 2001 sur l’accise et des textes connexes : elle comprend 4 mesures. Enfin, la cinquième partie comprend diverses mesures, allant de la modification de la Loi sur le tabac et les produits de vapotage à l’édiction de la Loi sur l’Agence canadienne de l’eau.
Comme le projet de loi C-59 comprend 48 mesures distinctes, et qu’elles ne sont pas toutes substantielles, je concentrerai mon discours à l’étape de la deuxième lecture sur celles qui sont les plus dignes de mention, celles qui, selon moi, susciteront le plus d’intérêt de la part des parties prenantes.
Commençons par une disposition de la partie 1 qui consiste à doubler le taux du supplément rural pour les paiements de la Remise canadienne sur le carbone. Chers collègues, la modification proposée à la Remise canadienne sur le carbone — résumée par le paragraphe f) du sommaire sur la partie 1 — prévoit de verser la plus grande partie du produit de la redevance fédérale sur les combustibles directement aux particuliers et aux familles des provinces où la redevance s’applique.
La modification proposée aurait pour effet de doubler le taux du supplément rural appliqué au montant de base de la Remise canadienne sur le carbone, le faisant passer de 10 à 20 %, afin de mieux soutenir les Canadiens des petites collectivités rurales, où les coûts de l’énergie sont plus élevés et il y a moins d’options en matière de transport propre. L’augmentation du taux du supplément rural prendrait effet à partir d’avril 2024.
Lorsqu’il est question de la bonification de ces paiements, il y a lieu de souligner qu’à l’heure actuelle, dans les provinces où s’applique le régime fédéral, huit familles sur dix récupèrent plus d’argent qu’elles n’en paient, les familles à faible revenu étant celles qui bénéficient le plus du programme.
Passons maintenant aux crédits d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone. Le gouvernement utilise également le projet de loi pour offrir les deux premiers crédits d’impôt remboursables à l’investissement propre. Ces crédits d’impôt sont conçus pour stimuler les investissements tout en soutenant l’objectif du Canada de zéro émission nette d’ici 2050. Je commencerai par la partie 1(g) de ce projet de loi, le crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone pour les sociétés canadiennes imposables qui engagent des dépenses admissibles pour des projets dans ce domaine.
(1550)
Cette mesure encouragerait les investissements dans les technologies de captage, d’utilisation et de stockage du carbone afin de réduire les émissions de dioxyde de carbone. Ces technologies sont des outils importants pour les secteurs où l’atténuation des émissions est difficile à réaliser, comme ceux du béton, des plastiques et des carburants. Les projets sont admissibles dans la mesure où ils stockent de manière permanente le CO2 capturé au moyen d’une utilisation admissible, ce qui inclut le stockage géologique dédié et le stockage du CO2 dans le béton. Le crédit d’impôt à l’investissement serait disponible pour les dépenses engagées à compter du 1er janvier 2022 et ne serait plus disponible après 2040.
De 2022 à 2030, les taux de crédit d’impôt à l’investissement seraient fixés à 60 % pour les investissements dans des équipements destinés à capter le CO2 dans des projets de captage direct dans l’air, à 50 % pour les investissements dans des équipements destinés à capter le CO2 dans tous les autres projets de captage, d’utilisation et de stockage du carbone, et à 37,5 % pour les investissements dans des équipements destinés au transport, au stockage et à l’utilisation du CO2.
Ces taux seraient réduits de moitié pour la période allant de 2031 à 2040.
[Français]
Pour ce qui est du crédit à l’investissement dans les technologies propres, la partie 1h) du projet de loi décrit une mesure visant à instaurer un crédit d’impôt à l’investissement de 30 % dans les technologies propres. Cette mesure favoriserait les investissements dans les actifs de technologies propres au Canada, ce qui permettrait de veiller à ce que les entreprises canadiennes restent compétitives à l’échelle mondiale.
Le crédit d’impôt remboursable serait offert aux sociétés canadiennes imposables et aux fiducies de placement immobilier pour des biens tels que certains équipements de production d’électricité propre, de l’équipement de chauffage à faible teneur en carbone et des systèmes d’énergie géothermique, à l’exclusion de tout équipement faisant partie d’un système d’extraction de combustibles fossiles destinés à la vente.
Le crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres serait offert rétroactivement pour les investissements admissibles dans des biens acquis et pouvant être utilisés à compter du jour de la présentation du budget de 2023, soit le 28 mars 2023, ou après.
Le taux du crédit serait réduit de 30 % à 15 % en 2034, et le crédit ne serait plus offert après 2034.
En ce qui a trait aux exigences en matière de main-d’œuvre concernant les crédits d’impôt à l’investissement, la partie 1i) du projet de loi C-59 imposerait des exigences en matière de main‑d’œuvre pour l’accès aux crédits d’impôt à l’investissement. Pour être admissibles aux taux de crédit d’impôt les plus élevés, les entreprises devront verser aux travailleuses et aux travailleurs les salaires en vigueur et créer des possibilités d’apprentissage.
Les exigences en matière de main-d’œuvre visent à garantir que lorsque les entreprises reçoivent un soutien financier pour investir dans les énergies propres, le personnel puisse aussi en bénéficier.
[Traduction]
Je vais maintenant passer à la partie 2, qui édicte la Loi sur la taxe sur les services numériques proposée. Le gouvernement a annoncé pour la première fois son intention d’instaurer une taxe sur les services numériques dans l’Énoncé économique de l’automne 2020. Il s’agissait alors d’une mesure provisoire qui devait s’appliquer à partir du 1er janvier 2022 jusqu’à ce qu’une approche multilatérale entre en vigueur. En octobre 2021, le gouvernement a accepté de suspendre temporairement la taxe sur les services numériques jusqu’à la fin de l’année 2023 afin de laisser le temps à un traité relevant du Pilier Un du plan de réforme fiscale internationale à deux piliers d’entrer en vigueur. Une approche multilatérale harmonisée de la fiscalité numérique est la voie privilégiée, et le gouvernement collabore activement avec des partenaires internationaux à cette fin depuis 2017 et demeure résolu à atteindre cet objectif.
Cependant, comme il est impossible d’adopter une approche multilatérale à l’heure actuelle, et pour protéger les intérêts canadiens, la taxe sur les services numériques est maintenant jugée essentielle. Cette approche s’aligne sur les pratiques exemplaires internationales en matière d’équité fiscale et elle vise à garantir que les entreprises qui tirent profit des données et du contenu générés par les utilisateurs canadiens paient leur juste part d’impôts.
La taxe sur les services numériques serait perçue au taux de 3 % sur les revenus des entreprises numériques, qu’elles soient canadiennes ou étrangères, pour lesquelles les données et le contenu provenant d’utilisateurs canadiens constituent un intrant important et un générateur de valeur. Il s’agit notamment des marchés en ligne, de la publicité ciblée en ligne, des médias sociaux, ainsi que de certaines ventes et de licences de données d’utilisateurs.
La taxe sur les services numériques s’appliquerait à une entité ou à un groupe de sociétés qui répondent aux deux critères suivants : des revenus globaux de toutes sources pour un exercice financier donné égaux ou supérieurs à 750 millions d’euros — soit 1,1 milliard de dollars canadiens — et des revenus provenant des utilisateurs au cours d’une année civile donnée supérieurs à 20 millions de dollars. En adoptant cette mesure, le Canada rejoint des pays comme l’Autriche, la France, l’Inde, l’Italie, l’Espagne, la Turquie et le Royaume-Uni, qui ont tous mis en place une taxe sur les services numériques depuis 2021 ou avant.
La loi sur la taxe sur les services numériques entrera en vigueur par un décret du gouverneur en conseil. Le budget de 2024 a réitéré que le plan du gouvernement initialement présenté en octobre 2021 demeure que la taxe sur les services numériques commence à s’appliquer à partir de l’année civile 2024. Comme le prévoit le projet de loi à l’étude, la première année d’application couvrira les revenus imposables depuis le 1er janvier 2022, date d’entrée en vigueur proposée à l’origine en 2020. Les entreprises ont été informées de cette taxe dans le budget de 2021, où les détails ont été publiés, et le projet de loi a été publié pour la première fois en décembre de la même année, ce qui leur a laissé suffisamment de temps pour se préparer. La taxe sur les services numériques devrait rapporter entre 800 millions et 900 millions de dollars par an.
[Français]
Je parlerai maintenant de la partie 3, sur les services de santé mentale abordables.
Chers collègues, la partie 3h) du présent projet de loi permettrait également de garantir que les Canadiens et les Canadiennes reçoivent le soutien dont ils ont besoin en rendant les services de santé mentale plus abordables et en augmentant l’accès aux praticiens.
Le projet de loi modifierait la Loi sur la taxe d’accise afin d’ajouter les professions en matière de psychothérapie et de counseling thérapeutique à la liste des praticiens de la santé dont les services professionnels sont exonérés de la TPS/TVH.
Dans le but d’améliorer l’accès à des logements abordables, dans le cadre du Plan du Canada sur le logement publié récemment et du budget de 2024, le gouvernement a pris différentes mesures, notamment pour augmenter l’offre de logements au pays afin d’atténuer les coûts élevés que doivent assumer les gens pour se loger.
La partie 3l) du projet de loi vise à améliorer l’accès à un logement abordable en aidant à stimuler l’offre de logements au Canada, en particulier pour les logements locatifs. Pour ce faire, on veillera à ce que les coopératives d’habitation admissibles puissent accéder au remboursement intégral de la TPS pour immeubles d’habitation locatifs, qui a été récemment mis en œuvre dans le projet de loi C-56.
Le projet de loi C-56, Loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable, a reçu la sanction royale le 15 décembre 2023. Il a instauré un remboursement temporaire intégral de la TPS et de la composante fédérale de la TVH sur le coût des nouveaux projets de logements construits expressément pour la location. Cette mesure s’appliquera aux projets dont la construction commence après le 13 septembre 2023 et se termine avant 2031, et dont la construction est en grande partie achevée avant 2036.
Le projet de loi C-59 étendrait l’admissibilité à l’élimination de la TPS sur les nouveaux logements locatifs aux coopératives d’habitation qui offrent des logements locatifs à long terme. Ce modèle de logement unique favorise le développement personnel des personnes ainsi que leur stabilité à long terme en leur offrant l’accès à un logement abordable dans une communauté accueillante.
Passons maintenant à la partie 4 du projet de loi, qui renferme quelques mesures relatives à la taxation des produits de vapotage et de cannabis.
(1600)
Bien que ces mesures ne soient que de nature technique, elles mettent en œuvre le nouveau cadre de droits d’accise pour les produits de vapotage coordonné avec celui des provinces et des territoires participants en matière d’estampillage des produits.
De plus, pour les titulaires de licence de produits de vapotage, il leur serait permis d’importer des produits finis non estampillés dans le but de les estampiller au Canada et d’inclure la quantité nette dans une unité de mesure, ce qui permettrait de déterminer les droits d’accise.
Quant à la modification qui touche les producteurs de produits de cannabis titulaires d’une licence, l’option de versement des droits d’accise sur une base trimestrielle leur est offerte, afin qu’ils puissent s’adapter à certains problèmes liés aux flux de trésorerie.
Passons à la partie 5 du projet de loi, qui renferme une multitude de mesures, dont le soutien en cas de perte de grossesse. La section 2 de la partie 5 du projet de loi propose de modifier le Code canadien du travail et la Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail pour offrir aux employés du secteur privé sous réglementation fédérale trois jours de congé à la suite d’une perte de grossesse et huit semaines de congé en cas de mortinaissance.
Il peut être extrêmement difficile de subir une perte de grossesse, et les personnes qui font face à cette situation ont souvent besoin de s’absenter du travail pour se rétablir.
Le nouveau congé offrira aux employés une plus grande sécurité d’emploi et de revenu pendant leur rétablissement.
La section 3 de la partie 5 du projet de loi propose d’édicter la Loi sur l’Agence canadienne de l’eau. Cette mesure permettrait de créer l’Agence canadienne de l’eau, qui aurait pour mandat d’améliorer la gestion de l’eau douce au Canada en collaborant avec les provinces, les territoires, les communautés autochtones, les autorités locales, les scientifiques et d’autres parties prenantes.
L’Agence canadienne de l’eau mettrait en œuvre les éléments clés du Plan d’action sur l’eau douce renforcé, afin d’améliorer les résultats en matière d’eau douce; de restaurer, protéger et gérer les masses d’eau d’importance nationale; d’améliorer la qualité de l’eau douce. Le Plan d’action sur l’eau douce prévoirait des initiatives axées sur les régions dans les Grands Lacs, le bassin du lac Winnipeg, le lac des Bois, le fleuve Saint-Laurent, le fleuve Fraser, le fleuve Wolastoq/Saint-Jean, le fleuve Mackenzie et le lac Simcoe.
L’un des principaux rôles de l’Agence canadienne de l’eau serait de renforcer la coordination entre plus de 20 ministères et organismes fédéraux responsables des travaux liés à l’eau.
L’eau est la ressource naturelle la plus précieuse du Canada. Nous avons au pays 20 % des réserves d’eau douce mondiales, et l’eau est essentielle à notre bien-être et à notre économie.
Afin de guider l’élaboration de cette législation, des consultations publiques lancées en 2020 ont permis de recueillir le point de vue de plus de 2 700 Canadiens ainsi que ceux de plus de 750 communautés autochtones, y compris des établissements et des sections locales des Premières Nations, des Inuits et des Métis. De plus, des discussions bilatérales ont été tenues avec les provinces et les territoires.
Il est aussi important de noter que le préambule du projet de loi réaffirme l’engagement du gouvernement du Canada envers la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
La section 4 de la partie 5 du projet de loi établirait un cadre de recouvrement des coûts liés au tabac. Il s’agirait d’une étape clé pour accroître la responsabilité de l’industrie en garantissant que les fabricants de produits du tabac assument une partie des coûts engagés par le gouvernement pour lutter contre l’épidémie de tabagisme.
Les coûts totaux de santé publique liés au tabagisme au Canada, y compris les coûts directs et indirects, sont estimés à plus de 11 milliards de dollars par année. En 2021, les revenus déclarés par l’industrie du tabac s’élevaient à environ 4,6 milliards de dollars.
Aujourd’hui, ce sont les contribuables qui assument la totalité des coûts des activités fédérales — qui s’élèvent à 66 millions de dollars par an — visant à s’attaquer au problème national de santé publique que constitue le tabagisme et à prévenir le vapotage.
Le projet de loi modifierait la Loi sur le tabac et les produits de vapotage pour permettre la fixation de frais ou de redevances et prévoir des mesures connexes d’exécution et de contrôle d’application afin de mettre en œuvre un cadre pour le recouvrement des coûts liés au tabac. Si elles sont adoptées, les modifications contribueraient à réduire le fardeau financier pour les contribuables.
[Traduction]
La section 6 de la partie 5 a été conçue pour soulager davantage les budgets des ménages canadiens qui sont mis à rude épreuve.
Depuis plusieurs années, les intervenants et le public expriment de vives inquiétudes au sujet de la concentration croissante des entreprises, de l’augmentation des prix et du pouvoir des géants de l’industrie.
En complément des changements introduits dans le projet de loi C-56 — dont j’ai discuté avec vous il y a quelques minutes —, l’ensemble des modifications proposées dans le projet de loi C-59 fournirait aux Canadiens des lois plus modernes et plus efficaces en matière de concurrence. Ensemble, ces modifications apporteraient des changements générationnels dans le régime de concurrence du Canada. Une meilleure concurrence signifie des prix plus bas, des produits et des services plus innovants et davantage de choix pour les Canadiens quant aux entreprises avec lesquelles ils font affaire.
Les modifications du projet de loi sont conçues pour améliorer de nombreux aspects du régime de concurrence du pays, en donnant au Bureau de la concurrence les moyens de mieux servir le public dans son rôle de gardien et de défenseur de marchés dynamiques et en permettant au pays de récolter les avantages bien documentés de ces modifications.
L’ensemble de mesures législatives proposées comprend des éléments soigneusement choisis qui peuvent directement contribuer à résoudre des problèmes de longue date, honorant ainsi l’engagement pris par le gouvernement de mettre à jour de manière significative la législation sur la concurrence. Le projet de loi moderniserait davantage l’examen des fusions en donnant au Bureau de la concurrence les moyens de mieux détecter et traiter les acquisitions anticoncurrentielles et autres fusions nuisant à la concurrence. Les modifications renforceraient également la protection des consommateurs, des travailleurs et de l’environnement, notamment en mettant davantage l’accent sur les répercussions sur les travailleurs dans l’analyse de la concurrence.
Les modifications renforceraient le cadre d’application de la Loi sur la concurrence, notamment en permettant au commissaire de la concurrence d’examiner un plus grand nombre de collaborations qui nuisent à la concurrence et de prendre de véritables mesures correctives pour garantir que les comportements préjudiciables ne se répètent pas. Le projet de loi découragerait également l’écoblanchiment en interdisant les allégations d’avantages environnementaux qui ne sont pas fondées sur des tests appropriés.
Le projet de loi est rédigé de manière à soutenir davantage le droit des Canadiens à la réparation en empêchant les fabricants de refuser de fournir les moyens de réparer les appareils et les produits d’une manière anticoncurrentielle. Le droit à la réparation est de toute évidence un domaine d’intérêt.
Dans le budget de 2024 récemment publié, le gouvernement a annoncé qu’il lancerait des consultations en juin pour élaborer un cadre du droit à la réparation qui mettra l’accent sur la durabilité, la facilité de réparation et l’interopérabilité. Les mesures relatives à la concurrence s’appuient sur la révision complète de la Loi sur la concurrence entreprise par le gouvernement au cours des deux dernières années.
En ce qui concerne la création du ministère du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités, les communautés canadiennes ont besoin de logements abordables ainsi que d’infrastructures essentielles telles que des transports en commun, des réseaux d’aqueduc modernes et des centres communautaires. En reconnaissance de ce lien, la section 11 de la partie 5 établirait le ministère du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités et préciserait ses attributions en tant que responsable fédéral de l’amélioration de la situation du logement et de l’infrastructure publique.
La modification établirait deux ministres — un ministre de l’Infrastructure et des Collectivités et un ministre du Logement —, tous deux appuyés par un seul ministère. La Loi sur le ministère du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités entrerait en vigueur immédiatement après la sanction du projet de loi C-59.
(1610)
En ce qui concerne le soutien aux parents d’enfants adoptés ou issus d’une maternité de substitution, je vais parler brièvement d’une mesure d’équité destinée aux familles canadiennes.
À la section 12 de la partie 5, le projet de loi propose de modifier la Loi sur l’assurance-emploi afin d’instaurer une nouvelle prestation partageable de 15 semaines pour les parents admissibles à l’assurance-emploi qui deviennent parents d’un ou de plusieurs enfants adoptés ou issus d’une maternité de substitution. Les parents admissibles pourraient combiner les prestations, de sorte que leur nombre total de semaines de soutien du revenu serait le même que celui des parents biologiques qui peuvent combiner les prestations de maternité et les prestations parentales. Ce changement permettrait d’aider environ 1 700 familles canadiennes chaque année.
Avant de conclure, j’aimerais aborder les 10 amendements qui ont été adoptés par le Comité permanent des finances à l’autre endroit. Tous ces amendements font partie du projet de loi que nous avons reçu mardi et aucun amendement supplémentaire n’a été adopté à l’étape de la troisième lecture.
Tout d’abord, un amendement a été adopté concernant les dispositions relatives à la déduction des dividendes reçus. Il se trouve au point e) de la partie 1. L’amendement modifie l’article 28 afin de préciser que les Canadiens détenant certains types de polices d’assurance-vie à rendement variable — qui n’étaient pas visés par ce changement — ne sont pas affectés par celui-ci.
Les autres amendements visent à améliorer les mesures relatives à la Loi sur la concurrence en rendant le libellé plus clair et en éliminant des échappatoires possibles. La plupart ont été proposés par le NPD.
Un amendement à l’article 234 a été adopté pour supprimer une échappatoire potentielle dans l’« indication de prix partiel » et prévenir la prolifération involontaire des frais indésirables. Cet amendement précise que les redevances peuvent être énumérées séparément seulement si elles sont imposées directement à l’acheteur du produit par une loi fédérale ou provinciale. Des amendements corrélatifs ont été adoptés pour assurer l’uniformité de cette approche dans l’ensemble du régime.
Un autre amendement a été adopté en ce qui concerne l’élargissement du « refus de vendre », une disposition de la Loi sur la concurrence, pour inclure le refus de fournir un moyen de diagnostic ou de réparation autres que des secrets industriels. L’amendement modifie l’article 244 afin de préciser que le tribunal peut exiger que le fabricant donne l’accès à n’importe qui. Cette mesure avait l’appui de divers intéressés, notamment l’Association des industries de l’automobile du Canada.
L’Association des industries de l’automobile du Canada appuyait également un amendement proposé par le Bloc québécois pour renforcer la définition de « moyen de diagnostic ou de réparation », à l’article 244, pour inclure « l’entretien » et « l’ajustage », compte tenu du fait que ces services et activités sont essentiels pour la réparation adéquate dans le marché secondaire.
Enfin, comme le propose le commissaire de la concurrence, l’article 249 a été modifié afin de permettre au tribunal d’ordonner des mesures correctives pour rétablir pleinement la concurrence, comme avant la fusion. À l’heure actuelle, seules les fusions qui sont susceptibles de réduire considérablement la concurrence ou d’y faire obstacle peuvent être contestées par le commissaire devant le Tribunal de la concurrence.
[Français]
Honorables sénateurs, le projet de loi C-59 fait progresser des éléments clés du plan économique du gouvernement en concrétisant les principaux éléments de l’Énoncé économique de l’automne 2023. Vous aurez peut-être remarqué que je n’ai abordé, dans ce discours à l’étape de la deuxième lecture, que la moitié des mesures qui se trouvent dans le projet de loi C-59. Dans mon discours à l’étape de la troisième lecture, j’aborderai d’autres mesures contenues dans ce projet de loi, qui sont intéressantes et qui font avancer le travail de certains de nos collègues dans cette Chambre. D’ici là, j’invite mes collègues du Comité sénatorial permanent des finances nationales à poursuivre leur travail assidu en faisant l’examen de ce projet de loi.
Je vous remercie de votre attention.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Projet de loi corrective de 2023
Deuxième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Cotter, appuyée par l’honorable sénatrice Petitclerc, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-17, Loi visant à corriger des anomalies, contradictions, archaïsmes ou erreurs relevées dans les lois et règlements du Canada et à y apporter d’autres modifications mineures et non controversables ainsi qu’à abroger certaines dispositions ayant cessé d’avoir effet.
L’honorable Claude Carignan : Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-17, dont le titre abrégé est projet de loi corrective de 2023. Comme l’indique le résumé de la Bibliothèque du Parlement, le projet de loi S-17 est :
[...] le treizième d’une série de projets de loi déposés dans le cadre du Programme de correction des lois (le Programme). Il modifie cinquante-huit lois et trois règlements connexes afin de corriger des erreurs de grammaire, d’orthographe, de terminologie, de ponctuation, de renvois, de mettre à jour une terminologie désuète et de corriger des divergences entre les deux versions linguistiques.
Le Programme de correction des lois comporte une particularité importante. Contrairement aux autres projets de loi gouvernementaux que nous étudions, le ministre de la Justice doit, dans le cas d’un projet de loi corrective, produire un avant-projet de loi au Comité des affaires juridiques du Sénat et au Comité permanent de la justice de la Chambre des communes pour que ceux-ci l’étudient. Ces comités ont donc étudié les mesures qui sont aujourd’hui contenues dans le projet de loi S-17 avant que celui-ci soit déposé le 19 mars dernier. Ainsi, pendant leur étude de l’avant-projet de loi, ces comités ont entendu des fonctionnaires le 19 octobre 2023, dans le cas du comité sénatorial, et les 8 et 12 février 2024, dans le cas du comité de la Chambre des communes.
Au terme de leur étude de l’avant-projet de loi, ces comités ont demandé que huit articles soient retirés de l’avant-projet de loi. Le ministère de la Justice s’est conformé à cette demande. Ainsi, le projet de loi S-17 contient le même texte que l’avant-projet de loi, à l’exception de ces huit articles dont les comités ont demandé la suppression.
Cela dit, le projet de loi S-17 contient 165 articles et demeure donc un projet de loi volumineux.
J’appuie ce projet de loi omnibus à l’étape de sa deuxième lecture et les mesures de nature consensuelle qu’il contient. En voici deux exemples. D’abord, le projet de loi S-17 remplace dans des articles de loi le mot « vérificateurs » par « auditeurs » pour correspondre à la norme linguistique d’organismes professionnels qui a été adoptée à l’échelle internationale. Puis, le projet de loi S-17 vient remplacer dans les lois le nom de certains organismes pour refléter leur nouvelle appellation. Par exemple, le projet de loi S-17 vient modifier des articles de lois pour qu’ils fassent désormais référence à la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador, car celle-ci, qui est devenue une institution indépendante en 2018, n’est plus une division de la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador.
Bien que j’appuie le projet de loi S-17 à l’étape de la deuxième lecture, j’estime nécessaire qu’il soit renvoyé à un comité sénatorial pour qu’il l’étudie. Comme l’a affirmé le sénateur Cotter le 19 octobre dernier au comité sénatorial, ce comité n’a eu qu’une seule séance pour étudier l’avant-projet de loi, ce qui a eu pour effet que, selon les mots du sénateur :
Nous l’étudions en peu de temps et je pense donc que nous ne faisons pas nécessairement preuve de la diligence nécessaire, mais d’une certaine diligence.
Or, curieusement, mon collègue, dans son discours à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-17, le 21 mars 2024, a suggéré au Sénat de ne pas renvoyer le projet de loi S-17 au comité sénatorial afin qu’il l’étudie, car cela n’était pas nécessaire, étant donné que l’avant-projet de loi avait déjà été étudié par ce comité.
Je ne partage pas son point de vue. Pour ma part, j’aurais des questions importantes à poser aux fonctionnaires lorsqu’ils témoigneront, le cas échéant, au comité sur certains aspects du projet de loi S-17 qui n’ont pas pu être explorés, en raison de la très courte durée de l’étude de l’avant-projet de loi réalisée par les comités. Je vous donne trois exemples.
Premièrement, l’article 141 du projet de loi S-17 propose de modifier le paragraphe 48(3) de la Loi sur les produits antiparasitaires pour remplacer l’expression « dwelling house » — en français « maison d’habitation » — par « dwelling place », soit « local d’habitation » en français. Or, un document des analystes de la Bibliothèque du Parlement du 13 septembre 2023 nous signalait que le terme « dwelling place » ne semblait pas être employé dans d’autres lois en anglais pour traduire le terme « local d’habitation ». C’est le cas de l’article 109 de la Loi maritime du Canada et de l’article 46.13 de la Loi sur le pilotage, qui sont deux dispositions qui ne sont pas incluses dans le projet de loi S-17. Je me demande aussi quelle est la différence entre les expressions « maison d’habitation » et « local d’habitation », étant donné que le terme « maison d’habitation » est utilisé dans 23 articles du Code criminel et est même défini à son article 2. Il s’agit d’une question importante à poser aux fonctionnaires pour nous assurer que le projet de loi S-17 ne vienne pas créer une confusion en utilisant l’expression « local d’habitation » plutôt que « maison d’habitation ».
(1620)
Mon second exemple concerne l’article 18 du projet de loi S-17, qui propose de modifier l’alinéa 27(1)c.1) de la Loi sur la citoyenneté, qui prévoit de confier un pouvoir au gouverneur en conseil pour établir des règlements. Selon les notes explicatives contenues dans le projet de loi S-17, l’article 18 :
[...] ajoute à l’alinéa 27(1)c.1) des renvois qui auraient dû y être inclus lorsque celui-ci a été ajouté à la Loi sur la citoyenneté par la Loi renforçant la citoyenneté canadienne.
Si le projet de loi S-17 est renvoyé en comité, j’aimerais demander aux fonctionnaires de nous expliquer pourquoi l’article 18, bien que son but soit de corriger des renvois omis, ne constitue pas selon eux du même coup une modification de fond au pouvoir réglementaire de l’alinéa 27(1)c.1), étant donné que le gouverneur en conseil ne peut exercer son pouvoir réglementaire sur toute matière dont les renvois n’étaient pas inclus.
Troisièmement, l’article 44 du projet de loi S-17 propose de modifier la version française du paragraphe 8(5) de la Loi sur la pension de la fonction publique. Les notes explicatives mentionnent que l’article 44 vise à :
[...] corrige[r] une erreur dans la version française pour la rendre conforme à la version anglaise. La version anglaise crée une fiction juridique cohérente alors que la version française est dépourvue de sens.
Je suis d’avis qu’il est nécessaire que les fonctionnaires nous fournissent davantage de détails pour nous assurer que cette mesure contenue dans le projet de loi S-17 ne change pas le fond ou la portée du paragraphe 8(5), ce qui serait interdit par les conditions du Programme de correction des lois. Je note que les comités de l’autre endroit et du Sénat n’ont pas posé de questions sur l’article 44, peut-être par manque de temps, pendant leur brève étude de l’avant-projet de loi.
Dans un autre ordre d’idées, je veux rappeler que plusieurs projets de loi correctifs ont été étudiés par le comité sénatorial, après que celui-ci a étudié leur avant-projet de loi. En effet, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a étudié le projet de loi C-60 (la Loi corrective de 2017), le 29 novembre 2017, le projet de loi C-47 (la Loi corrective de 2014), le 18 février 2015, le projet de loi C-40 (la Loi corrective de 2001), le 5 décembre 2001, le projet de loi C-125 (la Loi corrective de 1993), le 9 juin 1993, le projet de loi C-35 (la Loi corrective de 1991), les 12, 20 et 26 février 1992 et le projet de loi C-53 (la Loi corrective de 1977), le 16 juin 1977.
Ainsi, ces nombreux précédents illustrent qu’il n’y aurait rien d’inhabituel à ce que le projet de loi S-17 soit renvoyé au comité sénatorial pour qu’il en fasse une étude approfondie, bien que le comité ait étudié préalablement son avant-projet de loi.
Pour toutes ces raisons, je vous invite, chers collègues, à voter en faveur du principe du projet de loi et de le renvoyer au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
L’honorable Brent Cotter : Le sénateur Carignan accepte-t-il de répondre à une brève question?
Le sénateur Carignan : Oui.
Le sénateur Cotter : Merci.
Je voudrais d’abord mentionner que je suis bien heureux que vous lisiez mes discours avec plus d’attention que je ne le fais. J’en suis flatté.
Je pense que vos arguments m’ont persuadé que j’avais raison dans l’une de mes positions, à savoir celle qui suggérait un examen rapide par le Comité des affaires juridiques. Je vous demande simplement si vous seriez d’accord avec cette approche — un examen rapide dans les plus brefs délais par le comité.
[Français]
Le sénateur Carignan : Oui, évidemment, compte tenu de la nature du projet de loi, je pense qu’on doit agir assez rapidement, cela dit, avec toute la profondeur dont le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles est capable.
[Traduction]
Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Cotter, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)
[Français]
L’ajournement
Adoption de la motion
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 29 mai 2024, propose :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 4 juin 2024, à 14 heures.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
La Loi sur le casier judiciaire
Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Motion d’amendement—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénatrice Moodie, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-212, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement, tel que modifié.
Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénatrice Martin,
Que le projet de loi S-212, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à nouveau, à l’article 5, à la page 3 :
a) par substitution, à la ligne 4, de ce qui suit :
« a) dix ans pour l’infraction qui a fait l’objet d’une »;
b) par substitution, à la ligne 14, de ce qui suit :
« b) cinq ans pour l’infraction qui est punissable sur ».
L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, le débat sur cet article est ajourné au nom de l’honorable sénatrice McBean, et je demande le consentement du Sénat pour qu’il reste ajourné à son nom après mon intervention d’aujourd’hui.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
La sénatrice Pate : Honorables sénateurs, l’amendement proposé par le sénateur Housakos au projet de loi S-212, qui porte sur l’expiration du casier judiciaire, rétablirait les délais de 5 et 10 ans. Or, au cours des 10 dernières années, ces délais n’ont pas permis d’améliorer la sécurité publique. Au contraire, des délais plus longs avant l’expiration du casier judiciaire risquent de miner la sécurité publique au lieu de l’accroître en créant davantage d’obstacles à l’obtention d’un logement stable, d’un emploi et d’autres outils nécessaires à la réussite des personnes qui s’efforcent de passer outre leur casier judiciaire pour contribuer à leur collectivité.
Le projet de loi S-212 fait fond sur des mesures progressives prises par le gouvernement pour respecter son engagement d’annuler les changements des conservateurs qui ont augmenté les coûts, accru la complexité et prolongé les délais, ce qui a multiplié les obstacles associés à l’obtention de la suspension du casier judiciaire.
Comme les débats sur ce sujet et des projets de loi précédents l’ont déjà révélé, les discussions sur le système de justice pénale génèrent souvent des craintes et des préoccupations bien réelles qui contribuent à l’émergence de mythes et de stéréotypes néfastes, qui sont alimentés par la joute politique pour marquer des points en opposant ceux qui font preuve de laxisme en matière de criminalité et ceux qui sévissent contre elle. Je nous exhorte à examiner attentivement les faits et à travailler ensemble pour mettre fin à ce qui ressemble trop souvent à un jeu de vrai ou faux. Ce n’est très certainement pas un jeu. Les conséquences sont bien trop importantes et potentiellement terribles.
Des décennies de recherches et de données probantes montrent clairement que les délais de 2 et 5 ans qui sont proposés dans le projet de loi S-212 créeront un système plus juste et plus sûr. Ces délais exigent que les personnes ne commettent aucun crime après l’expiration de chacune des peines. Contrairement à ce que le sénateur Housakos a laissé entendre, les délais de 2 et 5 ans ne commencent pas à la date de la condamnation. Tout dépendant de la durée de l’emprisonnement, de la libération conditionnelle ou d’autres éléments de la peine, il s’écoule souvent de nombreuses années, voire plusieurs décennies, entre la date de la condamnation et la fin de la peine, puis l’admissibilité éventuelle à l’expiration du casier judiciaire. Ce seul fait annule le risque perçu de récidive. Comme le révèlent les recherches et les données gouvernementales, après un nombre relativement faible d’années passées sans infraction au sein de la collectivité, les personnes ayant un casier judiciaire ne sont pas plus susceptibles de commettre un crime que qui que ce soit d’autre — même vous ou moi.
(1630)
Voici ce que nous ont dit les témoins qui ont comparu devant le comité, y compris ceux de Sécurité publique Canada :
Il est vrai que les taux de récidive diminuent avec le temps. Un certain nombre d’études l’indiquent.
Et :
C’est vrai pour toutes les catégories
— d’infraction.
[...] il est faux que les risques de récidive sont plus élevés pour toutes les infractions violentes
— ou sexuelles —
, par exemple.
Lorsque les personnes sont en mesure d’aller de l’avant, de trouver un endroit sûr où loger et un emploi qui leur permet de subvenir à leurs besoins et de nouer des liens utiles au sein de leur collectivité, elles s’en sortent chaque fois incroyablement bien.
La Commission des libérations conditionnelles du Canada a indiqué lors de son témoignage devant le comité que, depuis 1970, près de 500 000 Canadiens ont obtenu un pardon ou une suspension de leur casier judiciaire, et que 95 % d’entre eux n’ont pas commis d’autre crime. Pour les 5 % restants, selon Sécurité publique Canada, la majorité des nouvelles condamnations concernaient des infractions liées à l’alcool et au code de la route ainsi que des crimes contre les biens. Il existe surtout une corrélation évidente entre les nouvelles condamnations et le chômage.
Lorsque le gouvernement conservateur précédent a porté les délais d’attente à 5 et 10 ans, mesures que le sénateur Housakos propose de rétablir dans le projet de loi S-212 au moyen de son amendement, ces délais et autres restrictions n’avaient aucune incidence sur le taux de réussite du système de pardon qui, à 95 %, était déjà très élevé. Les personnes qui obtenaient une suspension de leur casier judiciaire continuaient à bien s’en sortir. La différence, c’est que moins de gens, surtout dans les communautés marginalisées, avaient les moyens d’obtenir cette suspension et qu’ils devaient attendre plus longtemps pour ce faire.
On a souligné l’importance d’éliminer les obstacles à la suspension du casier judiciaire lors des consultations publiques sur le cadre fédéral visant à réduire la récidive en 2021-2022. Au lieu d’imposer d’autres conséquences punitives, ce cadre mettait l’accent sur les déterminants sociaux de la santé qui, on l’a prouvé, réduisent la récidive, par exemple, le logement, l’éducation, l’emploi, la santé et les réseaux de soutien positif.
C’est l’incapacité à s’intégrer dans la société, plutôt que la possession d’un casier judiciaire, est le facteur qui détermine le plus les risques qu’une personne retombe dans le crime ou soit condamnée de nouveau. L’expiration du casier judiciaire prévue dans le projet de loi S-212 améliorera les chances que ces personnes obtiennent une sécurité financière, aient un logement ou tissent des liens sociaux, améliorant ainsi leurs chances de bien s’intégrer et diminuant la probabilité qu’elles se livrent à des activités criminelles pour survivre.
Selon une étude, sur un échantillon aléatoire de 401 personnes libérées de prison, celles qui avaient pu trouver un emploi étaient deux fois moins susceptibles d’être arrêtées de nouveau. Une étude quinquennale portant sur 6 000 personnes a révélé que, quel que soit le type de condamnation, l’emploi était le facteur le plus important pour déterminer si une personne réussirait sa réinsertion sociale.
Le projet de loi S-212 et les délais d’attente qu’il propose visent à favoriser l’élimination des obstacles qui empêchent de trouver un emploi et d’autres moyens de trouver un sens à la vie, une place dans la société et un moyen de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille.
Toutefois, qu’en est-il des données présentées par le sénateur Housakos? Il a soulevé des préoccupations au sujet de l’expiration du casier judiciaire dans le cas des condamnations liées à la violence faite aux enfants en soulignant que le nombre d’infractions liées à la pédopornographie et à la traite des enfants a augmenté au cours des dernières années.
Cette augmentation s’est produite sur plus d’une décennie sans être touchée par les changements visant à rendre la suspension du casier judiciaire moins accessible. Les modifications à la loi visant à empêcher les personnes reconnues coupables de telles infractions d’être admissibles à la suspension du casier judiciaire n’ont ni prévenu ni empêché les méfaits dont a parlé le sénateur Housakos et elles n’ont pas entraîné non plus d’autres effets positifs.
L’ancien porte-parole pour le projet de loi S-212 a fait valoir que les personnes ayant commis des agressions sexuelles contre des enfants ne devraient pas être admissibles à l’expiration du casier judiciaire. Or, il n’y a aucune raison de traiter différemment certaines infractions dans le cadre de ce régime. Le système de détermination de la peine prévoit déjà des peines adaptées en fonction du type de condamnation et des circonstances propres à une personne. Un système d’expiration à deux vitesses créerait une seconde peine punitive pour des personnes qui ont déjà purgé leur peine et qui n’ont pas commis de crime dans la collectivité.
Avant d’avoir des enfants, j’ai travaillé avec des hommes qui avaient été condamnés pour des infractions sexuelles. La plupart étaient des gens racialisés. Certains avaient une déficience intellectuelle. Bon nombre avaient subi de la violence et des traumatismes par le passé. Tous étaient pauvres.
Par ailleurs, j’ai travaillé bénévolement auprès de femmes et d’enfants victimes de violence, en particulier des enfants victimes de viol incestueux et d’actes de violence. Dans la plupart des cas, les auteurs de ces actes qui étaient riches ou privilégiés n’avaient jamais été dénoncés à la police, et encore moins accusés, poursuivis ou condamnés. La plupart étaient des hommes et des garçons connus des victimes ou ayant un lien familial avec elles. Dans les rares cas qui se rendaient jusque devant les tribunaux, les accusations d’agression sexuelle étaient les premières à faire l’objet d’une négociation de plaidoyer. Si l’accusé en avait les moyens, il pouvait engager une armée d’avocats et de professionnels — des psychiatres, des travailleurs sociaux et des fournisseurs de traitements — pour élaborer des arguments juridiques tordus afin de l’excuser et de faire taire la victime.
Une fois que l’on connaît ces vérités, on ne peut plus prétendre qu’une autre réalité existe, ni adhérer à des mythes et des stéréotypes ou les perpétuer. Qu’est-ce que cela signifie?
Chers collègues, il va sans dire que je vis dans les mêmes collectivités que vous. Dès lors, pourquoi ferais-je la promotion de quelque chose qui exposerait mes enfants ou les vôtres à un plus grand danger?
Lorsque j’ai eu des enfants, sachant que la plupart des agressions sexuelles contre des enfants sont commises par des personnes qui ont un accès planifié ou opportuniste aux enfants, j’ai décroché des places dans des garderies professionnelles dotées d’un personnel nombreux, malgré le coût presque insupportable. Lorsque d’autres parents insistaient sur la vérification du casier judiciaire des travailleurs, je faisais remarquer que les casiers ne devaient pas tous être un obstacle et je plaidais plutôt en faveur d’une politique garantissant qu’aucun enfant ne soit laissé seul avec un seul adulte dans les toilettes ou les zones de repos.
Selon Noni Classen, directrice de l’éducation au Centre canadien de protection de l’enfance, les vérifications du casier judiciaire et du registre des cas d’enfants maltraités ne permettent pas, à elles seules, de détecter les agresseurs d’enfants. Elle insiste sur le fait que « la plupart des personnes qui posent problème [...] n’ont pas de casier judiciaire ».
Pourquoi est-ce que je m’oppose aux peines plus longues et aux approches plus punitives pour lutter contre la violence et les abus? Parce que ces approches ne fonctionnent tout simplement pas. Ce qui fonctionne, c’est d’exiger que les gens joignent le geste à la parole et qu’ils adoptent les comportements et les approches dont nous avons besoin et que nous souhaitons pour mettre fin aux idées, aux paroles et aux actes nuisibles, tant dans le cadre de l’éducation des enfants et des relations entre les hommes et les femmes que dans le contexte de l’intimidation ou de toute autre forme de maltraitance.
Les tribunaux sont clairs : « La double peine n’a pas sa place dans notre société, ni la discrimination fondée sur le casier judiciaire […] ». Comme l’a souligné la Cour suprême du Canada :
Les individus qui ont acquitté leur dette envers la société ont droit de la réintégrer et d’y vivre sans courir le risque d’être dévalorisés et injustement stigmatisés.
Les politiciens et les décideurs présentent souvent l’exclusion de certains types de condamnations comme inévitable ou évidente, mais ces concessions et compromis ne servent qu’à prolonger les peines. Les données montrent qu’elles n’améliorent pas la sécurité des personnes et des collectivités.
Toutefois, même sous le régime du projet de loi S-212, toutes les infractions ne seraient pas nécessairement traitées de la même manière. Les condamnations pour maltraitance d’enfants et agression sexuelle continueraient de ressortir lors des vérifications des antécédents en vue d’un travail auprès de personnes vulnérables, qui sont exigées pour travailler ou faire du bénévolat auprès d’enfants, d’aînés ou d’autres personnes jugées vulnérables. Contrairement à d’autres casiers judiciaires, ces types de condamnations resteraient également sujets à révocation et à suspension dans des situations limitées, afin de tenir compte des obstacles au signalement des cas de violence et d’agression, qui peuvent faire en sorte que les informations pertinentes ne soient disponibles qu’après l’expiration d’un casier.
En vertu du projet de loi S-212, la police pourra toujours accéder aux casiers expirés à des fins d’enquête légitimes. Cette possibilité résulte d’un amendement que j’ai proposé en réponse aux préoccupations de certains collègues conservateurs et de la police.
Le projet de loi S-212 vise à rétablir les délais d’attente de deux et cinq ans prévus par la Loi sur le casier judiciaire. Lorsque cette loi a été adoptée en 1970, l’honorable Robert McCleave, porte-parole conservateur pour les dossiers relevant du solliciteur général, a offert le soutien unanime de son parti au projet de loi et aux amendements qui rendaient le pardon possible pour les condamnations par procédure sommaire plus tôt — après deux ans —, ce qu’il qualifiait de « très important ».
Récemment, en 2017, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes a demandé, à l’unanimité et tous partis confondus, que le système de casiers judiciaires soit réexaminé dans l’optique de l’accessibilité. Quatre Canadiens sur cinq sont favorables à une certaine forme d’expiration automatique du casier. De plus, la majorité des Canadiens conviennent que les délais actuels sont trop longs et la plupart d’entre eux proposent des délais allant d’un à cinq ans pour les actes criminels.
(1640)
Des sanctions plus sévères peuvent nous donner, ainsi qu’à certains citoyens, l’impression que nous accomplissons quelque chose. En réalité, si nous ne changeons pas les comportements et les conditions qui donnent lieu aux inégalités qui ont permis la criminalisation de masse et l’incarcération des personnes les plus marginalisées, nous ne répondrons pas aux attentes des Canadiens en ce qui concerne l’amélioration de la sécurité des collectivités.
Bref, les modifications législatives punitives n’améliorent pas notre sécurité. C’est précisément en raison des conséquences négatives de la restriction de l’accès à la suspension du casier judiciaire et de la décision de laisser les personnes marginalisées sans logement ou emploi sûr pendant des périodes plus longues qu’un ancien ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels a déclaré que les restrictions de 2010 et 2012 de l’accès à la suspension du casier judiciaire étaient vraiment stupides.
Chers collègues, veuillez vous joindre à moi pour insister sur les délais de deux et cinq ans proposés dans le projet de loi S-212 et pour rétablir l’intention initiale de la Loi sur le casier judiciaire et le consensus entre les parties qu’elle représentait, à savoir que la meilleure façon d’assurer la sécurité publique est de permettre aux gens de tourner la page sur la criminalité et de s’intégrer dans la société.
Meegwetch. Merci.
L’honorable Wanda Thomas Bernard : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
Sénatrice Pate, la semaine dernière, lorsque le sénateur Housakos a proposé cet amendement, il a déclaré ceci :
C’est pourquoi on nous enseigne dès le plus jeune âge — indépendamment de la race, de la couleur, de l’origine, du statut économique — qu’il faut travailler dur, respecter les règles et s’efforcer d’être un citoyen respectueux de la loi et de faire de bonnes choses dans la société, faute de quoi il doit y avoir des conséquences.
Êtes-vous d’accord?
La sénatrice Pate : Je pense que nous sommes tous d’accord là-dessus. La réalité, cependant, c’est que ce n’est pas ainsi que la loi est appliquée. Lorsque nous allons à la faculté de droit, nous apprenons que la loi s’applique de la même façon à tout le monde, mais nous constatons rapidement, lorsque nous entrons dans la société — surtout si nous entrons dans nos prisons —, que ce n’est pas vrai. Les personnes qui sont judiciarisées et emprisonnées sont les plus susceptibles d’être laissées pour compte par tous les autres systèmes : notre système d’aide à l’enfance, notre système d’éducation, notre système de santé et notre système de justice pour les adolescents.
Je suis d’accord avec le sentiment exprimé. Je pense que la réalité est très différente. C’est la seule raison pour laquelle, dans le système carcéral fédéral actuel, une femme sur dix est noire et une femme sur deux est autochtone. Et ces chiffres ont augmenté depuis le peu de temps que je siège au Sénat.
(Le débat est ajourné.)
La Loi canadienne sur les droits de la personne
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat
À l’appel des autres affaires, projets de loi d’intérêt public du Sénat, deuxième lecture, article no 13 :
Deuxième lecture du projet de loi S-257, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne (protection contre la discrimination fondée sur la croyance politique).
L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est au 15e jour. Par conséquent, avec le consentement du Sénat, je demande que l’étude de cet article soit reportée à la prochaine séance du Sénat.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Le débat est reporté à la prochaine séance du Sénat.)
Projet de loi sur le Mois du patrimoine hellénique
Deuxième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Loffreda, appuyée par l’honorable sénatrice Moncion, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-259, Loi désignant le mois de mars comme Mois du patrimoine hellénique.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Loffreda, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)
Projet de loi sur la Journée nationale de sensibilisation au gliome infiltrant du tronc cérébral
Deuxième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Martin, appuyée par l’honorable sénateur Housakos, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-260, Loi instituant la Journée nationale de sensibilisation au gliome infiltrant du tronc cérébral.
L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, je suis honorée de prendre la parole aujourd’hui à titre de porte-parole concernant l’important projet de loi proposé par notre collègue, la sénatrice Martin, le projet de loi S-260. Je remercie la sénatrice Martin d’avoir présenté ce projet de loi, que j’appuie dans l’ensemble.
Le gliome infiltrant du tronc cérébral est une forme particulièrement agressive de cancer du cerveau qui se déclare chez l’enfant vers l’âge de 5 à 10 ans. En tant que sénatrice ayant particulièrement à cœur la santé et le bien-être des enfants, mon cœur saigne pour les victimes et leur famille. Je suis de tout cœur avec elles. J’ai vu des patients atteints de cette terrible maladie dévastatrice. J’espère qu’en tant que décideurs, nous continuerons de chercher à mettre fin aux souffrances de ces enfants, car les soins de santé demeure également un volet important de cette démarche.
Le cancer demeure l’une des principales causes de mortalité dans la société d’aujourd’hui. Chaque année, environ 85 000 Canadiens perdent leur combat contre le cancer. Pratiquement tout le monde est touché par cette maladie, puisqu’environ deux Canadiens sur cinq auront le cancer au cours de leur vie, tandis qu’un Canadien sur quatre finira par y succomber. Le cancer touche non seulement ses victimes, mais également les personnes de leur entourage, qui souvent doivent prendre soin du malade et sont témoins de la lente détérioration de son état de santé, ce qui est particulièrement difficile lorsqu’il s’agit d’un enfant.
Il est toutefois important de garder à l’esprit que tous les cancers ne sont pas identiques. Certains peuvent être traités facilement et même retirés sans traitement, tandis que d’autres, comme le gliome infiltrant du tronc cérébral, sont particulièrement dévastateurs pour les victimes et leur famille. Il est extrêmement important de faire des progrès à un rythme constant dans le cas des pires cancers qui affectent les membres de notre société. Malheureusement, ce n’est pas ce qui s’est produit dans le cas de cette terrible maladie.
Comme ma collègue l’a indiqué, ce cancer attaque le tronc cérébral de la victime, affaiblissant ses fonctions motrices vitales, y compris des actions importantes comme la déglutition, la mastication et la parole. En effet, cette maladie fait tout cela en laissant les fonctions cognitives à peu près intactes, ce qui fait en sorte que la victime est pleinement consciente de ce qui lui arrive et devient prisonnière de son propre corps.
Il est difficile d’obtenir un traitement pour le gliome infiltrant du tronc cérébral. L’accès à des services est limité, car peu de professionnels traitent ce problème, comme c’est le cas dans beaucoup d’autres domaines des soins de santé. Ce qui est toutefois unique dans le cas de cette maladie et de son traitement, c’est l’absence complète de recherche pour développer des thérapies nouvelles et améliorées. La terrible vérité, c’est que les victimes actuelles se retrouvent essentiellement devant les mêmes options de traitement qu’il y a 40 ans.
On traite habituellement le gliome infiltrant du tronc cérébral par la radiothérapie, ce qui, tout en contribuant à atténuer les symptômes à court terme, entraîne invariablement la réapparition du cancer dans les six mois. Cette maladie n’est pas une affection mineure, chers collègues. C’est une des pires maladies qu’on puisse diagnostiquer à un patient.
(1650)
La durée de survie estimée après le diagnostic n’est généralement que de 9 à 15 mois. Seuls 30 % des patients peuvent espérer vivre une année entière et moins de 10 % survivent deux ans. En général, le taux de survie cinq ans après le diagnostic est de zéro.
N’oubliez pas, chers collègues, que cette maladie touche principalement les enfants —des enfants qui ont toute leur vie devant eux, mais qui se la font voler par cette maladie incurable et mortelle.
Honorables sénateurs, cette maladie fait subir des horreurs indicibles à nos enfants avant de nous les enlever. Nous avons besoin d’un traitement efficace, d’un financement pour la recherche et d’une campagne de sensibilisation. Je pense que ce projet de loi représente un pas dans la bonne direction.
Je vais vous raconter l’histoire d’Adaura. Adaura Cayford, une jeune fille atteinte du gliome infiltrant du tronc cérébral, a été arrachée à sa famille par cette maladie le 1er juillet 2020, après une bataille de 11 mois. Adaura était un enfant comme les autres. Elle aimait sa famille, ses chiens, la couleur pourpre, le cinéma, le soccer, la danse, les crêpes et la natation. Il est tragique qu’elle se soit retrouvée avec les mêmes traitements et les mêmes chances de survie qu’un patient il y a 20 ans. Elle était condamnée à mourir non seulement par la maladie, mais aussi par notre manque de progrès.
Au Canada, il y a beaucoup d’autres histoires tragiques comme celle d’Adaura. La seule façon de mettre fin à ces souffrances est de mettre au point de nouveaux traitements plus efficaces. C’est là qu’interviennent des organismes clés comme la Fondation Brain Canada.
Brain Canada joue un rôle de facilitateur et de catalyseur à l’échelon national pour le milieu de la recherche sur le cerveau. Cela comprend des efforts pour évaluer les différentes façons dont les maladies et les troubles du cerveau touchent les gens à différentes étapes du neurodéveloppement et du vieillissement. Dans l’ensemble, l’objectif de Brain Canada est de fournir aux gens un accès égal aux résultats de travaux de recherche audacieux sur le cerveau et de les faire bénéficier de ces résultats.
Nous devons financer Brain Canada ainsi que les nombreux chercheurs dans les établissements canadiens et les sociétés de recherche privées qui étudient les maladies du cerveau. C’est là que le gouvernement fédéral peut intervenir. En investissant dans les chercheurs, le Canada peut contribuer à la lutte contre le gliome infiltrant du tronc cérébral et agir pour que cette maladie ne soit plus un arrêt de mort pour nos enfants. C’est pourquoi j’encourage tous les sénateurs à appuyer ce projet de loi. Désigner le 17 mai comme Journée nationale de sensibilisation au gliome infiltrant du tronc cérébral est un pas dans la direction d’une reconnaissance de l’effort collectif nécessaire pour vaincre cette maladie.
Je tiens à remercier encore une fois ma collègue, la sénatrice Martin, d’avoir présenté ce projet de loi. S’il est adopté, nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers. J’ai bon espoir que le gouvernement considérera ce projet de loi comme un point de départ à partir duquel il lancera des mesures concrètes et efficaces assorties de fonds adéquats. Je vous remercie.
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)
Projet de loi contre la rétribution du silence
Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McPhedran, appuyée par l’honorable sénatrice McCallum, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-261, Loi concernant les accords de non-divulgation.
L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est au 15e jour et je ne suis pas prête à intervenir. Par conséquent, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-14(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat pour le temps de parole qu’il me reste.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Le débat est ajourné.)
Projet de loi sur la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes
Deuxième lecture—Ajournement du débat
À l’appel des autres affaires, projets de loi d’intérêt public du Sénat, deuxième lecture, article no 18 :
Deuxième lecture du projet de loi S-263, Loi concernant la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes.
L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est au 15e jour. Je demande donc le consentement du Sénat pour que l’étude de cet article soit reportée à la prochaine séance.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Le débat est reporté à la prochaine séance du Sénat.)
Le Code criminel
La Loi sur les Indiens
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Tannas, appuyée par l’honorable sénatrice Verner, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-268, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les Indiens.
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le projet de loi S-268, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les Indiens.
Sénateurs, ce projet de loi vise à modifier le Code criminel du Canada afin de permettre au corps dirigeant d’une Première Nation d’avoir :
[...] compétence exclusive pour mettre sur pied et administrer des loteries dans sa réserve et pour délivrer des licences autorisant d’autres personnes ou entités à y mettre sur pied et à y administrer des loteries [...]
Pour ce faire, le corps dirigeant doit donner avis de son intention aux gouvernements fédéral et provincial où se trouve la réserve. Le projet de loi vise également à modifier la Loi sur les Indiens afin de conférer au conseil de la bande le pouvoir de prendre des règlements administratifs concernant la mise sur pied, l’exploitation et l’administration des loteries proposées.
Au Canada, les loteries commerciales sont réglementées par les provinces et le fédéral. La loi fédérale interdit certains types de loteries en vertu du Code criminel, tandis que la loi provinciale réglemente les types de loteries autorisées. Cette répartition a été établie par la Loi constitutionnelle de 1867.
La réglementation et la législation en matière de loteries sont propres à chaque province canadienne. Ces dernières ont le pouvoir d’adopter des lois régissant les loteries dans la province, comme la Gaming Control Act de la Colombie-Britannique et son règlement, la Loi de 1997 sur la réglementation des boissons alcoolisées et des jeux de hasard de la Saskatchewan, ou le régime de réglementation de l’Ontario, qui regroupe la Loi de 1992 sur la réglementation des jeux et la Loi de 1999 sur la Société des loteries et des jeux de l’Ontario.
Les provinces sont actuellement tenues de mettre sur pied et d’exploiter toutes les activités de jeu offertes et doivent s’occuper de la mise sur pied et de l’exploitation, même dans le cadre de partenariats avec des exploitants d’établissements étrangers comme ceux qui participent au nouveau régime des jeux en ligne de l’Ontario. Les provinces ne peuvent pas modifier unilatéralement le Code criminel du Canada pour changer qui peut mettre sur pied et exploiter les jeux au Canada, car le Code criminel est une mesure législative fédérale.
Le Code criminel du Canada rend les jeux et les paris illégaux au Canada, sauf si les activités de jeu sont mises sur pied et exploitées par un gouvernement provincial, sous réserve de certaines exceptions. Afin de se conformer aux dispositions du Code criminel, toute loterie au Canada doit être mise sur pied et exploitée par un gouvernement provincial. Par conséquent, aux termes de la loi actuelle, les Premières Nations ne peuvent pas proposer, même dans leurs propres réserves, de produits de jeu tels que des loteries si la province ne s’occupe pas de leur mise sur pied et de leur exploitation.
Le projet de loi S-268 mettrait fin au monopole des gouvernements provinciaux sur l’exploitation et la gestion des loteries au Canada.
Dans son discours comme parrain du projet de loi, le sénateur Scott Tannas a dit que le projet de loi S-268 a deux objectifs principaux : reconnaître l’autodétermination des Premières Nations concernant la gestion des jeux sur leur territoire, et favoriser la réconciliation économique. Je félicite le sénateur Tannas de son premier discours comme parrain du projet de loi, et j’attends avec impatience ses prochaines interventions dans le cadre des travaux du comité.
Comme l’a souligné le sénateur Tannas, le projet de loi S-268 a le potentiel de générer énormément de richesse pour les Premières Nations. Ce projet de loi vise également à favoriser la dignité, l’autodétermination et la résurgence culturelle. Lorsque les peuples autochtones sont maîtres de leur destin économique, ils peuvent revitaliser leurs langues, leurs traditions et leurs modes de vie. L’autonomie économique renforce les collectivités et leur capacité à relever les défis sociaux, qu’ils soient liés au logement, aux soins de santé, à l’éducation ou à l’autonomisation des jeunes.
Bien que le projet de loi S-268 puisse présenter des avantages, il y a des questions et des préoccupations qui doivent être — et qui le seront, j’en suis sûre — examinées à l’étape de l’étude en comité par notre très compétent comité.
(1700)
Je demanderai des éclaircissements sur un certain nombre de questions. Par exemple, il y a peu de détails sur ce à quoi ressemblera un régime de jeu administré ou exploité par une Première Nation si le projet de loi S-268 est adopté. Les détails concernant l’organisme de réglementation des jeux pour les Premières Nations, notamment s’il y aura un organisme de réglementation autochtone central, ne sont pas connus. Dans ce contexte, à quoi ressemblera la coopération entre les Premières Nations? Quels types de ressources seront nécessaires, comment seront-elles mises en commun et partagées, et le seront-elles?
En vertu de l’alinéa 1(5)e), les Premières Nations offriraient « de[s] lots, [des] cartes ou [des] billets d’une loterie qui [...] est autorisée dans cette autre province [...] ». Les Premières Nations coopéreraient-elles avec les sociétés de jeu provinciales ou leur feraient-elles concurrence? Si tel est le cas, les provinces et les titulaires de licences de jeu auraient-ils l’obligation de consulter les Premières Nations avec lesquelles ils pourraient être en concurrence?
Les activités de jeu proposées dans le projet de loi S-268 incluraient-elles le droit d’exploiter des jeux en ligne? Les Premières Nations pourraient-elles prendre des paris d’un joueur situé à l’extérieur de la réserve, dans une autre province ou dans un autre pays, à condition que la loterie soit exploitée et gérée dans la réserve?
Même si le préambule du projet de loi fait référence aux « peuples autochtones », les Inuits et les Métis sont potentiellement exclus de ce projet de loi. Comme nous le savons tous au Sénat, il y a une différence entre les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Le terme « Premières Nations » désigne un groupe de peuples autochtones que le gouvernement fédéral canadien reconnaît officiellement comme une unité administrative en vertu de la Loi sur les Indiens, ou qui fonctionne comme telle sans statut officiel. Ce terme exclut les Inuits et les Métis.
Bien que le projet de loi reconnaisse les droits inhérents et les droits issus de traités de tous les peuples autochtones, il propose d’accorder au corps dirigeant d’une Première Nation la compétence exclusive décrite ci-dessus. Si un corps dirigeant autochtone inuit ou métis souhaite mettre sur pied des loteries, l’absence de terres de réserve interdit-elle sa participation? Doit-on penser que les revendications territoriales et les accords d’autonomie gouvernementale ont préséance, ce qui crée des conditions inégales, particulièrement pour les Inuits? Nous devons nous pencher sur ces questions, car le projet de loi ne suggère clairement pas qu’il s’agit de nouveaux droits, mais qu’il s’agit en fait de droits inhérents à tous les peuples autochtones.
En Saskatchewan, à la suite des acquittements du Bear Claw Casino, le gouvernement provincial et la Fédération des nations autochtones souveraines ont conclu un accord prévoyant la création de la Saskatchewan Indian Gaming Authority, une organisation à but non lucratif chargée d’exploiter six casinos dans la province. Les bénéfices de la Saskatchewan Indian Gaming Authority sont répartis de la manière suivante : 50 % vont à une fiducie pour les Premières Nations de la Saskatchewan, 25 % vont à la province et 25 % vont au développement des communautés où les casinos sont situés.
Dans ma province, la Colombie-Britannique, les Premières Nations et le gouvernement provincial ont conclu une entente de 25 ans en 2018 afin de créer le partenariat limité de partage des revenus issus du jeu pour obtenir une source de financement à long terme qui permettra d’investir dans les priorités de leur collectivité. En vertu de l’accord, 7 % du revenu net de la British Columbia Lottery Corporation, la société des loteries de la province, seront partagés avec les Premières Nations.
Qu’advient-il de ces accords et de tous les autres au Canada? Plus important encore, qu’en est-il des organismes de bienfaisance et des organismes sans but lucratif qui dépendent de ces fonds?
Nombre de sociétés des loteries provinciales consacrent une part de leurs revenus au soutien d’organismes de bienfaisance et d’initiatives communautaires. Ces fonds sont souvent dirigés vers la recherche sur les soins de santé, les programmes d’éducation, le développement des sports, des événements culturels et d’autres causes louables, ce qui est profitable pour l’ensemble de la société. Est-ce que l’argent généré par les changements proposés dans le projet de loi S-268 visera à poursuivre cette longue tradition au Canada? En reconnaissant les droits des Autochtones à l’autodétermination, qui sera déterminée par la Première Nation, cela n’ouvre-t-il pas la voie à un avantage injuste pour les établissements de jeux qui ne sont pas tenus de rediriger une part de leurs profits dans la collectivité?
Allons-nous voir apparaître des casinos partout au pays qui passent outre les règlements de la santé publique en matière de tabagisme, comme on le constate dans les casinos exploités dans les réserves et qui relèvent de la Saskatchewan Indian Gaming Authority, la société autochtone des jeux en Saskatchewan? La réglementation sur la consommation d’alcool sera-t-elle modifiée? Le projet de loi S-268 va-t-il perpétuer un avantage injuste pour les casinos administrés par les Premières Nations partout au pays?
Je ne sais pas quelles pourraient être les réponses à toutes ces questions. Le projet de loi S-268 doit faire l’objet d’un examen complet en comité, où des experts du domaine des jeux en ligne et conventionnels pourront nous faire part de leurs réflexions.
Nous devons entendre les Premières Nations qui sont pour et contre le projet de loi, et nous devons entendre les autorités sanitaires, les organismes de bienfaisance, les provinces et les juristes au sujet des ramifications du projet de loi S-268.
Il est de notre devoir, en tant que parlementaires, d’examiner minutieusement les projets de loi dont nous sommes saisis, et j’ai hâte d’avoir l’occasion de le faire au comité.
Merci, chers collègues.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)
Renvoi au comité
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, je propose :
Que :
1.le projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles;
2.le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la teneur du projet de loi;
3.au cours de son étude du projet de loi, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à prendre en considération tout document ou témoignage publics reçus par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones au cours de son étude de la teneur du projet de loi, ainsi que tout rapport dudit comité sur la teneur du projet de loi.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
La Loi de l’impôt sur le revenu
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l’honorable sénatrice Dasko, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-279, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (données sur les organismes de bienfaisance enregistrés).
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui au sujet du projet de loi S-279, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu, concernant les données sur les organismes de bienfaisance enregistrés. Le projet de loi S-279 exige que tout organisme de bienfaisance enregistré indique, dans la déclaration de renseignements qu’il présente au ministre en vertu de l’article 149.1(14) de la Loi de l’impôt sur le revenu, le nombre d’administrateurs, de fiduciaires, de dirigeants ou d’autres responsables qui, à sa connaissance, font partie de chacun des groupes désignés définis à l’article 3 de la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Ces groupes désignés sont les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les membres de minorités visibles. Forts de ces informations, ils doivent produire un rapport résumant celles-ci qui sera remis au Parlement et rendu accessible aux parties intéressées.
La raison d’être du projet de loi S-279 est claire, comme l’a indiqué l’honorable sénatrice Ratna Omidvar dans son discours. Son objectif est de fournir des données sur la diversité et l’équité des structures de gouvernance au sein du secteur caritatif.
Le projet de loi S-279 est issu du rapport sénatorial de 2019 intitulés Catalyseur du changement : Une feuille de route pour un secteur de la bienfaisance plus robuste, rédigée par un comité spécial dont j’ai fait partie, et plus précisément de la recommandation 8 du rapport :
Que le gouvernement du Canada, par l’intermédiaire de l’Agence du revenu du Canada, inclue des questions dans les formulaires T3010 (pour les organismes de bienfaisance enregistrés) et T1044 (pour les organismes sans but lucratif constitués en vertu d’une loi fédérale) au sujet de la représentation de la diversité dans les conseils d’administration en fonction les lignes directrices existantes sur l’équité en matière d’emploi.
(1710)
Lors des témoignages, nous avons entendu Cathy Winter, gestionnaire du programme DiverseCity onBoard à l’Université Ryerson, maintenant connue sous le nom de l’Université de Toronto. Je la cite :
Le Canada compte au-delà de 170 000 organisations caritatives sans but lucratif et des centaines d’organismes du secteur public, qui sont dirigés en grande partie par des conseils d’administration ne représentant pas la diversité des communautés du pays.
Christopher Fredette, professeur agrégé de l’Odette School of Business à l’Université de Windsor a aussi fait valoir l’importance de la diversité au sein des conseils d’administration en recommandant :
[...] de veiller à ce que [...] le recensement des besoins, l’établissement des priorités, la prise de décision et la répartition des ressources soient entreprises par des gens qui sont légitimement représentatifs des membres de leur organisme et de leur communauté; et deuxièmement, de veiller à ce que les intérêts de la communauté et des habitants soient bien compris.
On nous a dit également que plus de la moitié des organismes de bienfaisance n’ont pas de protocoles pour enregistrer ces données.
Cependant, honorables collègues, malgré les bonnes intentions qui sous-tendent ce projet de loi, je me demande si ce dernier est nécessaire et où il nous mènerait. Les organismes de bienfaisance suivent actuellement différents processus pour choisir les membres de leur conseil d’administration. Ils peuvent procéder par nomination ou suivre un processus mixte de nomination et d’élection, selon les dispositions prévues dans leur constitution et leur règlement. Sommes-nous en train de dire que le gouvernement doit participer à ce processus en imposant des exigences en matière de diversité? Si la réponse est oui, quelles seraient les conséquences pour ces organismes de bienfaisance?
Je note que, par nature, les niveaux de diversité actuels des structures de gouvernance de nombreux organismes de bienfaisance reflètent le mandat unique de chacun. Par exemple, un organisme de bienfaisance qui se consacre aux besoins d’un groupe ethnique précis sera souvent dirigé par un conseil d’administration composé de représentants de ce groupe ethnique. Peut-on considérer qu’il s’agit d’un manque de diversité?
Même si le projet de loi précise que le rapport préparé par le ministre ne doit pas nommer les organismes de bienfaisance, les administrateurs, les fiduciaires ou les dirigeants, la présence même d’un tel rapport créerait une lentille à travers laquelle la diversité de la gouvernance des organismes de bienfaisance serait perçue. Peut-être cherchons-nous au mauvais endroit. Peut‑être la diversité que nous recherchons est-elle déjà présente et qu’elle se reflète dans la diversité des organismes de bienfaisance eux-mêmes plutôt que dans la structure de gouvernance de chacun.
Aujourd’hui, nous sommes saisis de ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture, ce qui signifie que nous décidons si nous en approuvons le principe et le renvoyons au comité. J’admets que je suis indécise sur le principe, mais je soutiendrai le renvoi du projet de loi en comité pour un examen plus approfondi. J’espère que j’obtiendrai des réponses à mes questions à cette étape. Merci.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)
La Loi sur les aliments et drogues
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Dasko, appuyée par l’honorable sénatrice Coyle, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-252, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (interdiction — publicité d’aliments et de boissons destinée aux enfants).
L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-252, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (interdiction — publicité d’aliments et de boissons destinée aux enfants), aussi appelée la Loi sur la protection de la santé des enfants, en tant que porte-parole officielle du projet de loi. Je remercie la sénatrice Dasko d’avoir marrainé ce projet de loi au Sénat, ainsi que mes collègues les sénateurs Petitclerc, Moodie et Gold d’avoir également pris la parole à ce sujet. Je m’en voudrais également de ne pas souligner le travail accompli dans le passé par les députés James McGrath et Peter Julian et par l’ancienne sénatrice Nancy Greene Raine pour limiter la publicité destinée aux enfants.
Le projet de loi C-252, Loi sur la protection de la santé des enfants, vise à restreindre la publicité d’aliments et de boissons dont les taux de sucres, de gras saturés ou de sodium excèdent les taux réglementaires qui est destinée aux enfants de moins de 13 ans. La version précédente de ce projet de loi visait également à protéger les adolescents contre la publicité d’aliments et de boissons. Le projet de loi C-252 prévoit plutôt un examen parlementaire d’ici cinq ans afin de déterminer s’il y a eu une augmentation de la publicité destinée aux Canadiens âgés de 13 à 16 ans.
Ce projet de loi arrive à un moment où l’on manque cruellement de temps et d’argent, compte tenu du coût de la vie actuel. Il pourrait être un moyen d’alléger la charge mentale des parents et des personnes qui s’occupent d’enfants en ce qui concerne la planification des repas et les courses. Je veux dire par là que la nourriture est destinée à soutenir notre corps, mais que la majeure partie de la publicité pour les aliments et les boissons ciblant les enfants offre des produits très pauvres sur le plan nutritif et vise plutôt à faire des profits.
Comme les enfants ne sont pas en mesure, d’un point de vue cognitif, de reconnaître les publicités, ils peuvent faire pression sur leurs parents pour que ceux-ci achètent ce qu’ils voient à la télévision ou dans les médias sociaux. Les enfants peuvent être très persuasifs, ce qui peut également rendre plus difficile l’apprentissage d’habitudes alimentaires saines à long terme.
Comme les sénateurs Dasko, Petitclerc et Gold l’ont illustré avec éloquence, la santé des enfants canadiens est en jeu. Nos régimes alimentaires sont aujourd’hui tristement dominés par les aliments ultra-transformés, qui sont riches en sel, en sucres et en graisses saturées, et les enfants âgés de 2 à 18 ans tirent désormais plus de la moitié de leurs calories de ces aliments ultra-transformés. Cette situation n’est pas du tout surprenante, puisque le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a appris, lors de son étude de 2016 sur l’augmentation de l’obésité au Canada, que le nombre d’enfants canadiens obèses avait triplé depuis 1980.
Les enfants obèses ou ayant un surplus de poids courent non seulement un risque accru de développer de manière prématurée des maladies chroniques et autres affections médicales, mais ils risquent aussi davantage de subir de l’intimidation et de souffrir de dépression. Ce n’est pas seulement une question d’apparence physique, leur bien-être général est aussi en jeu. Les enfants obèses présentent des niveaux plus élevés d’anxiété et une plus faible estime de soi à l’adolescence.
Il peut être particulièrement difficile de limiter l’exposition d’un enfant à la commercialisation, parce que cette dernière a atteint de nouveaux sommets avec la grande quantité de données personnelles qui sont maintenant disponibles, en partie grâce aux médias sociaux. Les spécialistes du marketing maîtrisent l’art de rejoindre un public cible avec des messages convaincants rédigés par des équipes de professionnels et mis à l’essai sur des groupes cibles. Il n’est donc pas surprenant qu’un rapport de l’UNICEF publié en 2021 conclue que la commercialisation alimentaire met en péril les droits des enfants, notamment en les exposant à des produits alimentaires nuisibles pour la santé composés d’aliments hautement transformés. Malheureusement, ces produits alimentaires malsains sont aisément accessibles et très commodes.
En autorisant une commercialisation et une visibilité aussi omniprésente de ces aliments et de ces boissons qui peuvent avoir des conséquences importantes sur la santé, comme les maladies cardiaques, le diabète et certains cancers, nous plaçons les enfants en situation d’échec. Malgré tout, chaque année, 1,1 milliard de dollars sont consacrés à la commercialisation de produits alimentaires et de boissons auprès des enfants au Canada. Plus de 90 % des publicités d’aliments et de boissons regardées par les enfants en ligne et à la télévision présentent des produits contenant de grandes quantités de sucre, de gras saturés ou de sodium. Le pire, c’est que la publicité destinée aux enfants fonctionne, car elle crée une fidélisation à une marque et a un effet sur les aliments consommés par les enfants.
De nombreux pays, comme les États-Unis et l’Australie, continuent de miser sur l’autoréglementation de la publicité alimentaire destinée aux enfants par l’industrie. Au Canada, l’industrie a lancé en 2007 l’Initiative pour la publicité destinée aux enfants, une initiative volontaire qui limite la publicité de certains aliments destinée aux enfants. Toutefois, la recherche canadienne a démontré que cette initiative laisse les enfants fortement exposés à la publicité alimentaire.
Le Bureau européen des unions de consommateurs a publié en 2021 un rapport sur l’échec de l’autoréglementation à empêcher la mise en marché d’aliments malsains auprès des enfants. Par exemple, sur les 81 plaintes déposées, seules 14 ont abouti. Après avoir constaté que les codes d’autoréglementation existants n’avaient pas donné de résultats positifs, le Royaume-Uni et l’Espagne sont en train d’élaborer leurs propres réglementations. Au Canada, le Québec dispose depuis 1980 de la Loi sur la protection des consommateurs, qui interdit la publicité destinée aux enfants de moins de 13 ans. Je tiens à souligner que cette loi a été maintenue par la Cour suprême du Canada en vertu de l’article premier de la Charte des droits et libertés.
(1720)
Honorables collègues, je crois que le maintien de la loi québécoise ait par notre plus haut tribunal en vertu de la Charte des droits et libertés est éloquent. Le projet de loi C-252 ne concerne pas les droits et privilèges de l’industrie, mais le droit des jeunes Canadiens à une enfance saine. Les enfants n’ont pas la capacité de réfléchir à la qualité de leur alimentation et, s’ils ne voient à la télévision et en ligne que des publicités pour des collations sucrées, ils risquent de ne même pas savoir qu’il y a d’autres options. Pour empirer les choses, en ligne, les algorithmes contribuent à la création de chambres d’écho et de publicités ciblées.
Cependant, le modèle québécois est loin d’être parfait. La professeure Monique Potvin Kent, lors de son témoignage devant le Comité des affaires sociales, a révélé que, selon ses recherches, les enfants du Québec continuent d’être exposés à des publicités pour des aliments et des boissons sans en être le public cible. Elle a parlé des publicités de McDonald’s qui proposent une autre collation ou un autre repas destiné aux adultes au lieu de promouvoir un Joyeux festin. En fin de compte, les enfants du Québec et de l’Ontario continuent d’être exposés à des quantités égales d’aliments excessivement sucrés et salés.
Récemment, une autre faille dans la loi québécoise sur la publicité destinée aux enfants a été découverte, et elle relève de son incapacité à prendre en compte la publicité intégrée dans les jeux vidéo, et plus particulièrement dans le jeu vidéo de soccer « FIFA ».
Des chercheurs ont constaté que les jeux de la FIFA favorisent les « microtransactions » pendant les parties, par l’entremise de coffres à butin qui sont souvent de couleurs vives et qui peuvent offrir des avantages grâce à un système de loterie qui est comparable aux jeux de hasard. L’Union européenne et le Royaume-Uni ont ouvert la voie en adoptant des dispositions réglementaires qui visent à limiter l’impact de ces coffres à butin.
Actuellement, l’une des difficultés qui complique l’évaluation exacte de la situation, c’est que les pratiques d’autoréglementation en place manquent de transparence, notamment en ce qui concerne le nombre de publicités qui ciblent présentement les enfants.
Selon la professeure Potvin Kent de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, « … l’autoréglementation par l’industrie de la commercialisation des aliments et des boissons au Canada est un échec retentissant… » comme il l’a déclaré lors de l’étude qu’a faite le comité du projet de loi S-228 en 2017. Par exemple, la professeure Potvin Kent a étudié les publicités destinées aux enfants avant et après la mise en œuvre de l’Initiative canadienne pour la publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants.
Les résultats montrent que la commercialisation des aliments et des boissons a augmenté de 17 % à Toronto et de 6 % à Vancouver, et qu’on a ciblé les enfants et les adolescents plus souvent, dans une proportion d’environ 92 %. Bref, les publicités des entreprises participantes à l’initiative n’ont pas changé.
Pour être claire, le projet de loi C-252 n’est pas une panacée. La professeure Potvin Kent a réalisé un certain nombre d’études sur la publicité ciblant les enfants avant et après la mise en œuvre de l’Initiative canadienne pour la publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants. Certains de ses résultats montrent que, même dans le cadre du modèle québécois, les enfants continuent d’être exposés à la publicité sur des aliments et des boissons; ils ne constituent simplement plus le public cible.
Cela ne veut pas dire que le Code canadien des normes de la publicité n’a pas de mérite. Je pense qu’il s’agit d’une initiative pertinente de l’industrie qui démontre une volonté de collaboration. Le Code des pratiques responsables en matière de publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants, entré en vigueur le 28 juin 2023, interdit la publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants de moins de 13 ans, à moins que certains seuils nutritionnels ne soient respectés. Il vise toutes les publicités qui présentent un produit alimentaire ou une boisson, qui s’adressent principalement aux enfants et qui apparaissent dans n’importe quel média.
Toutefois, le plus grand défaut du code est que la participation est volontaire et que son respect est motivé par les plaintes. Non seulement le consommateur est ainsi chargé de jouer le rôle de chien de garde, mais cela permet aux entreprises d’échapper à toute forme de responsabilité réelle. Pire encore, le code et le guide précisent que les cas de non-conformité « peuvent » faire l’objet d’un rapport public.
Ceci étant dit, le projet de loi C-252 a certainement des points forts. Il constituera un bon point de départ pour aider les enfants canadiens à prendre le meilleur départ possible dans la vie avec, espérons-le, un régime alimentaire plus équilibré.
Je dois ajouter que la santé des enfants ne dépend pas uniquement de leur exposition à la publicité, mais le projet de loi C-252 pourrait contribuer à réduire le contenu publicitaire et à augmenter le contenu éducatif.
Le projet de loi cadre également avec l’établissement d’un niveau de vie élevé et uniforme pour les enfants et les jeunes partout au Canada, comme le prévoit le projet de loi S-282, Loi sur la stratégie nationale pour les enfants et les jeunes.
Il est important de noter que la santé des enfants est une question complexe qui repose sur de nombreuses variables comme la pauvreté, l’éducation, le mode de vie et l’accès aux soins de santé.
J’ai également quelques préoccupations. La plus importante concerne le fait que Santé Canada considère le projet de loi comme un cadre dans lequel des règlements seront élaborés plus tard. Son application manque de clarté, et nous avons constaté avec certains projets de loi, comme le projet de loi C-41, qu’une telle chose peut entraîner des retards et le non-respect de certaines promesses. Je m’inquiète particulièrement des délais de la mise en œuvre de la mise à jour de la politique.
Je pense également que l’examen parlementaire sur l’augmentation potentielle de la publicité destinée aux enfants pourrait arriver trop tard. Il faut une approche rigoureuse et à long terme, ainsi que des données fiables et accessibles. L’une des préoccupations est que les annonceurs ciblent tout simplement les adolescents pour compenser leur perte de marché.
Il pourrait également valoir la peine d’inclure l’industrie dans le processus, ne serait-ce que pour renforcer la communication, la transparence et les attentes.
Un rapport de 2023 de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC combine les résultats de trois études récentes sur la prévalence de la publicité aux points de vente destinée aux enfants dans les magasins et les restaurants. Les résultats montrent que 53 % des magasins avaient des étalages muraux à grande visibilité pour la malbouffe à la caisse. Je sais que cela dépasse la portée de ce projet de loi, car le projet de loi C-252 se concentre sur la télévision et les médias numériques, mais je crois qu’il faut garder ce fait à l’esprit.
Jusqu’à 70 % des décisions d’achat des consommateurs sont prises devant les tablettes des magasins. Par conséquent, les stratégies de placement sont des caractéristiques de marketing clés dans les magasins, et les allées des caisses sont considérées comme des aires de marketing importantes pour les enfants dans les supermarchés.
En Nouvelle-Zélande, une étude utilisant des caméras portables pour étudier l’exposition quotidienne des enfants à la publicité en magasin a révélé qu’elle était si élevée qu’elle était jugée trop vaste pour être réglementée.
Au Canada, un rapport de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC avance que les politiques limitant la publicité destinée aux enfants devraient inclure le point de vente, ce qui fait écho à la stratégie de 2016 de Santé Canada en matière de saine alimentation, dans laquelle on a désigné les épiceries et les dépanneurs comme des milieux importants à examiner. Nous pourrions bénéficier de politiques claires et cohérentes en matière de saines allées de caisse, qui sont associées à une réduction immédiate et importante des achats de collations sucrées et salées — un effet qui se maintient au fil du temps.
Enfin, compte tenu des difficultés auxquelles nous sommes confrontés chaque fois que nous essayons de légiférer sur quoi que ce soit en ligne, je pense que nous avons besoin d’une approche claire pour contrôler les publicités sur les médias sociaux, en particulier en ce qui concerne les influenceurs. Le temps d’écran des enfants a augmenté au plus fort de la pandémie, ce qui s’est également traduit par une plus grande exposition à la publicité alimentaire; parmi les enfants canadiens âgés de 7 à 11 ans, 26 % possèdent aujourd’hui leur propre téléphone cellulaire.
On estime que les enfants voient cinq publicités alimentaires par jour à la télévision et quatre sur les médias sociaux. On estime également que les adolescents sont exposés à environ 27 publicités alimentaires par jour sur les médias sociaux. Nous devons garder à l’esprit que le paysage médiatique a considérablement changé, et que cela fait partie du problème beaucoup plus vaste des plateformes en ligne non réglementées.
Pour atteindre son objectif, le projet de loi C-252 pourrait nécessiter la mise en place d’un conseil consultatif. Plutôt que de s’en remettre à des consultations publiques sporadiques, il pourrait être bénéfique qu’une équipe d’experts, ainsi que des personnes ayant une expérience directe des publicités ciblées, commentent la mise en œuvre de ce projet de loi et son évolution.
En conclusion, le projet de loi C-252 est loin d’être parfait, mais j’applaudis cette tentative d’améliorer la santé des enfants canadiens. Une chose que nous devons garder à l’esprit, c’est que, lorsqu’il est question de la santé des enfants et de l’accès à des aliments nutritifs, la responsabilité devrait incomber aux annonceurs et aux entreprises plutôt qu’aux consommateurs.
Je suis impatiente de voir le comité aborder ce projet de loi. Merci.
[Français]
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Loffreda, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)
(1730)
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L’honorable Claude Carignan propose que le projet de loi C-320, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (communication de renseignements à la victime), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-320, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (communication de renseignements à la victime).
Je remercie tous les députés d’avoir voté à l’unanimité en faveur de ce projet de loi qui, s’il entre en vigueur, procurerait des avantages considérables aux victimes canadiennes de crimes et à leurs proches. Je salue tout particulièrement le travail de son parrain à l’autre endroit, le député conservateur Colin Carrie, pour ses efforts rassembleurs et transpartisans qui ont permis l’adoption du projet de loi à la Chambre des communes.
Le texte de ce projet de loi est identique à deux projets de loi qui, malheureusement, sont morts au Feuilleton respectivement en 2019 et 2021 en raison du déclenchement d’élections fédérales, soit le projet de loi S-219, qui était parrainé par notre collègue le sénateur Boisvenu, et le projet de loi C-466, qui était parrainé par la députée Lisa Raitt.
Le projet de loi C-320 apporterait des améliorations importantes sur le plan de la transparence du système fédéral de libération conditionnelle pour les victimes de crimes et leurs familles. En effet, le projet de loi C-320 vise à garantir que ces dernières reçoivent des informations exactes et en temps opportun sur l’admissibilité à la libération conditionnelle et sur les sorties du pénitencier des délinquants responsables des crimes subis par ces victimes et leurs familles.
[Traduction]
Le projet de loi C-320 est court. Il apporte simplement une modification ciblée à deux articles de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, soit les articles 26 et 142. J’y reviendrai plus tard dans mon discours.
[Français]
Quel est l’objectif du projet de loi?
Le projet de loi C-320 permettrait de remédier au faux sentiment de sécurité vécu par des victimes et leurs familles. Ces dernières reçoivent souvent des informations incorrectes concernant l’admissibilité et l’octroi de mesures de libération au délinquant, alors qu’elles avaient l’impression que celui-ci demeurerait incarcéré pour encore plusieurs années. Des lacunes à la loi actuelle causent cette situation problématique. C’est exactement ce que le projet de loi C-320 corrigerait s’il entrait en vigueur.
Ainsi, le projet de loi cherche à améliorer la transparence des informations fournies aux victimes d’infractions criminelles graves concernant la sortie du délinquant du pénitencier. Je rappelle qu’une peine de pénitencier est une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus dans une prison de responsabilité fédérale. Il s’agit d’une lourde sentence qui, par conséquent, n’est imposée qu’aux délinquants ayant commis les crimes les plus graves, ou encore à ceux qui ont de nombreux antécédents judiciaires ou qui posent un risque important de récidive qui peut compromettre la sécurité du public et des victimes.
Par exemple, toutes les personnes condamnées pour meurtre au Canada se voient imposer une peine d’emprisonnement à perpétuité en vertu du Code criminel, mais diverses dispositions législatives font en sorte qu’ils peuvent être admissibles ou obtenir des permissions de sorties ou une libération conditionnelle bien avant la fin de leur peine. Ces dispositions et la façon dont elles sont appliquées par les autorités carcérales ne sont malheureusement pas expliquées aux victimes lorsque le juge prononce la sentence.
C’est pourquoi le projet de loi C-320 vise à permettre aux victimes et à leurs familles de comprendre le raisonnement de certaines décisions de Service correctionnel Canada et de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, qui appliquent les règles autorisant la libération du délinquant avant la fin de sa peine.
Pour ce faire, le projet de loi C-320 propose que, lorsque les victimes ou leurs proches en font la demande, ils obtiennent des explications sur la manière dont sont déterminées la date d’admissibilité du délinquant à une permission de sortie, à la libération conditionnelle ou à la libération d’office du délinquant et les dates auxquelles elles sont accordées.
Le projet de loi C-320 ferait en sorte que ces explications leur soient fournies par deux autorités du système correctionnel, soit la commissaire de Service correctionnel Canada et la présidente de la Commission des libérations conditionnelles du Canada.
Comme je le mentionnais, le projet de loi C-320 modifie seulement deux articles de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Il modifie l’article 26 de cette loi, qui est applicable à la commissaire, et l’article 142, qui est applicable à la présidente, afin que celles-ci fournissent ces explications aux victimes et à leurs proches dans leur champ de responsabilité respectif.
[Traduction]
Les nombreuses interventions des députés sur le projet de loi C-320 nous renseignent sur l’expérience bouleversante des victimes et de leurs familles, et nous invitent à compatir avec elles. En effet, nombre d’entre elles ont révélé qu’elles étaient glacées et stupéfaites d’apprendre, souvent par hasard et sans préavis, que le délinquant était admissible à une libération ou à une permission de sortir, ou se l’était vu accorder, bien avant la fin de la peine d’emprisonnement imposée par le juge.
Je voudrais citer quelques-uns de ces exemples troublants.
[Français]
Premièrement, dans son allocution devant le comité des Communes, le député Carrie a parlé du cas malheureux de Lisa Freeman. Le député a expliqué que l’histoire de cette dernière est d’ailleurs la source du dépôt du projet de loi actuel et de ses versions précédentes, soit les projets de loi S-219 et C-466. Le défunt père de Mme Freeman, Roland Slingerland, un citoyen respectueux des lois, père de trois filles, mari et vétéran de la Marine royale canadienne, a été sauvagement assassiné à la hache en 1991 par un meurtrier qui était en liberté sous condition au moment de l’infraction. Le meurtrier a été condamné pour ce crime à l’emprisonnement à vie en 1992, sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.
Cependant, à la stupeur de Mme Freeman et de sa famille, le meurtrier était devenu admissible à la libération conditionnelle de jour ainsi qu’à des permissions de sorties de la prison avec escorte en février 2012, soit 20 ans après le début de sa peine, qui était pourtant censée être à perpétuité. Mme Freeman était aussi surprise d’apprendre que le délinquant avait également bénéficié de permissions de sortie avec escorte. De plus, ce n’est qu’après que le meurtrier a été transféré dans un autre établissement correctionnel à l’extérieur de l’Ontario, à seulement 10 kilomètres de chez la sœur de Mme Freeman, que celles-ci ont été informées de ce transfert. Selon moi, il est évident que la famille de la victime n’a pas reçu toutes les informations nécessaires de la part de Service correctionnel Canada et de la Commission des libérations conditionnelles du Canada.
Comme elle le révèle dans son livre intitulé She Won’t Be Silenced, qu’elle a écrit en 2016, Lisa Freeman s’est battue pour que sa voix soit entendue par les autorités du système correctionnel canadien, afin de tenter qu’elle-même et sa famille puissent obtenir à l’avenir des informations sur le processus de libération conditionnelle. Je salue les efforts concrets et soutenus de Mme Freeman pour mettre en lumière le manque de transparence de ce système. Toutefois, elle n’aurait pas dû porter ce fardeau. C’est pourquoi je vous demande d’adopter rapidement le projet de loi C-320, afin d’éviter que d’autres victimes doivent subir ce que Mme Freeman a dû endurer pour se faire entendre.
Devant cette situation, je partage l’indignation du député Carrie, qui a affirmé devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes, et je cite :
[...] le manque de transparence concernant la façon dont les dates de libération et l’admissibilité sont déterminées constitue, pour les victimes, une source de mécontentement envers le système de justice, une source de confusion, d’exaspération et de traumatisme. […]
Une peine d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans est censée être sévère. C’est carrément faux. On induit en erreur les familles et le grand public. Le délinquant purgeant une peine d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans peut bénéficier d’autres formes de mise en liberté bien avant, soit pour du perfectionnement personnel, pour une permission de sortir ou pour du travail communautaire. Ce que nous essayons de corriger avec ce projet de loi, c’est simplement l’accès des victimes à ces informations, ainsi qu’à une explication.
Voici un autre exemple plus récent que celui de la libération du meurtrier du père de Lisa Freeman : celui de Paul Bernardo, qui a été transféré d’un établissement de haute sécurité à un établissement de sécurité moyenne en mai 2023.
(1740)
Ce meurtrier notoire avait été condamné dans les années 1990 à l’emprisonnement à vie pour l’enlèvement, la torture et le meurtre de Kristen French, âgée de 15 ans, et de Leslie Mahaffy, âgée de 14 ans, en plus d’avoir été reconnu coupable d’homicide involontaire dans la mort de Tammy Homolka. M. Bernardo a par la suite avoué avoir agressé sexuellement 14 autres femmes, dont la plupart entre 1986 et 1991. Or, les victimes et leurs familles ont déploré le fait qu’elles n’avaient pas été informées ou qu’elles n’avaient pas reçu d’explications relativement à ce transfert avant qu’il ne se produise. Un comité de Service correctionnel Canada a d’ailleurs reconnu, dans son rapport du 26 juin 2023, le grave traumatisme que cette situation a causé :
Le comité d’examen a reconnu que la nouvelle du transfèrement, y compris la nature de la notification, a provoqué une détresse émotionnelle chez les victimes, comme l’indique la lettre ouverte de l’avocat des familles de Kristen French et de Leslie Mahaffy.
Le comité d’examen […] reconnaît que la notification si proche du déroulement de l’événement a sans aucun doute et raisonnablement été une source de surprise et de choc pour les victimes. […] Le comité d’examen reconnaît que les victimes dans cette affaire ont subi une douleur inimaginable et qu’elles continuent de subir des effets profonds alors qu’elles affrontent chaque décision et événement dans cette affaire. En outre, le comité reconnaît qu’il existe de nombreuses victimes indirectes qui sont également affectées de multiples façons par les développements au sein de l’affaire.
Ainsi, le transfert de Paul Bernardo illustre bien le problème de la loi actuelle. Elle provoque un manque de transparence du système correctionnel et de libération conditionnelle à l’égard des victimes et de leurs familles. Cela représente un mépris flagrant des revendications légitimes qu’elles expriment publiquement depuis de nombreuses années dans le but d’être mieux informées.
Je ne suis pas le seul à le penser. Plusieurs députés de différents partis ont également dénoncé le cas de Paul Bernardo dans leurs discours à l’étape de la deuxième lecture sur le projet de loi C-320 afin d’illustrer l’importance de ce projet de loi pour les victimes et leurs familles. Je cite par exemple le discours du député Peter Julian :
[Traduction]
[...] les victimes ne bénéficient pas de la transparence et du soutien appropriés de la part du système de justice. Il faut insister sur le fait que le système doit offrir aux victimes tout le soutien dont elles ont besoin [...]
Ce projet de loi est un exemple de l’absolue nécessité de cette transparence en matière de libération conditionnelle [...]
L’affaire Paul Bernardo est un autre exemple où on n’a pas transmis des renseignements essentiels aux victimes. Il y a eu un transfert au sein du système, mais l’information ne s’est pas rendue jusqu’aux victimes. Il n’y a pas eu de transparence [...]
[Français]
Voici un autre exemple encore plus récent. Il concerne le pire tueur en série de l’histoire du Canada, Robert Pickton. Ce criminel a été reconnu coupable en 2007 de six chefs de meurtre au second degré; il a aussi été accusé de 20 autres meurtres. Le 22 février dernier, il est devenu admissible à demander une libération conditionnelle de jour, c’est-à-dire qu’il est devenu admissible 17 ans après le prononcé de sa peine d’emprisonnement à perpétuité.
[Traduction]
Encore une fois, les proches de la victime n’ont pas été avisés et n’ont pas reçu d’explications de la part des autorités. Voici ce que dit Lorelei Williams, la cousine d’une des victimes de M. Pickton, dans un article de la Presse canadienne :
Selon [Mme Williams], personne au sein du système de justice n’a avisé les proches des victimes que la date d’admissibilité à la libération conditionnelle de M. Pickton approchait, et elle ne l’a appris que lors d’une discussion avec un avocat qu’elle connaît.
« Ils n’ont jamais appris à travailler avec nous. Ils sont tout simplement insensibles. », dit-elle au sujet des intervenants du système de justice.
« Je ne suis pas étonnée qu’ils ne nous aient pas avisés parce qu’ils aiment nous cacher des choses. »
[Français]
Allons-nous continuer de permettre que le système n’informe pas à l’avance les familles des victimes assassinées lorsque le délinquant est en liberté près de chez elles, alors que celui-ci leur a infligé une souffrance à vie en les privant pour toujours d’un être cher?
Le projet de loi C-320 s’attaque à ce problème. En résumé, il vise à améliorer la transparence du système correctionnel fédéral et du système de libération conditionnelle. Pour parvenir à cet objectif, le projet de loi C-320 permettrait que, à la demande d’une victime ou de ses proches, on puisse obtenir des explications de la part des autorités sur la manière dont sont déterminées les dates d’admissibilité ou d’obtention de permissions de sorties, de libération conditionnelle ou de libération d’office du délinquant.
En votant unanimement en faveur du projet de loi C-320, les députés ont posé un geste fort qui promeut des valeurs importantes de la Charte canadienne des droits des victimes, soit le droit des victimes d’actes criminels et de leurs familles d’être traitées avec dignité et compassion.
J’exhorte donc le Sénat à adopter le projet de loi C-320 afin de poursuivre le travail admirable et transpartisan des députés dans ce dossier. Ne pas adéquatement informer les victimes revient à aggraver leur traumatisme. Cela les laisse, ainsi que leurs familles, démunies face à certaines surprises et cela leur fait ressentir de l’incompréhension relativement à la sortie de prison du délinquant avant la fin de sa peine.
Merci, chers collègues.
[Traduction]
L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je prends la parole en tant que porte-parole pour le projet de loi C-320.
Je tiens tout d’abord à souligner qu’ayant travaillé avec des victimes et au nom de celles-ci — y compris des membres survivants de la famille de victimes de meurtre — et un membre de notre famille élargie ayant été assassiné, je reconnais le besoin urgent de fournir des mesures d’aide et des services correctifs aux victimes et aux survivants, que les auteurs soient ou non inculpés ou trouvés coupables, et encore moins qu’ils soient condamnés.
Mon objectif n’est pas d’excuser les violations de la loi ou des politiques par les autorités correctionnelles ni de remettre en question l’intention et les préoccupations légitimes de ceux qui tentent d’aider les victimes. Mon objectif consiste plutôt à souligner que ces types de réponses après la tragédie ne font qu’aggraver les insuffisances des systèmes de justice pénale au lieu de les résoudre ou de les atténuer. Ces mesures augmentent les restrictions et les punitions pour des personnes déjà soumises à une surveillance et à une reddition de comptes à vie du fait qu’elles purgent une peine qui n’expire qu’à leur mort.
Les plus violents, ceux qui commettent les délits les plus odieux, personne ne se fait d’illusions sur le fait qu’ils pourront un jour réintégrer nos collectivités, et pourtant ce sont les noms qui reviennent le plus souvent.
Le droit pénal et le système de justice pénale ne peuvent pas à eux seuls prévenir la violence et la criminalité. Ce sont des mesures après coup, alors que les actes de violence ont déjà brisé la vie de Canadiens, ou même causé leur mort. Comme l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées l’a révélé — et comme le montrent tristement mes plus de 40 ans de travail auprès et au nom des personnes marginalisées, victimisées, criminalisées et institutionnalisées, plus précisément des jeunes, des hommes et particulièrement des femmes —, les mêmes facteurs d’inégalité et d’exclusion systémiques qui augmentent le risque de victimisation et de préjudice, surtout pour les femmes et les enfants, entraînent aussi une hausse du risque de pauvreté, d’itinérance et de judiciarisation.
Le projet de loi C-320 ne s’attaque pas aux inégalités économiques, sociales, raciales et de genre qui alimentent la violence et qui sont perpétués dans le droit pénal et les systèmes de justice pénale. Il ne déconstruit pas non plus les valeurs et les attitudes qui renforcent cette toile. On doit accorder la priorité à l’offre de mesures de soutien et de services. Les questions de la violence et de la violence sexuelle sont très sérieuses, et le système de justice pénale continue généralement de laisser tomber les victimes marginalisées.
Les statistiques publiées suivantes donnent un aperçu de la réalité qui est reconnue par la police et le gouvernement : la victimisation et la judiciarisation sont étroitement liées aux questions sociales, raciales, économiques et sanitaires. Les réponses habituelles du gouvernement canadien en ce qui concerne les normes nationales et les aides financières ne sont pas suffisantes.
(1750)
Pour vous donner une idée, en 2022, les données de Statistique Canada ont révélé que, sur les 265 victimes d’homicide racisées, 225 étaient Autochtones, soit un taux plus de six fois supérieur au taux d’homicide des non-Autochtones.
Certains pourraient exprimer leur soutien à ce projet de loi parce qu’ils pensent que les auteurs de violences doivent souffrir ou que le système de justice pénale peut répondre de manière adéquate aux besoins des victimes en accumulant les peines et les sanctions. Certains préféreraient que les prisonniers ne bénéficient pas de la protection des droits de la personne et de la Charte, en particulier ceux qui sont condamnés à la prison à vie pour meurtre. De telles attitudes ne tiennent pas compte du fait qu’environ la moitié des femmes incarcérées dans les prisons fédérales purgent une peine après avoir été condamnée pour un recours — parfois meurtrier — à la force en réaction à des violences perpétrées contre elles ou contre leurs proches, souvent leurs enfants. Nombreux sont ceux qui sont prêts à qualifier ces condamnées de violentes et ces victimes et survivantes d’abus de dangereuses sans prendre le temps de comprendre le contexte dans lequel ces actes se sont produits.
C’est d’autant plus vrai pour les femmes autochtones, qui représentent une personne sur deux, soit 50 % de la population carcérale dans les prisons réservées aux femmes. Nombre d’entre elles ont un lourd passé de mauvais traitements, ont subi des traumatismes liés aux pensionnats et aux expériences avec la protection de l’enfance, et peinent à s’adapter à des environnements inhospitaliers. Ce ne sont pas des personnes qui représentent un risque pour la sécurité publique, malgré les étiquettes et les préjugés dont elles font trop souvent l’objet. Ce sont des personnes qui ont besoin de soutien.
Les objectifs définis des modifications proposées à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition dans le projet de loi C-320 sont de mieux répondre aux besoins des victimes d’actes criminels en fournissant des informations aux victimes sur la façon dont les dates d’admissibilité à la libération conditionnelle et aux permissions de sortir sont calculées; en évitant les dates d’admissibilité à la libération conditionnelle qui peuvent induire en erreur; en améliorant la transparence de l’information fournie par le Service correctionnel du Canada concernant le déplacement des détenus dans le système carcéral, notamment les changements de niveau de sécurité et les demandes de libération conditionnelle; et en renforçant l’accès et la participation des victimes aux audiences menées par la Commission des libérations conditionnelles du Canada.
Tous ces éléments font actuellement partie de la loi en vigueur. Les décisions des autorités et des agents correctionnels concernant les permissions de sortir avec escorte, l’établissement du calendrier des audiences de libérations conditionnelles et d’autres détails de la gestion de cas sont censées être prises en fonction des progrès réalisés par les détenus dans le cadre de leur plan de gestion de cas. Bien que le point de vue des victimes d’actes criminels soit essentiel à une compréhension complète de l’impact des actions des personnes accusées et condamnées, le système de justice pénale du Canada est censé, contrairement aux approches inquisitoires, juger les actions des gens par rapport à des normes de comportement acceptables dans la société et qualifier les violations de ces normes d’infractions contre la Couronne, et non contre la victime.
Les partisans de la version actuelle et des versions précédentes du projet de loi affirment que les prisons ne sont pas des environnements assez sévères et qu’elles sont même luxueuses. Ceux d’entre vous qui se sont rendus dans des prisons pour rencontrer les personnes qui y travaillent et qui y sont incarcérées, en particulier ceux qui ont mené des visites et des enquêtes qui ont contribué au rapport de 2021 du Comité sénatorial des droits de la personne, intitulé Droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral, savent que de telles descriptions stéréotypées et erronées sont loin de correspondre à la réalité.
Même ceux qui ont participé au rapport du Comité des droits de la personne ou qui l’ont lu pourraient être surpris par ce que constatent ceux d’entre nous qui visitent régulièrement les pénitenciers fédéraux. On observe un recours accru à l’isolement et une surveillance plus limitée des services correctionnels depuis la mise en œuvre du projet de loi C-83. Il y a aussi une augmentation des demandes d’aide médicale à mourir dans les prisons, surtout de la part de détenus souffrant de graves problèmes de santé mentale et de ceux qui commencent de longues peines. On constate l’aggravation des problèmes de santé mentale invalidants ou leur apparition. En effet, ceux qui n’ont pas de problèmes de santé mentale avant d’aller en prison sont susceptibles d’en développer une fois en détention. Quant à ceux qui ont des problèmes de santé mentale, ils ont tendance à voir ces problèmes s’aggraver une fois en prison. On remarque un accès limité aux programmes et aux services permettant de s’attaquer aux inégalités sous-jacentes, de même qu’un accès insuffisant à des ressources adéquates, ce qui contribue à criminaliser les gens.
Je passe maintenant aux mesures qui sont déjà en place pour les victimes. Dans le système carcéral fédéral, il existe déjà des outils d’inscription des victimes pour faire le suivi des progrès d’un détenu tout au long de sa peine, ainsi que des dates de sa libération conditionnelle et de sa libération. En plus du Bureau national pour les victimes d’actes criminels, il existe des programmes provinciaux d’information et de services de soutien aux victimes.
L’article 3 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition prévoit ce qui suit :
Le système correctionnel vise à contribuer au maintien d’une société juste, vivant en paix et en sécurité,
d’une part, en assurant l’exécution des peines par des mesures de garde et de surveillance sécuritaires et humaines, et
d’autre part, en aidant au moyen de programmes appropriés dans les pénitenciers ou dans la collectivité, à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois.
L’objectif primordial de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, tel qu’énoncé à l’article 3, c’est la protection de la société. Les mesures prévues dans ce projet de loi ne fournissent pas aux victimes le soutien social, économique, médical ou personnel dont elles ont besoin et auquel elles ont droit. De plus, ces mesures ne réussiront pas non plus à prévenir la criminalité, à empêcher la victimisation future ou à accroître la sécurité dans les collectivités.
C’est la principale raison pour laquelle les efforts qui visent à répondre aux besoins des victimes sont généralement considérés comme inadéquats et insatisfaisants. Je dirais même qu’une refonte de l’ensemble du système juridique ne remédierait probablement pas à cela. Si nous voulons vraiment résoudre les problèmes qui contribuent à la victimisation, nous devons plutôt nous attaquer aux nombreuses défaillances systémiques des systèmes sociaux, économiques et de santé.
La plupart des personnes que j’ai côtoyées et qui ont vécu l’expérience de la victimisation disent vouloir deux choses. Premièrement, elles veulent savoir pourquoi elles ont été des victimes. Deuxièmement, elles veulent savoir ce qui pourrait empêcher d’autres personnes d’être victimes de la même manière. En général, les victimes ne demandent pas qu’on impose des peines plus longues et plus punitives, ou qu’on refuse l’accès au déclassement graduel lorsque les individus y deviennent admissibles. Pourtant, trop souvent, c’est tout ce qu’on leur propose. Certaines victimes disent avoir l’impression qu’on les incite à continuer de jouer un rôle actif alors que la plupart souhaitent simplement passer à autre chose.
Il est temps de travailler ensemble pour s’assurer que tous ont accès à des mesures de soutien plus concrètes qui peuvent non seulement traiter les préjudices et les traumatismes, mais aussi contribuer à les prévenir. Nous bénéficierions tous — nous, nos enfants et les leurs, ainsi que les générations à venir — de communautés plus sûres et plus inclusives qui tiendraient compte des besoins des gens au fil de leur évolution et qui préviendraient les genres de méfaits que ce projet de loi prétend régler.
Meegwetch. Merci.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)
Renvoi au comité
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Carignan, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) propose que le projet de loi C-321, Loi modifiant le Code criminel (voies de fait contre une personne qui fournit des services de santé ou un premier répondant), soit lu pour la deuxième fois.
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, mon collègue, le sénateur Housakos, a dû s’absenter de manière imprévue, alors je prononcerai son discours à votre intention aujourd’hui. N’allez pas croire pour autant que je suis en désaccord avec la moindre partie de ce discours, bien au contraire. Toutefois, je tiens à ce que les honorables sénateurs gardent à l’esprit que ce sont les mots du sénateur Housakos, pas les miens.
La sénatrice Batters : Nous pourrions avoir des questions.
Le sénateur Plett : Ne me posez pas trop de questions quand j’aurai terminé, s’il vous plaît.
Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-321, Loi modifiant le Code criminel (voies de fait contre une personne qui fournit des services de santé ou un premier répondant), afin de protéger les premiers répondants et les fournisseurs de soins de santé contre les agressions dans l’exercice de leurs fonctions.
Cette modification proposée au Code criminel est simple et elle obligerait les tribunaux à prendre en considération, à l’étape de la détermination de la peine, le fait que la victime est un professionnel de la santé ou un premier répondant.
Je sais que je n’ai pas besoin de vous convaincre du rôle essentiel des premiers répondants et des professionnels de la santé au sein de notre société. Ils courent vers le danger quand d’autres le fuient. Ils nous soignent et nous réconfortent en temps de crise. Souvent, ce sont les derniers, ou parfois les seuls, à le faire au moment où nos proches rendent leur dernier souffle.
(1800)
Ces gens sacrifient souvent leur propre sécurité et leur bien‑être physique et mental pour assurer la sécurité et le bien‑être des autres. Ils sont des piliers de nos collectivités, et ils méritent tout notre respect et la meilleure protection possible.
Malheureusement, malgré leur dévouement désintéressé au service des autres, les premiers répondants et les professionnels de la santé sont souvent victimes de violence et d’agression dans l’exercice de leurs fonctions. Que ce soit dans la rue, à leur domicile ou sur le lieu de travail, ou encore en milieu hospitalier, ils sont fréquemment victimes de violence verbale et d’agressions physiques, et ils font l’objet de menaces de mort. Cela doit cesser.
Nous devons faire davantage pour protéger les premiers répondants et les travailleurs de la santé en inscrivant dans le Code criminel la reconnaissance de la vulnérabilité particulière des premiers répondants et des professionnels de la santé. Le projet de loi C-321 envoie un message clair : les attaques contre ces personnes ne seront pas tolérées et auront des conséquences graves.
Certains pourraient soutenir que les lois existantes offrent déjà une protection adéquate aux premiers répondants et aux professionnels de la santé. En réalité, les agressions contre ces personnes se poursuivent à un rythme alarmant. Considérez ces chiffres effrayants, chers collègues : 75 % des ambulanciers paramédicaux au Canada déclarent avoir subi une forme de violence dans le cadre de leur travail.
Une enquête récente menée par la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers montre que 61 % des infirmiers ont déclaré avoir été victimes de mauvais traitements, de harcèlement et d’agressions dans le cadre de leur travail. Le pire, c’est que ces chiffres ne disent pas tout : en effet, bon nombre de ces professionnels ne signalent pas les actes de violence qu’ils subissent.
Les plus grands experts du secteur des soins de santé estiment que les travailleurs de la santé ne signaleront pas les violences qu’ils subissent par crainte de représailles de la part de leur employeur. Il faut que cela change. Nous devons faire en sorte que ces professionnels se sentent soutenus et non abandonnés à leur sort.
Même ceux d’entre nous qui ne sont pas convaincus que les peines ont un effet dissuasif sur les agresseurs potentiels doivent tenir compte de ce que les professionnels de la santé et les premiers intervenants ont déclaré, à savoir que des peines telles que celles proposées encourageraient davantage de victimes d’agressions à les signaler.
En outre, en reconnaissant explicitement les attaques contre les premiers intervenants et les professionnels de la santé comme des circonstances aggravantes, nous envoyons un message fort sur la valeur que nous accordons à leurs contributions à la société. Nous réaffirmons notre engagement à soutenir et à protéger ceux qui s’exposent au danger pour le bien commun.
Il convient également de souligner que les agressions contre les premiers intervenants et les professionnels de la santé ne portent pas seulement préjudice aux victimes individuelles, mais ont également des implications plus larges pour la sécurité publique. Tout le monde est exposé à un risque accru lorsque ces professionnels sont incapables d’exercer leurs fonctions par crainte de la violence.
Nous comptons sur ces personnes pour fournir des services essentiels. Toute entrave à leur capacité à faire cela met en péril la santé et la sécurité de nos populations, sans parler du fait que de moins en moins de personnes choisissent même de devenir ambulanciers, par exemple. Mon bureau l’a appris il y a quelques semaines, lorsque nous avons rencontré des membres de l’Association of Saskatchewan Paramedics. Chers collègues, ce n’est pas parce que ces personnes n’aiment pas leur travail ou qu’elles ne veulent pas vraiment aider les autres; au contraire, elles réclament notre aide.
Je m’en voudrais de ne pas mentionner l’auteur de ce projet de loi, le député Todd Doherty, et l’excellent travail qu’il a réalisé sur des projets de loi antérieurs concernant le syndrome de stress post-traumatique chez les premiers intervenants. M. Doherty s’est fait l’ardent défenseur de ces héros. Voilà pourquoi j’ai été plus qu’heureux de parrainer à nouveau l’un de ses projets de loi au nom de ces héros parmi nous.
Encore une fois, n’oubliez pas que c’est le sénateur Housakos qui parle.
J’ai rencontré un grand nombre de ces ambulanciers, ces travailleurs des urgences et ces professionnels de la santé. Ma propre épouse a passé toute sa vie adulte à travailler dans un hôpital de Montréal.
Elle fait un excellent travail. Je la connais personnellement. Ce n’est pas mon épouse, c’est celle du sénateur Housakos.
Ces hommes et ces femmes ont consacré leur vie à aider et à soigner les autres. Nous manquons à notre devoir envers eux, chers collègues.
Comme l’a déclaré le vice-président chargé des relations avec les clients de la Public Services Health and Safety Association :
Les employeurs du domaine de la santé considèrent la violence comme un problème de santé et de sécurité au travail, mais il faut la considérer comme un problème qui touche aussi les soins. On ne peut absolument pas espérer offrir des soins de qualité sans tenir compte de la sécurité des travailleurs. Assurer la sécurité des travailleurs de la santé permet d’offrir de meilleurs soins.
Nous avons l’obligation de protéger ces gens qui fournissent des services très importants à l’ensemble des Canadiens. Ils ne devraient jamais avoir à souffrir de violence ou d’intimidation dans le cadre de leur travail.
Nous devons adopter un cadre législatif qui reconnaît explicitement les attaques contre les professionnels de la santé comme des circonstances aggravantes afin d’indiquer clairement que ce genre de comportement ne sera pas toléré et sera puni avec toute la rigueur de la loi. Honorables collègues, ce n’est pas une question de politique. C’est une question de décence et de respect pour les travailleurs de première ligne de notre système de santé.
Honorables collègues, je demande à ce que ce projet de loi soit renvoyé rapidement au Comité des affaires juridiques afin que celui-ci puisse faire son travail et que nous puissions proposer un projet de loi pour protéger et soutenir les travailleurs de première ligne.
Merci, honorables collègues.
Son Honneur la Présidente : Sénateur, avez-vous une question?
L’honorable Hassan Yussuff : Oui. Je tiens à profiter de cette occasion pour féliciter le remplaçant du sénateur Housakos de l’excellent travail qu’il a fait en son nom.
Son Honneur la Présidente : Cela relève du débat.
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Plett, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)
L’étude sur les questions concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général
Adoption du vingt et unième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie et de la réponse du gouvernement
Le Sénat passe à l’étude du vingt et unième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé Agissons maintenant : des solutions pour la main-d’œuvre temporaire et migrante du Canada, déposé auprès du greffier du Sénat le 21 mai 2024.
L’honorable Ratna Omidvar propose :
Que le vingt et unième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé Agissons maintenant : des solutions pour la main-d’œuvre temporaire et migrante du Canada, qui a été déposé auprès de la greffière du Sénat le 21 mai 2024, soit adopté et que, conformément à l’article 12-23(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles.
(1810)
Honorables sénateurs, je serai brève. J’ai des notes d’allocution, mais je vais m’en écarter pour gagner du temps, car je sais que tout le monde est engagé dans une course contre la montre. Je vais plutôt vous donner un aperçu très général de nos recommandations dans l’espoir de piquer votre curiosité pour vous inciter à lire le rapport, parce que, chers collègues, je vous dis que le Comité sénatorial des affaires sociales a fait un excellent travail sur un sujet impératif et urgent, à savoir la condition des travailleurs étrangers temporaires au Canada et les conditions auxquelles sont confrontés leurs employeurs.
Au Canada, le Programme des travailleurs étrangers temporaires a été lancé il y a 50 ans et, depuis lors, on y a ajouté des éléments au coup par coup et de manière réactive, à tel point qu’il est devenu comme un labyrinthe dans lequel il est très difficile pour les employeurs de s’orienter, et relativement impossible pour les travailleurs de le faire.
Nous avons entendu un message retentissant lors des témoignages au comité et de nos déplacements au Nouveau‑Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard. Les employeurs nous ont dit que sans les travailleurs étrangers temporaires leur entreprise fermerait ses portes. C’est le cas dans des secteurs essentiels comme la transformation des produits de la mer et l’industrie agricole.
Les travailleurs nous ont dit que leurs conditions de travail, le lien avec un seul employeur, étaient une source de vulnérabilité et créaient des conditions propices aux abus. Nous avons effectivement entendu d’horribles histoires d’abus, mais je tiens à préciser aussi que nous avons rencontré des employeurs qui étaient très préoccupés par les brebis galeuses dans leurs rangs et qui voulaient eux aussi corriger la situation.
Un cas m’a, plus que tout autre, laissé une forte impression. Je crois que nous étions à l’Île-du-Prince-Édouard, dans une très petite localité. Nous avons visité une usine de transformation de fruits de mer. Je ne sais pas combien d’entre vous ont visité une usine de transformation de fruits de mer. Le sénateur Wells en a visité une. Ce n’était pas mon cas et, bien que j’adore le homard, je n’avais pas réalisé à quel point décortiquer des pinces de homard et en extraire la chair est un travail sale et difficile. Même avec des avancées technologiques, cette tâche devra en partie être effectuée par des travailleurs.
Dans cette petite municipalité, nous avons également entendu que les travailleurs avaient trouvé une voie vers la permanence parce que leur employeur était intelligent. Leurs enfants allaient à l’école. L’école avait un nouveau souffle parce qu’il y avait plus d’enfants et d’enseignants. L’église avait repris vie. L’histoire de cette petite municipalité située à proximité de Summerside — le sénateur Kutcher s’en souviendra — nous a réellement donné espoir que le Canada devrait pouvoir faire deux choses à la fois. Nous devrions pouvoir traiter les employés temporaires avec dignité et répondre aux besoins des employeurs.
Nous avons formulé six recommandations, que je vais résumer.
Notre première recommandation, qui est aussi la plus importante, est de créer une commission sur le travail des migrants, sur le modèle de la Commission de l’assurance-emploi. Celle-ci compterait un commissaire aux employeurs, un commissaire aux travailleurs migrants ainsi qu’un commissaire pour le gouvernement. Il s’agirait de la première ligne de communication directe entre les travailleurs migrants et Ottawa. Les travailleurs migrants auraient ainsi une voix à Ottawa, ce qu’ils n’ont pas à l’heure actuelle.
Nous voulions éviter d’adopter une attitude réactive; nous voulions avoir une approche réfléchie. Notre deuxième recommandation est d’éliminer progressivement les permis de travail fermés au cours des trois prochaines années parce qu’ils n’offrent aucune flexibilité. Des employeurs nous ont aussi dit que les permis de travail fermés les empêchent de déplacer un employé d’un poste à un autre, ou d’une usine dans une région à une autre qui est située ailleurs. Ces permis les empêchent d’accorder des promotions à leurs employés. Il y a un manque de marge de manœuvre.
Pour les employés, il n’y a aucune flexibilité. Ils sont liés à l’employeur. Ils peuvent téléphoner à une ligne de signalement, puis ils doivent prouver les mauvais traitements au moyen de photographies. Pour pouvoir le faire, ils ont besoin d’une connexion Internet et d’un espace à l’abri des regards — c’est très difficile d’y arriver.
Nous recommandons que le gouvernement du Canada élimine progressivement les permis de travail fermés au cours des trois prochaines années et les remplace par des permis de travail ouverts liés à un secteur ou à une région. Par exemple, un permis de travail dans la transformation des fruits de mer pour un nombre X d’employés leur permettrait de travailler au sein de cette industrie, sans être nécessairement liés à un employeur, à un emploi ou à un endroit précis.
Nous voulons également que le gouvernement fasse preuve de transparence au sujet des chiffres, et, quand il dépose son plan annuel d’immigration, il doit y avoir une rubrique pour les travailleurs étrangers temporaires. Les Canadiens méritent la transparence. Je crois que tous ces permis temporaires ont surpris les Canadiens.
Nous recommandons que le gouvernement finance, de façon généreuse et permanente, une commission sur le travail des migrants. Elle défendrait les droits des travailleurs et pourrait leur fournir des conseils juridiques, des conseils de santé et d’autres types de conseils.
Les inspections étaient un point sensible pour tout le monde. Il ne faut pas oublier qu’il y a beaucoup de chefs dans la cuisine. Il y a l’autorité fédérale, une autorité provinciale et une autorité régionale. Chacune a un régime d’inspection, et la main gauche ne sait pas ce que fait la main droite. Les employeurs sont inondés d’inspections, et cela nuit à leur productivité. Plus fondamentalement, la plupart de ces inspections sont planifiées. Je pense que nous savons à quoi cela peut mener : je dirais que cela mène à une certaine forme d’ingénierie sociale. Nous recommandons une norme selon laquelle les inspections ne sont pas planifiées.
Nous avons entendu parler d’un manque d’accès aux soins de santé, même si les employeurs sont tenus de fournir des soins de santé, que ce soit sur une base privée ou dans le cadre des programmes de soins de santé provinciaux, mais nous avons également déterminé que des gens passent à travers les mailles du filet. Nous exhortons le gouvernement fédéral à faire respecter l’accès aux soins de santé et, au besoin, à avoir recours au Programme fédéral de santé intérimaire.
Enfin, on manque de données. Il y a une pénurie de données parce qu’il y a trop de chefs dans la cuisine. Nous demandons au gouvernement fédéral de lancer une stratégie de données axée sur la coordination qui nous fournit les informations dont nous avons besoin.
Chers collègues, j’espère vous avoir donné un aperçu — très superficiel — de l’excellent travail réalisé par mon comité. Je tiens à remercier de tout cœur les membres du comité, qui sont fantastiques, de même que le personnel du comité et notre greffière, qui ont rassemblé tout cela en très peu de temps et produit un rapport auquel, nous l’espérons, le gouvernement répondra de manière très positive.
Merci.
Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
Le Sénat
Motion tendant à exhorter le gouvernement à dénoncer l’illégitimité du régime cubain—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénateur Wells,
Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à :
a)dénoncer l’illégitimité du régime cubain et à reconnaître l’opposition cubaine et la société civile en tant qu’interlocutrices;
b)exhorter le régime cubain à assurer le droit du peuple cubain à manifester pacifiquement sans possibilité de représailles et de répudiation.
L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est au 15e jour et que la sénatrice Clement n’est pas prête à prendre la parole à ce sujet. Par conséquent, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-14(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat au nom de la sénatrice Clement pour le reste de son temps de parole.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Le débat est ajourné.)
(1820)
Motion tendant à demander au gouvernement d’accélérer la mise en œuvre des solutions numériques qui transforment l’expérience des Canadiens en matière de prestation des services publics—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Deacon (Nouvelle-Écosse), appuyée par l’honorable sénateur Smith,
Que le Sénat demande au gouvernement du Canada de remplacer ses systèmes de prestation de programmes et de technologie de l’information désuets en accélérant, de toute urgence, la mise en œuvre de solutions numériques axées sur les usagers qui transforment l’expérience des Canadiens en matière de prestation des services publics et, en fin de compte, réduisent le coût de la prestation des programmes.
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je propose l’ajournement du débat pour le reste de mon temps de parole.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : Oui.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Le rôle que jouent les débats des chefs dans le renforcement de la démocratie en engageant et en informant les électeurs
Interpellation—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Dasko, attirant l’attention du Sénat sur le rôle que jouent les débats des chefs dans le renforcement de la démocratie en engageant et en informant les électeurs.
L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est au 15e jour et que la sénatrice Clement n’est pas prête à prendre la parole maintenant. Par conséquent, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-14(3), je propose l’ajournement du débat au nom de la sénatrice Clement pour le reste du temps dont elle dispose.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Le débat est ajourné.)
La violence entre partenaires intimes
Interpellation—Fin du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Boniface, attirant l’attention du Sénat sur la violence entre partenaires intimes, en particulier en milieu rural dans tout le Canada, en réponse à l’enquête du coroner menée dans le comté de Renfrew, en Ontario.
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, j’informe le Sénat que, si l’honorable sénatrice Boniface prend la parole maintenant, son intervention aura pour effet de clore le débat sur cette interpellation.
L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, cela fait 19 mois que j’ai lancé cette interpellation, et je cherche à clore le débat ce soir. Je vous remercie de votre indulgence. Si je cherche à clore cette interpellation, ce n’est pas parce que je crois que tout a été dit, mais parce que je suis convaincue que les nombreux défenseurs des victimes de violence entre partenaires intimes au Sénat poursuivront cette discussion ici et ailleurs.
Entre le moment où j’ai pris la parole pour la première fois et novembre 2023, au moins 58 femmes ont été tuées en Ontario dans des cas de violence entre partenaires intimes. Cela confirme la trajectoire ascendante de la violence entre partenaires intimes au cours des quatre dernières années et son niveau moyen est plus élevé qu’avant la pandémie.
Je tiens à exprimer mes remerciements et ma gratitude aux personnes qui ont contribué par leurs remarques à cette interpellation. Les sénateurs Hartling, Boyer, Seidman, Coyle, Bernard, Pate et Cotter ont tous fourni des données pertinentes et parfois choquantes sur le sujet. Je suis reconnaissante à chacun d’entre vous pour l’expertise que vous avez apportée à la discussion.
La situation de la violence entre partenaires intimes a beaucoup évolué depuis ma première intervention sur la question en octobre 2022. Tout n’a pas été positif, mais beaucoup de choses l’ont été. Au niveau fédéral, le gouvernement du Canada a publié le Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le genre en novembre 2022. Ce plan était en cours d’élaboration depuis 2017, et d’après Crystal Garrett-Baird, directrice générale responsable de la lutte contre la violence fondée sur le sexe à Femmes et Égalité des genres Canada, le plan :
[...] s’appuie sur plus de 1 000 recommandations et répond directement à des années d’appels de personnes survivantes, de personnes expertes, d’activistes qui défendent cette cause, ainsi que d’organismes nationaux et internationaux, pour que le Canada prenne des mesures davantage énergiques afin de mettre fin à la violence fondée sur le sexe, y compris la violence entre partenaires intimes.
Cette information a récemment été communiquée au Comité des affaires sociales du Sénat pendant l’étude du projet de loi S-249, qui est le projet de loi du sénateur Manning visant à créer une stratégie nationale pour la prévention de la violence entre partenaires intimes. Comme nous le savons, le sénateur Manning a consacré des années à cette question, et nous le remercions tous pour son dévouement.
Par ailleurs, la députée Laurel Collins a déposé un projet de loi qui en est actuellement à l’étape du rapport à la Chambre des communes et qui vise à criminaliser le comportement coercitif et contrôlant d’un partenaire intime. Ce projet de loi répond à la recommandation no 85 de l’enquête du coroner menée dans le comté de Renfrew visant à créer une infraction distincte pour ce type de comportement.
D’autres initiatives ont été prises par notre ancien collègue, le sénateur Boisvenu. Nous avons aussi adopté un projet de loi parrainé ici au Sénat par le sénateur Dalphond. Ce projet de loi prévoyait l’inclusion d’un dispositif de surveillance comme condition d’une ordonnance de remise en liberté après une inculpation, ainsi qu’une formation des juges sur les questions liées à ce sujet.
Honorables sénateurs, il semble même que notre propre administration sort de l’ombre sur cette question. Le menu déroulant qui s’affiche quand un employé crée une demande de congé dans Unit4 inclut maintenant la violence familiale parmi les choix de motif. Au cours de toutes les années où j’ai travaillé dans diverses organisations, c’est la première fois que je vois une telle chose. Nous sommes sur la bonne voie.
En ce qui concerne les développements provinciaux, le rapport initial et le rapport final en réponse à l’enquête du coroner sur le triple homicide dans le comté de Renfrew — qui a donné son nom à l’enquête — ont été rendus publics. Je suis optimiste après avoir lu les réponses, mais la province aurait pu — et aurait dû — aller plus loin pour beaucoup des recommandations. Ces recommandations dont j’ai parlé pendant mon premier discours ont été partiellement acceptées par la province. Elles visent notamment à créer un fonds d’urgence, à établir un financement stable, à offrir des maisons de seconde étape ainsi qu’à fournir une éducation et une formation professionnelles au personnel du système de justice sur les questions liées à la violence entre partenaires intimes, qui devraient inclure les facteurs uniques aux régions rurales.
La seule recommandation qui a été complètement acceptée portait sur le service cellulaire et Internet. L’Ontario affirme avoir un plan pour mettre en œuvre un service cellulaire et Internet haute vitesse dans les régions rurales et éloignées d’ici la fin de 2025. Il s’agit d’une victoire pour les victimes étant donné que la capacité de communiquer de manière fiable est essentielle.
La première recommandation de l’enquête du coroner était de déclarer officiellement que la violence conjugale est une épidémie. Dans sa réponse finale à l’enquête, l’Ontario a rejeté cette recommandation, soutenant que cet emploi du terme « épidémie » ne correspond pas à l’usage technique du mot, à savoir la propagation d’une infection transmissible ou d’une maladie contagieuse. Le fait que ce soit la première recommandation du coroner est important, et il est préoccupant que l’Ontario l’ait rejeté dans sa réponse finale à l’époque.
Depuis, le gouvernement de l’Ontario soutient publiquement un projet de loi provincial du NPD visant à qualifier la violence entre partenaires intimes d’épidémie à l’échelle provinciale. Cette volte-face frappante de l’Ontario est tout à fait bienvenue, même si c’est une réaction tardive, et nous pouvons seulement espérer que le gouvernement appuiera le projet de loi jusqu’à son adoption.
Cette décision fait suite aux appels lancés par près de 100 municipalités de la province, qui ont présenté et adopté des motions déclarant que la violence entre partenaires intimes est une épidémie. Ce sont nos municipalités qui ouvrent la voie. Je suis fière de dire que ma ville, Orillia, s’est tout récemment ajoutée à la liste. D’autres ont fait de même, y compris des villes aussi grandes que Toronto et aussi petites que Perth. Notre capitale l’a fait en mars 2023, à l’occasion de la Journée internationale des femmes.
S’il y a des raisons d’être optimiste, il y a aussi des histoires qui incitent à la réticence et à la réflexion. À l’occasion du quatrième anniversaire de la fusillade en Nouvelle-Écosse, le ministre de la Justice de la province avait déclaré qu’il ne pensait pas que la violence entre partenaires intimes constituait une épidémie. Je rappelle à mes collègues qu’une bonne partie du rapport final de la Commission des pertes massives traite de la violence entre partenaires intimes et fait même référence à l’enquête du comté de Renfrew. Le rapport de la Commission des pertes massives a également exhorté tous les ordres de gouvernement à déclarer que la violence entre partenaires intimes constitue une épidémie.
Le ministre de la Justice de la Nouvelle-Écosse a dû démissionner à la suite d’appels lancés par les partis de l’opposition et les organisations de femmes. Cela nous rappelle que, malgré les progrès réalisés dans ce domaine, les vieilles idées ont la vie dure. Cela nous rappelle également que cette question reste largement dans l’ombre et que de nombreuses victimes préfèrent garder le silence.
J’aimerais vous parler d’une affaire à laquelle j’ai travaillé lorsque j’étais au bureau du procureur de la Couronne. Cette affaire est gravée dans ma mémoire — c’était il y a 40 ans.
Une jeune femme d’une trentaine d’années avait tellement peur de son partenaire qu’elle avait fait rédiger un testament pour s’assurer que ses enfants seraient pris en charge lorsqu’il finirait par la tuer. Elle a été poignardée à plusieurs reprises.
Le premier intervenant sur les lieux était un ambulancier. Dans son témoignage au tribunal, il a dit avoir vu au bout du couloir un homme qui portait un long manteau et des espadrilles rouges. Honorables sénateurs, il ne s’agissait pas d’espadrilles rouges. Cela restera à jamais gravé dans ma mémoire en tant que membre de l’équipe de la Couronne qui n’a fait qu’écouter les témoignages, mais cela restera aussi à jamais gravé dans la mémoire de cette famille et dans celle des premiers intervenants. C’est une question que nous devons prendre au sérieux.
Il n’y a pas si longtemps, on était seulement en 1982, l’année de la création de la Charte canadienne des droits et libertés, la députée Margaret Mitchell a pris la parole à la Chambre des communes et a informé les députés qu’un homme sur dix battait régulièrement son épouse. Tous ceux d’entre nous qui ont un certain âge se souviendront de la réaction des députés, ils ont ri. Nos collègues ont ri de voir la violence entre partenaires intimes être reconnue à l’époque.
Quarante ans plus tard, nous constatons enfin un changement durable dans les annonces. C’est très différent de la situation à l’époque, mais la lutte n’est pas terminée. Comme le sénateur Cotter l’a dit récemment, nous avons besoin qu’un plus grand nombre d’hommes agissent pour s’attaquer au problème. Nous le devons à toutes les victimes et aux familles aux prises avec la violence entre partenaires intimes afin de continuer à réaliser des progrès. Nous ne pouvons pas abandonner à leur sort les personnes habitant des régions rurales, car ce sont les personnes les plus vulnérables, les plus profondément touchées par ce fléau et les plus à risque d’en devenir les victimes.
(1830)
Je termine en rendant hommage à Carol Culleton, à Anastasia Kuzyk, et à Nathalie Warmerdam, les victimes mentionnées dans l’enquête menée par le comté de Renfrew. Leurs meurtres ont motivé la présente interpellation. Je vous remercie. Meegwetch.
Des voix : Bravo!
(Le débat est terminé.)
(À 18 h 32, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 4 juin 2024, à 14 heures.)