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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 207

Le mardi 4 juin 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mardi 4 juin 2024

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Mois de sensibilisation à la surdi-cécité

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner le début du Mois de sensibilisation à la surdi-cécité, en juin.

Partout au Canada, les personnes atteintes de surdi-cécité et celles qui s’occupent d’elles sont appelées à surmonter d’immenses difficultés. Néanmoins, elles incarnent la résilience, la force et la détermination. Ces Canadiens extraordinaires naviguent dans le monde, déterminés à ne pas laisser leur handicap les empêcher de mener une vie productive et enrichissante.

Je tiens à remercier notre ancien collègue l’honorable Vim Kochhar, qui m’a inspirée, ainsi que beaucoup d’autres, par son engagement infatigable pendant des décennies à titre de champion de la communauté des sourds-aveugles. Grâce à ses encouragements, j’ai eu l’honneur, en 2015, de déposer une motion visant à désigner le mois de juin Mois de la sensibilisation à la surdi-cécité, que le Sénat du Canada a adoptée à l’unanimité. Cette motion a été rendue possible grâce au soutien de nos anciens collègues les honorables sénateurs Jim Munson, Joan Fraser et Asha Seth.

De nombreux organismes s’efforcent de soutenir et d’autonomiser la communauté des sourds-aveugles en s’inspirant des efforts pionniers de la célèbre Helen Keller. Helen Keller est mondialement connue comme l’une des femmes les plus héroïques ayant jamais vécu avec la surdi-cécité. Elle est un modèle pour toutes les personnes atteintes de surdi-cécité et a su montrer au monde leur vaste potentiel. Sa vie témoigne du fait que chacun, quels que soient son identité, les défis qu’il doit surmonter ou ses origines, peut avoir une influence sur le monde.

Tout comme Helen Keller avait besoin de son enseignante et mentore, Anne Sullivan, pour entreprendre son parcours inspirant, les personnes atteintes de surdi-cécité ont besoin de guides pour les aider à mener une vie enrichissante. Je tiens donc à remercier l’ensemble des intervenants, des fournisseurs de services, des bénévoles et des amis de la communauté des Canadiens atteints de surdi-cécité qui offrent une aide précieuse.

Pour souligner le Mois de sensibilisation à la surdi-cécité, la sénatrice Michèle Audette, le sénateur Brent Cotter, la sénatrice Gigi Osler et moi organiserons la réception annuelle du Mois de sensibilisation à la surdi-cécité, qui aura lieu le jeudi 6 juin, dans la salle 180 de l’édifice du 1, rue Wellington. Honorables collègues, nous vous invitons à vous joindre à nous pour rencontrer des consommateurs, des intervenants et des travailleurs de soutien exceptionnels de la communauté des personnes atteintes de surdi‑cécité.

Souligner le Mois de sensibilisation à la surdi-cécité n’est qu’un début. Ensemble, nous pouvons bâtir un monde où les personnes atteintes de surdi-cécité ne sont pas seulement vues et entendues, mais aussi pleinement intégrées.

« Seuls, nous pouvons faire très peu; ensemble, nous pouvons faire beaucoup. »

Merci.

L’arrivée des familles Tiessen et Harder au Canada

Le centième anniversaire

L’honorable Peter Harder : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à mes grands-parents : Peter et Elizabeth Tiessen et le révérend Abram Harder et Anna Harder.

Mes collègues se souviendront peut-être que, en mai 2019, j’ai pris la parole à l’occasion du centenaire du décret visant à empêcher mes grands-parents, mes parents, leurs frères et sœurs et des milliers d’autres mennonites qui avaient présenté une demande pour venir au Canada de quitter l’Union soviétique. Selon le libellé du décret : « Ces gens ne pourront probablement pas s’assimiler aisément ou assumer les devoirs liés à la citoyenneté canadienne [...] »

En juin 2022, j’ai pris la parole à l’occasion du centenaire d’un événement bien plus heureux : lorsqu’un gouvernement nouvellement élu au Canada a annulé ce décret. En conséquence, quelque 20 000 personnes — un sixième de la population russe mennonite — ont pu quitter l’Union soviétique en direction du Canada dans ce qu’on a appelé l’exode mennonite. Aujourd’hui, je prends la parole pour célébrer ce centenaire.

Il y a 100 ans ce mois-ci, la famille Tiessen, puis la famille Harder ont quitté la station de train de Lichtenau avec tous leurs biens. Le train comptait plus de 50 wagons de marchandises, et bien plus de 20 personnes s’entassaient dans chacun d’entre eux. Toutes venaient des mêmes villages. C’était un départ mémorable.

Lorsque le dernier wagon a passé le fameux « rideau de fer » à la frontière de l’Union soviétique, les passagers ont tous entonné d’une seule voix la chanson « Now Thank We All Our God » dans une harmonie à quatre.

La famille Harder a quitté Southampton et traversé l’océan Atlantique à bord du SS Empress of France. En remontant le fleuve Saint-Laurent, mon grand-père Harder a écrit ce qui suit dans son journal :

Enfin, mes années d’espoir et de rêve sont sur le point de se réaliser. Encore quelques heures de navigation et nous toucherons le sol canadien au Québec. Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. J’ai 45 ans et je m’écrie en citant les mots du Psalmiste : « Je marcherai au large, car je recherche tes ordonnances (Psaumes 119:45). » Le jour de ma naissance, ma mère m’a déposé dans un berceau à Kleefeld, dans la province de Taurien, en Russie. Aujourd’hui, les vagues du destin me bercent doucement jusqu’aux rivages de l’Amérique [du Nord]. Où vais-je trouver un foyer pour moi et ma famille nombreuse? Où trouverons-nous un foyer pour nos activités quotidiennes? Combien de jours me reste-t-il à vivre dans ce pays étranger? Avec des sentiments et des émotions contradictoires, mais avec la conviction profonde que j’ai fait le bon choix, je m’écrie : « Mon Dieu, mon espoir est en vous. »

Maintenant, 100 ans plus tard, le plus jeune de ses petits-enfants peut intervenir dans cette enceinte pour exprimer la reconnaissance de ses descendants, le remercier et lui dire qu’il a effectivement fait le bon choix.

Comme dans le cas de toutes les histoires d’immigration et de migration, cela n’aurait pas été possible sans le soutien de coreligionnaires au Canada qui ont fait pression sur le gouvernement du Canada pour qu’il autorise cette migration et qui ont négocié un « prêt de voyage » considérable auprès du chemin de fer Canadien Pacifique pour payer les frais de voyage, ni sans les nombreuses familles mennonites — d’abord à Kitchener-Waterloo, puis au Manitoba — qui ont accueilli dans leur foyer mes familles Tiessen et Harder. Au mois d’août, les petits-enfants et arrière-petits-enfants et arrière-arrière-petits-enfants d’Abram et Anna Harder se rassembleront à Vineland, en Ontario, pour échanger leurs récits et exprimer leur reconnaissance.

Je prends la parole pour nous inviter tous à redoubler d’efforts pour faire du Canada un symbole permanent de protection des réfugiés, une terre d’accueil pour les immigrants, une célébration du pluralisme et un rempart contre les mensonges et d’autres formes de discrimination raciale ou religieuse.

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Oleksandra Matviichuk, présidente du Centre pour les libertés civiles de l’Ukraine, colauréate du prix Nobel de la paix de 2022. Elle est l’invitée de l’honorable sénateur Kutcher.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les enfants dans les zones de conflit

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, comme l’a déclaré la directrice générale de l’UNICEF, Catherine Russell : « Toute guerre est en fin de compte une guerre contre les enfants. » Ou, comme les personnes de ma génération dans cette enceinte s’en souviendront : « La guerre n’est pas bonne pour les enfants et les autres êtres vivants. »

Actuellement, plus de 100 conflits armés font rage dans le monde et placent les enfants directement dans la ligne de mire. Ces enfants n’ont pas eu leur mot à dire dans les machinations de dirigeants perdus dans leurs illusions ni dans le déchaînement d’armes qui crachent la mort. Ces enfants se sont fait voler leur enfance. Des enfants sont morts, ont été blessés physiquement et psychologiquement, ont perdu un de leurs parents ou un proche ou ont été enlevés et contraints de laisser derrière eux tout ce qui leur était précieux et cher.

(1410)

Chers collègues, pour l’amour de Dieu, ces enfants auraient pu être les nôtres. Ils auraient pu être nos petits-enfants. D’une certaine façon, tous les enfants sont nos enfants ou nos petits-enfants, et ce n’est pas l’existence que nous voulons pour eux. La guerre génocidaire russe menée contre l’Ukraine n’est qu’un exemple des horreurs que la guerre fait subir aux innocents. En Ukraine, environ 7 millions d’enfants sont touchés directement ou indirectement par les horreurs de la guerre. Des milliers d’entre eux ont été déportés ou déplacés de force. Ils ont disparu ou sont devenus victimes de violence sexuelle; ils ont été blessés ou tués.

Honorables sénateurs, nous sommes tous des êtres humains et avons donc tous la responsabilité de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour préserver nos enfants des horreurs de la guerre maintenant et à l’avenir.

Aujourd’hui, nous recevons la visite d’une leader qui a consacré sa carrière à la justice et à la mise en lumière les atrocités de cette agression. Oleksandra Matviïchouk documente les crimes de guerre russes en Ukraine depuis plus de 10 ans et, grâce au travail du Centre pour les libertés civiles, a reçu le prix Nobel de la paix en 2022. Elle est en visite au Canada avec l’appui de la Fondation Canada-Ukraine pour nous rappeler directement les conséquences de la guerre génocidaire de la Russie sur les enfants ukrainiens.

Irpine, Boutcha, Marioupol et maintenant Kharkiv, pour ne nommer que ceux-là, sont des endroits qui resteront dans l’infamie. Leurs enfants ont payé un prix insondable simplement parce qu’ils vivent en Ukraine; tout cela à cause des illusions d’un autocrate hostile et impérialiste et, malheureusement, du manque de détermination des nations occidentales à intervenir rapidement et correctement pour protéger ces enfants.

Le Sénat peut faire quelque chose pour remédier à cette situation. Nous devons continuer à accroître notre soutien à l’Ukraine afin qu’elle puisse rapidement vaincre la Russie. Nous devons prendre d’autres engagements en faveur de la guérison et de la rééducation des enfants qui porteront les cicatrices de ce conflit pendant toute leur vie et dans les générations à venir. Nous devons agir avec plus de rapidité et de détermination.

Chers collègues, comme je l’ai dit, ces enfants sont nos enfants. Qu’allons-nous faire pour assurer la sécurité de nos enfants? Qu’allons-nous faire pour donner à nos enfants l’enfance dont ils ont besoin?

Merci. D’akuju.

Des voix : Bravo!

Le décès de Jon Brosi James Nutting

L’honorable David M. Arnot : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage au regretté Jon Brosi James Nutting, un mari, un père et un ami bien-aimé et une figure de proue du milieu juridique canadien.

Brosi, comme on l’appelait, a été qualifié d’avocat des avocats, ainsi que de juge des juges, et ce, parce qu’il plaidait des affaires devant la Cour suprême du Canada. En outre, en tant que juge en chef, il disait toujours qu’il n’était que le premier parmi ses pairs. Il a mis cette théorie en pratique comme aucun autre juge en chef que j’ai rencontré. Comme l’a dit mon ami Gerry Seniuk, également ancien juge en chef, à propos de Brosi :

Il existe une expression latine dans le domaine du droit pour décrire une force comme Brosi Nutting : sui generis, qui signifie sans pareil, singulier, dans une catégorie à part, et c’est certainement ce qu’était Brosi.

Il était un mentor, un ami et une source de conseils avisés pour beaucoup de gens. Il insistait pour que je comprenne les gens et les collectivités qui se présentaient devant moi. Ce conseil a façonné les deux décennies suivantes de ma vie. À l’époque, j’ai demandé à Brosi pourquoi il approuvait mes détachements d’une cour provinciale souvent en manque d’effectif. Il m’a regardé droit dans les yeux et m’a immédiatement dit : « Arnot, c’est parce que tu es comme Wayne Gretzky : aucun de vous deux ne devrait rester sur le banc. »

Honorables collègues, mon cœur lourd trouve du réconfort dans ces souvenirs et à la pensée de son sens de l’humour enjoué. Il était un ardent défenseur de l’indépendance judiciaire et un leader intrépide dans une bataille échelonnée sur plusieurs décennies pour faire reconnaître l’indépendance des tribunaux provinciaux au Canada. Cette indépendance a finalement été reconnue par la Cour suprême du Canada en 1996, dans le Renvoi relatif aux juges de la Cour provinciale. L’engagement de Brosi à défendre les valeurs démocratiques et la primauté du droit continuera de trouver un écho chez les gens, les communautés et les tribunaux qu’il avait à cœur. C’était un homme de principe à la foi inébranlable.

À Noëlla, son épouse et âme sœur, et à sa famille, qu’il aimait profondément : je partage votre chagrin pour la perte de Jon Brosi Nutting. Il était vraiment unique en son genre. Avec vous, je célèbre toutes les réalisations de Brosi dans nos vies, en Saskatchewan et au Canada.

Merci.

Des voix : Bravo!

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du Dr Jeff Steeves, ancien président de la Société médicale du Nouveau-Brunswick. Il est l’invité de l’honorable sénateur Quinn.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Mois de la fierté

L’honorable Flordeliz (Gigi) Osler : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour vous souhaiter à tous un joyeux Mois de la fierté. Permettez-moi de vous expliquer comment nous célébrons la fierté à Winnipeg, une ville dynamique et inclusive.

Le festival de la fierté de Winnipeg de 2024, une célébration qui s’étend sur 10 jours, vient prendre fin. Il s’agit de l’un des plus importants festivals de la fierté gaie du centre du Canada. Le festival est marqué par des événements qui mettent en valeur la communauté 2ELGBTQIA+. Le festival a commencé par une levée du drapeau arc-en-ciel à l’hôtel de ville. Ensuite, il y a eu une vigile en soirée pour rendre hommage aux personnes qui ont perdu la vie à cause de crimes haineux et à celles qui ont travaillé d’arrache-pied pour défendre les droits de la communauté 2ELGBTQIA+.

Un rassemblement de la fierté a eu lieu à l’édifice de l’Assemblée législative du Manitoba, suivi d’un défilé énergisant. Cette année, plus de 6 000 personnes ont marché dans le centre-ville de Winnipeg, et des milliers d’autres ont occupé les trottoirs pour les regarder et les applaudir. La fête a culminé à La Fourche, un lieu historique national situé à la jonction de la rivière Rouge et de la rivière Assiniboine, avec des spectacles et des vendeurs qui mettaient en valeur la diversité de la collectivité.

En fin de semaine, j’ai eu l’honneur de participer au défilé de la fierté avec Bahaghari Pride Manitoba, un organisme fondé pour promouvoir l’apprentissage et la compréhension de l’histoire, de la culture et des histoires de la communauté queer philippinx, et l’établissement de liens avec celle-ci. Bahaghari est un mot tagalog qui signifie « arc-en-ciel ». Ce groupe célèbre deux occasions spéciales, le mois de juin étant aussi le Mois du patrimoine philippin.

Les célébrations de la Fierté ont beaucoup évolué au fil des ans au Manitoba. En 1987, à la suite de l’incorporation des droits des 2ELGBTQIA+ dans le Code des droits de la personne du Manitoba, Winnipeg a organisé son premier défilé de la fierté, auquel ont participé 250 personnes, dont beaucoup portaient des sacs en papier sur la tête pour protéger leur identité. En 1990, le terme « bispirituel » a été inventé par l’aînée Myra Laramee lors de la conférence intertribale des Autochtones et membres des Premières Nations gais et lesbiennes qui s’est tenue à Winnipeg. Ce terme est devenu important pour reconnaître l’identité unique des personnes bispirituelles autochtones.

Le thème de Fierté Winnipeg 2024, « Transcendons ensemble », plaide pour la protection des droits des personnes transgenres et célèbre la diversité des identités.

Le courage des personnes qui ont participé au premier défilé de la fierté de Winnipeg en 1987 a jeté les bases des célébrations inclusives dont nous profitons aujourd’hui. Célébrons la fierté dans un esprit de solidarité et de respect, en reconnaissant les progrès accomplis et le travail qu’il reste à faire pour mettre fin à la discrimination, à la violence et aux obstacles auxquels est confrontée la communauté 2ELGBTQIA+.

Chers collègues, j’ai hâte de savoir comment on célèbre la fierté dans vos provinces.

Merci, meegwetch et bonne célébration de la fierté!

(1420)

Des voix : Bravo!

L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, je souhaite aujourd’hui me joindre à d’autres collègues pour célébrer le mois de juin, le Mois de la fierté.

La dernière fois que j’ai pris la parole sur ce sujet, c’était malheureusement l’année dernière, à la suite des attaques au couteau ciblées à l’Université de Waterloo. Hier, devant le tribunal, l’accusé a plaidé coupable de tous les chefs d’accusation. Cette tragédie montre qu’il y a encore du travail à faire. Nous devons encore souligner le Mois de la fierté et ce qu’il représente, et, en tant que dirigeants, apporter notre soutien public continu et notre acceptation.

Pour moi, cette communauté a des racines à la maison. Notre fille, Kailee, nous a dévoilé son orientation sexuelle en 2009. Cela n’a pas été facile. Nous avons été surpris, mais notre amour et notre soutien ont prédominé, et ils prédomineront toujours. Pour ma déclaration d’aujourd’hui, j’ai demandé à Kailee de raconter ce que le Mois de la fierté représente pour elle.

Kailee a écrit ceci :

Lorsque j’ai dévoilé mon orientation sexuelle en 2009, à l’âge de 20 ans, le Mois de la fierté signifiait que je pouvais enfin me considérer comme les autres et célébrer sans aucune honte avec mes amies qui exploraient également ce nouveau monde des rencontres avec d’autres femmes. C’était excitant et nouveau. Nous faisions partie de cette communauté, ensemble. L’événement WorldPride qui s’est tenu à Toronto en 2014 fait partie de mes meilleurs souvenirs de célébration de ce que cela signifie d’être réellement moi-même.

Depuis, je m’entoure d’une communauté dans laquelle je dois rarement penser au fait d’être homosexuelle. Je suis fière d’être enseignante, et je peux faire preuve d’une complète transparence avec mes élèves et leurs parents. Je suis une entraîneure passionnée et je n’hésite pas, à chaque début de saison, à mentionner mon homosexualité aux athlètes de mon équipe et à leur famille. J’ai la chance d’être moi-même chaque jour et de me sentir en sécurité. Je sais que c’est une immense chance.

Aujourd’hui, je vois le Mois de la fierté comme l’occasion d’accroître la visibilité de notre identité et de la célébrer, pour les jeunes avec qui je travaille et les enfants qui se posent des questions et qui n’ont pas le soutien de leur famille ni celui de nombreuses collectivités au pays. Ce mois est aussi l’occasion de voir les grandes entreprises s’efforcer de représenter les Canadiens dans toute leur diversité et de voir défiler des gens du gouvernement, des olympiens, des paralympiens, des célébrités, et des membres de la communauté. C’est l’occasion pour les jeunes queers de se reconnaître dans d’autres personnes.

Je suis convaincue que le Mois de la fierté continue de sauver des vies. Vive juin, le plus beau mois de l’année!

Honorables sénateurs, je ne pourrais pas mieux l’exprimer. J’ai participé à des défilés de la fierté partout au Canada. Je trouve que les paroles de ma fille Kailee sont profondes. Merci, Kailee, nous t’aimons. Ton père, ta sœur et moi t’aimerons toujours et nous continuerons d’être à l’écoute d’une multitude de gens et d’être leurs alliés.

Merci, meegwetch.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La vérificatrice générale

Dépôt des rapports de juin 2024

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports de juin 2024 de la vérificatrice générale du Canada au Parlement du Canada, conformément à la Loi sur le vérificateur général, L.R.C. 1985, ch. A-17,par. 7(5).

[Traduction]

Projet de loi sur le réseau de digues de l’isthme de Chignecto

Présentation du neuvième rapport du Comité des transports et des communications

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui porte sur le projet de loi S-273, Loi déclarant le réseau de digues de l’isthme de Chignecto et ses ouvrages connexes comme étant des ouvrages à l’avantage général du Canada.

Un greffier au Bureau : Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a l’honneur de présenter son

NEUVIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-273, Loi déclarant le réseau de digues de l’isthme de Chignecto et ses ouvrages connexes comme étant des ouvrages à l’avantage général du Canada, a, conformément à l’ordre de renvoi du 17 avril 2024, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec les modifications suivantes :

1.Article 2,page 2 :

a)Ajouter, après la ligne 8, ce qui suit :

« corps dirigeant autochtone —

Son Honneur la Présidente : Suffit?

Des voix : Suffit!

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Non, je veux l’entendre.

Un greffier au Bureau : — Conseil, gouvernement ou autre entité autorisé à agir pour le compte d’un groupe, d’une collectivité ou d’un peuple autochtones titulaires de droits reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. (Indigenous governing body) »;

b)remplacer la ligne 11 par ce qui suit :

« ministre Le ministre de l’Infrastructure et »;

c)ajouter, après la ligne 12, ce qui suit :

« organisation autochtone Corps dirigeant autochtone ou toute autre entité qui représente les intérêts d’un groupe autochtone et de ses membres. (Indigenous organization) »;

d)remplacer la ligne 20 par ce qui suit :

« lées la société de personnes, la coentreprise, le corps dirigeant autochtone et l’organisation autochtone. (person)

peuples autochtones S’entend au sens de peuples autochtones du Canada au paragraphe 35(2) de la Loi constitutionnelle de 1982. (Indigenous peoples) ».

2.Nouvel article 2.1,page 2 : Ajouter, après la ligne 28, ce qui suit :

« 2.1 Il est entendu que la présente loi maintient les droits — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982; elle n’y porte pas atteinte. ».

3.Article 7,page 3 : Remplacer les lignes 31 et 32 par ce qui suit :

« 7 (1) En cas d’urgence, le gouverneur en conseil peut, par décret et aux conditions qu’il estime être dans l’intérêt de la protection de l’environnement ou dans l’intérêt de la santé ou de la sécurité publiques, exemp- ».

4.Supprimer l’article 8, page 4.

5.Nouvel article 9,page 4 : Ajouter, après la ligne 16, ce qui suit :

« Disposition de coordination

9 En cas de sanction du projet de loi S-13, déposé au cours de la 1re session de la 44e législature et intitulé Loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois, dès le premier jour où la présente loi et l’article 1 de l’autre loi sont tous deux en vigueur, l’article 2.1 de la présente loi est abrogé. ».

Respectueusement soumis,

Le président,

LEO HOUSAKOS

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Housakos, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2024

Dépôt du quatrième rapport du Comité des langues officielles sur la teneur du projet de loi

L’honorable René Cormier : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles, qui porte sur la teneur du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.

(Conformément à l’ordre adopté le 9 mai 2024, le rapport est renvoyé d’office au Comité sénatorial permanent des finances nationales et l’étude de ce rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Dépôt du neuvième rapport du Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants sur la teneur du projet de loi

L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le neuvième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, qui porte sur la teneur du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.

(Conformément à l’ordre adopté le 9 mai 2024, le rapport est renvoyé d’office au Comité sénatorial permanent des finances nationales et l’étude de ce rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(1430)

Le Sénat

Préavis de motion concernant les séances des 5, 12, 17 et 19 juin 2024

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre adopté par le Sénat le 21 septembre 2022, les séances des mercredis 5, 12 et 19 juin 2024 continuent au-delà de 16 heures, si les affaires du gouvernement ne sont pas encore terminées, et soient levées à la fin des affaires du gouvernement ou à minuit, selon la première éventualité;

Que les comités qui étudient des affaires du gouvernement soient autorisés, nonobstant l’article 12-18(1) du Règlement, à siéger aux dates indiquées ci-dessus même si le Sénat siège à ce moment-là;

Que, lorsque le Sénat siégera le lundi 17 juin 2024, la séance soit levée à minuit ou à la fin des affaires du gouvernement, selon la première éventualité.

Préavis de motion tendant à ce que les comités ne se réunissent que pour les affaires du gouvernement jusqu’à la fin de juin 2024

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, à compter du lendemain après l’adoption de cette motion jusqu’à la fin de juin 2024, les comités du Sénat, autres que le Comité permanent de l’audit et de la surveillance, le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, et le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, ne se réunissent que pour les affaires du gouvernement.

Projet de loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère

Préavis de motion tendant à autoriser le Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants à étudier la teneur du projet de loi

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants soit autorisé à examiner la teneur du projet de loi C-70, Loi concernant la lutte contre l’ingérence étrangère, déposé à la Chambre des communes le 6 mai 2024, avant que ce projet de loi ne soit présenté au Sénat;

Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir, même si le Sénat siège à ce moment-là ou est alors ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.

Le Sénat

Préavis de motion tendant à inscrire le projet de loi C-69 et les projets de loi de crédits à l’ordre du jour

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement :

1.relativement au projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024, si le Sénat reçoit un message de la Chambre des communes avec ce projet de loi avant ou au cours de la séance du 17 juin 2024, le projet de loi soit inscrit à l’ordre du jour pour une deuxième lecture à la prochaine séance;

2.relativement à tout projet de loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2025, si le Sénat reçoit tout message de la Chambre des communes avec un tel projet de loi avant ou au cours de la séance du 18 juin 2024, le projet de loi soit inscrit à l’ordre du jour pour une deuxième lecture à la prochaine séance;

3.si un message relatif à l’un des projets de loi susmentionnés est reçu après la date pertinente susmentionnée, le projet de loi soit inscrit à l’ordre du jour pour une deuxième lecture plus tard au cours de cette séance, à condition que si le message est reçu après le moment où le Sénat aurait normalement traité du projet de loi à l’étape de la deuxième lecture, le projet de loi soit pris en considération à l’étape de la deuxième lecture immédiatement, ou, si une autre affaire est à l’étude au moment où le message est lu, le projet de loi soit inscrit à l’ordre du jour pour une deuxième lecture en tant que l’affaire suivante.

[Français]

Projet de loi sur l’assurance médicaments

Première lecture

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2024

Préavis de motion tendant à envoyer un message aux Communes afin de supprimer la section 39 de la partie 4

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Qu’un message soit envoyé à la Chambre des communes pour l’inviter à envisager de supprimer la section 39, Postes d’attente, de la partie 4 du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.

[Français]

Énergie, environnement et ressources naturelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Josée Verner : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à se réunir le mardi 4 juin 2024, à 19 h 30, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 7 décembre 2021, la période des questions commencera à 16 h aujourd’hui.

Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton

L’agriculture et l’agroalimentaire—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Agriculture et Agroalimentaire Canada (y compris l’Agence canadienne du pari mutuel), la Commission canadienne des grains et le Conseil des produits agricoles du Canada.

L’Agence de promotion économique du Canada atlantique—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Agence de promotion économique du Canada atlantique.

L’Agence canadienne de développement économique du Nord—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Agence canadienne de développement économique du Nord.

Le revenu national—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Agence du revenu du Canada.

L’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Développement économique Canada pour les régions du Québec.

Les pêches, les océans et la Garde côtière canadienne—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Pêches et Océans Canada, y compris la Garde côtière canadienne.

Les services aux Autochtones—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Services aux Autochtones Canada, y compris Pétrole et gaz des Indiens du Canada.

La défense nationale—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Défense nationale, le Centre de la sécurité des télécommunications, le Comité externe d’examen des griefs militaires, la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire et l’Ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes.

L’environnement et le changement climatique—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Environnement et Changement climatique Canada, l’Agence d’évaluation d’impact du Canada et Parcs Canada.

L’emploi, le développement de la main d’œuvre et les langues officielles—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Emploi et Développement social Canada, Normes d’accessibilité Canada et le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail.

L’Agence fédérale de développement économique pour le Sud de l’Ontario—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Agence fédérale de développement économique pour le Sud de l’Ontario.

L’Agence fédérale de développement économique pour le Nord de l’Ontario—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Agence fédérale de développement économique pour le Nord de l’Ontario.

Les finances—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Ministère des Finances Canada et le Bureau du surintendant des institutions financières.

La promotion des exportations, le commerce international et le développement économique—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Affaires mondiales Canada et Investir au Canada.

La santé—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Santé Canada, l’Agence de la santé publique du Canada, l’Agence Canadienne d’inspection des aliments, les Instituts de recherche en santé du Canada et le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés.

Les relations Couronne-Autochtones—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Relations Couronne‑Autochtones et Affaires du Nord Canada.

Le logement, l’infrastructure et les collectivités—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Infrastructure Canada.

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada.

L’innovation, les sciences et l’industrie—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Innovation, Sciences et Développement économique Canada, y compris les organismes de services spéciaux, la Commission du droit d’auteur du Canada, l’Agence spatiale canadienne, le Conseil national de recherches Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et Statistique Canada.

La justice et le procureur général—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Ministère de la Justice, la Commission canadienne des droits de la personne et le Service canadien d’appui aux tribunaux administratifs.

L’énergie et les ressources naturelles—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Ressources naturelles Canada, la Régie de l’énergie du Canada, la Commission canadienne de sûreté nucléaire et l’Administration du pipe-line du Nord.

L’Agence du développement économique du Pacifique—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Développement économique Canada pour le Pacifique.

Le patrimoine canadien—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Patrimoine canadien, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, Bibliothèque et Archives Canada, la Commission des champs de bataille nationaux et l’Office national du film du Canada.

Le Bureau du Conseil privé—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Bureau du Conseil privé.

Le Service des poursuites pénales—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Service des poursuites pénales du Canada.

L’Agence du développement économique du Canada pour les Prairies—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Développement économique Canada pour les Prairies.

La sécurité publique, les institutions démocratiques et les affaires intergouvernementales—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Sécurité publique Canada, l’Agence des services frontaliers du Canada, le Service canadien du renseignement de sécurité, le Service correctionnel du Canada, la Commission des libérations conditionnelles du Canada et la Gendarmerie royale du Canada.

La sécurité publique, les institutions démocratiques et les affaires intergouvernementales—Le Secrétariat des conférences intergouvernementales canadiennes—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Commission de la fonction publique du Canada et le Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Les services publics et l’approvisionnement—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Services publics et Approvisionnement Canada et Services partagés Canada.

Les femmes, l’égalité des genres et la jeunesse—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Femmes et Égalité des genres Canada.

Le Conseil du Trésor—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et l’École de la fonction publique du Canada.

Les transports—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Transports Canada et l’Office des transports du Canada.

La protection civile—Le Bureau de la sécurité des transports—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Secrétariat des conférences intergouvernementales canadiennes.

Les anciens combattants—Les articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 45, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des articles de journaux rédigés par les ministères et organismes du gouvernement — Anciens Combattants Canada et le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).


(1440)

ORDRE DU JOUR

La Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador
La Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Iris G. Petten propose que le projet de loi C-49, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador et la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à titre de marraine au Sénat du projet de loi C-49, Loi modifiant les accords atlantiques. Je tiens à commencer mon intervention en reconnaissant que je prends la parole sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinaabe.

Je suis fière de parrainer ce projet de loi parce qu’il traite de l’exploitation des ressources dans les zones extracôtières du Canada, un enjeu qui me tient particulièrement à cœur. Je suis née dans la ville côtière de Port de Grave, à Terre-Neuve-et-Labrador, et j’ai travaillé dans l’industrie de la pêche pendant plus de 40 ans.

La pêche a été la première industrie de ma province et elle reste une industrie de premier plan dans le Canada atlantique. Ce secteur coexiste et coopère depuis plusieurs décennies avec d’importants acteurs qui travaillent dans l’exploitation des ressources naturelles depuis la découverte de pétrole et de gaz au large de nos côtes.

La transition mondiale vers les projets d’énergie renouvelable se poursuit, et la production d’énergie éolienne extracôtière est en passe de devenir le prochain défi à relever dans les zones extracôtières du Canada dans le domaine de l’exploitation des ressources.

J’ai fait partie de l’équipe de relance économique du premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador en 2019. Dans le cadre de ce travail, une des principales recommandations formulées consistait à dresser un inventaire des possibilités d’énergie éolienne et d’autres énergies renouvelables dans la province. Je suis très fière de jouer un rôle dans la poursuite de ce projet en présentant le projet de loi C-49 au Sénat.

Honorables sénateurs, Terre-Neuve est entrée dans la Confédération canadienne le 31 mars 1949; à ce moment-là, le nom de la province était Terre-Neuve. Ce nom a été officiellement changé pour Terre-Neuve-et-Labrador en 2001.

Pour éviter aux honorables sénateurs d’avoir à faire trop de calculs, cela signifie que nous célébrons actuellement le 75e anniversaire de l’entrée de Terre-Neuve-et-Labrador dans la Confédération. Je ne vois pas de meilleure façon de participer à cette célébration que de marrainer un projet de loi aussi important pour la prospérité future de ma province et de la Nouvelle-Écosse, une mesure législative qui reconnaît la contribution des deux provinces à la prospérité du pays.

Au cours des 40 dernières années, Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse ont vu le potentiel de l’énergie extracôtière être exploité au bénéfice de leur population et de leur économie. Toutefois, la croissance de l’industrie énergétique n’a été ni rapide ni facile. À Terre-Neuve-et-Labrador, c’est en 1979 que l’on a découvert des réserves de pétrole à potentiel commercial, mais c’est seulement en 1997 que la production commerciale de pétrole a commencé.

Ainsi, 25 ans plus tard, 4 champs produisent 240 000 barils de pétrole par jour. En ce qui concerne le PIB, l’industrie pétrolière dans la zone extracôtière de Terre-Neuve contribue actuellement à l’économie canadienne à hauteur de plus de 1 milliard de dollars par an. Les travailleurs du Canada atlantique constituent aujourd’hui l’une des mains-d’œuvre les plus qualifiées au monde dans le domaine de la production d’énergie extracôtière.

Pour passer d’une source d’énergie extracôtière potentielle à une industrie énergétique extracôtière mature, un cadre juridique et réglementaire était nécessaire, ce qui m’amène à parler des lois de mise en œuvre des accords existantes.

Dans les années 1980, le gouvernement du Canada a signé les accords atlantiques avec les provinces de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse, signifiant ainsi son engagement à gérer conjointement l’industrie pétrolière et gazière extracôtière et accordant aux provinces le droit de traiter les projets menés dans leurs zones extracôtières de la même façon que sont traités les projets terrestres dans le reste du Canada aux fins des redevances et de l’impôt sur le revenu. L’histoire montre que ces arrangements ont fonctionné.

Ensemble, conformément aux lois de mise en œuvre des accords, le Canada et les provinces côtières de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse ont bâti une toute nouvelle industrie, créant des emplois, des débouchés économiques et une main-d’œuvre parmi les plus qualifiées que le monde n’ait jamais vue dans le secteur extracôtier.

Ce projet de loi, comme les accords originaux, est un exemple de plus d’un fédéralisme coopératif qui aidera Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse à prospérer sur le plan économique et à contribuer à la fédération. Le projet de loi C-49 a été élaboré en collaboration avec les deux provinces, ce qui démontre les principes de gestion conjointe qui sont au cœur de ces accords. Si le projet de loi est adopté au cours de la présente législature, les deux provinces présenteront et adopteront des mesures législatives similaires dans leurs assemblées législatives respectives. C’est un point essentiel. Les deux provinces doivent être à l’aise avec chaque mot de ce projet de loi pour que le processus fonctionne. Le projet de loi C-49 représente l’esprit même du fédéralisme de collaboration et de coopération et est fondé sur le succès des lois de mise en œuvre des accords sur les hydrocarbures extracôtiers.

L’héritage des lois de mise en œuvre des accords est la création de deux organismes fédéraux-provinciaux indépendants chargés d’encadrer l’exploitation des ressources pétrolières et gazières extracôtières : l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers et l’Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers.

Au cours des quatre dernières décennies, ces organismes de réglementation ont acquis une expertise dans le domaine de l’exploitation des ressources énergétiques extracôtières, instauré des processus et des procédures bien établis et acquis une vaste reconnaissance et une grande crédibilité en veillant à la réussite et à la sécurité de l’exploitation dans une industrie mondiale. Le projet de loi C-49 vise à élargir l’autorité de ces deux organismes en ajoutant à leur mandat l’encadrement des énergies renouvelables extracôtières. Comme le dirait probablement l’un des anciens premiers ministres de ma province, « c’est une évidence ». Pourquoi créer une nouvelle autorité de réglementation autonome pour un espace énergétique dans le même environnement extracôtier?

(1450)

Le projet de loi C-49 permettra le développement de nouvelles sources d’énergie, comme l’énergie éolienne en mer. Cela offre aux Néo-Écossais, aux Terre-Neuviens et aux Labradoriens une occasion unique de prendre de l’avance et d’exploiter une ressource importante et disponible. Je ne veux pas en rajouter, mais le ministre des Ressources naturelles et des Ressources renouvelables de la Nouvelle-Écosse a qualifié les projets d’énergie éolienne en mer de « [...] plus grande opportunité économique depuis l’ère de la voile [...] »

Le moment est venu pour nous d’orienter notre attention vers ces nouveaux débouchés, de permettre aux projets d’importance nationale d’être examinés et correctement évalués dans le cadre de processus matures et respectés, et de donner aux habitants de Terre‑Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse la possibilité de développer davantage leurs industries énergétiques extracôtières et de contribuer à l’économie du pays.

Que fait ce projet de loi au juste? Le projet de loi C-49 vise à modifier la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada—Terre-Neuve-et-Labrador et la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada—Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers pour apporter les sept changements suivants.

Premièrement, le projet de loi met à jour certains aspects du régime foncier pour les activités pétrolières et gazières menées à l’heure actuelle dans les zones extracôtières afin qu’elles soient conformes aux pratiques exemplaires mondiales en ce qui concerne les projets d’énergie éolienne et qu’elles demeurent alignées sur les avancées technologiques les plus récentes. En termes simples, le projet de loi prévoit l’émission des titres fonciers nécessaires pour faciliter la propriété et le financement des projets d’énergie éolienne approuvés en zone extracôtière.

Deuxièmement, le projet de loi optimise le cadre législatif existant et élargit le mandat des deux offices de réglementation extracôtière pour y inclure la réglementation des projets d’énergie renouvelable extracôtière. J’ai déjà abordé cet aspect. Ces organes de gouvernance possèdent des connaissances approfondies et une vaste expérience de la réglementation en zone extracôtière. Par ailleurs, actualiser les mesures législatives fera en sorte que chaque office puisse superviser efficacement la réglementation des projets d’énergie renouvelable extracôtière dans les eaux entourant leur province respective. En outre, durant la période de transition vers les énergies renouvelables dans les zones extracôtières de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador, les producteurs d’énergie relèveront d’un organe de gouvernance connu et digne de confiance.

Troisièmement, le projet de loi renomme l’Office Canada—Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers et l’Office Canada—Terre-Neuve et Labrador des hydrocarbures extracôtiers, qui deviennent respectivement la Régie Canada-Nouvelle-Écosse de l’énergie extracôtière et la Régie Canada-Terre-Neuve et Labrador de l’énergie extracôtière.

Quatrièmement, le projet de loi reconnaît et souligne l’obligation qu’a la Couronne de consulter les peuples autochtones du Canada dans le cadre du processus de réglementation de l’énergie extracôtière. Comme ces zones extracôtières sont gérées conjointement par les gouvernements fédéral et provinciaux, le projet de loi précise que le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux peuvent recourir aux régies de l’énergie extracôtière pour s’acquitter de l’obligation de consulter les peuples autochtones au sujet des projets proposés et que les régies peuvent tenir compte des répercussions de tout développement sur les droits autochtones.

Cinquièmement, le projet de loi remplace les références obsolètes à la Loi canadienne d’évaluation environnementale de 2012 par des références à la Loi d’évaluation d’impact.

Sixièmement, le projet de loi garantit le maintien de l’engagement selon lequel le gouvernement du Canada protégera 25 % des océans du Canada d’ici 2025 et 30 % d’ici 2030. Les changements proposés respectent les principes de la gestion conjointe : ils garantissent que les gouvernements fédéral et provinciaux détermineront conjointement les interdictions relatives aux activités pétrolières et gazières et aux énergies renouvelables extracôtières dans les aires marines de conservation, actuelles ou proposées, situées dans les zones extracôtières Canada—Nouvelle-Écosse et Canada—Terre-Neuve-et-Labrador.

Enfin, le projet de loi étend l’application du régime de santé et de sécurité au travail aux projets d’énergie renouvelable extracôtière. Il établit aussi le régime réglementaire et le régime de responsabilité quant aux installations abandonnées liées aux activités relatives aux hydrocarbures ou aux projets d’énergie renouvelable extracôtière.

Le Comité des ressources naturelles de l’autre endroit a déjà apporté des amendements au projet de loi. Pour la vaste majorité d’entre eux, il s’agissait de modifications de pure forme, mineures, visant à corriger des coquilles et assurer l’uniformité du texte. D’autres amendements ont été apportés pour permettre l’entrée en vigueur séparée de dispositions liées à la Loi sur l’évaluation d’impact.

D’autres modifications substantielles ont été apportées aux dispositions sur les champs d’hydrocarbures transfrontaliers afin de les rendre plus claires. Un amendement a aussi été adopté afin de répondre aux préoccupations soulevées par les pêcheurs au sujet du processus d’octroi de permis visant des terres submergées.

Honorables collègues, le projet de loi C-49 est un élément essentiel des efforts continus du Canada en matière de lutte contre le changement climatique.

Le Canada n’est pas le seul à étendre les pouvoirs des organismes de réglementation existants à la réglementation de l’énergie éolienne en mer. Des pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la Norvège et l’Australie adoptent ou ont adopté de telles lois.

Sur le plan économique, le projet de loi C-49 ouvre des perspectives considérables pour les travailleurs canadiens et l’économie du pays. Selon l’Agence internationale de l’énergie, le secteur de l’énergie éolienne en mer pourrait atteindre une valeur marchande de 1 billion de dollars d’ici 2040.

L’analyse du Forum des politiques publiques au sujet de l’initiative dans le Canada atlantique montre que le projet de loi constitue un projet d’importance nationale. Les circonstances sont opportunes, et il est temps pour le Canada d’en tirer parti.

L’énergie éolienne extracôtière est une industrie qui convient parfaitement à la côte Est du Canada. À Terre-Neuve-et-Labrador, nous dirions qu’elle souffle souvent un vent d’enfer. Nous avons les côtes les plus longues du monde, et les vents y rivalisent avec ceux de la mer du Nord, où l’industrie éolienne extracôtière est née. En outre, la zone extracôtière dont il est question en ce moment est plus vaste et elle offre un meilleur potentiel que la côte nord-est des États-Unis, qui est également en train de développer cette industrie.

Nous disposons déjà d’organismes de réglementation très expérimentés dans le domaine de l’énergie extracôtière, d’une main-d’œuvre parmi les plus qualifiées au monde pour travailler en mer et de la capacité de développer l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, de la fabrication à la formation des compétences, en passant par nos ports.

L’industrie mondiale de l’énergie éolienne extracôtière a connu une croissance fulgurante au cours des 12 dernières années. Bien que l’énergie éolienne extracôtière soit relativement nouvelle en ce qui concerne son adoption dans le monde, puisque seulement 20 pays l’ont mis en œuvre jusqu’à présent, des progrès majeurs continuent d’être réalisés.

L’Agence internationale de l’énergie a déclaré que de plus en plus de pays sont en train de mettre en place leurs parcs éoliens extracôtiers ou qu’ils ont l’intention de le faire.

(1500)

Les pays membres du G7 se sont engagés à augmenter collectivement la capacité éolienne extracôtière de 150 gigawatts d’ici 2030.

Les États-Unis ont plus de 40 projets en cours d’élaboration. L’Union européenne et le Royaume-Uni en ont plus de 300. La Chine développe rapidement sa capacité éolienne extracôtière; elle représente aujourd’hui près de la moitié de la production de ce type d’énergie. Si ces données statistiques ne vous décoiffent pas, les vents de Terre-Neuve-et-Labrador le feraient certainement.

Plus sérieusement, le scénario de carboneutralité de l’Agence internationale de l’énergie prévoit une augmentation draconienne de la production éolienne.

La Nouvelle-Écosse s’est fixé pour objectif d’autoriser la production de 5 gigawatts d’électricité extracôtière d’ici 2030. Si le Parlement veut permettre à la Nouvelle-Écosse de mieux aligner cet objectif avec le scénario de carboneutralité de l’Agence internationale de l’énergie et de contribuer davantage à l’atteinte des cibles nationales de 2050 — en plus d’attirer des investissements dans des projets éoliens extracôtiers, les industries associées, comme la production d’hydrogène, et l’économie canadienne —, il est essentiel que nous soutenions cette mesure législative afin d’élaborer des projets nationaux d’énergie éolienne extracôtière dès maintenant. Cette approche facilitera les priorités de développement économique des provinces et des territoires, leur permettra d’être compétitifs par rapport aux autres grandes économies et favorisera l’émergence de nouvelles industries qui seront vitales pour l’économie carboneutre.

Le premier ministre progressiste-conservateur de la Nouvelle-Écosse, l’honorable Tim Houston, a exprimé clairement le soutien de sa province envers ce projet de loi. Le premier ministre Houston a dit ce qui suit :

Cela transformera notre économie. […] Cette mesure aura une incidence si positive sur l’environnement que nous devons être des chefs de file dans ce domaine.

Il a ajouté :

Le projet de loi C-49 est une première étape nécessaire pour libérer notre potentiel énergétique […]

Le ministre des Ressources naturelles et des Énergies renouvelables de la Nouvelle-Écosse, Tory Rushton, a comparu devant un comité de la Chambre des communes et a dit ceci :

Une fois que le projet de loi C-49 aura été adopté, les gens regarderont ce qui s’est passé au cours de ces décennies et diront : « Voilà une mesure qui a fait de la Nouvelle-Écosse une capitale mondiale de l’énergie renouvelable. »

Le Forum des politiques publiques montre qu’une seule zone éolienne en mer en Nouvelle-Écosse pourrait créer des milliers d’emplois, y compris jusqu’à 30 000 emplois dans le secteur de la construction chaque année. Selon le gouvernement de la province, 1 gigawatt d’énergie éolienne en mer peut alimenter environ 750 000 foyers.

Nous avons également appris que la province compte utiliser de l’énergie éolienne en mer pour produire de l’hydrogène et de l’ammoniac destinés à l’exportation afin de répondre aux besoins mondiaux en matière d’énergie renouvelable. De plus en plus, les pays européens, comme l’Allemagne, se tournent vers le Canada et signent des accords avec nous afin d’avoir accès à l’hydrogène produit dans le Canada atlantique.

Ma province est également désireuse de soutenir le potentiel de développement économique et de création d’emplois que l’énergie extracôtière lui offre. Une référence directe au projet de loi C-49 a été incluse dans le plan d’action pour le développement de l’hydrogène publié récemment par la province.

Le premier ministre libéral de Terre-Neuve-et-Labrador, l’honorable Dr Andrew Furey, a affirmé ceci :

Cette entente fédérale-provinciale déterminante nous permet de prendre les commandes et de tirer pleinement parti des nombreuses possibilités offertes par la nouvelle économie verte [...]

Il a également déclaré :

Nous continuons d’appuyer le gouvernement du Canada quant au projet de loi C-49 et nous exhortons les autres partis fédéraux à faire de même.

En outre, Andrew Parsons, ministre de l’Industrie, de l’Énergie et de la Technologie de la province, a dit ce qui suit lorsqu’il a témoigné devant le Comité permanent des ressources naturelles :

Il me semble très important, en matière d’énergie renouvelable, d’avancer rapidement et efficacement. [L]a province est enthousiaste à l’idée des possibilités qu’offre sa zone extracôtière, mais il est également nécessaire de mettre en place un cadre réglementaire solide. En tant que province, nous avons la chance de disposer d’un tel cadre pour le pétrole extracôtier. Nous savons très bien comment cela fonctionne, comment cela peut fonctionner et les possibilités que cela présente.

Les possibilités qui s’ouvriront avec l’adoption du projet de loi C-49 aideront Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse à rester compétitives sur le plan économique dans l’avenir.

En plus de bénéficier de soutiens au niveau provincial, le projet de loi C-49 bénéficie de l’appui de communautés autochtones. Je suis heureuse de dire que des dirigeants autochtones se sont montrés favorables à des projets éoliens en mer.

Le chef Terry Paul, de la Membertou Development Corporation, en Nouvelle-Écosse, a assisté à une réunion de comité sur ce projet de loi et a déclaré :

Dans le passé, les Canadiens autochtones n’étaient pas invités à participer aux grands projets industriels. Je suis fier de dire que cela change. Lorsque nous travaillons tous ensemble, de grandes choses se produisent. Nous croyons sincèrement que le secteur de l’éolien en mer peut coexister avec d’autres secteurs d’activités de manière durable.

En ce qui concerne la participation des Autochtones aux projets liés à l’hydrogène — l’un des produits qui seront créés par les projets d’énergie éolienne en mer —, des occasions commencent à se présenter sur la terre ferme.

Au-delà des débouchés économiques, les gouvernements du Canada et de la Nouvelle-Écosse reconnaissent l’importance cruciale de la protection de l’environnement et de la viabilité à long terme de l’industrie de la pêche de la côte Est, qui est absolument vitale.

Si le ministre Rushton a insisté sur la nécessité d’approuver rapidement ce projet de loi, il a également indiqué qu’il souhaitait que chaque projet soit examiné avec soin afin d’en réduire autant que possible l’incidence sur les autres secteurs de l’économie océanique. Il a déclaré :

[L]a Nouvelle-Écosse accueille favorablement tout examen approfondi visant à s’assurer que les projets éoliens extracôtiers sont menés de façon sûre et responsable et qu’ils peuvent coexister avec d’autres secteurs et intérêts.

En tant que défenseurs de l’industrie de la pêche, travaillant en étroite collaboration avec les provinces, les gouvernements ont veillé ensemble à ce que le projet de loi C-49 reflète tout particulièrement l’importance de l’industrie de la pêche.

Les relations bien établies entre l’Office Canada—Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, l’Office Canada—Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, l’industrie de l’énergie extracôtière et l’industrie de la pêche se poursuivront comme elles le font depuis des décennies.

Ce projet de loi démontre clairement que le gouvernement s’est engagé à collaborer de manière significative avec l’industrie de la pêche, les développeurs de projets, les gouvernements et les autres parties prenantes lors de la conception et de la mise en œuvre des futurs processus fonciers et réglementaires ainsi que lors de l’examen de projets précis d’énergie renouvelable extracôtière.

Il est important de noter que le projet de loi C-49 prévoit une série d’outils, tels que des critères d’appel d’offres, des pouvoirs de réglementation et des conditions d’autorisation qui permettront aux gouvernements et aux organismes de réglementation de garantir la mise en place de mesures d’atténuation des répercussions.

En outre, comme je l’ai dit, dans le cadre des évaluations régionales du développement de l’énergie éolienne en mer qui sont en cours, les communautés autochtones, les groupes de pêcheurs et d’autres parties prenantes ont et continueront d’avoir la possibilité de donner leur avis au gouvernement sur les questions liées à l’exploitation de l’énergie éolienne en mer.

Nous participons à une course mondiale au développement de cette industrie. Le Canada est le seul pays du G7 à ne pas disposer d’une industrie éolienne en mer.

(1510)

La mise en œuvre d’importants projets énergétiques extracôtiers est en cours dans la mer du Nord et au large de la côte Est des États-Unis, en partie grâce aux incitatifs mis en place par l’Inflation Reduction Act. Selon les estimations du département de l’Énergie des États-Unis, ces projets entraîneront un investissement direct annuel de 12 milliards de dollars. En mai dernier, la capacité maximale de production d’électricité des projets américains d’énergie éolienne extracôtière existants et prévus s’élevait à 52 687 mégawatts, soit une production suffisante pour alimenter environ 18 millions de foyers, ce qui représente 14 % de tous les foyers aux États-Unis.

Pour mettre les choses en contexte, chers collègues, 1 000 mégawatts sont l’équivalent de 1 gigawatt. J’utiliserai les deux termes tout au long de mon discours aujourd’hui.

En dehors des États-Unis, d’autres pays ne sont pas en reste. Taïwan prévoit d’installer plus de 700 éoliennes supplémentaires dans le détroit de Taïwan d’ici l’année prochaine pour atteindre son objectif de 5,7 gigawatts d’électricité générée par les turbines installées d’ici 2025. En Europe, plus de 300 projets sont en cours de développement et 30 milliards d’euros ont été recueillis pour construire huit nouveaux parcs éoliens en 2023.

Honorables sénateurs, nous avons besoin du projet de loi C-49 dès maintenant pour permettre au Canada de bénéficier de ces investissements mondiaux. Deux des partenaires du Canada en Europe, soit le Danemark et l’Écosse, ont fait des progrès considérables en avril 2024. Tout d’abord, il y a eu le plus grand appel d’offres de l’histoire du Danemark dans le domaine de l’énergie éolienne extracôtière. On s’attend à ce que cet appel d’offres entraîne l’installation de centaines d’éoliennes en mer, qui produiront suffisamment d’énergie pour alimenter 10 millions de foyers européens ou plus, qui permettront à l’électricité du Danemark de devenir entièrement verte et qui permettront de produire d’énormes quantités d’hydrogène et de carburants verts pour les navires et les avions. En Écosse, on a récemment autorisé la planification du premier parc éolien flottant d’envergure commerciale en Europe : il s’agit d’un nouveau projet de 560 mégawatts qui comprendra pas moins de 35 nouvelles éoliennes flottantes qui fourniront non seulement de l’électricité au Royaume‑Uni, mais aussi de l’énergie verte aux plateformes pétrolières et gazières en mer.

Pour citer une fois de plus M. Rushton, ministre de la Nouvelle-Écosse :

Les perspectives pour nos collectivités côtières, pour notre province et pour notre pays sont immenses. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre.

Chers collègues, je vais conclure en disant que le moment est venu de faire avancer ce projet de loi en montrant que le gouvernement fédéral appuie fermement les priorités provinciales. Le moment est venu pour le Canada de mettre en place ce régime de réglementation afin qu’il puisse se joindre à ses alliés et profiter des avantages économiques et environnementaux qui découlent de sa participation au marché international croissant de l’énergie éolienne extracôtière. Comme l’a si bien dit M. Peter Nicholson, natif de la Nouvelle-Écosse et président du conseil d’administration de l’Institut climatique du Canada :

[...] il est plutôt évident que le pays a actuellement une occasion extraordinaire qui revêt une importance historique, et pour qu’elle se concrétise, le Canada a besoin, de toute urgence, d’un cadre réglementaire à la hauteur de l’occasion sans précédent qui lui est offerte.

Pour conclure, je vais reprendre les paroles d’un ancien premier ministre de ma province et dire que je crois que ce projet de loi est avantageux pour le Canada, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador. Je vous remercie, chers collègues, d’appuyer ce projet de loi important et opportun.

L’honorable David M. Wells : Merci, sénatrice Petten, de votre discours. Acceptez-vous de répondre à quelques questions?

La sénatrice Petten : Bien sûr, sénateur.

Le sénateur Wells : Merci. Vous avez fait mention des zones de protection marine, 25 % en 2025 et 30 % en 2030, qui, je crois, sont intégrées dans le projet de loi C-49. Vous savez peut-être, pour avoir travaillé dans le secteur de la pêche, que les pêcheurs sont très sensibles à l’élargissement de ces aires de protection dans leurs zones de pêche traditionnelles ainsi que dans des zones qui ne sont pas traditionnelles, mais peut-être occasionnelles. Les droits des pêcheurs ont-ils été pris en compte dans l’application de ce projet de loi, ou le seront-ils?

La sénatrice Petten : Je vous remercie de la question. Oui, des évaluations régionales sont actuellement en cours et, bien entendu, de nombreux groupes d’intérêt dans le domaine de la pêche ont participé à ces réunions. L’élément le plus important de ce projet de loi est qu’il prévoit une gestion conjointe. Par conséquent, la décision sera prise par les deux ordres de gouvernement. Ces considérations et, bien sûr, les évaluations régionales seront publiées l’année prochaine lorsque le rapport sera achevé. Les pêcheurs auront leur mot à dire sur le contenu du rapport.

Le sénateur Wells : Merci de ces précisions. Vous savez sans doute qu’avant d’être nommé au Sénat, j’occupais un poste à l’Office Canada—Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, et que je connais donc un peu le dossier. Je suis quelque peu préoccupé par le fait que certaines dispositions du projet de loi C-69 ont récemment été jugées inconstitutionnelles par la Cour suprême du Canada. Des dispositions ont-elles été prévues pour que le projet de loi C-49 pallie l’inconstitutionnalité de certaines dispositions du projet de loi C-69?

La sénatrice Petten : Merci encore. L’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur l’évaluation d’impact ne sera pas retardée. Ce projet de loi est constitutionnel et ne retardera pas les provinces. La question dont nous devons maintenant nous occuper est la suivante : il est important que les deux provinces, une fois que nous aurons étudié le projet de loi C-69, proposent une loi correspondante et s’assurent, dans le cadre de leur loi correspondante, de leur capacité à introduire la mesure législative. Elles pourront l’examiner avant d’envisager de nouveaux appels d’offres et une nouvelle procédure. Je pense que cela suffira dans le cadre de ce projet de loi.

Le sénateur Wells : Je vous remercie. Sénatrice Petten, le projet de loi C-49 couvrira-t-il d’autres choses que l’énergie éolienne, comme l’énergie marémotrice et l’énergie solaire extracôtières?

La sénatrice Petten : Cette décision sera prise en fonction des décisions conjointes que l’on prendra si le projet de loi est présenté, si une demande est formulée ou si un appel d’offres est lancé. Étant donné qu’il s’agit d’une compétence partagée, on l’examinera en conséquence.

L’honorable Colin Deacon : Sénatrice Petten, vous savez que je suis en faveur de ce projet de loi, compte tenu des avantages pour notre province. Toutefois, il y a 5 ans, 10 sénateurs de la Nouvelle‑Écosse — autrement dit, nous avions tous signé, sans exception — ont envoyé une lettre au premier ministre provincial afin de soulever le fait qu’il n’y avait aucune représentation du secteur des pêches au sein de l’Office Canada—Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers. C’est pourtant un secteur qui génère 2 milliards de dollars par année dans notre province. Comme vous avez passé votre vie au sein du secteur des pêches et qu’il n’a plus de secret pour vous, pouvez-vous nous donner plus de détails afin que nous puissions mieux comprendre le rôle qu’il jouera dans le processus décisionnel de ce nouvel organe de réglementation?

La sénatrice Petten : Dans le secteur des pêches, j’ai rencontré les représentants de la Fish, Food and Allied Workers Union, à Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi que ceux de l’Office Canada—Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers et de l’Office Canada—Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers. C’est l’une des questions qu’ils ont soulevées et pour laquelle ils m’ont fait part de leurs préoccupations. À Terre-Neuve, dans le cas de l’industrie pétrolière extracôtière, on a notamment travaillé avec un groupe appelé One Ocean. Les intervenants se sont réunis et ont communiqué certaines de leurs préoccupations.

(1520)

Par ailleurs, la grande question qui se pose actuellement, c’est la même qu’en Nouvelle-Écosse. Les organismes de réglementation de l’énergie extracôtière de la Nouvelle-Écosse ont passé 30 ans à rencontrer divers groupes membres qui leur ont fait part de leurs préoccupations. Les évaluations régionales actuellement en cours permettent d’écouter leurs préoccupations et de s’assurer qu’ils apportent leur contribution s’il y a des choses à changer avant d’adopter une loi semblable. Ils examinent donc actuellement ce processus et ils feront rapport sur celui-ci l’année prochaine.

Grâce à mon bagage, nous savons également que par le passé, s’il y avait un problème avec la pêche, on parvenait à trouver une solution. Personnellement, je sais que mon père, qui travaillait dans l’industrie de la pêche, a perdu un certain nombre de ses casiers à crabes et qu’il a pu être indemnisé efficacement par One Ocean. Le système a donc fonctionné et je suis convaincue qu’il continuera d’en être ainsi. S’il y a des préoccupations, nous devrions encourager les gens — comme je l’ai fait lors de mes rencontres — à se faire entendre.

Le sénateur C. Deacon : Merci, sénatrice Petten.

Je voudrais revenir sur le point soulevé par le sénateur Wells concernant l’énergie marémotrice et d’autres sources d’énergie. En Nouvelle-Écosse, l’une des difficultés qu’il a fallu surmontées avec l’énergie marémotrice a été de réunir les secteurs de la pêche et de la réglementation et d’obtenir que le ministère des Pêches et des Océans prenne des décisions.

Comment cela peut-il contribuer à faire progresser les efforts entourant l’énergie marémotrice d’une manière qui soit acceptée par l’industrie de la pêche et qui génère des investissements dans cette grande ressource dont nous disposons, surtout en Nouvelle-Écosse?

La sénatrice Petten : Oui, je crois comprendre qu’un projet situé dans la région du bassin Minas a été examiné l’an dernier, et que la province avait des préoccupations à cet égard. Si nous avons besoin d’un cadre réglementaire dans le contexte du projet de loi C-49, c’est notamment pour mettre ce processus en place afin qu’il leur soit possible de faire face à tout ce qui pourrait se présenter à l’avenir. Au final, il s’agissait d’un enjeu provincial, sans gestion conjointe.

Dans le cadre du nouvel accord prévu par le C-49, le projet de loi passera par le ministre des Ressources naturelles. Celui-ci examinera les projets qui sont soumis à une approbation et qui doivent être gérés conjointement par la province et le gouvernement fédéral.

Le sénateur C. Deacon : Merci.

L’honorable Stan Kutcher : Je vous remercie, sénatrice Petten, pour ce discours bien ficelé et très utile.

J’aurais une question à propos de l’intelligence artificielle. Cela ne concerne pas les poissons, mais on prévoit que, d’ici quatre ans, il y aura six fois plus de serveurs utilisés pour l’intelligence artificielle qu’il n’y en a actuellement. Comme vous le savez, chaque serveur utilise des quantités mirobolantes d’énergie. Le Canada cherche à ne pas se laisser dépasser par les avancées de l’intelligence artificielle, mais l’un des défis auxquels il est confronté, c’est que nous n’avons pas l’énergie nécessaire pour construire ces serveurs.

Savez-vous si le gouvernement de Terre-Neuve ou celui de la Nouvelle-Écosse prévoit utiliser l’excédent d’énergie dont nous parlons pour construire de tels serveurs? Savez-vous si le gouvernement fédéral prévoit promouvoir la construction de tels serveurs dans la région dans le cadre de sa stratégie en matière d’intelligence artificielle?

La sénatrice Petten : Je vous remercie de votre question, sénateur Kutcher.

J’imagine que cela viendra plus tard. Le projet de loi concerne le cadre réglementaire pour examiner le potentiel des énergies renouvelables. Il s’agira probablement d’une question qui sera examinée de plus près ultérieurement, dans le cadre du processus de consultation. Ce n’est pas expressément prévu dans la version actuelle du projet de loi, mais c’est un point qui sera abordé dans le cadre de la gestion conjointe de l’énergie extracôtière, à mesure que les travaux avanceront.

Le sénateur Kutcher : Merci beaucoup. Le comité pourrait peut-être se pencher là-dessus lorsqu’il étudiera le projet de loi, car nous avons discuté de l’hydrogène et de l’ammoniaque verts, qui sont très importants, mais ne sous-estimons pas l’avenir de l’intelligence artificielle. Les endroits où l’on est en mesure de générer l’électricité pour alimenter les serveurs seront des lieux hautement prisés.

La sénatrice Petten : Oui. Espérons que le projet de loi C-49 sera l’occasion de promouvoir ce genre de possibilités, y compris l’hydrogène et tous les avantages qu’il offre. Merci.

L’honorable John M. McNair : Sénatrice Petten, je vous remercie de votre excellent discours. Vous avez parlé de la façon dont le projet de loi contribuera à libérer le potentiel énergétique extracôtier du Canada. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les répercussions environnementales, en particulier sur la question de savoir si le projet de loi nous aidera à atteindre la carboneutralité d’ici 2050?

La sénatrice Petten : Merci, sénateur McNair. La Nouvelle-Écosse a le réseau électrique le plus polluant du Canada. Sa dépendance au charbon est d’environ 50 %. En fait, la province demande une telle loi depuis un certain temps déjà. Ce projet de loi permettra de passer du charbon à un réseau électrique propre. Elle envisage également la possibilité de vendre de l’électricité ailleurs, comme je l’ai indiqué dans mes notes d’allocution. Je pense qu’il y a beaucoup de possibilités à examiner dans ce domaine particulier.

Terre-Neuve possède l’un des réseaux les plus propres, avec peut-être plus de 90 % d’énergie propre. C’est quelque chose que nous essayerons de changer, et c’est important pour notre environnement et pour la vie que nous menons au Canada. Merci.

(Sur la motion du sénateur Wells, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la Semaine d’appréciation de la fonction de juré

Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moncion, appuyée par l’honorable sénatrice Sorensen, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-252, Loi instituant la Semaine d’appréciation de la fonction de juré.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

(1530)

[Français]

Projet de loi sur la responsabilité et le registre des agents d’influence étrangers

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénateur Wells, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-237, Loi établissant le registre des agents d’influence étrangers et modifiant le Code criminel.

L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est à son 15e jour et je ne suis pas prête à intervenir. Par conséquent, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-15(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat pour le temps de parole qu’il me reste.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

[Traduction]

Projet de loi sur le cadre national sur la maladie falciforme

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Mégie, appuyée par l’honorable sénateur Cotter, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-280, Loi concernant un cadre national sur la maladie falciforme.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

[Français]

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Mégie, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

Projet de loi sur la stratégie nationale pour les enfants et les jeunes

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moodie, appuyée par l’honorable sénateur Boehm, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-282, Loi concernant une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada.

L’honorable Chantal Petitclerc : Honorables sénateurs et sénatrices, je prends brièvement la parole pour appuyer le projet de loi S-282, Loi concernant une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada. Ce projet de loi définit les principes et le cadre sur la base desquels le gouvernement fédéral devra développer un plan d’action global. Je remercie la sénatrice Moodie de l’avoir proposé et je la remercie également de sa contribution continue à l’amélioration de la qualité de vie de nos enfants, à titre de pédiatre, néonatologiste et maintenant parlementaire.

[Traduction]

Chers collègues, le Canada est un bien grand pays. D’un océan à l’autre, que ce soit dans les rues animées de Montréal ou de Toronto ou dans les paysages sereins de la Colombie-Britannique, on trouve notre plus grande richesse, c’est-à-dire nos enfants et nos jeunes, qui sont vulnérables et doivent être traités en priorité.

Dans le préambule du projet de loi, on nous rappelle que malgré tout l’amour et l’attention que nous leur portons, notre pays n’a pas encore de vision ou d’objectifs clairs pour assurer leur bien-être.

[Français]

Malgré de nombreux investissements, dont le plus récent est le programme national d’alimentation scolaire, on s’occupe moins bien de nos enfants qu’on ne le pense. J’aimerais, par cette intervention, mettre en lumière divers aspects qui, à mon avis, devront faire partie de tout plan d’action si l’on souhaite faire de réels changements.

C’est connu et bien documenté : trop d’enfants vivent encore dans la pauvreté au Canada. De plus, la santé mentale des enfants et des jeunes laisse à désirer. Une étude de 2023 du Conference Board du Canada et de Children’s Healthcare Canada, une organisation pancanadienne de défense de la santé des enfants, nous apprenait qu’environ 1,6 million d’enfants et d’adolescents canadiens souffrent de troubles mentaux. De plus, des dizaines de milliers d’entre eux attendent des mois, voire des années, avant de bénéficier d’un traitement adéquat.

Beaucoup trop de Canadiens âgés de 5 à 17 ans sont obèses ou font de l’embonpoint. Ils ne bougent pas assez — c’est bien connu. La note nationale pour l’activité physique du Bulletin ParticipACTION de 2024 est de D+ seulement.

Seulement 39 % de la cohorte des 5 à 17 ans ont respecté la recommandation, qui est d’accumuler 60 minutes d’activité physique moyenne à élevée par jour.

[Traduction]

Santé des enfants Canada a publié un rapport en mai 2024 qui révèle que les résultats globaux en matière de santé infantile au Canada se détériorent d’année en année. L’organisme est catégorique :

L’approche historique fragmentaire et compartimentée avec laquelle nous avons tenté de répondre aux besoins sociaux et sanitaires des enfants, des jeunes et des familles laisse tomber les enfants et leurs prestataires de soins, et très franchement, nuit à l’avenir de notre pays.

[Français]

Nous voulons tous que nos enfants grandissent dans des conditions optimales, et ce, qu’ils soient issus d’un ménage à faible revenu ou à revenu élevé. À l’heure actuelle, il est difficile de savoir par quels mécanismes nous pouvons y arriver, quels sont les ressources adéquates à y consacrer, les résultats attendus et les indicateurs quantifiables pour évaluer ces résultats.

[Traduction]

Il est possible de combler cette lacune. La sénatrice Moodie a l’intention, par l’intermédiaire de son projet de loi, de nous ramener à notre responsabilité en tant que gardiens de leur avenir, pour que chaque enfant au Canada ait la possibilité de s’épanouir, de grandir et de réussir.

[Français]

Le projet de loi est clair là-dessus : la stratégie proposée doit être ancrée dans le principe de l’inclusivité. Chaque enfant, quels que soient son origine socioéconomique, son appartenance ethnique ou son lieu de naissance, mérite d’avoir accès aux mêmes possibilités et ressources qui lui permettront de s’épanouir et de se développer.

[Traduction]

L’éducation est au cœur de tout effort visant à promouvoir le bien-être des enfants. Comme l’a dit un jour le grand Nelson Mandela, « l’éducation est l’arme la plus puissante qui soit pour changer le monde ». Nous devons investir dans nos systèmes éducatifs en veillant à ce qu’ils soient équipés pour cultiver les talents et les aspirations de chaque enfant. Il s’agit notamment de favoriser une culture de la créativité, de l’esprit critique et de la compassion, en donnant à nos jeunes les moyens de participer activement à l’édification d’un avenir meilleur.

[Français]

Je suis persuadée que la stratégie proposée nous permettra de valoriser l’interconnexion des différents facteurs qui influent sur le bien-être d’un enfant. Il ne suffit pas de se concentrer uniquement sur la santé physique ou sur la réussite scolaire; nous devons également tenir compte des dimensions sociales, émotionnelles et psychologiques.

Bien sûr, aucune stratégie pour assurer le bien-être des enfants et des jeunes ne serait complète si elle ne tenait pas compte de leur sécurité et de leur protection.

(1540)

Nous devrons confronter les réalités cruelles de la maltraitance des enfants, de la négligence et de l’exploitation en travaillant sans relâche pour créer une société où chaque enfant se sent en sécurité, valorisé et aimé. Cela exige des lois solides et des services sociaux adéquats, mais aussi un changement de culture qui place le bien‑être des enfants au premier plan. Nous savons que les enfants autochtones font face à de nombreux défis.

[Traduction]

Selon le rapport Raising Canada 2023 de l’organisme Les enfants d’abord Canada :

Il est bien établi que les jeunes des Premières Nations, les jeunes Métis et les jeunes Inuits sont plus susceptibles d’avoir de moins bons résultats en matière de santé mentale que leurs pairs non autochtones [...]

[Français]

Ils sont plus à risque de vivre dans la pauvreté que tout autre enfant au Canada. Rappelons-nous que 53,8 % des enfants en famille d’accueil sont autochtones, bien qu’ils ne représentent que 7,7 % de la population des enfants au pays.

[Traduction]

Nous devons, dans le cadre de l’élaboration d’une stratégie nationale pour soutenir les enfants et les jeunes au Canada, solliciter la participation des communautés autochtones dans un esprit de partenariat et de réconciliation. Pendant trop longtemps, les enfants autochtones ont été confrontés à des obstacles systémiques à leur bien-être, résultant d’un héritage de colonisation et de marginalisation. Il est impératif que nous écoutions leurs voix, que nous honorions leurs traditions et que nous travaillions ensemble à un avenir où chaque enfant autochtone pourra s’épanouir dans son propre contexte culturel.

En outre, dans notre quête en vue de soutenir les enfants et les jeunes, il sera important que nous reconnaissions les besoins uniques des enfants et des jeunes handicapés et que nous les prenions en compte. Au nombre de 850 000 environ au Canada, ces enfants sont souvent négligés ou marginalisés par la société, et on les écoute souvent trop peu en raison des stéréotypes et de l’ignorance.

[Français]

Les enfants en situation de handicap sont confrontés à une multitude de défis dans leur vie quotidienne, qui vont des barrières physiques à la stigmatisation sociale. Cependant, ce ne sont pas leurs handicaps qui les définissent, mais plutôt leur résilience, leur force et leur potentiel illimité. En tant que société, nous avons l’obligation morale de veiller à ce que chaque enfant, quelle que soit sa capacité, ait la possibilité de s’épanouir et de réussir.

Cela commence par l’accès à l’éducation, aux soins de santé et aux services de soutien adaptés aux besoins uniques des enfants en situation de handicap. Cela signifie investir dans des salles de classe inclusives, où chaque enfant est valorisé pour ses contributions et équipé des outils dont il a besoin pour atteindre son plein potentiel. Cela signifie également veiller à ce que notre système de santé soit équipé pour fournir des soins spécialisés et un soutien aux enfants en situation de handicap et à leurs familles.

Au-delà de l’accès aux services, nous devons également confronter les attitudes et les préjugés qui limitent trop souvent les possibilités offertes aux enfants en situation de handicap. Nous devons remettre en question les stéréotypes qui les présentent encore aujourd’hui comme « moins capables ».

De plus, nous devons outiller les enfants en situation de handicap pour qu’ils deviennent des participants actifs dans leur propre vie et qu’ils défendent leurs droits et leurs besoins. Cela signifie leur fournir les outils et les ressources dont ils ont besoin pour s’exprimer, prendre des décisions et poursuivre leurs rêves. Cela signifie favoriser un sentiment de confiance en soi et d’estime de soi qui fera toute la différence pour ces enfants.

En agissant ainsi, nous ne faisons pas seulement progresser les enfants en situation de handicap, mais nous enrichissons aussi toute la société, car la diversité n’est pas une faiblesse à surmonter, mais une force à célébrer. Lorsque nous acceptons les capacités et les perspectives uniques de chaque enfant, nous lui assurons une foule d’opportunités et de possibilités.

Honorables sénateurs, en terminant, alors que nous traçons la voie vers une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes, rappelons-nous les mots de la grande militante des droits des personnes handicapées Helen Keller, qui a dit : « Seuls, nous pouvons faire si peu; ensemble, nous pouvons faire tellement plus. »

Ensemble, donc, construisons ce Canada où chaque enfant, quelles que soient ses capacités, a la possibilité de s’épanouir, de réussir et de viser haut. Merci. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture pour appuyer le projet de loi S-282, Loi concernant une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada. Je tiens aussi à remercier la sénatrice Moodie d’avoir inlassablement défendu la cause de la protection des enfants et des jeunes Canadiens, que ce soit pendant sa carrière de pédiatre, en proposant ce projet de loi ou lors de sa tentative précédente de créer le poste de commissaire à l’enfance et à la jeunesse du Canada.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-282 est la suite logique des engagements pris par le gouvernement dans le cadre de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en novembre 1989 et ratifiée par le Canada en décembre 1991. La Convention relative aux droits de l’enfant est jusqu’à présent le traité des Nations unies qui a été ratifié par le plus grand nombre de pays. Près de 200 pays l’ont ratifiée.

Il est regrettable que, 25 ans après l’adoption de la résolution, le Canada puisse avoir besoin d’une stratégie nationale pour respecter les engagements qu’il a pris dans le cadre de ce traité. Cela ne veut pas dire que le gouvernement fédéral n’a rien fait. En 1989, avec l’appui de tous les partis, le Parlement s’est engagé à mettre fin à la pauvreté infantile au Canada d’ici l’an 2000. Malheureusement, il a dû renouveler cet engagement en 2009, puis encore une fois en 2015.

Plus tôt cette année, nous avons amendé et adopté le projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada, qui établit l’engagement du gouvernement du Canada à maintenir un financement à long terme de l’éducation préscolaire et de la garde d’enfants pour l’ensemble du pays et qui crée le Conseil consultatif national sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants.

Plus récemment, le gouvernement fédéral s’est engagé à verser 1 milliard de dollars pour soutenir les programmes d’alimentation en milieu scolaire dans tout le pays, afin de fournir des repas aux élèves vulnérables et de les aider à satisfaire leurs besoins nutritionnels.

Les accords sur la garde d’enfants et le soutien au programme d’alimentation sont d’excellents exemples de la reconnaissance par le gouvernement de lacunes spécifiques dans la réponse aux besoins des enfants et des jeunes au Canada, ainsi que des mesures prises par le gouvernement pour combler ces lacunes. Cependant, ce qui semble manquer et ce que le projet de loi S-282 vise à accomplir, c’est que le gouvernement envisage une approche plus globale en matière d’investissement dans le bien-être et la croissance des enfants et des jeunes du Canada.

Le projet de loi S-282 propose de mettre en place une stratégie nationale qui faciliterait la collaboration entre les provinces et territoires afin de répondre aux besoins des enfants et des jeunes Canadiens et de garantir leur droit à un niveau de vie favorisant leur développement physique, mental, spirituel et social.

Une tâche complexe nous attend. Après plusieurs années de pandémie — une période très difficile pour les familles, en particulier les enfants —, de conflits armés dans le monde entier et de déplacements de population sans précédent, la situation des droits de l’enfant partout sur la planète s’est considérablement détériorée en peu de temps. Il faudra du temps et beaucoup de travail pour inverser ces tendances.

Dans le rapport sur l’indice KidsRights de 2023, on peut lire ce qui suit :

Ces événements, ainsi que d’autres, ont entraîné la perte de vies humaines, le déni de droits fondamentaux, des besoins insatisfaits, une limitation du potentiel et une augmentation des niveaux de pauvreté, lesquels touchent les enfants de tous les pays du monde et continueront à le faire pendant des générations.

L’organisation a également constaté qu’un enfant sur quatre dans le monde vit aujourd’hui dans la pauvreté. Honorables sénateurs, ce chiffre est stupéfiant et inacceptable.

L’indice KidsRights est le seul classement mondial qui mesure chaque année le respect des droits de l’enfant dans le monde et l’engagement des pays à améliorer ces droits.

L’indice KidsRights est une initiative de la fondation du même nom qui travaille en coopération avec l’Université Erasmus de Rotterdam, l’École d’économie Erasmus et l’Institut international d’études sociales. Il comprend un classement de tous les États membres des Nations unies qui ont ratifié la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant et pour lesquels des données suffisantes sont disponibles. En 2023, 193 pays en tout font partie de l’indice.

(1550)

Honorables sénateurs, le Canada n’est pas à l’abri des facteurs défavorables aux droits des enfants partout dans le monde. Nous savons très bien que le coût de la vie a augmenté de manière considérable, avec la hausse du prix des produits alimentaires et des maisons, ainsi qu’une crise du logement qui touche durement les Canadiens les plus vulnérables et marginalisés. Aujourd’hui, plus de 1 million d’enfants canadiens vivent sous le seuil de la pauvreté. Le taux de pauvreté a également augmenté en Nouvelle-Écosse, ma province.

Voici ce que révèle le rapport de 2023 sur la pauvreté des enfants et des familles en Nouvelle-Écosse, publié par Campagne 2000 et le Centre canadien de politiques alternatives :

Le rapport de 2023 sur la pauvreté des enfants indique que, en 2021, le taux de pauvreté en Nouvelle-Écosse est passé de 18,4 % à 20,5 %. Cette hausse de 11,4 % est l’augmentation la plus forte d’une année à l’autre depuis 1989, année où on avait promis d’éradiquer la pauvreté chez les enfants d’ici l’an 2000. Un taux de pauvreté de 20,5 % représente 35 330 enfants vivant dans des familles à faible revenu, soit plus d’un enfant sur cinq en Nouvelle-Écosse.

L’augmentation importante du coût de la vie et la fin des mesures de soutien financier liées à la pandémie sont considérées comme les principaux facteurs de cette hausse.

Chers collègues, le sous-alinéa 4(2)a)(i) du projet de loi précise clairement qu’une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada doit inclure l’éradication complète de la pauvreté infantile. Comme la pauvreté peut être une cause fondamentale d’autres problèmes pour les enfants au Canada, elle ne devrait pas être le seul objectif d’une stratégie nationale. L’atténuation des effets du changement climatique, la lutte contre le racisme institutionnel et systémique et contre l’exploitation et la maltraitance des enfants, l’amélioration de l’accès aux soins de santé et la consolidation de la sécurité sont autant d’objectifs que doit viser la stratégie.

Sous l’égide d’UNICEF Canada, les auteurs du rapport de base sur l’Indice canadien du bien-être chez les enfants et les jeunes en 2019, ont examiné 125 indicateurs distincts pour chaque enfant afin de cartographier leur bien-être et de suivre les progrès réalisés par les pouvoirs publics. L’indice rassemble un large éventail de données dans un cadre unique afin de promouvoir une vision complète et équilibrée de la façon dont les enfants du Canada s’en sortent et des lacunes qui existent. Ces données devraient servir de guide aux politiques et aux priorités du gouvernement.

Honorables sénateurs, les Canadiens ont connu plusieurs années tumultueuses avec la pandémie, les conflits mondiaux et des déplacements de population sans précédent à l’échelle planétaire. Le projet de loi S-282 prévoit l’élaboration d’une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada et exige une vigilance et une évaluation constantes au moyen de rapports présentés au Parlement à intervalles réguliers. Une stratégie nationale efficace doit reposer sur des politiques fondées sur des données et des preuves scientifiques solides et complètes, ainsi que sur le respect et la collaboration avec les différentes administrations qui gèrent le Canada, y compris les instances dirigeantes et les organisations autochtones qui servent et représentent les enfants et les jeunes des Premières Nations et des communautés inuites et métisses.

Honorables sénateurs, les objectifs et les jalons doivent être évalués régulièrement et les politiques doivent pouvoir être adaptées et revues au besoin. Je cite l’Indice canadien du bien-être chez les enfants et les jeunes : rapport de référence 2019 :

La situation d’un pays se mesure à l’attention qu’il accorde à ses enfants, à leur santé, à leur sécurité, à leur situation matérielle, à leur éducation et à leur socialisation, ainsi qu’à leur sentiment d’être aimés, appréciés et intégrés dans les familles et les sociétés au sein desquelles ils sont nés.

Dans notre intérêt, honorables sénateurs, et dans l’intérêt des générations futures, montrons à nos enfants qu’ils sont nés dans un pays qui leur accorde de la valeur et qui accorde de la valeur à leur réussite et qui prend vraiment en considération tous les aspects des soins à leur donner.

Encore une fois, je tiens à remercier la sénatrice Moodie pour son dévouement envers les jeunes du Canada et pour son travail acharné sur la question de leur bien-être. Je me réjouis à la perspective d’entendre le point de vue des Canadiens quand ce projet de loi aura été envoyé à un comité. Je vous remercie.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-282, Loi concernant une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada.

Le projet de loi S-282 reprend la vision que la sénatrice Moodie a exposée dans son rapport intitulé D’une vision à la réalité : Sur une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada. Je tiens à remercier la sénatrice Moodie pour les efforts qu’elle a déployés afin que ce projet de loi soit soumis à notre examen aujourd’hui.

Le rapport commence par l’énoncé suivant :

Les enfants canadiens méritent de bénéficier de toutes les occasions de grandir et de prospérer. Ils représentent une part importante de notre population, or malgré ses obligations en matière de droits de la personne, ils restent mal desservis par le Canada et ses politiques gouvernementales actuelles. Les enfants et les jeunes du Canada sont l’avenir du pays et seront les innovateurs, les leaders, les créateurs, les guérisseurs et les bâtisseurs de demain.

En tant qu’ancienne éducatrice, je comprends bien l’incidence que peut avoir une intervention précoce sur l’avenir des enfants. Une stratégie nationale pour les enfants doit inclure la reconnaissance de principes fondamentaux pour protéger et promouvoir les droits de l’enfant. Les enfants ne doivent pas être considérés comme de simples bénéficiaires passifs de soins et de protection, mais comme des défenseurs actifs de ces droits.

Pour réussir, la stratégie doit inclure le droit d’être entendu. Chaque enfant a une voix et il est de notre devoir de veiller à ce que son opinion soit prise en compte dans les affaires qui le concernent. Ce principe ne consiste pas seulement à écouter, mais aussi à créer des possibilités de participation constructive aux processus de prise de décision.

La stratégie nationale doit inclure le droit à la santé et au bien‑être, y compris l’accès à des soins de santé de qualité, à des aliments nutritifs, à de l’eau potable et à un environnement sûr. Cette stratégie doit tenir compte de l’importance d’une éducation de qualité, inclusive et à l’abri de la discrimination. L’éducation est non seulement un droit, mais aussi un outil puissant qui peut briser le cycle de la pauvreté et ouvrir la voie vers des possibilités qui aideront les enfants à développer tout leur potentiel.

Nous devons veiller à ce que les enfants soient protégés contre la violence, les mauvais traitements et la négligence, ainsi qu’à créer des systèmes rigoureux pour protéger les enfants contre les méfaits et pour fournir un soutien à ceux qui ont été touchés par de telles situations. Une stratégie nationale doit inclure un ensemble exhaustif de mesures pour protéger les enfants dans tous les milieux : à la maison, à l’école et dans la collectivité.

Aucune stratégie nationale ne serait complète si elle ne tient pas compte des enfants autochtones du pays. Je suis heureuse de constater que le projet de loi S-282 prend cet aspect en considération, et qu’il énonce précisément la nécessité de donner suite à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, en plus d’inclure les corps dirigeants et les communautés autochtones dans le processus. La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones insiste aussi sur l’importance de respecter les cultures et les langues autochtones dans l’éducation. Pour les enfants et les jeunes autochtones, cela signifie l’accès à une éducation qui reflète leur patrimoine culturel et qui renforce leur identité. Elle met également en évidence la nécessité d’intégrer le point de vue des Autochtones et leur savoir dans les systèmes éducatifs traditionnels et de faciliter l’établissement d’un environnement axé sur le respect mutuel et la compréhension.

Nous ne devons pas non plus oublier le rôle essentiel de la famille, de la communauté et des parents dans l’éducation des enfants. Mon expérience de mère et d’éducatrice a mis en évidence le fait que les parents sont les personnes les plus influentes dans la vie d’un enfant. Les parents sont la pierre angulaire du soutien émotif et de l’attachement pour l’enfant. Le lien étroit qui se crée pendant les premières étapes de la vie influence profondément la stabilité émotionnelle et le bien-être général de l’enfant. C’est par l’intermédiaire des parents que les enfants apprennent les principes sociaux et éthiques essentiels. En donnant l’exemple des comportements et en enseignant l’empathie, les parents jouent un rôle déterminant dans la formation du sens de l’éthique de leurs enfants. Ces premiers enseignements constituent la base sur laquelle les enfants construisent leurs futurs liens interpersonnels et leurs choix moraux.

Élever des enfants est une entreprise difficile, semée d’essais et d’erreurs. Les parents veulent ce qu’il y a de mieux pour leurs enfants. Ils veulent qu’ils se comportent bien, qu’ils soient des membres productifs de la société et qu’ils comprennent les règles et les nuances de l’entente avec les autres. La parentalité est simplement l’acte et l’attitude d’un amour inconditionnel.

Les enfants s’épanouissent là où ils sont aimés et soutenus. Un cadre national devrait inclure des politiques qui renforcent les familles et construisent des communautés résilientes. Les enfants ne sont pas élevés en vase clos; les politiques qui touchent les parents ont un impact sur les enfants.

En conclusion, honorables sénateurs, une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada doit nous rappeler en permanence nos obligations et les efforts continus qui sont nécessaires pour que chaque enfant puisse jouir pleinement et équitablement de ses droits. J’appuie le renvoi de ce projet de loi important au comité pour une étude plus approfondie et je félicite une fois de plus la sénatrice Moodie de son dévouement au soutien et à l’autonomisation des enfants et des jeunes.

(1600)

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Moodie, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, comme il est 16 heures, le Sénat doit passer à la période des questions. La ministre prendra son siège, et nous pourrons ensuite commencer.


[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 7 décembre 2021, visant à inviter un ministre de la Couronne, l’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, nous accueillons l’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, pour la période des questions aujourd’hui. Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue.

Honorables sénateurs, je tiens à vous rappeler que, lors de la période des questions avec un ministre, la question initiale est limitée à 60 secondes, et la réponse initiale à 90 secondes, suivie d’une question supplémentaire d’une durée maximale de 45 secondes et d’une réponse de 45 secondes. La greffière lectrice se lèvera 10 secondes avant l’échéance de ces délais. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, les sénateurs ne sont pas tenus de se lever. La période des questions sera d’une durée de 64 minutes.

[Traduction]

Le ministère des Pêches et des Océans et la Garde côtière canadienne

L’approvisionnement de la Garde côtière

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Bienvenue au Sénat, madame la ministre.

Madame la ministre, les coûts ont augmenté pour chacun des achats indispensables à la Garde côtière canadienne. Par exemple, en janvier, votre ministère a confirmé que le budget pour deux navires de patrouille extracôtiers avait augmenté d’un demi-milliard de dollars en l’espace d’un an seulement. De même, le budget estimé pour un navire hauturier de recherche s’élève à 1 milliard de dollars de plus que le budget initial. Franchement, je pense que c’est embarrassant et qu’il s’agit d’une horrible gestion de la part de votre gouvernement et du premier ministre Trudeau. Madame la ministre, quel est votre rôle, si tant est qu’il y en ait un, dans la supervision de ces projets?

[Français]

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Je pense que la Garde côtière est en mesure d’avoir des équipements qui doivent nous permettre de faire face aux défis qui nous concernent. Le Canada travaille vraiment en étroite collaboration avec les États‑Unis. On doit avoir les équipements requis pour protéger nos océans. Le Canada est entouré de trois océans. Le travail se fait et cela permet au Canada d’avoir des équipements adaptés avec de nouveaux équipements et des bateaux. On voit maintenant des bateaux hybrides, et les nouvelles technologies font en sorte que les coûts ont augmenté. Pour moi et la Garde côtière, la priorité est de protéger nos pêcheurs, mais aussi nos frontières.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Je suppose que, si nous étions entourés de quatre océans, les coûts auraient augmenté davantage. Vous n’avez pas répondu à ma question, madame la ministre. Le gouvernement Trudeau a perdu le contrôle de ces achats, et personne au sein du Cabinet ne semble s’en soucier. Entretemps, la Garde côtière canadienne attend les navires dont elle a besoin, et le coût pour les contribuables augmente. Votre gouvernement n’a toujours pas de budget de projet pour les nouveaux brise-glaces. Le directeur parlementaire du budget estime qu’ils coûteront plus de 7 milliards de dollars. Si le directeur parlementaire du budget peut fournir une estimation, pourquoi votre gouvernement en est-il incapable?

[Français]

Mme Lebouthillier : Comme je le mentionnais, nous avons besoin d’équipements qui conviennent à nos défis à venir. Il faut avoir des équipements, des bateaux et des brise-glaces dans l’Arctique. On le voit sur le plan de l’électronique et des bateaux hybrides; les nouvelles technologies font augmenter les coûts. Cependant, on s’assure de respecter les coûts et de faire en sorte que la Garde côtière a les équipements nécessaires pour faire un travail qui est important pour le Canada.

La pêche au homard

L’honorable Rose-May Poirier : Bienvenue, madame la ministre. Depuis plusieurs années, les pêcheurs de homard vivent dans l’incertitude. Chaque saison, leur gagne-pain risque de subir des interruptions décidées par des gens qui se trouvent dans une tour d’ivoire à Ottawa et qui dictent ce que les pêcheurs peuvent faire.

Vous avez justifié la fermeture pour garantir que les produits de la mer recueillis par nos pêcheurs continuent de se vendre à bon prix. C’est tout le contraire, avec le prix le plus bas depuis 2020. L’intervention de votre gouvernement a fait mal aux pêcheurs et à leurs familles. Quand allez-vous arrêter d’intervenir dans la saison de pêche et de faire mal aux pêcheurs et à leurs communautés?

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites. Il faut regarder tout le travail qui s’est fait avec les pêcheurs de homard et les taux de capture à la hausse. Pour le prix du homard, à l’Île-du-Prince-Édouard, au courant de l’hiver, on disait que le homard se vendait 21 $ la livre. On a parlé de homard à 18 $ la livre. Actuellement, au Québec, le homard est à 7 $ la livre. Quand on parle des taux de capture de 2 000 livres par jour, à certains endroits en Nouvelle‑Écosse, on parle de 10 000 livres par jour par pêcheur. Les prix, c’est la même chose pour le crabe. Les gens ont fait la pêche au crabe. La saison se passe bien. Les associations de pêcheurs prennent des mesures pour protéger l’espèce et faire en sorte que les quotas alloués et ce qui est capturé amènent une valeur ajoutée dans les milieux.

La sénatrice Poirier : On parle d’une perte de 25 à 30 millions de dollars dans la région. Je ne sais pas de quelle région vous parlez. Je parle du Nouveau-Brunswick. Ce qu’on entend dire, c’est que les prix ont baissé comme la quantité que l’on pêche. À une période économique difficile, les pêcheurs ont besoin d’être appuyés par votre gouvernement au lieu d’être ignorés. Toute la situation aurait pu être évitée si seulement vous aviez écouté les pêcheurs plus tôt.

Madame la ministre, la prochaine fois, allez-vous écouter les pêcheurs sur l’eau plutôt que des fonctionnaires qui se trouvent à 1 000 kilomètres de l’eau?

Mme Lebouthillier : J’ai des rencontres régulières avec les associations de pêcheurs et avec les industriels de la transformation. Je peux vous dire que, en ce qui a trait aux taux de capture, les îles de la Madeleine sont très près du Nouveau-Brunswick. À ce jour, aux îles de la Madeleine, on parle de 6,6 millions de livres de homard depuis le début de la saison de pêche, vers la fin d’avril. Ce que j’entends de la part des pêcheurs, c’est que les taux de capture sont excellents et toujours en augmentation. Il s’agit même de l’une des saisons où l’on aura des taux de capture plus élevés que l’an dernier.

[Traduction]

La répartition des ressources halieutiques

L’honorable Iris Petten : Je vous remercie d’être ici aujourd’hui, madame Lebouthillier.

L’an dernier, Pêches et Océans Canada a annoncé son intention de rouvrir la pêche commerciale du sébaste de l’Unité 1 dans les provinces de l’Atlantique et au Québec pour la première fois depuis 1995. Vendredi dernier, le ministère a dévoilé son plan de gestion pour la période 2024-2025, qui attribue 58,69 % des quotas au secteur de la flotte d’engins mobiles hauturiers, qui compte des navires de plus de 100 pieds, tandis qu’environ 15 % des quotas ont été attribués au secteur de la flotte côtière et 10 % aux communautés et organismes autochtones. Comment a-t-on décidé de l’attribution de ces quotas?

(1610)

[Français]

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : La répartition a été déterminée en collaboration avec les provinces. Celles-ci voulaient garder les quotas qu’elles avaient déjà. On a donc gardé les quotas pour le Québec. Les quotas ont diminué pour la Nouvelle-Écosse et ont été alloués au Nouveau-Brunswick pour les pêcheurs et les communautés autochtones. On a également octroyé des quotas à Terre-Neuve et à l’Île-du-Prince-Édouard. Dans les demandes faites auprès du Comité consultatif sur le sébaste, l’objectif était non pas de faire une surpêche, mais de s’assurer d’avoir une pêche responsable et qui assurera de la valeur ajoutée au produit. On a travaillé de concert avec le Comité consultatif sur le sébaste, qui nous a fait la recommandation d’aller chercher 60 000 tonnes cette année. On veut aussi pouvoir le transformer. Nous en sommes à la phase 1 et les consultations se poursuivront pour la phase 2.

[Traduction]

La sénatrice Petten : La Fish, Food and Allied Workers Union a exprimé sa frustration à l’égard de l’attribution des quotas en affirmant que le gouvernement fédéral donnait la priorité aux entreprises plutôt qu’aux pêcheurs qui peinent à survivre. Qu’en pensez-vous?

[Français]

Mme Lebouthillier : Dans le secteur de la pêche, on travaille avec de grandes entreprises. Ces entreprises embauchent des gens des milieux ruraux. Elles alimentent nos usines de transformation qui, elles, utilisent des employés et des gens de nos communautés. Tout le secteur des pêches est mobilisé pour faire travailler nos gens dans les régions rurales.

[Traduction]

Les déchets toxiques

L’honorable Stan Kutcher : Ma question porte sur le projet qui vise à déverser des déchets pyritiques toxiques dans l’anse de Dartmouth, dans le port d’Halifax, même s’il existe d’autres endroits où cela entraînera moins de répercussions négatives sur l’environnement et la navigation. Il a fallu des décennies pour nettoyer les eaux d’égout brutes et les résultats d’autres pratiques abusives dans le port. L’anse de Dartmouth est maintenant une zone de biodiversité florissante qui comprend des anguilles américaines ainsi que du homard et de la plie. On y trouve également un nombre croissant d’incubateurs d’entreprises de l’économie bleue et de lieux de recherche sur les océans.

En quoi un projet d’enfouissement comme celui-ci est-il logique dans le contexte de la gestion côtière, de la protection des habitats et de l’innovation liée aux océans, de même que de la protection d’un environnement marin riche, diversifié et unique?

[Français]

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Je peux vous assurer que notre gouvernement et Pêches et Océans Canada s’engagent à protéger les poissons et leur habitat. La protection de toutes les espèces sauvages est une priorité pour moi. On m’a informée qu’une demande avait été faite en ce sens. Nous faisons les évaluations en ce moment et je peux vous dire que nous allons prendre le temps qu’il faut pour mesurer correctement les impacts potentiels et voir toutes les mesures d’atténuation qui pourront être mises en place si une autorisation est accordée.

À l’heure actuelle, aucune autorisation n’est accordée. Il y a de la pêche en région côtière, mais aussi en eau douce. Les gens s’attendent à ce que nous protégions les habitats et toutes les espèces sauvages.

[Traduction]

Le sénateur Kutcher : Merci, madame la ministre, d’être à jour dans ce dossier. Je vous en suis très reconnaissant.

Pouvez-vous assurer aux citoyens de la Nouvelle-Écosse que vous n’autoriserez pas le déversement de déchets toxiques qui endommagent le milieu marin dans un écosystème marin fragile?

[Français]

Mme Lebouthillier : Je peux vous assurer qu’une de mes priorités est de protéger toutes les espèces sauvages et de faire en sorte qu’il n’y ait aucun déversement toxique. L’évaluation sera faite en profondeur et nous continuerons de travailler avec les partenaires. Comme je l’ai souligné, aucune autorisation n’a été accordée. Nous en sommes encore à l’étape de l’évaluation et nous prendrons le temps qu’il faut pour bien faire les choses.

[Traduction]

La pêche à la civelle

L’honorable Colin Deacon : Madame la ministre, ma question porte sur la transformation numérique et l’innovation dans l’industrie des fruits de mer. Des entreprises canadiennes novatrices ont mis au point des solutions numériques fondées sur des normes mondiales qui assurent une solide traçabilité dans les chaînes d’approvisionnement des produits de la mer. Ces innovations sont essentielles pour répondre aux priorités du ministère des Pêches et des Océans, notamment mettre fin aux activités illicites dans la pêche à la civelle.

Je dirais qu’encore une fois, le refus du ministère des Pêches et des Océans de mettre en œuvre des solutions novatrices a entraîné la fermeture de la pêche à la civelle cette saison, ce qui a nui aux pêcheurs titulaires d’un permis et aux collectivités rurales.

Madame la ministre, pourquoi votre ministère n’adopte-t-il pas des pratiques exemplaires et des technologies modernes pour mieux gérer la pêche à la civelle, comme le fait l’État du Maine? Quels plans précis le ministère des Pêches et des Océans a-t-il pour tirer parti de l’expertise canadienne afin de créer une pêche à la civelle plus sûre, plus moderne et mieux réglementée?

[Français]

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Ce n’est pas de gaieté de cœur que l’on décide d’interdire une pêche ou de prolonger un moratoire, car je suis très au courant de l’impact de ce moratoire sur les communautés.

Je suis allée à Portland, dans le Maine. J’ai rencontré des gens pour savoir de quelle façon on pourrait assurer la protection de la civelle et pour avoir des règles claires et faire la traçabilité du produit. On l’a vu avec toutes les interventions qui ont été faites cette année. Encore cette semaine, on a saisi une quantité de civelles d’une valeur de près de 300 000 $ à l’aéroport de Toronto; il y a deux semaines, on en a saisi une quantité d’une valeur de 500 000 $. On voit le travail important qui se fait pour protéger la ressource et pour vérifier la traçabilité. J’ai bien l’intention de faire en sorte que l’on puisse réouvrir la pêche à la civelle en 2025. L’autre objectif est d’arrêter de vendre de la civelle dans des boîtes de transport, pour que l’on puisse se rendre à un endroit afin de bien évaluer toutes les captures de civelle. Cela fait partie des solutions que Portland a mises en place.

[Traduction]

Le sénateur C. Deacon : Je suis désolé, madame la ministre, mais cela ne me permet pas de croire que les choses iront mieux l’an prochain. Pas plus tard qu’en janvier dernier, le ministère des Pêches et des Océans a présenté une demande d’information au sujet d’un système de traçabilité de la civelle afin de suivre la récolte, la possession et le mouvement des civelles le long de la chaîne d’approvisionnement canadienne. Le ministère s’est engagé à aller de l’avant en mars, mais c’est le silence radio depuis.

L’approvisionnement est un outil essentiel. L’expérience du Maine a démontré que cela peut être couronné de succès. Quand cette pêche sera-t-elle à nouveau autorisée?

[Français]

Mme Lebouthillier : Je peux vous dire que la pêche sera ouverte en 2025. Nous travaillons en ce moment avec le Conseil du Trésor pour nous assurer que la nouvelle réglementation et les mesures de traçabilité nécessaires sont mises en place.

[Traduction]

La pêche au homard

L’honorable Rodger Cuzner : C’est bon de vous voir, madame la ministre. Pour revenir à une question posée plus tôt au sujet du homard, on sait que le homard est vendu sur le marché libre et qu’en raison de son abondance cette année, il y a des pêches record dans le Canada atlantique et au Québec. Je sais qu’il n’y a pas suffisamment de caisses à homards en Nouvelle-Écosse pour y stocker tous les homards, alors les prix ont naturellement baissé.

Vous avez fait une très bonne chose. Les pêcheurs savent que nous devons avoir accès au marché américain. À moins de faire notre part pour protéger la baleine noire de l’Atlantique Nord, nous n’y aurons pas accès. La National Oceanic and Atmospheric Administration va fermer cette portion du marché. Quelles mesures votre ministère prend-il pour veiller à la protection de la baleine noire de l’Atlantique Nord?

(1620)

[Français]

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Je peux vous dire que des mesures ont été prises depuis 2016. Il y a aussi un comité consultatif qui a été créé pour la protection des baleines. Comme vous le mentionniez, il y a des lois pour protéger les mammifères marins. Le risque est réel : la fermeture des marchés américains et européens ferait chuter le prix du homard.

Dans les discussions que j’ai eues avec les transformateurs, nous avons conclu qu’il fallait s’assurer d’avoir les certifications MSC selon lesquelles nous favorisons des pêches écoresponsables. Sinon, cela pourrait faire chuter les prix des homards en deçà de 3 $ la livre, ce qui viendrait carrément tuer le marché de la pêche de toutes les espèces dans l’Est du Canada.

La semaine dernière, j’ai annoncé un investissement de 800 000 $ dans une nouvelle entreprise, Whale Seeker, qui sera en mesure de suivre les baleines pratiquement à la trace pour assurer la prévisibilité auprès de nos pêcheurs, mais aussi du secteur du transport maritime, des croisières et des bateaux qui font du transport de marchandises.

[Traduction]

Le sénateur Cuzner : De toute évidence, les mesures qui ont été prises permettent de garder le marché américain ouvert et accessible au homard canadien, mais il y a eu un problème dans la péninsule acadienne, au Nouveau-Brunswick, qui a causé tout un émoi, et vous êtes parvenue à y trouver une solution. Pourriez-vous nous expliquer la genèse de votre décision et nous dire où en est la situation en ce moment? Je crois comprendre que les pêcheurs sont toujours en mer.

[Français]

Mme Lebouthillier : En 2017, on venait de commencer à mettre en place de nouvelles mesures. Dans ma circonscription, pendant deux semaines, on a dû sortir les trappes à homard de l’eau. Au Nouveau-Brunswick, il y a eu des rencontres avec le comité consultatif composé d’associations de différents types de pêches et de transformateurs. J’ai demandé d’avoir des discussions avec les pêcheurs. Pour ceux qui connaissent un peu la pêche, lorsqu’ils mettent les trappes à l’eau, les pêcheurs calculent en brasse. On n’a pas la même unité de mesure avec Pêches et Océans Canada. J’ai demandé à ce qu’il y ait un bateau de la Garde côtière canadienne qui puisse se rendre avec le président...

Son Honneur la Présidente : Merci, madame la ministre.

[Traduction]

La chasse au phoque commerciale

L’honorable Fabian Manning : Madame la ministre, je vous souhaite la bienvenue. Le 23 mai, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a publié son plus récent rapport intitulé Assurer l’avenir de la chasse au phoque : Passons à l’action. Le rapport présente neuf recommandations, dont plusieurs exhortent le gouvernement à prendre des mesures urgentes pour lutter contre la croissance constante de la population de phoques, la baisse des populations d’autres espèces et la destruction continue de l’écosystème océanique en raison de la surabondance de phoques. Le rapport souligne également le besoin criant de plus amples recherches et recommandations pour contrer les mensonges, la mésinformation et la désinformation qui continuent d’être propagés au sujet de cette industrie.

Madame la ministre, sachant la région que vous représentez, croyez-vous que les questions que nous avons soulevées exigent des mesures urgentes aujourd’hui? Les gens de cette industrie peuvent-ils compter sur vous pour défendre leurs intérêts dans cette cause?

[Français]

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : La chasse au phoque, selon les provinces dans lesquelles on se trouve, j’en ai fait une de mes trois priorités. Il y a du travail et des investissements financiers qui ont été faits. On travaille beaucoup avec les communautés autochtones pour avoir accès au marché, mais aussi pour avoir accès au marché à l’intérieur du pays. Il ne suffit pas de penser aux marchés à l’extérieur du Canada. Il faut être en mesure de retrouver ce produit dans nos chaînes d’alimentation et dans nos restaurants. On doit aussi penser à développer le marché à l’extérieur du Canada. Tout ce travail est en train de se faire actuellement avec les provinces et les communautés autochtones.

[Traduction]

Le sénateur Manning : Je vous remercie, madame la ministre. En novembre dernier, un sommet Canada-Union européenne a eu lieu à Terre-Neuve-et-Labrador. L’embargo européen sur les produits du phoque en vigueur depuis 2009 n’était pas une priorité lors de ces pourparlers. Lorsqu’on lui a demandé si l’industrie de la chasse au phoque avait fait l’objet de discussions, le premier ministre Trudeau a répondu : « Le monde traverse une période complexe et il y a beaucoup de sujets à discuter. »

Eh bien, madame la ministre, ce n’est pas une question complexe. Les quelque 8 millions de phoques au large des côtes de Terre‑Neuve-et-Labrador ne se nourrissent pas de Poulet frit Kentucky ou de beignes de Tim Hortons. Ils mangent les autres espèces de poisson et détruisent l’écosystème océanique. Madame la ministre, quelles mesures le gouvernement prend-il aujourd’hui, en ce moment, pour inciter l’Union européenne à lever l’interdiction sur les produits du phoque?

Une voix : C’est une bonne question.

[Français]

Mme Lebouthillier : Vous avez raison. Comme je le mentionnais un peu plus tôt, le phoque mange le pain et le beurre de nos pêcheurs. L’objectif, dans la transformation des produits du phoque, n’est pas non plus de détruire une ressource. Le phoque peut être aussi une ressource de développement économique. On peut l’utiliser pratiquement dans son entièreté, soit à 98 %. Actuellement, je travaille avec la France. En 2025, on aura la Conférence des Nations unies sur l’océan, qui permettra notamment de discuter des espèces envahissantes. Le phoque sera assurément un des sujets de discussion.

Comme je le disais, il ne s’agit pas seulement de regarder ce qu’on peut faire avec l’Union européenne par rapport aux phoques, mais ce qu’on peut faire aussi au pays.

Son Honneur la Présidente : Merci, madame la ministre.

[Traduction]

Le racisme systémique

L’honorable Salma Ataullahjan : Je suis ravie de vous revoir, madame la ministre. En 2022, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a publié le rapport intitulé Paix sur l’eau, qui traite du racisme systémique au sein de Pêches et Océans Canada. Bien que le ministère ait assuré qu’il reconnaissait l’urgence de mettre fin au racisme systémique, en avril, deux pêcheurs mi’kmaqs ont été forcés de marcher le long de l’autoroute en pleine nuit, sans téléphone ni chaussures, après que des agents des pêches eurent saisi leurs effets personnels.

Madame la ministre, le plan d’action actuel est clairement inefficace, et nous entendons régulièrement parler de cas de racisme lors des témoignages devant le comité. Comment votre ministère compte-t-il mettre fin aux pratiques discriminatoires au sein de Pêches et Océans Canada? Le ministère a-t-il un plan quelconque?

[Français]

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Je suis allée en Nouvelle-Écosse la fin de semaine dernière et j’ai rencontré la communauté d’Eskasoni. J’ai aussi rencontré un des pêcheurs, un des jeunes qui avaient été laissés sans chaussures au bord de la route en pleine nuit. Comme je l’ai mentionné, pour moi, il est inacceptable que ces choses se produisent. La sous-ministre était avec moi lors de la rencontre avec les gens de la communauté. Il y a un comité qui sera créé. On discute cette semaine de ceux qui feront partie du comité. On veut aussi s’assurer que le mandat du comité est discuté avec les communautés autochtones, afin que ces situations ne se reproduisent plus jamais. Comme je l’ai mentionné, ce qui s’est passé est inacceptable.

[Traduction]

La sénatrice Ataullahjan : Madame la ministre, il existe des procédures et des protocoles, et pourtant ces deux pêcheurs ont inutilement traversé une épreuve traumatisante qui a affecté l’ensemble de leur communauté. Comment a-t-on mené l’enquête? Y a-t-il une enquête en cours? Comment les agents des pêches ont‑ils été ou seront-ils sanctionnés? Quelles mesures ont été prises par votre ministère?

[Français]

Mme Lebouthillier : Actuellement, il y a des enquêtes qui se font à l’interne. C’est un processus administratif. On est en attente des résultats. En parallèle, on se devait d’avoir un autre comité qui n’est pas sous la supervision de Pêches et Océans Canada. Pour moi, il est important que ce comité soit indépendant. On est en train de déterminer qui pourrait être responsable du comité et on souhaite que des gens de la communauté autochtone en fassent partie. On nous a soumis des noms d’anciens sénateurs qui pourraient faire partie du comité. Comme je l’ai dit, on va s’assurer de progresser pour que ces situations ne se reproduisent plus.

[Traduction]

La pêche commerciale à la morue

L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia : Je vous remercie d’être parmi nous, madame la ministre. Selon une étude récente publiée dans le Journal canadien des sciences halieutiques et aquatiques, la morue du Nord qui se trouve à Terre-Neuve-et-Labrador a retrouvé les habitudes migratoires qu’elle avait auparavant. De plus, d’après le nouveau modèle d’évaluation du ministère des Pêches et des Océans, le stock de morue du Nord n’est plus dans une situation critique depuis 2016, ce qui laisse entrevoir la possibilité d’une réouverture de la pêche commerciale à la morue.

(1630)

Compte tenu de l’importance historique et économique de la pêche à la morue pour ma province et des profondes conséquences du moratoire de 1992 sur les moyens de subsistance des habitants de Terre-Neuve-et-Labrador, quelles mesures votre ministère prend-il pour évaluer la faisabilité de la réouverture de la pêche commerciale à la morue?

[Français]

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : On m’a mise au courant, effectivement. J’ai eu aussi des séances d’information et je devrais annoncer sous peu comment se fera la réouverture de la pêche à la morue.

Je tiens à préciser que nous sommes quand même en zone de prudence. J’ai vécu le moratoire de la pêche à la morue et j’ai constaté l’effet catastrophique que le moratoire a eu sur les communautés. Je veux vous assurer et vous rassurer sur le fait que je n’ai pas l’intention de revivre un deuxième moratoire sur la pêche à la morue. Les choses vont se faire de façon telle que les générations futures auront accès à ces ressources qui sont si importantes.

[Traduction]

Le sénateur Ravalia : Je vous remercie, madame la ministre.

Peut-être pourriez-vous nous parler des leçons que votre ministère a tirées du moratoire de 1992, qui guideront la gestion d’une éventuelle réouverture de cette pêche et en assureront la viabilité à long terme. Merci.

[Français]

Mme Lebouthillier : Comme je vous le mentionnais, nous sommes en zone de prudence et nous allons nous assurer de ne pas aller vers une surpêche, car dans une telle situation, les prix des produits diminuent.

Nous voulons faire une pêche responsable, des pêches avec des certifications MSC (Marine Stewardship Council), en nous efforçant d’utiliser l’entièreté d’un produit. On le voit aussi avec ce qui se passe actuellement sur toute la planète avec le réchauffement climatique et les océans. Nous devons être prudents dans la façon dont nous reprendrons les activités de pêche à la morue.

L’industrie de la pêche au Nouveau-Brunswick

L’honorable René Cormier : Bienvenue au Sénat, madame la ministre.

En ce qui concerne l’équilibre entre la protection de la baleine noire et la protection des intérêts des travailleurs et des pêcheurs commerciaux, vous avez dit à mon collègue le sénateur Cuzner qu’il y avait une manière différente de faire un calcul, selon qu’il était fait par les pêcheurs ou par votre ministère — ce qui est assez étonnant, me semble-t-il. Comment pouvez-vous assurer aux pêcheurs et à l’industrie que le Comité consultatif technique sur les baleines noires de l’Atlantique, que vous mettez en place, tient réellement compte des réalités des pêcheurs et de l’industrie, notamment de ma région de la Péninsule acadienne, au nord-est du Nouveau-Brunswick?

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Le comité consultatif va se réunir au cours des prochaines semaines. Il est certain que lorsqu’on met des mesures en place, tant que les mesures ne nous affectent pas personnellement, on dit que les mesures sont là et que tout va bien, mais lorsque cela se passe chez nous, tout à coup, ce ne sont plus nécessairement les mesures que l’on voudrait voir.

C’est un processus évolutif. Comment s’assurer de calculer de la même façon et d’avoir les mêmes mesures? Les pêcheurs calculent les mesures en brasses, mais c’est un peu plus difficile pour Pêches et Océans Canada d’avoir l’image totale des fonds marins.

Pêches et Océans Canada calcule avec des lignes : entre telle et telle ligne, on ne devrait pas pêcher, d’où l’importance d’utiliser l’intelligence artificielle et la mer numérique. Les pêcheurs sont déjà au courant des orientations que l’on prend pour ne pas se retrouver dans une situation comme celle qui s’est produite il y a deux semaines.

Le sénateur Cormier : Je suis étonné que le ministère calcule de cette façon. Cela m’amène à ma deuxième question. Un article récent de l’Acadie Nouvelle soulevait des préoccupations très importantes de la part d’experts et de parties prenantes de l’industrie, préoccupations qui vont à l’encontre de votre ministère.

Les termes utilisés sont assez éloquents; ils parlaient de « décisions déconnectées de la réalité », d’« ultra-centralisation du pouvoir sur l’ensemble des dossiers », d’un « fonctionnement en silo ». Ils utilisaient même le terme « bunker » pour parler de votre ministère.

Madame la ministre, que comptez-vous faire pour atténuer ces frustrations, qui sont récurrentes et décourageantes chez les pêcheurs de notre région? Comment allez-vous rétablir, établir, dirais-je même, un climat de confiance durable entre votre ministère et le secteur de la pêche chez nous?

Mme Lebouthillier : Ce qui est important pour moi, c’est qu’au sein du Comité consultatif technique sur les baleines noires de l’Atlantique, il y ait des représentants des pêcheurs et de l’industrie. En ce qui concerne l’industrie de la transformation, les industriels de la transformation ont avisé les pêcheurs que s’ils ne respectaient pas les règles des certifications MSC ou les règles de protection des baleines, les transformateurs n’achèteraient pas leurs produits de la mer. L’objectif d’un transformateur n’est pas de faire une collection de produits de la mer dans son congélateur.

Il faut que les produits entrent et sortent du pays; pour que les produits sortent, il faut respecter des règles comme les règles en matière de protection des baleines, pour ne pas devoir fermer des marchés, tant du côté américain que du côté des marchés —

[Traduction]

Le traitement réservé aux pêcheurs mi’kmaqs

L’honorable Paul J. Prosper : Bienvenue, madame la ministre.

Deux mois se sont écoulés depuis que l’on a infligé un traitement inhumain à deux jeunes pêcheurs mi’kmaqs de la Nouvelle-Écosse et depuis que vous avez accepté de recourir à un tiers indépendant pour enquêter sur l’affaire.

J’ai fait un suivi auprès des dirigeants mi’kmaqs et on m’a dit que les choses n’avaient pas progressé.

Madame la ministre, c’est la sécurité des pêcheurs mi’kmaqs exerçant leurs droits garantis par la Constitution qui est en jeu. Nous ne pouvons pas risquer ou nous permettre de laisser traîner l’enquête et le rapport jusqu’au prochain cycle électoral.

Ma question est la suivante, madame la ministre : quand exactement peut-on s’attendre à ce qu’un nouveau processus indépendant soit mis en place?

[Français]

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Des rencontres sont prévues cette semaine, d’où ma visite en Nouvelle‑Écosse la semaine dernière et la rencontre que j’ai eue avec la communauté d’Eskasoni, pour les aviser que les processus allaient commencer cette semaine pour ce qui est du comité qui sera créé.

[Traduction]

Le sénateur Prosper : Merci, madame la ministre.

Les agents impliqués dans l’incident, et dans des incidents subséquents survenus dans le Mi’kma’ki, travaillent toujours dans la collectivité. Cela ne contribue en rien à promouvoir la confiance et la bonne volonté entre les Mi’kmaqs et votre ministère.

Dans sa stratégie de 2019 pour la réconciliation, le ministère des Pêches et des Océans s’est engagé à établir une relation renouvelée fondée sur la reconnaissance des droits, le respect, la coopération et le partenariat.

Madame la ministre, alors que nous attendons le processus indépendant, quelles mesures concrètes prenez-vous dans l’intervalle pour répondre aux préoccupations des Mi’kmaqs? Proposez-vous, par exemple, une formation en matière de techniques de désescalade?

[Français]

Mme Lebouthillier : Je veux rassurer le sénateur. En effet, la situation inacceptable qui s’est produite fera en sorte que le ministère va vraiment s’assurer d’offrir de la formation aux gens. Nous devons vraiment nous améliorer pour que ces situations inacceptables ne se reproduisent plus jamais.

[Traduction]

La chasse au phoque commerciale

L’honorable Jane Cordy : Merci, madame la ministre, d’être parmi nous aujourd’hui.

Ma question porte également sur la chasse aux phoques au Canada. Au cours de l’étude du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans sur l’industrie de la chasse au phoque, nous avons entendu les préoccupations de nombreux pêcheurs au sujet de la gestion de la chasse au phoque. Les chasseurs de phoques ont déclaré que trop peu de phoques sont chassés, ce qui met en péril de nombreuses espèces de poissons sur les côtes Est et Ouest. Actuellement, il n’y a pas de chasse au phoque sur la côte Ouest canadienne.

Le rapport du Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes fait état de demandes officieuses concernant la mise en place d’une chasse au phoque sur la côte Ouest.

Madame la ministre, le ministère des Pêches et des Océans a-t-il reçu, dans le cadre de ses nouvelles politiques de pêche, des propositions visant à établir une chasse sur la côte Ouest? Le ministère envisagerait-il cette possibilité?

[Français]

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Je dois vous dire que je me suis rendue sur la côte Ouest pendant une semaine en décembre dernier. Chaque fois que j’ai abordé le sujet du phoque, les gens étaient très mal à l’aise de m’en parler. On finissait par me dire que, oui, effectivement, il y a des phoques et que cela crée un problème pour le secteur des pêches. Bien sûr, c’est une priorité pour moi. C’est beaucoup plus facile de l’aborder du côté de l’Est du Canada et de l’Arctique, mais sur la côte Ouest, on a un travail à faire pour ce qui est d’en parler beaucoup plus ouvertement.

(1640)

Il y a trois semaines, il y avait un phoque et les gens l’avaient nommé Emerson. Il sortait de l’eau et se promenait dans les rues à Victoria. On le ramenait dans l’eau et il revenait. Je peux vous dire que cela a été problématique. Cela a coûté beaucoup d’argent de s’occuper d’Emerson. Il y a une plus grande sensibilité du côté de l’Ouest quand on parle d’en faire un secteur de l’économie et une activité qui pourrait être florissante.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Merci, madame la ministre. Il est réjouissant d’entendre que vous ouvrez le dialogue en ce qui concerne la côte Ouest.

Le rapport de la Chambre des communes sur la chasse au phoque indique que, sur les 4 482 permis délivrés par le ministère des Pêches et des Océans en 2022, seuls 330 étaient en utilisation sur la côte Est. Le ministère enquête-t-il sur les permis de chasse au phoque inactifs afin de déterminer pourquoi tant de permis sont délivrés sans être utilisés par les pêcheurs?

[Français]

Mme Lebouthillier : Oui, la situation est examinée et vous faites bien de le mentionner. Effectivement, nous ne sommes même pas en mesure de capturer les quotas qui sont octroyés, d’où l’importance de travailler le phoque ici, au Canada, pour en faire un produit que les gens pourront consommer et manger. En passant, je vous dirais que le phoque est excellent lorsqu’il est bien apprêté. Pour moi, c’est une protéine. On peut utiliser la fourrure. Cela permettra même aux communautés autochtones... C’est la raison pour laquelle il est très important pour moi d’avoir un leadership et une contribution des communautés autochtones, pour être en mesure d’aider les femmes du point de vue économique avec le commerce de la fourrure. C’est un produit qui peut être utilisé à 98 %.

Son Honneur la Présidente : Merci, madame la ministre.

L’approvisionnement de la Garde côtière

L’honorable Leo Housakos : Madame la ministre, les Canadiens apprenaient l’année dernière que le budget de construction du nouveau navire hauturier de recherche océanographique de la Garde cotière avait augmenté encore une fois pour s’établir à 1,28 milliard de dollars. Ce montant est maintenant 10 fois plus élevé que l’estimation initiale des coûts qui a été communiquée à la population, et ce, pour un seul navire. Votre ministère a confirmé aux médias qu’il avait appris l’augmentation de prix il y a un an, soit en juin 2023, mais il n’a informé les Canadiens qu’en octobre.

Madame la ministre, quel est le coût actuel de ce projet? Y a-t-il eu un autre dépassement de coûts que nous ignorons?

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Je ne peux pas répondre à votre question, mais je serais heureuse de vous revenir avec une réponse écrite.

Le sénateur Housakos : Madame la ministre, en plus d’avoir largement dépassé son budget, le gouvernement Trudeau a reporté à cinq reprises la date de livraison de ce navire.

Madame la ministre, combien de fois avez-vous rencontré le ministre Duclos depuis que vous avez été nommée à votre poste en juillet dernier? Ce navire sera-t-il mis en service en 2025, comme promis, ou les Canadiens doivent-ils s’attendre à un nouveau retard?

Mme Lebouthillier : Certains navires ont été mis en service, mais si vous me demandez si un bateau qui n’a pas été construit sera en service en 2025, je dois évidemment dire que la réponse est non. Je ne vais pas vous mentir ici aujourd’hui.

[Traduction]

L’élevage du saumon en parcs en filet en Colombie-Britannique

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Madame la ministre, depuis 2019, les lettres de mandat des différents ministres des Pêches prévoient l’établissement d’un plan d’abandon de l’élevage du saumon en parcs en filet dans les eaux de la Colombie-Britannique d’ici 2025. Le secteur soutient plus de 500 emplois chez les Premières Nations de la région et injecte 50 millions de dollars par année dans ces communautés.

Madame la ministre, le gouvernement soutiendra-t-il les communautés qui dépendent de cette industrie ou abandonnera-t-il l’élevage du saumon en parcs en filet en Colombie-Britannique?

[Français]

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : J’ai eu des rencontres en décembre dernier avec les communautés autochtones en Colombie-Britannique, et j’ai aussi eu le plaisir de les rencontrer à Ottawa. On veut s’assurer de présenter un plan qui sera réaliste, responsable et raisonnable.

[Traduction]

La sénatrice Martin : En octobre dernier, vous avez dit aux députés du Comité des pêches de la Chambre des communes que vous deviez continuer de discuter avec les travailleurs du secteur et de préparer l’établissement d’un plan de transition. Les Premières Nations de la Colombie-Britannique s’impatientent parce que le gouvernement se traîne les pieds au lieu de prendre une décision claire sur l’élevage du saumon en parcs en filet. Je sais que vous menez ces consultations, mais, madame la ministre, pendant combien de temps encore le gouvernement retardera-t-il sa décision sur l’abandon ou non de ce type d’élevage en Colombie-Britannique?

[Français]

Mme Lebouthillier : Vous devriez connaître sous peu l’orientation que nous allons prendre sous peu.

L’industrie de la crevette

L’honorable Éric Forest : Merci d’être parmi nous aujourd’hui, madame la ministre. Je ne vous apprends pas que plusieurs pêches vivent des moments difficiles dans l’Est-du-Québec et dans les Maritimes. C’est particulièrement difficile pour les pêcheurs, les travailleurs d’usine et les industriels du secteur de la crevette.

La fermeture de Fruits de mer de l’Est a été un choc pour Matane et pour toute notre région. Voilà que la moitié des entreprises de pêche à la crevette qui composent la flottille du Québec seraient en faillite technique. Selon Patrice Element, directeur de l’Office des pêcheurs de crevette du Québec, la biomasse ne reviendrait pas.

Je sais, madame la ministre, que vous travaillez très fort pour trouver des solutions pour les crevettiers, mais compte tenu du contexte, il serait temps d’ouvrir la porte à ceux qui souhaitent quitter l’industrie. Par le passé, lorsque les moratoires ont été annoncés, le gouvernement fédéral a mis sur pied un programme de rachat de permis et des mesures pour restructurer l’industrie.

Est-ce que votre ministère réalise que si l’on n’agit pas rapidement, on condamne des dizaines de familles à la pauvreté et à la fragilité économique?

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Pour avoir été très impliquée avec les pêcheurs de crevette, je dois vous dire que, depuis 2016, avec le réchauffement climatique, on voyait que les stocks de crevettes diminuaient dans le golfe.

Cette année, si j’avais écouté les pêcheurs, ils souhaitaient garder le statu quo, ce qui s’est fait il y a deux ou trois ans. L’an dernier, on l’a vu, il n’y avait plus de crevettes dans le golfe, pratiquement plus. Ils ont essayé de faire des sorties cette année. On parle de bateaux qui mettent les filets à l’eau pendant six heures pour prendre 150 livres de crevettes. On voit que cela ne va pas bien dans le golfe avec le réchauffement climatique et c’est la même chose pour d’autres espèces.

Pour moi, c’était important de penser à l’ouverture de la pêche au sébaste pour permettre aux pêcheurs de crevette de bénéficier de cette réouverture des pêches et d’en faire un produit à valeur ajoutée.

Le sénateur Forest : Merci. Je pense qu’on reconnaît tous et toutes que les stocks de crevettes ne se rétabliront pas de sitôt. En conséquence, il m’apparaît primordial d’aider les pêcheurs, les industriels et surtout les travailleurs d’usine à se reconvertir.

Quel est le plan de la ministre pour relever ce défi?

Mme Lebouthillier : Sur le plan de la conversion, on a justement de l’argent dans le Fonds des pêches du Canada pour aider les pêcheurs à se reconvertir vers d’autres secteurs des pêches. Je suis actuellement très préoccupée par la relève, en raison du prix où sont les permis actuellement et parce qu’on a des jeunes qui se sont endettés de façon phénoménale. Il y a des discussions en cours avec des collègues au sein des comités des pêches pour s’assurer d’avoir de la relève dans le secteur des pêches.

[Traduction]

La chasse au phoque commerciale

L’honorable Pat Duncan : Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre. Comme vous l’avez entendu plus tôt aujourd’hui, le Comité sénatorial des pêches et des océans a publié le rapport de son étude sur la chasse au phoque. D’après ce que nous avons constaté dans le cadre de travaux officiels et non officiels, nous manquons cruellement de données en ce qui concerne la côte Ouest du Canada et la côte Sud-Est de l’Alaska. Il y a une grande différence entre Victoria, en Colombie-Britannique, et Haines, en Alaska, et c’est un dossier qui nous tient à cœur.

(1650)

D’après les témoignages d’intervenants du secteur des pêches et des Premières Nations, nous savons que la surabondance de phoques — en particulier dans les rivières Alsek, Taku et Stikine — contribue encore à la diminution des stocks de saumon. Quelles sont exactement les mesures que le ministère des Pêches et des Océans met en œuvre ou finance en collaboration avec les intervenants de la Colombie-Britannique, du Yukon et du Sud-Est de l’Alaska pour déterminer l’ampleur de la population de phoques dans le Nord-Ouest?

[Français]

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Comme je l’ai mentionné un peu plus tôt, lorsque je suis allée sur la côte Est, cela a été un sujet très délicat à aborder avec les gens du secteur des pêches et de la transformation ainsi qu’avec le gouvernement de la Colombie-Britannique : que l’on puisse faire du phoque une espèce qui pourrait être économiquement rentable et bien exploitée pour l’ensemble des communautés.

Donc, pour moi, il est important de faire en sorte qu’il y ait davantage d’ouverture pour faire une pêche écoresponsable. C’est la raison pour laquelle il est si important d’impliquer les communautés autochtones et d’avoir accès à leur savoir traditionnel pour pêcher les autres espèces. Effectivement, le phoque se nourrit de poisson et cela nuit à d’autres espèces sauvages.

[Traduction]

La sénatrice Duncan : En tout respect, madame la ministre, il y a un monde entre discuter de la question dans le Sud de la Colombie-Britannique et en discuter dans le Sud-Est de l’Alaska et au Yukon, où il est évident que la situation pose problème. C’est un dossier d’envergure internationale.

Allez-vous vous engager à discuter avec vos homologues de l’Alaska et avec les Premières Nations de cette question qui touche à la fois le Yukon, le Nord de la Colombie-Britannique et le Sud‑Est de l’Alaska?

[Français]

Mme Lebouthillier : J’ai eu des discussions avec l’Alaska afin de conclure une entente dans le but de cesser la pêche au saumon sauvage pendant sept ans pour permettre aux stocks de se reconstruire. Le travail se fait avec les Premières Nations et les gouvernements. Cela fait vraiment partie de mes priorités sur le plan de la commercialisation des produits du phoque.

[Traduction]

Le saumon canadien

L’honorable Robert Black : Madame la ministre, j’ai une autre question concernant l’élevage du saumon.

Dans un récent communiqué de presse, l’Alliance de l’industrie canadienne de l’aquaculture s’inquiète de la disparition de 390 millions de repas à base de saumon produits au Canada sur les tablettes des marchés et dans les restaurants au pays. Du saumon importé, qui coûte plus cher et qui a une empreinte carbone plus importante, remplace le produit canadien, ce qui représente une perte et a des conséquences majeures pour les consommateurs canadiens et le secteur de l’aquaculture au pays.

Selon les dernières données de l’Alliance de l’industrie canadienne de l’aquaculture, la production de saumon d’élevage au Canada est passée de 148 000 tonnes métriques en 2016 à 90 000 tonnes métriques en 2023, soit la production la plus faible depuis 2000. Cette baisse est principalement attribuée aux fermetures de fermes salmonicoles imposées par le gouvernement en Colombie‑Britannique.

Pourriez-vous nous éclairer sur la stratégie du gouvernement pour relever ces défis et favoriser la résurgence du saumon produit au Canada dans l’intérêt de nos concitoyens, de l’environnement et de notre économie?

[Français]

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : En ce qui concerne l’aquaculture, il est important d’avoir un plan responsable et réalisable et de faire en sorte que le développement de l’aquaculture n’ait pas d’impacts sur les espèces sauvages. J’ai aussi parlé du réchauffement climatique. C’est avec tout cet équilibre en tête que nous devons travailler; en ce qui a trait à la Colombie‑Britannique, on est actuellement en attente pour ce qui est du dossier des îles Discovery. Nous sommes en attente du jugement.

[Traduction]

La Commission des pêcheries des Grands Lacs

L’honorable Robert Black : Merci, madame la ministre. Changeons de sujet. Le 9 mai, vous avez comparu devant le Comité des pêches et des océans de la Chambre des communes, et on vous a interrogée sur la Commission des pêcheries des Grands Lacs et sa demande de transfert du ministère des Pêches et des Océans à Affaires mondiales Canada. En 2020, j’ai écrit une lettre à l’ancienne ministre des Pêches au sujet de cette même demande, sans jamais recevoir de réponse.

Au comité, on vous a demandé si votre ministère se trouvait en conflit d’intérêts, agissant à la fois comme fournisseur et comme contractant, et l’industrie a été surprise de voir que 3 millions de dollars approuvés par le Parlement avaient été retenus en 2022. L’argent a été restitué par la suite, après d’importantes pressions politiques, mais des inquiétudes subsistent.

Dans votre témoignage, vous avez soutenu que votre ministère estime qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts. Pouvez-vous justifier cette position?

[Français]

Mme Lebouthillier : À la suite des discussions que nous avons eues — et j’ai eu aussi des contacts avec l’ambassadeur des États‑Unis —, nous avons rétabli les sommes d’argent réservées à la protection des Grands Lacs. Les choses vont bien dans les Grands Lacs actuellement. Pêches et Océans Canada va rester membre du conseil d’administration des Grands Lacs.

[Traduction]

Les zones de protection marine

L’honorable Rodger Cuzner : Madame la ministre, j’ai une question sur les zones de protection marine. Le gouvernement a pris des mesures rigoureuses et ambitieuses en ce qui concerne les zones de protection marine en voulant protéger 25 % des milieux marins et côtiers d’ici 2025 et 30 % d’ici 2030.

En Nouvelle-Écosse, il était question d’un processus entamé pour les îles de la côte Est. Pouvez-vous donner au Sénat des nouvelles de ce processus, y compris par rapport à vos objectifs généraux?

[Français]

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Nous visons vraiment à atteindre nos cibles globales. Je veux aussi parler de l’importance des aires marines protégées, car ce sont nos pouponnières. Ce sont des secteurs qui permettent aux pêcheurs de protéger nos pêches de l’avenir. Il y a un travail de sensibilisation important qui se fait auprès des pêcheurs, qui s’inquiètent que tout cela leur nuise sur le plan des captures.

C’est un travail qui se fait en continu pour sensibiliser les pêcheurs, mais c’est aussi un travail qui se fait avec les communautés autochtones, qui privilégient beaucoup la protection des espèces, conformément à leur savoir.

[Traduction]

Le sénateur Cuzner : J’ai mentionné plus tôt les pêches records au Canada atlantique. En 2017-2018, deux zones de protection marine ont été établies au large des côtes du Cap-Breton, celle du Gully et celle du banc de Sainte-Anne.

Beaucoup de choses ont une incidence sur le niveau des prises. Le ministère est-il en mesure de déterminer scientifiquement si les zones de protection marine ont des répercussions de cet ordre sur les prises globales ou sur les pêches, qui sont exceptionnelles?

[Français]

Mme Lebouthillier : Pour ce qui est des aires marines protégées, on s’assure que ces secteurs sont en mesure de protéger la biodiversité. D’ailleurs, j’ai signé une entente aux Nations unies, l’accord BBNJ, pour protéger notre secteur des pêches.

Avec ce qui se passe sur le plan des changements climatiques dans l’océan, ce qui se trouve sous l’eau bouge constamment sous nos pieds, et c’est la raison pour laquelle on a besoin de la science. Une aire marine qui est protégée aujourd’hui va peut-être changer dans 15 ou 20 ans, car les poissons se déplacent dans le fond de l’eau.

[Traduction]

La pêche récréative

L’honorable Elizabeth Marshall : Je vous souhaite la bienvenue au Sénat, madame la ministre. Ma question vient de Ford Adams, un résidant de Terre-Neuve-et-Labrador.

Une pétition sur la pêche récréative à la morue a été lancée récemment par Graham Wood, un résidant de Lewisporte, et elle a été présentée à votre gouvernement par le député Clifford Small. Les pétitionnaires font valoir que les trois jours par semaine prévus en été et les dix jours prévus en automne incitent les participants à aller pêcher dans des conditions météorologiques présentant des problèmes de sécurité. Les bateaux utilisés pour cette pêche sont souvent de petites embarcations; je peux les voir dans la baie lorsqu’il n’y a pas trop de brouillard.

Selon le ministère des Pêches et des Océans, la méthodologie d’évaluation de la biomasse a changé récemment, de telle sorte que les données indiquent maintenant qu’il y a plus de morues que lors des évaluations précédentes. Est-ce que la ministre entend modifier le calendrier de cette pêche afin de prévoir plus de jours et de rendre cette pêche moins risquée?

[Français]

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : J’étudie actuellement la situation des pêches récréatives, afin de comptabiliser les impacts que celles-ci peuvent avoir sur les stocks de morue.

(1700)

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Madame la ministre, le ministère des Pêches et des Océans a-t-il l’intention de reporter l’annonce des dates et des règlements de la pêche récréative et de subsistance à la mi-juin ou à la fin juin? La récente pétition souligne que cela empêche les pêcheurs et les touristes de planifier leur participation à la pêche. Le ministère des Pêches et des Océans ne pourrait-il pas annoncer les dates et les règlements avant le 1er mai de chaque année? Cela faciliterait la participation des gens à la pêche.

[Français]

Mme Lebouthillier : J’entends ce que vous me dites, mais selon les hivers que nous avons, on s’assurera que les gens puissent avoir des nouvelles le plus rapidement possible.

Cet hiver, il n’y a pas eu de glace ni dans le golfe ni sur le fleuve Saint-Laurent et les pêches ont commencé plus tôt. Donc, on devra s’adapter d’une année à l’autre en raison des changements climatiques et des impacts qu’ils ont sur nos océans.

Le ravitaillement du Nord

L’honorable Tony Loffreda : Madame la ministre Lebouthillier, bienvenue au Sénat.

J’aimerais parler de la Garde côtière canadienne et des activités de votre ministère dans l’Arctique.

Plus précisément, je voudrais insister sur l’engagement du gouvernement à soutenir le réapprovisionnement estival des communautés du Nord canadien.

Pouvez-vous nous parler de votre collaboration avec Transports Canada et vos partenaires dans le Nord dans le but d’assurer un acheminement rapide et efficace des fournitures aux habitants du Nord?

Nous savons tous que l’été est court dans le Nord et que nous devons tirer parti du peu de temps dont nous disposons pour approvisionner le Nord en biens et fournitures dont il aura besoin toute l’année.

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : On travaille très étroitement avec Transports Canada et avec les communautés du Nord, qui sont des partenaires importants pour approvisionner les communautés du Nord.

On voit aussi l’impact des changements climatiques dans le Nord, car ils sont beaucoup plus rapides dans cette région. Cela a même été un problème cet hiver sur le plan de l’approvisionnement. On n’était pas en mesure d’utiliser les routes de glace. C’est important de travailler avec les gens pour bien faire les choses et leur permettre d’avoir accès aux produits dont ils ont besoin.

Le sénateur Loffreda : Je suis particulièrement intéressé par le travail de votre ministère, qui joue un rôle de soutien ou de chef de file dans l’expédition de matériaux de construction pour répondre à certains des principaux besoins en matière de logement dans le Nord.

Comment votre ministère s’efforce-t-il de répondre à ces besoins et de contribuer à l’accélération des projets de construction?

Nous savons que la construction résidentielle a connu un ralentissement dans les trois territoires en 2023, ce qui laisse présager de futures contraintes en matière d’offre de logements.

Nous savons également que de nombreux logements sont inadéquats et offrent des conditions de vie inappropriées.

Mme Lebouthillier : Comme je le mentionnais, on travaille en étroite collaboration avec les communautés nordiques, que ce soit au Nunavut, dans les Territoires du Nord-Ouest ou au Yukon, et avec les autres ministères concernés pour faire en sorte que les communautés du Nord aient accès aux produits dont elles ont besoin.

La pêche à la civelle

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Madame la ministre, j’aimerais revenir sur la pêche à la civelle.

Cette année, la suspension de cette pêche a fait perdre 46 millions de dollars aux pêcheurs de civelles; je vous dirais aussi que le transfert de 14 % des quotas aux Premières Nations leur fait perdre 6 millions de dollars chaque année.

Avez-vous prévu de payer des compensations à ceux qui subissent les effets de ces décisions, parce qu’elles ont un impact financier pour les pêcheurs de civelles, qui étaient d’ailleurs là depuis 30 ans?

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Non.

Le sénateur Dagenais : Il est sûr qu’on a entendu beaucoup de critiques de la part des pêcheurs de homards, de crevettes, de sébastes et même de civelles.

Est-ce que vous écoutez vos fonctionnaires? N’entendent-ils pas ou ne comprennent-ils pas les revendications des pêcheurs? On a l’impression qu’il y a tout un chassé-croisé entre ce qui se dit et ce qui devrait se faire normalement.

Mme Lebouthillier : Je suis quand même reconnue comme une personne qui est très proche du milieu; j’ai des discussions avec Pêches et Océans Canada, j’ai des contacts avec les associations de pêcheurs, les pêcheurs et les transformateurs. C’est important pour moi que tout le monde puisse travailler ensemble. Il faut penser aux pêches de l’avenir. Je le dis et je le répète : ce que je vois pour les 10 prochaines années, avec le réchauffement du golfe et ce qui se passe actuellement, c’est que ce sera difficile dans le secteur des pêches. J’ai aussi des rencontres avec mes collègues, les ministres des Pêches des provinces.

L’avenir de l’industrie de la pêche

L’honorable Andrew Cardozo : Bienvenue, madame la ministre. Ma question, dans un sens, est une bonne dernière question pour vous.

Comme la plupart des autres industries, le secteur des pêches a connu une période difficile pendant la COVID-19. Comment voyez‑vous le secteur aujourd’hui et pour les cinq années à venir? Quels sont les indicateurs précis?

L’honorable Diane Lebouthillier, c.p., députée, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Durant la crise de la COVID-19, les pêcheurs ont continué de travailler, la pêche s’est quand même faite et les industries de la transformation ont travaillé aussi. À l’époque, les prix étaient excellents pour les pêcheurs.

Ce qui est important pour moi au cours des prochaines années, c’est vraiment d’assurer la relève dans le secteur des pêches. Comment aider notre relève? Avec les changements climatiques, puisqu’on a des espèces qui disparaissent et d’autres qui sont envahissantes, comment s’assurer de transformer ces espèces pour en faire une partie de l’économie de l’ensemble des territoires du golfe du Saint-Laurent?

Le sénateur Cardozo : Vous avez mentionné quelques défis pour les prochaines années. Est-ce qu’il y a d’autres défis sur lesquels vous travaillez avec votre ministère?

Mme Lebouthillier : On travaille actuellement à promouvoir l’intelligence artificielle, la mer numérique et les journaux de bord électronique. Dans certaines provinces, on utilise encore des journaux de bord en papier.

Comme je le disais un peu plus tôt, j’ai ouvert la pêche au sébaste, mais pas aux prises accessoires, même si je sais très bien que les prises accessoires sont plus importantes pour les pêcheurs. Il faut donc s’assurer de pêcher les bonnes espèces et de ne pas utiliser la pêche au sébaste pour pêcher d’autres espèces qui pourraient être menacées.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le temps alloué à la période des questions est écoulé.

Je suis certaine que vous vous joindrez à moi pour remercier Mme la ministre Lebouthillier de s’être jointe à nous aujourd’hui.

[Traduction]

Nous allons maintenant reprendre les travaux qui ont été interrompus au début de la période des questions.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023

Deuxième lecture

Consentement ayant été accordé de revenir aux affaires du gouvernement, projets de loi, deuxième lecture, article no 3 :

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moncion, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 21 novembre 2023 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.

L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 21 novembre 2023 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023. Avant de poursuivre, j’aimerais remercier la sénatrice Moncion pour son discours de la semaine dernière.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-59 est un projet de loi omnibus, ce qui signifie qu’il comprend de nombreuses mesures touchant de nombreux sujets. Il comprend de nombreuses modifications à la législation existante, notamment la Loi de l’impôt sur le revenu, la Loi sur la taxe d’accise, la Loi sur les banques, la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt, la Loi sur les sociétés d’assurance, la Loi canadienne sur les paiements, la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et bien d’autres lois.

(1710)

Le projet de loi C-59 propose également la promulgation de nouvelles lois, notamment la Loi sur la taxe sur les services numériques, la Loi sur l’Agence canadienne de l’eau et la Loi sur le ministère du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités, qui devraient toutes faire l’objet d’une mesure législative distincte afin de permettre un débat parlementaire rigoureux.

Honorables sénateurs, dans son programme électoral de 2015, présenté comme étant « le bon plan pour renforcer la classe moyenne », le gouvernement a fait la promesse de mettre fin aux projets de loi omnibus en les qualifiant de processus antidémocratiques qui empêchaient le Parlement d’examiner et de débattre en bonne et due forme des mesures législatives du gouvernement. Transportons-nous en 2024, et nous pouvons voir que de nombreux projets de loi omnibus ont été présentés par ce gouvernement au cours des neuf dernières années.

Le projet de loi C-59 édicte certaines dispositions de l’Énoncé économique de l’automne, qui a été déposé le 21 novembre de l’année dernière. Il a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales le 8 février pour étude préalable. De nombreux projets de loi omnibus sont divisés et leurs différentes sections sont renvoyées à différents comités sénatoriaux pour étude, comme c’est le cas du projet de loi C-69. Cependant, ce projet de loi de 546 pages a été renvoyé uniquement au Comité des finances nationales du Sénat pour y être étudié.

En février, le Sénat a approuvé une motion du sénateur Tannas demandant que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, en vue d’en faire rapport, la pratique consistant à inclure des questions non financières dans les projets de loi exécutant les dispositions des budgets et des énoncés économiques. Bien que cette motion ne vise pas explicitement à éliminer les projets de loi omnibus ni à modifier le processus d’attribution des crédits ou à changer le Règlement, je maintiens qu’il faudrait effectivement apporter des changements en ce qui concerne les projets de loi omnibus et les travaux des subsides.

Étant donné que le projet de loi C-59 met en œuvre certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne, on ne peut pas l’étudier indépendamment de cet énoncé. L’énoncé économique fait plus de 150 pages. Il présente un aperçu de la situation économique et budgétaire et fournit des projections détaillées pour une période de cinq ans allant jusqu’à l’exercice 2026-2027. Il présente de nouvelles initiatives en fournissant quelques détails, dont leur coût estimé. L’énoncé économique fait également le point sur d’importantes initiatives gouvernementales déjà lancées, telles que le Fonds pour accélérer la construction de logements, le système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, et le financement supplémentaire destiné au système universel de soins de santé. L’énoncé économique de l’automne présente aussi une mise à jour sur la stratégie de gestion de la dette et un énoncé sur l’égalité des genres, la diversité et l’inclusion.

À titre d’information dans le contexte de l’étude du projet de loi C-59, je rappelle que l’énoncé économique de l’automne fournit une liste des changements législatifs nécessaires pour mettre en œuvre le contenu de l’énoncé, ainsi que des renseignements sur les mesures visant l’impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés ainsi que les taxes et vente et d’accise. Ces mesures sont incluses dans le projet de loi.

L’un des problèmes les plus sérieux de l’énoncé économique de l’automne est l’incohérence des estimations en dollars fournies dans les projections financières. Les projections financières sont l’élément le plus important de l’énoncé économique de l’automne, car elles indiquent les projections financières du gouvernement, y compris les recettes, les dépenses et les déficits estimés pour chacune des sept années à partir de 2022-2023. Comme ces informations sont fournies dans chaque budget et dans chaque énoncé économique de l’automne, les lecteurs peuvent évaluer la fiabilité des projections du gouvernement. Or, les estimations fournies ne sont tout simplement pas fiables si l’on se base sur les estimations présentées dans les documents budgétaires précédents.

J’ai indiqué précédemment que les estimations des frais de la dette publique augmentent dans les documents budgétaires successifs publiés par le gouvernement. Par exemple, l’estimation des frais de la dette publique pour 2023-2024 — l’exercice qui vient de se terminer — est passée de 32 milliards de dollars dans le budget de 2022 à 43 milliards de dollars dans l’Énoncé économique de l’automne 2022, publié à peine six mois plus tard. De même, dans le budget de 2022, on estimait les charges des programmes de l’an dernier à 430 milliards de dollars. Juste six mois plus tard, dans l’Énoncé économique de l’automne 2022, le montant de 430 milliards de dollars est devenu 443 milliards de dollars.

Dans le budget de 2024 déposé en avril, on peut constater que les estimations des charges des programmes et des frais de service de la dette pour cette année, c’est-à-dire 2024-2025, ont augmenté dans chaque budget et chaque énoncé économique de l’automne à partir du budget de 2022. Les charges de programmes pour cette année étaient estimées à 439 milliards de dollars dans le budget de 2022. Cette estimation est passée à 457 milliards de dollars dans l’énoncé économique de l’automne de 2022. L’estimation a ensuite grimpé à 463 milliards de dollars, puis à 466 milliards de dollars, et elle se chiffre maintenant à 480 milliards de dollars dans le budget de 2024.

Le service de la dette publique suit une trajectoire similaire. Le service de la dette pour cet exercice était estimé à 37 milliards de dollars dans le budget de 2022. L’estimation est ensuite passée à 42 milliards, puis à 46 milliards, et enfin à 52 milliards, pour atteindre aujourd’hui 54,1 milliards dans le budget de 2024. Ce problème ne se limite pas à ces quelques exemples. Les estimations changent fréquemment et dans des proportions importantes. Les estimations projetées dans tout document budgétaire ou dans l’énoncé économique de l’automne ne sont tout simplement pas fiables.

Les informations fournies sur le programme d’emprunt du gouvernement posent un problème similaire. La stratégie de gestion de la dette exposée dans le budget de 2023 indiquait que le gouvernement émettrait 414 milliards de dollars en bons du Trésor et en obligations. Or, l’énoncé économique de l’automne — publié à peine sept mois plus tard — a porté ces 414 milliards de dollars à 485 milliards de dollars, soit une augmentation de 71 milliards de dollars, sans aucune explication.

Dans d’autres cas, les chiffres des projections financières apparaissent sans explication adéquate. Les coûts des nouvelles initiatives sont réduits, et on explique que c’est grâce à des « fonds affectés précédemment dans le cadre financier » sans indiquer où se trouvent ces fonds dans le cadre financier. De même, les estimations relatives aux mesures non annoncées ne fournissent aucune information ou explication supplémentaire.

À une récente réunion du Comité des finances nationales, on a soulevé ce problème auprès du directeur parlementaire du budget. Celui-ci a déclaré au comité qu’il ne pouvait fournir aucune information sur ces transactions financières, indiquant que les futurs documents budgétaires n’apporteraient aucune clarté ou explication à ces questions. Lorsque le gouvernement parle de transparence et de responsabilité, il est impossible qu’il fasse référence à ses documents financiers.

Les coûts de nombreuses nouvelles initiatives décrites dans l’énoncé économique de l’automne sont concentrés en fin de période, c’est-à-dire que la majorité des coûts seront engagés vers la fin du programme plutôt qu’au début. Par exemple, la suppression de la TPS sur les nouvelles coopératives d’habitation locatives — une mesure appelée Remboursement de la TPS pour immeubles d’habitation locatifs neufs —, dont le coût est estimé à 4,5 milliards de dollars, devrait coûter 150 millions de dollars en 2023-2024 et 2024-2025. On prévoit de dépenser les 4,3 milliards de dollars restants après les prochaines élections fédérales. En fait, selon l’énoncé économique de l’automne, les programmes nouvellement annoncés en matière de logement coûteront 6,249 milliards de dollars d’ici le 31 mars 2029, mais seulement 140 millions de dollars seront engagés au cours du présent exercice.

Honorables sénateurs, le Canada est en pleine crise du logement. Il y a une pénurie d’habitations. Les propriétaires renouvellent leurs hypothèques à des taux d’intérêt plus élevés. Il y a une pénurie d’appartements, et les loyers se sont accrus de manière considérable. En outre, beaucoup de villes au Canada comptent désormais des campements. Le nombre de sans-abri a également augmenté.

Le thème central de l’énoncé économique de l’automne est la crise du logement. Le programme principal est l’élimination de la TPS sur les logements locatifs neufs, une mesure qui devrait coûter 4,5 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. De plus, le projet de loi C-59 édictera la Loi sur le ministère du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités dans le but d’améliorer l’accès au logement.

L’élimination de la TPS porte sur les nouvelles coopératives d’habitation de logements locatifs. La mesure vise à créer des incitatifs financiers à la construction plus rapide d’un plus grand nombre de logements en éliminant cette taxe des nouveaux projets de logements construits expressément pour la location, comme les immeubles d’appartements, les logements pour étudiants et les résidences pour personnes âgées. Même si on estime que le programme coûtera 4,5 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, le gouvernement n’a fourni aucune prévision du nombre de logements qui seraient construits pendant cette période de cinq ans. La ministre des Finances, en réponse à cette question, a reconnu que le gouvernement n’a pas évalué combien de logements seraient construits avec les 4,5 milliards de dollars. Elle a toutefois précisé que l’un des plus grands experts en matière de logement au Canada a estimé que de 200 000 à 300 000 logements pourraient être construits avec cette somme.

(1720)

Le programme de remboursement de la TPS pour les immeubles d’habitation locatifs a été mis en place en décembre par le projet de loi C-56. Les représentants du gouvernement ont indiqué à l’époque que les détails du programme, qui étaient visiblement absents du projet de loi, seraient fournis à une date ultérieure dans des règlements. Nous sommes maintenant en juin, et bien qu’il y ait des projets de règlement, il n’y a pas de règlement définitif. Les fonctionnaires nous ont récemment dit que les règlements prennent généralement 18 à 24 mois après l’adoption de la mesure législative. Or, la réglementation comprend les détails, et nous ne pouvons pas comprendre un programme tant que nous n’avons pas vu les détails.

Selon l’énoncé économique de l’automne, le programme de remboursement de la TPS pour les immeubles d’habitation locatifs se poursuivra jusqu’en 2035, soit pendant 12 ans. Cependant, les coûts estimés fournis n’étaient que pour les six premières années, soit jusqu’à l’exercice 2028-2029. Aucune estimation des coûts n’a été donnée pour les six années suivantes.

Après la publication de l’énoncé économique de l’automne, le gouvernement a publié son plan sur le logement, intitulé Résoudre la crise du logement. Je m’attendais à ce que l’information contenue dans la mise à jour économique de l’automne s’aligne sur l’information concernant le programme de remboursement de la TPS pour les immeubles d’habitation locatifs dans le plan sur le logement du Canada.

Le plan sur le logement devrait permettre de construire 3,5 millions de nouveaux logements d’ici 2031, dont 1,2 million grâce aux programmes du gouvernement fédéral. Le plan indique que le programme de remboursement de la TPS pour immeubles d’habitation locatifs donnera le coup d’envoi à la construction d’habitations, jusqu’à 300 000 nouveaux logements. J’ai été étonnée de voir que le plan sur le logement mentionnait 300 000 nouveaux logements, parce que le gouvernement n’utilisait pas sa propre estimation, mais la limite supérieure d’une estimation fournie par une tierce partie.

En outre, le coût du programme de remboursement de la TPS pour immeubles d’habitation locatifs n’est budgété que jusqu’en 2028-2029, alors que l’échéance pour la construction de ces 300 000 logements est fixée à 2036, soit sept ans après la fin du financement. Il n’y a pas d’estimation du coût du programme entre 2029 et 2036. Puisque les 300 000 nouveaux logements n’ont pas à être construits avant 2036, comment cela cadre-t-il avec l’objectif du gouvernement de construire 1,2 million de nouveaux logements d’ici 2031?

Les chiffres ne concordent pas.

Le gouvernement n’avait pas de plan sur le logement avant avril de cette année. Cela a été confirmé par l’ex-présidente et première dirigeante de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, la SCHL, lors d’une réunion du Comité des finances et par le ministre du Logement lors d’une réunion du Comité des banques. Bien que le gouvernement ait publié sa Stratégie nationale sur le logement en 2017 et qu’il ait annoncé de nombreux programmes de logement depuis lors, en l’absence d’un plan, il est difficile de comprendre comment les différents programmes de logement s’articuleront pour résoudre les problèmes de logement que nous connaissons.

Le nombre de logements qui serait éventuellement construit a été annoncé dans le cadre de nombreux programmes, mais il y a très peu d’information, voire aucune, sur le nombre de logements réellement construits grâce à chacun de ces programmes. Par exemple, l’Énoncé économique de l’automne 2023, qui soutient ce projet de loi, consacre deux pages aux logements qui seront construits dans l’avenir dans le cadre du Fonds pour accélérer la construction de logements, mais il y a peu d’informations sur le nombre de logements effectivement construits jusqu’à présent dans le cadre de ce programme, et aucun engagement n’est pris pour indiquer quand les logements financés seront réellement terminés.

En 2022, la Société canadienne d’hypothèques et de logement a publié un rapport indiquant que le Canada avait besoin de 3,5 millions de logements supplémentaires d’ici 2030. En septembre dernier, une mise à jour du rapport de 2022 indiquait qu’il y a toujours un déficit de 3,5 millions de logements d’ici 2030, bien que l’écart entre l’offre et la demande ait changé d’une province à l’autre. Les chiffres ont légèrement changé, mais le total s’élève encore à 3,5 millions.

Le 12 avril dernier, le gouvernement a finalement publié son plan en matière de logement intitulé « Résoudre la crise du logement : Plan du Canada sur le logement ». D’après le communiqué, l’objectif du plan est de « débloquer la construction de 3,87 millions de nouveaux logements d’ici 2031 ». Dans le communiqué en question, le premier ministre mentionne que le plan permettra la construction de 1,2 million de nouveaux logements. Pour les 2,6 millions de logements restants, le premier ministre demande à tous les ordres de gouvernement de bâtir 800 000 logements supplémentaires d’ici 2031, indiquant au passage que « 1,87 million de logements allaient déjà être construits d’ici 2031 ».

Honorables sénateurs, le Plan du Canada sur le logement comporte de sérieuses lacunes. Le plan lui-même n’indique pas les objectifs du gouvernement en matière de logement. Les objectifs ont plutôt été présentés dans le communiqué de presse du premier ministre.

Le plan sur le logement se contente de donner les différents programmes de logement financés par le gouvernement fédéral, leur coût et le nombre de logements à construire dans le cadre de chaque programme de logement d’ici 2031. Rien n’indique combien de ces 1,2 million de logements seront construits chaque année jusqu’en 2031. Devons-nous attendre 2031 pour obtenir un rapport d’étape?

L’engagement pris par le gouvernement de construire 1,2 million de logements est aussi excessivement ambitieux que l’objectif global de construire 3,87 millions de logements d’ici 2031. Cela signifie qu’il faut que 550 000 logements soient construits en moyenne chaque année au cours des sept prochaines années; pourtant, le gouvernement n’est pas tenu de rendre compte du nombre de logements construits par un programme quelconque chaque année.

Même les personnes qui ont participé aux enquêtes menées par le gouvernement sur le logement étaient d’avis que, tant que le gouvernement ne présentera pas de données concrètes et mesurables qui montrent qu’il réalise des progrès dans la lutte contre la crise du logement, elles continueraient à penser que le gouvernement fédéral fait fausse route dans le dossier du logement.

La Société canadienne d’hypothèques et de logement a récemment fait état de la capacité de construction de logements de l’année dernière, qui montre que le plan sur le logement progresse. Elle a indiqué qu’il y avait 650 000 travailleurs dans le secteur de la construction l’année dernière, mais que le nombre de mises en chantier ne s’élevait qu’à 240 000, ce qui est inférieur aux 400 000 logements qui auraient pu être construits si ces travailleurs avaient été utilisés au maximum.

Ces 240 000 logements étaient loin du nombre requis pour atteindre l’objectif du gouvernement de 3,87 millions de nouveaux logements d’ici 2031. La Société canadienne d’hypothèques et de logement a dit que jusqu’à présent cette année, les données d’avril 2024 sur le logement montrent que la tendance semestrielle des mises en chantier a diminué de 2,2 %, passant de 243 900 logements en mars à 238 500 logements en avril. Elle a précisé que la mesure de la tendance semestrielle est une moyenne mobile sur six mois du taux annuel désaisonnalisé du nombre total de mises en chantier pour toutes les régions du Canada.

Le gouvernement fédéral a dépensé et continue de dépenser des milliards de dollars pour la construction de logements, pour des prêts et pour des allègements fiscaux, il a créé de nouveaux programmes et il a augmenté les montants consacrés aux programmes existants pour encourager la construction de logements, mais ces initiatives n’ont pas eu d’incidence majeure. En fait, le nombre de mises en chantier a diminué au lieu d’augmenter.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-59 constitue le ministère du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités. Étant donné que le gouvernement crée un nouveau ministère du Logement pour répondre à la crise du logement, je m’attendais à ce que la nouvelle loi soit plus rigoureuse. Si l’on exclut les dispositions transitoires et les modifications corrélatives contenues dans le projet de loi, celui‑ci ne fait que trois pages et demie. Le projet de loi sur le logement ne prévoit visiblement pas d’obligation pour le ministre du Logement de présenter chaque année au Parlement un rapport de reddition de comptes. Il ne m’a pas échappé que le fonctionnaire qui a présenté la nouvelle loi sur le logement au Comité des finances était le sous-ministre adjoint des politiques et des résultats, car il n’y a rien dans le projet de loi qui exige un rapport sur les résultats. Le ministre devrait au moins être tenu d’indiquer chaque année le nombre de logements qui ont été construits dans le cadre de chacun des programmes fédéraux sur le logement. Cette mesure permettrait de faire le point chaque année sur les progrès réalisés par le gouvernement pour atteindre son propre objectif de construire 1,2 million de logements.

Comparons ce projet de loi au projet de loi C-50 — que je n’appuie pas d’ailleurs, mais je souligne simplement ce qui s’y trouve —, dont le Parlement est également saisi. Ce projet de loi exige un plan d’action détaillé, énumère ce que ce plan doit contenir et exige que le plan soit déposé au Parlement.

De plus, le projet de loi C-50 exige des rapports d’étape, qui doivent également être déposés au Parlement. Comme le Canada est en pleine crise du logement et qu’il crée un nouveau ministère pour y répondre, il est incompréhensible que la nouvelle loi n’exige pas de rapports annuels au Parlement.

(1730)

Honorables sénateurs, alors que le gouvernement a du mal à construire plus de logements, les Canadiens ont du mal à faire face à l’augmentation des coûts de leur dette hypothécaire. Selon un récent sondage de l’Angus Reid Institute, le nombre de Canadiens qui disent avoir beaucoup de difficulté à payer leur hypothèque a doublé depuis mars dernier. Plus précisément, en mars de l’année dernière, 8 % des emprunteurs hypothécaires disaient éprouver des difficultés. En octobre dernier, ce taux est passé à 15 % et il continue d’augmenter.

Les emprunteurs hypothécaires qui ont une hypothèque à taux variable ont vu leurs paiements augmenter de façon constante depuis mars 2022 — il y a tout juste deux ans —, alors que la Banque du Canada a procédé à la première de dix augmentations des taux d’intérêt. La Banque du Canada a fait passer le taux de 0,25 % en mars 2022 à 5 % en septembre 2023. Ceux qui ont contracté une hypothèque entre 2018 et 2020 verront probablement leurs paiements augmenter considérablement lors du renouvellement. Près de 60 % des personnes qui doivent renouveler leur hypothèque au cours des 12 prochains mois sont très inquiètes.

Les locataires canadiens sont confrontés à des problèmes semblables. Des données publiées en mars par Rentals.ca et Urbanation indiquent que le prix moyen demandé pour un logement locatif au Canada était de 2 193 $ par mois en février, ce qui représente une hausse de 10,5 % par rapport à l’année précédente et la croissance annuelle la plus rapide depuis septembre 2023.

Par rapport à il y a deux ans, les loyers au Canada ont augmenté de 21 % ou, en moyenne, de 384 $ par mois. L’enquête de l’Institut Angus Reid a révélé que les Canadiens sont de plus en plus négatifs quant à leur situation et à leurs perspectives financières, et 50 % d’entre eux affirment que leur situation financière est pire qu’il y a un an, tandis que 35 % s’attendent à ce qu’elle soit pire dans un an. L’institut Angus Reid a déclaré que ces données sont les pires jamais enregistrées en 13 ans.

Des données semblables publiées par l’institut en janvier indiquaient que 61 % des Canadiens déclarent ne pas pouvoir faire face au coût de la vie, soit la troisième année au cours de laquelle une majorité des personnes interrogées ont exprimé une telle préoccupation. Parmi les personnes interrogées, 43 % se disent toujours ou souvent stressées par l’argent, ce qui représente une augmentation de 12 points par rapport à 2018.

L’augmentation des paiements hypothécaires et la hausse des loyers contribuent à ce contexte. Il y a 49 % des locataires qui se disent inquiets de ne pas pouvoir couvrir les frais de leur loyer au cours des six prochains mois, et 32 % des titulaires d’un prêt hypothécaire déclarent qu’en l’absence de taux d’intérêt réduits, ils craignent eux aussi de ne pas pouvoir couvrir leurs frais de logement dans les six mois à venir.

Soixante-et-un pour cent des Canadiens disent ne pas arriver à composer avec la hausse du coût de la vie. Comme on peut s’y attendre, cette hausse semble surtout accabler les personnes à faible revenu, mais même la majorité des ménages gagnant dans les six chiffres ou plus disent ne plus arriver à joindre les deux bouts. Ces données concordent avec les données du gouvernement.

Si les Canadiens qui ont une hypothèque et ceux qui sont locataires ont du mal à joindre les deux bouts, un autre groupe de Canadiens éprouvent des problèmes en matière de logement. Il s’agit des sans-abri, dont certains vivent dans des campements ou « villages de tentes », comme on les appelle communément. Ces personnes n’ont pas de logement pour des raisons telles que le manque de logements abordables.

Dans de nombreuses villes canadiennes, on trouve aujourd’hui des villages de tentes ou campements. Certains résidants de ces campements ont déjà utilisé des refuges pour sans-abri, mais même les refuges pour sans-abri sont mis à rude épreuve en raison de la crise du coût de la vie.

L’année dernière, la toute première défenseure fédérale du logement a lancé un examen officiel des campements au Canada, dans le but de présenter au ministre du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités un rapport assorti de recommandations visant à résoudre les problèmes systémiques de logement que vivent les itinérants. En février de cette année, elle a publié son rapport sur les campements de personnes en situation d’itinérance. Elle a indiqué qu’elle avait rencontré et entendu des personnes qui avaient vécu dans des campements dans tout le pays. Son rapport a été conçu pour les placer au centre des efforts de lutte contre l’itinérance.

Dans son rapport, la défenseure fédérale du logement a dit que le nombre de campements a considérablement augmenté au cours des cinq dernières années, surtout depuis la pandémie de COVID-19. Elle considère que le Canada a la capacité de résoudre la crise du logement. Pour ce faire, il doit y avoir suffisamment de volonté politique, de ressources et de coordination. La coordination inefficace entre les nombreux organismes, les ministères ainsi que les divers organes de gouvernance concernés affaiblissent les solutions mises de l’avant pour régler la crise de l’itinérance. Elle a dit que cette crise nationale exige une réponse à l’échelle nationale.

Dans son rapport, la défenseure fédérale du logement recommande que le gouvernement du Canada présente, au plus tard le 31 août de cette année, un plan d’intervention nationale pour trouver une solution aux campements. Les conclusions et les recommandations du rapport ont été présentées au ministre fédéral du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités le 8 février dernier, soit quelques jours avant sa publication officielle. La défenseure fédérale du logement en avait d’ailleurs profité pour rencontrer le ministre.

La Loi sur la stratégie nationale sur le logement précise que, quand le gouvernement fédéral reçoit le rapport d’un tel examen systémique, le ministre responsable du Logement doit répondre dans un délai de 120 jours. Comme l’échéance de 120 jours n’est pas encore dépassée, la réponse du ministre à ce moment-ci n’est pas connue.

La semaine dernière, le directeur parlementaire du budget a publié un rapport sur le financement fédéral pour lutter contre l’itinérance. Les fonds attribués par le gouvernement du Canada pour prévenir et réduire l’itinérance sont presque entièrement versés au programme Vers un chez-soi, d’Infrastructure Canada, qui sera intégré au nouveau ministère du Logement. Ce programme offre du financement aux collectivités afin de les aider à réduire et à prévenir l’itinérance.

Le rapport indique les dépenses annuelles réelles et prévues pour les programmes de lutte contre l’itinérance à Infrastructure Canada sur une période de 20 ans, de 2008 à 2027-2028. Les dépenses réelles et prévues s’élèvent en moyenne à 561 millions de dollars par an de 2018-2019 à 2027-2028, ce qui représente une augmentation des dépenses nominales de 443 millions de dollars par rapport à la décennie précédente.

De 2019-2020 à 2022-2023, le financement du programme Vers un chez-soi a permis de placer près de 18 000 personnes dans des logements plus stables chaque année, de financer des logements d’urgence pour 5 400 personnes par an et de fournir annuellement des services de prévention de base à 31 000 personnes.

La Stratégie nationale sur le logement du Canada avait initialement un objectif de réduction de 50 % de l’itinérance chronique d’ici 2027-2028 et, plus récemment, le gouvernement s’est engagé à éliminer l’itinérance chronique d’ici 2030.

Le rapport du directeur parlementaire du budget conclut que, selon les meilleures données disponibles, le nombre de sans-abri a augmenté, malgré le financement fourni dans le cadre du programme Vers un chez-soi. Selon les données publiées par Infrastructure Canada, le nombre de sans-abri a augmenté de 20 % par rapport à 2018, atteignant 34 000 personnes, tandis que le nombre de personnes en situation d’itinérance chronique a augmenté de 38 % par rapport à 2018, et le nombre de personnes vivant à l’extérieur a également augmenté de 88 %.

Compte tenu de ces deux rapports récents sur l’itinérance au Canada, l’un du bureau du défenseur fédéral du logement, l’autre du directeur parlementaire du budget, je pense que le plan du Canada sur le logement devra être revu par le ministre responsable du logement afin de déterminer s’il doit être modifié.

Honorables sénateurs, il y a neuf ans, l’actuel gouvernement a publié sa plateforme électorale de 2015, intitulée Changer ensemble : Le bon plan pour renforcer la classe moyenne. Les libéraux ont promis qu’il serait plus facile pour les Canadiens de trouver un logement abordable. Ils ont promis de renouveler le leadership fédéral en matière de logement et d’accorder la priorité aux investissements dans le logement abordable, de construire davantage de nouveaux logements et de rénover les anciens. Ils ont également promis de revoir les prix des logements sur les marchés à prix élevés tels que Toronto et Vancouver, afin de permettre à un plus grand nombre de Canadiens d’accéder à la propriété.

Ils ont promis d’encourager la construction de nouveaux logements locatifs en supprimant la TPS sur les nouveaux investissements dans les logements locatifs abordables. Ils ont tenu cette promesse, mais ils ne nous ont pas dit qu’il nous faudrait attendre neuf ans — jusqu’à ce que nous connaissions une crise majeure du logement — avant qu’ils n’honorent leur promesse.

Honorables sénateurs, l’énoncé économique de l’automne et le projet de loi C-59 s’inscrivent dans la continuité de l’action du gouvernement visant à soutenir une classe moyenne forte. Depuis 2015, le gouvernement se concentre sur la classe moyenne et ceux qui travaillent fort pour en faire partie. Il présenté un plan pour renforcer la classe moyenne et pour favoriser sa croissance et sa sécurité économique. Les budgets et les mises à jour économiques budgétaires publiés par le gouvernement étaient tous axés sur la classe moyenne, comme le montrent les titres choisis pour les budgets : « Assurer la croissance de la classe moyenne », « Bâtir une classe moyenne forte », « Égalité et croissance pour une classe moyenne forte », « Investir dans la classe moyenne », et « Un plan canadien : une classe moyenne forte, une économie abordable, un avenir prospère ».

Même les mises à jour économiques de l’automne étaient axées sur la classe moyenne. Le chapitre 2 de l’Énoncé économique de l’automne 2023, qui a été publié juste avant Noël, est placé sous le thème « Soutenir une classe moyenne forte ». Nous avons même déjà eu une ministre de la Prospérité de la classe moyenne. Cependant, malgré l’accent mis sur la classe moyenne, celle-ci n’a pas la vie facile sous le gouvernement actuel.

Pendant des réunions du Comité sénatorial des finances nationales, on a très souvent demandé à l’ancien ministre des Finances Bill Morneau — qui a été le premier ministre des Finances de l’actuel gouvernement libéral — de définir la « classe moyenne », puisque c’était la bénéficiaire de nombreux programmes du gouvernement. Malheureusement, il ne le savait pas. Quand on a demandé à Mona Fortier, l’ancienne ministre de la Prospérité de la classe moyenne, de définir ce qu’est la « classe moyenne », elle ne le savait pas non plus.

(1740)

Je ne comprenais pas comment un gouvernement pouvait savoir si sa classe moyenne se développait sans avoir défini les critères permettant de déterminer qui fait partie de la classe moyenne. Ces informations sont nécessaires pour déterminer qui fait partie de la classe moyenne au début de l’initiative, puis pour analyser l’évolution des données afin de déterminer si la classe moyenne se développe ou non.

L’Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, a publié des données qui montrent qu’en fait, au Canada, la classe moyenne est en train de diminuer, et non de croître, malgré les programmes du gouvernement de ces neuf dernières années axés sur cette classe. Le profil de l’OCDE indique que le Canada est en train de perdre sa classe moyenne par rapport au reste des pays développés, et que la part des personnes à revenu moyen au Canada a diminué plus que dans la plupart des autres pays. L’OCDE indique que le nombre de Canadiens qui vivent dans des ménages à revenu moyen est de 58 %, alors que la moyenne de l’OCDE est de 61 %.

Dans un sondage réalisé en 2020 par Polaris Strategy + Insight, 79 % des personnes interrogées se disaient convaincues que leurs enfants atteindraient la classe moyenne en travaillant assidûment. En 2023, trois ans plus tard, au lieu de 79 %, elles n’étaient plus que 52 % à penser ainsi.

Honorables sénateurs, la contraction de la classe moyenne n’est qu’une indication de l’appauvrissement du Canada par rapport à ses pairs. Le PIB par habitant au Canada suit une tendance à la baisse depuis 40 ans, une tendance qui s’est accélérée sous le gouvernement actuel. Même si le gouvernement aime nous dire que le PIB total est en croissance, il en va de même pour notre population. La part du PIB par habitant diminue. Si on tient compte de l’inflation, la part du PIB que détient chaque Canadien est en fait inférieure à ce qu’elle était en 2014. En 1981, le PIB par habitant du Canada représentait 92 % de celui des États-Unis. Nous occupions le 6e rang parmi les pays de l’OCDE pour ce qui est du PIB par habitant. En 2022, le PIB par habitant du Canada par rapport à celui des États-Unis était passé de 92 % en 1981 à 73 %. Nous avons dégringolé du 6e rang en 1981 au 15e rang. Des pays qui étaient plus pauvres que nous en 1981 ont fait un bond en avant et sont aujourd’hui plus riches que nous. Nous nous rapprochons des pays les plus pauvres.

Le budget de 2022 — le plan budgétaire de la ministre Freeland — nous a indiqué que « l’OCDE prévoit que la croissance du PIB par habitant du Canada sera la plus faible de tous ses pays membres » de 2020 à 2060.

Honorables sénateurs, les médias ont publié de nombreux articles faisant référence à la croissance du PIB du Canada et au déclin du PIB par habitant. Je vous fais part de mes observations sur ces indicateurs économiques.

La valeur réelle des biens et services finaux produits dans l’économie au cours de la période du PIB réel, rajusté en fonction de l’inflation, est la mesure la plus largement utilisée de l’activité économique globale. Le PIB n’est pas le seul indicateur de la performance économique. La mesure des investissements des entreprises et l’évolution du marché du travail sont également des indicateurs importants de la performance économique, et nombre d’entre eux sont inclus dans les documents budgétaires de la ministre.

Le gouvernement cite la croissance du PIB dans bon nombre de ses documents financiers, y compris l’Énoncé économique de l’automne 2023, qui appuie le projet de loi C-59 dont nous débattons aujourd’hui. Cet énoncé comprend des données sur la croissance du produit intérieur brut réel, tant historique que prévue, ainsi que des données sur le marché du travail. En fait, l’énoncé économique de l’automne indique qu’entre le premier trimestre de 2022 et le deuxième trimestre de 2023, le Canada a enregistré la plus forte croissance du PIB réel parmi les pays du G7. Les pays du G7 comprennent le Canada, la France, l’Allemagne, l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni et les États-Unis. De plus, entre 2000 et 2023, le Canada a enregistré le deuxième taux de croissance du PIB le plus élevé des pays du G7.

Le PIB est généralement mesuré dans son ensemble ou par personne, et de nombreux économistes sont d’avis que le PIB par personne est une mesure plus utile du niveau de vie d’un pays lorsqu’il s’agit de comparer des données dans le temps ou entre pays. Quand je dis cela, je le dis en tant que comptable, car je ne suis pas économiste, même si j’ai lu pour essayer de me familiariser avec ce qui se passe dans l’économie.

Si la croissance globale du PIB du Canada semble favorable par rapport à celle des autres pays du G7, elle est l’une des plus faibles quand on mesure le PIB par habitant. En fait, quand on mesure la croissance du PIB par habitant, le Canada a le taux de croissance le plus faible du G7. L’Institut Fraser a récemment publié une étude dans laquelle il a effectué une analyse très détaillée du PIB par habitant sur chacune des 40 périodes trimestrielles entre 1985 et 2023. Autrement dit, il a analysé en détail les données de 40 trimestres d’exercice. Son analyse s’est concentrée sur l’ampleur et la durée relatives de chaque baisse du PIB par habitant, ainsi que sur la durée de la reprise. Elle a aussi comparé la durée et l’ampleur de la croissance du PIB réel par habitant entre les différentes périodes de déclin.

Son analyse a révélé ce qui suit. Sur la période de 40 ans, il y a eu neuf périodes de trimestres consécutifs où le PIB réel par habitant a diminué, mais qui ont été suivies de périodes de croissance. La baisse pendant 12 trimestres d’affilée entre le deuxième trimestre de 1989 et le deuxième trimestre de 1992 a été la plus longue sur les 40 années analysées, et le PIB par habitant a baissé de 5,3 %. Les baisses entre le quatrième trimestre de 2014 et le deuxième trimestre de 2016 ainsi qu’entre le deuxième trimestre de 2022 et le quatrième trimestre de 2023, qui vient de se terminer, sont ex aequo au deuxième rang des baisses les plus longues, avec six trimestres chacune. Sur la période de 2014 à 2016, le PIB réel par habitant a diminué de 1,5 %.

Pour la période la plus récente, entre le deuxième trimestre de 2022 et le quatrième trimestre de 2023, le PIB par habitant a diminué de 3,4 %. J’ai écrit ici qu’on ne dispose pas encore de données qui permettraient de déterminer si la baisse se poursuivra en 2024, mais l’information a été publiée ce matin. Toutefois, le PIB par habitant a diminué de 0,8 % entre le troisième trimestre de 2023 et le quatrième trimestre de 2023, ce qui signifie qu’on ne peut pas supposer que la baisse s’est arrêtée au quatrième trimestre de 2023. La quatrième baisse en importance s’est produite entre le deuxième trimestre de 2019 et le deuxième trimestre de 2020, lorsque le PIB par habitant a diminué de 13,6 %.

L’analyse conclut que, depuis le milieu de l’année 2019 — c’est-à-dire le deuxième trimestre de 2019 —, le Canada a connu l’une des baisses les plus longues et les plus profondes du PIB réel par habitant des quatre dernières décennies. Il y a eu une brève reprise au deuxième trimestre de 2022, mais il semble qu’il s’agisse simplement d’une brève interruption de ce qui semble être un déclin plus important. Pendant 16 des 18 trimestres entre le deuxième trimestre de 2019 et le quatrième trimestre de 2023, le PIB réel par habitant a été inférieur au niveau enregistré au deuxième trimestre de 2019. On dit que le déclin depuis le deuxième trimestre de 2019 représente l’une des baisses les plus longues et les plus profondes du PIB par habitant depuis 1985, dépassée à ces deux égards uniquement par le déclin de la reprise qui s’est produit entre le deuxième trimestre de 1989 et le troisième trimestre de 1994. Toutefois, le déclin amorcé en 2019 se poursuit et pourrait dépasser en durée le ralentissement de la fin des années 1980 et du début des années 1990.

Ce matin, j’ai reçu un courriel m’indiquant que les chiffres pour le premier trimestre de 2024 étaient sortis. En tenant compte de l’inflation, le PIB par habitant a diminué de 0,2 % au premier trimestre de 2024. On dit que la raison pour laquelle l’économie est en croissance alors que le niveau de vie recule, c’est que la croissance économique n’est pas assez forte face à la croissance de la population. Pendant les trois premiers mois de 2024, la croissance économique était de 0,4 % alors que la croissance de la population était de 0,6 %.

Je vais passer aux soins de santé universels, car la mise à jour économique de l’automne donne un aperçu des fonds versés aux provinces et aux territoires pour les soins de santé au cours des 10 prochaines années, notamment les fonds supplémentaires par rapport à ceux fournis en 2022-2023.

(1750)

Les sommes versées en 2022-2023 pour les soins de santé s’élevaient à 47 milliards de dollars, elles sont passées à 52 milliards de dollars cette année et elles passeront à 62,8 milliards de dollars en 2028-2029. Malgré les dépenses historiques dans les soins de santé, 6,5 millions de Canadiens n’ont pas de médecin de famille, et ce chiffre devrait augmenter.

Les salles d’urgence sont pleines, et nous avons tous entendu des histoires de personnes qui sont mortes à l’urgence en attendant d’obtenir des soins de santé. De nombreux Canadiens sont inscrits sur des listes d’attente pour des procédures médicales ou des opérations chirurgicales, et plusieurs personnes vivent dans la douleur en attendant de recevoir des soins de santé.

Selon une étude réalisée l’année dernière, le Canada dépense plus pour les soins de santé que la majorité des pays à revenu élevé de l’Organisation de coopération et de développement économiques dotés d’un système de santé universel. L’étude a comparé le coût et le rendement de 30 systèmes de santé universels dans des pays à revenu élevé. En tenant compte du pourcentage de la population ayant plus de 65 ans, le Canada est le pays qui dépense le plus pour la santé en pourcentage du PIB et il se classe au 9e rang en ce qui concerne les dépenses en santé par habitant.

De plus, selon les données de l’étude, le Canada dispose de moins de ressources humaines médicales que de nombreux pays pairs qui dépensent des sommes comparables pour les soins de santé. Par exemple, nous avons moins de postes et moins de technologies médicales que la moyenne des pays à revenu élevé de l’OCDE dotés d’un système de santé universel pour lesquels il existe des données comparables.

En résumé, les données suggèrent que, même si le Canada possède l’un des systèmes de santé universels les plus coûteux parmi les pays membres de l’OCDE, son rendement est modeste, voire médiocre.

Je voulais parler d’un sondage commandé par l’Institut économique de Montréal. Je vois qu’il me reste peu de temps, alors je vais parler rapidement.

Le gouvernement continue d’expliquer les vertus du système de santé universel du Canada, affirmant que la promesse de l’accès à ce système de santé est au cœur du filet de sécurité sociale du pays. Le sondage comprenait un échantillon de 1 116 résidents canadiens âgés de 18 ans et plus et un échantillon de plus de résidents du Québec qui ont été interrogés entre le 22 et le 27 mars de cette année. La pondération en fonction de l’âge, du sexe, de la région et de la langue a été utilisée pour s’assurer que la composition de l’échantillon reflète la population globale, selon le dernier recensement.

Voici les principales conclusions, que j’ai trouvées intéressantes : moins de la moitié des Canadiens — 48 % — sont satisfaits de leur système de santé provincial. Les Canadiens de l’Atlantique affichent le taux de satisfaction le plus faible, à 30 %. Sept Canadiens sur dix croient que les entrepreneurs privés peuvent fournir des services de santé plus rapidement que les hôpitaux gérés par le gouvernement, 77 % des résidants du Québec étant de cet avis.

Seulement le quart — 25 % — des Canadiens pensent que les sommes supplémentaires injectées dans le système de soins de santé au cours des 10 dernières années — ce qui représente des milliards de dollars — ont permis d’améliorer la situation, et 33 % sont d’avis que le système s’est en fait détérioré.

La moitié des Canadiens aimeraient avoir un meilleur accès à des soins de santé offerts par des entrepreneurs indépendants, et plus de la moitié des Canadiens disent que le rythme des dépenses de leur système de soins de santé provincial est intenable.

Honorables sénateurs, les soins de santé privés sont arrivés au Canada, qu’on le veuille ou non. Notre système de soins de santé universel est sur le point de s’effondrer — certains disent que c’est déjà fait — à cause de la pénurie de médecins, de personnel infirmier et de professionnels de la santé. Les Canadiens qui cherchent à obtenir des soins de santé en ont assez de faire la queue.

Bien que de nombreux Canadiens pourront se permettre de payer pour des soins de santé privés, de nombreux autres vont se morfondre sur de longues listes d’attente, incapables de payer des soins de santé privés.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : J’ai quelques mots à dire à ce sujet. J’ai passé un peu de temps à me préparer. Je ne vais peut-être pas répondre à des questions.

L’Énoncé économique de l’automne 2023 fournit une mise à jour sur la mise en œuvre du système pancanadien de services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, qui a été annoncé dans le budget de 2021. Le budget de 2021 comprenait un investissement de 30 milliards de dollars pour établir un programme de garderies à 10 $ sur une période de cinq ans. Le gouvernement fédéral a négocié avec l’ensemble des provinces et des territoires et a négocié une entente particulière avec le Québec, qui avait déjà un programme, afin qu’on détermine ensemble les modalités de financement et les objectifs. Ces négociations ont permis de conclure des accords sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants avec l’ensemble des provinces et des territoires.

Deux des engagements du programme consistent à créer 250 000 nouvelles places en garderie partout au pays d’ici mars 2026 et à embaucher 40 000 autres éducateurs de la petite enfance, d’ici mars 2026 également.

En plus de fournir une mise à jour sur les modalités du programme dans les provinces et les territoires, l’énoncé économique de l’automne indique aussi séparément le coût annuel du programme jusqu’à l’exercice 2028-2029 inclusivement. Bien que l’énoncé économique de l’automne indique que des provinces et territoires offrent déjà des services de garde à 10 $, ce ne sont pas toutes les familles qui peuvent avoir accès à ces services. D’ailleurs, bon nombre de familles n’ont pas du tout accès à des services de garde, ce qui a entraîné une crise dans bien des endroits au pays qu’on appelle maintenant des « déserts en matière de services de garde ».

Les listes d’attente dans les garderies ont explosé dans tout le pays, car la demande dépasse de loin la création de nouvelles places. En outre, dans certaines provinces, des exploitants de garderies menacent de se retirer du programme ou de fermer leur établissement, affirmant qu’ils n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Ils affirment que les accords fédéraux-provinciaux qui limitent les frais qu’ils peuvent facturer ne fournissent pas suffisamment d’argent pour couvrir les coûts.

Si le financement des coûts de fonctionnement est un problème majeur dans de nombreuses régions, la dotation en personnel des garderies en est un autre. En effet, de nombreuses garderies fonctionnent à capacité réduite et limitent les inscriptions parce qu’elles n’arrivent pas à recruter suffisamment de travailleurs en éducation de la petite enfance. La crise du personnel est un obstacle majeur à l’expansion du secteur des garderies et à la réalisation des objectifs du nouveau programme de services d’éducation préscolaire et de garde d’enfants.

Une analyse réalisée par Cardus, un groupe qui s’intéresse aux politiques publiques, indique que le déploiement des programmes d’expansion des services de garde en Colombie-Britannique, en Saskatchewan et au Nouveau-Brunswick a été lent à démarrer et que les résultats sont décevants. Au cours de la première année, le Nouveau-Brunswick n’a créé que 300 places en garderies sur les 3 400 places supplémentaires qu’il s’était fixées comme objectif sur cinq ans.

L’énoncé économique de l’automne indique que plus de 50 000 places ont déjà été créées au Canada. Cependant, nous en sommes à la quatrième année du programme quinquennal, et l’objectif du gouvernement fédéral était de créer 250 000 places en garderie d’ici mars 2026, soit dans moins de deux ans.

Le budget de 2024 prévoit 1 milliard de dollars pour un programme de prêts pour l’expansion des services de garde. Or, les représentants de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, ou SCHL, ont indiqué que ce programme n’a pas encore été établi et que ces prêts ne devraient être disponibles qu’au prochain exercice financier.

On verra bien si beaucoup de garderies survivront malgré leurs difficultés financières ou si le programme de prêts promis leur fournira l’aide financière dont elles ont besoin. Vu les problèmes éprouvés, je doute fort que l’on crée 250 000 places en garderie d’ici mars 2026, ou que l’on trouve 40 000 nouveaux éducateurs de la petite enfance.

Plus tôt ce mois-ci la Banque du Canada a publié son Rapport sur la stabilité financière —2024. Ce rapport évalue la stabilité du système financier canadien. Il conclut que ce dernier demeure résilient. Cependant, la stabilité financière demeure vulnérable à certains risques et ce qui suit résume certaines des préoccupations soulevées dans le rapport de la banque. Ces préoccupations sont symptomatiques de la crise de l’abordabilité.

(1800)

Même si le rapport indique que la plupart des ménages s’adaptent à des taux d’intérêt plus élevés, certains ménages présentent des signes de tensions financières. La proportion des emprunteurs sans prêt hypothécaire qui sont en retard dans leurs paiements de carte de crédit et de prêt automobile est revenue à des niveaux plus normaux depuis la pandémie ou les a dépassés. Les signes de tensions sont principalement concentrés chez les ménages sans prêt hypothécaire, et les données d’enquête donnent à penser que ce sont les locataires qui sont les plus touchés.

Comme je l’ai mentionné plus tôt dans mes commentaires — ou comme quelqu’un d’autre l’a dit —, le coût des logements locatifs a augmenté considérablement au cours des dernières années, et cela a une incidence sur la capacité des ménages de rembourser leurs dettes.

Le taux d’arriérés sur les cartes de crédit et les prêts automobiles pour les ménages sans hypothèque, ce qui inclut les locataires et les propriétaires, se situent à des niveaux aussi élevés qu’avant la pandémie et ils continuent d’augmenter. Cependant, les arriérés sur les cartes de crédit et les prêts automobiles pour les ménages ayant un prêt hypothécaire sont demeurés faibles et stables. Les emprunteurs sans prêt hypothécaire et dont le solde de carte de crédit impayé est d’au moins 80 % de leur limite de crédit présentent un risque beaucoup plus important de se retrouver en défaut de paiement de leur dette. Au cours de la dernière année, la proportion de ces emprunteurs a continué d’augmenter.

Environ la moitié des titulaires d’un prêt hypothécaire n’ont pas encore été confrontés à une hausse des taux d’intérêt. Ils devront généralement faire face à une augmentation plus importante de leurs paiements que ceux qui ont déjà renouvelé leur prêt. Les ménages qui ont contracté un prêt hypothécaire en 2021 et au début de 2022, lorsque les prix de l’immobilier étaient proches de leur sommet et que les taux hypothécaires étaient très bas, subiront la plus forte augmentation. Qu’un ménage soit locataire ou titulaire d’un prêt hypothécaire, les deux catégories seront confrontées à des pressions financières.

Le stress croissant auquel les emprunteurs sont confrontés n’a pas eu d’incidence majeure sur les grandes banques, mais certains petits prêteurs hypothécaires ont constaté une forte augmentation des arriérés de crédit. Les titulaires d’un prêt hypothécaire seront également soumis à des pressions lorsqu’ils refinanceront leur prêt hypothécaire actuel à des taux plus élevés.

Honorables sénateurs, le Bureau du surintendant des institutions financières est un organisme indépendant du gouvernement du Canada, chargé de superviser les institutions financières et les régimes de pension sous réglementation fédérale afin de contribuer à la confiance du public dans le système financier du Canada. Il réglemente et supervise plus de 400 institutions financières et 1 200 régimes de pension.

Le 22 mai 2024, le Bureau a publié son rapport annuel sur le risque pour 2024-2025, intitulé Regard annuel sur le risque — Exercice 2024-2025, qui donne un aperçu du contexte de risque actuel et qui cerne les principaux risques auxquels le système financier canadien est confronté. Même si les perspectives se concentrent sur un certain nombre de risques, y compris les risques liés aux prêts immobiliers commerciaux ainsi qu’à la dette des entreprises et des commerces, qui demeurent un risque important pour les institutions financières, mes observations se concentrent sur les risques liés à la dette hypothécaire et l’incidence de cette dette sur la crise de l’abordabilité qui touche les familles canadiennes.

Le Bureau du surintendant des institutions financières s’attend à ce que des taux d’intérêt élevés et la volatilité des marchés entraînent une augmentation du risque de refinancement hypothécaire, des coûts d’emprunt plus élevés, une diminution des dépenses de consommation et une diminution des investissements des entreprises. À l’heure actuelle, le marché du travail canadien demeure relativement fort, mais le Bureau du surintendant des institutions financières prévient que si le marché du travail s’affaiblit, cette situation pourrait avoir des répercussions concrètes sur la qualité de crédit des prêts hypothécaires et d’autres dettes à la consommation.

Certains signes semblent indiquer que les paiements hypothécaires plus élevés accaparent une plus grande partie des revenus des ménages, ce qui fait en sorte qu’un plus grand nombre d’emprunteurs ne sont plus capables de respecter les paiements d’autres prêts et dettes. Soixante-seize pour cent des prêts hypothécaires en cours en date de février 2024 viendront à échéance d’ici la fin de 2026. Les nouveaux paiements plus élevés causeront un choc important aux propriétaires de maison qui ont contracté une hypothèque entre 2020 et 2022, lorsque les taux hypothécaires étaient plus bas. Les ménages les plus lourdement endettés et qui ont une hypothèque à taux variable mais des versements fixes vont subir un choc encore plus grand. Le Bureau du surintendant des institutions financières s’attend à ce que la hausse des paiements fasse augmenter le nombre de prêts hypothécaires résidentiels en souffrance ou en défaut. Les prêts hypothécaires pour lesquels les paiements ont déjà augmenté du fait du renouvellement ou du type de produit, comme les prêts à taux et à versements variables, affichent déjà des taux d’improductivité accrus.

Lors de son témoignage devant le Comité des banques, le surintendant des institutions financières a répété à maintes occasions que les prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes sont particulièrement problématiques. Les prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes constituent une part importante des prêts hypothécaires résidentiels en souffrance au Canada. Environ 15 % de ces prêts hypothécaires font l’objet d’un amortissement négatif, ce qui veut dire que les paiements prévus ne suffisent plus à rembourser l’intégralité des intérêts ou le principal. Dans ces cas, les prêteurs compensent le manque à gagner par l’augmentation du solde du principal et les nouveaux paiements hypothécaires sont fondés sur le principal ainsi augmenté.

Le Bureau du surintendant des institutions financières a fait savoir qu’il poursuivrait le dialogue avec l’industrie pour s’assurer que les institutions évaluent activement les risques que posent les prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes. À cet égard, il veillera notamment à :

[...] mettre en place des provisions et des fonds propres adéquats pour couvrir le risque de crédit accru, ainsi qu’à faire la promotion d’une intervention rapide (avant le renouvellement) auprès des emprunteurs vulnérables à un choc de paiement.

Honorables sénateurs, depuis que le gouvernement a publié l’Énoncé économique de l’automne 2023 en novembre dernier, il a publié deux rapports sur la dette du Canada.

Depuis son élection en 2015, le gouvernement a inscrit un déficit chaque année. Il doit donc emprunter pour financer les dépenses qui dépassent les recettes du gouvernement. Je pense qu’il attend toujours que le budget s’équilibre par lui-même. Il s’agit là de mon commentaire personnel et non de celui de la sénatrice Marshall.

Tous les budgets et les énoncés économiques de l’automne comprennent une mise à jour sur la stratégie de gestion de la dette du gouvernement. Celle-ci décrit notamment les activités d’emprunt prévues, les sources des emprunts, leur montant et la façon dont ils seront utilisés, ainsi qu’une prévision des frais de la dette publique.

L’énoncé économique de l’automne donne une mise à jour de la stratégie de gestion de la dette qui a été publiée dans le budget de l’année dernière. Dans cette stratégie, le gouvernement annonçait une augmentation de l’émission de titres et de bons du Trésor de 414 à 485 milliards de dollars, soit une augmentation de 71 milliards de dollars. On ne donne aucune raison pour cette augmentation. Le gouvernement signale également une augmentation des frais de la dette publique pour le dernier exercice, c’est-à-dire 2023-2024, de 43,9 milliards de dollars dans le budget de 2023 à 46,5 milliards de dollars dans l’énoncé économique de l’automne.

L’énoncé économique de l’automne fait également état d’une augmentation des frais de la dette publique pour l’exercice en cours, c’est-à-dire 2024-2025, qui passent de 46 milliards de dollars dans le budget de 2023 de l’an dernier à 52,4 milliards de dollars dans l’énoncé économique de l’automne 2023. Compte tenu de la récente présentation du nouveau budget, pour 2024-2025, le gouvernement a une fois de plus augmenté le coût estimé des frais de service de la dette pour cette année à 54,1 milliards de dollars.

En bref, les frais du service de la dette pour cette année ont augmenté sur une période de 12 mois, passant de 46 milliards de dollars dans le budget de l’année dernière à 52,4 milliards de dollars dans l’énoncé économique de l’automne, puis à 54,1 milliards de dollars dans le budget de cette année. Cela représente une augmentation de 8,1 milliards de dollars sur une période de 12 mois, soit 18 %.

(1810)

Tous les coûts estimés du service de la dette ont connu des augmentations significatives. Le budget 2023 estimait que les coûts du service de la dette pour 2027-2028 s’élèveraient à 50,3 milliards de dollars. Un an plus tard, ces 50,3 milliards sont passés à la somme ahurissante de 60,9 milliards.

Une voix : Wow.

Le sénateur Plett : Les estimations des coûts du service de la dette augmentent continuellement, dans chaque nouveau document budgétaire du gouvernement. Outre une mise à jour de la stratégie de gestion de la dette dans chaque budget, sous la forme de l’énoncé économique de l’automne, la Loi sur la gestion des finances publiques exige le dépôt d’un rapport annuel sur la gestion de la dette dans les 30 jours suivant le dépôt des Comptes publics.

Malheureusement, le gouvernement ne publie le rapport sur la gestion de la dette qu’à la date limite prévue par la loi. En l’occurrence, le rapport sur la gestion de la dette a été publié avant Noël — les données dataient alors de neuf mois.

Ce rapport indiquait qu’en mars 2023, la dette contractée sur les marchés du gouvernement s’élevait à 1,259 billion de dollars, y compris la dette contractée sur les marchés des sociétés d’État. Ce montant de 1,259 billion de dollars est passé à 1,574 billion de dollars.

Une voix : Wow.

Le sénateur Plett : Il y a aussi l’obligation légale, en vertu de la Loi autorisant certains emprunts, de produire tous les trois ans un rapport sur les emprunts effectués.

Tout cela me déprime.

Le plus récent rapport sur les emprunts effectués a été déposé le 3 mai dernier. La Loi autorisant certains emprunts prévoit un plafond d’endettement pour le gouvernement; ce plafond s’élève actuellement à 1,831 billion de dollars. Le rapport indique un total d’emprunts plus à jour de 1,710 billion de dollars, en date du 23 mars 2024.

Étant donné que les emprunts du gouvernement approchent le plafond, nous nous attendions à ce qu’un projet de loi propose de relever ce plafond. Cette augmentation est prévue dans le projet de loi C-69, qui ferait passer le plafond de la dette publique de 1,831 billion de dollars à plus de 2 billions de dollars.

Une voix : Mon Dieu.

Le sénateur Plett : Chers collègues, ce scénario est déprimant.

Je tiens à remercier la sénatrice Marshall pour l’énorme travail qu’elle a accompli et pour l’aide qu’elle m’a apportée dans la préparation de mon discours.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Plett : Je suis certain que la sénatrice Marshall conviendra qu’il s’agit là d’une proposition que nous ne pouvons pas appuyer. Nous encourageons assurément tout le monde à réexaminer la question. Nous serions prêts à voter contre aujourd’hui. Ce qui doit arriver arrivera.

Merci, chers collègues.

Des voix : Bravo!

L’honorable Pamela Wallin : Je poserai ma question au sénateur Plett; même s’il ne peut remplacer la sénatrice Marshall, nous lui donnerons l’occasion de répondre.

J’ai une question complémentaire à propos de ces montants astronomiques. Nous avons interrogé le gouverneur de la Banque du Canada à ce sujet dans une réunion du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. La même semaine où le budget a été publié, les nouveaux chiffres relatifs à l’autorisation d’emprunt ont été dévoilés en toute discrétion. Cette dernière a augmenté de 16 % pour atteindre 2,13 billions de dollars.

Pensez-vous que l’augmentation du pouvoir d’emprunt indique que le gouvernement a l’intention de dépenser cette somme, au-delà des données budgétaires présentées dans l’énoncé économique de l’automne et dans le budget?

Vous pouvez vous tourner vers la sénatrice Marshall.

Le sénateur Plett : Je vous remercie de la question, sénatrice Wallin. Elle me rappelle la question facile que le sénateur Cuzner a posée à la ministre des Pêches plus tôt lui permettant de frapper un coup de circuit.

Comme mes observations et celles de la sénatrice Marshall l’ont illustré, le gouvernement a montré clairement qu’il est incapable de faire preuve d’un tant soit peu de retenue. La ministre des Finances l’a montré. Les libéraux se sont lancés dans une frénésie de dépenses qui ne cessera pas.

Je sais que c’est un peu cliché d’y revenir, mais il a été dit que le budget allait s’équilibrer de lui-même. Je pense que le premier ministre le croit parce qu’il n’a jamais dû équilibrer un livret de banque au cours de sa vie, et ce n’est pas maintenant qu’il commencera.

La sénatrice Wallin : Merci. J’ai remarqué que d’autres sénateurs de votre groupe, y compris la sénatrice Marshall, ont hoché de la tête lorsque j’ai posé ma question très précise, à savoir si la hausse du pouvoir d’emprunt indique que les dépenses augmenteront de 2,13 billions de dollars.

Le sénateur Plett : Je suis désolé, oui, je pense que c’est ce que cela indique.

L’honorable Frances Lankin : Sénateur Plett, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Plett : Si la question est facile, oui.

La sénatrice Lankin : Vous avez demandé une question facile, et c’est ce que vous allez obtenir.

Je tiens à souligner que le discours que vous avez prononcé était instructif, équilibré et raisonnable. En disant cela, je remercie la sénatrice Marshall pour le travail soutenu qu’elle accomplit dans cette enceinte. Je la considère comme une ressource pour nous tous, et je l’apprécie vraiment.

Ma question, sénateur Plett, est la suivante : envisageriez-vous de demander à la sénatrice Marshall de vous aider à préparer tous vos discours à l’avenir?

Des voix : Bravo!

Le sénateur Plett : Eh bien, sénatrice Lankin, j’apprécie également la sénatrice Marshall. Je ne peux qu’espérer et prier pour qu’elle siège encore dans cette auguste assemblée en 2025, lorsque les bonnes personnes seront de l’autre côté de la Chambre et qu’elle sera en mesure d’aider le gouvernement de Pierre Poilievre à équilibrer le budget, ce que le gouvernement actuel n’a jamais réussi à faire.

J’apprécie toujours énormément la contribution de la sénatrice Marshall à tout ce que je dis au Sénat. Je vous remercie.

Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Une voix : Avec dissidence.

Son Honneur la Présidente : Avec dissidence?

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente : Je vois des sénateurs se lever.

Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Une voix : Quinze minutes.

Son Honneur la Présidente : Sénatrice Saint-Germain, sénateur Downe, êtes-vous d’accord pour que la sonnerie retentisse pendant quinze minutes?

Le sénateur Downe : Oui.

Son Honneur la Présidente : Sénateur Dalphond, une sonnerie de quinze minutes vous convient?

Le sénateur Dalphond : Oui.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Le vote aura lieu à 18 h 33. Convoquez les sénateurs.

(1830)

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois :

POUR
Les honorables sénateurs

Al Zaibak MacAdam
Anderson McBean
Arnot McCallum
Bellemare McNair
Boniface McPhedran
Boyer Mégie
Burey Miville-Dechêne
Cardozo Moncion
Clement Moodie
Cordy Omidvar
Cormier Osler
Cotter Oudar
Coyle Pate
Dalphond Patterson
Dasko Petitclerc
Deacon (Nouvelle-Écosse) Petten
Downe Prosper
Duncan Quinn
Forest Ravalia
Francis Ringuette
Galvez Robinson
Gerba Ross
Gold Saint-Germain
Harder Simons
Hartling Smith
Kingston Tannas
Klyne Verner
Kutcher White
LaBoucane-Benson Woo—59
Lankin

CONTRE
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Oh
Batters Plett
Carignan Poirier
Housakos Richards
MacDonald Seidman
Manning Wallin
Marshall Wells—15
Martin

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

(1840)

[Français]

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Moncion, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

Projet de loi sur l’intégrité du secteur public

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

À l’appel des autres affaires, projets de loi d’intérêt public des Communes, deuxième lecture, article no 1 :

Deuxième lecture du projet de loi C-290, Loi modifiant la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles et apportant une modification corrélative à la Loi sur les conflits d’intérêts.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est à son 15e jour. Par conséquent, avec le consentement du Sénat, je demande que l’étude de cet article soit reportée à la prochaine séance.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est reporté à la prochaine séance du Sénat.)

Règlement, procédure et droits du Parlement

Cinquième rapport du comité—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’étude du cinquième rapport (provisoire) du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, intitulé Équité entre les partis reconnus et les groupes parlementaires reconnus, déposé au Sénat le 9 mars 2023.

L’honorable Diane Bellemare : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est à son 15e jour. Par conséquent, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-15(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat pour le temps de parole qu’il me reste.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

[Traduction]

Régie interne, budgets et administration

Dixième rapport du comité—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moncion, appuyée par l’honorable sénateur Cormier, tendant à l’adoption du dixième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, intitulé Prévisions budgétaires du Sénat pour 2024-2025, présenté au Sénat le 15 décembre 2023.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est au 15e jour. Je propose donc l’ajournement du débat pour le temps de parole qu’il me reste.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Peuples autochtones

Motion tendant à autoriser le comité à étudier les effets de la fraude d’identité sur la marginalisation accrue des peuples autochtones—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénateur Campbell,

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la fausse représentation de l’ascendance autochtone, les normes d’auto‑identification inadéquates et les effets profonds que cette fraude d’identité a sur la marginalisation accrue des peuples autochtones, en particulier les femmes autochtones;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2023.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est au 15e jour et je ne suis pas prêt à intervenir. Par conséquent, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-4(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat pour le temps de parole qu’il me reste.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à demander au gouvernement de reconnaître l’effacement des femmes et filles afghanes de la vie publique comme étant un apartheid basé sur le genre

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Ataullahjan, appuyée par l’honorable sénatrice Marshall,

Que le Sénat demande au gouvernement du Canada de reconnaître l’effacement des femmes et filles afghanes de la vie publique comme étant un apartheid basé sur le genre.

L’honorable Rebecca Patterson : Honorables sénateurs, je me joins aujourd’hui à mes collègues les sénatrices Omidvar et Coyle pour appuyer la motion no 139 de la sénatrice Ataullahjan, qui demande au gouvernement de reconnaître l’effacement des femmes et filles afghanes de la vie publique comme étant un apartheid basé sur le genre.

Je suis privilégiée de pouvoir intervenir ici aujourd’hui, car ce n’est qu’en 1929 que les Canadiennes ont été considérées comme des personnes au sens de la loi — il y a moins de 100 ans — et qu’elles ont pu être jugées aptes à être nommées au Sénat et à servir les Canadiens en cette qualité.

Je suis honorée d’être l’une des 53 femmes qui siègent actuellement au Sénat, sur les 139 femmes qui ont été nommées depuis 1867.

En tant que sénateurs, nous avons la responsabilité et l’obligation d’amplifier les voix qui ne sont pas entendues, celles des personnes sous-représentées, marginalisées et négligées. Plus important encore, nous pouvons parler au nom de ceux qui ne peuvent pas s’exprimer.

Dans le contexte de la paix et de la sécurité, donner aux femmes et aux filles la possibilité de participer pleinement à la société et de faire entendre leur voix dans toutes les sphères de décision contribue à garantir un avenir plus pacifique et plus prospère pour tous.

Honorables sénateurs, sous l’actuel régime taliban, les femmes et les filles afghanes n’ont pas le droit de participer à la société et elles ne peuvent se défendre d’aucune façon. Les femmes extraordinaires qui, il y a à peine cinq ans, étaient intégrées à la société et s’impliquaient dans divers secteurs de leur communauté ont été réduites au silence.

Pire encore, les femmes et les jeunes filles d’Afghanistan sont privées non seulement de leur voix, mais aussi de leurs droits les plus élémentaires et elles ne peuvent pas participer à la société civile. On les a fait disparaître. Leur existence même est réduite à celle d’une propriété et à une vie restrictive axée sur la procréation et la servitude.

Je voudrais partager quelque chose avec vous. En avril, j’ai assisté au Forum international sur les femmes, la paix et la sécurité au Kosovo. Divers leaders politiques et culturels, universitaires, experts et membres de groupes de défense se sont réunis pour discuter des menaces actuelles et futures qui pèsent sur la sécurité des femmes dans le monde.

Lors de ce forum, un groupe de femmes afghanes s’est vu remettre la médaille présidentielle du courage par la présidente de la République du Kosovo, Mme Vjosa Osmani Sadriu, en reconnaissance du courage et de l’activisme de toutes les femmes afghanes.

Parmi les personnes présentes se trouvait Zahra Nader, journaliste afghano-canadienne et rédactrice en chef de Zan Times, une plateforme numérique qui couvre les violations des droits de la personne en Afghanistan et qui met l’accent sur les femmes, la communauté 2ELGBTQI+ et les questions environnementales. Elle a parlé de la délégation élargie de femmes afghanes qui ont reçu le prix et qui défendent toutes leurs droits en Afghanistan. Elles ont été invitées à assister à la cérémonie, mais n’ont pas pu se rendre sur place pour recevoir le prix en reconnaissance de leur travail.

Il s’agit d’Adela Yadegar, du Forum pour les femmes afghanes, de Mahnaz Baluch, de l’Organisation internationale pour les migrations, de Negina Ahmadi, de l’organisme Just for Afghan Capacity and Knowledge, ainsi que de Freshta Yaqubi, de l’Organisation for Sustainable Aid in Afghanistan.

On a refusé à ces femmes l’autorisation de se rendre au sommet. Vous savez pourquoi? Parce qu’elles n’avaient pas d’escorte masculine appropriée, comme le décrète le régime taliban et comme l’applique le ministère pour la Promotion de la vertu et la Répression du vice. Même celles qui ont réussi à se rendre au sommet ont été escortées par des hommes, heureusement des alliés.

Mes collègues sénateurs ont beaucoup parlé des diverses difficultés que vivent les femmes et les filles afghanes, alors je vais maintenant parler des soins de santé.

Lors de cette cérémonie, des lauréats ont expliqué que, sous le régime taliban, l’accès des femmes et des filles aux soins médicaux de base est extrêmement limité en raison de l’obligation qui leur est faite de n’être vues que par des prestataires de soins de sexe féminin. Les femmes ont pourtant été largement empêchées de fournir ces services, ce qui a créé un cercle vicieux d’accès aux soins de santé.

Les filles ne peuvent pas aller à l’école après l’âge de 11 ans, ce qui prive d’éducation environ 20 millions de femmes et de filles. Des générations de femmes n’ont pas accès aux études universitaires. Avec une éducation qui s’arrête à 11 ans, elles se heurtent à des obstacles insurmontables pour accéder à l’enseignement supérieur, même si celui-ci est souhaitable. Privées d’accès à l’éducation et sans infirmières et femmes médecins qualifiées, d’où viendront les futures prestataires de soins de santé de sexe féminin? Mieux encore, comment les femmes et les filles seront-elles soignées?

L’exclusion systémique des femmes de la participation active aux soins de santé, tout en décrétant que les femmes et les filles ne peuvent accéder aux soins de santé que par l’intermédiaire de prestataires de soins de santé féminins, constitue une manière fondamentale et efficace de refuser ces services et d’exercer un contrôle sur les femmes. Cette situation ne fera qu’augmenter le nombre de maladies évitables et entraînera la mort prématurée de femmes et de filles. Quelqu’un ici peut-il s’imaginer que sa mère, sa sœur, sa conjointe ou sa fille soit confrontée à cette situation désastreuse?

Honorables sénateurs, comme je l’ai déjà dit, j’ai passé 13 mois à Kaboul, en 2011 et 2012, dans le cadre de la contribution canadienne à la mission de formation de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, ou l’OTAN, en Afghanistan. J’ai eu l’honneur de travailler en étroite collaboration avec de nombreux médecins, infirmières et autres professionnels de la santé de l’armée afghane, hommes et femmes, à la fois estimés et dévoués. J’ai dirigé une équipe chargée de les aider à rétablir leur système de formation médicale et dentaire, qui était autrefois un modèle dans cette partie du monde.

(1850)

Pendant que j’étais là, j’ai appris que, sous le régime taliban précédent, un système de formation médicale qui fonctionnait bien avait été détruit, que ce soit par l’expulsion des étudiantes; la destruction des manuels médicaux qui contenaient des images de personnes ou de patients humains; l’élimination de toute formation consacrée aux besoins des femmes en matière de soins de santé; l’interdiction d’utiliser des laboratoires d’anatomie à des fins éducatives; et, oui, l’obligation de permettre aux hommes et aux chefs religieux d’avoir le dernier mot quant à la réalisation de certaines procédures médicales vitales, notamment les césariennes, ce qui a effectivement causé à l’époque des morts chez les femmes qui auraient pu être évitées, un phénomène que nous commençons à constater à nouveau.

En outre, la violence fondée sur le sexe se poursuit en toute impunité sous le régime taliban. Les victimes de violence sexuelle fondée sur le sexe et leurs familles sont humiliées, ostracisées et vilipendées sous le régime taliban. Les femmes et les filles afghanes n’ont aucun recours pour obtenir justice et, pire encore, elles sont souvent emprisonnées elles-mêmes si elles se plaignent ou tentent même de s’enfuir.

Étant donné que l’accès aux espaces publics leur est interdit, qu’elles sont privées des moyens de subvenir à leurs besoins économiques et qu’on les empêche d’obtenir justice, de nombreuses femmes et filles afghanes sont poussées à s’enlever la vie par désespoir.

À la fin du précédent régime taliban et de la précédente guerre civile, les Afghanes ont lentement, mais sûrement, eu accès aux soins de santé, à la justice et au processus décisionnel dont elles avaient besoin, et elles y ont participé. Elles pouvaient aspirer à un avenir meilleur, qu’elles pouvaient elles-mêmes bâtir.

Or, cet espoir a disparu avec ce régime oppressif. C’est ce que j’observe dans les yeux de ma nouvelle famille afghane au Canada, qui a pu quitter le pays lors de la chute de Kaboul, et c’est ce que je comprends des récits des membres de leur famille qui sont restés au pays. Les Afghanes voient quelque 20 ans de progrès en matière de droits de la personne, de participation à la société et d’autonomisation s’estomper et disparaître. En conséquence, davantage de femmes et de filles afghanes vivront dans un désespoir silencieux et mourront inutilement.

Le Canada dispose déjà d’un cadre politique pour appuyer la motion. Ce faisant, le gouvernement se conformerait au troisième Plan d’action national du Canada pour les femmes, la paix et la sécurité, dont l’un des objectifs indique très clairement qu’il vise à :

[...] réduire la violence sexuelle et fondée sur le genre — y compris la violence en ligne — dans les contextes de conflit, d’après-conflit et humanitaires, et de veiller à ce que les responsables rendent compte de leurs actes [...] au Canada ou à l’étranger [...]

Par conséquent, je crois qu’il incombe au gouvernement du Canada de reconnaître l’apartheid basé sur le genre qui a cours en Afghanistan, conformément à ses engagements. Nous ne pouvons pas permettre que cette situation devienne normale. Nous ne pouvons pas ignorer les attaques coordonnées des talibans contre les droits fondamentaux des femmes et des filles afghanes.

Un pays privé de la voix des femmes et des filles peut devenir un pays radicalisé, ce qui a des répercussions non seulement sur la sécurité régionale, mais aussi sur la sécurité mondiale.

Honorables sénateurs, les symboles, les mots — cette motion — peuvent servir à sensibiliser la population à la souffrance de nos sœurs en Afghanistan sous le régime taliban. Nous devons joindre notre voix à celle de la communauté internationale, qui condamne les politiques talibanes d’apartheid basé sur le genre, et nous pouvons unir nos efforts pour donner de l’espoir à toutes les femmes et les filles afghanes qui résistent de tout leur être.

En terminant, permettez-moi de revenir sur mon expérience récente au Kosovo. Dans ses observations, la présidente Osmani a décrit les femmes afghanes et leur lutte au moyen d’un passage du romancier afghan Khaled Hosseini :

Les montagnes peuvent s’effondrer, les rivières peuvent se tarir, mais tu es femme et tu te tiendras debout, car tu survivras.

Merci, honorables sénateurs, et merci, sénatrice Ataullahjan, de cette motion très importante.

Des voix : Bravo!

L’honorable Marilou McPhedran : Je tiens à souligner que je viens du territoire visé par le Traité no 1, la patrie des Métis de la Rivière-Rouge, et que le Parlement du Canada est situé sur les territoires non cédés de la nation algonquine anishinabe.

Le 12 mars, soit il y a environ deux mois, des représentants de 22 États membres des Nations unies et de la société civile ainsi que plusieurs sénateurs canadiens ont participé à un groupe de discussion révolutionnaire dans le cadre de la 68e session de la Commission de la condition féminine des Nations unies — ou CSW68 — portant sur les crimes contre l’humanité basés sur le genre, et plus particulièrement ceux qui sont commis sous le régime des talibans en Afghanistan.

Plus d’une centaine de décrets des talibans ont systématiquement oblitéré le statut des Afghanes, effaçant par le fait même les femmes et les filles de la vie publique. On considère maintenant cette attaque systémique contre les droits des femmes comme une forme d’apartheid basé sur le genre.

Honorables sénateurs, mes commentaires d’aujourd’hui sont fondés sur mes décennies de travail en tant qu’avocate spécialisée en droit international de la personne et mes 25 années de travail auprès de réfugiées afghanes. Je me fonde aussi sur les excellentes initiatives de recherche et de défense des droits du Forum féministe canadien pour l’Afghanistan, dirigé par Nargis Nehan, une ancienne ministre afghane maintenant établie au Canada. Le forum a organisé un groupe de discussion sur l’apartheid basé sur le genre qui a fait salle comble à la 68e session de la Commission de la condition féminine des Nations unies sur l’apartheid basé sur le genre dont je viens de parler. Certains d’entre vous ont participé à une discussion sur l’apartheid basé sur le genre le 21 mai dernier, organisé conjointement par le forum et les sénatrices Ataullahjan, Omidvar et moi, ainsi que par les députés Salma Zahid, Garnett Genuis et Ali Ehsassi.

Le Forum féministe canadien pour l’Afghanistan est une initiative du Réseau régional des femmes, qui met l’accent sur l’Afghanistan, le Pakistan et l’Inde et qui a été fondé par la philanthrope Patricia Cooper. Parmi les autres contributeurs importants à cette initiative en plein essor, citons le Conseil atlantique, le Centre pour la justice mondiale, Peace Direct, le réseau international d’action de la société civile, présidé par notre collègue, la sénatrice Mobina Jaffer, et un Réseau mondial des femmes pour la paix, dont je suis l’une des membres fondatrices du conseil d’administration.

Voici une proposition de définition qui pourrait vous être utile : l’apartheid basé sur le genre est un système de gouvernance reposant sur des lois et des politiques qui imposent une ségrégation systématique entre les femmes et les hommes et qui excluent systématiquement les femmes des espaces et des sphères publics.

En mars, lors de la 68e session de la Commission de la condition de la femme, les sénateurs en ont appris davantage sur le consensus croissant entre les experts des Nations unies, les juristes et les experts de la société civile internationale, qui croient que ce genre d’apartheid doit être reconnu, codifié et intégré dans les mécanismes juridiques internationaux afin de mettre fin à l’impunité dont jouissent actuellement les talibans et d’autres auteurs de ce genre d’acte.

La codification de l’apartheid basé sur le genre renforcerait la capacité des États à exercer une pression politique et juridique sur les auteurs de ces actes pour qu’ils fassent marche arrière. Le Groupe de travail des Nations unies sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles l’a récemment souligné :

Cette reconnaissance permettrait non seulement d’honorer l’objectif des interdictions de l’apartheid en général, mais constituerait également une étape cruciale vers le respect et l’affirmation du caractère central de l’égalité entre les hommes et les femmes.

En général, les protections offertes par les traités internationaux résultent d’un processus de consultations et de négociations multilatérales qui peut être long. Des progrès sont accomplis. Les États membres des Nations unies échangent des points de vue sur un projet d’articles présenté par la Commission du droit international sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité. Ce projet, actuellement examiné par la Sixième Commission de l’Assemblée générale, pourrait constituer la base d’une nouvelle convention et offre une occasion unique de combler cette lacune majeure du droit international, notamment en ce qui concerne les cas d’oppression systématique des femmes et des filles qui se produisent ou qui risquent de se produire dans le monde entier.

Les quelque 100 décrets visent les femmes et les filles afghanes qui n’ont pas pu fuir les talibans. Ces derniers réduisent systématiquement bon nombre d’entre elles à une existence inhumaine, limitent et nient leurs droits fondamentaux au travail, à l’éducation, à la liberté de mouvement, à la pratique religieuse, à la liberté de réunion et aux soins de santé — des droits et une dignité que nous tenons pour acquis au Canada.

L’apartheid basé sur le genre n’est pas seulement une question de répression des femmes et des filles. Tout comme les talibs d’origine, qui étaient endoctrinés pour détester et opprimer les femmes, aujourd’hui, les hommes et les garçons afghans sont endoctrinés de force pour imposer à la moitié de la population, dans leur communauté et dans leur famille, des restrictions draconiennes considérées comme normales et nécessaires. Dans la pratique, il s’agit d’un apartheid basé sur le genre, mais qui n’est pas officiellement reconnu en droit international. Cette absence dans la loi est une grande lacune en matière de droits de la personne.

Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale de 1998…

(1900)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, il est maintenant 19 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je dois quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, heure à laquelle nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Veuillez continuer, sénatrice McPhedran.

La sénatrice McPhedran : C’est une très agréable surprise. Je vous remercie.

Une voix : C’est seulement parce que c’est vous.

La sénatrice McPhedran : Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale de 1998 codifie une forme d’apartheid, mais il se concentre sur l’apartheid racial qui était appliqué en Afrique du Sud. Une clause élargie pourrait se lire comme suit :

[...] par « crime d’apartheid », on entend des actes inhumains analogues à ceux que vise le paragraphe 1, commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et dans l’intention de maintenir ce régime [...]

La définition proposée figure à l’article 2 des projets d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, qui sont actuellement étudiés par le Groupe de travail de la Sixième Commission des Nations unies.

Les experts des Nations unies, les juristes, la société civile internationale et les militants s’accordent de plus en plus à dire que l’apartheid fondé sur le sexe doit être reconnu, codifié et intégré dans les mécanismes juridiques internationaux. Cela renforcerait la capacité des États à exercer une pression politique et juridique pour que les auteurs de ces crimes soient tenus responsables de leurs crimes odieux. La codification de l’apartheid fondé sur le sexe aidera les victimes et les survivants à demander des comptes aux auteurs de l’ensemble des crimes commis à leur encontre et aidera les États en leur fournissant le cadre actuellement manquant qui est nécessaire pour prendre des mesures juridiques coordonnées afin d’exercer une pression sur les États pratiquant l’apartheid fondé sur le sexe pour qu’ils cessent de violer les droits des femmes et des jeunes filles.

Honorables collègues, ajoutons nos voix à celles des nombreuses personnes qui dénoncent les auteurs de l’apartheid fondé sur le genre en apportant notre soutien à la motion no 139 de la sénatrice Salma Ataullahjan. Je vous assure que ce geste du Sénat du Canada renforcera le mouvement en faveur de la reconnaissance juridique codifiée de l’apartheid fondé sur le genre comme crime contre l’humanité. Notre appui à cette motion exprime notre respect pour la nécessité d’accorder la priorité à l’égalité entre les genres pour réaliser les objectifs de développement durable de 2030 pour la planète.

Aujourd’hui, soyons solidaires des femmes et des filles qui sont réduites au silence et persécutées dans des pays comme l’Afghanistan et l’Iran. Merci. Meegwetch.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je pense qu’il est à peu près temps qu’au moins un homme prenne la parole au sujet de cette excellente motion. Jusqu’à présent, je n’ai entendu que des femmes s’exprimer. Si quelqu’un d’autre est intervenu, je vous prie de m’excuser. J’ai posé la question à mon bureau; j’en discuterai avec mon personnel quand j’y retournerai.

Je prends la parole aujourd’hui pour parler de la motion extrêmement importante de ma collègue, la sénatrice Ataullahjan, qui demande au gouvernement du Canada de reconnaître l’effacement des femmes et des filles afghanes de la vie publique comme étant un apartheid basé sur le genre.

Je tiens tout d’abord à saluer la sénatrice Ataullahjan et tout le travail qu’elle a accompli pour attirer notre attention sur le sort des femmes et des jeunes filles qui vivent sous des régimes oppressifs dans le monde. Beaucoup d’entre nous dans cette enceinte se souviennent que, le 21 novembre 2012, la sénatrice Ataullahjan s’est rendue à Birmingham, en Angleterre, à ses propres frais, où elle s’est rendue à l’hôpital Queen Elizabeth pour rencontrer la mère et le père de Malala Yousafzai, qui se trouvait dans une chambre voisine et se remettait de deux blessures par balle. L’histoire de Malala est bien connue.

En 2009, après que Malala s’était opposée aux règles des talibans qui interdisaient aux filles d’aller à l’école, un militant islamiste est monté dans l’autobus qui la conduisait à l’école et lui a tiré à la tête. Cet homme l’avait prise pour cible à la suite d’un vote des talibans en faveur de son assassinat.

Les talibans méprisaient Malala. Elle a été menacée à plusieurs reprises; pourtant, elle a fait preuve d’un courage insondable et a tenu tête. Son histoire nous a tous touchés. La sénatrice Ataullahjan a utilisé la plateforme dont elle dispose en tant que sénatrice et sa capacité à s’exprimer dans sa langue maternelle, le pachto, pour entrer en contact avec la famille de Malala afin de lui faire part de son respect et de sa reconnaissance pour le courage sans pareil de Malala, et de lui transmettre personnellement le message que le Canada soutient Malala et sa lutte pour les droits des femmes et des filles.

La sénatrice Ataullahjan a maintenu la question des femmes et des filles vivant sous des régimes oppressifs au premier plan des discussions parlementaires. Elle a proposé et supervisé des études en comité sur le sujet, a fait pression sur le gouvernement pour qu’il cesse d’empêcher les travailleurs humanitaires de répondre aux crises en Afghanistan et a maintenant présenté cette motion importante à un moment critique. Comme elle l’a souligné dans son discours de présentation de la motion, les femmes pachtounes sont des guerrières intrépides. L’intrépidité, l’intégrité et la détermination de la sénatrice Ataullahjan dans le domaine de l’injustice sont emblématiques de l’esprit pachtoune, et le Canada et ceux qui dépendent de notre soutien s’en portent mieux.

Malala a depuis reçu de nombreux prix et honneurs. Son organisme de bienfaisance, la Fondation Malala, s’est joint à des militants afghans, des juristes et des défenseurs des droits de la personne pour demander aux dirigeants mondiaux de reconnaître l’apartheid sexuel comme un crime contre l’humanité.

Malala ne sait que trop bien comment se sent une personne à qui on refuse le droit à l’éducation. À l’occasion de la prestigieuse conférence annuelle Nelson Mandela présentée en décembre 2023, Malala a profité de son discours pour attirer l’attention du monde entier sur la gravité de l’apartheid basé sur le genre et elle a réclamé un mouvement mondial pour y mettre fin.

Comme Malala l’a expliqué :

Les filles qu’on empêche d’aller à l’école souffrent de dépression et d’anxiété.

Certaines se tournent vers les stupéfiants ou tentent de se suicider.

Aucune fille ne devrait souffrir ainsi, où qu’elle soit sur la planète.

En tant que membres de la communauté internationale, si nous acceptons les décrets des talibans, nous transmettons un message dévastateur aux filles du monde entier, un message qui dit qu’elles sont de sous-humains, que leurs droits peuvent être remis en question, que nous sommes prêts à détourner les yeux.

Les personnes qui souhaitent catégoriser l’oppression que vivent les femmes et les filles dans le cadre de ce régime comme un « apartheid basé sur le sexe » décrivent cet apartheid comme un ensemble de lois, de politiques et de décrets qui excluent les filles et les femmes de la vie publique et des espaces publics. C’est un système qui fait en sorte, intentionnellement, que les personnes d’un sexe particulier exercent une oppression et un contrôle systémiques et institutionnalisés à l’égard des personnes d’un autre sexe.

De nos jours, en Afghanistan, les filles ne peuvent pas aller à l’école secondaire et les femmes n’ont pas le droit de travailler ou de sortir seules de la maison, pas même pour aller chez le médecin ou dans un parc. Depuis leur prise de pouvoir en août 2021, les talibans ont introduit plus de 50 décrets qui restreignent directement les droits des femmes. Aucun de ces décrets n’a été annulé depuis. De toute évidence, la vision des talibans pour l’Afghanistan consiste à perpétuer un déni total des droits des femmes et de leur statut de personne. D’une manière rapide et très méthodique, les talibans ternissent l’humanité des femmes et des jeunes filles en Afghanistan.

Si vous le permettez, j’aimerais présenter brièvement quelques‑uns des décrets et directives visant les femmes. Dans le domaine de l’éducation, en août 2021, l’interdiction de la mixité a été instaurée, suivie, un mois plus tard, de l’interdiction pure et simple pour les filles de fréquenter l’école secondaire. En septembre 2021, on a interdit aux femmes d’enseigner dans les universités.

En janvier 2022 a eu lieu la fermeture des écoles pour filles aveugles, suivie par la fermeture complète de toutes les écoles pour filles à partir de la 7e année. En juin 2022, les écolières de la 4e à la 6e année ont reçu l’ordre de se couvrir le visage pour se rendre à l’école, sous peine d’être expulsées. En août 2022, les étudiantes universitaires ont reçu l’ordre de se couvrir le visage dans les salles de classe.

En octobre 2022, les femmes ne pouvaient plus choisir l’agriculture, l’exploitation minière, le génie civil, la médecine vétérinaire ou le journalisme comme matière principale à l’université, les talibans estimant que ces matières étaient « trop difficiles pour les femmes ».

Deux mois plus tard, en décembre 2022, les étudiantes ont été exclues de toutes les universités publiques et privées « jusqu’à nouvel ordre ». Les établissements ont alors reçu l’ordre de n’admettre que des étudiants masculins au cours de l’année universitaire suivante et il leur a été interdit de délivrer des relevés de notes et des certificats aux femmes diplômées de l’université.

(1910)

En juin 2023, on a interdit aux organisations non gouvernementales étrangères de fournir des programmes éducatifs, y compris des programmes communautaires d’éducation. Selon l’UNICEF, cette directive touche environ un demi-million d’élèves, dont 300 000 filles. En ce qui concerne les décrets relatifs à l’emploi, un jour à la fois, secteur par secteur, les talibans ont commencé à interdire aux femmes de travailler ou d’obtenir un emploi, même à distance.

Pour mettre les choses en perspective, avant la prise de pouvoir des talibans, on comptait 69 femmes parlementaires, plus de 250 femmes juges, des centaines de milliers d’entreprises appartenant à des femmes, plus de 100 000 femmes dans les universités et environ 2,5 millions de filles dans les écoles primaires. Aujourd’hui, moins de 7 % des femmes font partie de la population active, et seulement 2 filles sur 10 en âge de faire des études primaires vont à l’école.

En ce qui concerne les autres domaines de l’engagement et de la participation sociaux, en 2021, les femmes se sont vu interdire de faire du sport. En 2022, on a interdit aux femmes et aux filles de fréquenter les parcs et les gymnases. En mai 2022, les femmes ont reçu l’ordre de porter le hidjab. Un rapport de l’ONU sur le sujet indique ceci :

Dans une grande partie du monde arabe et du monde musulman en général, le terme « hidjab » désigne le fait pour une femme de se couvrir la tête, mais, en Afghanistan, il tend à décrire des vêtements qui couvrent la tête et le corps de manière plus complète. Le décret du ministère des Affaires étrangères définit le hidjab comme étant soit une burqa, soit « le vêtement noir et le châle habituels » [...]

Toutefois, le rapport indique également que les talibans « ont déclaré que le meilleur hidjab, c’est que les femmes ne quittent pas du tout leur maison, sauf en cas d’absolue nécessité ».

En août 2022, ils créent un ministère de la police des mœurs féminines, en remplacement du ministère des Affaires féminines. En 2022, on interdit aux femmes d’entrer dans les centres de soins de santé ou les bureaux de médecins sans être accompagnées d’un membre masculin de leur famille. Un an plus tard, en mai 2023, on interdit complètement aux jeunes femmes célibataires d’entrer dans les centres de soins de santé, les bureaux de médecins et les sanctuaires dans la province de Kandahar. En 2023, les femmes sont interdites dans les restaurants.

Le mois dernier, un article d’opinion du Washington Post, qui a été rédigé par trois expertes en politique internationale en matière de paix et de sécurité, a mis en lumière certaines des premières ramifications liées au fait de refuser l’accès aux soins de santé aux femmes en Afghanistan. Les auteures ont affirmé ce qui suit :

En raison de la diminution de leurs perspectives éducatives et économiques, les femmes et les filles sont de plus en plus contraintes à des mariages précoces, les familles ayant recours à la vente de leurs filles en âge d’aller à l’école primaire pour se nourrir. Jusqu’à 9 de ces enfants mariées sur 10 seront victimes de violence contre les femmes, et nombre d’entre elles seront encore plus menacées en raison des obstacles à l’accès aux soins de santé imposés par les talibans. Aujourd’hui, en Afghanistan, une femme meurt toutes les deux heures pendant l’accouchement, et la prévention des naissances est interdite. Ces conditions exacerbent la grave crise humanitaire dans un pays rempli de veuves de guerre.

Un rapport publié en février 2024 par plusieurs organismes des Nations unies met en lumière le sentiment de crainte accru des femmes à la suite de l’érosion croissante de leurs droits en Afghanistan. Un an après que les talibans ont pris le pouvoir, trois organismes des Nations unies — ONU Femmes, l’Organisation internationale pour les migrations et la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan — ont commencé à publier des consultations trimestrielles menées auprès d’Afghanes. Les participantes au dernier sondage étaient 745 femmes provenant des 34 provinces du pays, et les tendances signalées sont pour le moins troublantes. Voici les principales conclusions : plus de la moitié des femmes, soit 57 %, ont dit se sentir en danger si elles sortaient de la maison sans être accompagnées par un membre masculin de la famille; seulement 1 % des femmes ont dit pouvoir participer « convenablement » ou « pleinement » à la prise de décisions dans la communauté, une baisse énorme comparativement aux 17 % en janvier 2023; et, enfin, en ce qui concerne la possibilité de participer convenablement ou pleinement aux décisions de la maisonnée, le résultat a aussi chuté énormément, passant de 90 % en janvier 2023 à 32 % en janvier 2024. Ces résultats donnent à penser — ce qui est tragique mais peut-être pas surprenant — que depuis qu’on a enlevé aux femmes le droit de recevoir une éducation et de travailler, leur pouvoir au sein du foyer n’a cessé de diminuer.

Selon le rapport, les femmes ont décrit les répercussions intergénérationnelles et sexospécifiques des restrictions imposées par les talibans et des changements d’attitude sociale qui les accompagnent sur les enfants. Les garçons semblent intérioriser la subordination sociale et politique de leurs mères et de leurs sœurs, ce qui renforce la conviction qu’elles doivent rester à la maison dans une position de servitude. La perception qu’ont les filles de leurs perspectives d’avenir modifie leurs valeurs et leur compréhension des possibilités qui s’offrent à elles. Les femmes interrogées ont indiqué qu’elles craignaient que l’exposition à des politiques misogynes ne donne aux hommes et aux garçons l’impression que les femmes et les filles n’ont ni la capacité ni le besoin de profiter de possibilités dans les sphères sociale, politique ou économique.

En ce qui concerne la motion elle-même, lorsque nous faisons une déclaration aussi importante que celle-ci — que ce soit en tant que Chambre ou en tant que gouvernement — il est essentiel de trouver la bonne formulation. La sénatrice Ataullahjan a choisi le terme « effacement » pour décrire ce qui arrive aux femmes et aux jeunes filles dans la vie publique en Afghanistan. Le mot « effacement » est en effet très fort. Nous vivons à une époque où le langage est hyperbolique, mais dans le cas présent, je pense que ce terme est juste. Il est important de ne pas édulcorer l’expérience des femmes afghanes ou l’intention des talibans.

De même, le terme « apartheid » revêt une importance juridique et historique considérable. Bien qu’il ait été utilisé à tort ces dernières années — certains hommes politiques et journalistes l’ont lancé de manière irréfléchie comme une simple insulte —, ce terme est clairement défini dans le droit international. L’élaboration de normes relatives à l’apartheid dans le droit international visait à lutter contre l’apartheid racial. Le terme « apartheid » vient du mot afrikaans signifiant « séparation », qui décrit la ségrégation raciale méthodique et l’oppression de la majorité noire d’Afrique du Sud de 1948 à 1994. La réaction généralisée et soutenue de la communauté internationale a abouti à la reconnaissance de l’apartheid comme un crime contre l’humanité en vertu du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. L’apartheid décrit des actes inhumains commis dans le but d’établir la domination d’un groupe sur un autre. Les motions comme celle qui nous est présentée s’inscrivent dans le cadre d’un effort plus vaste visant à inclure l’apartheid fondé sur le sexe dans le cadre international.

C’est un fait que les femmes afghanes sont empêchées de participer à la vie publique sous quelque forme que ce soit. Les décrets oppressifs institués par les talibans et les systèmes juridiques plus larges auxquels ils adhèrent visent à instaurer et à maintenir l’assujettissement des femmes aux hommes et à l’État. La violation de ces lois peut conduire à des châtiments physiques, à l’emprisonnement et à la mort. Certains ont décrit les femmes et les jeunes filles afghanes comme des citoyennes de seconde zone, tandis que d’autres ont parlé de leur traitement comme d’une forme extrême ou grave de discrimination fondée sur le sexe. Toutefois, cela ne va pas assez loin. Comme on peut le lire dans le site End Gender Apartheid :

Les situations en République islamique d’Iran et sous le régime des talibans en Afghanistan ne sont pas de simples cas de discrimination fondée sur le sexe. Au contraire, ces systèmes perpétuent une guerre plus extrême, systématique et structurelle contre les femmes, destinée à les déshumaniser et à les réprimer dans le but de consolider leur pouvoir.

Si l’apartheid est reconnu par le droit international comme un crime contre l’humanité, le genre n’est actuellement pas inclus dans la définition officielle. Il existe donc peu de possibilités ou de recours pour contester les actions des talibans.

Le rapporteur spécial des Nations unies sur l’Afghanistan, Richard Bennett, a décrit la réalité des femmes afghanes comme « [...] le bafouement complet, systématique et sans parallèle des droits des femmes et des filles. » Fait important, il l’a qualifiée de « cadre institutionnalisé d’apartheid fondé sur le genre ».

La première étape pour les organisations et les nations qui sont solidaires des femmes d’Afghanistan est de sensibiliser la population à l’expérience des femmes afghanes et aux structures de plus en plus oppressives que les talibans leur imposent. Nos collègues, les sénatrices Ataullahjan et McPhedran, le député Garnett Genuis et d’autres ont fait un travail exceptionnel de sensibilisation et ont veillé à ce que cette question demeure prioritaire.

L’étape suivante consiste pour les gouvernements à reconnaître que ce qui se passe en Afghanistan est, en fait, un apartheid fondé sur le genre. La motion est une amorce de cette étape importante pour le gouvernement du Canada. L’acceptation par le gouvernement de cette motion du Sénat soutiendrait tous les efforts visant à apporter les changements nécessaires dans le droit international, dans le but ultime de tenir les talibans pour responsables dans l’espoir d’apporter des changements véritables dans la vie des femmes et des filles afghanes.

(1920)

Les talibans se sont donné pour mission d’effacer les femmes du discours politique, économique et social de l’Afghanistan. Les nouvelles que nous continuons de voir sont horribles. Nous avons vu des talibans fouetter des femmes devant des centaines de spectateurs et battre des hommes pour avoir autorisé les femmes de leur famille à porter des vêtements aux couleurs vives. Nous assistons à l’éradication, petit à petit, de presque tous les droits pour lesquels les femmes se sont battues, ce qui les oblige à se retirer de la société et à se retrancher chez elles, où beaucoup vivent dans un état constant de peur.

La campagne systématique des talibans contre les femmes et les jeunes filles vise à éliminer leur autonomie en les privant de droits fondamentaux tels que la liberté, l’emploi et l’éducation, tout en recourant à des tactiques impitoyables telles que le harcèlement, l’arrestation et la détention de manifestantes.

Pour reprendre les mots de Nayera Kohistani, ancienne enseignante et manifestante qui a été arrêtée et détenue par le régime, « les talibans ont criminalisé toute [leur] existence ».

Ce qui est tout aussi troublant, c’est que cette idéologie omniprésente commence à empoisonner l’esprit des générations futures. Les jeunes garçons commencent à penser que les femmes n’ont pas leur place en dehors du foyer, et les jeunes filles ont perdu la faculté de rêver de l’avenir.

Chers collègues, chacun sait dans cette enceinte que je suis un fier grand-père. Regarder mes six petites-filles poursuivre leurs rêves est l’une des grandes joies de ma vie. Je me sens privilégié d’être aux premières loges pour voir ces incroyables jeunes femmes vivre la vie à laquelle elles aspirent. L’une d’entre elles prépare un doctorat, une autre s’est lancée dans une belle carrière dans les affaires, une autre, comme vous le savez, est une championne de curling, une autre encore fait d’énormes progrès dans le volleyball de compétition. L’une d’entre elles est une enseignante remarquable dont le plus grand espoir est de devenir mère. Lorsque ce jour viendra, elle pourra regarder dans les yeux de ce bébé et n’éprouver que de l’espoir et de l’optimisme pour la belle vie qui l’attend. Ma plus jeune petite-fille a des talents musicaux exceptionnels, et je ne doute pas qu’elle partagera ce don avec le monde.

Mes petites-filles ont grandi en observant des modèles remarquables et elles n’ont jamais douté qu’elles étaient des membres à part entière de la société, capables de bâtir la vie qu’elles souhaitent comme elles l’entendent.

En tant que grand-père, je trouve d’autant plus dévastateur de constater le contraste frappant de la vie quotidienne des filles du même âge en Afghanistan, des filles qui souhaitent simplement aller à l’école, vivre librement à l’abri de la violence et rêver. De tous les maux que les talibans ont infligés aux régions qu’ils contrôlent, priver les jeunes filles de la possibilité de rêver est, à mes yeux, l’un des plus déchirants.

Il est temps pour nous d’agir.

Chers collègues, je vous encourage tous à appuyer cette motion, afin que le Canada puisse commencer à jouer son rôle dans notre objectif commun de mettre fin à la guerre des talibans contre les femmes et les filles afghanes. Merci, chers collègues.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Des voix : Bravo!

Adoption de la motion tendant à reconnaître le mois d’octobre comme Mois du patrimoine coréen

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Martin, appuyée par l’honorable sénatrice Seidman,

Que le Sénat reconnaisse le mois d’octobre de chaque année comme Mois du patrimoine coréen, étant donné la contribution des Canadiens d’origine coréenne à la société canadienne, l’amitié et les liens bilatéraux profondément enracinés entre le Canada et la Corée, et l’importance du patrimoine et de la culture coréens dans le tissu social du Canada.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Votre Honneur, je tiens à mentionner que je me sens très privilégiée de siéger aux côtés de vous tous et d’écouter des déclarations aussi émouvantes. Ces paroles ont un véritable impact. Je tiens à m’associer aux paroles et aux actes de mes collègues. Je me sens privilégiée de prendre la parole aujourd’hui.

Honorables sénateurs, je suis honorée de m’exprimer au sujet de la motion no 187 : Que le Sénat reconnaisse le mois d’octobre de chaque année comme Mois du patrimoine coréen, étant donné la contribution des Canadiens d’origine coréenne à la société canadienne, l’amitié et les liens bilatéraux profondément enracinés entre le Canada et la Corée, et l’importance de la culture et du patrimoine coréens dans le tissu social du Canada.

Je précise que la motion est co-parrainée par la sénatrice Amina Gerba, la sénatrice Rebecca Patterson et le sénateur Hassan Yussuff, qui entretiennent tous une relation personnelle et authentique avec la Corée et la communauté coréenne, en plus d’être nos collègues au Sénat, bien entendu.

Le mois d’octobre revêt une signification particulière pour les personnes d’origine coréenne au Canada, en Corée et ailleurs dans le monde. Le troisième jour d’octobre est le Gaecheonjeol, ou Jour de la fondation de la Corée, en français. Cette fête nationale de la Corée célèbre la formation légendaire du premier État coréen, le Gojoseon, en 2333 avant Jésus-Christ. Cette date est traditionnellement considérée comme étant la date de la création du peuple coréen.

Le 9 octobre est le Jour du hangeul, un jour férié national pour commémorer la création et la publication du hangeul, l’alphabet coréen. Il a été élaboré en 1443 par le roi Sejong, quatrième roi de la dynastie Joseon, pour éradiquer l’analphabétisme.

En 1446, le hangeul a été proclamé système d’écriture officiel de la Corée. Le roi Sejong serait heureux d’apprendre que le taux d’alphabétisation de la Corée en 2024 est de 98 %.

Les Coréens, comme d’autres cultures dans le monde, ont serré les dents et accompli bien des choses. Les Canado-Coréens ont de nombreuses histoires d’amour, de survie, de sacrifice, de résilience, de famille, de communauté et de réussite. Le Canada a une population de Canadiens d’origine coréenne assez forte et dynamique qui a des communautés prospères dans tout le pays, des centres urbains effervescents aux localités rurales pittoresques.

L’immigration coréenne au Canada a commencé dans les années 1940 avec des étudiants au séminaire et elle s’est accélérée au cours des décennies qui ont suivi. Selon le recensement canadien de 2021, il y avait près de 220 000 Canadiens d’origine coréenne au Canada, ce qui fait d’eux la quatrième diaspora coréenne dans le monde.

Depuis l’arrivée de la première vague d’immigrants coréens au Canada, la communauté n’a cessé de se développer, motivée par l’esprit d’entreprise, la détermination et la recherche de nouvelles perspectives d’avenir.

Les Canadiens d’origine coréenne ont joué un rôle essentiel dans l’innovation, la croissance et la prospérité dans différents secteurs de l’économie canadienne. Des petites entreprises et des entreprises en démarrage aux grandes sociétés, les entrepreneurs canadiens d’origine coréenne ont laissé leur marque en créant des emplois, en stimulant la croissance économique et en contribuant à la prospérité du Canada.

En outre, les Canadiens d’origine coréenne ont contribué de manière significative au paysage culturel du Canada, en enrichissant la société de leurs traditions, de leurs arts et de leur cuisine dynamiques. Les pratiques, manifestations et célébrations culturelles coréennes font désormais partie intégrante de la mosaïque multiculturelle du Canada, et elles sont célébrées et adoptées par les Canadiens de toutes les origines.

En plus de leurs contributions économiques et culturelles, les Canadiens d’origine coréenne sont des philanthropes généreux, qui s’engagent dans leur communauté et dans la société civile. Il sont animés d’un désir profond de redonner à leurs collectivités et d’avoir un impact positif sur celles-ci. Que ce soit par le biais du bénévolat, des dons de charité ou des efforts de sensibilisation, les Canadiens d’origine coréenne contribuent à bâtir des collectivités plus fortes et plus résilientes et à favoriser la cohésion sociale et la solidarité.

(1930)

Au fil des ans, le Canada et la Corée ont forgé un partenariat solide fondé sur des valeurs communes, un respect mutuel et un engagement envers la prospérité et la paix. Lorsque nous réfléchissons à l’évolution de cette relation, il devient évident que les liens entre le Canada et la Corée du Sud n’ont fait que se renforcer avec le temps et qu’ils englobent divers secteurs et favorisent la collaboration sur de multiples fronts. Le Canada et la Corée du Sud ont un engagement commun envers la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit. Ces valeurs communes représentent le fondement de nos relations bilatérales et servent de base solide à la coopération dans les domaines diplomatique, économique, culturel et de la sécurité.

Le commerce et l’investissement sont l’une des pierres angulaires de la relation entre le Canada et la Corée du Sud. Les deux pays sont d’ardents défenseurs de l’ouverture des marchés et du libre‑échange, ce qui a facilité la croissance des échanges commerciaux et des investissements bilatéraux. L’Accord de libre-échange Canada-Corée, qui est entré en vigueur en 2015, a amélioré considérablement la coopération économique en réduisant les droits de douane et autres obstacles au commerce et a créé de nouvelles possibilités pour les entreprises et les entrepreneurs dans les deux pays. La relation bilatérale est devenue un partenariat stratégique global en 2022. Aujourd’hui, la Corée du Sud est l’un des principaux partenaires commerciaux du Canada dans la région Asie-Pacifique, avec des volumes d’échanges commerciaux qui continuent de croître dans de nombreux secteurs.

Dans le domaine de la coopération en matière de sécurité et de défense, le Canada et la Corée du Sud sont des partenaires engagés dans la promotion de la paix et de la stabilité dans la région de l’Asie-Pacifique et au-delà. Les deux pays ont participé à des exercices militaires conjoints, à des opérations de maintien de la paix et à des pourparlers sur la sécurité portant sur des questions de sécurité communes, notamment les tensions régionales et les efforts de non-prolifération.

Notre coopération dans ces domaines souligne notre engagement commun à maintenir la paix et la sécurité internationales et à promouvoir un ordre international fondé sur des règles.

Ce lien de coopération solide a été forgé dans le feu de l’invasion de la Corée du Sud par les communistes en 1950, quand les forces nord-coréennes ont franchi le 38e parallèle, ce qui a déclenché la guerre de Corée. Le Canada a été l’un des premiers pays à s’engager militairement en mer, dans les airs, sur les collines et dans les vallées pour maintenir la paix et défendre la Corée du Sud contre l’agression du Nord communiste. Les sacrifices consentis par les Canadiens pendant la guerre de Corée et les années de maintien de la paix qui ont suivi, y compris le sacrifice ultime de leur vie, resteront à jamais gravés dans la mémoire des Coréens et des Canadiens, qui les honoreront.

Au-delà des contributions militaires, le Canada a fourni une aide humanitaire pour alléger les souffrances des civils coréens touchés par la guerre. Du personnel médical canadien a servi dans des hôpitaux de campagne, où il a prodigué des soins critiques aux soldats et aux civils blessés.

Alors que nous nous tournons vers l’avenir, le partenariat entre le Canada et la Corée offre d’immenses possibilités de croissance et de collaboration. Qu’il s’agisse de relever les défis mondiaux, de promouvoir l’innovation et la technologie ou encore le développement durable, nos deux pays sont prêts à travailler ensemble afin de s’attaquer aux questions pressantes de notre époque.

J’aimerais prendre un instant pour souligner qu’il est important de reconnaître les cultures grâce à des mois du patrimoine désignés. Dans nos sociétés de plus en plus diversifiées, où des gens d’origines diverses coexistent et contribuent à la mosaïque de nos collectivités, il est essentiel de célébrer et d’honorer le riche patrimoine culturel des différents groupes ethniques. Les mois du patrimoine nous offrent une occasion incroyable à cet égard. Un des principaux avantages d’un mois du patrimoine, c’est qu’il permet de promouvoir la diversité et la fierté culturelles. Lorsque des personnes constatent qu’on reconnaît et qu’on célèbre leur patrimoine culturel à plus grande échelle, cela leur inspire un sentiment de fierté et d’appartenance à la communauté. Cela valide leur identité et réaffirme l’importance de leur patrimoine culturel dans la formation de leur identité.

Les mois du patrimoine jouent aussi un rôle crucial dans la préservation et la promotion du patrimoine culturel pour les futures générations. En mettant en valeur la richesse de l’histoire, de la langue, des arts, de la musique et de la cuisine des différentes cultures, les mois du patrimoine incitent les jeunes générations à en apprendre davantage sur leur patrimoine et à être fières de leurs racines. Cette transmission intergénérationnelle des connaissances culturelles assure le transfert et la préservation des traditions pour des années à venir.

Honorables sénateurs, la communauté canado-coréenne est un brillant exemple de la richesse et de la diversité de la mosaïque multiculturelle du Canada. Par leur esprit d’entreprise, leurs contributions culturelles et leur engagement communautaire, les Canadiens d’origine coréenne enrichissent notre société, renforcent nos collectivités et nous incitent à embrasser les valeurs de la diversité, de l’inclusion et du respect mutuel.

Alors que nous célébrons les réalisations et les contributions de la communauté canado-coréenne, réaffirmons notre engagement à bâtir un Canada plus inclusif, plus équitable et plus accueillant pour tous. Merci, gamsahamnida.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Le cent vingt-cinquième anniversaire de la Loi sur le Yukon

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Duncan, attirant l’attention du Sénat sur le 125e anniversaire de la Loi sur le Yukon, une Loi du Parlement adoptée le 13 juin 1898.

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, le débat sur cet article est ajourné au nom de l’honorable sénatrice Clement, et je demande le consentement du Sénat pour qu’il reste ajourné à son nom après mon intervention d’aujourd’hui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Coyle : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui sur les terres de la nation algonquine anishinabe pour vous parler des terres, des gens et d’une partie de l’histoire de la Première Nation de Carcross/Tagish, des Premières Nations Champagne et Aishihik, de la Première Nation de Na–Cho Nyak Dün, de la Première Nation de Kluane, la Première Nation des Kwanlin Dün, de la Première Nation de Liard, de la Première Nation de Little Salmon/Carmacks, du Conseil Dena de Ross River, de la Première Nation de Selkirk, du Conseil des Ta’an Kwäch’än, du Conseil des Tlingits de Teslin, des Tr’ondëk Hwëch’in, de la Première Nation des Gwitchin Vuntut et de la Première Nation de White River.

Honorables collègues, je prends la parole au sujet de l’interpellation no 14 de la sénatrice Duncan, qui attire notre attention sur le 125e anniversaire de la Loi sur le Yukon, qui a eu lieu l’an dernier. La sénatrice Duncan est fière de venir du Yukon — l’avez-vous remarqué? — et le Yukon est fier d’elle, tout comme nous le sommes. De 2000 à 2002, elle a été la première et la seule femme à occuper le poste de premier ministre du Yukon. La sénatrice Duncan a signé l’entente sur le transfert des responsabilités avec le Canada. Le Yukon a été le premier territoire à signer une telle entente, qui a donné aux Yukonnais le pouvoir de gérer leurs terres et ressources naturelles ainsi que de favoriser le développement économique et la création d’emplois à leurs propres fins. La sénatrice Duncan a participé à la négociation et à la mise en œuvre d’accords sur les revendications territoriales avec les Premières Nations du Yukon et elle était première ministre lorsque l’accord d’autonomie gouvernementale avec le Conseil des Ta’an Kwäch’än a été signé.

La sénatrice Duncan m’a demandé de prendre la parole dans le cadre de son interpellation, car elle sait que je partage sa passion pour la beauté et la majesté envoûtantes du Yukon et de ses habitants. J’ai eu la chance de visiter le Yukon à de nombreuses reprises pour voir ma fille, Lauren McCarthy, son mari, Jamie, et mes petits-enfants, Jack, Amelia et Sophie, au cours des sept années où ils y ont vécu. Lauren a enseigné à l’école primaire de Whitehorse et Jamie a travaillé pour la Première Nation de Carcross/Tagish puis pour la Première Nation des Kwanlin Dün.

J’ai eu la chance de parcourir les sentiers de la forêt expérimentale avec la sénatrice Duncan et son chien. J’ai fait de la luge dans la réserve naturelle, j’ai glissé sur les collines du désert de Carcross, j’ai skié au Whitehorse Nordic Centre, j’ai fait trempette dans les eaux curatives des sources thermales de Takhini, j’ai marché sur la surface gelée du lac Kathleen dans le parc national de Kluane, je me suis régalée au Klondike Salmon & Rib, j’ai parlé à la classe de mon petit-fils à l’école primaire Elijah Smith, j’ai visité le centre culturel de Kwanlin Dün, j’ai rencontré des étudiants et des professeurs de l’Université du Yukon, j’ai parcouru les sentiers qui longent le fleuve Yukon et j’ai fait bien d’autres choses encore.

Chers collègues, j’ai également eu la chance de visiter Whitehorse en compagnie d’autres sénateurs. C’était le dernier arrêt de la mission d’information du Comité spécial sur l’Arctique.

(1940)

Chers collègues, la sénatrice Duncan nous a expliqué le contexte qui entoure la Loi sur le Yukon. La première découverte d’or au Yukon a été faite en 1896 par une femme de la Première Nation Tagish, Kate Carmack — aussi appelée Shaaw Tláa —, son frère et son mari. La nouvelle de cette découverte s’est répandue comme une traînée de poudre, et, au cours de l’année suivante, Dawson City, au Yukon, est devenue la plus grande ville au Nord de San Francisco et à l’Ouest de Chicago.

Dans le contexte de la ruée vers l’or, l’adoption de la Loi du Yukon a été motivée par le désir d’affirmer la souveraineté du Canada et de réglementer la consommation d’alcool dans le territoire.

La sénatrice Duncan nous a expliqué que la loi avait été modifiée à plusieurs reprises au fil des ans. La dernière version a d’ailleurs reçu la sanction royale le 13 juin dernier. La sénatrice a aussi fait allusion à un autre anniversaire important dans l’histoire du Yukon et, en particulier, des Autochtones des 14 nations que j’ai mentionnées plus tôt. C’est sur ce point que je souhaite m’attarder davantage.

Aujourd’hui, environ 25 % de la population du Yukon est autochtone, 11 des 14 Premières Nations sont signataires des traités modernes. Les revendications territoriales du Yukon :

[...] ont été présentées dès 1901 et 1902, lorsque le chef Jim Boss, de la nation actuelle des Ta’an Kwach’an et des environs, a écrit des lettres au surintendant général des Affaires indiennes à Ottawa et au commissaire du Yukon.

Au tournant du siècle, il avait soulevé les préoccupations de son peuple :

[...] en ce qui concerne l’aliénation des terres et des ressources dans leurs territoires traditionnels et de leur besoin d’avoir leur mot à dire à l’égard de leurs propres affaires et de leur gouvernance.

La ruée vers l’or du Klondike attiré de nombreux colons au Yukon, mais la plupart sont partis quand tout fut terminé. Cependant, la construction de la route de l’Alaska en 1942 a changé la vie au Yukon pour toujours. De plus en plus de colons se sont installés sur une terre pour y construire une maison le long des 892 kilomètres du tronçon de la route qui traverse le Yukon, et bien au‑delà. Dans les années 1960, les peuples autochtones ont été repoussés plus loin de leurs terres en raison de l’exploitation des ressources.

En 1968, la Fraternité des autochtones du Yukon, sous la direction du chef Elijah Smith, a été fondée dans le but de :

« [...] protéger les droits civils de tous les Indiens du Yukon et d’aider tous les Indiens dans la détermination de leur statut juridique en ce qui concerne les ressources naturelles du Canada. »

En janvier 1973, plus de 100 communautés des Premières Nations du Yukon se sont réunies pour mettre au point le document intitulé Together Today for our Children Tomorrow. Le mois suivant, soit le 14 février 1973, le chef Elijah Smith et une délégation de chefs du Yukon se sont rendus à Ottawa pour présenter ce document historique au premier ministre de l’époque, Pierre Trudeau, et au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien de l’époque, Jean Chrétien.

Beaucoup de ces chefs sortaient pour la première fois du Yukon. Le document intitulé Together Today for our Children Tomorrow dépeint la façon dont les Autochtones du Yukon se perçoivent, ainsi que les expériences qu’ils ont vécues depuis la colonisation. Il propose des droits fonciers, des redevances et un règlement financier. Il demande au gouvernement fédéral de créer un comité chargé d’étudier le document et de rédiger un projet de loi sur la base de celui-ci.

L’ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau s’est engagé à agir rapidement et il a accepté de constituer un comité de négociation et un processus de modernisation des traités. Après deux décennies de négociations — on repassera pour la rapidité —, l’Accord-cadre définitif entre le Canada, le Yukon et le Conseil des Premières Nations du Yukon a été finalisé. Il porte sur les terres, l’indemnité pécuniaire, l’autonomie gouvernementale et la création de conseils, de comités et de tribunaux pour permettre aux Premières Nations d’assurer une gestion conjointe dans certains domaines. Le leadership sur ces questions est maintenant fermement entre les mains des « enfants de demain », comme l’avaient envisagé ceux qui se sont réunis en 1973.

Cinquante ans plus tard, des leaders représentant les Premières Nations du Yukon, le Yukon et le Canada ont tenu une rencontre de gouvernement à gouvernement dans le cadre du forum intergouvernemental organisé en décembre dernier, à Ottawa, pour mettre de l’avant des priorités en commun, notamment en ce qui concerne le logement, l’itinérance, la santé et le bien-être mental, l’aménagement du territoire, la revitalisation des langues, la préparation aux situations d’urgence, les ententes financières et le déclin des stocks de saumon.

Honorables collègues, la Loi sur le Yukon a permis d’affirmer la souveraineté du Canada sur ce territoire. L’entente sur le transfert des responsabilités entre le Canada et le Yukon, signé par notre collègue la sénatrice Duncan, a accordé aux Yukonnais des pouvoirs à l’égard des terres, des ressources et des débouchés.

Les traités modernes et la réalisation de la vision des 14 Premières Nations du Yukon, énoncée dans le document historique intitulé Together Today for our Children Tomorrow, permettent de rendre aux premiers habitants de ce territoire leurs droits à l’égard des terres, des ressources et de la gouvernance. Honorables collègues, ce que tous les Yukonnais ont en commun, c’est leur amour pour ce magnifique territoire

Honorables collègues, dans son discours, la sénatrice Duncan a récité un passage du poème intitulé L’envoûtement du Yukon. Je vais conclure mon discours d’aujourd’hui en récitant le reste de ce poème, qui est une lettre d’amour de Robert Service à ce territoire :

Je voulais de l’or et je l’ai cherché,

Tel un esclave, de peine et de misère.

Famine et scorbut ne m’ont pas découragé,

J’ai envoyé ma jeunesse au cimetière.

Je voulais de l’or et je l’ai obtenu.

Cet automne, j’ai gagné beaucoup,

Mais la vie n’est pas comme je l’avais prévue

Et il se trouve que l’or, ce n’est pas tout.

Non! Il y a aussi cette terre. (L’avez-vous vue de vos yeux?)

Jamais on n’en vit de plus désolée,

De ses montagnes, aux sommets vertigineux,

Jusqu’au creux de ses mornes vallées [...]

On dit qu’il vaut mieux éviter cette terre immonde.

Mais on trouve aussi de ceux

Qui, comme moi, ne l’échangeraient pour rien au monde.

On y va pour y faire fortune (c’est une fichue de bonne raison);

On a d’abord l’impression d’être en exil,

On maudit cette terre infernale toute une saison,

Et on s’y sent comme l’être le plus vil.

Comme certains vices, elle nous attire,

Transforme le méchant en gentil.

Cela semble ne jamais finir,

Comme s’il en avait toujours été ainsi.

Happé par ce vide colossal

Rempli de silence à ras bord,

J’ai vu le soleil qui étale

L’or et le vermeil, et s’endort,

Puis les reflets nacrés de la lune sur les sommets

Et un tourbillon d’étoiles par-dessus le marché.

On se dit que ça ne peut pas être vrai,

Que la paix règne sur le monde entier.

L’été y est des plus doux;

Dans les bois ensoleillés, tout reprend vie.

L’ombre de rivière frétille partout,

Sur la colline, le mouflon s’alanguit.

Voir la vie se déployer avec vigueur,

Entendre en pleine nature le cri du caribou,

L’éloignement, la liberté, la fraîcheur...

Bon Dieu! J’en raffole, j’en suis fou.

Et l’hiver! Cet éclat aveuglant,

Cette terre recouverte d’un blanc manteau,

Cette peur qui vous suit sans cesse et vous glace le sang,

Ce silence assourdissant à vous rendre marteau.

Ces neiges qui remontent à avant notre ère,

Ces bois qui jettent des ombres à l’aspect curieux,

Au clair de la lune, cette tranquillité, ce mystère,

Je n’ai pas la force de leur dire adieu.

Dans cette terre aux montagnes sans nom,

Où les rivières coulent Dieu sait où,

Il y a des gens qui errent sans raison

Et que la mort suit partout.

Il y a des épreuves qui passent inaperçues,

Des vallées tranquilles et inhabitées.

L’appel de cette terre, je l’ai bien entendu,

Je veux la retrouver, je la retrouverai.

J’arrive au bout de mes économies,

Je ne trouve plus le champagne aussi bon,

Quand je n’aurai plus un rond, Dieu merci,

Je retournerai enfin au Yukon.

Je me battrai sans relâche, croyez-moi.

C’est un endroit infernal, mais que j’ai déjà fréquenté,

Et j’aime cent fois mieux être là-bas,

Alors, auprès de toi, Yukon, je retournerai.

L’envie de l’or, cette obsession,

Continue de me hanter, de m’envoûter.

Ce n’est pas tant l’or qui en est la raison,

Mais l’endroit où je vais le chercher.

C’est, à perte de vue, l’immensité,

Les forêts où le silence a ses habitudes;

C’est l’extase devant tant de beauté,

Le calme qui m’emplit de quiétude.

Honorables sénateurs, alors que l’an passé marquait le 125e anniversaire de la Loi sur le Yukon et le 50e anniversaire du document intitulé Together Today for our Children Tomorrow, joignons-nous à la sénatrice Duncan pour célébrer cet endroit remarquable qui, dans les mots de Robert Service, suscite « l’extase devant tant de beauté » et dont le « calme m’emplit de quiétude » alors qu’il « m’interpelle encore et encore, je veux y retourner — et je le ferai ». Merci. Wela’lioq.

(Le débat est ajourné.)

(1950)

Les étudiants étrangers

La contribution et les défis—Interpellation—Ajournement du débat

L’honorable Ratna Omidvar, ayant donné préavis le 28 novembre 2023 :

Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur la contribution des étudiants étrangers au Canada et les nombreux défis, tels que la fraude, les sévices et les abus émotionnels et parfois sexuels, auxquels nombre d’entre eux font face.

 — Honorables sénateurs, je semble souvent tirer la paille la plus courte, me dressant toujours entre vous et votre repas. Je vous promets toutefois d’encore une fois aiguiser votre appétit avec de l’information et des idées avant de prendre un repos bien mérité.

Cette interpellation porte sur les étudiants étrangers au Canada. C’est une histoire au sujet de personnes qui ont des espoirs, des rêves et des aspirations, mais c’est aussi une histoire sur l’argent et la cupidité. C’est une histoire dans laquelle il y a de graves conséquences imprévues et des déceptions. En y pensant bien, elle est un mélange du meilleur et du pire.

Je ne veux pas commencer sur une note positive. Je me tournerai plutôt vers le côté sombre, que des reportages dans les médias ont commencé à révéler en 2021, en documentant les cas de mauvais traitements subis par des étudiants étrangers. Nous en avons entendu parler dans le Maclean’s, à CBC/Radio-Canada et dans le Toronto Star : des huit étudiants entassés dans un appartement où même le corridor était loué, du harcèlement des propriétaires, des étudiants déçus qui se sont rendu compte qu’ils avaient acheté un faux panier de marchandises et des aspects vraiment horribles de la situation, des histoires de trafic et même de suicides.

Le sénateur Woo, l’ancien sénateur Marwah, le sénateur Yussuff et moi-même avons mis en commun nos préoccupations et nos ressources pour examiner de plus près ces cas. À l’automne dernier, presque exactement au moment où la bulle des étudiants étrangers a éclaté, nous avons rendu publics notre rapport et nos recommandations.

J’ai attendu près d’un an avant d’en parler, car bien des changements ont été annoncés, et toute discussion réfléchie sur les étudiants étrangers doit en tenir compte.

Il est important de revenir à l’essentiel, et l’essentiel est assez simple pour moi. Le Canada a pour objectif d’offrir une éducation de calibre mondial aux étudiants, qu’ils soient canadiens ou étrangers. Si certains étudiants étrangers restent, c’est formidable pour le Canada. Si d’autres décident de partir, c’est également une bonne chose pour le Canada, car ils deviennent des ambassadeurs de notre pays.

En cours de route, nous avons toutefois perdu notre chemin. Par conséquent, nos universités et collèges de calibre mondial, sur lesquels nous comptons pour assurer l’éducation de nos enfants — et même mes petits-enfants maintenant —, sont devenus trop dépendants d’une source externe de financement sur laquelle ils n’ont aucun contrôle, à savoir les frais de scolarité des étudiants étrangers. En d’autres termes, ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement le traitement des étudiants étrangers, mais aussi l’avenir des enfants canadiens et, en fait, l’avenir de notre pays.

Comment cela s’est-il produit? Je vais vous ramener en 2011. À l’époque, nous étions à la traîne par rapport au Royaume-Uni, aux États-Unis et à l’Australie pour ce qui est d’attirer les étudiants étrangers. Notre pays aspirait à rattraper son retard, c’est pourquoi nous avons lancé la Stratégie en matière d’éducation internationale afin d’améliorer la compétitivité mondiale du Canada. Notre objectif était de doubler le nombre d’étudiants étrangers, le faisant passer de 240 000 en 2011 à plus de 450 000 avant 2022. En fait, nous avons dépassé cet objectif en 2017 et l’avons largement dépassé en 2022. Un succès dont nous pouvons nous targuer. Le Canada accueille aujourd’hui près d’un million d’étudiants étrangers, qui injectent plus de 22 milliards de dollars dans notre économie, soutiennent plus de 218 000 emplois, et revitalisent en particulier les petites communautés. C’est le beau côté de l’histoire.

Dans le meilleur des cas, les étudiants étrangers contribuent à la base financière de notre système. Ils répondent aux besoins du marché du travail. Ils deviennent des résidents permanents, puis des citoyens. En 2022, 95 000 étudiants étrangers sont devenus résidents permanents, ce qui représente une augmentation considérable par rapport aux 19 000 étudiants étrangers de 2015.

Mon neveu a suivi cette voie. Il est venu étudier à l’Université de Toronto et a fait des études de premier cycle en administration des affaires. Il a obtenu son diplôme, a trouvé un emploi à la HSBC, est passé à la CIBC et, en cours de route, est devenu résident permanent. Il a maintenant présenté une demande de citoyenneté.

Qu’est-ce qu’un pays pourrait demander de plus? L’accueil des étudiants comme mon neveu qui ont travaillé ici, qui parlent une de nos langues officielles et dont les titres de compétence sont reconnus devrait aller de soi pour nous. Cependant, le succès a un coût. Il y a maintenant des problèmes d’intégrité, de logement et d’attentes non comblés, et on rapporte des cas de relations malsaines entre les collèges publics et privés où il semble y avoir eu des comportements trompeurs et frauduleux.

Au cœur de ces problèmes, il y a un être humain, soit l’étudiant. Bon nombre d’entre eux vivent dans des logements surpeuplés, doivent faire face à des pratiques abusives de la part d’un propriétaire et se font faussement promettre des possibilités de travail et de résidence permanente. Malgré ces difficultés, la plupart souhaitent rester.

Je vis dans un quartier de Toronto, et j’aime prendre le métro, parce que cela me permet de côtoyer des gens. À une station de métro en particulier, il y a beaucoup d’étudiants étrangers qui montent à bord. Ce sont des gens qui me ressemblent. De toute évidence, ils viennent de l’Inde. Comme je parle leur langue, je discute avec eux. Je leur dis : « Êtes-vous ici pour étudier et allez‑vous rester? Avez-vous entendu parler des nouvelles règles? » Ils me disent : « Nous en avons entendu parler. Cela nous inquiète. Cependant, nous ne pouvons pas du tout nous permettre de partir, parce que nos familles et nous perdrions la face. »

Nous nous sommes mis dans le pétrin. Quand on se met dans le pétrin, je pense qu’il est naturel de chercher un bouc émissaire, mais je pense franchement que c’est improductif. Tout le monde a contribué à nous mettre dans ce pétrin : le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les gouvernements territoriaux, les conseillers pédagogiques, les étudiants étrangers eux-mêmes, parce que certains utilisent leurs études comme un moyen détourné de se faire admettre au Canada, les propriétaires, les employeurs et, bien sûr, les établissements d’enseignement désignés, les collèges et les universités.

Au cœur de tout ceci, il y a une vérité incontournable, qui est la suivante : nous avons collectivement et délibérément paupérisé les collèges et les universités, et les chiffres me donnent raison. Le financement provincial des établissements d’enseignement postsecondaire a chuté de 28,2 % à 21,5 % en 11 ans. Au niveau national, le financement des établissements d’enseignement postsecondaire est demeuré inchangé au cours des 15 dernières années.

Les gouvernements provinciaux ont gelé les frais de scolarité des étudiants locaux ou ont été extrêmement avares en matière de transferts aux établissements d’enseignement. En Ontario, la situation est particulièrement mauvaise. Le financement provincial par étudiant local qui étudie à temps plein dans un collège public était à son plus bas en 2018-2019. Pour compenser cette perte de revenus — d’un côté, on gèle les frais payés par les étudiants locaux et, de l’autre, on sabre les subventions; je ne peux pas vraiment reprocher aux collèges et aux universités de chercher une source de revenus —, les établissements d’enseignement se tournent vers les étudiants étrangers et s’en servent comme s’ils étaient un guichet automatique.

Une autre preuve est l’écart grandissant entre les frais locaux, qui sont gelés, et les frais internationaux, qui peuvent augmenter selon la décision de l’établissement ou de la province. Dans ma province, les frais de scolarité des étudiants étrangers représentent aujourd’hui 69 % du financement de base des universités et des collèges. Si ce n’est pas de la dépendance, je ne sais pas ce que c’est.

Je comprends que les établissements d’enseignement postsecondaire ont dû compter de plus en plus sur les frais de scolarité des étudiants étrangers pour couvrir leur financement de base, mais notre rapport s’oppose à l’accent mis sur les recettes au détriment de la qualité de l’enseignement. Les partenariats entre les collèges d’enseignement professionnel publics et privés sont utilisés comme tactique pour générer des recettes, ce qui compromet très souvent la qualité de l’enseignement.

(2000)

Voici comment la tactique fonctionne : un collège ou une université qui se trouve hors des grands centres et dans une région du Canada où il est difficile d’attirer des étudiants étrangers, qui sont la seule source de recettes pour les universités et les collèges, s’associe à un collège privé dans une ville comme Toronto, Vancouver ou Montréal, et ils partagent les recettes entre eux. L’étudiant ne fréquente jamais l’établissement d’accueil et il reste dans un centre urbain. On lui promet que, grâce à ce partenariat, il pourra travailler et obtenir sa résidence permanente. Le problème, c’est que ces arrangements dépassent les limites d’inscription et ne font l’objet d’aucune vérification de la conformité ni d’aucun contrôle de la qualité.

J’étais à Chandigarh l’année dernière, dans la région du Pendjab. On y trouve le plus grand centre de production de visas au monde pour les demandeurs qui viennent au Canada. J’ai visité le consulat général pour examiner ce phénomène. Tôt un matin, il y avait une file de gens qui attendaient autour de l’esplanade où se trouvait notre consulat. J’ai parlé à ces gens. Encore une fois, comme je leur ressemble et que je parle leur langue, ils se sont ouverts à moi. Ils ont tous dit qu’ils voulaient venir au Canada et y rester. Ils ne savaient pas vraiment ce qu’ils allaient étudier ni dans quels collèges ils postulaient. Cependant, ils ont clairement dit qu’ils allaient utiliser toutes leurs ressources — et peut-être celles de leur famille — pour venir ici.

Il était également très clair pour moi qu’ils étaient conseillés par des consultants en éducation. La ville était remplie d’annonces disant : « Je vais vous aider à venir au Canada. Je vais vous aider à réussir votre examen. Je vais vous aider à obtenir votre visa », et ainsi de suite. Toutes les personnes à qui j’ai parlé avaient fait appel à un consultant. Dans une certaine mesure, c’est une question de culture. D’un point de vue culturel, les gens de la région du Pendjab — et j’en suis un, je suis donc bien placé pour le savoir — ont tendance à recourir à des consultants. Il est difficile de se défaire de sa culture.

Les consultants fournissent des services de bonne foi aux étudiants, comme la préparation aux tests de français langue seconde, l’obtention d’une lettre d’admission, etc. Ils sont rémunérés. Ils ne facturent presque rien aux étudiants, ce qui devrait mettre la puce à l’oreille. Ce sont plutôt les collèges et les universités canadiennes qui leur versent une commission, qui peut atteindre de 15 % à 30 %. C’est une très bonne affaire pour tout le monde. Les établissements d’enseignement postsecondaire canadiens peuvent attirer des étudiants, mais sans lien de dépendance, et les consultants reçoivent une commission assez lucrative. Ce n’est toutefois pas une bonne affaire pour l’étudiant étranger, qui est souvent orienté par le consultant vers un programme d’études ou un établissement qui n’est pas ce qu’il prétend être.

Un article de la CBC paru en mars a mis en lumière le cas d’un étudiant indien qu’un agent avait incité à s’inscrire dans un collège privé en lui assurant à tort qu’il pourrait facilement être transféré dans un établissement public. Cette situation révèle d’importants problèmes éthiques. Les gouvernements au Canada assurent une surveillance insuffisante pour empêcher ce genre de fraude, car il n’y a pas grand chose qui les incite à agir. Il y a aussi des « consultants fantômes », qui se font passer pour des consultants en immigration. Ils prétendent offrir des services et facturent des frais sans que les étudiants obtiennent quoi que ce soit en retour.

L’inclusion des collèges privés dans cet amalgame est problématique. Je tiens à faire preuve de prudence, car des collèges privés m’ont téléphoné et certains m’ont dit qu’ils fournissent des services de bonne foi, mais ce n’est pas le cas de tous. Ils ne reçoivent pas de fonds publics et sont des établissements privés, ce qui entraîne une surveillance minimale de la taille des classes, de la qualité de l’éducation et de la stabilité financière. Un article paru en janvier 2023 dans Maclean’s a mis en lumière les problèmes d’un collège privé au Québec qui a fermé soudainement ses portes en 2022 et a plongé les étudiants internationaux dans une situation difficile.

Depuis que nous avons rendu notre rapport public, certaines mesures correctives ont été prises. Affaires mondiales Canada a demandé des conseils sur une nouvelle stratégie d’éducation internationale, y compris une meilleure réglementation des agents éducatifs. Cela pourrait nous donner des pistes à suivre à l’avenir.

Mon temps est-il écoulé? Puis-je avoir plus de temps?

Son Honneur la Présidente : Si vous voulez plus de temps, je dois obtenir le consentement de vos collègues. Le consentement est‑il accordé?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Omidvar : C’est très généreux de votre part.

Il faut revenir à l’essentiel. Nous devons cesser de faire des promesses exagérées aux étudiants étrangers en leur disant qu’ils peuvent venir, travailler et rester au Canada. Sur le site Web d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, on indique aux étudiants étrangers qu’ils peuvent étudier, travailler et rester au Canada. C’est une fausse promesse que nous ne devrions plus annoncer. Nous devrions compiler les données chaque année dans notre plan annuel d’immigration pour déterminer combien d’étudiants étrangers nous sommes en mesure d’accueillir, comme nous le faisons pour les grands-parents, entre autres.

Il y a beaucoup d’autres choses que nous pouvons faire, mais je crois que nous devrions nous attaquer à la racine du problème, à savoir un financement prévisible et durable pour les collèges et les universités afin qu’ils soient en mesure de fournir une éducation de qualité, d’abord et avant tout aux étudiants canadiens. Il est risqué de miser sur les frais de scolarité des étudiants internationaux pour maintenir la stabilité financière des établissements d’enseignement.

On n’a qu’à regarder la situation politique entre l’Inde et le Canada. Je peux prédire avec une certaine confiance que le nombre d’étudiants en provenance de l’Inde chutera. Or, les étudiants de ce pays représentent 40 % de la cohorte des étudiants internationaux. Que feront les universités et les collèges?

Nous devrions aussi avoir de sérieuses discussions d’adultes à l’échelle nationale sur le rétablissement de la stabilité financière du système d’éducation postsecondaire. Ce n’est pas une discussion sur le pouvoir ni le contrôle ni le crédit ni le blâme. C’est une discussion sur l’avenir de notre pays. Si nous ne procédons pas à cet exercice et que nous perdons de vue les éléments fondamentaux, nous risquons de compromettre l’avenir de notre pays.

Par conséquent, chers collègues, je vous laisse sur cette pensée : notre étude a débuté en mettant l’accent sur les étudiants étrangers, mais j’en suis venue à la conclusion que les étudiants étrangers sont tout simplement un symptôme d’un problème plus grave. Si nous ne remédions pas à la cause profonde de ce problème, je peux vous garantir que nous courrons à notre perte. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

(À 20 h 8, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

Annexe - Liste des sénateurs

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