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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 220

Le mardi 24 septembre 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mardi 24 septembre 2024

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les Forces armées canadiennes

Le documentaire Fallen Heroes: Their Journey Home

L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, les Forces armées canadiennes ont une longue et fière histoire, que l’on songe aux guerres mondiales, à la guerre de Corée ou aux missions de maintien de la paix dans le monde. En tant que défenseurs de la liberté et des droits de la personne, les soldats, les marins et les aviateurs canadiens n’ont cessé de faire preuve de courage, de leadership et de compassion, gagnant ainsi le respect de la communauté internationale. Nos forces ont contribué à la paix et à la sécurité mondiales en jouant des rôles essentiels dans l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et d’autres alliances.

Dans la foulée du 11 septembre, le rôle du Canada dans la guerre en Afghanistan a été particulièrement important. Nos forces ont assumé le commandement dans des régions clés, mené des missions essentielles et tissé des liens solides avec des communautés locales.

Un nouveau documentaire intitulé Fallen Heroes: Their Journey Home raconte l’histoire de militaires canadiens qui ont servi en Afghanistan. Après 14 ans de recherches exhaustives, les cinéastes ont rendu un hommage qui va au-delà de la narration de batailles militaires. Ce film fait la lumière sur les défis émotionnels et psychologiques auxquels sont confrontés nos militaires lorsqu’ils rentrent au pays. Ce film aide à faire le pont entre leurs expériences et la compréhension du public canadien, car bien des gens n’ont aucune idée de la gravité de la plus longue guerre à laquelle le Canada a pris part.

Le documentaire met en lumière les principales batailles contre les talibans et le rôle important que le Canada a joué au cours de notre mission de 14 ans. En tant que membre de l’OTAN, le Canada a commandé des opérations de combat à Kandahar, souvent dans les régions les plus dangereuses. Le documentaire montre la contribution unique des guerriers canadiens, non seulement par leurs prouesses militaires, mais aussi par leur compassion, leur respect et leur sensibilité culturelle. Il arrive souvent que des soldats lisent le Coran avant leur déploiement afin de mieux comprendre et respecter le peuple afghan qu’ils ont pour mission de protéger et d’aider.

Plus de 40 000 soldats ont pris part à la mission canadienne; 159 militaires et 4 civils y ont perdu la vie, et de nombreux autres membres sont rentrés au pays avec des blessures, visibles et invisibles. Le film se veut un document historique essentiel, qui préserve le legs de nos hommes et femmes en uniforme pour les générations futures. Il rappelle solennellement le coût persistant de la guerre, notamment les quelque 200 suicides de membres des forces armées depuis leur retour au pays.

Grâce à une narration exceptionnelle, le documentaire Fallen Heroes: Their Journey Home rend hommage au courage et aux sacrifices de ceux qui ont combattu, sensibilise le public et inspire de la gratitude aux Canadiens envers nos militaires exceptionnels. Ce documentaire est à voir absolument.

N’oublions jamais et honorons à jamais nos hommes et nos femmes en uniforme qui ont servi en Afghanistan et qui se tiennent prêts à nous protéger.

Des voix : Bravo!

Les réunions au Yukon sur l’agriculture

L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, depuis des millénaires, les peuples autochtones sont les gardiens de cette terre que nous appelons le Canada. Les premiers peuples ont gracieusement partagé leurs récoltes traditionnelles et leurs modes de vie. Tout en prenant soin de la terre, ils ont accueilli les nouveaux arrivants et assuré leur subsistance.

Aujourd’hui, je tiens à remercier ceux qui assurent les moissons et la subsistance des Canadiens, en particulier les membres de la Fédération canadienne de l’agriculture et les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de l’Agriculture, qui ont tenu leur réunion annuelle à Whitehorse en juillet dernier. J’ai été particulièrement heureuse d’accueillir nos collègues le sénateur Rob Black et la sénatrice Mary Robinson, ainsi que leurs conjoints, lors de leur première visite au Yukon. La présence de nos collègues à ces réunions annuelles de personnes importantes, d’agriculteurs et de politiciens a représenté l’occasion idéale de mettre en lumière l’excellent rapport du Sénat intitulé Terrain critique : Pourquoi le sol est essentiel à la santé économique, environnementale, humaine, et sociale du Canada.

C’était aussi l’occasion pour nos visiteurs d’en apprendre sur l’histoire et l’état actuel de l’agriculture au Yukon. Le ministre de l’Agriculture du Yukon, John Streicker, a habilement expliqué la réalité de l’augmentation de la production agricole au Yukon. Pour mes collègues qui représentent une région dont la population s’élève à des millions d’habitants, le fait que la part de marché soit passée de 2 % en 2015 à 7 % en 2021 peut paraître insignifiant, mais vous devez reconnaître la différence très réelle qui existe au Yukon aujourd’hui. Dans ma jeunesse au Yukon, presque tout arrivait par camion d’Edmonton par la route de l’Alaska. Aujourd’hui, je vais à l’épicerie locale et, en été, au marché pour acheter des œufs produits localement, de la farine moulue localement, un grand nombre de légumes, ainsi que des produits de viande locaux.

Pour ceux d’entre nous qui ont moins de temps à consacrer à la préparation des repas, Air North, la compagnie aérienne du Yukon, a commencé à offrir dans le rayon des produits surgelés de mon épicerie le pâté chinois au bison qu’elle sert gratuitement sur ses vols, et des boulangeries et chefs locaux offrent leurs gâteaux, leurs biscuits et d’autres plats faits à partir d’ingrédients locaux dans le rayon des plats prêts-à-manger.

Bien que la connaissance et la compréhension de l’agriculture et de l’alimentation dans le Nord se soient accrues tout au long de la visite, l’échange d’information ne portait pas seulement sur le Nord. Nos collègues et les visiteurs du reste du Canada ont été d’une grande aide pour les Yukonnais en partageant ouvertement leurs expériences et leurs connaissances, et en leur offrant leur aide. Ce sont les meilleurs au Canada qui se sont échangé les uns aux autres le meilleur que chacun avait à offrir.

Ce n’était pas la première fois que le Yukon accueillait une conférence sur l’agriculture digne de mention. En 1992, Whitehorse a été l’hôte de la toute première Conférence circumpolaire sur l’agriculture. Alors que notre monde se tourne de plus en plus vers le Nord circumpolaire en se concentrant sur la sécurité, y compris la sécurité alimentaire, j’espère que mes collègues du Sénat, les membres de la Yukon Agricultural Association et les membres du gouvernement du Yukon recommenceront à s’intéresser aux délibérations de ces conférences.

Merci, mahsi’cho, shä̀w níthän à mes concitoyens du Yukon, qui ont su veiller à offrir un accueil chaleureux et une expérience instructive à nos visiteurs et à ceux qui se sont rendus au Yukon et qui ont appris à nous connaître et à grandir avec nous. Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

Le Jour de l’émancipation

L’honorable Wanda Thomas Bernard : Honorables sénateurs, c’est avec gratitude que je prends la parole aujourd’hui, en territoire algonquin anishinaabe, pour vous faire part de quelques réflexions passionnantes sur le Jour de l’émancipation 2024.

Cette année, j’ai eu l’immense privilège d’accueillir les sénatrices Moodie, Clement et Gerba dans ma province, la Nouvelle-Écosse, pour souligner le 190e anniversaire de l’abolition de l’esclavage. Ensemble, nous avons assisté au dévoilement d’une plaque rendant hommage à l’importance historique des Marrons de la Jamaïque pour notre pays. Cette plaque est située sur le site de la Citadelle. Nous avons assisté à l’inauguration de l’exposition « Une histoire révélée : L’esclavage des Noirs au Canada », au Musée canadien de l’immigration du Quai 21, et nous avons échangé avec des membres de la communauté lors de notre table ronde sur l’importance du Jour de l’émancipation.

Nous nous sommes rendues à Truro pour participer aux célébrations du 50e anniversaire du tournoi de golf sur invitation Apex, avec un discours extraordinaire du seul et unique Lawrence Hill. C’est bien plus qu’un sport. Ces personnes offrent depuis longtemps des bourses d’études à des étudiants néo-écossais d’origine africaine pour les inspirer et les soutenir.

(1410)

Ces moments d’échanges et de réflexion étaient extrêmement importants, et je suis reconnaissante de les avoir partagés avec mes collègues. Le fait de pouvoir discuter de nos histoires communes, écouter les représentants de la collectivité et faire front commun pour souligner cette journée importante fut vraiment marquant.

Il y a eu des activités et des célébrations d’un bout à l’autre du pays, car de plus en plus d’organismes reconnaissent l’importance du Jour de l’émancipation pour l’ensemble des Canadiens. Que ce soit au Musée canadien de l’histoire, au 162e Festival de l’émancipation d’Owen Sound, au Upper Canada Village, dans la ville de Guysborough, au sein de l’organisme Littératie Ensemble, au Dartmouth Heritage Museum ou au sein du ministère des Anciens Combattants, des gens de tous les âges et de toutes les races se sont réunis pour réfléchir, se souvenir et renouveler leur engagement à apporter les changements qu’ils veulent voir dans leur collectivité.

Depuis la reconnaissance au Canada du Jour de l’émancipation en 2021, il y a de plus en plus d’activités partout au pays. Honorables collègues, j’espère que les Canadiens profiteront de cette importante occasion pour consolider nos acquis, et, pour les années à venir, je vous invite tous à sensibiliser votre collectivité à cette commémoration et à vous joindre à moi pour célébrer mon anniversaire le même jour.

Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

[Français]

La Foire Santé de Montréal-Nord

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Honorables sénateurs, le samedi 28 septembre prochain se tiendra la 15e édition de la Foire Santé de Montréal-Nord. Cette activité vise à répondre aux besoins de la population en matière de mieux-être physique et mental.

C’est une journée au cours de laquelle plus d’une centaine de professionnels de la santé répondent aux questions qui préoccupent les participants et participantes, qui sont de tous les âges et issus du Grand Montréal.

En plus du français, des services sont offerts en créole, en arabe, en espagnol, en anglais, et cetera. La prévention est au cœur de l’événement, et des conseils sur les saines habitudes de vie, des références et d’autres ressources sont proposées à tous et à toutes, dans un climat accueillant et détendu.

J’aimerais remercier tous ces bénévoles qui, année après année, font de la Foire Santé le grand succès qu’elle est devenue. À cette occasion, le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la région libère également du personnel et fournit le matériel nécessaire pour tenir des activités de dépistage de certaines maladies comme le diabète, par exemple.

Bon nombre d’autres maladies chroniques font aussi l’objet de sensibilisation auprès des personnes participantes : hypertension artérielle, anémie falciforme, glaucome, vaccination des enfants, et cetera.

Les bénévoles prennent en compte tous les aspects du bien-être : santé oculaire, santé bucco-dentaire, santé sexuelle, santé mentale, et cetera. Un soin particulier est en outre apporté pour répondre aux besoins touchant les enfants et les personnes aînées.

Organisée par la Fondation des médecins canado-haïtiens avec la collaboration de l’Association des médecins haïtiens à l’étranger et du Ralliement des infirmières et infirmières auxiliaires d’origine haïtienne du Canada, la Foire Santé permet de contrer les barrières linguistiques qui causent l’isolement culturel, le déficit de participation aux activités de dépistage ou de traitement de certaines maladies, la persistance de mauvaises habitudes de vie dans les communautés, ainsi que le stress créé par le statut d’immigration, notamment.

Honorables sénateurs, j’aurai l’honneur d’ouvrir cette 15e édition de la Foire Santé de Montréal-Nord. J’espère que ce type d’initiative pourra porter ses fruits partout au Canada pour favoriser l’intégration des immigrants et, par conséquent, améliorer notre capacité d’accueil. Je vous remercie.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Présentation du vingt-septième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L’honorable Brent Cotter, président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :

Le mardi 24 septembre 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l’honneur de présenter son

VINGT-SEPTIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-250, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation), a, conformément à l’ordre de renvoi du 20 avril 2023, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec les modifications suivantes :

1.Article 1, pages 1 à 3 :

a) À la page 1, remplacer les lignes 12 à 24 par ce qui suit :

« 268.1 (1) Pour l’application du paragraphe 268(1), il est entendu qu’un acte de stérilisation constitue une blessure ou une mutilation.

(2) Au présent article, acte de stérilisation s’entend du sectionnement, de l’occlusion, de la ligature ou de la cautérisation de l’ensemble ou d’une partie des trompes de Fallope, des ovaires ou de l’utérus d’une personne ou de tout autre acte exécuté sur une personne qui a pour effet d’empêcher la procréation de façon définitive, que l’acte soit ou non réversible par une opération chirurgicale ultérieure. »;

b) à la page 2, supprimer les lignes 1 à 29;

c) à la page 3, supprimer les lignes 1 à 8.

Respectueusement soumis,

Le président,

BRENT COTTER

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 3037.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Cotter, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Le Sénat

Préavis de motion concernant les délibérations du projet de loi C-76

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, en ce qui concerne le projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada :

1.si le Sénat reçoit le projet de loi, il soit inscrit à l’ordre du jour pour une deuxième lecture plus tard ce jour, en tant que premier point des affaires du gouvernement, s’il est reçu avant ce moment de la séance, ou, s’il est reçu après ce moment de la séance, en tant que l’affaire suivante, et que la séance ne soit pas levée ce jour-là avant que le Sénat n’ait commencé les délibérations à l’étape de la deuxième lecture;

2.si le projet de loi est adopté à l’étape de la deuxième lecture, il soit renvoyé au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles;

3.le comité soit autorisé, sous réserve de la disponibilité des services nécessaires, à se réunir à tout moment aux fins de son étude du projet de loi, même si le Sénat siège ou est ajourné à ce moment-là;

4.le comité soit autorisé à faire rapport du projet de loi à tout moment au cours d’une séance du Sénat, à l’exception de la période des questions;

5.si le comité fait rapport du projet de loi sans amendement, le projet de loi soit inscrit à l’ordre du jour pour une troisième lecture plus tard au cours de cette séance, à condition que si le rapport est présenté après le moment où le Sénat aurait normalement traité du projet de loi à l’étape de la troisième lecture, le projet de loi soit pris en considération à l’étape de la troisième lecture immédiatement, ou, si une autre affaire est à l’étude au moment où le rapport est présenté, le projet de loi soit inscrit à l’ordre du jour pour une troisième lecture en tant que l’affaire suivante;

6.si le comité fait rapport du projet de loi avec amendements ou avec une recommandation que le Sénat abandonne l’étude du projet de loi :

a)le rapport soit inscrit à l’ordre du jour pour étude plus tard au cours de cette séance, à condition que, si le rapport est présenté après le moment où le Sénat l’aurait normalement étudié, il soit pris en considération immédiatement ou, si une autre affaire est à l’étude au moment où le rapport est présenté, il soit inscrit à l’ordre du jour pour étude en tant que l’affaire suivante;

b)une fois que le Sénat a pris une décision sur le rapport, le projet de loi, s’il est encore devant le Sénat, soit pris en considération à l’étape de la troisième lecture immédiatement;

7.une fois le débat commencé à toute étape de l’étude du projet de loi, ce débat ne soit pas ajourné, sauf dans le cas d’un vote différé, la séance continuant au‑delà de l’heure fixée pour la clôture de la séance, si cela s’avère nécessaire, pour terminer cette étape du débat.

(1420)

[Français]

Énergie, environnement et ressources naturelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Paul J. Massicotte : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à se réunir le mardi 24 septembre 2024, à 17 h 30, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

L’infrastructure et les collectivités

Le logement abordable

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, selon la société d’État spécialiste du logement, l’incompétent gouvernement néo-démocrate—libéral n’arrive pas à faire construire les maisons dont les Canadiens ont besoin. La semaine dernière, la Société canadienne d’hypothèques et de logement, ou SCHL, a indiqué que la mise en chantier d’habitations a diminué de 13 % en août par rapport à l’an dernier. Depuis le début de l’année, dans ma province, au Manitoba, les mises en chantier ont chuté de 14 % par rapport à l’an dernier, et il n’y avait déjà pas assez de logements construits l’an dernier. À Winnipeg, les mises en chantier ont chuté de 16 % au cours de la même période. Les mises de fonds, les hypothèques et les loyers ont tous doublé, et maintenant ceci.

Dites-moi, monsieur le leader, pourquoi les Canadiens devraient-ils croire un seul mot prononcé par le gouvernement néo-démocrate—libéral et penser qu’il a la moindre idée de ce qu’il fait lorsqu’il s’agit de construire des logements?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. L’actuel gouvernement sait très bien ce qu’il faut faire pour construire des logements au pays et il prend une série d’importantes mesures, de concert avec les provinces, les territoires et les municipalités, pour augmenter l’offre de logements.

Comme le savent tous ceux qui ont travaillé dans le secteur des appartements ou du logement — et je peux en parler, car j’en ai moi-même une certaine expérience —, certains projets mettent du temps à démarrer, et il y a des hauts et des bas saisonniers. Il est regrettable que les mises en chantier aient ralenti, mais les mesures mises en place par le gouvernement, que je serais heureux de détailler si on me donnait plus de temps, devraient porter leurs fruits. Les Canadiens peuvent être sûrs que le gouvernement fait ce qu’il faut pour résoudre ce problème important.

Le sénateur Plett : Permettez-moi de vous dire, sénateur Gold, que j’ai également de l’expérience dans ce domaine. J’ai travaillé toute ma vie dans le secteur de la construction. L’incompétence du régime Trudeau est à l’origine de cette crise. Vous dites que le gouvernement en est parfaitement conscient. Nous comprenons cela. Ce que nous ne comprenons pas, c’est pourquoi il n’arrive pas à trouver une solution.

Nous sommes en pleine crise du logement, et pourtant le nombre de mises en chantier a baissé pendant la saison de construction estivale. En pleine saison, le nombre a chuté. N’est-ce pas là de l’incompétence, monsieur le leader? N’est-ce pas là une autre raison qui justifie la nécessité d’un gouvernement conservateur plein de bon sens aujourd’hui?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Non, ce n’est pas un signe d’incompétence. Au contraire, le gouvernement continue à faire ce qu’il peut — avec les provinces, les territoires, les municipalités et le secteur privé —, grâce à une série de mesures conçues pour libérer le potentiel du secteur privé à cet égard, pour rendre le cadre réglementaire plus convivial et plus rapide, et, encore une fois, toute une série de mesures qui sont importantes et nécessaires.

L’environnement et le changement climatique

La taxe sur le carbone

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, nous avons tous un rôle à jouer pour atténuer notre contribution aux changements climatiques. Ce n’est pas sujet à débat, peu importe comment vous tentez de présenter les choses autrement. Là où nous ne sommes pas d’accord, c’est sur la façon de les atténuer, et il est évident que le plan du gouvernement néo-démocrate—libéral, qui consiste à rendre le coût de la vie plus cher pour les Canadiens ordinaires tout en laissant les plus grands pollueurs du monde s’en tirer à bon compte, ne fonctionne pas. Vous l’avez reconnu vous-même lorsque vous avez exclu les thermopompes de la taxe sur le carbone pour un groupe restreint de Canadiens en Nouvelle-Écosse dans l’espoir d’accroître vos appuis électoraux.

Maintenant, les premiers ministres provinciaux affirment les uns après les autres qu’ils se débarrasseront de la taxe sur le carbone une fois que votre gouvernement sera parti. Pourquoi le gouvernement ne veut-il pas faciliter les choses à tout le monde en s’engageant à abolir la taxe dès maintenant et à donner aux Canadiens le répit dont ils ont bien besoin? D’ailleurs, pourquoi votre gouvernement ne veut-il pas déclencher des élections afin que la population canadienne puisse s’exprimer, congédier le gouvernement Trudeau et ainsi permettre à Pierre Poilievre et aux conservateurs pleins de bon sens d’abolir la taxe?

Des voix : Bravo!

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement se concentre sur des approches intelligentes, fondées sur des preuves et bien établies pour lutter contre les changements climatiques. Il a un plan, dont la tarification de la pollution fait partie. Le fait que vos considérations politiques, et peut-être celles d’autres provinces, occultent le solide raisonnement politique qui sous-tend la tarification de la pollution et les autres mesures serait déjà assez grave pour le bien de notre planète. Ce qui est encore plus grave, c’est l’indifférence et l’absence de toute mesure sérieuse visant à résoudre ce qui constitue une crise existentielle pour notre planète.

Le monde évolue dans la même direction, c’est-à-dire vers la tarification de la pollution et la reconnaissance du fait que les principaux économistes admettent que c’est le meilleur outil. Il est regrettable que le Parti conservateur du Canada semble faire marche arrière et s’engager dans la mauvaise direction.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, la seule chose qui est regrettable, c’est qu’il n’y a rien d’intelligent ni de rationnel qui émane du gouvernement Trudeau depuis neuf ans, si ce n’est que le fardeau fiscal, les prix et la criminalité augmentent sans cesse, et il faut que cela cesse. Le gouvernement néo-démocrate—libéral a doublé la dette, doublé les coûts du logement, provoqué la pire inflation des 40 dernières années, envoyé 2 millions de personnes dans les banques alimentaires et déclenché la criminalité et le chaos dans les collectivités, et pourtant, vous nous donnez des leçons. Combien de temps encore les Canadiens vont-ils devoir souffrir? Les libéraux ont déclenché des élections trois fois, des élections anticipées dans leur intérêt alors qu’ils étaient au pouvoir. Quand vont-ils déclencher des élections dans l’intérêt des Canadiens?

Des voix : Bravo!

Le sénateur Gold : Félicitations, sénateur Housakos. Vous êtes en train de prouver que vous pouvez répéter avec brio les formules toutes faites de l’autre endroit. Il n’en demeure pas moins que le gouvernement est déterminé à... Tant que le gouvernement aura la confiance de la Chambre des communes, il continuera de faire ce pour quoi il a été élu, c’est-à-dire gouverner, et proposer des politiques et les mettre en œuvre dans l’intérêt des Canadiens.

La sécurité publique

Le Service correctionnel du Canada

L’honorable Kim Pate : Sénateur Gold, dans la décision rendue récemment dans l’affaire Warren, la juge Pomerance a ordonné que, compte tenu du piètre bilan du Service correctionnel du Canada en ce qui concerne l’offre de traitements et de services appropriés en santé mentale, M. Warren soit condamné à purger sa peine dans un hôpital psychiatrique provincial plutôt que dans une prison. Dans la décision, elle s’est penchée sur les documents du Bureau de l’enquêteur correctionnel et d’experts en matière d’unités d’intervention structurée, sur les services en santé mentale de Service correctionnel du Canada et sur les antécédents de M. Warren.

Sénateur Gold, quelles mesures concrètes le gouvernement prend-il pour garantir que le Service correctionnel du Canada respecte ses engagements pris en 2019, pendant les discussions au sujet du projet de loi C-83, en ce qui concerne la réservation par contrat de places en santé mentale dans les systèmes de santé provinciaux et territoriaux?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Madame la sénatrice, je vous remercie de la question et de vos efforts inlassables pour défendre cette importante cause. Je n’ai pas de précisions à vous donner en ce moment, mais je ne manquerai pas de soulever la question auprès du ministre le plus tôt possible.

La sénatrice Pate : Merci, sénateur Gold. Je vous en suis reconnaissante. On me dit aussi que M. Warren est actuellement en isolement dans une unité d’intervention structurée de Millhaven et qu’il attend que le Service correctionnel du Canada applique la décision de la Cour. Que pourrait faire au juste le gouvernement pour que les services correctionnels rendent des comptes dans ce dossier et dans tous les autres où il est question des droits de la personne et des droits fondamentaux garantis par la Charte?

(1430)

Le sénateur Gold : Je vous remercie. Comme on le sait, l’une des principales mesures de protection consiste en la surveillance externe. Dans l’ensemble du pays, un certain nombre de décideurs externes indépendants surveillent les conditions de détention et la durée des confinements dans les unités d’intervention structurée afin que le Service correctionnel du Canada respecte ses obligations juridiques.

À la suite de divers rapports indépendants, le Service correctionnel du Canada a entrepris un certain nombre d’initiatives visant à améliorer la collecte des données pour pouvoir montrer de manière efficace qu’il respecte son mandat.

L’admissibilité à la libération conditionnelle

L’honorable Mary Coyle : Sénateur Gold, les femmes et les personnes de diverses identités de genre qui sont Autochtones sont nettement surreprésentées dans les établissements correctionnels fédéraux du Canada. À preuve, la moitié des femmes incarcérées dans les établissements fédéraux sont Autochtones.

Le Service correctionnel du Canada affirme souvent qu’il ne contrôle pas qui entre dans les prisons fédérales, mais il exerce un contrôle non négligeable sur le classement des personnes, l’assignation des cotes de sécurité et la détermination de l’admissibilité à la libération conditionnelle, autant de domaines dans lesquels les décisions touchent les Autochtones de façon disproportionnée.

Compte tenu des partis pris systémiques qui transparaissent dans les outils d’évaluation des risques du Service correctionnel du Canada, dont il est établi qu’ils pénalisent de manière disproportionnée les femmes autochtones, quelles mesures précises le gouvernement prend-il pour réformer ces pratiques d’évaluation? Par ailleurs, que fait le Service correctionnel du Canada pour s’assurer que des programmes d’aide et de réinsertion adaptés à la culture sont en place afin que les femmes et les personnes de diverses identités de genre autochtones puissent avoir accès à la libération conditionnelle et se réinsérer rapidement et avec succès dans la société?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour votre question. La surreprésentation des Autochtones dans le système de justice est en effet un problème grave auquel nous devons continuer de nous attaquer.

On m’a informé que le Service correctionnel du Canada a pris des mesures importantes à cet égard, par exemple en créant un poste de sous-commissaire des services correctionnels pour Autochtones dont la titulaire se consacre à la question de la surreprésentation. Son travail comprend la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ainsi que des recommandations de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Le gouvernement finance également des services adaptés à la culture dans le cadre de l’Initiative sur les services correctionnels communautaires destinés aux Autochtones, qui appuie des projets de réinsertion pour les délinquants autochtones.

Le gouvernement est bien conscient qu’il reste beaucoup de travail à faire. Il continuera de collaborer avec tous les partenaires pour mener à bien ce travail important.

Les femmes autochtones dans les prisons

L’honorable Mary Coyle : Merci, sénateur Gold.

Nous avons appris récemment, notamment dans un article du Globe and Mail paru en 2023, qu’un taux alarmant de femmes autochtones sont fréquemment placées dans des unités d’intervention structurée, ce qui contribue à une grave détérioration de leur santé mentale.

Quelles mesures prend-on pour réduire le recours à l’isolement des femmes autochtones et garantir que ces femmes ne subissent pas d’autres préjudices lorsqu’elles sont détenues par les autorités fédérales?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Chers collègues, Service correctionnel Canada a l’obligation de tenir compte des facteurs systémiques et circonstanciels uniques aux délinquants autochtones, et ce, dans toutes ses décisions. Par exemple, avant d’autoriser le transfèrement d’un détenu autochtone dans une unité d’intervention structurée, le Service correctionnel du Canada doit prendre en considération les antécédents sociaux des Autochtones, notamment cerner des solutions de rechange adaptées à sa culture, consulter une équipe interdisciplinaire et prendre d’autres mesures de soutien adapté à sa culture, au besoin.

[Français]

Le patrimoine canadien

La représentante spéciale chargée de la lutte contre l’islamophobie

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Sénateur Gold, j’ai été particulièrement dérangé, pour ne pas dire troublé, lorsque les médias ont révélé l’intervention inacceptable de la représentante du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie, Amira Elghawaby, qui a réclamé aux cégeps et universités du Québec un traitement privilégié pour qu’ils embauchent davantage de professeurs musulmans. Ce matin, nous avons appris que la commissaire à l’information vient de lui ordonner de remettre 3 000 pages de courriels et de documents qu’elle refusait de transmettre au journal La Presse.

Comment un tel manque de transparence de sa part peut-il être justifié et accepté par votre gouvernement? Pouvez-vous nous expliquer la nature des privilèges ou de la protection assez discutables que le premier ministre Justin Trudeau a accordés à Mme Elghawaby?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour ces questions. Dans un premier temps, le premier ministre a été très clair quand il a affirmé que c’est la responsabilité de chaque université de décider qui elle veut embaucher et que chaque université a ses propres règles. Il a été assez clair là-dessus. Quant à Mme Elghawaby, ses propos étaient publics.

Pour ce qui est de la question de la demande d’information, soit le deuxième aspect de votre question, on m’a avisé que le ministère s’attend à répondre à la requête au mois d’octobre 2024.

Le sénateur Dagenais : Vous savez, votre premier ministre a plusieurs fois fait preuve de son manque de discernement lorsque vient le temps de faire des nominations. Je vous épargne la liste, parce qu’on n’aura pas le temps de la dresser ici, mais pouvez-vous reconnaître, à la lumière de ces dernières révélations, que la nomination de Mme Elghawaby nuit à l’image du Canada?

Le sénateur Gold : Merci pour la question. C’est l’opinion du gouvernement que la position de Mme Elghawaby est importante pour faire face aux problèmes éprouvés par les membres des communautés musulmanes ici au Canada. On m’a informé que le gouvernement a confiance en Mme Elghawaby à cet égard.

[Traduction]

La sécurité publique

L’ingérence étrangère

L’honorable Marty Klyne : Sénateur Gold, ma question concerne l’ingérence étrangère dans les élections au Canada. En juillet dernier, Democratic Engagement Exchange publiait un rapport sur l’ingérence étrangère et la désinformation dans les élections canadiennes intitulé Responding to Foreign Interference and Disinformation in Canada’s Elections. Une des solutions proposées consiste à créer une stratégie nationale pour définir les rôles des gouvernements fédéral et provinciaux, ainsi que ceux des municipalités, dans la lutte contre l’ingérence étrangère et la désinformation et pour favoriser la collaboration entre les divers intervenants, notamment les organismes de sécurité.

Le gouvernement pourrait-il envisager de s’appuyer sur ce qui a déjà été fait et de modifier les mesures en place, notamment le Protocole public en cas d’incident électoral majeur, de façon à rendre ce dernier permanent plutôt que de l’activer seulement en période électorale?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question et d’avoir souligné l’importance des mesures visant à lutter contre toutes les formes d’ingérence étrangère et assurément contre celles qui ciblent les élections et les institutions démocratiques du Canada.

Je peux assurer à mes collègues que les organismes de sécurité nationaux travaillent sans relâche à protéger le Canada et les Canadiens et à assurer l’intégrité des institutions du pays. Nous savons, grâce aux mesures législatives adoptées récemment, que le gouvernement fédéral et ces organismes peuvent maintenant collaborer mieux que jamais avec les provinces et les territoires afin de maintenir et d’accroître leur résilience.

En ce qui concerne directement votre question, sénateur, le gouvernement attend également les recommandations du rapport final de la Commission sur l’ingérence étrangère afin d’orienter les prochaines décisions qu’il prendra. Le gouvernement continuera de jouer son rôle pour s’assurer que les Canadiens peuvent faire confiance aux institutions démocratiques du pays.

Le sénateur Klyne : Plusieurs organismes de la société civile cherchent à favoriser l’esprit critique des Canadiens en les aidant à acquérir de solides compétences numériques et en les formant sur les droits et les devoirs des citoyens. J’ai une question complémentaire : le gouvernement s’est-il demandé ce que le Bureau du directeur général des élections pourrait faire pour lutter contre la désinformation et la mésinformation? S’est-il demandé si le Bureau devrait agir en ce sens?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Comme je l’ai dit, le gouvernement attend avec impatience les recommandations qui seront présentées dans le rapport final de l’Enquête publique sur l’ingérence étrangère. Le gouvernement tiendra toujours compte des recommandations et des moyens utiles d’améliorer la résilience du Canada et de lutter contre l’ingérence étrangère.

Les affaires mondiales

Le bois d’œuvre

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader, le 13 août, le département du Commerce des États-Unis a haussé ses droits d’importation injustifiés et punitifs sur le bois d’œuvre canadien en les faisant passer de 8 à 14,54 %. En réaction, le BC Lumber Trade Council a déclaré ce qui suit :

Cette hausse ne pouvait survenir à un pire moment. La hausse des droits de douane américains sur les produits de bois d’œuvre de la Colombie-Britannique va exacerber les conditions déjà extrêmement difficiles où se trouvent les producteurs de la province et va se répercuter sur les usines de fabrication, les emplois et la population.

Monsieur le leader, suivant ce que je viens de dire, pouvez-vous nous expliquer pourquoi le premier ministre Trudeau a qualifié la question du bois d’œuvre de « petit dossier » à une émission-débat américaine diffusée hier soir?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Toutefois, pour ceux d’entre nous qui avons regardé l’émission, je pense que, par inadvertance, vous prenez peut-être ces propos quelque peu hors contexte.

Il n’en demeure pas moins que le différend entre le Canada et les États-Unis au sujet du bois d’œuvre ne date pas d’hier et que le gouvernement actuel ainsi que ses prédécesseurs ont sans coup férir défendu les intérêts du Canada, de manière efficace et vigoureuse, et qu’ils ont obtenu d’excellents résultats. Rien n’a changé et rien ne changera avec ce gouvernement.

(1440)

Dans le contexte des difficultés mondiales auxquelles notre pays et les États-Unis sont confrontés, il ne faut pas minimiser l’importance de ces contestations commerciales et de ces problèmes permanents et inévitables entre deux grands partenaires commerciaux, mais il ne faut pas non plus les exagérer. Nous les traitons efficacement et nous continuerons à le faire.

La sénatrice Martin : Au cours des neuf dernières années, l’industrie canadienne du bois d’œuvre a entendu de nombreux discours creux de la part du gouvernement Trudeau sur l’importance de conclure un nouvel accord sur le bois d’œuvre avec les États-Unis.

Monsieur le leader, pourriez-vous nous expliquer pourquoi le bois d’œuvre n’a jamais été mentionné, pas une seule fois, dans une lettre de mandat adressée par le premier ministre à l’un de ses ministres du Commerce international?

Le sénateur Gold : Que ce soit dans une lettre de mandat ou non ne change rien au fait qu’il s’agit d’un enjeu permanent dont discutent le Canada et ses représentants dans le cadre de leurs négociations continues, fructueuses et multidimensionnelles avec leurs homologues des États-Unis. Il faut être deux pour négocier un accord.

Le Canada continuera de défendre les intérêts de ses producteurs de bois d’œuvre.

[Français]

La défense nationale

L’équipement militaire

L’honorable Claude Carignan : Monsieur le leader, dans un article publié récemment sur le site de Radio-Canada, on apprenait que la Défense nationale a dépensé plus de 34,8 millions de dollars pour l’achat de sacs de couchage. Les soldats des Forces armées canadiennes ont constaté qu’ils n’étaient pas adaptés aux conditions hivernales.

Dans un exercice, 350 soldats du 3e Bataillon ont été déployés dans le parc provincial de Ram Falls, en Alberta. Ils se sont entraînés dans des conditions où les températures ont varié de -5 degrés Celsius le jour à -20 degrés Celsius la nuit. Ils ont gelé. Le sac de couchage n’était pas adapté aux hivers canadiens.

Monsieur le leader, trouvez-vous normal que le gouvernement ne soit pas capable de fournir des sacs de couchage? Est-ce que le ministre a pensé aller tout simplement chez Canadian Tire?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question. Du moment que le gouvernement a été conscient des préoccupations concernant les sacs de couchage en question, l’armée canadienne a immédiatement demandé des rétroactions et surtout, elle a publié un bulletin d’information pour donner des instructions d’utilisation claires. Pendant l’exercice effectué dans le Nord que vous avez mentionné, l’armée canadienne a renforcé les mesures opérationnelles pour répondre aux préoccupations. Les sacs de couchage ont été fournis avec des accessoires additionnels, y compris des accessoires pour protéger contre le froid.

Le sénateur Carignan : Il faudrait alors inventer un manuel d’instructions pour utiliser un sac de couchage.

Monsieur le leader, au moment où l’on doit changer ou acheter des F-35, des sous-marins, des radars à longue portée, les Canadiens sont inquiets que votre gouvernement ne puisse pas acheter de sacs de couchage. Comment pouvez-vous les rassurer?

Le sénateur Gold : Le gouvernement a fait des investissements historiques dans nos forces armées, y compris pour l’équipement nécessaire. Il dépasse considérablement les investissements qui ont été faits par le passé et il va continuer d’appuyer les Forces armées canadiennes à cet égard.

[Traduction]

L’infrastructure et les collectivités

L’aide aux municipalités

L’honorable Paula Simons : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement.

Je suis très fière aujourd’hui de dire que mon bureau a publié notre rapport, intitulé À la première ligne de la gouvernance canadienne. Il s’agit du rapport final découlant de mon enquête sénatoriale sur les défis et opportunités des municipalités canadiennes.

Le rapport souligne à maintes reprises les difficultés qu’ont les villes et les villages à obtenir des ressources financières, en particulier les villes qui sont souvent à couteaux tirés avec leur gouvernement provincial.

Le modèle du Fonds pour accélérer la construction de logements du fédéral a déjà permis de conclure des accords avec plusieurs municipalités de l’Alberta, dont Edmonton, Calgary, Airdrie, Stony Plain et Sylvan Lake, pour les aider à accélérer la construction de logements.

Le gouvernement fédéral envisagerait-il d’utiliser le même modèle, soit celui du Fonds pour accélérer la construction de logements, pour aider les municipalités à répondre à d’autres besoins d’infrastructures urgents?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie d’avoir posé cette question et souligné l’un des défis de notre fédération, qui est, comme nous le savons, que les municipalités sont, en vertu de la Constitution, — pardonnez-moi l’expression — des créatures des provinces.

À cet égard, le gouvernement travaille toujours avec les provinces et les territoires et il tente de collaborer avec eux non seulement dans leur intérêt collectif, mais aussi pour répondre aux besoins particuliers des grandes et des petites municipalités.

Il est vrai qu’en ce qui concerne la crise du logement, le gouvernement a entamé des discussions et conclu des accords avec des municipalités parce qu’elles sont aux premières lignes, qu’il s’agisse de zonage ou d’autres questions qui ont une incidence directe sur la crise.

Selon moi, les autres mesures que le gouvernement pourrait envisager relèvent de la spéculation, et je n’ai aucune information à ce sujet.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup.

Il pourrait être utile qu’il y ait un ministère fédéral des Municipalités. Qu’est-ce qui pourrait être fait pour que le gouvernement s’intéresse aux crises que connaissent les villes, les villages et les comtés?

Le sénateur Gold : Je vais certainement transmettre cette proposition pour le moins surprenante. Le constitutionnaliste en moi hésite à ajouter quoi que ce soit, parce qu’il s’agirait d’une mesure énorme et — puisque c’est justement l’endroit pour parler franchement — d’une provocation envers bien des provinces.

Il y a peut-être d’autres moyens de collaborer avec les municipalités et de les aider. Le gouvernement cherche toujours des moyens d’améliorer ses façons de faire.

[Français]

L’emploi et le développement social

Le soutien aux aînés

L’honorable Éric Forest : Il n’y a pas que les municipalités qui sont victimes des batailles de sphères de compétence entre Québec et Ottawa. Nos aînés font les frais d’un nouveau litige entre les deux ordres de gouvernement depuis 2022. Le programme Bien vieillir chez soi a été ouvert aux organismes communautaires du Québec sans qu’une entente fédérale ait été signée avec le Québec. En raison de ce conflit déplorable, Le Chic Resto Pop ne peut pas toucher les 670 000 $ qui permettraient de nourrir 200 aînés dans Hochelaga-Maisonneuve.

C’est la même chose pour le Centre communautaire l’Entraide Plus, qui offre de menus travaux aux personnes âgées : 568 000 $ dorment toujours dans les coffres d’Ottawa. La santé et les services sociaux sont des responsabilités exclusives du Québec et des provinces. Pourquoi le gouvernement fait-il des promesses aux aînés du Québec, alors qu’en l’absence d’une entente avec le Québec, il n’a pas la capacité de livrer la marchandise?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question. Je crois que, dans le cas de l’initiative Bien vieillir chez soi, qui offre aux personnes âgées la possibilité de vieillir dans la dignité, quel que soit l’endroit où elles décident de vivre, le gouvernement canadien a fourni des fonds afin que ces organismes communautaires puissent aider les personnes âgées dans les domaines tels que la préparation des repas, l’entretien ménager et le transport. Malheureusement — et c’est triste, il faut le reconnaître —, j’ai été informé que le gouvernement du Québec a été clair : il ne veut pas que les fonds aillent aux organisations qui font le travail pour les personnes âgées. C’est le Québec qui a pris cette décision.

Le sénateur Forest : En ouvrant son programme aux organismes du Québec et en faisant miroiter des chèques sans avoir conclu d’entente avec le Québec, le gouvernement fédéral utilise les aînés du Québec à des fins de négociations politiques. Le représentant du gouvernement trouve-t-il acceptable que nos concitoyens les plus isolés et fragilisés soient ainsi pris en otage?

Le sénateur Gold : Merci pour la question. Cher collègue, les gouvernements fédéral et provinciaux ont déjà travaillé ensemble pour soutenir les personnes âgées. Nous voulons tous que les personnes âgées puissent vieillir comme elles l’entendent.

Le gouvernement fédéral est persuadé que le gouvernement du Québec reviendra sur sa décision de ne pas approuver le projet de loi M-30, ce qui permettra à ces fonds d’être versés aux organismes communautaires de la province.

(1450)

[Traduction]

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

La révocation de la citoyenneté

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, le 31 juillet, la GRC a annoncé l’arrestation d’un père et d’un fils qui prévoyaient commettre un attentat terroriste au nom du groupe armé État islamique dans la région de Toronto. Le père avait obtenu la citoyenneté canadienne en mai dernier.

Deux semaines après l’arrestation, le ministre responsable de la citoyenneté a déclaré aux journalistes :

Je pense que les Canadiens méritent des réponses. Je vais aller au fond des choses. Je vais aussi passer à l’étape suivante, qui est de commencer le travail préliminaire en s’appuyant sur la preuve en notre possession pour déterminer si la citoyenneté de la personne en question doit être révoquée.

Monsieur le leader, le ministre Miller a dit cela le 14 août et n’a rien dit depuis. Où en est le travail en cours pour révoquer la citoyenneté de cette personne?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénateur. Il serait déplacé que je commente des cas précis, surtout ceux qui font l’objet d’une enquête, que ce soit par le gouvernement, le ministre ou la GRC.

Lorsque le gouvernement a été mis au courant de cette affaire, le ministre, avec sa franchise et habituelle et appréciée, a indiqué très clairement ce qu’il avait l’intention de faire. Je suis convaincu, et les Canadiens devraient l’être aussi, que le ministre Miller et le gouvernement se penchent assidûment sur cette question.

Le sénateur Plett : Les Canadiens ont aussi parfaitement le droit de savoir ce qui se passe. Le ministre a parlé de ce cas précis. Le gouvernement néo-démocrate—libéral admet maintenant que cet individu est membre du groupe armé État islamique et qu’il a perpétré d’horribles attaques dans une vidéo de propagande de ce groupe en 2015. Il n’aurait jamais dû être autorisé à entrer au pays en premier lieu, monsieur le leader, et encore moins à obtenir la citoyenneté.

Est-ce qu’on va lui retirer sa citoyenneté, oui ou non, ou est-ce qu’il s’agit simplement de paroles creuses de la part du ministre?

Le sénateur Gold : Je le répète, sénateur, le ministre prend les mesures appropriées pour aller au fond des choses et lorsqu’une décision sera prise, elle sera communiquée. D’ici là, son attitude est appropriée et je n’ai aucun autre commentaire à émettre à ce sujet.

Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton

Les finances—Les droits de douane imposés sur les engrais

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 179, en date du 13 décembre 2022, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant les droits de douane imposés sur les engrais.

Les finances—La Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 198, en date du 2 février 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures.

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 237, en date du 19 septembre 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures.

Les finances—Les coûts de production des documents budgétaires depuis 2016

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 240, en date du 19 septembre 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant le ministère des Finances Canada.

Les finances—Le Fonds de croissance du Canada

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 255, en date du 19 septembre 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant le Fonds de croissance du Canada.

La défense nationale—Les ententes de confidentialité

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 261, en date du 19 septembre 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des ententes de confidentialité — Défense nationale.

Les finances—Les ententes de confidentialité

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 261, en date du 19 septembre 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des ententes de confidentialité — Ministère des Finances Canada.

L’innovation, les sciences et l’industrie—Les ententes de confidentialité

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 261, en date du 19 septembre 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des ententes de confidentialité — Innovation, Sciences et Développement économique Canada.

La justice—Les ententes de confidentialité

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 261, en date du 19 septembre 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des ententes de confidentialité — Ministère de la Justice Canada.

Le Bureau du Conseil privé—Les ententes de confidentialité

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 261, en date du 19 septembre 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des ententes de confidentialité — Bureau du Conseil privé.

Les services publics et l’approvisionnement—Les ententes de confidentialité

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 261, en date du 19 septembre 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des ententes de confidentialité — Services publics et Approvisionnement Canada.

Le Conseil du Trésor—Les ententes de confidentialité

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 261, en date du 19 septembre 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant des ententes de confidentialité — Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.

Le Bureau du Conseil privé—L’état d’urgence en vigueur en 2022

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 266, en date du 19 septembre 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant l’état d’urgence en vigueur en 2022.

Les finances—La Banque du Canada

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 271, en date du 2 novembre 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant la Banque du Canada.

Les finances—La Corporation de développement des investissements du Canada

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 277, en date du 2 novembre 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant la Corporation de développement des investissements du Canada.

Les finances—La Société d’assurance-dépôts du Canada

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 278, en date du 2 novembre 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant la Société d’assurance-dépôts du Canada.


ORDRE DU JOUR

Le Code criminel
La Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Boisvenu, appuyée par l’honorable sénatrice Seidman, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-266, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Je constate que cet article en est au 15e jour. Je propose donc l’ajournement du débat.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(1500)

La Loi sur les mesures économiques spéciales

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l’honorable sénatrice Petitclerc, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-278, Loi modifiant la Loi sur les mesures économiques spéciales (disposition des biens d’un État étranger).

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-278, Loi modifiant la Loi sur les mesures économiques spéciales (disposition des biens d’un État étranger).

Je tiens d’abord à remercier la sénatrice Omidvar d’avoir présenté cette mesure législative. Je la remercie aussi de tout ce qu’elle fait dans ce dossier très important. D’entrée de jeu, je tiens aussi à dire que j’appuie sans réserve ce projet de loi, bien que je sois porte-parole de l’opposition — un porte-parole tout à fait sympathique, cela dit.

Il s’agit selon moi de la suite naturelle de certaines mesures que prend le Sénat pour combattre les graves violations des droits de la personne et les intimidateurs comme Vladimir Poutine. Selon les habitudes de vote, toutefois, je dois dire qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour ce qui est du choix des violations des droits fondamentaux que certains sénateurs décident de dénoncer.

Quoi qu’il en soit, même si on ne sait trop la quantité de biens toujours au Canada que ce projet de loi permettrait de saisir, j’estime que les modifications apportées à la Loi sur les mesures économiques spéciales seraient tout de même utiles — ne serait-ce que modestement — aux Ukrainiens. Cette mesure législative pourrait aussi permettre au Canada de donner l’exemple aux autres démocraties occidentales quant à la façon de traiter avec les États voyous qui cherchent à bouleverser l’ordre mondial fondé sur des règles, ce que notre pays ne fait pas nécessairement depuis un certain temps.

Comme l’a dit la sénatrice Omidvar dans son discours, le projet de loi :

[...] vise à modifier la Loi sur les mesures économiques spéciales afin de mettre en place un mécanisme juridique permettant de saisir et de réaffecter les biens appartenant à un État étranger qui trouble la paix et la sécurité internationales et de rediriger ces biens vers les victimes dont la vie a été brisée.

Je ne vois pas comment on pourrait considérer cela autrement que comme une approche juste et raisonnable.

D’ailleurs, ces mesures ne s’appliqueraient pas seulement à cette situation en particulier. Non seulement ce projet de loi permettrait au gouvernement de saisir des actifs russes pour aider à la reconstruction de l’Ukraine, mais il nous fournirait aussi un mécanisme juridique pour répondre à d’autres violations des droits de la personne.

C’est extrêmement important, car nous continuons de voir la montée de l’autoritarisme et des violations flagrantes des droits de la personne dans le monde, alors que des tyrans et des despotes sont de plus en plus enhardis par ce qu’ils perçoivent comme une faiblesse et une hésitation à agir de la part des démocraties occidentales. Cette agressivité croissante est carrément une façon de nous narguer. Soyez assurés qu’ils agissent de façon coordonnée. Ils cherchent ainsi à détourner notre attention et à mettre notre courage et notre détermination à l’épreuve. C’est ce qu’on voit avec Erdogan, Xi et le Corps des Gardiens de la révolution islamique. Ils cherchent à alimenter les conflits sur le plus grand nombre de fronts possible, et même si ces gestes ne doivent pas rester impunis, nous avons la responsabilité morale et existentielle de maintenir l’ordre en mettant en œuvre des mesures comme celles qui sont proposées ici.

Quant à la manière dont ces mesures seront utilisées relativement à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, comme je l’ai mentionné plus tôt, l’importance de ce projet de loi ne se résume pas nécessairement à la valeur des actifs qui se trouvent au Canada. En 2021, avant l’invasion par la Russie, les comptes publics de la Russie déclaraient environ 16 milliards de dollars d’actifs au Canada. Or, depuis, la Russie en a transféré une bonne partie ailleurs, si bien qu’on ne connaît pas avec certitude la valeur des actifs russes qui se trouvent toujours au Canada. À plusieurs reprises, les médias nous ont appris que des activités russes ont toujours lieu en catimini au Canada et que des oligarques interviennent dans des industries névralgiques au Canada, notamment l’exploitation minière.

Étant donné que la Banque mondiale estime le coût de la guerre en Ukraine à 600 milliards de dollars américains, l’Ukraine aura besoin de chaque dollar qu’on puisse lui offrir. Trouver des moyens novateurs d’accroître la capacité en matière d’aide financière va changer la donne dans ce conflit ainsi que dans d’autres. De plus, même si nous ne sommes pas les premiers à le faire, nous devons emboîter le pas à nos alliés et prendre des mesures de cette nature, en particulier à l’heure actuelle, alors que nous sommes de plus en plus perçus comme étant déphasés par rapport à nos alliés.

Il y a des mesures législatives comparables à ce projet de loi aux États-Unis et au Royaume-Uni. Si l’on a des doutes à savoir si le Canada a le droit de saisir les actifs d’un gouvernement étranger, il faut savoir que le droit international nous oblige à prendre le genre de mesures qui est proposé dans ce projet de loi.

En fait, selon l’article 41 du texte Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite adopté par l’Assemblée générale des Nations unies, les États doivent coopérer pour mettre fin, par des moyens licites, à toute violation grave d’une norme impérative.

Je crois que nous convenons tous que les actions de la Russie contre l’Ukraine sont illégales et enfreignent les normes impératives.

Au risque de tomber dans la redondance, mais à l’intention de ceux qui ont raté le discours de la sénatrice Omidvar et qui pourraient encore avoir des inquiétudes sur ce point particulier, je voudrais une fois de plus citer son discours, car elle a très bien expliqué le principe :

Le principe qui sous-tend les contre-mesures permet à un État, en l’occurrence le Canada, de suspendre une obligation qu’il a en vertu du droit international dans le but de forcer l’État contrevenant à respecter de nouveau ses obligations internationales légales. Dans ce cas-ci, la Russie a violé le droit international en envahissant l’Ukraine et en n’offrant aucune indemnisation pour la dévastation qu’elle a causée. S’il s’agit d’une contre-mesure valable, alors en soi, la saisie des actifs de l’État ne constitue pas une infraction au droit international. Au contraire : il s’agit d’une réponse valable et respectueuse des lois à la violation, par la Russie, des normes fondamentales interdisant à un État de monter une attaque armée contre un autre État.

Chers collègues, nous pouvons avoir des divergences politiques dans cette enceinte — et en dehors, d’ailleurs —, mais je pense pouvoir parler en notre nom à tous en disant que l’ordre mondial semble beaucoup moins stable ces derniers temps, moins qu’il ne l’a été depuis de nombreuses années.

Nous savons que Pékin affiche une attitude belliqueuse à l’égard de Taïwan; que l’Iran a participé aux attaques du 7 octobre contre Israël et à la guerre qui s’en est suivie; qu’Erdoğan a participé au nettoyage ethnique des Arméniens du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan; et que Poutine a commis des atrocités à l’encontre du peuple ukrainien. Chacune de ces régions représente une poudrière qui nous oblige à agir de manière responsable.

Il faut agir. L’heure n’est pas à l’apaisement. La communauté internationale a essayé la méthode de l’apaisement lors le conflit entourant l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014. Cela n’a pas fonctionné à l’époque, et cela ne fonctionnera certainement pas aujourd’hui. Nous savons que l’apaisement n’a jamais fonctionné face aux tyrans et aux despotes.

Les principes qui sous-tendent ce projet de loi sont nobles. Il s’inspire de la justice dans sa forme la plus pure. En adoptant ce projet de loi et en mettant en œuvre les mesures qu’il contient, nous affirmons que nous utiliserons tous les outils à notre disposition pour lutter contre les menaces qui pèsent sur notre mode de vie.

Il est de notre devoir et de notre obligation de défendre la liberté et la démocratie, non seulement chez nous, mais aussi partout où elles sont menacées dans le monde.

Depuis trop longtemps, la Russie et d’autres États voyous se cachent derrière les mesures de protection du droit international, qui font partie de l’ordre fondé sur des règles et dont ils se servent contre nous. C’est ce qu’ils tentent de faire quand ils affirment que nous ne pouvons pas saisir leurs biens légalement. Ce n’est pas sérieux, chers collègues. En fait, ils se moquent complètement d’organisations comme les Nations unies ainsi que de nos fondements démocratiques occidentaux d’ailleurs.

Néanmoins, ils ont tort. En utilisant le droit national pour faire respecter le droit international, on ajoute une arme à l’arsenal dont dispose la démocratie occidentale pour maintenir la paix et la primauté du droit dans le monde. Nous ne pouvons pas attendre la fin de cette guerre illégale pour décider comment nous allons obliger la Russie à dédommager l’Ukraine. Bonne chance pour forcer Poutine à faire ce qui est juste. En nous joignant à nos alliés pour prendre des mesures de ce type dès maintenant, peu importe l’ampleur des actifs russes encore présents au Canada, nous contribuons à garantir la disponibilité de fonds qui seront indispensables, le moment venu, pour reconstruire l’Ukraine et réparer les dégâts causés par Poutine. Chaque sou comptera.

Chers collègues, le Canada a l’obligation de faire ce qui est juste. Nous ne le faisons pas toujours. Récemment, nous avons choisi les moments où nous avons fait preuve de grandeur morale. Nous disons souvent ce qu’il faut, mais nous ne passons pas à l’action. Par exemple, nous savons qu’une dictature voyou comme le régime de Pékin s’infiltre dans notre pays et s’ingère dans ses affaires, mais le gouvernement traîne les pieds. Si le gouvernement agit de la sorte, ce n’est pas parce que le premier ministre aime notre pays plus ou moins que les conservateurs ou que les autres Canadiens. Je pense que le gouvernement traîne les pieds parce que nous laissons toujours des considérations économiques s’immiscer dans les discussions. Essentiellement, nous sommes prêts à troquer nos valeurs et nos principes lorsqu’il s’agit d’États comme la Chine, la Russie, Cuba et la Türkiye, ou encore du Corps des Gardiens de la révolution islamique. Nous laissons les considérations économiques l’emporter sur la nécessité de faire ce qui est juste, de soutenir les fondements et les principes sur lesquels notre pays a été construit.

L’an passé, le gouvernement canadien a fermé les yeux et permis la vente de la technologie LR3 au régime d’Erdoğan, en Türkiye. Bien sûr, cette même technologie a ensuite été envoyée en Azerbaïdjan, où elle a été utilisée pour mener un nettoyage ethnique dans le Haut-Karabakh. Cette approche du gouvernement revenait essentiellement à dire qu’un accord de quelques centaines de millions de dollars allait déterminer s’il fallait dénoncer un nettoyage ethnique ou pas.

(1510)

Ensuite, nous fermons les yeux. Pendant qu’ailleurs dans le monde, ceux qui en ont le courage dénoncent la situation au Haut-Karabakh pour ce qu’elle est, nous hésitons. Quand il y a des motions qui reconnaissent que ce qu’endurent les musulmans ouïghours en Chine est un nettoyage ethnique et un génocide, la Chambre des communes adopte la position qui s’impose. Nous votons en faveur d’une motion, mais le gouvernement fait comme si de rien n’était, et rien ne change parce qu’on ne veut pas offenser le tyran.

Je rappelle à mes collègues la journée honteuse que nous avons connue dans cette enceinte. Nous n’avons même pas eu la décence d’appuyer une motion élémentaire de sens moral ni de qualifier de nettoyage ethnique ce qu’enduraient les Ouïghours. Je ne l’ai pas digéré et je ne m’en remets pas : le Sénat est la seule Chambre démocratique du monde occidental à avoir rejeté une telle motion. C’est une honte et une souillure dont je crois que cette institution ne se remettra jamais.

J’estime que le projet de loi de la sénatrice Omidvar est raisonnable et juste. Il est conforme aux valeurs et aux principes que les gouvernements canadiens doivent en tout temps aspirer à suivre, alors je l’appuie. Selon moi, le gouvernement aurait avantage à écouter ce conseil sensé qui relève du bon sens et il doit adopter et appliquer ce projet de loi. Il ne faut pas simplement adopter ce projet de loi d’initiative parlementaire pour faire bonne impression. Il faut également l’examiner attentivement. Le gouvernement doit retrousser ses manches et adopter ces mesures comparables à celles que les États-Unis et le Royaume-Uni ont adoptées et ainsi faire preuve de leadership moral en ce qui a trait aux droits de la personne. Merci beaucoup, chers collègues.

Des voix : Bravo!

L’honorable Denise Batters : Sénateur Housakos, je vous remercie de votre discours et de votre appui au projet de loi. Quand la sénatrice Omidvar a fait son discours à l’étape de la deuxième lecture à ce sujet l’automne dernier, j’ai exprimé mon appui à cette mesure puisque je fais partie des 1,4 million de Canadiens d’origine ukrainienne. Je veux que les actifs russes qui se trouvent toujours au Canada soient rapidement saisis en bonne et due forme afin qu’ils ne puissent pas servir à financer la guerre illégale et brutale que Poutine continue de mener en Ukraine.

Après son discours, j’avais posé une question à la sénatrice Omidvar parce qu’une loi d’exécution du budget venait d’être présentée et que le gouvernement y avait inclus certaines dispositions concernant cet enjeu. Je lui avais demandé d’expliquer quelles mesures supplémentaires son projet de loi prévoyait à ce sujet. Elle m’avait répondu que, à son avis, il apportait une importante précision au sujet des mesures.

Comme il s’agit d’une précision importante, pourquoi le gouvernement ne l’a-t-il pas reprise, comme l’a souligné la sénatrice Omidvar? Je ne connais pas la date exacte de la présentation du projet de loi; c’était il y a un an peut-être, voire plus, mais le gouvernement a eu tout le temps voulu. Est-ce que ces mesures pourraient être incluses dans une éventuelle loi d’exécution du budget ou un projet de loi omnibus, que le gouvernement affectionne particulièrement?

Le sénateur Housakos : Je vous remercie, sénatrice Batters. Je ne peux que deviner la raison pour laquelle le gouvernement traîne la patte dans les dossiers de ce genre. Selon moi, c’est une question d’argent. Comme je l’ai dit tout à l’heure, le gouvernement fait toujours passer les considérations économiques avant le respect des droits de la personne. Nous faisons de beaux discours, mais quand il est temps de faire les sacrifices nécessaires, nous ne sommes pas prêts à agir.

Plusieurs lois et règlements empêchent les dictateurs et les autocrates de venir cacher et blanchir de l’argent au Canada. Les médias ont révélé de nombreux cas de proches des membres du Corps des Gardiens de la révolution islamique qui sont venus s’établir au Canada. Les médias ont aussi découvert qu’ un certain nombre d’oligarques ont toujours des intérêts commerciaux au pays.

Depuis qu’Erdoğan est au pouvoir, la Türkiye compte plus de journalistes emprisonnés que tout autre pays du monde, y compris Cuba. Pourtant, le Canada continue d’encourager les opérations financières et commerciales avec ces pays. Affaires mondiales Canada organise plus de cocktails dînatoires avec le dictateur cubain ou les représentants de Pékin qu’avec certains alliés démocratiques du Canada. Il y a de quoi se demander ce qu’est devenu notre pays, qui s’est toujours fait le défenseur des plus nobles principes.

Il doit y avoir une volonté politique de mettre en application certaines des lois déjà en place. Ils doivent donner des directives à l’Agence du revenu du Canada, aux douanes et autres organisations pour mettre en œuvre certaines des mesures qui existent déjà. Le régime de Pékin utilise les Ouïghours du Xinjiang pour effectuer ce qui est essentiellement des travaux forcés. Nous avons des lois en place qui permettent de confisquer les marchandises importées au Canada qui sont issues de travaux forcés et de prendre des mesures. Il n’y a pas de volonté politique pour faire appliquer ces lois. Il faut une volonté politique et le leadership vient toujours d’en haut.

(Sur la motion de la sénatrice Patterson, le débat est ajourné.)

[Français]

Projet de loi sur le Mois national de l’immigration

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Amina Gerba propose que le projet de loi S-286, Loi instituant le Mois national de l’immigration, soit lu pour la deuxième fois.

— Chers collègues, je prends parole à partir du territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe. Cette reconnaissance territoriale est très importante dans le cadre de ce projet de loi. En effet, il est capital de rappeler, encore et toujours, la présence des peuples autochtones sur le territoire actuel du Canada, et ce, depuis des temps immémoriaux.

En juin dernier, j’ai eu l’honneur de déposer mon premier projet de loi, le projet de loi S-286, Loi instituant le Mois national de l’immigration. C’est donc avec une émotion certaine que je m’exprime devant vous aujourd’hui au sujet de cette initiative. Elle se réfère à mon propre parcours de vie, à celui de plusieurs d’entre vous ici dans cette illustre enceinte et à celui de millions d’autres, des millions de compatriotes venus de partout, de toutes les régions du monde, pour enrichir notre pays de leur expérience et de leur contribution à notre histoire.

Permettez-moi de commencer par une anecdote, une petite scène de vie dont j’ai été témoin lors d’une soirée de gala à Montréal. En fait, elle est même à l’origine du projet de loi dont je vais vous parler aujourd’hui.

Mon mari et moi avions engagé une discussion avec une invitée durant le cocktail de réseautage qui précédait un gala de collecte de fonds. Apparemment surprise d’entendre mon mari parler un excellent français, la dame à qui l’on s’adressait lui a demandé d’où nous venions. Malicieux, mon mari a feint de ne pas comprendre le sens de sa question et lui a répondu, avec un brin d’humour, qu’il venait de Laval.

Devant le regard perplexe de la dame, qui ne semblait pas comprendre et qui n’était pas satisfaite de sa réponse, il a finalement révélé qu’il était d’origine camerounaise et il a posé la même question en retour. Très confuse, la dame lui a demandé ce qu’il voulait dire.

(1520)

Mon mari lui a gentiment rappelé qu’à sa connaissance, à l’exception des peuples autochtones, tous les autres Canadiens sont venus d’ailleurs. Il lui a suggéré de s’informer auprès de ses parents et grands-parents pour connaître la provenance de leurs ancêtres, de ses ancêtres. Cette scène de vie et cette interrogation sont très fréquentes et fort révélatrices. Elles m’ont incitée à formuler le rappel de notre histoire commune comme « venus d’ailleurs » et à le faire au moyen d’un projet de loi.

Tenant en trois articles, le texte de ce projet de loi est fort simple. Son objectif l’est tout autant. Il s’agit de célébrer annuellement, par un mois qui lui est consacré, le rôle essentiel de l’immigration dans la construction de notre pays.

Le Canada a été façonné par ses immigrants et immigrantes. Ils et elles ont bâti le pays que nous chérissons aujourd’hui. Elles et ils ont bâti notre pays, qui suscite l’admiration dans le monde. Quel que soit le domaine retenu, force est de constater le rôle déterminant des immigrants dans les réalisations qui font notre fierté.

Je donnerai ici cinq exemples de ces immigrants et fiers Canadiens qui ont contribué à écrire l’histoire récente de notre pays et dont nous sommes très fiers.

Jean Augustine, originaire de la Grenade, a été la première femme noire élue au Parlement canadien. Elle a été la première femme noire canadienne à occuper le poste de ministre fédérale de la Couronne. Elle a joué un rôle crucial dans la reconnaissance officielle du Mois de l’histoire des Noirs au Canada.

Dany Laferrière, écrivain et académicien né en Haïti, a enrichi la littérature québécoise et canadienne avec ses œuvres. Il est membre de l’Académie française, ce qui contribue au rayonnement culturel du Canada.

Abdoulaye Baniré Diallo, né au Sénégal, est un professeur de bio-informatique et d’intelligence artificielle de renom à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il a été lauréat du Next Einstein Forum en 2018. M. Diallo est aussi impliqué dans le développement de la politique nationale de recherche et d’innovation.

De son côté, Gerhard Herzberg a été, selon le Conseil national de recherches du Canada, « l’un des plus grands esprits scientifiques du Canada ». Né en Allemagne, il a fui avec sa femme les persécutions de l’Allemagne nazie et est arrivé au Canada en 1935. En 1971, il a reçu le prix Nobel de chimie pour sa contribution à la connaissance de la structure électronique et de la géométrie des molécules.

D’origine grecque, Mike Lazaridis a quitté la Türkiye pour le Canada. Il a marqué le secteur des communications grâce à sa célèbre invention, le BlackBerry, ce téléphone portable qui a connu une renommée mondiale dans les années 2000.

Chers collègues, ces contributions doivent être pleinement reconnues et célébrées, et justice doit être rendue à ceux et celles qui les ont réalisées. C’est là une manière directe et efficace de favoriser l’intégration et la rétention des nouvelles générations d’immigrants.

Avant d’aborder en détail les motifs qui m’ont amenée à proposer que le Canada se dote d’un Mois national de l’immigration, j’aimerais tout d’abord faire une mise au point.

En effet, il ne vous aura pas échappé que notre politique migratoire fait l’objet de nombreux débats qui résonnent quasi quotidiennement dans l’actualité. Certains de ces débats sont utiles, voire nécessaires. D’autres se rapprochent dangereusement de théories de rejet et d’exclusion qui n’ont pas leur place dans notre pays. En tant que fière Québécoise et Canadienne issue de l’immigration, je ne vous cacherai pas que je me sens interpellée et que je suis très inquiète des discours extrémistes xénophobes actuels qui tendent vers un rejet total de toute forme d’immigration. Les partisans de cette ligne dure insinuent dangereusement que les immigrants sont en grande partie responsables des problèmes économiques et sociaux de notre pays.

Je tiens à rappeler que notre pays a été bâti par des vagues successives d’immigrants. Aujourd’hui encore, l’immigration est essentielle pour répondre aux défis démographiques et économiques auxquels nous faisons face. Le vieillissement de la population canadienne et les besoins croissants en main-d’œuvre qualifiée rendent l’immigration plus nécessaire que jamais.

Cependant, l’intégration de ces nouveaux arrivants doit être une priorité absolue. Cela exige des efforts tant de la part des nouveaux arrivants que de la société d’accueil. Il faut aider ces nouveaux arrivants à s’adapter à leur nouvel environnement et leur apprendre la langue et les coutumes locales, tout en leur permettant de conserver leur identité. Ce processus prend du temps, mais il est réalisable et bénéfique pour tous.

Il est aussi impératif, chers collègues, de mettre tout le monde en garde contre les politiques xénophobes qui cherchent à diviser. Le Canada doit rester un exemple de tolérance et d’inclusion.

En accueillant les immigrants et en facilitant leur intégration, nous renforçons notre société et assurons un avenir prospère pour tous. Toutefois, nous devons aussi investir pour mieux accueillir, retenir et assurer la prospérité économique de nos nouveaux arrivants. De même, nous devons investir dans la sécurisation de nos frontières et punir sévèrement ceux qui sont impliqués dans le trafic d’immigrants.

Chers collègues, l’immigration n’est pas notre problème, comme certains le répètent tristement. Au contraire, elle est notre histoire ancienne et récente, notre levier pour l’avenir.

Mon projet de loi ne vise pas à appeler à accueillir plus ou moins d’immigrants au Canada ou à prendre parti pour tel ou tel élément de la politique migratoire. Il se situe à un tout autre niveau et se place dans la ligne du temps.

(1530)

Ce projet se réfère aux générations successives d’immigrants dans notre pays, ceux qui ont contribué à son essor dans les domaines évoqués précédemment. Ces générations ont développé le Canada comme société multiculturelle à l’image du monde.

L’objectif principal de ce projet de loi est donc de rappeler à tous les Canadiens que nous sommes presque tous venus d’ailleurs, à différentes époques.

Sans être une historienne, je vais me permettre ici de vous présenter les différentes vagues migratoires dans notre pays. Tout d’abord, il est indispensable de reconnaître que le Canada n’était pas vierge et inhabité lorsque les Européens y sont venus pour la première fois, voilà plus de cinq siècles. On a utilisé, à tort, le mot « découverte » pour qualifier cette arrivée.

En effet, en parlant de découverte, il y a une nuance à apporter. Selon une étude parue en 2021 dans la revue scientifique Nature, il a été prouvé que les Vikings étaient présents à Terre-Neuve dès 1021. Il s’est avéré aussi que les peuples autochtones, qu’on estimait alors entre 350 000 et 500 000 personnes — quoique certaines estimations parlent même de 2 millions —, ont eu des contacts avec les Vikings à cette époque.

Selon l’Encyclopédie canadienne, un courant majoritaire estime que les premières vagues d’immigration en provenance du nord-est de l’Asie sont arrivées ici entre 30 000 et 13 500 ans avant notre ère.

Dès 1604, les explorateurs français Pierre Dugua de Mons et Samuel de Champlain fondent les premiers établissements européens. En 1608, Champlain fonde la ville de Québec. Par la suite, les colons français peuplent progressivement ce qui est alors appelé la « Nouvelle-France ».

Selon l’Encyclopédie canadienne, de 1535 à 1763, on estime à environ 10 000, y compris 2 000 femmes, le nombre de Français qui se sont établis en Nouvelle-France.

En 1763, lorsque la Grande-Bretagne prend le contrôle de la région, la population a atteint 70 000 personnes. Elle sera complétée par l’arrivée d’un grand nombre d’Américains loyaux à la Couronne britannique.

Au XIXe siècle, une immigration nombreuse, particulièrement européenne, arrive au Canada. Elle est composée majoritairement d’Irlandais, dont l’arrivée est considérée comme étant la première grande vague d’immigration, après celles des Français et des Américains.

À la création de la Confédération en 1867, la population du Canada compte un total de 3,6 millions de personnes, dont 1 million sont les descendants des immigrants français et 2,1 millions sont les descendants des immigrants américains, soit les loyalistes, britanniques et irlandais.

Le besoin d’occuper les terres, notamment celles de l’Ouest, et la relative faiblesse numérique de sa population conduisent le Canada à considérer l’immigration comme un moteur essentiel de développement du pays.

Cependant, il s’agira d’une immigration très sélective dont les Asiatiques et les Noirs seront exclus. Il faudra attendre après la Seconde Guerre mondiale pour que les lois discriminatoires et restrictives soient progressivement remplacées par des lois d’application générale.

Cette grande migration crée de fortes tensions avec les peuples autochtones, dont les Métis et les Premières Nations, qui feront l’objet de déplacements forcés de leurs terres. Cette crise culmine en 1885 avec la rébellion du Nord-Ouest.

À cette période, selon le guide Découvrir le Canada, on estime qu’un million de Britanniques et un million d’Américains immigrent au Canada.

Par la suite, une immigration de plus en plus diversifiée fait son apparition pour faire face aux défis d’aménagement du pays. Présents dans divers secteurs stratégiques comme les industries, les mines ou la construction, ces immigrants sont les architectes de ce nouveau pays qu’est le Canada.

Tout au long du XXe siècle, l’immigration au Canada poursuit sur sa lancée, notamment à l’Ouest. Ces immigrants contribueront à faire des Prairies la puissante région agricole qu’elle est toujours aujourd’hui.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le pays devient attrayant pour les Européens du Sud, qui traversent des moments de grandes difficultés. Ils vont notamment construire le cœur de nos principales villes.

Le Canada devient progressivement une terre d’accueil. Il met fin à ses lois et règlements discriminatoires et reçoit successivement des demandeurs d’asile fuyant les États parias et les déplacés de guerre. Un grand nombre provient de l’Europe de l’Est et de l’Asie du Sud-Est. Ce soudain afflux pousse le Canada à innover en matière de politique de l’immigration.

C’est ainsi que sera mis en place le premier Programme de parrainage privé de réfugiés, grâce auquel plus de 50 % des réfugiés vietnamiens, cambodgiens et laotiens sont accueillis au Canada.

Ce faisant, dès le début des années 1960, selon le guide Découvrir le Canada, on estime que le tiers des Canadiens ont une origine autre que britannique ou française.

Les vagues migratoires successives des XIXe et XXe siècles ont progressivement contribué à la montée d’une société multiculturelle dans notre pays, qui compte la proportion la plus élevée d’immigrants parmi les pays du G7.

En effet, selon Statistique Canada, en 2021, plus de 8,3 millions de personnes, soit près du quart de la population, étaient ou avaient déjà été des immigrants reçus ou des résidents permanents au Canada. On parle ici de 23 % de la population du pays.

L’organisme souligne qu’il s’agit, et je cite : « […] de la plus forte proportion depuis la création de la Confédération, dépassant le sommet précédent atteint en 1921 (22,3 %) […] ».

Plus encore, étant donné que la population canadienne vieillit peu à peu et que son taux de natalité reste inférieur au taux de renouvellement de la population, l’immigration constitue dorénavant le principal moteur démographique du pays.

En 2041, selon les projections de Statistique Canada, les immigrants pourraient ainsi représenter de 29,1 % à 34,0 % de la population du Canada.

Chers collègues, à travers cette brève rétrospective de l’histoire de la population canadienne, j’ai voulu vous démontrer une seule chose : à diverses époques, nous sommes tous et toutes venus d’ailleurs, à l’exception des peuples autochtones. Il y a mille ans, cinq siècles, quatre générations, trois décennies, un mois ou une semaine, nous sommes tous venus d’ailleurs.

Toutefois, nous ne devons jamais oublier que ce processus de peuplement du pays et d’occupation du territoire a, bien souvent, conduit à une dépossession des cultures, des langues, des traditions et des terres des peuples autochtones.

Ainsi, notre pays est le fruit des espoirs et des rêves de millions d’immigrants venus des quatre coins du monde pour construire une vie meilleure. Malheureusement, pour les peuples autochtones, il s’est agi d’une entreprise d’effacement tragique de leurs droits et de leurs biens matériels et immatériels.

(1540)

Ces deux réalités sont les deux faces d’une même pièce. Elles constituent notre histoire. Elles nous créent une exigence de justice, de réparation, de compensations, et aussi un devoir de mémoire qu’il nous faut partager avec les générations futures.

Une autre raison a motivé la présentation de ce projet de loi. Il s’agit de la multiplication des motions et des lois concernant la célébration du patrimoine de telle ou telle communauté vivant au Canada. Indéniablement, le but poursuivi par ces diverses initiatives est légitime et procède d’ailleurs du même constat que le mien : la nécessité de mettre en valeur les contributions inestimables des immigrants à notre pays.

Je vois le Mois national de l’immigration comme une prise de conscience utile, en ce temps où certains n’hésitent pas à tenir les immigrants responsables de certaines situations sociales complexes et difficiles. Il pourrait agir comme une vitrine, une occasion pour tous nos groupes d’origine immigrante de faire valoir leurs contributions et de faire rayonner leurs communautés.

En rassemblant les nouvelles célébrations, ce mois national, loin de les diluer, agirait comme une tribune. De même, il offrirait un espace commun pour souligner la richesse des apports de tous les immigrants, quelles que soient la taille et l’importance de leur communauté.

Chers collègues, j’ai pu mesurer à quel point l’instauration du Mois national de l’immigration recevait l’appui de très nombreux groupes auxquels j’ai eu la chance de présenter le projet de loi. En effet, le 15 mai dernier, mon équipe et moi avons organisé une table de concertation afin de recueillir l’avis des organisations représentant les intérêts des immigrants.

Nous avons ainsi contacté et réuni une trentaine d’organisations et les avons invitées à donner leur avis sur l’initiative que je porte. Au cours de cette séance très fructueuse, nous avons reçu les commentaires de parties prenantes qui viennent de l’ensemble du pays et représentent les plus importantes communautés immigrantes. Le message que nous avons reçu est sans appel : toutes ces parties prenantes ont confirmé leur soutien à un projet de loi instituant le Mois national de l’immigration.

Bien sûr, cette consultation n’avait pas l’ambition d’être exhaustive, mais elle avait le mérite de réaliser un sérieux coup de sonde sur la réception que réserveraient les organisations concernées au projet de loi que nous étudions.

Nous avons aussi poursuivi nos consultations au cours de l’été, cette fois par téléphone. J’ai aussi interrogé mes interlocuteurs sur le mois qui devrait être choisi pour concrétiser cette initiative. Un certain consensus s’est dégagé sur le mois de novembre. En effet, le choix de ce mois s’avère pertinent à plusieurs égards.

Tout d’abord, on tient déjà au mois de novembre la Semaine nationale de l’immigration francophone, qui, selon le site Web des organisateurs :

[...] rassemble des milliers de francophones des quatre coins du pays, pour célébrer la richesse de la diversité culturelle et l’apport des immigrants et immigrantes dans les collectivités francophones et acadiennes.

Ensuite, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui établit les notions et principes fondamentaux en matière d’immigration et de protection des réfugiés, a reçu la sanction royale le 1er novembre 2001. Je tiens à rappeler le caractère central de cette loi qui encadre la politique migratoire moderne du Canada.

En faisant un survol historique des étapes charnières de cette loi, j’aimerais vous montrer en quoi elle est si importante. La politique migratoire que nous connaissons aujourd’hui, qui est fondée sur des principes objectifs et universels, n’a pas toujours figuré dans les normes canadiennes.

Durant une longue période de notre histoire, la politique migratoire canadienne s’est concentrée sur une immigration blanche, de préférence en provenance de l’Empire britannique, de l’Europe centrale et des États-Unis. Toutefois, en réponse à la demande criante de main-d’œuvre, le gouvernement a établi une liste de « colons idéaux par ordre décroissant de préférence ». Je cite textuellement l’Encyclopédie canadienne :

Les agriculteurs britanniques et américains sont suivis des Français, des Belges, des Hollandais, des Scandinaves, des Suisses, des Finlandais, des Russes, des Austro-Hongrois, des Allemands, des Ukrainiens et des Polonais. Tout près du bas de la liste viennent ensuite ceux qui, dans l’esprit du public et du gouvernement, sont moins assimilables et moins désirables, c’est-à-dire les Italiens, les Slaves du Sud, les Grecs et les Syriens. En dernier se trouvent les Juifs, les Asiatiques, les Roms et les Noirs.

Comme vous pouvez le constater, chers collègues, c’est peu dire que les critères d’immigration de l’époque étaient discriminatoires. De plus, les candidats à l’immigration non blancs se sont même vu refuser l’entrée au pays pour des motifs racistes.

Par exemple, en 1911, le Canada a interdit presque totalement l’immigration des Noirs. Ils n’étaient d’ailleurs pas les seuls concernés, car déjà en 1885, les immigrants chinois avaient été sommés de payer une taxe spéciale. Pire encore, on leur a quasiment refusé l’entrée sur le territoire canadien en 1923. L’immigration en provenance du Japon et de l’Inde a été, elle aussi, fortement restreinte à cette époque.

En 1919, par l’intermédiaire d’une loi sur l’immigration révisée, le gouvernement a interdit l’accès au territoire canadien à certains groupes comme les communistes, les mennonites et les doukhobors. De surcroît, on a réservé le même sort aux gens originaires de pays ayant combattu le Canada pendant la Première Guerre mondiale.

Les motifs religieux ont été également utilisés dans le but d’exclure des groupes d’individus spécifiques. Ainsi, en 1939, les réfugiés juifs fuyant l’Allemagne nazie à bord du paquebot MS Saint Louis se sont vu refuser l’entrée au Canada.

L’interdiction formelle de l’immigration chinoise a été levée en 1947. D’ailleurs, le 22 juin 2006, le premier ministre Stephen Harper a présenté officiellement ses excuses pour la taxe d’entrée imposée de 1885 à 1923 et la politique d’exclusion en vigueur de 1923 à 1947.

La politique migratoire canadienne s’est modernisée en 1967, avec l’adoption d’un système de pointage permettant de classer les immigrants en fonction de leur admissibilité. La couleur de peau ou la nationalité n’ont plus été utilisées comme critères de sélection des immigrants. On privilégiait désormais les aptitudes linguistiques, comme la maîtrise de la langue anglaise ou de la langue française, le niveau de scolarité, les compétences professionnelles et les liens familiaux, ce qui a pavé la voie au système d’immigration que nous connaissons aujourd’hui.

(1550)

Toutefois, bien que le Canada soit signataire de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés des Nations unies et de son protocole de 1967, il n’y aura pas de programme encadrant les demandes de statut de réfugiés au Canada. Chaque demande est toujours étudiée au cas par cas.

La Loi sur l’immigration de 1976 représente une modification radicale en la matière. Elle énonce pour la première fois des objectifs clairement définis pour la politique migratoire canadienne et des priorités, comme le regroupement familial, la diversité et la non-discrimination. Elle protège désormais les réfugiés comme un groupe distinct d’immigrants dans le droit canadien et contraint le gouvernement à respecter ses obligations en vertu des accords internationaux.

En 1979, le fameux programme de parrainage privé est lancé. Unique en son genre, il a permis, en une quarantaine d’années d’existence, d’accueillir plus de 327 000 réfugiés au Canada. Bien que perfectible, il demeure aujourd’hui l’une des grandes réussites de la politique migratoire canadienne.

En 1980, on crée cinq catégories pour immigrer au Canada : les indépendants, c’est-à-dire les personnes présentant leur propre demande; les immigrants humanitaires, c’est-à-dire les réfugiés et les personnes persécutées ou déplacées; les immigrants familiaux, c’est-à-dire ceux qui ont de la famille immédiate vivant déjà au Canada; les parents aidés, c’est-à-dire les parents éloignés parrainés par un membre de la famille au Canada; enfin, les immigrants économiques, c’est-à-dire les personnes ayant des compétences professionnelles très recherchées ou celles qui sont prêtes à ouvrir une entreprise ou à investir de manière importante dans l’économie canadienne.

Finalement, le 1er novembre 2001, la Loi sur l’immigration de 1976 est remplacée par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. La nouvelle loi maintient une part substantielle des principes et des politiques de la précédente, notamment les différentes catégories d’immigrants. En outre, elle étend la catégorie « famille » pour inclure les couples homosexuels et les unions de fait. Cette loi est la pierre angulaire de la politique migratoire canadienne actuelle.

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui a été adoptée le 1er novembre 2001, représente un argument supplémentaire en faveur d’un Mois national de l’immigration qui pourrait avoir lieu chaque année au mois de novembre. J’ajouterais aussi que ce mois est propice à l’organisation d’activités parlementaires, car il correspond le plus souvent à des périodes où la Chambre des communes et le Sénat siègent. De plus, en dehors du jour du Souvenir, le calendrier événementiel du Parlement est relativement peu chargé, ce qui permet de tenir d’autres célébrations nationales.

Ce Mois national de l’immigration serait sans aucun doute l’occasion de mettre de l’avant les contributions de nos communautés immigrantes. Le milieu fédéral a un rôle important à jouer dans ces célébrations : on peut d’abord penser à Patrimoine canadien, puis à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et enfin, bien entendu, à notre Parlement. Nous devons aussi donner une place et une visibilité à nos communautés immigrantes. Leur implication dans les communautés mérite d’être davantage connue et reconnue.

Chers collègues, je souhaiterais vous dire un mot sur mon propre parcours d’immigrante, si le temps me le permet. Je suis née à Bafia, dans un petit village sans eau ni électricité, au Cameroun. J’étais la 18e d’une fratrie de 19 enfants, dont 6 filles. Je suis la seule de ces filles qui a eu la chance de fréquenter l’école. Je suis également la seule qui a immigré au Canada, en 1986, grâce à mon mari, un boursier de la défunte Agence canadienne de développement international (ACDI).

Mon mari devait retourner au Cameroun après avoir obtenu son doctorat en communication pour enseigner à l’École supérieure internationale de journalisme de Yaoundé, mais après sa soutenance de thèse, nous avons choisi de rester au Canada afin de donner de meilleures conditions de vie à nos quatre enfants, dont trois sont nés ici. Aujourd’hui, à travers les différentes initiatives entrepreneuriales de ma famille, je peux fièrement affirmer que nous contribuons tous à la prospérité de notre pays.

Par mon récit, vous avez pu constater que le Canada est fondamentalement une terre d’immigration. Cette immigration a façonné le pays que nous connaissons aujourd’hui. Cette réalité a d’ailleurs été saluée de manière non partisane au cours des dernières décennies par de nombreux premiers ministres aux couleurs politiques différentes. Ainsi, le très honorable Stephen Harper affirmait, dans un article du Globe and Mail publié en 2012, et je cite :

[Traduction]

Le gouvernement est persuadé que le Canada a besoin de l’immigration, que l’immigration est avantageuse pour le pays et que ces besoins et ces avantages n’en deviendront que plus grands dans le futur si nous faisons bien les choses.

Honorables collègues, la reconnaissance d’un mois consacré à l’immigration enverrait un puissant message à tous les Canadiens et à la communauté internationale.

Ce projet de loi nous permettra de rendre hommage aux bâtisseurs de notre pays, de célébrer notre héritage commun et de continuer à démontrer notre engagement à l’égard de ces valeurs que sont l’inclusion, la diversité et le respect mutuel. Les immigrants sont le passé, le présent et l’avenir du Canada.

[Français]

C’est pourquoi je vous exhorte, honorables sénateurs, à voter sans délai en faveur du projet de loi C-286, qui vise à instituer le mois de novembre comme Mois national de l’immigration au Canada.

Pour ce faire, je crois sincèrement que vos contributions à ce débat seraient très précieuses, notamment en répondant aux questions suivantes : quelle est votre histoire personnelle d’immigration, c’est-à-dire vos origines? De quelle manière votre communauté a-t-elle participé à l’édification du Canada que nous connaissons aujourd’hui? Que faire pour améliorer notre vivre-ensemble et changer certains regards sur l’immigration?

Je vous remercie de votre attention.

Des voix : Bravo!

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin d’appuyer le projet de loi S-286, Loi instituant le Mois national de l’immigration. Étant moi-même issue de l’immigration, vous comprendrez que ce sujet me touche profondément. Je remercie la sénatrice Gerba d’avoir présenté ce projet de loi qui nous aide à nous souvenir de notre histoire et de nos origines et à envisager l’avenir avec espoir.

Au Canada, les vagues migratoires ont commencé en 1021 à l’endroit que nous appelons maintenant Terre-Neuve-et-Labrador, comme l’a si bien décrit la sénatrice Gerba dans son historique de l’immigration. Plus près de nous, la vague migratoire des Haïtiens s’est déroulée au cours des années 1960 et 1970. Fuyant les crises politiques et économiques en Haïti sous la dictature de Duvalier, ces hommes et ces femmes sont venus chercher un avenir meilleur. Ils ont apporté avec eux une richesse culturelle et des compétences uniques dont le Canada francophone avait besoin à ce moment-là.

Bon nombre de leurs réalisations sont documentées dans un ouvrage publié en 2007 qui s’intitule Ces Québécois venus d’Haïti. Parmi les réalisations notables présentées dans ce livre, nous retrouvons notamment, dans le secteur de la santé, la Dre Yvette Bonny, qui a réalisé en 1980 la première greffe de moelle osseuse chez un enfant et a été une pionnière dans toutes les questions liées à la maladie falciforme au Québec.

Dans le secteur de l’éducation, il y a le professeur Patrick Paultre, qui a établi au Canada le plus grand programme de recherche sur le comportement des éléments structuraux en béton haute performance sous charge sismique.

Dans le domaine sportif, Bruny Surin a participé à de nombreuses compétitions internationales prestigieuses, dont les Jeux olympiques de Séoul en 1988, et il a remporté la médaille d’or du 400 mètres en 1996. Il a également été chef de mission de l’équipe canadienne aux Jeux olympiques de 2024 à Paris.

(1600)

Dans le secteur de l’ingénierie, Maxime Dehoux a reçu le prix du mérite de l’Association des ingénieurs-conseils du Canada et de la revue Canadian Consulting Engineer pour sa contribution à la construction de l’Observatoire astronomique Canada-France-Hawaï. Cette liste, bien que non exhaustive, illustre à quel point leur contribution exceptionnelle continue d’enrichir notre tissu socioculturel.

Ce livre évoque également mon propre parcours. Étant arrivée au Canada le 26 novembre 1976, comme de nombreux professionnels immigrants, j’ai dû faire face à la non-reconnaissance de mon diplôme de médecine. Une fois que j’ai franchi cet obstacle et après avoir obtenu ma licence du Conseil médical du Canada en 1981, j’ai pu innover dans les activités de formation continue en développant un programme axé sur les soins médicaux à domicile. Ceci a conduit à la rédaction d’un livre sur le même sujet, à la création d’une maison de soins palliatifs pour la communauté lavalloise et à mon engagement dans des activités associatives médicales. Aujourd’hui, pour moins d’un an encore, je poursuis mon engagement à servir en votre compagnie, au Sénat du Canada.

Pourquoi est-il nécessaire de consacrer un mois à l’immigration?

C’est la question clé à laquelle nous allons répondre. Avant de vous l’expliquer, permettez-moi de faire un bref rappel de certains termes clés du lexique de l’immigration. Il y a les termes suivants : migration, immigration, émigration, réfugiés et travailleurs temporaires. Ce sont des termes souvent mal compris et mal interprétés. Selon Statistique Canada, la migration désigne ce qui suit, et je cite : « Déplacement des individus d’une population, accompagné d’un changement de résidence habituelle. »

Cette migration peut être intraprovinciale, interprovinciale ou internationale. L’immigration désigne l’entrée de personnes provenant d’un autre pays. Toute personne immigrante a d’abord émigré de quelque part, émigré d’un autre pays. Cela va de soi.

L’autre terme qui mérite une attention particulière est celui de réfugié. Au sens du droit international, la Convention de Genève de 1951 définit le terme « réfugié » comme une personne qui laisse son pays par crainte fondée d’être persécutée. Cette personne cherche refuge dans un autre pays. Elle ne bénéficie pas de la protection de son pays d’origine.

Donc, lorsqu’une personne entame une procédure de demande d’asile, elle ne peut pas être qualifiée de « migrant illégal »; c’est un terme qui a été souvent utilisé à tort dans les grands débats sur les migrants qui empruntaient le chemin Roxham. Je crois que vous en avez souvent entendu parler. Le terme approprié est « migrants en situation irrégulière », ou « migrants irréguliers ».

Enfin, il y a également les travailleurs temporaires, recrutés par des entreprises pour pallier la pénurie de main-d’œuvre dans divers secteurs au Canada.

Lors des séances publiques du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, sciences et technologie, qui étudiait la question de la main-d’œuvre temporaire et migrante au Canada, plusieurs employeurs ont parlé de la nécessité de recourir à ces travailleurs. Par exemple, dans son mémoire, la Nova Scotia Seafood Alliance a expliqué que, sans les travailleurs temporaires, le principal défi serait de trouver suffisamment de personnes des régions environnantes prêtes à occuper des emplois saisonniers. D’autres entreprises ont validé ces propos.

Pour clore cette partie lexicale de mon discours, gardez bien à l’esprit ces définitions, car elles nous aident à comprendre les enjeux entourant ce projet de loi.

Réfléchissons à présent sur l’importance des immigrants dans notre pays. Sont-ils véritablement indispensables pour le Canada?

Le 31 juillet 2024, un article du magazine L’actualité intitulé « Population mondiale en déclin » examinait la diminution du taux de natalité à l’échelle mondiale. L’article précisait que, pour assurer le renouvellement de la population, le seuil nécessaire était de 2,1 enfants par femme. À l’heure actuelle, 54 % des pays occidentaux, dont le Canada, présentent un taux de fécondité inférieur à ce seuil. Selon les dernières données de Statistique Canada pour 2022, le taux de fécondité au Canada est de 1,33 enfant par femme.

Cette diminution du taux de natalité affecte directement le renouvellement de la population active, c’est-à-dire le nombre d’individus en emploi. La solidité de l’économie canadienne repose en partie sur la taille de cette population active, dont les contributions fiscales sont essentielles pour financer nos services publics. Par ailleurs, l’évolution de cette population active sera de plus en plus influencée par le vieillissement. Imaginez-vous que, d’ici 2030, les personnes âgées de 65 ans et plus représenteront 23 % de la population canadienne, donc environ le quart, soit plus de 9,5 millions d’individus!

Face à cet état de fait, l’immigration n’est pas seulement une solution, mais une nécessité vitale pour la pérennité de notre économie. Cependant, il faut reconnaître que l’immigration ne doit pas être perçue uniquement comme un moyen de combler des pénuries de main-d’œuvre. C’est aussi un levier stratégique qui apporte innovation, dynamisme entrepreneurial et diversité culturelle, qui sont des éléments essentiels à notre prospérité. Sans l’immigration, notre économie risquerait de stagner, et notre compétitivité sur la scène internationale pourrait en souffrir.

Ce mouvement migratoire n’est pas une particularité canadienne, mais un phénomène mondial. De nombreux pays font face à des réalités démographiques similaires et accueillent de nouvelles populations pour soutenir leur économie.

Honorables sénateurs, pour répondre à la question centrale d’un mois consacré à l’immigration, on pourrait affirmer que ce mois serait l’occasion pour chacun de nous de partager sa petite histoire, ses défis et ses triomphes personnels ou collectifs. À travers des activités d’information, les générations futures ne pourront qu’en bénéficier. C’est la même chose pour la transmission de nos richesses culturelles, comme la littérature, la musique et même la gastronomie. Pour ma part, j’aimerais partager avec vous la « soupe Joumou », un plat emblématique inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Ne vous inquiétez pas, la gastronomie haïtienne ne contient ni viande de chat ni viande de chien.

Pourquoi novembre? Le choix du mois de novembre pour établir cette reconnaissance n’est pas anodin. Comme l’a souligné la sénatrice Gerba, il coïncide avec plusieurs événements importants liés à l’immigration, notamment la Semaine de l’immigration francophone et la date à laquelle la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés a reçu la sanction royale. Pour aller de l’avant tous ensemble, il est essentiel de valoriser les récits personnels et de célébrer la richesse que chacun apporte à notre communauté.

Je conclurai avec la petite histoire du parcours migratoire des familles Riley et Marc Arthur de l’Alberta, tirée de la Revue parlementaire canadienne. J’ai trouvé que c’était une bonne façon d’illustrer le fondement de ce projet de loi, qui montre que nous sommes tous des immigrants soit de première, deuxième ou troisième génération. J’espère donc obtenir votre appui à tous pour renvoyer le projet de loi S-286 à l’étude en comité.

Je vous remercie.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente : Avez-vous une question, sénatrice Simons?

[Français]

L’honorable Paula Simons : Oui. Est-ce que je peux vous poser une question, madame la sénatrice?

La sénatrice Mégie : Oui, avec plaisir.

La sénatrice Simons : Sénatrice Mégie, vous avez fait une espèce de blague au sujet du mensonge horrible de Donald Trump au sujet des gens et des chiens qui habitent à Springfield, en Ohio. Pour moi, c’est quelque chose de tellement horrible, car cela commence à ressembler à une campagne raciste contre les gens qui viennent d’Haïti en particulier. Personnellement, j’ai toujours peur que les choses qui se produisent aux États-Unis arrivent au Canada.

Pourriez-vous me dire sérieusement ce qu’une femme formidable qui vient d’Haïti comme vous ressent lorsqu’elle entend les mensonges de M. Trump et de M. Vance et lorsqu’elle voit les violences que subissent les gens qui habitent à Springfield?

(1610)

[Traduction]

Qu’est-ce que cela vous fait?

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci de votre question et de votre empathie. Vous savez qu’en règle générale, c’est difficile quand les mensonges sont aussi gros. Quelqu’un nous avait justement écrit un mot à cette occasion. Cette personne, qui prétendait que c’étaient les paroles de Hitler, nous avait dit que, quand on veut faire absorber un mensonge à quelqu’un, on prend le plus gros mensonge et il devient pour tout le monde une réalité. Je pense que c’est peut‑être dans cette optique qu’il l’a fait.

Vous savez que quand on est vraiment blessé par ce genre de chose, on ne peut pas le défaire. Que voulez-vous? On se sert de l’humour pour essayer de se convaincre d’aller de l’avant. Cela ne veut pas dire qu’on n’a pas été blessé, mais la seule façon de s’en sortir est de se servir de l’humour.

Est-ce que cela répond à votre question?

La sénatrice Simons : Oui, merci.

[Traduction]

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, je prends la parole assez spontanément pour parler du projet de loi de la sénatrice Gerba, qui propose de créer un mois national de l’immigration. J’appuie ce projet de loi, et je tiens à intervenir brièvement avant qu’il ne me reste plus de temps.

Comme vous le savez sans doute, ce sujet m’est très cher. Je suis arrivée au Canada en 1981. J’ai détenu la nationalité de trois pays au cours de ma vie : je suis née en Inde, ce qui veut dire que j’en étais citoyenne par la naissance; j’ai épousé un Iranien avec qui je suis allée vivre en Iran, ce qui veut dire que j’ai aussi eu la citoyenneté iranienne. Vient ensuite la citoyenneté canadienne, qui ne m’a été accordée ni par ma naissance ni par mon mariage, mais pour laquelle j’ai dû me battre. C’est sans doute ce qui la rend encore plus précieuse à mes yeux.

Depuis que je suis ici, j’ai pu constater à quel point les immigrants ont façonné, et façonnent encore, le Canada et nourrissent notre identité. Les sénatrices Mégie et Gerba ont toutes deux évoqué leur apport à la société canadienne, que ce soit dans le domaine des sports, de la santé, de la musique, de la littérature ou de la politique, et même ici au Sénat. Je ne crois pas avoir besoin de préciser que nous avons besoin d’un mois... en fait, permettez-moi de revenir quelques instants à l’histoire de l’immigration.

En 1906, le Canada est un tout petit pays. Des pans entiers de son territoire ne sont pas peuplés. Sir Clifford Sifton, le ministre de l’Immigration à cette époque, se rend personnellement — imaginez cela — en Europe de l’Est, accroche sa banderole et dit : « Nous voulons que vous veniez au Canada et que vous nous aidiez à coloniser l’Ouest ». Il avait délibérément choisi l’Europe de l’Est pour son expertise en matière d’agriculture en climat froid.

Les Polonais, les Italiens, les Ukrainiens et les Allemands sont venus. Je lève mon chapeau à la communauté ukrainienne, en particulier, car elle a réussi au fil des années à nous aider à intégrer le multiculturalisme dans notre identité.

Plus tard, en 1975 — je sais que je fais un saut dans le temps — cette vague d’immigrants a été suivie par la première vague d’ismaéliens expulsés de l’Ouganda. À la vue de son siège, j’imagine la sénatrice Jaffer nous en parler. Ces immigrants ont été suivis — le sénateur Harder en a souvent parlé — par les vagues de réfugiés du Vietnam et de l’Indochine, une région où le Canada a connu un moment de gloire. D’ailleurs, celui-ci nous a donné l’élan vers le parrainage privé, ce qui a amené notre pays à accueillir les Coréens, les Croates, les Serbes, les Pakistanais, les Indiens et, plus récemment, les Philippins.

L’été dernier, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie s’est rendu au Nouveau-Brunswick où nous avons découvert une petite collectivité qui avait perdu sa population. Personne n’allait à l’église et les écoles s’étaient vidées. Puis, les travailleurs philippins ont commencé à arriver. Ils sont arrivés et ils avaient des emplois temporaires. L’employeur était un employeur avisé et il a parrainé une famille, qui a parrainé d’autres familles. Aujourd’hui, l’église a une congrégation et les écoles sont fréquentées par des enfants. Cette petite collectivité a été revitalisée.

Il y a, bien sûr, un côté sombre et je ne veux pas le nier. Nous devons nous regarder dans le miroir et nous voir tels que nous sommes : la décision de priver les Canadiens d’origine japonaise de leurs droits pendant la Seconde Guerre mondiale, la discrimination contre les Canadiens d’origine chinoise, et le sénateur Woo et le sénateur Oh ont présenté une merveilleuse exposition à ce sujet.

Cette année, j’ai visité le Musée canadien de l’immigration du Quai 21 et, quelle surprise, il y avait une exposition — conçue, je crois, par la sénatrice Bernard — sur l’histoire de l’esclavage des Noirs au Canada.

Un mois n’est peut-être pas suffisant, sénatrice Gerba, pour mettre tout en lumière — le meilleur comme le pire —, mais un mois est une bonne durée, surtout vu le discours d’aujourd’hui, où les choses commencent à changer pour la première fois.

Les gens ne voient plus les immigrants d’un bon œil. Il s’agit peut-être des horribles discours provenant du sud de la frontière. J’espère qu’ils ne se répandront pas ici, car je ne pense pas qu’il s’agit d’une question de guerre culturelle au Canada; il s’agit toujours d’une question d’abordabilité et de qualité de vie. Toutefois, les choses changent. Dans trois ans, j’espère que nous aurons une conversation différente. Cependant, quand le projet de loi sera adopté, je sais que les immigrants souligneront ce mois, sénatrice Gerba, en exprimant leur reconnaissance envers la liberté, la sécurité, la prospérité et les débouchés dont ils ont bénéficié. Je sais que c’est ce que je ferai.

Merci, chers collègues.

Des voix : Bravo!

L’honorable Denise Batters : Sénatrice Omidvar, je vous remercie de votre discours. Vous avez parlé de Clifford Sifton, ancien ministre de l’Immigration. Comme je suis moi-même d’origine ukrainienne, je connais très bien le travail important qu’il a accompli pour promouvoir l’immigration des Ukrainiens et d’autres Européens de l’Est.

Dans votre discours, vous avez notamment indiqué qu’il s’était rendu en Europe de l’Est. Je n’avais jamais entendu cette histoire, et, en faisant une rapide recherche sur Google, je n’ai rien trouvé à ce sujet. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Compte tenu de l’époque où les événements se sont produits, soit à la fin des années 1800 ou au début des années 1900, j’aimerais en savoir davantage à ce sujet. Je n’avais jamais entendu cette variante au sujet de l’expérience professionnelle de Clifford Sifton auparavant.

La sénatrice Omidvar : Merci, sénatrice Batters.

Ce récit se trouve dans un livre d’histoire. J’oublie qui en est l’auteur. C’est une grosse brique sur l’évolution de l’immigration au Canada. C’est resté gravé dans ma mémoire, car cela rappelait fortement l’époque où il n’y a ni courriel, ni lettre, ni stratégie de recrutement. J’ai entendu dire que des fonctionnaires canadiens se promenaient dans ces régions avec un bardeau attaché au dos de leur chariot sur lequel on pouvait lire : « Bienvenue au Canada; nous avons besoin de vous. »

Je peux trouver la référence pour vous.

La sénatrice Batters : Je vous remercie. Oui, j’étais au courant des agents de recrutement, que le Canada en avait envoyé en Europe de l’Est, mais le ministre lui-même à l’époque... Je sais que lorsque mes grands-parents sont venus d’Ukraine à cette époque, ils sont arrivés par d’énormes bateaux, alors j’aimerais simplement en savoir plus à ce sujet.

Si vous pouviez nous fournir cette information, ce serait merveilleux. Je vous remercie.

L’honorable Yvonne Boyer : Je vous remercie, sénatrice Omidvar, de votre histoire et des questions que vous avez soulevées. J’ai une question, et elle concerne votre déclaration selon laquelle des pans entiers du Canada n’étaient pas peuplés, alors que je crois qu’ils l’étaient par des Autochtones. Le territoire semblait peut-être non peuplé, mais pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?

(1620)

La sénatrice Omidvar : Merci, sénatrice Boyer. Je comprends maintenant pourquoi c’est notre personnel qui rédige nos discours, à juste titre d’ailleurs. Je n’aurais pas dû dire cela. Ces terres étaient peuplées, bien entendu. Elles étaient peuplées par les peuples autochtones.

Je devrais saisir cette occasion pour répéter, comme je l’ai déjà dit, que les liens entre les communautés autochtones et les communautés d’immigrants sont très fragiles. Leur existence n’est peut-être pas ce qu’elle devrait être, et ce sont les deux seules populations du Canada qui augmentent. La population autochtone augmente et des immigrants arrivent au pays. Nous devons trouver un moyen d’en discuter. Je vous remercie de votre question.

(Sur la motion de la sénatrice Ataullahjan, le débat est ajourné.)

[Français]

Règlement, procédure et droits du Parlement

Sixième rapport du comité—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l’étude du sixième rapport (provisoire) du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, intitulé Résumé des témoignages : Structure et mandats des comités, déposé au Sénat le 28 février 2024.

L’honorable Diane Bellemare : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est à son 15e jour. Je demande donc l’ajournement pour le reste de mon temps de parole.

(Sur la motion de la sénatrice Bellemare, le débat est ajourné.)

[Traduction]

L’étude des populations de phoques

Adoption du huitième rapport du Comité des pêches et des océans et de la demande de réponse du gouvernement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Martin, au nom de l’honorable sénateur Manning, appuyée par l’honorable sénatrice Seidman,

Que le huitième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et océans, intitulé Assurer l’avenir de la chasse au phoque: passons à l’action, qui a été déposé auprès de la greffière du Sénat le jeudi 23 mai 2024, soit adopté et que, conformément à l’article 12-23(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre des Affaires étrangères.

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, j’interviens au sujet du rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans intitulé Assurer l’avenir de la chasse au phoque : passons à l’action.

Je tiens à féliciter mes collègues, en particulier le président du comité, le sénateur Manning, pour ce rapport qui appuie la chasse au phoque au Canada. Il s’agit d’un rapport important, car il examine les populations de phoques au pays et leur incidence sur les pêches, les écosystèmes, la chasse au phoque et l’industrie des produits du phoque. L’étude souligne également l’importance culturelle et économique de la chasse au phoque pour les communautés éloignées, côtières et autochtones. Il contient beaucoup de bonnes recommandations que le gouvernement devrait examiner attentivement et suivre.

Chers collègues, pendant l’été, le secteur de la bienfaisance m’a fait part d’une série de recommandations, et j’estime qu’il serait prudent que je les rapporte ici officiellement. Comme vous le savez, j’entretiens des liens étroits avec ce secteur et j’ai défendu ses intérêts et ses causes dans cette enceinte.

Permettez-moi, cependant, de dire d’entrée de jeu que je n’ai pas l’intention de retarder l’adoption du rapport ni de proposer des changements. Toutefois, je pense que nous savons tous que les recommandations des études en comité sont parfois mises en œuvre par le gouvernement ou par un législateur dans l’une ou l’autre des Chambres. J’espère que, si cela se produit, mes commentaires au nom du secteur pourront être pris en considération, d’autant plus que le secteur n’a pas été invité à comparaître comme témoin.

Bien que le rapport contienne des recommandations et des conclusions importantes, la recommandation 4 soulève des préoccupations. La recommandation 4 demande que le gouvernement du Canada examine et modifie sans tarder la Loi de l’impôt sur le revenu et les autres lois connexes pour que l’on puisse révoquer le statut des organismes de bienfaisance et sans but lucratif enregistrés au Canada qui auraient produit de la mésinformation ou de la désinformation sur la chasse au phoque ou l’industrie des produits de phoque ou qui en auraient fait la promotion. De plus, on recommande d’obliger les organismes de bienfaisance et sans but lucratif à indiquer le nom de chaque donataire dont le total des dons à l’organisme dépasse 5 000 $.

Comme l’indique le rapport, l’objectif principal de cette recommandation est de contrer ce qui est décrit comme de la mésinformation et de la désinformation diffusées par certains organismes de protection des animaux au sujet de l’industrie canadienne de la chasse au phoque. Selon le rapport, ces organisations ont présenté sous un faux jour la portée, la réglementation et les pratiques de la chasse au phoque, ce qui a nui aux communautés autochtones qui pratiquent la chasse au phoque sans cruauté et respectueuse de l’environnement depuis des générations. Le rapport présente la recommandation comme une étape nécessaire vers la vérité et la réconciliation.

Bien que je comprenne les préoccupations au sujet de la mésinformation, je crois que cette recommandation peut avoir des conséquences imprévues. Recommander des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu afin de pénaliser les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif qui auraient fait de la mésinformation créerait un dangereux précédent. Comme l’a écrit Terrance Carter, l’un des principaux avocats spécialistes des organismes de bienfaisance au Canada :

Une telle mesure permettrait de faire de la révocation du statut d’organisme de bienfaisance (pour les organismes de bienfaisance enregistrés) et du statut d’exonération fiscale (pour les organisations à but non lucratif) un outil politisé qui pourrait être utilisé à tout moment contre les organismes de bienfaisance et les organisations à but non lucratif qui mèneraient des programmes ou des activités contraires à la politique du gouvernement au pouvoir.

À l’heure actuelle, il s’agit de la chasse aux phoques, mais demain, ce pourrait être la politique en matière de santé ou tout autre sujet sur lequel les organisations peuvent avoir des points de vue qui remettent en cause le gouvernement en place.

Nous avons déjà été témoins des conséquences de la politisation du statut d’organisme de bienfaisance. Entre 2012 et 2015, le gouvernement Harper a lancé des vérifications approfondies ciblant les organismes de bienfaisance environnementaux, suscitant la peur et l’incertitude au sein du secteur caritatif. C’était une façon d’utiliser la politique fiscale pour faire taire les voix dissidentes.

Si le gouvernement devait donner suite à la recommandation 4, l’implication est claire : toute organisation défendant un point de vue contraire à la politique du gouvernement risquerait de perdre son statut d’exonération fiscale. Cette situation aurait l’effet d’une douche froide sur la liberté d’expression et étoufferait le débat politique sain, qui est la pierre angulaire d’une société démocratique.

Comme l’a fait remarquer la fondation Muttart en réponse à une situation semblable en Alberta, où une enquête publique a été lancée sur le financement étranger de l’activisme antipétrole :

Les opinions — pour ou contre — ne sont pas trompeuses ou fausses; ce sont des opinions [...] Le fait de ne pas être d’accord avec le gouvernement ou avec les acteurs de l’industrie énergétique n’est pas un acte répréhensible; c’est simplement ce qui se passe dans une société libre et démocratique.

Les mêmes principes s’appliquent ici.

Par ailleurs, selon un témoignage entendu au comité, le problème ne vient peut-être pas d’organismes canadiens. À une question du sénateur Colin Deacon, l’ancienne sénatrice Hervieux-Payette a répondu ceci :

Je n’ai pas le souvenir qu’il s’agissait d’un grand groupe d’organismes canadiens. Nous connaissons surtout l’organisme américain.

Honorables collègues, nous devons donc faire preuve de prudence lorsqu’il s’agit de faire d’importants changements ayant une incidence sur toutes les activités uniquement pour quelques personnes.

De plus, l’Agence du revenu de Canada — et j’insiste sur ce point — dispose déjà des outils nécessaires pour déterminer si l’organisme de bienfaisance enregistré respecte le critère de l’intérêt public. Susan Manwaring, du cabinet Miller Thomson, — une autre grande juriste canadienne spécialiste des organismes de bienfaisance — a dit ceci :

La loi oblige actuellement les organismes de bienfaisance à mener leurs activités sans faire de mésinformation ou de désinformation. En cas de mésinformation ou de désinformation, l’Agence du revenu de Canada dispose des outils nécessaires pour vérifier et pénaliser l’organisme de bienfaisance, ou encore lui retirer son statut.

La deuxième partie de la recommandation inquiète aussi le secteur de la bienfaisance. En obligeant les organismes de bienfaisance ou à but non lucratif à divulguer le nom des personnes ayant fait un don de plus de 5 000 $, on porte atteinte au droit qu’a quiconque — y compris nous-mêmes — de faire un don anonyme. De nombreux donateurs souhaitent rester anonymes pour des raisons personnelles, culturelles ou autres. L’obligation de déclaration publique pourrait décourager la philanthropie, en particulier dans les domaines où soutenir certaines causes pourrait entraîner des risques ou des critiques.

(1630)

Selon Susan Manwaring, cette recommandation pourrait enfreindre les lois sur la protection de la vie privée et compliquer les collectes de fonds qui permettent aux organismes de bienfaisance de faire leur bon travail. L’Agence du revenu du Canada a déjà toute l’information sur les donateurs dont elle a besoin pour mener des vérifications et suivre les activités inappropriées.

Chers collègues, même si je comprends l’intention du rapport visant à protéger les pratiques autochtones et à défendre la vérité, les mécanismes proposés à la recommandation 4 ont de graves conséquences imprévues qui pourraient aller bien au-delà de l’industrie de la chasse au phoque. Nous ne devons pas laisser le désir légitime de lutter contre la mésinformation nous mener vers une voie où le statut d’organisme de bienfaisance est utilisé comme un outil pour limiter la liberté d’expression ou pour réduire au silence les gens. Je n’ai évidemment pas besoin de vous rappeler que le secteur des organismes de bienfaisance et des organismes à but non lucratif joue un rôle essentiel dans la société civile, et nous devons préserver son indépendance.

Travaillons ensemble à répondre aux préoccupations soulevées dans le rapport sans prendre des mesures susceptibles de miner les principes associés à la liberté d’expression, aux dons de bienfaisance et au débat démocratique.

Je conclurai en rappelant l’objectif de mon discours : je ne souhaite pas modifier le rapport ou retarder son adoption. Je tiens plutôt à ce que les préoccupations du secteur des organismes de bienfaisance soient consignées au compte rendu. Merci.

L’honorable Fabian Manning : Je vous remercie, sénatrice Omidvar, pour votre intervention aujourd’hui et je vous remercie d’avoir discuté de la question avec moi avant d’en parler dans cette enceinte. J’appuie moi aussi le secteur des organismes de bienfaisance et des organismes sans but lucratif dans tout le pays et en particulier dans ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, où je soutiens bon nombre d’entre eux. Ils font et continuent à faire de l’excellent travail.

La recommandation 4 est le fruit de discussions que nous avons eues au comité et avec des acteurs de l’industrie qui sont préoccupés par la possibilité que des organismes de bienfaisance dans notre pays utilisent l’argent pour répandre de la désinformation au sujet d’une industrie qui est d’une importance vitale pour Terre-Neuve-et-Labrador ainsi que pour certaines régions du Canada atlantique, du Québec et de tout le pays.

La recommandation ne réclame pas la prise de mesures draconiennes du jour au lendemain. Je tiens à m’assurer que tout le monde la connaît :

Recommandation 4 (modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu)

Le comité recommande que le gouvernement du Canada examine et modifie sans tarder la Loi de l’impôt sur le revenu et au besoin les autres lois connexes pour s’assurer que les organismes de bienfaisance et sans but lucratif enregistrés au Canada qui produisent de la mésinformation ou de la désinformation sur la chasse au phoque ou l’industrie des produits de phoque ou qui en font la promotion perdent leur statut les exemptant de payer des impôts.

Sénatrice Omidvar, la conduite d’un examen pose-t-elle problème au même titre que le fait de frapper à la porte de certains organismes de bienfaisance au pays qui pourraient se servir de leur accès au statut d’organisme de bienfaisance pour répandre de la désinformation?

La sénatrice Omidvar : Sénateur Manning, je vous remercie une fois de plus pour votre travail dans ce rapport. Ma réponse à votre question serait qu’un tel examen pourrait bien ouvrir une porte qui... je dirai simplement ceci : je ne prévoyais pas répondre à des questions sur ce rapport, car, bien franchement, je ne faisais que lire les préoccupations du secteur. J’aurais aimé que vous convoquiez des représentants du secteur caritatif pour discuter du sujet avant d’en venir à ce que je considère être une recommandation d’une portée plutôt considérable.

Le sénateur Manning : Je comprends parfaitement votre point de vue. Je suppose que la question qui m’a été posée depuis que cela est devenu un enjeu au cours de la dernière semaine est la suivante : si un organisme de bienfaisance n’a rien à cacher, pourquoi devrait-il s’inquiéter de la tenue d’un examen?

La sénatrice Omidvar : Sénateur Manning, l’Agence du revenu du Canada dispose déjà des outils pour établir si un organisme de bienfaisance répond aux critères très stricts de l’intérêt public. Tout organisme peut faire l’objet d’un contrôle à n’importe quel moment afin d’établir si les dons en argent sont utilisés pour défendre l’intérêt public.

En passant, même si l’Agence du revenu du Canada éprouve des difficultés, elle fait un travail plutôt exhaustif. Je pourrais vous parler d’organismes qui ont dû cesser toutes leurs activités parce qu’ils faisaient l’objet d’une vérification. Souvent, dans la plupart des cas en fait, l’Agence du revenu du Canada n’opte pas pour la révocation, mais elle procède plutôt à un examen administratif. L’organisme reçoit une lettre lui disant : « Nous avons découvert telle ou telle chose — des choses pas très reluisantes — et nous vous accordons tel délai pour remédier à la situation. »

Encore une fois, si on avait convoqué des témoins du secteur de la bienfaisance, ils nous auraient dit que ce processus existe déjà et qu’il y a une marge entre mener un examen et révoquer le statut d’organisme de bienfaisance.

L’honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, je n’avais pas l’intention de prendre la parole aujourd’hui. Je n’étais pas préparée à le faire, mais je ne veux pas non plus être la cause d’un retard dans l’adoption de ce rapport. Ce rapport est le fruit d’un excellent travail et d’un examen minutieux.

Mes remarques et mes préoccupations font suite à la présentation de la sénatrice Omidvar aujourd’hui, et je l’en remercie. Je remercie également le comité pour son travail.

Je dirai ceci : j’ai connu l’époque des audits agressifs et influencés par le contexte politique de nombreux organismes de bienfaisance du pays, et je sais que l’Agence du revenu du Canada a la réputation d’aborder ces examens d’une manière qui montre à quel point elle ne comprend pas la complexité, la motivation, l’altruisme et l’apport de ces organisations de bienfaisance dans la société, pas plus que les perturbations que son approche provoque.

La sénatrice Omidvar a tout à fait raison de dire que le cadre réglementaire actuel prévoit des outils pour donner suite aux préoccupations légitimes qui ont été soulevées par les membres du comité après avoir entendu les témoignages des personnes convoquées. Ces outils permettent de mener les vérifications adéquates.

Je veux aborder brièvement la question de l’argent versé à des organismes de bienfaisance canadiens à des fins politiques et différentes des objectifs de l’organisme concerné. Je veux souligner qu’il existe des lois et des règles interdisant déjà de tels mouvements d’argent, à moins qu’une structure ait été mise en place pour les rendre possibles et légales.

Par exemple, après les événements du 11 septembre, les Canadiens désiraient ardemment faire des dons devant être envoyés à New York pour aider ses habitants à accomplir l’énorme travail de réparation du cœur, de l’âme et de l’esprit qui devait être accompli. À l’époque, j’étais présidente et directrice générale de Centraide Toronto et nous avons — conformément aux règles en place et comme le demandaient d’ailleurs de nombreux donateurs, y compris les sociétés donatrices — conclu un accord transfrontalier avec un groupe multicaritatif établi et reconnu légalement à New York en particulier, mais aussi aux États-Unis. Notre homologue United Way a joué un rôle important à cet égard.

Nous sommes devenus responsables de la gestion de cet argent. Nous disposions d’un accord transfrontalier qui était reconnu par l’Agence du revenu du Canada et qui imposait une certaine rigueur, comme il se doit. L’organisme homologue aux États-Unis devait y répondre et s’y conformer. Nous sommes devenus les responsables de ces dollars. C’est ce que font souvent les organisations caritatives. Elles gèrent l’argent des Canadiens qui souhaitent changer des choses par l’intermédiaire du secteur caritatif.

Comme la sénatrice Omidvar, j’ai reçu des appels au cours de l’été de la part de personnes inquiètes que nous connaissons toutes les deux et avec qui nous avons travaillé de nombreuses années dans le secteur de la bienfaisance. Les gens ont frémi. Comme l’a souligné la sénatrice Omidvar, il y avait une véritable tristesse et une colère latente quant au fait que personne ne leur ait demandé leur avis. Je suppose que le comité n’a pas pensé à faire cela au cours de ses délibérations. Comme les comités sont maîtres de leurs travaux, ils peuvent solliciter l’opinion des intéressés. Cela n’a pas été fait. Il est préoccupant de constater qu’un rapport contenant des recommandations de l’ampleur de celles qui figurent au point 4 puisse être considéré comme un signal adressé à l’Agence du revenu du Canada visant à lui demander de changer de comportement.

(1640)

Nous avons déjà été témoins d’un tel comportement, qui est problématique, et il y a eu un effort considérable auquel la sénatrice Omidvar et moi-même avons participé. En collaboration avec des représentants de l’Agence du revenu du Canada et de nombreux autres ministères du gouvernement fédéral, une table de concertation avec le secteur des organismes de bienfaisance a été mise en place afin d’améliorer les relations entre les deux parties. En fait, j’ai eu l’occasion de présider une commission — un groupe d’experts, comme on l’appelait — constituée par le gouvernement Harper et chargée d’examiner les règles relatives aux subventions et aux contributions, ainsi que la répartition des fonds publics fédéraux. Une grande partie de ce travail concernait le secteur des organismes de bienfaisance. Il existe une relation très forte entre ce dernier et le gouvernement fédéral. Le travail effectué à la table de concertation a donné lieu à de nombreuses recommandations intéressantes, dont beaucoup ont été mises en pratique.

La préoccupation exprimée par le secteur et mentionnée par la sénatrice Omidvar en ce qui concerne la confidentialité des donateurs est un très gros problème. Il y a des donateurs que nous connaissons tous et que nous adorons célébrer. Des ailes de musées et d’hôpitaux portent leur nom, ou encore les carrefours communautaires que nous établissons dans les quartiers mal servis de Toronto où le taux de pauvreté est élevé. Il y a des donateurs qui sont fiers de voir leur nom associé à ces initiatives. D’ailleurs, dans la stratégie sur les carrefours communautaires, chacun des carrefours auxquels nous avons travaillé avait reçu des dons d’un million de dollars de la part de donateurs. Ce sont des sommes non négligeables.

Il existe également des donateurs qui, quel que soit le stade où ils sont rendus dans la vie, ne désirent pas faire l’objet de marque de reconnaissance. Ils font preuve de générosité, mais souhaitent que la réputation de leur entreprise privée ou de leur fondation familiale parle d’elle-même et se contentent de voir l’incidence qu’ils ont dans les rapports fournis par les organismes de bienfaisance concernés. Cette recommandation, à elle seule, risque de refroidir certains donateurs — et en général, les donateurs anonymes donnent de grosses sommes d’argent. Il n’existe et ne doit y avoir aucune raison de divulguer leurs dons à l’ensemble de la population canadienne. Cela va à l’encontre de la raison d’être du secteur de bienfaisance.

Je me fais l’écho des préoccupations du secteur et des belles paroles de la sénatrice Omidvar. Bien que je ne veuille pas retarder la publication du rapport, j’ai parlé à des collègues qui conviennent qu’il s’agit d’un secteur économique extrêmement important qui est mal compris et qui pourrait facilement être affaibli par le genre de préoccupations que le comité a soulevées dans son rapport. Je comprends pourquoi les membres du comité se sont engagés dans cette voie. Encore une fois, le comité, en tant que maître de la planification de ses propres activités, aurait tout à fait le droit d’entreprendre une étude de suivi pour examiner les préoccupations qui ont été soulevées.

Je me suis entretenue avec le sénateur Manning et je lui suis reconnaissante de m’avoir dit que ces recommandations seront faites. L’Agence du revenu du Canada et le gouvernement pourront ou non les appliquer. S’ils le faisaient, il y aurait probablement des consultations, et ce serait une autre occasion pour le secteur caritatif de se faire entendre. S’il y avait des modifications — pas des modifications réglementaires, bien que ce soit possible — à la loi qui régit l’Agence du revenu du Canada en ce qui concerne le secteur caritatif, il y aurait une occasion de formuler des commentaires, et le projet de loi reviendrait au Sénat.

Je ne pense pas que ce soit suffisant. Je demanderais respectueusement au comité d’ajouter un deuxième volet plus ciblé à l’étude sur cette question afin d’entendre des témoignages du secteur caritatif. En réfléchissant sagement à ce qu’il entend, le comité modifiera ou clarifiera peut-être l’intention et les mécanismes permettant de remédier à ses préoccupations, ceux déjà en place et tout autre qui pourrait être nécessaire dans l’avenir.

Je demande humblement au comité d’y réfléchir et d’inviter le secteur caritatif à établir un dialogue, afin que le comité puisse écouter et aborder ces préoccupations dont j’ai été témoin dans mon ancien rôle et qui, à mon avis, sont très valables et nuisent au secteur et au bon travail qu’il tente d’accomplir. Merci beaucoup.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Manning, avez-vous une question?

Le sénateur Manning : Oui. Je remercie la sénatrice Lankin de ce qu’elle a dit aujourd’hui dans cette enceinte et de m’avoir fait part à l’avance de ses préoccupations au sujet de la recommandation. Je ne vois pas d’inconvénient à discuter avec mon comité des préoccupations que vous avez soulevées et de certaines options pour y remédier.

Notre comité est préoccupé depuis toujours par la désinformation et la mésinformation qui cible l’industrie de la chasse au phoque. C’est une dure bataille. J’ai eu l’occasion d’aller à Bruxelles, et il est très difficile d’essayer de promouvoir l’industrie dans un monde où les mensonges et la tromperie prennent le dessus. Nous essayons d’apporter notre contribution non seulement pour protéger l’industrie dans sa forme actuelle, mais aussi pour l’améliorer.

Vous avez parlé de fonds étrangers acheminés par l’entremise d’organismes de bienfaisance canadiens. Si des organismes de bienfaisance au Canada reçoivent de l’argent de l’étranger et diffusent de la désinformation au sujet de l’industrie de la chasse au phoque, n’est-ce pas inquiétant, et ne devrions-nous pas au moins trouver une façon de sensibiliser la population et de corriger la situation?

La sénatrice Lankin : Tout à fait, sénateur Manning. Je comprends le travail qui a été fait pour que le comité produise ce rapport et l’importance de la question que vous avez soulevée. Le contexte est très particulier au Canada et dans d’autres parties du monde en ce qui concerne l’industrie de la chasse au phoque.

Vous avez raison. Je répondrais qu’il existe déjà des moyens permettant aux gens de soulever cette question auprès de l’Agence du revenu du Canada, tout comme l’Agence du revenu du Canada dispose de moyens lui permettant d’enquêter sur cette question et de prendre des mesures à l’égard de certains organismes de bienfaisance, ce qui peut ou non conduire à la révocation de leur permis d’organisme de bienfaisance, grâce auquel ils peuvent recevoir des dons de bienfaisance et les distribuer au pays.

Tout d’abord, je tiens à dire que je ne parlerai pas de chasse au phoque, parce que je comprends les enjeux en cause. Pour tout dire, si je peux me permettre un bref aparté, il y a de nombreuses années, à mon époque syndicaliste, j’ai assisté à un congrès du Syndicat national des employées et employés généraux du secteur public, et l’un des dirigeants et représentants de la Newfoundland Association of Public Employees, que vous connaissez sans doute très bien, tout comme certaines des personnes qui en font partie, a livré un brillant plaidoyer en faveur de la chasse au phoque. À l’ordre du jour se trouvait une résolution qui, quoique partant d’une très bonne intention, était mal comprise et recommandait d’interdire la chasse au phoque. Ce type — et j’avoue que j’aimerais pouvoir m’exprimer avec tout le charme du dialecte terre-neuvien, car mon histoire n’en serait que plus drôle — a dit comprendre nos inquiétudes. Il comprenait par exemple que la plupart des Canadiens n’avaient aucun scrupule à prendre un homard vivant et à entendre les cris stridents qu’il produit quand on le plonge dans une marmite d’eau bouillante, même si chacun sait qu’il s’agit en réalité du bruit que fait la vapeur en s’échappant. Il a réussi à montrer de manière extrêmement réussie et éloquente que, quand on manque d’information pour se prononcer sur un sujet donné, mais qu’on ose malgré tout y aller d’opinions senties sous prétexte qu’il s’agit, politiquement, de la chose à faire, on risque de créer autant de remous que ceux qui ont secoué le secteur de la chasse au phoque.

(1650)

Je suis d’accord avec vous. Je suis favorable à ce que fait le comité, mais ce que vous avez entendu ne s’applique qu’à une petite partie du secteur de la bienfaisance. Les témoins n’ont pas parlé des possibles répercussions profondes de la recommandation que vous avez présentée. Cette recommandation convient bien au contexte général du rapport, et le gouvernement fédéral — et plus particulièrement l’Agence du revenu — dispose déjà des outils et des mécanismes nécessaires pour remédier à ces problèmes.

Je vous invite encore une fois à prendre le temps d’écouter ce que le secteur a à dire, et de voir s’il y a moyen de peaufiner votre recommandation de façon à régler les problèmes soulevés tout en tenant bien compte des règles, des mécanismes, des lois et de leur application. Vous allez constater que ces mécanismes existent, et vous pourrez voir comment ils fonctionnent, et comment ils ont déjà fonctionné, de sorte que, dans les comptes rendus et dans les recommandations présentées au gouvernement, on comprendra bien que le comité ou cette auguste assemblée ne souhaite pas, par l’adoption et l’application générale de ces recommandations, déclencher des conséquences imprévisibles et très malheureuses pour le secteur de la bienfaisance.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, le temps est écoulé. Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Français]

Audit et surveillance

Douzième rapport du comité—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Klyne, appuyée par l’honorable sénatrice Bellemare, tendant à l’adoption du douzième rapport (provisoire) du Comité permanent de l’audit et de la surveillance, intitulé Mise en œuvre du plan d’audit interne axé sur les risques, présenté au Sénat le 17 juin 2024.

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Chers collègues, peu avant notre ajournement pour l’été le 18 juin dernier, donc le lendemain du dépôt du 12e rapport du Comité permanent de l’audit et de la surveillance, j’ai commencé mon intervention en rappelant l’importance de ce comité et de ses responsabilités. Pour éviter toute ambiguïté quant à mon appui à un tel comité, je veux rappeler que j’ai été, de concert avec mon collègue le sénateur Dean, parmi les principaux artisans et supporteurs de sa création. Il ne fait aucun doute à mes yeux qu’il constitue le modèle d’audit et de surveillance le mieux adapté à notre institution.

Lors du dépôt de ce rapport, j’ai aussi marqué mon étonnement quant au fait que certaines informations contenues dans le rapport du Comité de l’audit et de la surveillance n’aient pas fait l’objet d’échange avec les membres du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration. Conséquemment, il n’est pas permis d’obtenir les réponses aux questions qu’ont soulevées les membres. C’est pourquoi j’ai ajourné ladite motion.

Chers collègues, il est important de jeter avec rigueur les bases de ce nouveau comité permanent et de s’assurer que, tout en faisant son travail indépendamment du Comité de la régie interne et avec des moyens suffisants, il ne perd pas de vue le sens de sa mission.

Dans cette perspective, les commentaires que je fais aujourd’hui seront davantage une mise en garde qu’une objection.

Je tiens à vous faire part de deux éléments de ce 12e rapport qui me préoccupent. Le premier élément est l’ampleur du budget demandé et le nombre de ressources humaines permanentes. Alors que le dirigeant principal de l’audit entre en fonction, il est normal qu’il s’associe des ressources compétentes. Cela dit, je me demande si toutes celles qui sont souhaitées devraient, dès le début, être embauchées sur une base permanente. N’y aurait-il pas intérêt à mieux évaluer les besoins au terme des deux premiers audits planifiés? Le budget alloué à cette fonction comporte déjà une réserve, donc un montant non dépensé, qui est significative. À mes yeux, il sera important de ne pas surbudgétiser.

Ma deuxième considération est la suivante : l’interface avec l’Administration du Sénat. L’intention derrière la création de ce comité permanent était d’optimiser notre gestion à tous égards en bénéficiant des conclusions des travaux du comité et de ses recommandations. Cela suppose, dans le respect de l’indépendance des auditeurs, une collaboration efficace et constructive avec les membres de l’administration, les sénateurs et leurs bureaux.

Dans le contexte des mesures de rationalisation qu’impose le Comité de la régie interne à l’ensemble de l’administration, dont le gel des embauches et diverses autres mesures d’efficience, j’invite le comité à tenir compte de ces mesures et à ne pas dédoubler le travail de l’administration. La ligne peut être ténue entre les responsabilités qui incombent toujours au Comité de la régie interne de fournir des données exactes et validées et celles qui incombent au Comité de l’audit. Sans manquer à mes obligations de respecter le huis clos lors des discussions au sein du Comité de la régie interne, je conserve une grande préoccupation à cet égard. Le risque de dédoublement des activités et, conséquemment, de l’utilisation des ressources en double demeure réel, à mon avis. J’invite à une communication plus fluide entre les deux comités à cet égard.

Dans cette perspective, ce sera à l’aune de ces deux éléments, entre autres, que j’examinerai le résultat de votre travail d’ici le dépôt du rapport du Comité de l’audit portant sur le prochain exercice financier. Entre-temps, je fais confiance à votre sens du discernement dans l’exercice de votre mandat et à votre souci de contribuer à l’optimisation de la gestion des fonds publics en l’occurrence.

Merci. Meegwetch.

[Traduction]

L’honorable Percy E. Downe : J’aimerais savoir si la sénatrice Saint-Germain serait prête à répondre à une question.

La sénatrice Saint-Germain : À une question, oui.

Le sénateur Downe : Merci. Votre discours a été soigneusement rédigé et le ton était diplomatique, mais il manquait de précision sur un point. Vous avez dit que vous comprenez que le Comité de l’audit et de la surveillance a besoin d’indépendance. Vous comprenez aussi qu’il a besoin de ressources, mais vous ne semblez pas convaincue dans les deux cas. Je n’ai pas bien compris quelles sont vos préoccupations exactement sur ces deux points.

La sénatrice Saint-Germain : Je vais tenter d’être plus précise sur ces deux questions. Mon premier point concerne un certain chevauchement des deux comités, c’est-à-dire le Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration et le Comité de l’audit et de la surveillance. D’emblée, j’avertirais les membres du Comité de l’audit et de la surveillance qu’ils doivent s’assurer de bien comprendre leur mandat et de le mettre en œuvre de façon complémentaire au rôle du Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration, qui doit toujours présenter des budgets validés et même audités, qui seront ensuite également vérifiés par le Comité de l’audit et de la surveillance.

Mon deuxième point, c’est que ce n’est pas parce que le Comité de l’audit et de la surveillance est créé... je comprends qu’il a besoin de ressources dès le départ, qu’il faut le traiter différemment des autres directions et qu’il ne doit pas être assujetti aux restrictions et aux mesures que nous avons prises pour nous assurer, par exemple, que les embauches sont gelées dans les directions, sauf exception.

En même temps, je crois qu’il est important que ce comité ne planifie pas de ressources permanentes sans faire preuve de prudence et de retenue et qu’il prenne le temps — deux ans peut‑être — de bien comprendre le niveau et la nature des ressources permanentes dont il a besoin.

Voilà ma mise en garde. Encore une fois, je ne me suis pas opposée au rapport. Je voulais simplement m’assurer que nous partions du bon pied. Je répète que non seulement j’ai fait valoir l’importance de ce comité, mais je l’ai fait activement, tout comme le sénateur Dean à l’époque, parce que nous étions convaincus de sa nécessité. Cela dit, il faut équilibrer les choses et éviter que ce comité devienne un gros comité qui n’existe que pour lui-même et qui ne sert que son propre intérêt.

Le sénateur Downe : Accepteriez-vous de répondre à une deuxième question?

La sénatrice Saint-Germain : Il doit s’agir d’une question complémentaire en lien avec la première, car l’article suivant est très important et je tiens à m’assurer d’avoir assez de temps.

Le sénateur Downe : Dans ce cas, Votre Honneur, j’aimerais intervenir dans le débat.

Honorables sénateurs, je prends la parole en tant que membre fondateur du Comité de l’audit et de la surveillance. J’étais au Sénat à l’époque que j’appelle « les troubles », lorsque le vérificateur général a fait enquête et trouvé une foule de problèmes concernant l’administration et le Règlement du Sénat, dont certains ont été invalidés depuis, mais les sénateurs ont décidé, collectivement, qu’il fallait intervenir. Le sénateur Harder, qui prendra la parole plus tard aujourd’hui, était représentant du gouvernement au Sénat à l’époque, et il a joué un rôle déterminant pour faire valoir l’importance d’un comité d’audit et de surveillance indépendant.

(1700)

Les membres de ce comité y ont consacré beaucoup de temps. Le sénateur Wells en était le président à l’époque. Ils ont recruté deux membres externes exceptionnels — des comptables agréés hautement qualifiés ou des CA, comme on les appelait — qui avaient une vaste expérience des conseils d’administration dans des banques, des sociétés d’État et des entreprises privées. Ce sont des experts dans le domaine. À mon avis, ils en savent beaucoup plus sur le sujet que quiconque au Sénat, à l’exception peut-être de la sénatrice Marshall et de la sénatrice MacAdam, qui ont été vérificatrices générales dans leurs provinces respectives.

Le point essentiel que je veux souligner, c’est que ce comité doit être totalement indépendant. Naturellement, il y aura des tensions au sein du Comité de la régie interne parce que les choses changent. On ne maintient pas le statu quo, la situation évolue. Cela dit, pour que le comité soit vraiment indépendant, il a besoin de ressources, mais aussi de la coopération de tous les sénateurs. Autrement, dans cinq ou sept ans, nous nous retrouverons devant les mêmes problèmes qu’il y a quelques années, et le public nous demandera, à juste titre, comment le Sénat dépense l’argent des contribuables.

Je peux me tromper, mais je pense que c’est le seul comité de l’histoire du Parlement du Canada qui compte deux membres externes. J’espère que les gens saisiront l’occasion de les rencontrer. On ne peut qu’être impressionné par leurs compétences et leur expérience. C’est tout à leur honneur d’avoir accepté de nous aider à résoudre nos problèmes.

Avec tout le respect que je dois à la sénatrice Saint-Germain, je pense que sa préoccupation concernant le caractère permanent et la nécessité d’avoir les ressources sur une base pérenne… Nous sommes vraiment en train d’essayer de faire des économies de bouts de chandelles sur ce qui doit être une priorité pour le Sénat : mettre de l’ordre dans nos affaires dans les plus brefs délais.

Merci, Votre Honneur.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion tendant à exhorter le gouvernement à adopter l’antiracisme en tant que sixième pilier de la Loi canadienne sur la santé—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que le Sénat du Canada exhorte le gouvernement fédéral à adopter l’antiracisme en tant que sixième pilier de la Loi canadienne sur la santé, en vue d’interdire toute discrimination basée sur le racisme et d’offrir à chacun le droit égal à la protection et au bienfait de la loi.

L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est au 15e jour. Je ne suis pas prête à intervenir. Par conséquent, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-14(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat pour le temps de parole qu’il me reste.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

Motion concernant les projets de loi contenant une « clause nonobstant »—Ajournement du débat

L’honorable Peter Harder, conformément au préavis donné le 23 mai 2024, propose :

Que le Sénat exprime le point de vue qu’il ne devrait pas adopter tout projet de loi qui contient une déclaration en vertu de l’article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés, communément appelé la « clause nonobstant » ou « disposition de dérogation ».

 — Honorables sénateurs, permettez-moi de commencer par un extrait de Notwithstanding . . . Canada, un livre sur l’histoire des discussions constitutionnelles qui ont eu lieu à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Devant des caméras de télévision braquées sur lui, le premier ministre Pierre Elliott Trudeau a déclaré :

Il y a des pouvoirs auxquels le gouvernement ne devrait pas toucher, qui devraient appartenir au peuple, et c’est pourquoi nous appelons cela la Charte du peuple [...] Il s’agit de déterminer quels sont les droits fondamentaux de la population qui sont si sacrés qu’aucun d’entre nous ne devrait avoir le pouvoir d’y porter atteinte.

Le message du premier ministre Pierre Elliott Trudeau était on ne peut plus clair : les gouvernements ne doivent pas porter atteinte aux droits fondamentaux. Pourtant, l’article 33 de la Charte des droits et libertés, qu’on appelle la « disposition de dérogation », est une disposition antithétique, voire hypocrite, par rapport aux objectifs mêmes de la Charte. Cet article permet au Parlement et aux assemblées législatives de violer les droits énoncés aux articles 2 et 7 à 15 de la Charte — qui portent sur les libertés fondamentales, les droits juridiques et le droit à l’égalité — sans recours judiciaire.

C’est un fait bien documenté que l’acceptation de cet article était un compromis politique de la part du gouvernement fédéral en échange du rapatriement de la Constitution et de l’inclusion de la Charte elle-même.

Lors des premières discussions sur le rapatriement, comme l’a écrit Roy Romanow, le procureur général de la Saskatchewan, la proposition provinciale d’insérer une disposition générale de dérogation a été rejetée par le gouvernement fédéral :

[...] au motif que cela irait à l’encontre de l’objectif même de l’enchâssement, à savoir la garantie des droits contre les excès des gouvernements.

Malheureusement, cette concession était la seule à pouvoir consolider le soutien de neuf provinces, sans le Québec, et du gouvernement fédéral, mais à certaines conditions. La première condition était qu’elle ne s’applique pas à la Charte dans son ensemble, et la seconde, que les dispositions de dérogation législative soient assorties d’une période de caducité de cinq ans. L’intention était que cette disposition soit utilisée avec la plus grande retenue.

À l’époque, le ministre de la Justice, Jean Chrétien, avait qualifié cet article de « [...] soupape de sécurité qui ne sera probablement jamais utilisée, sauf dans des circonstances sans controverse [...] », et, plus loin, « [...] pour corriger des situations absurdes sans avoir à recourir à des amendements constitutionnels difficiles [...] ».

Cette brève allégorie historique sert de contexte et de mise en garde contre la normalisation et les dérives de son utilisation au niveau infranational au cours des dernières années. Malheureusement, cette normalisation s’est prolongée lorsque le chef de l’opposition a laissé entendre qu’il s’en servirait si son parti formait le gouvernement — ce qui ne s’est jamais vu à l’échelon fédéral en 42 ans.

Cette allusion a attiré mon attention et est à l’origine de ma crainte. De nombreux dirigeants fédéraux ont reconnu les lacunes de l’article 33. En 2006, le premier ministre de l’époque, Paul Martin, a promis que, s’il était réélu, son gouvernement supprimerait la capacité du gouvernement fédéral à utiliser la disposition de dérogation, qu’il a décrite comme suit :

[...] un marteau qui ne peut être utilisé que pour attaquer de façon répétée la Charte et retirer n’importe quel droit dans une panoplie de droits individuels [...]

Lors des négociations du lac Meech, le premier ministre Brian Mulroney a qualifié la disposition de dérogation de « vice catastrophique de 1981, qui ampute vos droits individuels tout comme les miens ». Il a également ajouté :

[Toute constitution] qui ne protège pas les droits individuels, inaliénables et imprescriptibles des simples Canadiens n’est qu’un chiffon de papier.

Ce sont des propos accablants de la part de dirigeants respectés. Les partisans de l’inclusion de l’article 33 visaient à protéger les droits non énumérés tout en sauvegardant les institutions, y compris l’indépendance constitutionnelle de nos tribunaux. L’article n’a jamais visé à miner les droits individuels inscrits dans la Constitution. Cela va complètement à l’encontre de l’objectif des droits inscrits.

Les rédacteurs originaux de l’article 33, soit Jean Chrétien, Roy Romanow et l’ancien procureur général de l’Ontario Roy McMurtry, ont été très clairs à ce sujet lorsqu’ils ont dénoncé la première utilisation de la disposition par Doug Ford au niveau provincial en 2018 afin de contourner la procédure appropriée.

Dans un recueil d’essais intitulé The Notwithstanding Clause and the Canadian Charter, ou « La disposition de dérogation et la Charte canadienne », publié par le constitutionnaliste Peter Biro, l’avocat Gregory Bordan a écrit ce qui suit :

Jusqu’à tout récemment, on tenait presque universellement pour acquis que le recours à la disposition de dérogation était une mesure exceptionnelle qui serait accompagnée d’un débat politique et qui aurait des conséquences politiques, une supposition qui s’est avérée être largement fondée au cours des 40 dernières années. On ne peut plus tenir cela pour acquis. En effet, la réalité sur le terrain a peut-être déjà changé.

Je ne peux pas lui reprocher cette conclusion. La réalité sur le terrain a changé parce que, depuis 1982, le paysage politique a changé. Les gouvernements provinciaux, en grande partie populistes, ont coordonné leur riposte pour réaffirmer ce qu’ils décrivent comme la suprématie législative par rapport à la suprématie constitutionnelle et la suprématie de la Charte. Nous sommes maintenant à une époque où des premiers ministres provinciaux majoritaires un peu trop optimistes cherchent à s’opposer aux structures de gouvernance et de reddition de comptes qui, à juste titre, tentent de les contrôler.

(1710)

Ces premiers ministres commettent l’erreur de croire que le fait de remporter la majorité des voix leur donne la légitimité démocratique de recourir à l’article 33. En Ontario, Doug Ford a déclaré que c’est l’équivalent de l’approche adoptée par le gouvernement caquiste du Québec dans le cas de la loi 21 sur la laïcité et de la loi 96 sur les droits linguistiques, et par Scott Moe, du Parti de la Saskatchewan, dans le cas de sa politique sur les prénoms et les pronoms. Les gouvernements majoritaires ont tendance à recourir à la disposition de dérogation pour s’opposer à des décisions des tribunaux en matière de constitutionnalité, ou pire, à recourir à l’article 33 et à la disposition de dérogation de manière préventive, avant même que l’on conteste la légitimité de leurs lois devant les tribunaux.

À mon avis, le recours préventif revient à admettre que la mesure législative aurait autrement violé des droits protégés par la Charte des droits. Si une mesure législative est constitutionnelle, il faut la défendre en conséquence. Elle ne devrait pas prêter à controverse.

Pierre Poilievre suit leurs traces. Il a déjà déclaré qu’il aurait recours à la disposition de dérogation pour infirmer une décision rendue par la Cour suprême en 2022 au sujet de l’inadmissibilité à la libération conditionnelle. Il a aussi laissé entendre qu’il l’utiliserait dans d’autres domaines du droit criminel lorsqu’il s’est adressé à l’Association canadienne des policiers en avril dernier. Il avait alors déclaré ceci :

Je serai un premier ministre démocratiquement élu par le peuple — et démocratiquement tenu de lui rendre des comptes. Il pourra lui-même juger si mes lois sont constitutionnelles.

Cet énoncé ressemble étrangement à celui des premiers ministres provinciaux, mais ce malentendu fondamental demeure. Être démocratiquement tenu de rendre des comptes signifie être responsable devant tous les citoyens, et pas seulement devant ceux qui ont voté pour vous. En 1982, c’est en partie pour cette raison que la disposition de caducité après cinq ans a été adoptée. Si les Parlements ont le dernier mot en matière de droits, les urnes sont considérées comme l’endroit approprié pour accepter ou renoncer à une limitation de ces droits.

Mais l’univers politique d’aujourd’hui ne correspond pas à celui d’il y a 40 ans. Aujourd’hui, les attaques personnelles l’emportent sur les politiques publiques. On constate de la division, de la désinformation et plus de rhétorique que de substance. Cela se traduit par un électorat de plus en plus dissocié et désengagé, qui en a assez du sensationnalisme pour générer des clics et des publications ouvertement partisanes ou qui, au contraire, alimente et encourage les propos au vitriol et les slogans accrocheurs et simplistes de trois mots.

Pour que les urnes soient un lieu approprié pour prendre des décisions touchant les droits, nous avons besoin d’un électorat engagé et informé, ce qui fait cruellement défaut de nos jours.

Sabreena Delhon, PDG du Centre Samara pour la démocratie, est bien d’accord. Elle a déclaré ce qui suit :

L’article 33 suppose une tierce partie dans le dialogue perpétuel entre les tribunaux et les Parlements au Canada, c’est-à-dire un électorat intéressé, informé et ayant le moyen d’agir.

La politique canadienne n’a sans doute jamais été aussi toxique. La règle populiste de la majorité nourrit la méfiance à l’égard de la démocratie. Les conclusions de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale cernent les causes du recul de la démocratie. Il s’agit notamment de l’élection de partis populistes à la tête de gouvernements, de la polarisation sociétale et politique, de la reproduction du comportement antidémocratique d’autrui et de la propagation de la désinformation.

C’est là où le recours à la disposition de dérogation laisse à désirer, où l’idée de la tyrannie de la majorité s’insinue dans la discussion et où les droits des minorités peuvent être mis de côté. En outre, c’est là que le Sénat peut jouer son rôle constitutionnel : même si la disposition de dérogation peut bâillonner la magistrature, le Sénat est libre de s’exprimer sur son utilisation.

Dans le Renvoi relatif à la réforme du Sénat de 2014, la Cour suprême du Canada a réaffirmé ceci :

[...] chaque région obtenait un nombre égal de représentants au Sénat, peu importe sa population. Cette règle d’égalité visait à assurer aux régions que leurs voix continueraient de se faire entendre dans le processus législatif, même si elles devenaient minoritaires au sein de l’ensemble de la population canadienne [...].

Le paragraphe 16 de ce renvoi porte sur la représentation constitutionnelle du Sénat de personnes largement sous-représentées à la Chambre des communes, comme les groupes autochtones et les minorités linguistiques, ethniques, de genre et religieuses. Au paragraphe 57, la Cour ajoute :

[...] il est évident qu’on voulait en faire un organisme tout à fait indépendant qui pourrait revoir avec impartialité les mesures adoptées par la Chambre des communes [...]

Le paragraphe se poursuit ainsi :

Les rédacteurs ont cherché à soustraire le Sénat au processus électoral auquel participaient les députés de la Chambre des communes, afin d’écarter les sénateurs d’une arène politique partisane toujours soumise aux impératifs des objectifs politiques à court terme.

Le Sénat a pour rôle constitutionnel de protéger les minorités, régionales ou autres, et de le faire en toute indépendance. Le recours à la disposition de dérogation est, par définition, à court terme et politique. Recourir à cette disposition pour bafouer les droits des minorités selon les caprices d’une majorité élue va à l’encontre du rôle constitutionnel du Sénat, qui ne peut être exclu d’un processus fédéral entamé au titre de l’article 33 de la Charte.

C’est ce que soutient Caitlin Salvino dans son document intitulé Notwithstanding Minority Rights: Re-Thinking Canada’s Notwithstanding Clause. Elle écrit ceci :

[...] Les groupes minoritaires peuvent être pris pour cibles au moyen de la disposition de dérogation parce que les processus de reddition de comptes dans un contexte démocratique prévus à l’article 33 ne peuvent pas protéger leurs intérêts. Par conséquent, le risque politique lié au recours à la disposition de dérogation est peu dissuasif quand des groupes minoritaires en sont la cible.

Mme Salvino ajoute ceci :

[...] les législateurs élus font souvent peu de cas des droits des minorités qui n’ont pas de représentation politique et qui ne sont pas nécessaires en tant que groupe d’électeurs [...]

Elle poursuit ainsi :

[...] le corps législatif représente principalement les intérêts de la majorité, qui peut être indifférente au ciblage des groupes minoritaires ou appuyer activement celui-ci. Ces cas créent des situations où les gouvernements peuvent invoquer la disposition de dérogation pour cibler des groupes minoritaires sans rencontrer beaucoup d’opposition au sein du corps législatif ou sans être obligés de tenir des délibérations approfondies.

Je partage ces craintes. L’apathie de la majorité à l’égard des droits des minorités, l’impact minime des groupes minoritaires aux urnes et les obstacles à la participation électorale, tous amplifiés par la Loi sur l’intégrité des élections — qui porte un nom hypocrite et qui a été introduite, soit dit en passant, par M. Poilievre à l’époque où il était ministre — sont des sujets de réflexion sur lesquels le Sénat doit se pencher, en particulier dans un contexte d’indépendance accrue.

Je pense qu’il serait bénéfique pour le Sénat d’envisager une sorte de liste de contrôle au cas où nous recevrions un jour un projet de loi du gouvernement invoquant la disposition de dérogation, quelle qu’en soit la couleur politique. Cette liste pourrait comprendre les points qui suivent. Premièrement, le recours à la clause dérogatoire est-il préventif ou fait-il suite à une décision de la Cour suprême? Deuxièmement, le ministre de la Justice a-t-il déposé un énoncé concernant la Charte au sujet du projet de loi en question? Troisièmement, un processus de consultation publique a‑t-il eu lieu et la Chambre a-t-elle entrepris une étude exhaustive en comité? Sur ce point, si l’électorat est l’arbitre final pour le recours à l’article 33, il doit en être informé et comprendre ce qui est en jeu. Quatrièmement, le gouvernement a-t-il restreint le débat en ayant recours à l’attribution de temps?

Les sénateurs ont peut-être d’autres suggestions et je suis impatient de les entendre.

Une autre idée, dont Andrew Coyne a parlé dans un article cet été, s’appliquerait à l’autre endroit. Il y aurait une limite imposée par la loi ou, de préférence selon moi, on pourrait exiger une majorité qualifiée de 60 % à 66 % pour invoquer la disposition de dérogation.

C’est Peter Lougheed, de l’Alberta, qui a fait cette proposition. Il était un fervent défenseur de la disposition de dérogation et, lors d’une conférence en 1991, il a proposé un ensemble de changements visant à empêcher son utilisation abusive. Étant l’un des auteurs du texte, il montre clairement que les gouvernements abusent de l’article 33 et en font un usage qui ne correspond pas à la raison d’être de cet article, à l’origine, telle qu’il la conçoit.

Au-delà de l’exigence d’une majorité qualifiée de 60 %, la proposition comprenait premièrement l’obligation d’exposer clairement les raisons du recours à l’article 33 afin que l’électorat puisse évaluer les compromis et, deuxièmement, le droit de faire une demande de contrôle judiciaire. M. Lougheed disait ceci:

[...] ne pas avoir ce droit est antidémocratique dans la mesure où l’objectif de l’article 33 était la suprématie du Parlement sur la magistrature et non la domination ou l’exclusion du rôle de la magistrature dans l’interprétation des articles pertinents de la Charte canadienne des droits et libertés.

Si de tels changements étaient apportés, la présence de la disposition de dérogation dans la Constitution du Canada me serait beaucoup plus acceptable. Il est regrettable que des gouvernements populistes infranationaux du Canada aient autant trahi l’esprit de cette disposition, telle qu’elle a été conçue à l’origine.

Je terminerai par un extrait d’un texte de l’avocate Marion Sandilands, qui a contribué à la série d’essais dont j’ai parlé précédemment. Elle écrit ce qui suit:

Le tabou qui frappait le recours à l’article 33 a été levé… C’est particulièrement inquiétant dans un monde où les démocraties libérales sont menacées et où le populisme avance partout, y compris au Canada. Les constitutions solides protègent des caprices du populisme et des abus de pouvoir.

(1720)

Son Honneur la Présidente : Sénateur Harder, votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Harder : Puis-je avoir 10 secondes?

Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils d’accord pour que le sénateur Harder puisse terminer son discours?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Harder : Merci. L’extrait continue :

L’enjeu ne saurait être plus important : ces recours à la disposition de dérogation affaiblissent la Constitution du Canada au moment où elle est la plus nécessaire.

Nous sommes pris entre deux feux : celui de la suprématie législative et celui de la suprématie judiciaire. La question n’est pas de savoir celui qui devrait l’emporter. La question est la suivante : qu’en est-il de la suprématie constitutionnelle?

Merci.

Son Honneur la Présidente : La sénatrice Lankin a une question. sénateur Harder, accepteriez-vous…

Le sénateur Plett : Non, le temps de parole est écoulé.

Son Honneur la Présidente : Le consentement n’est pas accordé.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Pêches et océans

Autorisation au comité d’étudier la Commission des pêcheries des Grands Lacs

L’honorable Fabian Manning, conformément au préavis donné le 18 septembre 2024, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, les activités de la Commission des pêcheries des Grands Lacs;

Que le comité fasse périodiquement rapport de ses observations au Sénat et soumette son rapport final au plus tard le 30 mai 2025;

Que le comité conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport;

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer les rapports sur cette étude auprès de la greffière du Sénat, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que les rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Autorisation au comité d’étudier la séquestration du carbone océanique

L’honorable Fabian Manning, conformément au préavis donné le 18 septembre 2024, propose :

Que le Comité sénatorial des pêches et des océans soit autoriser à examiner, pour en faire rapport, la séquestration du carbone océanique et son utilisation au Canada;

Que le comité fasse périodiquement rapport de ses observations au Sénat et soumette son rapport final au plus tard le 30 mai 2025;

Que le comité conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions pendant 180 jours suivant le dépôt du rapport;

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer les rapports sur cette étude auprès de la greffière du Sénat, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que les rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Affaires juridiques et constitutionnelles

Motion tendant à autoriser le comité à étudier l’ajout de l’inuktut sur les bulletins de vote fédéraux—Ajournement du débat

L’honorable Brent Cotter, conformément au préavis donné le 19 septembre 2024, propose :

Que conformément à l’article 18.1 de la Loi électorale du Canada, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, un projet pilote qu’Élections Canada souhaite réaliser pour ajouter l’inuktut sur les bulletins de vote fédéraux dans la circonscription du Nunavut;

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer des rapports sur cette étude auprès de la greffière du Sénat si le Sénat ne siège pas, et que les rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.

 — Honorables sénateurs, il s’agit d’un ordre de renvoi inhabituel, et je tiens à prendre quelques minutes pour vous en expliquer le contexte.

Le 12 septembre 2024, en tant que président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, j’ai reçu une lettre de Stéphane Perrault, directeur général des élections, dans laquelle il décrivait le projet pilote qu’Élections Canada souhaite réaliser pour ajouter l’inuktut sur les bulletins de vote fédéraux dans la circonscription de Nunavut.

Ce projet pilote découle d’une recommandation formulée dans un rapport de juin 2022 du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes intitulé Inclusion des langues autochtones sur les bulletins de vote des élections fédérales : un pas vers la réconciliation. Le rapport préconise l’ajout de l’inuktut sur les bulletins de vote fédéraux afin d’éliminer les obstacles auxquels se heurtent les électeurs autochtones.

On parle actuellement plus de 70 langues autochtones au Canada, mais il existe un écart important entre le nombre d’Autochtones et le nombre de gens qui parlent une langue autochtone. En ce qui concerne les langues inuites, l’inuktitut est la langue la plus parlée : 39 770 personnes ont déclaré parler cette langue.

Les électeurs autochtones se heurtent à des obstacles majeurs lors des élections fédérales, notamment des barrières linguistiques, l’éloignement et la difficulté à recruter du personnel électoral. En fait, le taux de participation des électeurs autochtones est systématiquement plus faible. Par exemple, lors de la 43e élection générale fédérale, le taux de participation des électeurs autochtones vivant hors réserve était de 66,4 %, contre 77,5 % pour les électeurs non autochtones. Pour les électeurs vivant dans les réserves, le taux de participation n’était que de 51,8 %.

Comme indiqué dans le rapport du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, les barrières linguistiques sont une des principales raisons pour lesquelles les électeurs autochtones ont tendance à ne pas participer au processus électoral. C’est l’une des raisons invoquées par 21 % des électeurs autochtones, par rapport à seulement 12 % des électeurs non autochtones.

En 2019, des élections municipales ont eu lieu en même temps que les élections fédérales au Nunavut. Élections Nunavut avait produit des documents en quatre langues, incluant l’inuktitut, ce qu’Élections Canada n’a pas fait. Cette situation a semé la confusion parmi les électeurs et a suscité des plaintes concernant le fait que les documents utilisés par Élections Canada n’étaient offerts qu’en anglais et en français.

Lori Idlout, députée de Nunavut, a aussi exprimé des préoccupations au sujet des barrières linguistiques lors des élections fédérales au Nunavut, car de nombreux aînés qui ne parlent ni l’anglais ni le français ont de la difficulté à voter. Mme Idlout a aussi fait plusieurs recommandations clés au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre dans le cadre de son étude sur l’inclusion des langues autochtones sur les bulletins de vote des élections fédérales, y compris l’embauche d’interprètes-traducteurs autochtones à temps plein pour des élections à venir; l’amélioration du processus de plaintes pour les Autochtones unilingues; une étude sur la gouvernance autochtone dans le cadre de la réconciliation; et l’amélioration de la confiance grâce au respect des cultures autochtones.

Point important pour le débat d’aujourd’hui, Mme Idlout a aussi demandé que les langues autochtones figurent sur les bulletins de vote fédéraux, en particulier dans les communautés où elles sont en déclin, au Nunavut par exemple. Elle a également dit qu’Élections Canada devrait tirer des leçons d’Élections Nunavut et tenir des élections en quatre langues.

Lors de la 44e élection générale, Élections Canada avait distribué des brochures bilingues dans tout le pays et des brochures trilingues au Nunavut, y compris en inuktut. Malgré ces efforts, il reste encore beaucoup à faire pour favoriser l’inclusion des langues autochtones dans les bulletins de vote fédéraux.

Pour en revenir à la motion dont nous sommes saisis, ce projet pilote proposé par Élections Canada permettrait aux candidats du Nunavut d’inscrire leur nom en inuktut, en anglais et en français sur les bulletins de vote ordinaires. Les électeurs utilisant des bulletins de vote spéciaux pourraient également inscrire les noms des candidats en inuktut.

Nous en venons maintenant à la raison pour laquelle cette question nous est soumise. Il ne s’agit pas d’un changement permanent, mais d’un projet pilote temporaire au titre de l’article 18.1 de la Loi électorale du Canada.

Permettez-moi de vous lire le texte de cette disposition :

Le directeur général des élections peut mener des études sur la tenue d’un scrutin, notamment sur de nouveaux processus de vote, concevoir et mettre à l’essai un nouveau processus de vote pour usage à une élection générale ou partielle ultérieure. Un tel processus ne peut être utilisé pour un vote officiel [...]

 — et j’insiste sur ce qui suit —

[...] sans l’agrément préalable des comités du Sénat et de la Chambre des communes qui traitent habituellement des questions électorales ou, s’agissant d’un nouveau processus de vote électronique, sans l’agrément préalable du Sénat et de la Chambre des communes.

L’objectif est de vérifier dans quelle mesure ces changements peuvent améliorer l’accessibilité pour les locuteurs de l’inuktut, avec la possibilité d’apporter des modifications législatives dans l’avenir. Par contre, la mise en œuvre de ce projet pilote dépend évidemment du moment où les prochaines élections auront lieu et de notre approbation.

Le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles a déjà traité des demandes semblables, mais pas récemment. En 2010, nous avons approuvé un projet pilote pour un appareil électronique d’assistance au vote conçu pour aider les électeurs ayant une déficience.

(1730)

Dans le cadre de cet exercice, sous réserve de l’approbation du comité directeur, le comité a l’intention d’inviter le directeur général des élections et des fonctionnaires à présenter les détails de ce projet, quoique nous voudrons peut-être entendre d’autres témoins également.

Je conclurai sur ce point. Dans une démocratie, la possibilité de voter est le droit le plus important des citoyens. Les députés de tous les partis à la Chambre des communes ont reconnu la barrière linguistique que rencontrent de nombreux citoyens du Nunavut quand ils exercent leur droit de vote. Ils ont proposé un moyen de remédier à cette lacune. Le fait de renvoyer cette motion au comité des affaires juridiques nous rapproche de cet objectif irréprochable. À mon avis, refuser de le faire constituerait un obstacle à la véritable démocratie pour beaucoup de citoyens, mais aussi à l’inclusion de nos amis du Nunavut. J’encourage le Sénat à autoriser le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles à étudier, pour en faire rapport, ce projet pilote. Je vous remercie.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(À 17 h 31, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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