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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 225

Le jeudi 3 octobre 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le jeudi 3 octobre 2024

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L’innovation en matière de comptabilité carbone

L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, imaginez que vous êtes sur un navire dans un épais brouillard. Vous êtes incapables de voir la côte, mais vous savez qu’elle est rocheuse. Vous n’avez pas de GPS. Il n’y a aucune bouée. C’est presque impossible de tracer une route sécuritaire.

Imaginez maintenant que ce navire est notre économie et que ce brouillard est l’incertitude entourant les émissions de gaz à effet de serre.

La comptabilisation du carbone est notre GPS. La comptabilisation du carbone nous indique exactement où nous en sommes et où nous devons nous rendre, et elle nous guide à travers les complexités du périple jusqu’à la carboneutralité et, ultimement, aux émissions nettes négatives.

Les données sont le fondement d’une prise de décision éclairée, en particulier dans notre lutte contre les changements climatiques. Cela a été reconfirmé dans le récent rapport du Groupe consultatif pour la carboneutralité, qui a souligné l’importance d’élaborer un budget carbone national pour le Canada et de comptabiliser régulièrement nos émissions.

Pour créer avec succès un environnement durable pour les prochaines générations, il nous faut des outils qui permettent de calculer précisément la quantité de carbone que nous émettons et que nous séquestrons.

Comme d’habitude, les innovateurs canadiens se mobilisent. Arbor, une entreprise basée à Calgary, est un de ces chefs de file. Elle développe des outils de pointe qui rendent la comptabilisation du carbone plus accessible, rentable et fiable.

Pour la plupart des organisations, tracer un chemin jusqu’à la carboneutralité peut sembler insurmontable. Arbor a simplifié une pièce essentielle du casse-tête : la comptabilisation du carbone. Ses outils respectent des normes internationales reconnues, comme la norme ISO 14067 et la Science Based Targets initiative, ou SBTi. Les utilisateurs peuvent mesurer leurs émissions de portée 1, 2 et 3, créer des rapports détaillés et déterminer un parcours clair vers une empreinte carbone réduite.

Cela signifie que les entreprises canadiennes peuvent faire le suivi de leurs émissions et les réduire, ce qui non seulement contribue à ce que les objectifs nationaux du Canada en matière de lutte contre les changements climatiques soient atteints, mais permet aussi à ces entreprises d’acquérir un avantage concurrentiel dans un marché mondial qui accorde de plus en plus d’importance à la durabilité. Il s’agit là d’un élément essentiel pour bâtir un avenir dans lequel la croissance économique et la responsabilité environnementale vont de pair.

Chers collègues, il y a un peu plus de deux ans, le Sénat s’est engagé à atteindre un objectif de carboneutralité d’ici 2030. L’année dernière, nous avons procédé à une analyse comparative de nos émissions courantes, et, plus tôt cette année, nous avons déterminé des mesures précises qui nous permettront de réduire nos émissions de 45 % d’ici à 2030.

Toutefois, pour atteindre la carboneutralité, nous devons être en mesure de suivre nos progrès et d’en rendre compte en toute confiance, avec certitude et de manière économique. Cela nécessite de l’innovation et souligne pourquoi nous devons soutenir les innovateurs canadiens dont les technologies et les outils à la fine pointe de ce qui se fait dans le monde peuvent tous nous être utiles.

Chers collègues, alors que le Canada s’efforce d’atteindre son objectif national de carboneutralité d’ici 2050, donnons la priorité à l’adoption de solutions canadiennes pratiques, économiques et novatrices.

Merci.

La Journée mondiale des enseignants

L’honorable Jane MacAdam : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler de la Journée mondiale des enseignants, célébrée le 5 octobre, afin de reconnaître le rôle essentiel que jouent les enseignants dans nos communautés et dans la formation des générations futures.

Les enseignants sont au cœur du système éducatif; ils entourent, encadrent et responsabilisent les jeunes et les apprenants adultes grâce à leur dévouement et à leur engagement inlassables. La Journée mondiale des enseignants est l’occasion de souligner leur contribution essentielle à la promotion de l’éducation et du perfectionnement. C’est aussi l’occasion de sensibiliser le public aux difficultés auxquelles ils sont confrontés et de l’informer du soutien et des ressources dont ils ont besoin pour poursuivre leur travail inestimable et s’épanouir dans leur profession.

Les enseignants font bien plus que donner des cours : ils jouent le rôle de conseillers, d’accompagnateurs, de mentors et de défenseurs. Ils incitent les élèves à explorer et à poser des questions, et les aident à réaliser leur plein potentiel.

Dans ma propre vie, j’ai eu le plaisir d’avoir George et Anne Morrison comme enseignants au secondaire et comme entraîneurs de basket-ball. Bien que je ne sois pas devenue meneuse de jeu dans la Women’s National Basketball Association, la WNBA, ou que je n’aie pas fait carrière dans l’entraînement comme leur fils Scott — entraîneur adjoint dans la National Basketball Association, ou NBA —, je me souviens de la façon dont ils m’ont poussée à réaliser mon potentiel, et c’est en partie grâce à eux que je suis ici aujourd’hui.

Mon fils, Robert, est directeur d’une école secondaire dans ma province d’origine, l’Île-du-Prince-Édouard. Il travaille sans relâche pour maximiser l’apprentissage en classe et veille à ce que des systèmes de soutien et des possibilités d’enrichissement adéquats soient mis en place pour le bien-être des élèves.

Je fais part de ces relations personnelles en sachant que chacun d’entre nous peut nommer un enseignant qui a eu un impact, jusqu’à changer la trajectoire de sa vie. Merci aux enseignants de tout le Canada. Votre travail assidu ne passe pas inaperçu, et votre dévouement à l’éducation et à l’épanouissement personnel contribue à bâtir un avenir meilleur pour tous.

Merci.

La Société canadienne des personnes stomisées

L’honorable Wanda Thomas Bernard : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage aux milliers de Canadiens qui vivent avec l’un des secrets les mieux gardés du Canada. Saviez-vous qu’environ 150 000 Canadiens ont subi une stomie, et que 3 000 d’entre eux viennent de ma province, la Nouvelle-Écosse?

Vous pensez peut-être que vous ne connaissez pas de personne ayant subi une stomie, et c’est probablement dû à la stigmatisation associée à ce sujet tabou, même s’il s’agit d’une intervention essentielle qui permet de sauver des vies.

Malgré cette stigmatisation et le silence entourant les stomies, il y a de l’espoir. La Société canadienne des personnes stomisées est un organisme bénévole à but non lucratif qui a pour mission d’aider les personnes stomisées à vivre pleinement leur vie. Il existe des groupes de soutien qui permettent aux gens d’entrer en contact avec d’autres stomisés. Ils offrent soutien, information, collaboration et encouragement.

Ostomy Halifax offre du soutien, de l’information et de la sensibilisation depuis plus de 50 ans. Sa mission est d’améliorer les conditions de vie et de renforcer l’autonomie des Néo-Écossais stomisés.

Le 30 août, George et moi avons célébré notre 49e anniversaire de mariage, événement qui a été rendu possible grâce à la relation qu’il entretient depuis 17 ans avec sa deuxième meilleure amie : sa stomie. Je dis deuxième meilleure amie parce que je suis évidemment sa meilleure amie. L’acceptation rapide par George de sa nouvelle réalité est en grande partie due aux visiteurs formés d’Ostomy Halifax qui nous ont soutenus, lui et moi, au cours d’une transition très difficile. J’ai hâte de prendre la parole lors de la journée de sensibilisation aux stomies à Halifax le 19 octobre.

La Journée mondiale de la stomie a eu lieu hier, le 2 octobre. Chaque année, la Société canadienne des personnes stomisées célèbre le fait de « vivre pleinement la vie » en organisant une activité de sensibilisation appelée Step Up for Ostomy. Honorables sénateurs, cette année, c’est avec audace et fierté que je m’exprime pour faire tomber les préjugés et briser le silence, et pour remercier toutes les personnes stomisées, qui relèvent courageusement les défis auxquels elles sont confrontés pour pouvoir vivre pleinement leur vie.

(1410)

George m’aide à trouver la joie chaque jour, et ce, depuis 49 ans. Je le remercie de son courage et de son autodétermination, et je vous demande, chers collègues, de vous joindre à moi pour remercier la Société canadienne des personnes stomisées du soutien indéfectible qu’elle fournit chaque jour aux personnes stomisées de tout le Canada.

Merci.

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du capitaine John David MacIsaac, de la Compagnie des capitaines de la marine marchande du Canada, officier de navigation dans les glaces polaires pour le ravitaillement annuel des stations du Système d’alerte du Nord du NORAD dans l’Ouest de l’Arctique canadien. Il est l’invité de l’honorable sénatrice Coyle.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’attaque du 7 octobre sur Israël

Le premier anniversaire

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, lundi, il y aura un an jour pour jour que la communauté juive du Canada a appris à son réveil que des frères et sœurs en Israël avaient été kidnappés et massacrés par l’organisation terroriste génocidaire palestinienne Hamas. Les images qui en sont ressorties étaient difficiles à regarder et à croire : des familles entières ont été matraquées ou brûlées vives dans leur maison et des jeunes qui assistaient à un festival de musique ont été abattus, violés et massacrés. Des innocents âgés de 9 mois à 86 ans ont été kidnappés et traînés dans les donjons de Gaza. Ce fut le jour le plus meurtrier pour le peuple juif depuis l’Holocauste.

Huit Canadiens étaient parmi les victimes du Hamas ce jour-là : Judih Weinstein, dont le corps est toujours en otage; Vivian Silver, une militante pour la paix; Ben Mizrachi, un jeune homme de 22 ans connu pour sa compassion; Netta Epstein, qui a sauté sur une grenade pour sauver sa fiancée; Shir Georgy, connue pour être toujours rayonnante. Adi Vital-Kaploun, mère de deux jeunes enfants; Tiferet Lapidot, une jeune femme aimante, assassinée quelques jours avant son vingt-troisième anniversaire et le charismatique Alexandre Look, de ma ville natale, Montréal.

Cependant, l’horreur des actions du Hamas n’a pas pris fin le 7 octobre, car plus de 100 otages sont toujours retenus à Gaza, y compris le plus jeune de deux enfants de la famille Bibas. Cela fait une année complète que ces otages sont privés de nourriture, subissent des agressions sexuelles et sont soumis à la torture.

Lundi, cela fera aussi un an que le gouvernement Trudeau abandonne ouvertement et ignoblement le peuple juif, tant au pays qu’à l’étranger.

Ici, au Canada, le 7 octobre a provoqué des émeutes dans les rues et continue d’en provoquer. Des manifestants masqués ont lancé un appel à la violence contre les Juifs, au nom de la « Palestine libre ». Des synagogues et des écoles juives ont été la cible d’incendies criminels et d’attaques par balle. Pourtant, le gouvernement n’a pas poursuivi les auteurs de ces crimes pour qu’ils répondent de leurs actes.

À l’étranger, nous n’avons pas soutenu notre allié Israël dans sa guerre contre le Hamas, le Hezbollah et d’autres factions qui agissent pour le compte de l’Iran. Au lieu de demander des comptes à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, l’UNRWA, pour la participation de ses employés au massacre du 7 octobre, Justin Trudeau verse davantage de fonds publics à cette organisation. Parallèlement, Mélanie Joly, la ministre des Affaires étrangères, se targue d’avoir réduit l’approvisionnement d’Israël en armes défensives du Canada.

La guerre se poursuivra tant que les otages ne quitteront pas la bande de Gaza et tant que le droit qu’a Israël d’exister sera menacé. Le soutien du Canada à Israël et au peuple juif doit être inébranlable.

En ce premier anniversaire du 7 octobre, j’espère qu’Israël continuera à se battre pour la libération de tous les otages et la disparition définitive du Hamas. J’espère également que le Canada sera bientôt à nouveau considéré comme un ami de la communauté juive et de ses frères et sœurs en Israël.

Que le souvenir des 1 200 victimes du massacre du 7 octobre — Judih, Vivian, Ben, Netta, Shir, Adi, Alexandre et Tiferet — soit pour nous tous une source de réconfort. Que les otages rentrent chez eux et que la paix règne au Moyen-Orient et au sein de la population canadienne.

Merci, chers collègues.

Une voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Kailee Deacon, la fille de l’honorable sénatrice Deacon (Ontario).

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Beverly Jacobs, professeure de droit à l’Université de Windsor, et Aly Bear, ancienne troisième vice-cheffe et candidate à la direction de la Fédération des nations autochtones souveraines. Elles sont accompagnées de survivantes et de membres des familles de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Pate.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La diversité, l’équité et l’inclusion

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, c’est le Mois de l’histoire des femmes, nous sommes au milieu de Rosh hashanah, et lundi était la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Hier, comme nous venons de l’entendre, c’était la Journée mondiale des stomies ainsi que la Journée internationale des erreurs judiciaires. Demain sera la Journée nationale d’action pour les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, le 17 octobre sera la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, et le 18 octobre sera la Journée de l’affaire « personne » — bref, vous voyez ce que je veux dire.

Nous devons réfléchir à la marginalisation et à l’oppression, les reconnaître et mettre en valeur le travail de ceux et celles qui ont consacré leur vie à surmonter les injustices et à y remédier.

Je rends hommage à mes amis qui ont consacré leur vie à travailler avec et au nom de trop nombreuses personnes laissées pour compte, ignorées ou oubliées. Des femmes fabuleuses telles que Bev Jacobs et Bridget Tolley — comme notre collègue la sénatrice Michèle Audette, ancienne présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada et commissaire chargée de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, la sénatrice Mary Jane McCallum, le sénateur Brian Francis et de nombreux autres survivants des pensionnats et externats, de même que les membres des familles de femmes et de filles autochtones disparues ou assassinées — travaillent avec des générations de jeunes leaders inspirés, comme Aly Bear, ancienne troisième vice-cheffe et actuelle candidate au poste de chef de la Fédération des nations autochtones souveraines, et ses frères, Dray et Dalyn.

Nous devons tous travailler ensemble pour remédier aux importantes inégalités raciales, sexuelles et économiques qui existent présentement au Canada en mettant en œuvre les appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, en particulier celui en faveur d’un revenu minimum garanti national pour éradiquer la pauvreté et les nombreux autres appels rédigés par cette commission et la Commission de vérité et réconciliation pour accroître l’égalité, sans oublier l’amélioration de la santé mentale et physique, la réduction des coûts des soins de santé, et la diminution de la victimisation, de la criminalité et des taux d’incarcération.

Tandis que nous soulignons ce mois, ces journées et le travail de tant de personnes et de groupes extraordinaires, nous félicitons également notre collègue la sénatrice Wanda Thomas Bernard, le Président Greg Fergus et l’honorable Murray Sinclair, à qui on rendra hommage cette fin de semaine en leur remettant le prix Nation Builder pour l’ensemble de leurs réalisations.

Je félicite et remercie toutes les personnes à la Chambre, à la tribune et ailleurs pour leur travail et leurs décennies de service à l’ensemble des Canadiens. Nous vous remercions de tracer la voie pour prévenir et atténuer les inégalités et l’oppression. Suivons votre exemple et engageons-nous à apporter des changements audacieux pouvant s’attaquer à des comportements, à des préjugés et à des institutions marqués de longue date par un caractère discriminatoire systémique.

Le Canada est un pays riche et diversifié qui peut tisser un filet à la fois solide et souple de systèmes sociaux, économiques et de santé qui ne laisse tomber personne et qui offre aux gens la possibilité de se remettre des difficultés ou de l’oppression personnelles, systémiques ou historiques, et qui non seulement soutient tout le monde, mais permet à chaque personne dans ce pays d’être nourrie, vêtue, logée, éduquée et, le plus important, épanouie.

Meegwetch, merci.

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence Vaira Vīķe-Freiberga, ancienne présidente de la République de Lettonie.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Ligue canadienne de football

L’honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, je tiens à féliciter la Ligue canadienne de football, la LCF, pour les gestes significatifs qu’elle a posés au cours des deux dernières semaines afin de faire progresser la vérité et la réconciliation avec les peuples autochtones. Moi qui ai déjà été joueur, président d’équipe et commissaire et qui attache une grande importance au pouvoir qu’a le sport d’unir et de guérir les gens, je ne pourrais pas être plus fier.

Les gestes qu’a posés la LCF pour souligner la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation pendant la 17e semaine de la saison étaient de puissantes marques de reconnaissance, de respect et d’engagement en faveur d’un changement significatif. Partout dans la ligue, les joueurs, les entraîneurs et les officiels se sont joints aux communautés autochtones pour honorer leurs contributions, leur culture et leur histoire.

(1420)

[Français]

Les neuf équipes de la Ligue canadienne de football portaient des logos conçus par des artistes autochtones, qui étaient bien en évidence sur les casques des joueurs et facilement visibles par les partisans dans les stades et partout au Canada.

[Traduction]

Créés par des artistes locaux, ces logos reflètent la relation profonde et durable entre le football et les communautés autochtones du pays. Chaque dessin raconte une histoire et, collectivement, ils représentent l’engagement de la LCF à reconnaître le passé tout en construisant une voie vers l’avenir fondée sur la sensibilisation, l’éducation et l’action.

On a aussi honoré et célébré des dirigeants, des musiciens, des artistes et des membres des communautés autochtones de tout le pays à l’approche de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Ces gestes trouvaient écho dans un contenu éducatif qui mettait en lumière la culture autochtone, l’histoire d’athlètes autochtones et les liens profonds qui existent entre le football et les communautés autochtones.

[Français]

Je suis ravi de voir la ligue ouvrir la voie à la réconciliation avec les peuples autochtones. Ce travail nous rappelle une fois de plus que le sport peut jouer un rôle important pour réparer les divisions et bâtir des communautés plus bienveillantes et plus tolérantes.

[Traduction]

Chers collègues, il est essentiel de reconnaître que la réconciliation est en cours. Je fais écho au sentiment exprimé par l’actuel commissaire de la Ligue canadienne de football, Randy Ambroisie, qui a dit :

Notre vision d’un Canada plus fort, plus sûr et plus uni doit se fonder sur une constante reconnaissance de nos actions passées et du chemin parcouru, ainsi que sur la promesse de faire mieux.

Je félicite la Ligue canadienne de football d’avoir entrepris cette importante initiative et je me réjouis de la voir se poursuivre.

Merci.


AFFAIRES COURANTES

Projet de loi sur le cadre national sur la publicité sur les paris sportifs

Présentation du onzième rapport du Comité des transports et des communications

L’honorable Leo Housakos, président du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, présente le rapport suivant :

Le jeudi 3 octobre 2024

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a l’honneur de présenter son

ONZIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-269, Loi concernant un cadre national sur la publicité sur les paris sportifs, a, conformément à l’ordre de renvoi du 9 mai 2024, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,

LEO HOUSAKOS

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Deacon (Ontario), la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

La Loi sur les parcs nationaux du Canada

Projet de loi modificatif—Présentation du onzième rapport du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles

L’honorable Josée Verner, vice-présidente du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, présente le rapport suivant :

Le jeudi 3 octobre 2024

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles a l’honneur de présenter son

ONZIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada, a, conformément à l’ordre de renvoi du mardi 1er octobre 2024, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La vice-présidente,

JOSÉE VERNER

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 3091.)

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 25 septembre 2024, le projet de loi est inscrit à l’ordre du jour pour la troisième lecture plus tard aujourd’hui.)

[Traduction]

Projet de loi sur l’assurance médicaments

Présentation du vingt-cinquième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

L’honorable Ratna Omidvar, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant :

Le jeudi 3 octobre 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l’honneur de présenter son

VINGT-CINQUIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments, a, conformément à l’ordre de renvoi du mardi 18 juin 2024, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,

RATNA OMIDVAR

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 3092.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Affaires étrangères et commerce international

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur l’étude des intérêts et de l’engagement du Canada en Afrique

L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le jeudi 26 octobre 2023, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international concernant son étude sur les intérêts et l’engagement du Canada en Afrique, et d’autres questions connexes soit reportée du 31 décembre 2024 au 31 mars 2025.

Le Sénat

Préavis de motion concernant les délibérations des comités pour le reste de la présente session

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, pour le reste de la présente session et nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, les comités établissent l’ordre de priorité de leurs travaux dans l’ordre suivant :

1.Affaires du gouvernement;

2.Projets de loi publics de la Chambre des communes;

3.Tout autre projet de loi, étude ou affaire renvoyée au comité.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté le 7 décembre 2021, je souhaite aviser le Sénat que la période des questions avec l’honorable Marc Miller, c.p., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, aura lieu le mardi 8 octobre 2024, à 16 heures.

(1430)

La Loi sur les parcs nationaux du Canada

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’honorable Karen Sorensen propose que le projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada, soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, je suis profondément touchée par la collaboration des deux Chambres du Parlement pour le bien de Jasper cette semaine.

Mardi, j’ai eu l’honneur de présenter le projet de loi C-76 dans cette enceinte. Ce projet de loi, qui modifie la Loi sur les parcs nationaux du Canada, confère à la municipalité de Jasper le pouvoir de gérer l’aménagement des terres et le développement à l’intérieur de ses limites. Le terrible feu de forêt qui a ravagé la ville cet été a tout changé. Comme 30 % de la superficie de la ville a été détruite, Jasper doit se reconstruire le plus rapidement possible.

Voilà pourquoi le gouvernement a pris des mesures décisives pour lancer ce transfert de responsabilités. Cette mesure a bénéficié d’un rare soutien multipartite, recevant le consentement unanime de l’autre endroit.

Je tiens à remercier sincèrement nos homologues élus et mes collègues au Sénat d’avoir accepté d’accélérer nos processus pour faire adopter cette exemption. Je suis également extrêmement reconnaissante aux membres du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles pour leurs questions perspicaces et leur étude réfléchie, et pour avoir gardé les habitants du Jasper au centre de leurs préoccupations.

Trois observations ont été ajoutées au cours des séances du comité. Deux d’entre elles soulignent la nécessité de poursuivre les consultations approfondies avec les Autochtones et l’obligation de les consulter, et la troisième reconnaît l’importance des mesures d’atténuation et de prévention. Je suis heureuse que nous ayons pu unir nos forces et faire avancer ce projet de loi indispensable.

Honorables collègues, Jasper est un endroit spécial pour tous les Canadiens, mais surtout pour les gens qui y vivent. Le maire et le conseil municipal de Jasper le comprennent et sont toujours prêts à travailler avec les experts de Parcs Canada pour atteindre un équilibre entre les besoins des visiteurs et des résidants et la nécessité de protéger la faune et de préserver la beauté naturelle du parc.

Dans le cadre de l’étude de ce projet de loi, j’ai entendu mes collègues dire qu’ils ont les mêmes préoccupations. Je tiens donc à répéter que ce projet de loi ne vise pas à autoriser la ville à se développer n’importe comment. Il n’a aucune incidence sur la compétence de Parcs Canada à l’égard du parc national Jasper. Il ne permet pas à la ville de s’étendre au-delà des limites actuelles ou de dépasser son plafond commercial. Parcs Canada continuera de travailler en étroite collaboration avec Jasper pour assurer les normes les plus rigoureuses en matière de conservation et de protection environnementale du parc.

Le ministre devra approuver le plan communautaire de Jasper, et Jasper sera assujettie à la loi provinciale de l’Alberta qui régit les municipalités. Une fois le processus terminé, on appliquera à Jasper le même système qui fonctionne merveilleusement bien dans ma ville, Banff, depuis plus de trois décennies.

Ce projet de loi propose des changements pleins de bon sens et d’une portée limitée qui aideront les gens de Jasper en cette période où ils en ont désespérément besoin.

Je vous remercie de votre attention et de votre soutien. Hiy hiy.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Éric Forest : Chers collègues, j’ai le plaisir de prendre la parole au sujet du projet de loi C-76, qui vise à donner à la municipalité de Jasper un plus grand contrôle sur l’aménagement du territoire.

En premier lieu, je veux souligner le travail et le leadership de notre collègue la sénatrice Sorensen dans ce dossier.

On se rappellera que cet été, plus de 25 000 personnes ont dû évacuer la municipalité de Jasper, dont ses 5 000 résidants, alors que les flammes ravageaient plus de 33 000 hectares.

Quand on assiste à une telle catastrophe, on se sent impuissant. On aimerait pouvoir aider. Chers collègues, nous avons une occasion en or de le faire avec ce projet de loi qui permettra à la communauté de Jasper de se relever et de participer pleinement au développement de son territoire.

En juillet 2022, la municipalité de Jasper a demandé à Parcs Canada d’envisager de modifier l’entente sur l’administration locale de Jasper de 2001, prévoyant la création d’une administration locale à Jasper afin d’élargir les services actuellement fournis par la municipalité dans les limites de la ville pour y inclure certaines responsabilités en matière d’aménagement et de développement du territoire.

Au début de 2023, en réponse à cette demande de la municipalité de Jasper, Parcs Canada a consulté les Canadiens à l’échelle locale, régionale et nationale ainsi que les Premières Nations afin d’établir un processus équitable et transparent sur la façon dont la collectivité du parc national de Jasper devrait être gérée et préservée dans l’avenir.

Au cours de ces consultations, la municipalité de Jasper a souligné la nécessité pour la communauté de participer au développement de son territoire.

La municipalité a également identifié le besoin d’une plus grande transparence, d’une clarté et d’une cohérence accrues dans les politiques et les processus de planification, d’une meilleure planification à long terme et d’une plus grande réactivité aux problèmes locaux.

C’est ce que l’on appelle le principe de subsidiarité : les décisions doivent être prises par l’ordre de gouvernement le plus proche des citoyens.

On voit bien qu’il est plus sain que les principales décisions soient prises par les élus de Jasper, plutôt que par la fonction publique à Ottawa. Les gens du monde municipal qui nous écoutent seront surpris d’apprendre, par exemple, que même les permis de construction ont été accordés par Parcs Canada plutôt que par la municipalité.

Concrètement, on espère que la simplification du modèle de gouvernance permettra d’améliorer les services de gestion du territoire actuellement offerts par Parcs Canada. Les résidants espèrent également qu’un accord éventuel permettra de mieux équilibrer les services destinés aux touristes et ceux destinés aux résidants.

Bien sûr, dans l’immédiat, on espère que le projet de loi C-76 facilitera l’élaboration de plans visant à aider les résidants et les entreprises à se rétablir et à se reconstruire après les dommages causés par l’incendie de juillet dernier, qui a détruit plus d’un tiers des maisons et des entreprises de la ville et anéanti plus de 800 unités résidentielles.

Un nouveau service d’urbanisme a déjà été mis en place dans la ville de Jasper à la suite de discussions avec Parcs Canada. Par l’intermédiaire de leur conseil local et des différents comités consultatifs de la ville, les habitants pourront participer directement au développement de leur région.

Il est important de comprendre que l’aménagement du territoire joue un rôle central dans le développement des communautés du XXIe siècle. Il influence directement la qualité de vie, l’efficacité économique et la durabilité environnementale. En planifiant de manière stratégique l’utilisation des terres, des infrastructures et des ressources, les communautés peuvent répondre aux besoins actuels tout en anticipant les défis futurs.

Premièrement, l’aménagement du territoire favorise une répartition équilibrée des zones résidentielles, commerciales et touristiques, soutient la création d’emplois locaux, réduit les inégalités régionales et améliore l’accès aux services essentiels, comme l’éducation, la santé et les transports.

Les choix en matière d’urbanisme et de transport influencent la productivité économique et le bien-être social.

Deuxièmement, l’aménagement du territoire est un levier essentiel pour la gestion durable des ressources naturelles et la protection de l’environnement.

En prenant en compte les risques liés au changement climatique, comme les incendies et la désertification, il permet de limiter les impacts négatifs de l’expansion urbaine et de préserver la biodiversité.

Grâce à des stratégies comme la densification douce et la promotion des énergies renouvelables, les collectivités peuvent limiter leur empreinte écologique tout en encourageant la croissance durable et la mobilité active.

Enfin, l’aménagement du territoire contribue à améliorer la cohésion et l’inclusion sociales. En concevant des espaces publics accessibles, sûrs et agréables, il favorise la mixité sociale et renforce le sentiment d’appartenance des habitants. Les espaces verts, les parcs et les centres communautaires sont autant de lieux qui favorisent les interactions sociales et améliorent la qualité de vie.

Cela dit, puisque j’ai assisté à plusieurs transferts de responsabilités du gouvernement fédéral vers les municipalités de l’Est-du-Québec, et pour faire écho aux préoccupations des citoyens exprimées lors des consultations publiques de 2023, je dois avouer que je ne peux m’empêcher de craindre que le transfert des responsabilités de Parcs Canada vers la municipalité de Jasper entraîne une augmentation des coûts qui aura un impact direct sur les taxes foncières des habitants et des propriétaires d’entreprises.

Comme nous le savons tous, la municipalité de Jasper est confrontée à une situation budgétaire très précaire en raison de la montée en flèche de ses coûts et de l’incendie qui a réduit à néant une grande partie de ses recettes fiscales.

Je suis convaincu que les élus locaux ont fait preuve de diligence et qu’ils obtiendront les garanties nécessaires avant de parvenir à un accord final.

Pour conclure, je voudrais présenter mes meilleurs vœux aux habitants et aux autorités locales et leur souhaiter de traverser cette épreuve, tout en étant convaincu qu’ils construiront une communauté solidaire. L’incendie de l’été 2024 est une tragédie, mais c’est aussi une opportunité.

J’espère que les nouveaux pouvoirs que le projet de loi C-76 donnera à la collectivité permettront de concevoir un cadre de vie mieux adapté aux besoins des habitants du quartier. Merci.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

(1440)

[Traduction]

Projet de loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial

Vingt-cinquième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Cotter, appuyée par l’honorable sénateur Woo, tendant à l’adoption du vingt-cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi S-15, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, avec des amendements et des observations), présenté au Sénat le 20 juin 2024.

L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, en tant que parrain du projet de loi S-15 d’initiative ministérielle, je prends la parole pour soutenir l’excellent rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles sur cette mesure législative, qui comprend des amendements importants et des observations.

Comme vous le savez, ce projet de loi propose une protection juridique pour les éléphants et les grands singes en captivité. Grâce aux amendements proposés dans le rapport, le projet de loi peut également fournir un mécanisme pour protéger davantage d’espèces sauvages au fil du temps, comme les grands félins, ainsi que la sécurité publique.

Avant de passer au rapport, rappelons que le projet de loi S-15 répond au mandat électoral que les Canadiens ont accordé au gouvernement, qui consiste à protéger la faune sauvage en captivité en s’appuyant sur les lois canadiennes de 2019 relatives à la captivité des baleines et des dauphins. Le projet de loi bénéficie du soutien de Jane Goodall — qui nous a rendu visite au printemps — et d’une coalition de 10 grands zoos canadiens et organismes de protection des animaux.

Le projet de loi S-15 exige une licence pour l’acquisition, la reproduction, l’importation ou l’exportation d’éléphants et de grands singes, mais seulement à des fins de conservation ou de recherche scientifique ou bien si c’est dans leur intérêt. À l’heure actuelle, les 25 éléphants et les 30 grands singes qui se trouvent en captivité à quatre endroits au Canada seront tous protégés par des droits acquis.

Le projet de loi vise à mettre fin à la reproduction commerciale et à la vente d’éléphants au Canada, y compris à la séparation cruelle des couples mère-fille, qui restent normalement unis pour la vie. Il empêchera également la répétition de situations tristes comme celle de Lucy, l’éléphante solitaire d’Edmonton, tout en permettant des transferts vers des refuges situés dans un climat plus chaud, si cela s’avère nécessaire.

De plus, le projet de loi S-15 empêcherait l’importation des plus proches parents vivants de l’humanité — les grands singes, ce qui inclut les chimpanzés, les gorilles, les orangs-outans et les bonobos — dans de petits zoos privés ou en tant qu’animaux de compagnie exotiques. Enfin, il interdirait l’utilisation de ces espèces dans des spectacles de divertissement, tels que les spectacles de cirque avec des éléphants qui ont eu lieu en Ontario.

Passons au rapport du Comité des affaires juridiques. Sur une période de trois mois, nous avons tenu 12 réunions et entendu 45 témoins, dont le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, ainsi que des scientifiques, des organisations non gouvernementales, des zoos, des sanctuaires et des professeurs de droit.

Nous avons également reçu 22 mémoires.

Aujourd’hui, je vais d’abord parler des preuves scientifiques et juridiques que le comité a reçues, puis des amendements présentés dans le rapport et, enfin, des observations du comité.

Tout d’abord, penchons-nous sur les preuves scientifiques et juridiques en lien avec le projet de loi S-15. Le comité a reçu des preuves concluantes de la part de scientifiques indépendants indiquant que la captivité est un risque de cruauté pour les éléphants et les grands singes, et que ce projet de loi est nécessaire pour protéger ces êtres qui ont une conscience de soi, qui ressentent des émotions et qui sont très sociaux.

Par exemple, le neuroscientifique Bob Jacobs nous a dit que les environnements pauvres et le stress chronique en captivité peuvent causer des lésions cérébrales, entraîner des comportements anormaux et compromettre les systèmes immunitaires chez les éléphants, les grands singes, les grands félins et d’autres espèces sauvages. Il a dit ce qui suit à propos des éléphants : « À tous les égards, cela équivaut à forcer un être humain à vivre toute sa vie dans une salle de bains. »

Le comité s’est penché sur des préoccupations propres au Canada, comme le fait de garder les éléphants à l’intérieur en hiver, de séparer les paires d’éléphants mère-fille et d’utiliser des crochets pour contrôler les éléphants par la douleur et la peur.

Pour ce qui est des données scientifiques concernant les éléphants, le comité a entendu les témoignages en faveur du projet de loi de Keith Lindsay et de Jan Schmidt-Burbach, et il a reçu des mémoires en faveur du projet de loi de la part de M. Jacobs et de 24 experts des éléphants.

Pour ce qui est des données scientifiques concernant les grands singes, le comité a entendu les témoignages en faveur du projet de loi de Lori Marino et de Mary Lee Jensvold. En ce qui concerne les détails juridiques du projet de loi S-15, les témoignages présentés au comité ont confirmé que la compétence fédérale inclut le droit pénal et le droit commercial international pour empêcher la cruauté envers les animaux ou protéger la sécurité publique.

Sur ce point, j’invite mes collègues à examiner le témoignage des professeures Angela Fernandez et Jodi Lazare ainsi que leur mémoire signé par quatre autres professeures de droit.

Les témoignages scientifiques et juridiques présentés au Comité des affaires juridiques étaient exhaustifs et déterminants. La captivité des animaux sauvages, comme les éléphants et les grands singes, peut être une forme de cruauté, et le projet de loi S-15 relève de la compétence du gouvernement fédéral.

Je passe maintenant aux amendements contenus dans le rapport sur le projet de loi S-15.

Premièrement, le comité a adopté un amendement de la sénatrice Clement visant à interdire les promenades à dos d’éléphant. Pour mettre les choses en contexte, African Lion Safari, près d’Hamilton, offrait des promenades à dos d’éléphant. En 2019, un cornac a été victime d’une attaque et a été grièvement blessé. L’Association of Zoos and Aquariums, un organisme américain d’accréditation, a mis fin aux promenades à dos d’éléphant dans ses organisations membres en 2011. Aquariums et zoos accrédités du Canada a fait de même en 2021. Cet amendement donnera valeur légale à cette politique au Canada.

Deuxièmement, le comité a adopté une série d’amendements de la sénatrice Clement qui changent l’un des trois motifs justifiant l’octroi d’une licence afin de remplacer « recherche scientifique » par « recherche scientifique pour la conservation ». Ces amendements ont été apportés à la demande de l’Institut Jane Goodall du Canada et de neuf des plus grands zoos du Canada et ONG qui défendent le bien-être des animaux. L’objectif de ces amendements était de supprimer une échappatoire possible qui aurait permis d’importer des éléphants et d’en faire l’élevage ou de les exporter pour des motifs scientifiques ténus qui ne présentent pas d’avantage pour la conservation de l’espèce.

D’ailleurs, des témoins ont dit au comité que les éléphants en captivité en Amérique du Nord et la recherche scientifique qui y est associée n’ont pas de valeur importante du point de vue de la conservation. Cet amendement permettra une meilleure protection des éléphants en captivité, notamment en augmentant les chances que les mères et les filles restent en ensemble, puisqu’on sait maintenant que leur séparation est cruelle et contre nature.

Troisièmement, le comité a adopté une définition en termes simples de « grand singe », qui nomme les espèces concernées, conformément à la proposition de la sénatrice Batters. Ce changement rend la loi plus facile à comprendre, ce qui est une bonne chose.

Quatrièmement, le comité a adopté un amendement de la sénatrice Simons qui porte sur la détermination de la peine pour les infractions concernant des animaux en captivité. En plus de prévoir une amende et une déclaration de culpabilité par procédure sommaire pour reproduction ou spectacle illégaux, l’amendement de la sénatrice Simons encourage les juges à ordonner des conditions pour protéger les animaux concernés ou à les relocaliser dans de meilleurs endroits aux frais du contrevenant. Une telle mesure aurait pu encourager la Couronne de l’Ontario à donner suite aux accusations portées par la police de Niagara en 2021 contre Marineland pour des spectacles de dauphins qui auraient été illégaux. Kaitlyn Mitchell, avocate pour Animal Justice, nous a dit que Marineland semble avoir été en mesure de faire fi de cette loi.

Cinquièmement, en tant que parrain du projet de loi et sénateur indépendant qui travaille sur ce sujet depuis plusieurs années, j’ai proposé une série d’amendements connue sous le nom de « disposition de Noé », qui a été adoptée par le comité. Cette mesure, qui a été nommée d’après l’arche de Noé par l’honorable sénateur Murray Sinclair, prévoit un mécanisme qui permettra au Cabinet fédéral éventuellement de désigner, par décret, d’autres espèces sauvages bénéficiant des mêmes protections juridiques que les éléphants et les grands singes.

L’ajout de la « disposition de Noé » avait été demandé...

Recours au Règlement—Report de la décision de la présidence

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Votre Honneur, j’invoque le Règlement. Jusqu’à présent, le sénateur Klyne a parlé de la portée et de l’objet du projet de loi. Aujourd’hui, il s’est écarté du sujet en disant qu’il fallait inclure dans le projet de loi tous les animaux que Noé avait fait monter à bord de son arche, alors que, bien sûr, ce n’est pas l’objet du projet de loi.

Je pense que c’est le bon moment pour parler de mon recours au Règlement concernant le projet de loi S-15, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial.

Votre Honneur, j’affiche un optimisme prudent et j’espère que, cette fois-ci, la décision prise par le Sénat reposera sur des faits et des règles. J’ai parfois l’impression que les décisions que nous prenons au Sénat sont comme la tour de Pise : elles penchent toujours légèrement dans la même direction.

Votre Honneur, j’estime qu’il faut s’appuyer sur nos précédents, même si certains pensent que Justin Trudeau a créé un nouveau Sénat, effaçant 150 ans d’histoire. Votre Honneur, chers collègues, le caucus conservateur continuera de présenter des motions et d’invoquer le Règlement en se fondant sur la Constitution du Canada, ainsi que sur le Règlement du Sénat du Canada.

Hier, j’ai été surpris qu’autant de collègues me disent que j’avais raison d’invoquer le Règlement pour dire que, comme le projet de loi a besoin d’une recommandation royale, il devrait donc émaner de l’autre endroit.

Un sénateur m’a dit que j’avais réussi un coup de circuit. C’est ce qu’il a dit : j’ai réussi un coup de maître. Or, hier, il a voté contre ce coup de circuit. D’une façon ou d’une autre, il est parti bien loin dans le champ gauche et a ramené la balle sur le terrain. J’ai trouvé cela très étrange.

(1450)

Néanmoins, chers collègues, ces questions ne servent pas à gagner un concours de popularité. Elles portent sur l’application des précédents et des règles.

Mon recours au Règlement porte sur l’amendement apporté par le Comité sénatorial permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles lors de son examen du projet de loi, que le sénateur Klyne vient d’aborder. L’amendement dont je parle a été proposé, en effet, par le sénateur Klyne, et il l’a déjà nommé correctement « disposition de Noé ». Bien que l’amendement soit beaucoup trop long pour être lu aux fins du compte rendu, je ferai de mon mieux pour le résumer en citant une partie du témoignage du sénateur Klyne devant le comité.

Lorsqu’il a présenté l’amendement, le sénateur Klyne a dit ceci :

La première partie de la « disposition de Noé » établirait dans le Code criminel un pouvoir exécutif pour que le Cabinet fédéral protège, par décret, d’autres espèces sauvages en captivité afin de prévenir la cruauté envers les animaux et de protéger la sécurité publique. Si une espèce sauvage était protégée de cette manière, comme les lions ou les tigres, le même cadre juridique prévu pour les éléphants et les grands singes s’appliquerait.

Pourtant, le projet de loi porte sur les éléphants et les grands singes. Le sénateur Klyne a ajouté :

Pour prévenir la cruauté envers les animaux et protéger la sécurité publique, le gouverneur en conseil doit évaluer si l’espèce peut survivre en captivité selon des facteurs comme le comportement naturel, les caractéristiques et les besoins pertinents, les données qui font état de torts causés en captivité, et le risque pour la sécurité publique.

Votre Honneur, à mon avis, même s’il part d’une bonne intention, cet amendement est irrecevable car il dépasse la portée du projet de loi telle qu’elle a été approuvée par le Sénat à l’étape de la deuxième lecture, comme je vais le démontrer.

Voici ce qu’on peut lire dans une publication de la Chambre des communes sur l’amendement des projets de loi aux étapes du comité et du rapport :

La deuxième lecture et le renvoi à un comité sont proposés dans une motion sujette à un débat portant sur les principes généraux du projet de loi. Une fois que la motion a été adoptée, les principes et la portée du projet de loi sont établis.

Le 9 décembre 2009, le Président Kinsella a noté ceci :

[...] tout amendement proposé en comité doit respecter le principe et la portée du projet de loi et être pertinent. En général, on considère que le principe d’un projet de loi est l’idée qui le sous-tend. La portée du projet de loi correspond aux paramètres fixés par le projet de loi pour atteindre les buts ou objectifs visés, ou aux mécanismes généraux envisagés pour parvenir aux fins voulues.

Enfin, la pertinence concerne la mesure dans laquelle un amendement se rapporte à la portée ou au principe du projet de loi à l’étude. Un amendement doit respecter le principe du projet de loi visé, cadrer avec sa portée et être pertinent.

Votre Honneur, l’amendement du sénateur Klyne respecte le principe du projet de loi et il est conforme à l’intention sous-jacente de ce dernier. Toutefois, l’amendement n’entre pas dans la portée du projet de loi et il élargit considérablement les paramètres fixés par le projet de loi pour atteindre les buts et objectifs définis. Il est important de garder à l’esprit la différence entre ces deux éléments.

Au comité, le sénateur Klyne a présenté de nombreux arguments contre mon recours au Règlement, mais ceux-ci portaient essentiellement sur le principe du projet de loi et non sur sa portée. La portée est clairement établie dans tout le projet de loi, comme en fait foi le sommaire, qui se lit comme suit :

Le texte modifie le Code criminel afin de créer des infractions concernant la captivité des éléphants et des grands singes, sous réserve de certaines exceptions. Il modifie également la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial afin, notamment, de préciser les circonstances dans lesquelles l’importation et l’exportation des éléphants et des grands singes vivants peuvent être permises et leur captivité peut être autorisée.

Comme indiqué dans le sommaire, les paramètres établis par le projet de loi pour atteindre ses objectifs sont clairs. Le projet de loi crée des infractions concernant la captivité des éléphants et des grands singes, sous réserve de certaines exceptions. Le principe du projet de loi est de protéger les animaux en captivité, tandis que sa portée se limite expressément aux espèces identifiées.

Lors de son discours à l’étape de la deuxième lecture, le sénateur Gold, le représentant du gouvernement, l’a confirmé lorsqu’il a dit :

Honorables collègues, le projet de loi S-15 propose une approche plus ciblée que le projet de loi S-241, qui a été présenté au Sénat en mars 2022, en se concentrant uniquement sur l’élimination progressive de la mise en captivité des éléphants et des grands singes au Canada.

Je répète : « […] en se concentrant uniquement sur l’élimination progressive de la mise en captivité des éléphants et des grands singes au Canada. » C’est tout. On n’envisage nulle part dans le projet de loi S-15 d’élargir les interdictions pour inclure d’autres espèces.

Le sénateur Klyne a fait valoir au comité que le fait d’ajouter d’autres espèces dans la loi n’élargit pas la portée du projet de loi parce que, dans son discours à l’étape de la deuxième lecture, il a invité le comité à envisager des amendements faisant expressément référence à la possibilité d’ajouter une « disposition de Noé ». Le sénateur Klyne dit que si c’est lui qui le propose, alors c’est correct.

Il a également fait valoir que le ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada a affirmé sa volonté d’envisager des amendements au projet de loi, ce qui, selon le sénateur Klyne, signifie que son amendement s’inscrit dans la portée du projet de loi.

Pour être franc, Votre Honneur, cet argument n’est pas raisonnable. Le fait que le parrain du projet de loi et le ministre se disent ouverts à de possibles amendements ne modifie ni ne redéfinit en rien la portée du projet de loi. Cette portée est définie par le contenu de la mesure législative elle-même et non par un commentaire de son parrain, clairement inspiré par son désir de faire du projet de loi S-15 ce qu’était le projet de loi S-241.

En outre, le simple fait d’accueillir favorablement l’idée que le comité examine des amendements ne rend pas ces amendements automatiquement recevables ou valables du point de vue de la procédure, comme par magie. Tout amendement présenté à un comité doit respecter la portée du projet de loi, ce qui n’est pas le cas ici.

Au comité, le sénateur Klyne a également fait valoir que son amendement était recevable parce que le Sénat a une grande latitude pour ce qui est d’apporter des amendements qui modifient la portée d’une mesure, au point de pouvoir amender un projet de loi de manière si radicale que lorsqu’il revient au Sénat, il s’agit, en substance, d’une mesure différente de celle qui avait été renvoyée au comité. Voici toutefois ce que dit La procédure du Sénat en pratique :

[...] il est possible de modifier substantiellement un projet de loi en comité, à condition que le texte continue de respecter la décision prise par le Sénat à la deuxième lecture [...]

Il n’y a aucune ambiguïté, Votre Honneur. Aucune. Les paramètres sont clairs. Les amendements sont autorisés et peuvent être considérables. Cependant, ils doivent respecter le principe et la portée du projet de loi tel qu’il a été approuvé par le Sénat à l’étape de la deuxième lecture. L’amendement du sénateur Klyne respecte le principe du projet de loi, qui est de protéger les animaux en captivité, mais il fait exploser la portée du projet de loi, qui était limitée spécifiquement aux deux espèces identifiées.

Ce qu’il faut comprendre, Votre Honneur, ce sont les raisons pour lesquelles le projet de loi S-15 a été limité à deux espèces. Cela permet de mieux comprendre la portée du projet de loi.

Selon le gouvernement, le projet de loi S-15 a été limité à la protection des éléphants et des grands singes en raison des preuves scientifiques qui, aux dires du gouvernement, démontrent que la mise en captivité de ces animaux est intrinsèquement cruelle. Le gouvernement affirme qu’en raison des caractéristiques biologiques et sociales spécifiques des éléphants et des grands singes, telles que leur taille et leurs structures sociales complexes, la captivité est particulièrement néfaste au point d’être qualifiée de cruauté.

Votre Honneur, je ne suis pas du tout d’accord avec cette conclusion. Il est néanmoins clair comme de l’eau de roche que c’est ce qui constitue la justification et les paramètres pour lesquels ces espèces — et seulement ces espèces — ont été incluses dans le projet de loi S-15 : le gouvernement estime que, du point de vue de la science, il est cruel de garder des éléphants et des grands singes en captivité, à quelques exceptions près. Le problème pour le sénateur Klyne, c’est que la science ne dit pas la même chose pour les autres espèces.

(1500)

Cela a été confirmé au comité lorsque la sénatrice Simons a demandé au ministre pourquoi le projet de loi n’incluait que les éléphants et les grands singes. Le ministre Guilbeault a répondu : « [...] nous avons décidé, à ce stade, de n’inclure que les éléphants et les grands singes en nous fondant sur la littérature scientifique [...] »

Il a poursuivi ainsi :

[...] l’ensemble des données probantes indiquent que le fait de garder ces animaux en captivité équivaut à de la cruauté, d’après certains critères dont j’ai parlé.

Voilà ce qu’a dit le ministre. Lors de la séance d’information à laquelle j’ai eu droit à titre de porte-parole sur le projet de loi S-15, j’ai posé une question similaire au cabinet du ministre, et on m’a répondu ce qui suit :

La décision du gouvernement fédéral de proposer de protéger les éléphants et les grands singes dans le cadre de ce projet de loi repose sur une combinaison de facteurs fondés sur des preuves scientifiques.

Un document de quatre pages, intitulé Facteurs justifiant que les éléphants et les grands singes ne soient pas gardés en captivité au Canada, était inclus dans le courriel.

Ce document résumait les données scientifiques auxquelles le gouvernement se référait.

Votre Honneur, le gouvernement soutient qu’il s’appuie sur des données scientifiques pour justifier l’application de ces mesures législatives aux éléphants et aux grands singes, mais il ne croit pas que ce genre de données existent pour d’autres espèces. C’est pour cela qu’on a limité la portée des mesures législatives aux éléphants et aux grands singes.

La deuxième raison pour laquelle la portée du projet de loi se limite précisément aux éléphants et aux grands singes est de nature constitutionnelle. La Constitution nous oblige à tenir compte des champs de compétence qui ont été clairement définis par le sénateur Gold et le ministre. Dans son discours à l’étape de la deuxième lecture, le leader du gouvernement au Sénat, le sénateur Gold, a dit ceci :

Les provinces et les territoires sont les premiers responsables d’assurer le bien-être des animaux, et le gouvernement fédéral reconnaît le rôle important que jouent de nombreuses provinces dans la réglementation visant les animaux en captivité.

Il a ajouté ceci :

[L]e gouvernement du Canada s’est engagé à collaborer avec les provinces, les territoires et les intervenants et à tenir une discussion pour établir s’il y a lieu d’adopter une stratégie nationale pour assurer le bien-être des animaux et protéger le public des animaux sauvages en captivité en tenant compte des responsabilités fédérales et provinciales actuelles et des pratiques exemplaires.

Lorsqu’il a comparu devant le comité, le ministre de l’Environnement a fait écho aux propos du sénateur Gold en disant ceci :

Comme vous le savez peut-être, la compétence sur les animaux en captivité est partagée entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Les provinces et les territoires canadiens sont les principaux responsables de la réglementation des zoos et de la protection du bien-être des animaux. Toutes les provinces et tous les territoires ont des lois sur la protection des animaux, et la plupart réglementent la captivité d’animaux sauvages par des particuliers et des zoos, y compris en établissant des normes pour leurs soins. Les lois criminelles fédérales qui protègent les animaux mettent principalement l’accent sur la prévention de la cruauté envers les animaux. C’est exactement ce que vise le projet de loi S-15.

Voilà ce qu’a dit le ministre Guilbeault.

Votre Honneur, le ministre a été très clair sur trois points : premièrement, le projet de loi ne devait pas traiter du bien-être des animaux, puisqu’il s’agit d’une compétence provinciale.

Deuxièmement, avant de déterminer si la mesure législative peut aller au-delà de ces deux espèces, des consultations avec les provinces seraient nécessaires.

Troisièmement, c’est la question de la « cruauté » envers les animaux qui a constitué le lien entre les compétences fédérales et provinciales et leur a donné la possibilité de légiférer sur les animaux en captivité.

Il est essentiel de comprendre que le gouvernement ne peut pas ajouter ce qu’il veut au Code criminel. La publication de la Bibliothèque du Parlement intitulée Le partage des compétences législatives : un aperçu aborde cette question. On peut y lire : « Tout ce qui concerne les lois criminelles relève de la compétence exclusive du Parlement du Canada en vertu du paragraphe 91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867. »

Ce document de la Bibliothèque du Parlement définit ensuite les paramètres de cette compétence, en notant ce qui suit :

[...] pour être considérée comme un exercice valide des compétences du Parlement en matière de droit pénal, la loi fédérale doit :

avoir un objectif de droit criminel valide, comme la paix publique, l’ordre, la sécurité, la santé ou la moralité;

être soutenue par une interdiction;

être assortie d’une sanction en cas de violation.

Pour être valide en matière de droit pénal, la loi doit respecter ces trois conditions.

Par conséquent, pour tenter de rester dans le cadre constitutionnel, le projet de loi S-15 a été intentionnellement rédigé pour cibler la question de la « cruauté » envers les animaux, qui est définie de manière très étroite dans le droit pénal et qui relève de l’objectif de protection de la moralité.

Tel qu’il a été adopté à l’étape de la deuxième lecture, le projet de loi ne touchait pas au bien-être animal ou à la sécurité publique. La portée du projet de loi se limitait à l’objectif de droit criminel de protéger la moralité en empêchant la cruauté.

Lors de son témoignage au comité, les observations du ministre Guilbeault ont souligné ce fait :

L’approche adoptée en vertu du projet de loi S-15 pour protéger les éléphants et les grands singes suit une approche semblable au régime existant, qui interdit la captivité des baleines et des dauphins au Canada. En 2019, le Parlement a interdit la captivité des cétacés au motif qu’elle est cruelle en raison de leurs capacités cognitives élevées, de leur structure sociale et des effets physiques et mentaux néfastes de la captivité sur ces créatures.

Le 20 février dernier, j’ai envoyé au bureau du ministre un courriel sur l’objectif de droit criminel du projet de loi S-15. J’y ai posé la question suivante :

Le gouvernement [...] est-il d’avis que l’objectif de droit criminel valide du projet de loi S-15 est à la fois la sécurité et la moralité, ou seulement la moralité?

Le cabinet du ministre a répondu :

L’objectif des modifications que le projet de loi S-15 propose d’apporter au Code criminel est d’éliminer progressivement la captivité des éléphants et des grands singes au Canada, en partant du principe qu’il est cruel et moralement répréhensible de maintenir ces animaux en captivité, compte tenu de leurs caractéristiques inhérentes et des expériences négatives qu’ils ont vécues en captivité.

[...] Quoique la sûreté ou la sécurité publique soient des objectifs de droit criminel valides, le projet de loi se concentre sur les questions de moralité et de cruauté que pose la captivité des éléphants et des grands singes. Le préambule ne mentionne pas la sûreté ou la sécurité publique, et aucune des dispositions du projet de loi ne traite de ces questions.

Il s’agit d’une citation directe du cabinet du ministre.

Votre Honneur, le ministre est très clair sur cette question. Les paramètres qui circonscrivent le champ d’application du projet de loi ne sont ni flous ni accidentels. Ils sont très clairs et d’une importance cruciale pour sa constitutionnalité. Voilà pourquoi je trouve surprenant que le sénateur Klyne, lorsqu’il a présenté son amendement, n’ait fait aucun effort pour cacher le fait qu’il enfreignait ces paramètres. Lorsqu’il a présenté son amendement, il a indiqué à trois reprises que l’objectif de l’amendement était de « garantir la sécurité publique ».

Votre Honneur, je comprends que le sénateur Klyne aimerait que le projet de loi S-15 englobe une plus grande partie de ce que proposait le projet de loi S-241. D’ailleurs, il l’a dit au Sénat. Il ne s’en cache pas. Cependant, le gouvernement a délibérément rejeté cette option en n’incluant que les éléphants et les grands singes. Le gouvernement savait pertinemment ce que souhaitait le sénateur Klyne, mais ce dernier n’a pas obtenu ce qu’il souhaitait. Il a demandé au gouvernement de présenter un projet de loi, et celui-ci a présenté un projet de loi qui n’incluait pas tout ce que prévoyait le projet de loi S-241. Le gouvernement en a volontairement limité le champ d’application à ce qui, selon lui, résisterait à une éventuelle contestation de sa constitutionnalité. Encore une fois, c’est ce que le sénateur Gold a démontré dans son discours à l’étape de la deuxième lecture quand il a affirmé ceci.

Le projet de loi S-15 a été rédigé avec soin afin de répondre à de nombreuses préoccupations qui ont été soulevées dans le cadre du débat sur le projet de loi S-241, à savoir la question de la compétence constitutionnelle […]

(1510)

Votre Honneur, ces points suffisent à prouver que l’amendement en question — la « disposition de Noé » — est complètement irrecevable. Si l’on considère que le principe du projet de loi est son objet sous-jacent, qui est d’offrir une plus grande protection aux animaux en captivité, et que la portée du projet de loi se trouve dans les paramètres qu’il fixe pour atteindre ses buts et ses objectifs, il est clair que cet amendement dépasse la portée du projet de loi et qu’il est donc irrecevable.

Mon intervention tire à sa fin, Votre Honneur. Cependant, je dois attirer votre attention sur deux points supplémentaires qui illustrent davantage la façon dont cet amendement a modifié la portée du projet de loi.

Premièrement, l’amendement modifie la portée du projet de loi parce que, tel qu’il a été rédigé et adopté à l’étape de la deuxième lecture, il portait sur seulement deux espèces exotiques qui ne sont pas originaires du Canada. L’amendement du sénateur Klyne modifie radicalement la portée du projet de loi en y incluant toutes les espèces animales non domestiques, y compris celles originaires du Canada, à part si elles servent à la production alimentaire.

Indépendamment du nombre phénoménal d’espèces auxquelles ce projet de loi serait désormais applicable, on voit bien les grandes questions constitutionnelles que cet amendement soulèverait. Selon la Constitution, la responsabilité des animaux sauvages indigènes au Canada incombe aux provinces, parce qu’elle relève des ministères des Ressources naturelles. Adopter un amendement qui donne au gouvernement fédéral le droit d’interdire la captivité de ces espèces, c’est indéniablement empiéter sur les compétences provinciales.

Dans le cadre du projet de loi S-241, le sénateur Klyne s’est fait le champion de l’inclusion de ces espèces en affirmant qu’elle relevait de la compétence fédérale, dans le cadre de la sécurité publique. Cependant, je souligne encore une fois que le ministre de l’Environnement et du Changement climatique a dit clairement que, dans le cas du projet de loi S-15, le Parlement ne légiférait pas dans une perspective de sécurité publique.

Je ne vous demande pas, Votre Honneur, de vous prononcer sur des questions constitutionnelles. Je fais simplement remarquer que cet amendement a changé radicalement la portée du projet de loi S-15. Le fait est que, même s’il n’était pas inconstitutionnel pour le gouvernement fédéral de légiférer sur la captivité des animaux sauvages indigènes au Canada, l’amendement dépasserait quand même la portée du projet de loi, parce que le projet de loi initial qui a été adopté à l’étape de la deuxième lecture ne prévoyait pas une telle portée.

Le deuxième point que je dois soumettre à votre attention, c’est le fait que, avec cet amendement, le projet de loi S-15 risque maintenant de cibler les animaux de ferme également. Le sénateur Klyne a inclus une exemption visant à éviter que les espèces servant à la production alimentaire soient désignées, mais cela n’englobe pas les animaux élevés pour leur fourrure ou pour la laine, comme le vison, le renard ou l’alpaga. Cette préoccupation a été soulevée par l’Institut de la fourrure du Canada dans une lettre envoyée au président du comité après l’ajout de la « disposition de Noé ». On peut lire ce qui suit dans la lettre :

Le projet de loi S-15, dans sa première mouture, avait une portée très étroite et visait spécifiquement les grands singes et les éléphants. L’amendement proposé par le sénateur Klyne élargit cette portée et risque, potentiellement, d’englober tout animal « non domestique », à l’exception des espèces servant à la production alimentaire.

Le fait que l’exemption précise que *seuls* les espèces servant à la production alimentaire sont couvertes, plutôt que l’ensemble des animaux d’élevage, est une indication claire que l’intention du sénateur Klyne et des groupes qui appuient la « clause de Noé » est d’ouvrir la porte à l’interdiction de l’élevage d’animaux pour leur fourrure.

Le fait que cet amendement ouvre la porte à ce type d’interdiction est indéniable et cela montre l’ampleur du changement de la portée du projet de loi S-15.

En terminant, Votre Honneur, je veux souligner qu’on a reconnu à de multiples occasions, au comité, que cet amendement élargissait la portée du projet de loi, avant et après que la présidence ait accueilli l’amendement. La présidence l’a accueilli sans en tenir compte.

Pendant le débat au comité, j’ai demandé à Mme Stephanie Lane, directrice exécutive, Gouvernance législative, à Environnement et Changement climatique Canada, si le changement proposé élargirait la portée du projet de loi. Voici ce qu’elle a répondu :

Je dirais qu’il modifie la portée du projet de loi en ce sens qu’il permet d’ajouter d’autres espèces, dont certaines sont des espèces canadiennes.

Elle est une représentante du gouvernement, Votre Honneur.

La sénatrice Simons, qui s’est prononcée contre l’amendement, a justifié son vote en disant que, selon elle, l’amendement dépassait la portée du projet de loi. Elle a dit : « Je n’étais pas certaine que l’amendement entrait dans le champ d’application, et j’ai donc voté en conséquence. »

Même le sénateur Dalphond, qui a voté pour l’amendement, a plus tard reconnu qu’il avait « élargi la portée du projet de loi ».

C’est aussi ce qu’ont confirmé les principaux intéressés, alarmés par le fait qu’on avait considérablement élargi la portée du projet de loi. Comme je l’ai dit plus tôt, l’Institut de la fourrure a immédiatement écrit ceci au comité :

L’introduction de la clause de Noé inquiète profondément l’Institut de la fourrure du Canada et le secteur de la fourrure [...] Étant donné que le projet de loi S-15, dans sa forme initiale, portait uniquement sur les grands singes et les éléphants, nous ne nous sentions pas concernés et nous n’avons donc pas cherché à témoigner ou à présenter un mémoire au comité [...]

Nous implorons le comité de ne pas adopter cet amendement [...]

Votre Honneur, la demande de cet organisme a été ignorée par le comité, mais ses observations n’en sont pas moins très valables : dans sa forme originale, le projet de loi S-15 avait une portée très étroite, qui a été considérablement modifiée par l’amendement sans que les parties prenantes en soient averties.

Votre Honneur, je pense qu’il s’agit d’une affaire très simple. Si l’on considère que le principe du projet de loi correspond à son intention sous-jacente, qui est de mieux protéger les animaux en captivité, et que la portée du projet de loi correspond aux paramètres qu’il fixe pour atteindre ses buts et objectifs, il est clair, Votre Honneur, que l’amendement « disposition de Noé » a considérablement modifié cette portée et devrait être jugé irrecevable.

Je vous demande respectueusement de déclarer cette partie irrecevable. Merci, Votre Honneur.

L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, j’ai quelques observations à formuler pour appuyer le recours au Règlement du sénateur Plett à ce sujet, étant donné que j’ai participé à toutes ces réunions du Comité des affaires juridiques. Parmi toutes les réunions qui ont porté sur le projet de loi S-15 dont a parlé le sénateur Klyne, six d’entre elles, il me semble, ont été consacrées exclusivement à l’étude article par article. Je crois que c’était 6 réunions sur 12, ou quelque chose comme ça.

Votre Honneur, le gouvernement a choisi le sénateur Klyne pour être le parrain d’un projet de loi d’initiative ministérielle. Afin de donner une idée du contexte à mes collègues, aussitôt que nous avons commencé notre première séance consacrée à l’étude article par article, le sénateur Klyne a présenté un amendement de six pages à un projet de loi qui n’en comptait guère plus.

L’énorme amendement du sénateur Klyne considère le projet de loi S-15, qui porte uniquement sur les éléphants et les grands singes, comme une simple coquille. J’estime qu’il s’agit d’un usage abusif d’un amendement. Même le leader du gouvernement n’était pas prêt à confirmer que le gouvernement appuierait l’énorme amendement au projet de loi d’initiative ministérielle présenté par le parrain qu’il a choisi.

Étant donné que le sénateur Gold siégeait au comité ce jour-là, je lui ai demandé s’il appuyait l’amendement. Étonnamment, il a répondu qu’il s’abstenait de répondre et que : « le gouvernement n’avait pas pris position à ce sujet ». Plusieurs mois plus tard, le gouvernement n’a toujours pas pris position à ce sujet.

Il ne faut pas oublier que si le projet de loi, une fois adopté, donnera au Parlement la capacité de s’occuper de la question des éléphants et des grands singes, l’amendement relatif à la « disposition de Noé », lui, donnera au Cabinet, pas au Parlement, la capacité d’ajouter à peu près n’importe quelle espèce animale au moyen d’un décret. Cet élément important fait également en sorte que l’amendement massif dont nous parlons est irrecevable à mon avis.

Le fait d’inclure la « disposition de Noé » dans le projet de loi S-15 et le fait que ce dernier ne comporte pas de définition du terme « captivité » — pas de superficie, rien d’autre que le fait qu’une personne possède un animal — pourraient avoir de graves conséquences imprévues. Encore une fois, le résultat pourrait être qu’un nombre considérable d’espèces seraient visées par le projet de loi.

Par ailleurs, le sénateur Klyne a mentionné plus tôt l’amendement au projet de loi S-15 de la sénatrice Clement interdisant les promenades à dos d’éléphant. Or, dans les faits, l’amendement de la sénatrice Clement a été proposé après que le Comité des affaires juridiques ait adopté à l’unanimité la « disposition de Noé » proposée par le sénateur Klyne. Comme je l’ai souligné au comité, en fonction des espèces que le Cabinet décide d’ajouter à la liste d’espèces ayant besoin d’être protégées, cela pourrait signifier que ces promenades et moyens de transport mentionnés dans l’amendement de la sénatrice Clement pourraient même inclure les promenades à cheval. Une telle inclusion ne dépendrait pas de l’approbation du Parlement, mais uniquement de l’approbation de ces espèces par le Cabinet.

(1520)

Compte tenu de toutes ces conséquences importantes et surtout du fait qu’il s’agirait d’un décret du Cabinet, non adopté par les sénateurs ni par les députés élus par les Canadiens, j’appuie le recours au Règlement du sénateur Plett. Merci.

Le sénateur Klyne : Honorables sénateurs, je prends la parole afin de réfuter l’affirmation douteuse selon laquelle les amendements au projet de loi S-15 proposés dans le 25e rapport du Comité des affaires juridiques dépassent la portée du projet de loi.

Comme je n’ai pas été informé à l’avance du contenu de ce recours au Règlement, à la lumière du recours au Règlement précédent du porte-parole et de la décision rendue hier par Votre Honneur, je vais également préciser brièvement que ces amendements n’entraînement pas de nouvelles dépenses, directement ou indirectement, d’une manière inadmissible.

En ce qui concerne le projet de loi S-15 lui-même et la décision d’hier, les objections techniques invalides dont nous sommes saisis ne doivent pas empêcher le Sénat de débattre démocratiquement des amendements proposés par le Comité des affaires juridiques dans son rapport sur le projet de loi S-15 ni de prendre une décision à leur sujet.

Encore une fois, un précédent important est en jeu. Si ce recours au Règlement est accepté, le pouvoir du Sénat d’amender un projet de loi sera considérablement restreint par rapport à son bilan et à ses pratiques actuelles.

Tous les sénateurs et tous les Canadiens ont un intérêt dans cette affaire, qui concerne la capacité du Sénat de contribuer à la politique publique au moyen d’amendements.

Si ce recours au Règlement était accepté et qu’un tel précédent était appliqué uniformément, cela pourrait remettre en question d’autres amendements du Sénat. Ce recours au Règlement doit être rejeté en fonction des faits de l’affaire et pour maintenir les pouvoirs législatifs du Sénat et sa pratique qui consiste à de favoriser le débat et les décisions démocratiques.

Honorables collègues, tous les amendements contenus dans le rapport du Comité des affaires juridiques sur le projet de loi S-15 s’inscrivent dans la portée de cette mesure législative, conformément à nos procédures et à nos pratiques. Ils sont également conformes à la restriction constitutionnelle du Sénat concernant l’engagement de dépenses ou la création d’impôts.

Le débat d’aujourd’hui porte sur quatre amendements que j’ai proposés en tant que parrain au sujet de ce que l’ancien sénateur Sinclair appelait la « disposition de Noé », en référence à l’arche de Noé, dans sa première version du projet de loi sur la captivité des animaux sauvages en 2020, et avec des ajouts subséquents dans ma version de 2022.

La « disposition de Noé » est simple. Elle propose que le Cabinet fédéral ait le pouvoir de désigner des espèces sauvages supplémentaires qui seraient protégées par la loi, par décret et en fonction de facteurs déterminés concernant la prévention de la cruauté envers les animaux et la protection de la sécurité publique.

À la suite d’un sous-amendement du porte-parole, qui conteste la validité de l’amendement, la « disposition de Noé » contient également des exigences en matière de consultation et de rapport.

Les désignations exécutives potentielles pourraient à l’avenir compléter les protections réglementaires prévues par le projet de loi pour les éléphants et les grands singes, par exemple pour protéger les grands félins.

Les amendements ajoutant la « disposition de Noé » respectent la portée du projet de loi S-15. Le comité a adopté l’élément principal de cette disposition le 23 mai, par neuf voix pour, trois voix contre et deux abstentions.

La veille, le porte-parole pour le projet de loi a soulevé ce même rappel au Règlement, affirmant que cet amendement allait au-delà de la portée du projet de loi. La présidente de notre comité, la sénatrice Jaffer, qui a fait preuve d’un leadership, d’une patience et d’une grâce extraordinaires au cours des audiences, a estimé que l’amendement s’inscrivait dans la portée du projet de loi. Elle a déclaré ce qui suit :

Sénateurs, je suis d’avis que l’amendement proposé respecte l’objectif du projet de loi et n’en outrepasse pas la portée. J’estime qu’il appartient au comité de débattre de la pertinence de cet amendement, après quoi, chaque sénateur pourra se prononcer dans un sens ou dans l’autre. C’est ma décision.

Le porte-parole a fait appel de la décision de la présidence, décision que le comité a confirmée. Par conséquent, s’agissant de la portée, nous examinons à nouveau un rappel au Règlement qui avait été refusé par la présidence du comité et une décision soutenue par le comité lors d’un vote.

Si ce rappel au Règlement sur la portée était accepté, cela entraverait indûment notre processus démocratique et romprait avec nos pratiques et procédures consacrées. Un précédent serait créé, et cela réduirait les pouvoirs législatifs du Sénat par rapport à son bilan et à sa pratique actuelle.

Selon une décision rendue par le Président du Sénat le 9 décembre 2009, la portée d’un projet de loi :

[...] correspond aux paramètres fixés par le projet de loi pour atteindre les buts ou objectifs visés, ou aux mécanismes généraux envisagés pour parvenir aux fins voulues.

La décision rendue par le Président du Sénat le 13 avril 2017 aborde à la fois le principe et la portée d’un projet de loi. Ainsi, après avoir cité le passage précédent, le Président Furey a déclaré ce qui suit :

Les amendements doivent donc avoir un lien quelconque avec le projet de loi et ne peuvent introduire un élément ou facteur qui lui est étranger ou qui va à l’encontre de ses buts originaux. Ils doivent aussi respecter les objectifs du projet de loi. Pour juger de ces questions, il peut être nécessaire de définir l’orientation et les objectifs fondamentaux du projet de loi. On peut alors tenir compte de facteurs comme le titre intégral du projet de loi, sa teneur et le débat à l’étape de la deuxième lecture. Le débat à l’étape de la deuxième lecture est particulièrement pertinent, étant donné qu’en vertu de l’article 10-4 du Règlement, « À l’étape de la deuxième lecture, le débat porte habituellement sur le principe du projet de loi. »

Dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-15, en tant que parrain, j’ai parlé de la possibilité que le comité étudie des amendements. Voici ce que j’ai dit :

[...] envisager d’amender le projet de loi S-15 pour interdire les promenades à dos d’éléphant; autoriser les procédures judiciaires pour la réinstallation des animaux sauvages en captivité ayant fait partie d’élevages ou de spectacles illégaux et imposer des coûts pour ces infractions [...]

Puis, j’ai poursuivi en disant : « [...] prévoir un mécanisme pour étendre les protections juridiques à d’autres espèces sauvages en captivité, par décision du Cabinet. »

C’est tout : « […] des animaux sauvages en captivité […] » Cela ne va pas plus loin.

Cette dernière partie est la « disposition de Noé ». Les deux autres amendements que j’ai mentionnés sont également dans ce rapport, tels que proposés par les sénatrices Clement et Simons, et ils sont recevables, comme tous les amendements du rapport.

En ce qui concerne les amendements relatifs aux procédures judiciaires pour la réinstallation des animaux sauvages en captivité, des fonctionnaires ont souligné, pendant les travaux du comité, que ces recours étaient déjà prévus par le Code criminel. L’amendement a donc pour effet de mieux guider et d’encourager la Couronne et le pouvoir judiciaire. Il n’apporte toutefois rien de nouveau.

Pour ce qui est des différences, comme la « disposition de Noé », qui existent entre le projet de loi S-15 non amendé et l’ancien projet de loi S-241, voici un extrait de mon discours à l’étape de la deuxième lecture :

[...] en tant que parrain, j’estime, au moment de débattre du projet de loi S-15 à l’étape de la deuxième lecture, que celui-ci nous permet d’envisager de tels amendements à des étapes ultérieures, d’autant plus que les deux projets de loi modifieraient les deux mêmes lois relatives à la captivité des animaux sauvages.

Par ailleurs, lors de la deuxième lecture du projet de loi S-15, le 8 février, le porte-parole a soutenu que les projets de loi S-15 et S-241 étaient si semblables qu’il s’agissait d’un cas de question résolue. On s’attendrait donc à ce que les deux projets de loi soient de portée identique ou très semblable. Comme nous le savons, le projet de loi S-241 contenait une « disposition de Noé », mais certains affirment aujourd’hui que le projet de loi S-15 — qui serait supposément identique au projet de loi S-241 — ne peut pas contenir de « disposition de Noé » en raison de sa portée. C’est contradictoire.

Sur le plan des propositions juridiques, le projet de loi S-15 modifie les deux lois que le projet de loi S-241 aurait modifiées en ce qui concerne la restriction de la captivité des espèces sauvages. C’est strictement d’animaux sauvages qu’il s’agit, en effet. Les amendements s’inscrivent parfaitement dans ce cadre.

Pour renforcer ce point, le titre intégral du projet de loi S-15 est formulé en termes généraux, en faisant référence aux espèces animales sauvages, et non pas aux éléphants et aux grands singes en particulier. Le projet de loi s’intitule Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial.

Au comité, le sénateur Dalphond a souligné que le préambule initial du projet de loi, tel qu’adopté à l’étape de la deuxième lecture, est également formulé en termes généraux, en mentionnant non seulement les éléphants et les grands singes, mais aussi d’autres espèces sauvages.

Le sénateur Dalphond a dit ce qui suit :

Je regarde le projet de loi dont nous sommes saisis et je regarde le préambule, qui est une bonne indication de l’intention de ceux qui l’ont rédigé, je suppose. Il y est écrit : « Attendu que le Parlement reconnaît l’évolution de l’opinion publique sur la captivité de certaines espèces animales non domestiques [...] ».

Le premier concept évoqué concerne les animaux non domestiques, ce qui élimine donc un certain nombre d’animaux.

Le deuxième « attendu que » est le suivant :

Attendu qu’il est d’avis que la science établit que certains animaux, notamment les éléphants et les grands singes, ne doivent pas vivre en captivité en raison de la cruauté que cela représente...

Il n’est pas écrit « Attendu que le Parlement est d’avis que les éléphants et les grands singes ne doivent pas vivre en captivité ». Il est écrit « certains animaux, notamment les éléphants », ils font donc partie d’une liste. Cette liste n’est ni exclusive ni limitée. Elle présente des exemples des animaux que nous essayons de protéger : ceux qui ne sont pas domestiqués et qui sont gardés en captivité.

Le troisième « attendu que » concerne justement les animaux gardés en captivité. Il renvoie aux mêmes concepts. On y reprend les termes et les définitions qu’on trouve à la page 10 sur 28, à savoir : « ... le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner toute espèce animale non domestique comme étant un animal désigné... ».

Il s’agit toujours du même concept du début à la fin, celui des animaux non domestiques. Il ne s’agit pas de tous les autres animaux de la planète. Il s’agit des animaux non domestiques, qui ne sont pas faits pour être gardés en captivité [...]

Ensuite, il y a des critères qui s’appliquent pour que le gouverneur en conseil puisse utiliser ce pouvoir.

À mon avis, cela ne va pas à l’encontre de l’esprit ou de la portée du projet de loi tel qu’il est défini. Il est plus large que ce qui a été présenté, mais le préambule montre que l’intention n’était pas de se limiter à ces deux espèces. Je vous remercie.

(1530)

Devant le comité chargé d’examiner ce projet de loi, le ministre Guilbeault a affirmé : « Je ne pense pas qu’il m’appartienne de dire aux sénateurs quels amendements ils devraient apporter. »

Il a poursuivi ainsi :

Mon message pour vous est que le gouvernement est très ouvert aux amendements que les sénateurs jugent appropriés pour le projet de loi.

Le 22 mai, devant le comité, le représentant du gouvernement, le sénateur Gold, a tenu les propos suivants au sujet de l’amendement surnommé « disposition de Noé » :

Il me semble que cela respecte en fait l’intention générale du projet de loi pour les raisons qui ont été exprimées.

Au comité, le porte-parole a souligné que, selon un fonctionnaire du ministère, l’amendement élargit le champ d’application potentiel du projet de loi. Cependant, cela ne signifie pas pour autant que l’élargissement proposé dépasse la portée du projet de loi. Au sens procédural, c’est une question de recevabilité. Il faudrait donc consulter La procédure du Sénat en pratique plutôt que des fonctionnaires.

En effet, il ne convient pas de demander à des fonctionnaires d’un ministère de se prononcer sur une question parlementaire qui ne relève pas de leur compétence. Pensons notamment au fait que les pratiques et les procédures concernant la recevabilité des amendements ne sont pas les mêmes au Sénat et à la Chambre des communes. Comme le sénateur Dalphond l’a fait remarquer le 13 juin :

La portée du projet de loi est une question parlementaire. C’est une question législative. Il est un peu injuste de demander aux fonctionnaires, qui représentent le ministère de la Justice concernant la rédaction des projets de loi, si aller jusque-là est conforme à nos règles.

De plus, rappelons que de nombreux amendements proposés par le Sénat dans les dernières années ont modifié et souvent élargi le champ d’application ou la portée potentielle de certains projets de loi qui sont maintenant des lois. Par exemple, en 2017, le Sénat a proposé un amendement au projet de loi C-6 afin d’ajouter un mécanisme d’appel pour les personnes dont la citoyenneté a été révoquée pour cause de fraude ou de fausse déclaration.

La même année, le Sénat a proposé un amendement au projet de loi C-7 afin d’élargir l’ensemble des questions pouvant faire l’objet d’une négociation collective à la GRC.

En 2017, un amendement du Sénat a été apporté à la version initiale du projet de loi S-3 dans le but de remédier davantage à la discrimination fondée sur le sexe en ce qui concerne le statut selon la Loi sur les Indiens.

La même année, pour le projet de loi S-5, le Sénat a présenté un amendement visant à interdire les cigarettes aromatisées au menthol ou aux clous de girofle.

Toujours en 2017, pour le projet de loi C-224, la Loi sur les bons samaritains secourant les victimes de surdose, il y a eu un amendement du Sénat pour étendre les immunités accordées par le projet de loi aux accusations et aux conditions de mise en liberté en ce qui concerne la possession de drogues.

En 2018, le projet de loi C-49 a fait l’objet d’amendements du Sénat visant à élargir l’aide au transport aux producteurs de soya et l’accès à l’interconnexion de longue distance, afin de remédier à la concurrence limitée dans le secteur ferroviaire.

En 2019, le projet de loi C-68 a fait l’objet d’amendements du Sénat visant à ajouter des restrictions concernant la captivité des baleines et des dauphins et l’importation de nageoires de requin.

En 2019, le projet de loi C-75 a fait l’objet d’un amendement du Sénat visant à ajouter un nouveau principe de détermination de la peine au Code criminel afin de tenir compte de la vulnérabilité accrue des victimes féminines, en particulier des femmes autochtones.

Cette année-là encore, le projet de loi C-91 a fait l’objet d’un amendement du Sénat visant à fournir des services fédéraux dans les langues autochtones là où la capacité et la demande existent.

En 2021, le projet de loi C-7 a fait l’objet d’un amendement du Sénat visant à étendre l’accès à l’aide médicale aux cas où la seule condition médicale invoquée est une maladie mentale, avec une disposition de caducité, modifiée depuis par le projet de loi C-39.

En 2022, le projet de loi S-5 a fait l’objet d’un amendement du Sénat visant à supprimer progressivement les essais de produits chimiques sur les animaux.

Sénateurs, le Sénat a adopté de nombreux autres amendements proposés pour modifier l’application d’un projet de loi qui ne sont jamais devenus exécutoires, mais que les sénateurs jugeaient dignes de la considération du gouvernement et de l’autre endroit.

Par exemple, dans le cadre du projet de loi C-68 en 2019, l’amendement du sénateur Wells visait à ajouter les réserves d’habitats à la mesure. En 2021, nous nous souvenons de l’amendement de la sénatrice Wallin pour ajouter des directives anticipées concernant l’aide médicale à mourir dans le projet de loi C-7, une proposition maintenant à l’étude en tant que projet de loi d’intérêt public du Sénat. En 2022, nous nous souvenons de l’amendement du sénateur Patterson, du Nunavut, pour ajouter des mesures au projet de loi S-5 concernant l’évaluation des organismes génétiquement modifiés.

Les amendements que j’ai cités dépassaient-ils tous la portée de leur projet de loi? Je ne le crois pas.

Encore une fois, nous devons faire preuve de cohérence. Les Canadiens nous regardent.

En tant que sénateurs, nous ne voulons pas non plus d’un précédent qui limiterait indûment notre capacité de contribuer à la politique publique en proposant des amendements, ce qui compromettrait notre rôle constitutionnel de second examen objectif.

À la page 141, La procédure du Sénat en pratique mentionne que le Sénat a une grande latitude pour apporter des amendements :

Beauchesne fait observer qu’« il est loisible au comité de modifier les dispositions du projet de loi à tel point que, lorsqu’il en sera fait rapport à la Chambre, il se trouve être tout autre qu’il était avant son renvoi en comité. »

Avec la « disposition de Noé » dans le projet de loi S-15, il ne faut pas déroger aux procédures et aux pratiques qui nous permettent d’autoriser le débat et une décision au sujet de cette proposition, qui ne dépasse en rien la portée du projet de loi.

En terminant, comme je n’ai pas encore pris connaissance du contenu du rappel au Règlement d’aujourd’hui, je vais parler brièvement de la question de savoir si l’un des amendements entraîne des dépenses ou crée une taxe ou un impôt, une question que le porte-parole a parfois soulevée au comité, mais sans invoquer le Règlement. Tous les amendements présentés dans le rapport respectent les restrictions constitutionnelles imposées au Sénat, lui interdisant de présenter des projets de loi qui ont une incidence financière et des amendements entraînant des dépenses. Les amendements du rapport ne visent à pas à hausser des crédits ou des impôts, ce qui est conforme aux restrictions prévues à la page 153 de La procédure du Sénat en pratique. De plus, les amendements n’exigent pas de recommandation royale parce qu’ils ne prévoient pas de dépenses nouvelles, comme l’interdit le critère énoncé à la page 154 du même ouvrage.

Dans le cas qui nous occupe, le projet de loi S-15 établit essentiellement des interdictions, et les amendements prévoient l’élargissement possible de ces interdictions dans le futur, mais uniquement si le Cabinet décide de le faire. Les amendements n’entraînent aucune dépense.

Le 22 mai, en réponse à une question du sénateur Dalphond, le ministère a confirmé que la « disposition de Noé » n’engageait aucune dépense et n’obligeait pas le ministère à faire quoi que ce soit. Les amendements sont également étroitement liés à l’objet actuel de la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, qui est de protéger les espèces sauvages, ainsi que ses pouvoirs existants de réglementation et d’autorisation de l’importation, de l’exportation et de la possession d’espèces sauvages, y compris les espèces envisagées dans les amendements, telles que les grands félins.

Conformément à la décision de la présidence d’hier, nous savons également que le projet de loi original qui promulguait la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial n’était pas visé par une recommandation royale. Ce point est décisif, y compris en ce qui concerne ces amendements, s’ils devaient un jour être appliqués.

Dans le contexte de la modification d’un projet de loi qui comporte des interdictions, la situation du projet de loi S-15 est semblable à celle de nombreux projets de loi dont le Sénat est saisi. Un autre point pertinent est le fait que la législation fédérale comprend des interdictions et l’octroi éventuel de permis pour les baleines et les dauphins en captivité. Le Sénat a participé à la création de ces lois en 2019. Or, il n’a pas enfreint alors la prescription constitutionnelle quand il a présenté le projet de loi S-203 et les amendements sénatoriaux au projet de loi C-68 du gouvernement.

De plus, l’amendement appelé « disposition de Noé » ne s’appliquerait pas à l’article 6 relatif aux avis, pour lesquels je crois comprendre qu’Environnement Canada a évoqué la possibilité de mettre au point un système informatique. Même si la « disposition de Noé » est utilisée à un moment donné, il sera possible de le faire au moyen de dépenses administratives autorisées mineures.

(1540)

Enfin, en ce qui concerne toutes les questions que j’ai soulevées aujourd’hui, le Sénat doit présumer que les choses sont conformes et que le débat peut se poursuivre. À la page 83 de La procédure du Sénat en pratique, on peut lire ceci :

Le Sénat fait souvent preuve de souplesse dans l’application des différentes règles et pratiques qui régissent les débats. Comme l’a déclaré le Président Molgat dans sa décision du 2 avril 1998 :

Je suis d’avis qu’il faut présumer, jusqu’à preuve du contraire, que les choses sont conformes ou régulières. Cette supposition m’indique que la meilleure règle à suivre pour le Président est d’interpréter le règlement de manière à permettre le débat au Sénat, sauf s’il est manifeste que la question à débattre est inadmissible.

Je fais valoir à notre Présidente et à tous mes collègues que la recevabilité des amendements dans le rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles n’est pas une affaire difficile à trancher. Même si c’était le cas, et ce ne l’est pas, le Sénat devrait présumer que ces questions sont recevables.

Par conséquent, je vous invite à rejeter ce recours au Règlement, qui, s’il est accepté, aurait pour effet de limiter le débat et d’empêcher une décision démocratique sur les propositions d’amendement dont nous sommes saisis maintenant, et dont nous serons peut-être saisis plus tard.

Dans l’ensemble, nous devons également porter attention aux précédents qui réduiraient le pouvoir du Sénat d’amender la législation, par rapport à sa pratique actuelle et passée. Ce sont des conséquences à long terme, voire permanentes, qui sont en jeu ici.

Merci. Hiy kitatamihin.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Plett : Je serai bref, Votre Honneur. Je vous remercie de me permettre de prendre la parole.

J’ai écouté et j’ai tenté de déterminer à quoi s’opposait le sénateur Klyne. Je n’ai jamais été contre le fait qu’on amende un projet de loi. En fait, comme il l’a dit, nous n’avons pas jugé irrecevables certains amendements apportés au projet de loi S-15. Nous avons voté en faveur de certains et contre d’autres. Il a énuméré je ne sais plus combien de projets de loi qui avaient été amendés. Je ne vois pas la pertinence d’une telle énumération, car il est possible d’apporter des amendements. Lorsqu’un amendement est irrecevable, il est irrecevable. Lorsqu’il ne l’est pas, il fait l’objet d’un vote. Je ne vois pas où il voulait en venir avec tout cela.

Votre Honneur, il a commencé par parler de nos « pratiques et procédures consacrées », en ajoutant que nous n’avons pas le droit de déclarer que quelque chose est irrecevable. Votre Honneur, vous n’avez pas le droit de déclarer que quelque chose est irrecevable parce que c’est en quelque sorte non démocratique.

Depuis 1867, des Présidents ont rendu des décisions en faveur de recours au Règlement ou contre de tels recours et ils vont continuer de le faire, Votre Honneur, que le sénateur Klyne ou moi soyons — ou pas — au Sénat.

Pourtant, il laisse entendre que vous n’avez pas le droit de prendre une décision sur ce point, alors qu’il était satisfait de la décision que vous avez prise hier. Nous pourrions débattre de la décision d’hier, comme il voulait le faire ici. Je ne vois pas pourquoi il ne peut pas se satisfaire d’une réponse positive. C’est moi qui devrais me plaindre de la décision d’hier, pas lui. Quoi qu’il en soit, il voudrait peut-être en débattre davantage.

Le sénateur Klyne parle d’espèces sauvages. Il dit qu’il n’inclut pas d’animaux autres que les espèces sauvages, qu’il n’inclut que les espèces sauvages. Dans ce cas, pourquoi précise-t-il explicitement qu’il est question d’espèces qui ne sont pas des espèces indigènes du Canada? L’amendement du sénateur Klyne a radicalement modifié la portée du projet de loi en incluant les animaux non domestiques, y compris les espèces indigènes du Canada, à moins qu’ils ne servent à la production alimentaire. Puis il se retourne et affirme que cela n’est dit nulle part. C’est pourtant ce qui est écrit. C’est inscrit au procès-verbal, Votre Honneur.

Il ajoute ensuite que cela n’inclut pas tous les animaux de la planète. Eh bien, pendant l’introduction de son discours d’aujourd’hui, Votre Honneur, lorsqu’il a commencé à parler de la « disposition de Noé », il a dit qu’elle était nommée d’après l’arche de Noé. Je n’étais pas là à l’époque, mais je lis la Bible de temps en temps, et j’ai cru comprendre que, dans l’arche de Noé, il y avait deux individus de chaque animal de la planète. Aujourd’hui, toutefois, cela ne s’applique plus. Le sénateur affirme que la disposition est nommée en l’honneur du Noé de l’arche, certes, mais qu’elle prend un sens différent dans ce qu’on discute aujourd’hui.

Soit il s’agit d’une « disposition de Noé », soit ce n’en est pas une, sénateur Klyne. On ne peut pas dire : « Nous avons une “disposition de Noé”, mais nous allons exclure ces animaux-là. »

Votre Honneur, le ministre, le sénateur Gold et les fonctionnaires ont dit ou indiqué implicitement que, de toute évidence, cela n’entrait pas dans le champ d’application du projet de loi. Certes, le ministre s’est dit ouvert aux amendements, mais j’aimerais demander au ministre s’il est ouvert à des amendements qui sont irrecevables. Je ne pensais pas qu’une telle question était nécessaire. Je pense que nous connaissons la réponse. Le ministre répondra qu’il n’est pas ouvert aux amendements irrecevables. Cette question ne lui a pas été posée. On lui a demandé : « Êtes-vous ouvert aux amendements? » Il est entendu qu’ils sont ouverts aux amendements.

Comme l’a dit la sénatrice Batters, je trouve cela étrange. Le parrain du projet de loi du gouvernement était mécontent parce que le projet de loi S-241 n’avançait pas. Je le comprends. Je serais mécontent moi aussi si mon projet de loi n’avançait pas depuis longtemps.

Vous ai-je interrompu à moment ou à un autre?

Une voix : Oui.

Le sénateur Plett : Non, je ne vous ai pas interrompu. Vous ai-je demandé quoi que ce soit? Non, je me suis adressé à lui.

Désolé, Votre Honneur.

Son Honneur la Présidente : Vous pouvez continuer.

Le sénateur Plett : Il y a une chose que vous avez accomplie, sénateur Klyne : vous m’avez fait perdre le fil de ma pensée.

Une voix : Recommencez depuis le début.

Une voix : Depuis la première page.

Le sénateur Plett : Le ministre a été clair. Lorsque j’ai parlé aux employés du cabinet du ministre, je leur ai demandé : « Pourquoi le projet de loi S-15? Êtes-vous prêts à accepter plusieurs amendements? » La réponse a été : « Sénateur Plett, nous avons choisi deux animaux dans ce projet de loi pour une raison bien précise. »

Le sénateur Klyne et les défenseurs des animaux avaient harcelé le gouvernement pour qu’il présente un projet de loi parce que je bloquais le sien. Le gouvernement a donc présenté le projet de loi qu’il voulait, Votre Honneur, et il avait une copie du projet de loi S-241. S’il avait voulu une copie du projet de loi S-241, le gouvernement l’aurait présentée. Je n’aurais pas pu l’arrêter. Le sénateur Gold aurait pu fixer un délai sur le projet de loi S-241 si celui-ci avait émané du gouvernement, mais ce n’est pas ce que le gouvernement voulait.

Le sénateur Gold a expliqué très clairement pourquoi le projet de loi S-15 portait sur deux animaux. Le sénateur Klyne a laissé entendre que nous ne devrions pas écouter les opinions des représentants du gouvernement, et que nous devrions plutôt écouter l’opinion d’une présidente de comité. Pour ma part, j’ai déjà présidé quelques réunions. Cela ne fait pas de moi un expert sur tous les sujets. Il est certain que la sénatrice Jaffer, Dieu la bénisse, n’était pas une experte en la matière.

Pour dire les choses bien honnêtement — cela ne s’est pas passé à huis clos de toute façon —, voilà combien de temps la sénatrice Jaffer a consacré à cette question. Lorsqu’on a devant nous un fonctionnaire qui dit que cela dépasse la portée du projet de loi et qu’un président n’en tient même pas compte, je dirais que les dés sont pipés, Votre Honneur, et c’est ce qui s’est passé. Un fonctionnaire a dit que cet amendement dépassait la portée du projet de loi. Maintenant, le sénateur Klyne dit que nous ne devrions pas écouter les fonctionnaires. Dans ce cas, il ne faut pas les faire témoigner; ne leur faisons pas perdre leur temps. Demandons simplement au sénateur Klyne et à ses collègues de nous présenter leurs projets de loi pour que nous les adoptions sans discussion ni débat.

Enfin, Votre Honneur, il a dit que nous sommes la Chambre de second examen objectif. Tout d’abord, nous n’en sommes pas au second examen, mais au premier, et je doute de l’objectivité de cet amendement. Merci, Votre Honneur.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Je tiens à remercier le sénateur Plett d’avoir porté cette question à notre attention, ainsi que la sénatrice Batters et le sénateur Klyne d’avoir participé à ce débat. Je vais prendre la question en délibéré. Je vous remercie.

(1550)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Adoption des amendements des Communes

Le Sénat passe à l’étude des amendements apportés par la Chambre des communes concernant le projet de loi S-205, Loi modifiant le Code criminel et une autre loi en conséquence (mise en liberté provisoire et engagement en cas de violence familiale) :

1. Article 1, pages 1 et 2 :

a)à la page 1, remplacer les lignes 4 à 19 par ce qui suit :

« 1 (1) L’alinéa 515(6)b.1) du Code criminel est rempla- »;

b)à la page 1, remplacer la ligne 23 de la version française par ce qui suit :

« tenaire intime, s’il a été auparavant condamné »;

c)à la page 2, remplacer la ligne 1 par ce qui suit :

« (2) La même loi est modifiée par adjonction, »;

2.Article 2, pages 2 à 4 :

a)à la page 2, remplacer les lignes 10 et 11 par ce qui suit :

« craindre qu’une personne commette contre son propre partenaire intime ou enfant, ou contre l’enfant de ce partenaire intime, une infrac- »;

b)à la page 2, remplacer les lignes 15 et 16 de la version anglaise par ce qui suit :

« under subsection (1) may cause the parties to appear »;

c)à la page 2, remplacer la ligne 21 par ce qui suit :

« bonne conduite pour une période maximale de douze mois. »;

d)à la page 2, remplacer la ligne 27 par ce qui suit :

« période maximale de deux ans. »;

e)à la page 2, ajouter, après la ligne 27, ce qui suit :

« (4.1) Dans le cas où le dénonciateur ou le défendeur est autochtone, le juge décide s’il est plus indiqué — au lieu de rendre une ordonnance en vertu des paragraphes (3) ou (4) — de recommander que le dénonciateur ou le défendeur obtienne des services de soutien aux Autochtones, s’il en existe. »;

f)à la page 2, remplacer les lignes 28 à 30 par ce qui suit :

« (5) Le juge peut infliger au défendeur qui omet ou refuse »;

g)à la page 2, remplacer la ligne 32 par ce qui suit :

« maximale de douze mois. »;

h)à la page 3, remplacer la ligne 1 par ce qui suit :

« (6) S’il l’estime souhaitable pour garantir la bonne »;

i)à la page 3, remplacer la ligne 3 par ce qui suit :

« partenaire intime ou de l’enfant du défendeur ou de l’enfant de ce partenaire intime, »;

j)à la page 3, remplacer les lignes 12 et 13 par ce qui suit :

« c) de s’abstenir d’aller dans un lieu précisé, ou de se trouver dans un certain rayon de celui-ci, sauf en conformité avec les conditions prévues et que le juge es- »;

k)à la page 3, remplacer la ligne 20 par ce qui suit :

« ou avec son partenaire intime ou l’enfant, le parent ou tout »;

l)à la page 3, remplacer la ligne 22 de la version anglaise par ce qui suit :

« intimate partner, except in accordance with any specified »;

m)à la page 3, remplacer les lignes 22 et 23 par ce qui suit :

« f) de s’abstenir de consommer des drogues — sauf sur »;

n)à la page 3, remplacer la ligne 26 par ce qui suit :

« g) de fournir à des fins d’analyse un échantillon d’une »;

o)à la page 3, remplacer la ligne 36 par ce qui suit :

« h) de fournir à des fins d’analyse un échantillon d’une »;

p)à la page 4, remplacer les lignes 1 à 5 par ce qui suit :

« (7) Le juge doit décider s’il est souhaitable d’interdire au défendeur, pour la sécurité du partenaire intime ou de toute »;

q)à la page 4, remplacer la ligne 13 par ce qui suit :

« (8) Le cas échéant, l’engagement prévoit la façon de »;

r)à la page 4, remplacer la ligne 15 par ce qui suit :

« paragraphe (7) qui sont en la possession du défendeur, »;

s)à la page 4, remplacer les lignes 18 et 19 par ce qui suit :

« (9) Le juge qui n’assortit pas l’engagement de la condition prévue au paragraphe (7) est tenu de donner ses »;

t)à la page 4, remplacer les lignes 21 et 22 par ce qui suit :

« (10) Tout juge de la cour provinciale peut, sur demande du procureur général, du dénonciateur, de la personne pour qui la dénonciation est déposée ou du défendeur, modifier les condi- »;

u)à la page 4, remplacer la ligne 24 par ce qui suit :

« (11) Aucune condition ne peut être modifiée à la de- »;

v)à la page 4, remplacer la ligne 26 par ce qui suit :

« dénonciateur et la personne pour qui la dénonciation est déposée relativement à leurs besoins en matière de »;

w)à la page 4, remplacer la ligne 28 par ce qui suit :

« (12) Tout mandat de dépôt pour omission ou refus de »;

3.Article 3, pages 5 et 6 :

a)à la page 5, remplacer la ligne 10 par ce qui suit :

« 810.01(4.1)f), 810.011(6)e), 810.03(7)g), 810.1(3.02)h) »;

b)à la page 5, remplacer la ligne 15 par ce qui suit :

« 810.01(4.1)g), 810.011(6)f), 810.03(7)h), 810.1(3.02)i) ou »;

c)à la page 6, remplacer la ligne 2 par ce qui suit :

« 810.011(6)f), 810.03(7)h), 810.1(3.02)i) ou 810.2(4.1)g) »;

4.Article 6, page 7 :

a)remplacer la ligne 33 par ce qui suit :

« e.1) Porter un dispositif de surveillance à distance (si le procureur général a consenti à cette condition) »;

b)remplacer les lignes 38 à 40 par ce qui suit :

« avec son enfant ou avec son partenaire intime ou l’enfant, le parent ou tout proche de celui-ci (article 810.03 du Code criminel); »;

c)supprimer les lignes 41 et 42;

d)ajouter, après la ligne 45, ce qui suit :

« f.1) S’abstenir d’aller dans un lieu précisé, ou de se trouver dans un certain rayon de celui-ci, sauf en conformité avec les conditions prévues et que le juge estime nécessaires (article 810.03 du Code criminel); »;

5.Article 7, page 8 : remplacer la ligne 14 par ce qui suit :

« 810.03(7)h), 810.011(6)f), 810.1(3.02)i) et 810.2(4.1)g)) »;

6.Article 8, page 8 : remplacer les lignes 19 à 21 par ce qui suit :

« craindre qu’une personne commette contre son propre partenaire intime ou enfant, ou contre l’enfant de ce partenaire intime, une infraction qui causerait des lésions »;

7.Nouvel article 10.1, page 9 : ajouter, avant la ligne 25, ce qui suit :

« 10.1 (1) Les paragraphes (2) et (3) s’appliquent en cas de sanction du projet de loi C-21, déposé au cours de la 1re session de la 44e législature et intitulé Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu) (appelé « autre loi » au présent article).

(2) Dès le premier jour où le paragraphe 1(5) de l’autre loi et l’article 2 de la présente loi sont tous deux en vigueur, le paragraphe 810.03(7) du Code criminel est remplacé par ce qui suit :

(7) Le juge doit décider s’il est souhaitable d’interdire au défendeur, pour la sécurité du partenaire intime ou de toute autre personne, d’avoir en sa possession des armes à feu, arbalètes, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, pièces d’arme à feu, munitions, munitions prohibées et substances explosives, ou l’un ou plusieurs de ces objets, et, dans l’affirmative, il doit assortir l’engagement d’une condition à cet effet et y préciser la période d’application de celle-ci.

(3) Dès le premier jour où le paragraphe 13.12(1) de l’autre loi et le paragraphe 6(2) de la présente loi sont tous deux en vigueur, l’alinéa c) qui suit l’intertitre « Liste de conditions » de la formule 32, à la partie XXVIII du Code criminel, est remplacé par ce qui suit :

c) S’abstenir de posséder une arme à feu, une arbalète, une arme prohibée, une arme à autorisation restreinte, un dispositif prohibé, une pièce d’arme à feu, des munitions, des munitions prohibées ou des substances explosives et remettre de tels objets qui sont en votre possession, ainsi que les autorisations, permis et certificats d’enregistrement et tout autre document vous permettant d’acquérir ou de posséder des armes à feu (articles 83.3, 810, 810.01, 810.03, 810.1 et 810.2 du Code criminel); »;

8.Article 11, page 9 : supprimer l’article 11.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) propose :

Que, en ce qui concerne le projet de loi S-205, Loi modifiant le Code criminel et une autre loi en conséquence (mise en liberté provisoire et engagement en cas de violence familiale), le Sénat accepte les amendements apportés par la Chambre des communes;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du message de la Chambre des communes sur le projet de loi S-205, Loi modifiant le Code criminel et une autre loi en conséquence (mise en liberté provisoire et engagement en cas de violence familiale).

Le projet de loi a été présenté par l’ancien sénateur Pierre-Hugues Boisvenu le 24 novembre 2021. La plupart des sénateurs ici présents connaissent bien la mission essentielle du sénateur Boisvenu de défendre et d’améliorer les droits des victimes d’actes criminels au Canada. Dans le cadre de cette mission de toute une vie, le sénateur Boisvenu est aussi déterminé à lutter contre la violence faite aux femmes et à modifier les lois pour préserver et améliorer la sécurité publique.

Cette mission découle de la tragédie que sa famille et lui ont vécue le 23 juin 2002, lorsque sa fille Julie a été enlevée, agressée sexuellement et assassinée par un récidiviste de Sherbrooke. Depuis ce jour, et tout au long de son mandat au Sénat, le sénateur Boisvenu s’est battu sans relâche pour défendre les droits des victimes d’actes criminels. Grâce à lui, le Canada dispose aujourd’hui d’une Charte canadienne des droits des victimes, et nous lui en sommes reconnaissants.

Aujourd’hui, nous examinons encore une fois le projet de loi S-205, qui a franchi diverses étapes parlementaires au Sénat et à la Chambre des communes depuis sa présentation il y a trois ans. Nous sommes maintenant saisis d’un message de la Chambre sur le projet de loi S-205 avec les amendements apportés par nos collègues de l’autre endroit. Je reviendrai plus tard sur les amendements apportés au projet de loi.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-205 est une mesure législative importante qui vise à combattre le fléau de la violence familiale. Au cours des dernières années, nous avons observé une augmentation considérable et alarmante de ce type de violence, particulièrement contre les femmes. J’aimerais vous faire part de quelques statistiques figurant dans le plus récent rapport de Statistique Canada sur ce sujet.

En 2022, Statistique Canada a révélé que le nombre d’incidents de violence familiale et de violence entre partenaires intimes avait augmenté de 19 % entre 2014 et 2022, alors qu’il y avait eu une tendance générale à la baisse entre 2009 et 2014.

Les femmes et les jeunes filles constituent la grande majorité des victimes, soit 8 sur 10. Les femmes sont également surreprésentées dans les homicides. Je voudrais citer un passage de ce rapport sur le sujet :

De 2009 à 2022, les services de police ont dénombré 6 920 victimes d’homicides résolus […] au Canada. Le tiers (32 %) de ces victimes ont été tuées par un membre de la famille, tandis que près du cinquième (18 %) ont été tuées par un partenaire intime. Ces proportions étaient beaucoup plus prononcées chez les femmes et les filles (59 % ont été tuées par un membre de la famille et 46 %, par un partenaire intime) que chez les hommes et les garçons (20 % ont été tués par un membre de la famille et 6 %, par un partenaire intime).

Selon l’Observatoire canadien du féminicide pour la justice et la responsabilisation, 184 femmes ont été tuées au Canada en 2022, dont 60 % par un partenaire intime ou ex-partenaire intime. Je vous rappelle que cela correspond à une femme tuée tous les deux jours au Canada.

Honorables sénateurs, les statistiques que je viens de vous communiquer doivent nous inciter à agir pour lutter contre ce fléau qui fait beaucoup trop de victimes chaque année, dont la grande majorité sont des femmes.

Le sénateur Boisvenu a souligné à maintes reprises dans ses discours antérieurs que la vulnérabilité des victimes de violence conjugale se situe souvent au début du processus judiciaire, quand une personne décide de signaler la violence qu’elle vit aux autorités judiciaires. Il existe de nombreux cas attestés de meurtre, de tentative de meurtre ou de voies de fait graves pendant la période suivant la mise en liberté provisoire par voie judiciaire ou pendant celle où une personne est visée par un engagement de ne pas troubler l’ordre public prévu à l’article 810.

Le projet de loi S-205 a été présenté pour renforcer la sécurité des victimes à ces étapes du processus judiciaire en proposant des mesures importantes comme le bracelet de surveillance électronique et l’imposition par le tribunal d’une thérapie obligatoire.

Chers collègues, permettez-moi d’étayer mon propos. Une partie du projet de loi S-205 propose la création d’un nouvel engagement de ne pas troubler l’ordre public en application de l’article 810 qui s’appliquerait précisément aux cas de violence contre un partenaire intime ou son enfant. À l’heure actuelle, le Code criminel prévoit différents types d’engagements de ne pas troubler l’ordre public en application de l’article 810, mais aucun ne convient adéquatement aux situations de violence familiale. Pourtant, comme je l’ai expliqué au début de mon discours, les statistiques prouvent que la magnitude de ce genre de violence est indéniable. Il est nécessaire de commencer à préciser cette catégorie dans le Code criminel et de prévoir des mesures qui seront réellement efficaces. Le projet de loi propose donc la création d’un nouvel engagement de ne pas troubler l’ordre public, assorti de certaines conditions.

Premièrement, il sera possible d’imposer le port d’un bracelet de surveillance électronique à la personne assujettie au nouvel engagement de ne pas troubler l’ordre public. Le bracelet permet de surveiller le comportement de l’agresseur et dissuade ce dernier de s’approcher de sa victime. S’il s’en approche, son bracelet électronique alertera à la fois la victime et les autorités de son emplacement. Ce dispositif permet à la victime de se mettre à l’abri et permet aux autorités d’intervenir. Il s’agit d’un outil technologique important qui doit être employé au service de la justice.

J’aimerais citer un extrait du témoignage de Martine Jeanson, une victime et survivante que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a entendue dans le cadre de son étude du projet de loi S-205 :

Les bracelets électroniques seraient également un outil à mettre en place pour protéger les femmes et leur permettre d’être averties de la venue de leur agresseur près de leur domicile pour qu’elles puissent se cacher avant son arrivée. Cet outil permettrait aussi de prévenir les policiers.

Le bracelet électronique m’aurait permis d’être protégée de cette tentative de meurtre par mon ancien conjoint. Actuellement, il est impossible de se protéger adéquatement de nos anciens conjoints violents, car nous ne sommes pas prévenues de leur présence. Les victimes n’osent plus dénoncer leur agresseur. Elles ne font plus confiance au système de justice, car elles ne se sentent pas protégées. Lorsque nous dénonçons les abuseurs et que nous ne sommes pas protégées, nous mettons encore plus nos vies en danger.

(1600)

Deuxièmement, l’engagement de ne pas troubler l’ordre public peut exiger des délinquants qu’ils suivent un programme de traitement, notamment un programme de désintoxication ou un programme de counseling sur la violence familiale. La thérapie est de plus en plus considérée comme une approche privilégiée pour réduire la violence d’une personne en l’aidant à comprendre et à modifier son comportement. Le projet de loi établit un équilibre entre les mesures de contrôle et la réadaptation.

Le sénateur Boisvenu a initialement proposé une durée de deux ans pour ce nouvel engagement de ne pas troubler l’ordre public et de trois ans dans le cas des personnes ayant des antécédents criminels. À l’heure actuelle, le code prévoit une durée d’un an, et cette durée augmente à deux ans pour les récidivistes dans le contexte de la violence familiale. Lors des consultations auprès des victimes, le sénateur Boisvenu a constaté qu’une période d’un an n’était pas suffisante pour mettre fin à tout contact.

Malheureusement, les députés libéraux, néo-démocrates et bloquistes ont proposé des amendements qui ont réduit la durée de ces nouveaux engagements de ne pas troubler l’ordre public pour tenir compte des périodes actuellement prévues par la loi. Ainsi, la durée maximale est réduite à un an, et à deux ans dans le cas des récidivistes. Ces modifications affaiblissent l’intention initiale de l’engagement de ne pas troubler l’ordre public en réduisant la protection prolongée que le sénateur Boisvenu cherchait à offrir aux victimes qui avaient indiqué au cours des consultations qu’une période d’un an n’était pas suffisante pour rompre complètement le contact.

Honorables sénateurs, l’engagement de ne pas troubler l’ordre public comprend également une mesure importante pour les droits des victimes : aucune condition ne peut être changée sans que le juge de paix consulte la victime au sujet de ses besoins en matière de sécurité. Il s’agit d’une disposition cruciale qui garantit le respect des droits à la protection et à la participation prévus dans la Charte canadienne des droits des victimes.

Le projet de loi comprenait également une autre disposition importante concernant la mise en liberté provisoire par voie judiciaire, comme je l’ai mentionnée tout à l’heure dans mon discours. Le projet de loi proposait des modifications à l’article 515 du Code criminel pour permettre l’imposition de la surveillance à distance et la consultation des victimes à propos de leurs besoins en matière de sécurité par le système de justice, à la demande du procureur général. Ces deux dispositions ont été supprimées dans l’autre endroit à l’étape de l’étude en comité, ce qui est très regrettable pour les victimes de violence familiale. Tout d’abord, c’est regrettable parce que la consultation des victimes était une mesure importante pour mieux protéger leurs droits dans le Code criminel et pour leur donner la possibilité de définir les mesures appropriées pour leur propre sécurité. En outre, cette mesure renforçait les droits énoncés dans la Charte canadienne des droits des victimes, que j’ai déjà mentionnée.

Cette disposition avait été ajoutée à la suite des vastes consultations menées par le sénateur Boisvenu et elle était appuyée par diverses organisations, par exemple l’Association des femmes autochtones du Canada. J’aimerais citer un passage du témoignage de Sarah Niman, conseillère juridique, directrice adjointe des services juridiques de l’Association des femmes autochtones du Canada :

Le projet de loi S-205 tient compte des préoccupations des victimes en matière de sécurité dès les premières étapes des procédures en matière de violence familiale. L’AFAC est favorable au fait que le projet de loi prévoit des consultations obligatoires [...]

J’aimerais également parler du retrait des bracelets antirapprochement à cette étape du processus judiciaire. Le projet de loi C- 233 du sénateur Dalphond, qui a reçu la sanction royale le 27 avril 2023, prévoyait, lui aussi, le recours à la surveillance électronique en vertu du paragraphe 515(4.2) du Code criminel, mais la disposition s’appliquait uniquement à un certain nombre d’infractions. Le sénateur Boisvenu avait souligné que ce cadre plus restrictif posait problème, car des infractions graves pouvant être en lien avec la violence familiale risquaient de ne pas être couvertes par cet article, comme l’intimidation, prévue à l’article 423, les introductions par effraction, prévues à l’article 348, et la présence illégale dans une maison d’habitation, prévue à l’article 349.

Lorsqu’on étudie les cas de violence familiale et qu’on écoute les témoignages des victimes, on se rend rapidement compte que la présence illégale dans un domicile et l’introduction par effraction sont des infractions auxquelles on fait souvent allusion en contexte de violence familiale.

J’aimerais citer le témoignage de Khaoula Grissa, une victime et une survivante qui a témoigné à propos du projet de loi S-205 devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles :

Un jour, une procureure m’a dit qu’il me fallait déménager. Ma réponse a été « non ». Non, parce que j’avais déjà fait l’impossible. J’ai été hébergée dans une maison pour femmes victimes de violence conjugale. Puis, j’ai changé d’appartement, de modèle et de couleur d’auto, selon mes moyens, j’ai fait couper mes cheveux et les ai fait teindre et j’ai changé mes lunettes. En l’espace d’un mois, ma fille avait fréquenté cinq garderies différentes. Mon employeur a pris tous les moyens nécessaires pour me protéger. On avait établi tout un scénario pour me rendre à ma voiture en toute sécurité.

J’ai dit à madame la procureure que, cette fois-ci, c’était au système de justice de me protéger. J’avais déjà fait une vingtaine de signalements aux policiers et, malgré tous mes efforts, cela n’a pas empêché le pire d’arriver. Mon ex-conjoint s’était caché dans ma garde-robe pour tenter de m’enlever la vie ainsi que celle de ma fille. J’ai été violée et séquestrée et, par la suite, il s’est enlevé la vie dans ma chambre, devant mes propres yeux.

Le projet de loi S-205 contenait une disposition sur la surveillance électronique qui devait être incluse dans le paragraphe 515(4) du Code criminel, ce qui aurait permis aux juges d’imposer cette mesure pour un plus grand nombre d’infractions. Cette approche donnait aux juges une plus grande latitude pour imposer la surveillance électronique, y compris dans les cas où les infractions souvent associées à la violence familiale n’étaient pas explicitement énumérées au paragraphe 515(4.2). Il s’agissait d’une mesure efficace qui a été supprimée depuis, ce que je regrette également.

Honorables sénateurs, malgré ces amendements, le projet de loi S-205 demeure une mesure législative importante pour les victimes de violence conjugale et familiale. Je veux remercier mes collègues de la Chambre des communes d’avoir appuyé le projet de loi, en particulier la marraine du projet de loi à la Chambre, la députée Raquel Dancho, qui a soutenu le sénateur Boisvenu pendant tout son combat et qui est à l’écoute des victimes de violence conjugale. Sa détermination inébranlable à assurer la sécurité des victimes et son dévouement ont été essentiels pour l’avancement du projet de loi, et nous lui en sommes extrêmement reconnaissants.

Pour conclure, j’aimerais lire ce message de l’honorable Pierre-Hugues Boisvenu :

Honorables sénateurs, le projet de loi S-205, que nous avons adopté la première fois, visait essentiellement les centaines de femmes victimes de violence conjugale dont la sécurité et la vie étaient menacées. Ce projet de loi est attribuable au courage que ces femmes ont eu lorsqu’elles ont décidé un jour de reprendre le contrôle de leur vie et de dire : « Assez, c’est assez. » Je dis merci à toutes ces femmes. Je vous remercie de croire...

Son Honneur la Présidente : Votre temps est écoulé. Demandez-vous à obtenir plus de temps?

La sénatrice Martin : Seulement pour finir de lire le message.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord

La sénatrice Martin : Merci.

Je vous remercie de croire au Sénat et en vous-mêmes, et de continuer à défendre le droit de ces gens à la sécurité en adoptant le projet de loi S-205 dont vous êtes saisis aujourd’hui. Merci, chers collègues.

Il reste encore une section, que j’ai omise.

Son Honneur la Présidente : La permission a été accordée, alors vous disposez encore de quatre minutes.

La sénatrice Martin : Merci. Certes, j’ai fini de lire la note personnelle que le sénateur Boisvenu nous a adressée et je conclus ainsi.

Le sénateur Boisvenu a collaboré avec de nombreuses victimes de violence familiale pour rédiger ce projet de loi. Après un long parcours au Parlement, il est temps de l’adopter au nom de toutes les victimes qui ont travaillé si dur pour sa concrétisation.

Ainsi, je vous demande, honorables sénateurs, d’adopter le message de la Chambre des communes concernant le projet de loi S-205 modifié.

(1610)

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

La sanction royale

Son Honneur la Présidente informe le Sénat qu’elle a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 3 octobre 2024

Madame la Présidente,

J’ai l’honneur de vous aviser que la très honorable Mary May Simon, gouverneure générale du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l’annexe de la présente lettre le 3 octobre 2024 à 15 h 28.

Veuillez agréer, Madame la Présidente, l’assurance de ma haute considération.

Secrétaire du gouverneur général,

Ken MacKillop

L’honorable

La Présidente du Sénat

Ottawa

Projets de loi ayant reçu la sanction royale le jeudi 3 octobre 2024 :

Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador et la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois (projet de loi C-49, chapitre 20, 2024)

Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada (projet de loi C-76, chapitre 21, 2024)

[Traduction]

L’ajournement

Adoption de la motion

Consentement ayant été accordé de revenir aux affaires du gouvernement, motions, article no 192 :

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 2 octobre 2024, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 8 octobre 2024, à 14 heures.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

La Loi sur la citoyenneté
La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l’honorable sénatrice Pate, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-235, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, tel que modifié.

Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Denise Batters propose que le projet de loi C-291, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence (matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels), soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-291, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence (matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels).

J’ai fièrement parrainé ce projet de loi au Sénat parce qu’il apporte un changement important à la façon dont les crimes sexuels contre les enfants sont perçus, y compris selon le Code criminel du Canada. La prémisse du projet de loi est assez simple. Il remplace deux mots dans le Code criminel — « pornographie juvénile » — par sept mots qui représentent plus fidèlement la gravité de ces crimes, c’est-à-dire « matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels ».

Les mots comptent. Le terme « pornographie » s’applique plus largement aux représentations sexuelles d’adultes consentants. Un tel consentement ne peut jamais être donné librement dans la production de ce qu’on appelle la pornographie juvénile, compte tenu de l’âge de la victime et du déséquilibre de pouvoir inhérent à la dynamique enfant-adulte. Voilà pourquoi l’expression « matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels » est plus juste et largement utilisée par les forces de l’ordre et les défenseurs des droits des victimes.

Le projet de loi C-291 propose une modification simple, mais importante. Un sénateur m’a dit avant que nous étudiions le projet de loi au Comité sénatorial des affaires juridiques en septembre que c’était exactement ce qu’un projet de loi émanant d’un député devait faire. La portée du projet de loi est limitée, mais ses répercussions sont importantes, et il s’inspire de l’expérience personnelle des instigateurs du projet de loi.

Les crimes sexuels commis contre des enfants sont un fléau pour la société canadienne. Selon les statistiques publiées cette année, de 2014 à 2022, il y a eu 45 816 signalements de matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels en ligne. Au cours de cette période, le taux de ces incidents a affiché une hausse vertigineuse de 290 %. Les filles sont surreprésentées dans ces statistiques, les filles âgées de 12 à 17 ans représentant 71 % de toutes les victimes mineures d’abus sexuels commis en ligne. Certains groupes vulnérables, comme les enfants autochtones et les enfants de la communauté LGBTQ2E+, sont également très à risque.

L’augmentation du nombre de cas signalés est en partie responsable de la hausse notable des statistiques. L’un des objectifs du projet de loi C-291, soit de désigner avec plus d’exactitude la gravité de ces crimes contre des enfants comme des « abus et de l’exploitation » plutôt que de parler de « pornographie », est d’attirer l’attention des gens sur ces crimes, ce qui, espérons-le, mènera à une augmentation des signalements aux forces de l’ordre et à une meilleure protection des enfants.

Le projet de loi C-291 a été conçu par mon collègue du caucus national et ancien procureur de la Couronne, le député Frank Caputo. Notre collègue, le député Mel Arnold, a parrainé le projet de loi, car il avait déjà eu l’occasion de présenter un projet de loi d’initiative parlementaire à la Chambre des communes. Lorsqu’ils ont témoigné devant le Comité sénatorial des affaires juridiques, ces deux députés ont expliqué pourquoi ils estiment que ce projet de loi est important. Le député Mel Arnold a dit :

Les mots sont si importants. C’est pour cela que nous étudions ce projet de loi. Comme vous l’avez dit, la pornographie montre généralement des adultes consentants. Les enfants ne peuvent pas légalement consentir à des activités sexuelles. C’est pourquoi il s’agit véritablement de matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels.

[...] mais ça se résume à ça. Les mots qui figurent dans le code et dans nos lois doivent représenter de manière appropriée ce dont il est question. Je ne crois pas qu’il existe quoi que ce soit que l’on puisse qualifier de pornographie juvénile. Je pense qu’il s’agit toujours de matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels.

Le député Frank Caputo décrit ainsi son inspiration pour le projet de loi :

Pour les personnes touchées par ce phénomène, ce terme [...]

 — la pornographie juvénile —

[...] est considéré comme désuet. S’il est considéré comme un terme désuet sur le plan professionnel — et, en réalité, il est considéré comme inapproprié sur le plan logique pour assimiler la pornographie à la maltraitance et à l’abus sexuel d’enfants —, alors franchement, cela aurait dû être fait il y a longtemps. C’est quelque chose que nous aurions dû faire il y a des années, voire des décennies. Pour moi, l’idée est de bien faire les choses.

L’initiative a suscité beaucoup d’enthousiasme, tant chez les parlementaires que dans le public. Le projet de loi C-291 a reçu le soutien des principaux organismes de protection et de défense des enfants, notamment le Centre canadien de protection de l’enfance, Ratanak International et First Call Child and Youth Advocacy Society.

Les victimes de ce genre de crimes reconnaissent également la nécessité du changement de formulation. M. Caputo a raconté son expérience personnelle avec des victimes d’abus et d’exploitation sexuels d’enfants qui sont favorables au changement de terminologie prévu par le projet de loi. Il a déclaré :

Une personne avait entendu mon premier discours et [...] elle m’a dit qu’elle s’était sentie vraiment validée. Une personne qui a vécu cela et qui en a été victime peut dire : « Ce que j’ai enduré n’était pas de la pornographie. C’était de la violence, c’est ainsi qu’il faut l’appeler. »

Une autre personne avec qui je parlais par hasard, un jour a dit « Parlez-moi de votre travail ». J’ai donc commencé à en parler, et je n’oublierai jamais cela : cette personne m’a attrapé et m’a pris dans ses bras en plein milieu d’une phrase.

Jusqu’à présent, le projet de loi C-291 a joui d’un vaste appui au Parlement. Le projet de loi a été adopté à l’unanimité à la Chambre des communes le 1er février 2023. Je suis intervenue à l’étape de la deuxième lecture au Sénat le 30 mars 2023.

(1620)

Les sénateurs ont également apporté un soutien massif à ce projet de loi. La sénatrice Patterson, porte-parole pour le projet de loi au Sénat, et la sénatrice Busson se sont montrées particulièrement favorables à l’adoption de cette mesure législative, et je les remercie de leur collaboration.

Il a fallu longtemps pour que le projet de loi C-291 soit étudié par un comité du Sénat. Notre Comité des affaires juridiques et constitutionnelles l’a finalement étudié il y a deux semaines, et je suis heureuse d’annoncer que le projet de loi a reçu un soutien unanime à ce stade également. J’ai bon espoir que ce projet de loi sera bientôt adopté rapidement au Sénat, dans l’intérêt de la protection des enfants vulnérables.

L’impact du matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels dure toute la vie. Il teinte l’estime de soi de la victime, son image corporelle, ses relations, son sentiment de sécurité — et la liste est longue. En effet, cela touche pratiquement tous les aspects de la vie d’une personne. Au-delà de l’immense souffrance physique et mentale causée par les sévices directs, la diffusion et la rediffusion du matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels, en particulier sur Internet, signifie que les victimes sont revictimisées à l’infini par des malfaiteurs anonymes qui accèdent au matériel après les faits.

Dans l’Enquête auprès des survivantes et survivants menée par le Centre canadien de protection de l’enfance en 2017, l’une des personnes interrogées a décrit les répercussions de cette situation de la manière suivante :

[...] cela n’arrête jamais. Même après 20 ans, mes vieilles photos peuvent être une source de satisfaction pour des hommes à qui je pourrais serrer la main. Ce qui ne fait qu’aggraver la situation, c’est que tout est documenté, alors cela ne peut jamais s’arrêter complètement.

Bon nombre de ces victimes vivent dans la peur d’être reconnues à cause des images de leur agression. Certaines personnes craignent d’être victimes de chantage ou d’être traquées. Bon nombre de répondants ont décrit l’angoisse de ne pas savoir si des personnes qu’ils ont rencontrées plus tard dans leur vie ont vu les images ou les représentations des agressions sexuelles dont ils ont été victimes dans leur enfance, de telle sorte qu’il leur est difficile de faire confiance aux autres ou d’établir des relations. Un autre répondant a dit :

Le fait que des images aient été produites rend la situation encore plus malsaine, dégoûtante et effrayante. C’est comme une bombe à retardement. On ne sait jamais quand ce genre de chose peut se produire, qui en sera à l’origine ou dans quelles circonstances on devra y faire face. Peut-être que cette situation n’arrivera jamais, mais on la redoute constamment.

De nombreuses victimes d’agression et d’exploitation pédosexuelles trouvent blessant que les enregistrements ou les images des agressions qu’elles ont subies pendant leur enfance — qui leur rappellent constamment ce qui leur est arrivé — soient décrits comme de la « pornographie juvénile ». Une personne parmi les répondants a résumé la situation ainsi :

On ne peut pas parler de pornographie juvénile. Cette expression me met en colère. Ce sont plutôt des images d’enfants victimes d’une agression sexuelle ou des images qui servent à procurer un plaisir sexuel.

Le député Frank Caputo a expliqué que la nécessité d’une description plus précise de ce matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels était l’une des principales raisons pour lesquelles le projet de loi a été présenté. Il a déclaré ce qui suit au comité :

Certaines personnes ne savent même pas qu’elles ont été victimes de violence jusqu’à plus tard dans leur vie.

[...] je connais des cas où des personnes s’en sont rendu compte dans la trentaine. Il y avait ce traumatisme latent, qui est lié à la gravité de la situation [...]

L’une des difficultés que je rencontre lorsque je m’occupe des victimes, c’est qu’elles sont souvent, disons, emprisonnées. Elles purgent une peine psychologique à perpétuité. J’ai enseigné un cours sur les peines, et il était question de la proportionnalité des peines. Elle est extrêmement importante, lorsque l’on veut refléter la gravité de cette infraction dans les mots, parce que, quand on rencontre une victime — et on [la] rencontrera lorsqu’elle sera dans la quarantaine, la cinquantaine, la soixantaine ou même quelques mois plus tard —, les conséquences sont encore là. Selon moi, voilà l’importance de ce projet de loi.

Le député Mel Arnold a aussi décrit les profondes répercussions sur les représentants des forces de l’ordre qui doivent examiner le matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels ou enquêter sur celui-ci. Les traumatismes mentaux et émotionnels découlant de l’exposition à des images et à des enregistrements d’abus pèsent lourdement sur les agents qui travaillent dans ce domaine, et certains développent un syndrome de stress post-traumatique. M. Arnold a dit :

J’aimerais donc prendre quelques secondes pour remercier chaque enquêteur, chaque agent de police et chaque agent d’exécution de la loi qui a déjà été amené à traiter une affaire ou une enquête concernant ce type de matériel. Je ne peux pas l’imaginer.

La voix tremblante d’émotion, le député Arnold a poursuivi :

Je suis le fier grand-père d’un enfant de trois ans. Je ne peux pas imaginer que quelqu’un puisse s’en tirer avec une telle chose à cause d’un terme dans un projet de loi, que nous pouvons corriger.

C’est exactement cela, honorables sénateurs. Nous avons la capacité, ici et maintenant, de faire cette petite modification dans le projet de loi C-291, une petite modification au Code criminel qui peut changer totalement la donne pour les victimes d’abus et d’exploitation pédosexuels et pour les services de police. En outre, remplacer le terme « pornographie juvénile » par « matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels » permettra au Canada d’être mieux en phase avec d’autres pays dans le monde qui emploient déjà l’expression moderne, plus appropriée.

En 2016, l’organisation aujourd’hui connue sous le nom d’ECPAT International, une alliance mondiale d’organismes qui s’efforcent de mettre fin à l’exploitation sexuelle des enfants, a produit les lignes directrices de Luxembourg pour harmoniser et renforcer les efforts dans le monde entier. Ces lignes directrices ont rejeté le terme « pornographie juvénile », parce qu’il légitime par mégarde les abus et l’exploitation inhérents dans le matériel. L’alliance a plaidé pour le remplacement du terme par l’expression, plus axée sur la victime, « matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels ».

Le projet de loi C-291 alignerait le Canada sur la terminologie la plus appropriée utilisée au niveau international. L’adaptation de la terminologie des lois canadiennes à cette norme internationale aiderait à surmonter les malentendus qu’entraînent les différences de terminologie lorsque les enquêtes et les poursuites en matière d’abus et d’exploitation sexuels d’enfants dépassent les frontières internationales.

Une autre question que je souhaite aborder a été soulevée lors du débat à l’étape de la deuxième lecture, ici au Sénat. Il s’agit de la question du terme « pédosexuel », employé dans la version française de ce projet de loi. Cette question a été soulevée à l’étape de la deuxième lecture par la sénatrice Miville-Dechêne, qui s’est demandé s’il n’y avait pas un terme plus approprié. Je souhaite aborder cette question, vous faire part de ce que j’ai appris depuis sur ce sujet et dissiper toute idée fausse à ce sujet.

Le préfixe « pédo- » renvoie au concept d’enfant et non à celui de « pédophile ». Comme la sénatrice Miville-Dechêne l’a elle-même indiqué ce jour-là, il s’agit d’un terme correct, même s’il est peut-être moins utilisé que d’autres expressions qu’elle a relevées.

Je note également que le gouvernement fédéral a adopté un amendement de coordination concernant le projet de loi C-291 dans le projet de loi S-12, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le transfèrement international des délinquants. Cet amendement de coordination incluait le terme « pédosexuel » dans le texte français, et étant donné qu’il s’agissait d’un projet de loi du gouvernement et que l’amendement a été adopté, il est évident que le gouvernement est à l’aise avec ce terme.

Lorsque j’ai interrogé le sénateur Gold sur cette disposition de coordination, qui a ajouté dans le projet de loi S-12 l’expression « matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels » afin de remplacer l’expression désuète « pornographie juvénile », le sénateur Gold a répondu :

Je pense que cela reflète l’accord du gouvernement sur le fait que l’ancienne description de ce matériel était inappropriée et que la définition proposée dans le projet de loi — dont vous êtes la marraine au Sénat — est plus appropriée et plus juste pour désigner ce matériel. Aucun d’entre nous ne souhaite l’existence de ce matériel, mais il existe et, par conséquent, il faut le traiter de manière appropriée et dans le contexte du Code criminel.

Le fait que le gouvernement du Canada ait utilisé cette formulation révisée dans le projet de loi S-12 et que le sénateur Gold me l’ait confirmé au Sénat m’a rassurée quant au fait que le gouvernement soutient également le projet de loi C-291 en paroles et en actes. J’ai été heureuse d’entendre cela, car une question aussi importante que la modification du libellé du projet de loi C-291 devrait bénéficier du soutien de tous les sénateurs, peu importe leur affiliation partisane personnelle.

La lutte contre les abus sexuels et l’exploitation des enfants transcende les considérations politiques au sein du Parlement. J’ai été encouragée de voir les parlementaires de toutes les allégeances s’unir pour soutenir cette mesure législative. Comme je l’ai dit dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture :

Le projet de loi C-291 marque une étape essentielle dans la lutte contre cette triste réalité qu’est l’exploitation sexuelle des enfants. Pour régler ce problème, il faut l’appeler par son nom : il s’agit d’abus et d’exploitation pédosexuels. Ce matériel révoltant n’a rien de consensuel. Ce n’est ni du divertissement, ni de l’art. Il s’agit de mauvais traitements infligés à des enfants, qui leur volent encore et encore leur innocence, leur enfance et l’essence même de leur identité.

Honorables sénateurs, j’espère que vous vous joindrez à moi pour adopter rapidement ce projet de loi. Ce changement est pragmatique, il est important et il est essentiel pour protéger les enfants canadiens contre les abus sexuels et l’exploitation. Veuillez vous joindre à moi et voter en faveur du projet de loi C-291 pour que ce changement devienne réalité. Merci.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je tiens à remercier la sénatrice Batters pour la qualité de son discours. Je prends la parole pour dire que j’appuie entièrement ce projet de loi. Je pense que changer le libellé de cette mesure est un exercice très important. Cela envoie un message fort. En outre, j’ai été très rassuré par les commentaires de la marraine et du rédacteur du projet de loi, qui ont tous deux témoigné devant nous. Ils ont déclaré que le projet de loi n’avait pas pour objectif de modifier l’état du droit, ni la jurisprudence, ni l’impact sur le fonctionnement des tribunaux, du bureau du procureur de la Couronne et ainsi de suite, mais plutôt de mettre l’accent sur la sensibilisation du public et sur une meilleure compréhension de l’objet de cette disposition. J’y suis tout à fait favorable. Changer la terminologie a parfois un effet très positif. Merci.

(1630)

[Français]

L’honorable Julie Miville-Dechêne : J’aimerais remercier la sénatrice Batters d’avoir fait cette recherche. Ce n’est certes pas un terme très souvent utilisé et je me posais justement la question de savoir si c’était le bon mot, car il est relativement nouveau pour parler de ces questions. Cela ne veut pas dire que ce n’est pas le bon terme. Je crois qu’on s’y habituera. De la même façon qu’on a beaucoup trop longtemps parlé de pornographie juvénile, je crois que cette expression est plus juste, comme vous le dites, et que les gens s’y habitueront.

Merci beaucoup d’avoir tenu compte de ma remarque, que j’ai faite il y a quand même assez longtemps.

[Traduction]

L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, j’interviens très brièvement dans le débat aujourd’hui et je tiens à dire à ma collègue que je soutiens pleinement le projet de loi à l’étude. J’ai trouvé intéressant de l’étudier, de me pencher de nouveau sur un domaine dans lequel j’ai travaillé — celui des jeunes — et d’examiner les mots employés et l’impact d’un changement de vocabulaire sur les familles, toutes générations confondues, ainsi que la nécessité et l’importance de tout cela. C’est l’introduction du projet de loi qui m’a forcée à y consacrer du temps et à faire mes devoirs. Je suis heureuse de représenter ce secteur aujourd’hui en soutenant ce projet de loi. Je vous remercie.

Une voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Patterson, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Adoption du vingt-septième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Cotter, appuyée par l’honorable sénateur Dean, tendant à l’adoption du vingt-septième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi S-250, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation), avec un amendement et des observations), présenté au Sénat le 24 septembre 2024.

L’honorable Brent Cotter (Son Honneur le Président intérimaire) : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Boyer, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

La Loi sur les compétences linguistiques

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Carignan, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Housakos, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-229, Loi modifiant la Loi sur les compétences linguistiques (lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick).

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénatrices et sénateurs, je constate que cet article en est à son 15e jour et je ne suis pas prêt à intervenir. Par conséquent, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-14(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat pour le temps de parole qu’il me reste.

Son Honneur le Président intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

Règlement, procédure et droits du Parlement

Sixième rapport du comité—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’étude du sixième rapport (provisoire) du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, intitulé Résumé des témoignages : Structure et mandats des comités, déposé au Sénat le 28 février 2024.

L’honorable Diane Bellemare : Chers collègues, j’aimerais d’abord profiter de cette occasion pour remercier tous les sénateurs, les greffiers, les analystes de la Bibliothèque du Parlement, les interprètes, les pages et tous les autres membres du personnel qui ont participé aux travaux du Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, que j’ai eu le privilège et l’honneur de présider depuis décembre 2021. Je céderai le flambeau à la sénatrice Audette, nouvelle présidente élue qui prendra le relais lorsque je quitterai le Sénat.

Comme vous le savez, les sénateurs s’acquittent de leurs responsabilités constitutionnelles à la Chambre et dans les comités. C’est en comité que s’effectue l’étude détaillée des projets de loi déposés par le gouvernement, les sénateurs et les députés. En comité, les sénateurs font également des études spéciales qui peuvent s’étaler sur quelques années et d’autres sur quelques mois. La plupart des sénateurs aiment beaucoup le travail de comité, qui s’effectue généralement dans une atmosphère détendue.

Afin de raccourcir mon discours, je me permettrai de faire référence aux comités permanents du Sénat en utilisant leur appellation familière plutôt que leur nom officiel.

Aujourd’hui, on compte 18 comités sénatoriaux permanents. Cinq sont de nature administrative et procédurale, comme le Comité de la régie interne, le Comité du Règlement, le Comité sur l’éthique, le Comité de l’audit et le Comité de sélection. Les 13 autres comités, je les qualifierais de « thématiques », parce qu’ils traitent d’un thème, comme les affaires sociales, ou d’un secteur, comme celui du transport et des communications. Ces 13 comités permanents « thématiques » se partagent l’étude de projets de loi et procèdent à des études spéciales.

Le Règlement prévoit aussi la possibilité de créer des comités spéciaux à durée limitée et des comités législatifs.

Les sénateurs siègent aussi à des comités mixtes permanents et à d’autres comités temporaires.

Précisons que les études spéciales entreprises par les comités ne sont pas des travaux de recherche académique. Elles s’appuient sur l’offre de connaissances existantes qui proviennent des milieux académiques, scientifiques, associatifs et institutionnels. Elles visent à identifier des avenues de politiques publiques pouvant améliorer le bien-être des Canadiens.

(1640)

La structure et les mandats des comités permanents du Sénat n’ont pas été modifiés depuis 2002, et c’était d’ailleurs l’objet du sixième rapport : faire état de la première étape d’une nouvelle étude concernant la structure et le mandat des comités.

Le sixième rapport résume les témoignages entendus lors d’une étude spéciale entreprise au début de 2023, visant à proposer des changements de fond aux mandats des 13 comités thématiques, afin de toujours mieux répondre aux préoccupations des Canadiens.

Il fait suite au troisième rapport du comité, qui proposait des changements stylistiques et mineurs à l’article 12-7 du Règlement, afin d’harmoniser la description des mandats des comités. Ce rapport a été adopté le 12 mai 2023.

La première étape de l’étude de fond sur les mandats des comités consistait à entendre les témoignages des présidents et vice‑présidents actuels ou anciens des 13 comités permanents, que j’appelle les comités thématiques. On a demandé à ces personnes si des changements devaient être apportés à leur mandat, au nombre de membres par comité, à leur composition, à l’horaire des réunions, à leur mode de fonctionnement, à leur charge de travail, à l’efficacité de leurs travaux, ainsi qu’à la question des ordres de renvoi du Sénat. On leur a également demandé de s’exprimer sur leur capacité technique et matérielle à remplir leur mandat correctement. De plus, des témoins ont pris l’initiative de suggérer des changements de tout ordre — par exemple, dans le processus du choix des témoins et des suivis législatifs —, afin d’assurer l’indépendance et la qualité des nos travaux.

Plusieurs témoins ont dit avoir apprécié l’exercice en cours et ont suggéré que le Comité du Règlement puisse renouveler l’exercice régulier à intervalle fixe. Les greffiers du Sénat Shaila Anwar, Till Heyde et Adam Thompson ont également participé et comparu devant le comité. Je les remercie de leur témoignage réfléchi. Vous trouverez la liste exhaustive des témoins à la fin du rapport, que je vous invite à lire pour obtenir plus de détails. Cela dit, en raison de la difficulté apparente de proposer des changements consensuels aux mandats et à la structure actuels des comités permanents, les travaux sur ce sujet se sont interrompus après cette première étape.

Le défi de l’adaptation de la structure et des mandats des comités n’est pas nouveau. Plusieurs comités existent depuis la création du Sénat. À titre indicatif, parmi les comités actuels, les comités des banques, de la régie interne, du Règlement et le Comité mixte de la Bibliothèque du Parlement ont été créés en 1867, suivis quelques années plus tard par le Comité des transports. Périodiquement, le Sénat a procédé à des changements dans la structure, les noms et les mandats des comités, abolissant certains comités pour en créer d’autres.

Selon les documents consultés, depuis 1945, des changements importants ont été apportés en 1968, 1985 et 2002. Il est donc temps. Nous sommes maintenant en 2024. Selon les recherches des services de la Bibliothèque du Parlement, il semble que la réforme de 1968 a été la plus importante. Comme le résume le document intitulé La procédure du Sénat en pratique :

Certains ont été renommés, d’autres ont été créés et de larges domaines de compétence ont été définis. Après cette réorganisation, il y avait huit comités sénatoriaux permanents et trois comités mixtes permanents. Au fil des années, ce chiffre a progressivement augmenté. En 1983, la taille de la plupart des comités permanents est passée de 20 à 12 membres et le quorum a été ajusté en conséquence.

Pour résumer, après 1968, le nombre de comités a augmenté, ce qui a obligé le Sénat à réduire la taille des comités, parce que nous sommes quand même limités à 105 sénateurs qui participent aux travaux.

Depuis ma nomination au Sénat en 2012, il y a eu peu de changements importants à la structure et aux mandats des comités, à l’exception de la création de comités spéciaux temporaires, comme le Comité spécial sur la modernisation du Sénat, le Comité spécial sur l’Arctique et le Comité spécial sur le secteur de la bienfaisance.

En tant que sénatrice et présidente du comité, j’ai observé que même si le défi d’adapter les travaux des comités à l’environnement économique, social, climatique et politique actuel me semble urgent, la capacité et peut-être même la volonté ferme du Sénat à transformer ses façons de faire ne sont pas encore au rendez-vous.

Le sixième rapport ne contient aucune recommandation. Le comité s’est réuni 18 fois, et toutes ces réunions se sont déroulées en public. Vous pouvez consulter les délibérations des réunions, si vous le souhaitez.

Il n’a pas été possible d’en arriver à des consensus pour effectuer des changements, car, dans le contexte des ressources limitées du Sénat, tout changement implique généralement une réallocation des ressources existantes. Certains vivent ces changements comme des pertes, mais je demeure optimiste et je crois que des changements majeurs verront bientôt le jour.

La dernière réforme à la structure des comités date du début de l’an 2000, soit avant les percées technologiques de l’intelligence artificielle, les manifestations violentes des changements climatiques et les grands bouleversements démographiques. Dans le cadre de ces principales modifications apportées en 2002, trois comités ont été créés : le Comité des langues officielles, qui, depuis sa création en 1984, était auparavant un comité mixte, le Comité des droits de la personne et le Comité de la défense nationale et des anciens combattants. Par ailleurs, le mandat du Comité des pêches, qui existait à part entière depuis 1986, a été modifié pour y ajouter la dimension « océans ».

En 2011 — c’est juste avant mon arrivée au Sénat, mais je sais que réunions ont été importantes —, le Comité du Règlement, présidé à l’époque par le sénateur David Smith, a proposé, dans son quatrième rapport présenté au Sénat, d’autres modifications afin d’élargir la portée de certains comités et d’en moderniser les mandats. Par exemple, on y proposait de traiter le transport avec les banques, dont le mandat inclurait également le commerce international. On proposait de regrouper la défense nationale avec les affaires étrangères, de créer un comité des ressources naturelles englobant les problématiques des pêches et des océans, de l’agriculture et des forêts et de créer un nouveau comité des sciences, de la technologie et des communications. Le quatrième rapport de ce comité, publié en 2011, n’a pas été adopté.

En 2019 et pendant la pandémie, un groupe de sénateurs indépendants présidé par la regrettée sénatrice Josée Forest-Niesing s’est penché sur le travail des comités. Un sondage informel a été entrepris afin de mesurer l’appétit des sénateurs pour effectuer des changements. Les résultats ont indiqué une grande variété d’opinions.

J’aimerais maintenant partager avec vous mes réflexions sur le sujet. Les témoignages entendus au comité m’ont inspirée, ainsi que l’analyse des données concernant les heures de travail en comité. Ces données proviennent de la Bibliothèque du Parlement et des services de la Direction des comités, que je remercie, car ils m’ont aidée à structurer et à mieux comprendre le partage du travail chez les sénateurs.

Cette analyse statistique est partielle, mais elle permet d’identifier des situations problématiques qu’une analyse statistique plus large pourrait enrichir. J’ai comparé les heures de travail pour chacun des 13 comités permanents thématiques. J’ai regardé les heures totales ainsi que le temps consacré à l’étude des projets de loi et le temps consacré aux études spéciales. J’ai comparé trois différentes années : 2018-2019 — soit avant la pandémie —, 2022-2023 et 2023-2024.

Voici quelques faits saillants. Premièrement, les heures de travail varient beaucoup selon le comité. Les comités des finances, des affaires juridiques et des affaires sociales consacrent toujours beaucoup plus d’heures de travail de comité que la moyenne des autres. Deuxièmement, pour chacune de ces années, le travail législatif accapare en moyenne entre 40 et 50 % des heures de travail en comité. Toutefois, il y a d’importantes variations entre ces pourcentages selon le comité.

Les comités des finances nationales, des affaires juridiques et des affaires sociales consacrent la majeure partie de leurs travaux à l’étude de projets de loi, et à l’étude des crédits pour le Comité des finances nationales. Cela laisse peu de temps à ces trois comités pour mener des études spéciales, alors que six comités permanents consacrent une large part de leurs travaux aux études spéciales.

(1650)

Ce sont les comités des droits de la personne, des langues officielles, des peuples autochtones, de l’agriculture et des forêts, des pêches et des océans et des affaires étrangères et du commerce international. J’aimerais présenter quelques commentaires en lien avec ces faits.

D’abord, la répartition différente des tâches en comité se traduira par une répartition différente des tâches pour chacun des sénateurs. Certains sénateurs feront beaucoup de travail législatif et d’autres feront surtout des études spéciales.

On peut se demander si ces constats sont particuliers aux périodes étudiées. Est-ce une situation permanente? Est-ce lié à la croissance des projets de loi publics? Peut-être devrions-nous regarder ces données de plus près? J’espère que le Comité d’examen de la réglementation pourra le faire plus tard et élargir le nombre des années étudiées.

Par ailleurs, sans vouloir porter quelque jugement que ce soit sur l’importance des mandats des divers comités, force est de constater que la portée des mandats des comités permanents varie considérablement. D’un côté, nous avons deux comités qui s’occupent de toutes les affaires juridiques et de toutes les affaires sociales qui touchent la santé, la science et la technologie ainsi que toutes les questions relatives au travail. De l’autre, certains comités ont des mandats spécifiques, comme les comités des pêches et des océans, des transports et des communications, de l’agriculture et des forêts, de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants ainsi que des langues officielles. C’est inévitable dans ce contexte que l’étude des projets de loi se concentre dans les affaires juridiques et sociales. Une grande partie des projets de loi ont trait à ces domaines.

On peut alors comprendre la frustration de certains sénateurs qui aimeraient que le Sénat puisse étudier des questions plus générales et pressantes, comme l’intelligence artificielle, les problèmes liés à l’emploi — à la demande de la sénatrice Lankin —, l’immigration, le phénomène des réseaux sociaux et la polarisation économique, politique et sociale.

Que faire devant ce constat? Je pense qu’on pourrait faire mieux et j’ai quelques suggestions.

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : Sénatrice Bellemare, votre temps est écoulé. Demandez-vous quelques minutes de plus pour conclure votre discours?

La sénatrice Bellemare : Oui. J’en ai encore pour deux minutes.

Son Honneur le Président intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

[Français]

La sénatrice Bellemare : On peut faire l’exercice qui a été proposé par le sénateur MacDonald le 16 avril dernier en comité :

[Traduction]

Cela aurait été plus facile de partir d’une page blanche. Si [...] nous avions décidé de créer tous les nouveaux comités pour la première fois, l’exercice serait beaucoup plus facile.

[Français]

C’est vrai, tout le monde a applaudi quand il s’est exprimé ainsi.

Ma deuxième suggestion est d’analyser la structure et les mandats des comités dans d’autres sénats du monde. On pourrait y trouver des solutions — ou du moins des débuts de solutions.

On pourrait constater que la structure des comités dans certains sénats dans le monde prévoit, outre les comités de nature administrative et procédurale, des comités législatifs et des comités spéciaux. Ainsi, le travail législatif est concentré dans des comités qui sont prévus à cet effet et qui sont assez nombreux, et tous les sénateurs peuvent y contribuer. Les comités spéciaux font des études spéciales. Notre Règlement prévoit actuellement l’existence de tels comités, mais cette disposition est peu utilisée.

J’ai vu que sur papier, dans ces administrations, le nombre de comités spéciaux peut être très élevé. On peut avoir toutes sortes de sujets. Toutefois, ces comités ne sont pas tous activés en même temps, mais seulement quand le Sénat adopte un ordre de renvoi à cet effet pour une étude spéciale. Ces comités spéciaux sont présentés au Sénat après des discussions dans les instances de leadership.

Il faudrait voir comment cela fonctionne, d’où la nécessité d’une étude pratique en comité de ce qui se fait ailleurs.

Cependant, une chose est sûre pour moi, et je tiens à le dire et à le répéter : le Sénat est une institution très importante, et peut-être encore plus à cette époque d’incertitude et de perturbations. Le Sénat du Canada doit avoir l’ambition de se placer à l’avant-scène des débats publics sur les grands sujets de l’heure. Il peut faire de grandes choses, mais il doit travailler ou procéder autrement.

Merci. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Donna Dasko : La sénatrice Bellemare accepterait-elle de répondre à une question?

Son Honneur le Président intérimaire : Vous devrez demander le consentement pour obtenir plus de temps. Le consentement est-il accordé pour qu’une question soit posée à la sénatrice?

Des voix : D’accord.

Une voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : J’ai entendu un « non ». Le consentement n’est pas accordé.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-13(2) du Règlement, je propose :

Que la séance soit maintenant levée.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(À 16 h 55, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 8 octobre 2024, à 14 heures.)

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