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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 244

Le mardi 3 décembre 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mardi 3 décembre 2024

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Question de privilège

Préavis

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, conformément à l’article 13-3(4) du Règlement et selon le préavis distribué par la greffière aux honorables sénateurs plus tôt ce matin, je souhaite vous donner un préavis oral que je soulèverai plus tard aujourd’hui une question de privilège.

La nature de la violation en question tient compte des atteintes aux droits de certains sénateurs — dont moi — à la suite d’une application inadéquate du Règlement, de la procédure et des processus du Sénat qui a eu pour effet que certains sénateurs ont été incapables d’exercer leur droit de vote au Sénat. Cette mauvaise application du Règlement a eu des effets en cascade — dont je vais parler — qui ont limité davantage la capacité des sénateurs de s’acquitter de leurs fonctions parlementaires.

Dans ma question de privilège, je vais présenter mon point de vue concernant la gravité de cette situation. Je vais aussi explorer le concept du privilège en me penchant sur sa signification, son esprit et son intention. Cet examen du privilège reposera sur des traités de procédure parlementaire comme celui d’Erskine May, sur les constatations et les pratiques d’autres Parlements inspirés du modèle de Westminster, et sur nos propres documents d’orientation internes, soit Le Règlement du Sénat et La Procédure du Sénat en pratique.

Madame la Présidente, si vous jugez qu’il y a matière à question de privilège, je serai prête à présenter la motion appropriée.

Merci.

Le décès de l’honorable Murray Sinclair, C.C., O.M., C.M.S.

L’honorable Chantal Petitclerc : Honorables sénateurs, il est rare que l’on puisse dire que les actions et la nature d’une personne ont changé le pays. Murray Sinclair est l’une de ces personnes. Aujourd’hui, au nom du Groupe des sénateurs indépendants, je rends hommage à notre collègue bien-aimé.

Murray Sinclair, qui était juge, sénateur et fervent défenseur des droits des Autochtones, laisse derrière lui un immense héritage. Né en 1951, il est passé à l’histoire en devenant le premier juge autochtone du Manitoba, ce qui a ouvert la voie à une plus grande représentation. Toutefois, c’est en tant que président de la Commission de vérité et réconciliation, où il s’est efforcé sans relâche de remédier au génocide culturel historique dont ont été victimes les peuples autochtones, qu’il a apporté une contribution révolutionnaire.

Sous sa sage direction, le rapport final a été publié en 2015, y compris 94 appels à l’action. Selon Murray, il faut d’abord reconnaître les douloureuses vérités du passé, puis s’engager sur la voie de la guérison et de la compréhension.

Nommé au Sénat en 2016, il y a été une voix essentielle et a veillé à ce que les droits des Autochtones soient non seulement reconnus, mais aussi intégrés dans le tissu législatif et stratégique du Canada.

J’ai moi aussi été nommée ce jour-là. À mes yeux, il était gentil, attentionné et drôle et me demandait toujours des nouvelles de mon fils et me rappelait que la famille est ce qu’il y a de plus important.

En souvenir de Murray Sinclair, nous, membres du Groupe des sénateurs indépendants, rendons hommage non seulement à l’homme qu’il était, mais aussi au mouvement qu’il a inspiré. Son héritage continuera à guider notre travail. Il nous rappelle que la réconciliation est un processus qui nécessite de la vérité, de la compréhension et un engagement inébranlable en faveur de la justice.

Même si nous le connaissions ici sous le nom de Murray Sinclair, son véritable nom a toujours été Mazina Giizhik-iban, c’est-à-dire « Celui qui parle des images dans le ciel ». Dans son cœur, il est demeuré jusqu’à la fin un inini anishinaabe.

Environ deux cordes de bois ont permis d’alimenter le feu sacré sans interruption pendant des jours. Son esprit a été nourri de ses aliments préférés, y compris de ses friandises préférées : les jujubes. La société Three Fires a organisé des funérailles privées pour les membres de sa famille et ses proches. Ce jour-là, Murray — qui aimait la musique rock et avait commencé à conduire une motocyclette à l’âge de 70 ans — a été escorté dans un cercueil par d’autres motocyclistes jusqu’à sa dernière demeure. Le cortège a joué haut et fort la chanson Another Brick in the Wall du groupe Pink Floyd.

Cela me fait sourire, et je suis certaine que cela l’a fait sourire lui aussi. Il nous a tant donné.

Daga giwii-bimaadiziyang ezhi-gii-bimaadizid. Murray, Mazina, vous nous manquez.

Meegwetch.

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, c’est avec tristesse que je prends la parole afin de rendre hommage à l’extraordinaire vie de notre ancien collègue l’honorable Murray Sinclair.

Murray Sinclair était juge, sénateur et militant. Dans ma communauté, c’était un monument, un héros, un guide et une lumière dans l’obscurité de la difficile quête de la vérité et de la guérison. Le pays pleure la perte d’un leader, d’un juriste brillant et de celui qui a dirigé une des enquêtes les plus conséquentes de notre époque, la Commission de vérité et réconciliation.

Dans son style direct, sans mettre de gants blancs, Murray nous a donné les outils et la feuille de route pour améliorer le Canada, un pays bâti sur les relations respectueuses, en favorisant l’honnêteté, la justice et la compassion.

Le 26 septembre, Murray publiait ses mémoires intitulées Who We Are. Chers collègues, ces mémoires nous invitent à l’action, mais elles présentent également la magnifique histoire de Murray et son important point de vue.

Murray n’était pas assez en forme pour assister au lancement de son livre. Par conséquent, j’ai été honorée qu’on me demande de me joindre à notre bon ami Shelagh Rogers, à son fils Niigan et à David Robertson au Wordfest, à Calgary, pour parler du livre et rendre hommage à l’œuvre et à la sagesse de Murray Sinclair.

En écoutant parler Niigan, je me suis rappelé qu’en tant que juge, commissaire, puis sénateur Murray a passé des heures, des jours et des mois loin de sa famille. Tout ce qu’il a fait pour le Canada, il l’a fait en sacrifiant du temps précieux qu’il aurait pu passer auprès son épouse et de ses enfants, qui s’ennuyaient énormément de lui. Je tiens à exprimer mes sincères condoléances à la famille Sinclair ainsi que les remercier d’avoir partagé Murray avec nous.

Honorables sénateurs, notre pays a une immense dette de gratitude envers Murray Sinclair qui a consacré sa vie à rétablir la relation du Canada avec les peuples autochtones, à exposer au grand jour le passé du Canada, et à nous exhorter à bâtir un avenir meilleur. Je suis impatiente de poursuivre son œuvre avec votre concours, chers collègues, tandis que nous progressons ensemble sur la voie de la vérité, de la guérison et de la réconciliation.

Hiy hiy.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, en mon nom ainsi qu’au nom de toute l’opposition au Sénat, je prends la parole pour honorer la vie et l’héritage de l’honorable Murray Sinclair.

Notre ancien collègue a consacré toute sa carrière au service de la population. Sa nomination historique comme premier juge autochtone du Manitoba marque le début de son parcours dans le service public. Sa profonde compréhension du droit lui vaut d’être nommé par le premier ministre de l’époque, Stephen Harper, au poste de président de la Commission de vérité et réconciliation. En effet, Murray Sinclair a entrepris la tâche monumentale de diriger la Commission de vérité et réconciliation et de mettre au jour les douloureuses vérités du système des pensionnats indiens au Canada.

(1410)

La commission a entendu plus de 6 500 témoins venant de partout au pays et ces travaux ont constitué le fondement des 94 appels à l’action que contient son rapport final. Ce rapport est le plan d’action pour la réconciliation. Il souligne l’importance de l’éducation, de la préservation de la culture et d’une réforme systémique. Il nous rappelle que la réconciliation est un cheminement qui nécessite l’engagement de chaque personne et de chaque institution.

Murray Sinclair s’est battu pour la justice et la reconnaissance des droits des Autochtones au Canada. Il n’a jamais eu peur de défendre ses convictions, et il a continué de le faire en tant que législateur, ici, au Sénat du Canada. Il a participé à des débats enflammés avec certains d’entre nous dans cette enceinte, et ces échanges sont préservés dans le hansard. On peut les examiner ou les revivre à tout moment. Je ne doute pas que, si vous choisissez de remonter dans le temps et de lire ces débats, vous vous souviendrez de Murray Sinclair et vous entendrez sa voix enveloppante, grave et sonore.

Chers collègues, j’ai du respect pour les personnes qui travaillent assidûment à défendre et promouvoir ce qu’elles jugent important, même si je ne suis pas toujours d’accord avec elles. Le sénateur Sinclair et moi-même — ce n’est pas un secret au Sénat — avons souvent eu des opinions divergentes sur les mesures législatives, ce qui, à mon avis, a donné des débats d’une grande qualité. Lors de la cérémonie de célébration de sa vie, à Winnipeg, son fils Niigaan a dit qu’un sénateur conservateur qu’il n’a pas nommé portait la responsabilité de débats qui ont bien des fois empêché son père de dormir jusque tard dans la nuit. J’en suis fier.

Au-delà de ses réalisations professionnelles, Murray Sinclair était le mari aimant de Katherine ainsi qu’un père dévoué à ses enfants. Il avait un grand sens de ses responsabilités envers sa famille et sa communauté.

Je remercie les membres de sa famille d’avoir partagé celui qu’elle aimait avec nous. Nous espérons que la gratitude que nous exprimons à l’égard d’un visionnaire canadien d’exception sera pour vous une source de force et de résilience. Nous vous présentons nos plus sincères condoléances. Je vous remercie, chers collègues.

Des voix : Bravo!

L’honorable Flordeliz (Gigi) Osler : Honorables sénateurs, au nom du Groupe des sénateurs canadiens, j’ai l’honneur de rendre hommage au regretté sénateur Murray Sinclair, qui nous a quittés le 4 novembre dernier. C’était une matinée ensoleillée et froide à Winnipeg, mais, lorsque la nouvelle de son décès s’est répandue, le ciel au-dessus de la ville s’est couvert, comme s’il ressentait lui aussi cette perte et reflétait notre état d’esprit.

Au Manitoba, Murray Sinclair était un nom connu de tous : il a été avocat, juge, commissaire de la Commission de vérité et réconciliation, sénateur, militant et enseignant. Je l’ai rencontré pour la première fois peu après ma nomination au Sénat. J’avais accordé une entrevue dans laquelle j’avais parlé de son impact sur le Sénat et du fait qu’il laissait un grand vide. Peu après la publication de l’entrevue, il m’a téléphoné et m’a parlé comme si nous nous connaissions depuis toujours. Il a plaisanté en disant qu’il ne laissait pas un si grand vide, et nous avons eu une longue conversation, la première d’une longue série, où j’ai pu profiter de sa grâce, de sa sagesse, de ses conseils et de son humour.

Le sénateur Sinclair a décrit le Sénat comme le « conseil des anciens du Canada ». Il m’a expliqué que chacun d’entre nous a la responsabilité professionnelle et personnelle d’être un agent de changement.

Honorables sénateurs, nous avons perdu un ancien qui nous a mis sur le long chemin vers la réconciliation. Nous avons perdu un collègue qui a laissé sa marque par sa vie passée au service de la population et par son profond engagement envers la vérité, la justice et la dignité pour tous.

Lors de la cérémonie nationale de commémoration du sénateur Sinclair, son fils Niigaan Sinclair a déclaré ceci à propos de son père :

Peu de personnes ont façonné ce pays comme mon père l’a fait et peu de personnes peuvent dire qu’elles ont changé le cours de ce pays comme mon père l’a fait pour nous mettre sur une meilleure voie. À bien des égards, il est l’incarnation de chacun d’entre nous : les bons, les mauvais, les grands et toutes les parties qui convergent en ce lieu.

Lorsqu’il est devenu premier ministre du Manitoba, Wab Kinew a dit que le sénateur Sinclair lui avait transmis des conseils dont la portée dépassait largement le cadre d’un nouveau gouvernement :

[...] apprendre à aimer les gens, même s’ils ne vous aiment pas [...] Au cours de sa grande vie, Murray a appris à nous aimer [...] Il l’a montré avec la Commission de vérité et réconciliation et avec tout ce qu’il a fait; il a aimé les gens, il les a aimés tous.

Au cours de la cérémonie, son fils a également offert les citations suivantes de son père, dont la première date de 1997 :

En fin de compte, quelle que soit la manière dont on l’envisage, le changement repose sur vous, ceux d’entre vous qui sont prêts à travailler fort pour y parvenir. Pour que le changement se produise, il faut toutefois s’engager personnellement.

Et enfin : « Continuez à essayer et rêvez. N’arrêtez jamais de rêver. C’est un don que vous avez reçu. »

À sa famille, nous exprimons nos plus sincères et profondes condoléances. Il nous manquera beaucoup.

Des voix : Bravo!

L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, au nom du Groupe progressiste du Sénat, je prends la parole pour rendre hommage à un homme qui a touché d’innombrables vies, l’honorable Murray Sinclair.

Murray était non seulement un leader extraordinaire, mais aussi une personne exceptionnelle. Il s’est démarqué par l’autorité, l’humilité et l’amour dont il faisait preuve dans toutes les fonctions qu’il a occupées, que ce soit en tant qu’avocat, juge, commissaire ou sénateur. Peu importe à qui il s’adressait, qu’il s’agisse d’un collègue, d’un ami ou d’un étranger, Murray veillait à ce que tout le monde se sente vraiment considéré et valorisé. J’offre mes plus sincères condoléances à tous ceux qui l’ont connu et aimé, en particulier à sa famille bien-aimée, dont il parlait avec tant de fierté.

Murray était un mentor généreux et un véritable ami qui prodiguaient ses sages conseils avec une profondeur exceptionnelle et un humour joyeux. Je l’ai vu pour la dernière fois il y a quelques mois avec la sénatrice Pate. Nous avons échangé des anecdotes et des rires dans sa maison, à Winnipeg, et j’en garderai toujours un précieux souvenir.

Murray a eu une influence incommensurable sur notre pays. En tant que président de la Commission de vérité et réconciliation, par exemple, il a eu comme tâche colossale de documenter les dures réalités entourant les relations passées et actuelles du Canada avec les peuples autochtones. Il a mené ce travail incroyablement difficile et émouvant avec un courage inébranlable, une profonde compassion et un dévouement indéfectible, et nous lui devons énormément de gratitude et de respect.

Ce fut un honneur de servir dans cette enceinte aux côtés de Murray et de le considérer comme un mentor et un ami. Avant de prendre sa retraite, il m’a confié la tâche de faire de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, en réponse à l’appel à l’action no 80, une réalité. Murray était une voix puissante pour les survivants des pensionnats et les Autochtones. C’est avec humilité que je suis ses traces, et je sais que le 30 septembre de chaque année, nous nous souviendrons de son incidence profonde et durable.

Ce qui était le plus évident chez Murray, c’était sa foi dans le pouvoir de l’éducation : « C’est l’éducation qui nous a mis dans ce pétrin, et c’est l’éducation qui nous en sortira », disait-il souvent. Il nous incombe désormais d’honorer et de concrétiser la vision qu’il a exposée en faveur d’une réconciliation véritable, et fondée sur la vérité, la justice et la guérison.

Reposez en paix, Murray. Vous laissez derrière vous une vie de service qui continuera à guider les prochaines générations vers un avenir plus solidaire et plus équitable.

Merci. Wela’lin.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous prie de vous lever pour observer une minute de silence à la mémoire de notre ancien collègue l’honorable Murray Sinclair, qui nous a quittés le 4 novembre 2024. J’offre mes plus sincères condoléances à ses proches, au nom de tous les sénateurs et de tous ceux qui sont associés à cette enceinte.

(Les honorables sénateurs observent une minute de silence.)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du chef Daniel Gaudet, du gouvernement Gotine de Deline, et de Jennifer Duncan. Ils sont accompagnés d’autres invités de l’honorable sénatrice Pate.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

(1420)

Visiteur de marque à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de notre ancien collègue l’honorable Dennis Glen Patterson.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je suis heureuse de vous revoir au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de John Osler, l’époux de l’honorable sénatrice Osler.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La vérificatrice générale

Dépôt des rapports de l’automne 2024

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports de l’automne 2024 de la vérificatrice générale du Canada au Parlement du Canada, conformément à la Loi sur le vérificateur général, L.R.C. 1985, ch. A-17, par. 7(3).

[Traduction]

L’étude sur le cadre de la politique monétaire du Canada

Dépôt du dix-septième rapport du Comité des banques, du commerce et de l’économie

L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le dix‑septième rapport du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie, intitulé Étude sur la politique monétaire du Canada – Constatations préliminaires. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

(Sur la motion de la sénatrice Wallin, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

L’étude des questions concernant les droits de la personne en général

Dépôt du huitième rapport du Comité des droits de la personne auprès de la greffière pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 3 mars 2022 et le 17 octobre 2023, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a déposé auprès de la greffière du Sénat, le 3 décembre 2024, son huitième rapport (provisoire) intitulé Arrachés de leurs foyers : la crise mondiale des déplacements forcés. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

(Sur la motion de la sénatrice Ataullahjan, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial

Présentation du trente et unième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le trente et unième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui porte sur le projet de loi S-15, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 3348.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Cotter, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi concernant la cybersécurité, modifiant la Loi sur les télécommunications et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois

Projet de loi modificatif—Présentation du douzième rapport du Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants

L’honorable Hassan Yussuff : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le douzième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, qui porte sur le projet de loi C-26, Loi concernant la cybersécurité, modifiant la Loi sur les télécommunications et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 3350.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Yussuff, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Projet de loi concernant un congé fiscal pour l’ensemble des Canadiens

Première lecture

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-78, Loi concernant l’allègement temporaire du coût de la vie (abordabilité), accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-6(1)f) du Règlement, je propose que la deuxième lecture du projet de loi soit inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)

(1430)

Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs

Préavis de motion concernant la composition du comité

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement ou tout ordre antérieur, l’honorable sénatrice Boniface prenne la place de l’honorable sénateur Cotter à titre d’un des membres du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs en date du 18 décembre 2024.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

La sécurité publique

La sécurité frontalière

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, il y a maintenant plus d’une semaine que le président désigné Trump a menacé d’imposer des tarifs douaniers de 25 % sur les exportations canadiennes vers les États-Unis dès son entrée en fonction en janvier. Les conservateurs pleins de bon sens demandent au gouvernement néo-démocrate—libéral de présenter un plan « le Canada d’abord » pour remédier au gâchis qu’il a causé à la frontière. Nous espérons que le gouvernement prendra des mesures supplémentaires, notamment pour lutter contre la production et le trafic de drogues illicites.

Monsieur le leader, ces mesures sont nécessaires non seulement pour sauver notre économie, mais aussi pour sauver des vies.

Monsieur le leader, le premier ministre vient tout juste d’avoir une rencontre avec le chef de l’opposition et les chefs des autres partis à l’autre endroit. Que leur a-t-il dit au sujet de son entretien avec le président désigné Trump?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Comme je n’ai pas assisté à cette rencontre, je ne peux pas parler de ce qui a été dit. Je peux toutefois vous dire que le premier ministre, le ministre LeBlanc et le gouvernement libéral ont commencé à établir des contacts avec le président désigné dès que le résultat des élections a été annoncé.

La longue conversation qui a eu lieu sous l’initiative du premier ministre ainsi que les longues conversations qu’ils ont eues, y compris celles qui ont mené à ce que le premier ministre soit invité à participer à une soirée avec le président désigné, témoignent de la relation importante qui unit le Canada et les États-Unis. Cette relation est cruciale non seulement pour le Canada, mais aussi pour les États-Unis.

Le gouvernement libéral continuera de travailler assidûment avec le président désigné, comme il l’a fait par le passé, afin de protéger et de promouvoir les intérêts du Canada.

Le sénateur Plett : Les néo-démocrates—libéraux avaient promis un plan pour sécuriser la frontière, et il n’y a pas que les Américains qui attendent de le voir, monsieur le leader. De plus, ils ne veulent pas seulement qu’il y ait davantage de drones le long de la frontière. Les premiers ministres provinciaux veulent voir ce plan, tout comme les Canadiens qui sont préoccupés par la frontière qui est fragilisée, monsieur le leader.

Où est le plan? Combien de temps devrons-nous encore attendre avant que ce plan soit mis en œuvre et appliqué?

Le sénateur Housakos : Après les prochaines élections.

Le sénateur Gold : Comme le ministre LeBlanc l’a signalé à juste titre, en se fondant sur des faits et non sur des slogans, la frontière n’est pas fragilisée. Des mesures ont été mises en place pour sécuriser davantage la frontière. Le travail n’est pas fini.

Les services publics et l’approvisionnement

Le processus d’acquisition

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader, les néo-démocrates—libéraux n’ont jamais divulgué de façon proactive leurs contrats à fournisseur unique conclus avec des consultants d’Accenture pour administrer les prêts accordés au titre du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes. Grâce à la vérificatrice générale, nous avons appris que cela a coûté 313 millions de dollars aux contribuables.

Une voix : C’est honteux.

La sénatrice Martin : Dans son rapport d’hier, nous avons également appris que 3,5 milliards de dollars de prêts ont été versés à des bénéficiaires inadmissibles.

Le gouvernement néo-démocrate—libéral dépend maintenant presque entièrement des consultants d’Accenture pour gérer le recouvrement des prêts, ce qui signifie que les contribuables canadiens devront encore payer la note pour les services d’Accenture, au moins jusqu’en 2028. La vérificatrice générale a également déclaré que votre gouvernement ne sait toujours pas comment il assurera le recouvrement des prêts non remboursés.

Monsieur le leader, comment cela est-il possible?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci. Le gouvernement remercie toujours la vérificatrice générale de son travail et il lui en est reconnaissant.

Au plus fort de la pandémie, le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes a aidé près de 900 000 petites entreprises partout au pays à se maintenir à flot et à garder leurs employés. Exportation et développement Canada, la société d’État indépendante responsable de l’administration du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, a attribué ce contrat de façon indépendante.

Cela dit, la vice-première ministre et ministre des Finances a fait part de ses graves préoccupations concernant ce contrat directement au président d’Exportation et développement Canada.

La sénatrice Martin : Oui, mais je répète que 3,5 milliards de dollars de ce programme ont été versés à des bénéficiaires inadmissibles. C’est un gaspillage qui dépasse l’entendement.

En février, je vous ai posé une question sur le travail qui se fait dans une filiale d’Accenture au Brésil. Elle concernait les habilitations de sécurité et cherchait à savoir si les employés avaient accès aux renseignements financiers des petites entreprises canadiennes. Je n’ai jamais reçu de réponse, monsieur le leader. Compte tenu de la gravité du rapport de la vérificatrice générale, quelles sont les réponses à mes questions?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je n’ai pas les réponses que vous avez demandées; je ne suis pas en mesure de les fournir aujourd’hui.

Cependant, encore une fois, je tiens à souligner que ce que les Canadiens doivent comprendre — et nous l’avons compris au Parlement —, c’est que lorsque la pandémie a frappé, il était entendu que l’argent devait être versé rapidement. C’est cela qui a sauvé notre économie, des familles et près de 1 million d’entreprises ainsi que leurs travailleurs. C’est un...

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les cérémonies de citoyenneté

L’honorable Bev Busson : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement.

Dans un discours récent, le sénateur Tannas nous a raconté à quel point il est exaltant d’assister en personne à une cérémonie de citoyenneté canadienne. Inversement, la plupart d’entre nous ne peuvent qu’imaginer ce que l’on ressent quand on y participe en tant que nouveau Canadien, entouré de nos proches.

Le 21 mars 2023, en réponse à une question concernant les cérémonies de citoyenneté, vous avez déclaré que tous les demandeurs continueraient d’avoir le choix et la possibilité de prêter ou d’affirmer leur serment de citoyenneté lors d’une cérémonie en personne ou à distance, selon le cas. Or, nous apprenons aujourd’hui que ce n’est plus le cas. Les demandeurs n’ont pas toujours la possibilité de choisir la façon dont ils prêtent ou affirment leur serment au Canada, car la majorité d’entre eux doivent désormais le faire par Zoom, sans qu’aucun choix leur soit offert.

Sénateur Gold, le gouvernement reviendra-t-il sur cette décision malheureuse et donnera-t-il à tous les demandeurs la possibilité de participer de nouveau en personne à cette cérémonie qui change des vies?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

Comme vous l’avez souligné, prêter le serment de citoyenneté et devenir citoyen canadien est un moment important et spécial pour les nouveaux arrivants. À cet égard, la possibilité de prêter serment à distance permet aux demandeurs de satisfaire aux exigences juridiques de la citoyenneté tout en rendant la cérémonie plus accessible.

Toutefois, pour répondre à votre question, le ministre m’a assuré que tous les demandeurs de citoyenneté auront la possibilité de prêter ou d’affirmer leur serment devant un juge et de participer en personne aux cérémonies de citoyenneté. Permettre les deux options, en personne ou à distance, offre une certaine souplesse aux personnes qui ne peuvent pas parcourir de longues distances ou participer à une cérémonie en personne, notamment celles qui vivent dans des collectivités éloignées, ainsi qu’aux personnes handicapées.

(1440)

Je le répète : le gouvernement continuera de donner le choix aux nouveaux arrivants d’assister en personne à leur cérémonie de citoyenneté.

La sénatrice Busson : Le représentant du gouvernement au Sénat pourrait-il s’engager à clarifier ce point au sujet du choix d’assister en personne ou non, à savoir si cela s’applique uniquement au processus de sélection, s’il vous plaît?

Le sénateur Gold : J’en reparlerai sans faute au ministre, mais j’ai répondu en me fondant sur la confirmation faite par le ministre. Je vérifierai de nouveau. Merci.

[Français]

La sécurité publique

L’Agence des services frontaliers du Canada

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Gold, nous savons que notre frontière est devenue un enjeu dans nos relations avec le président élu, Donald Trump. Or, il y a beaucoup d’insatisfaction au Congrès par rapport au fait que les douaniers canadiens ont intercepté depuis trois ans une seule cargaison contenant des marchandises issues du travail forcé, alors que les douaniers américains ont carrément refusé 4 500 cargaisons suspectes depuis 2022, pour une valeur de 808 milliards de dollars, provenant notamment de la Chine, du Vietnam et de la Malaisie. Notre frontière est-elle une passoire pour les produits contenant des produits issus du travail forcé que nous consommons?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et je vous remercie également de votre engagement continu dans ce domaine. J’aimerais souligner le travail que vous avez accompli pour faire progresser et adopter le projet de loi S-211, qui oblige désormais les entreprises à respecter des normes plus strictes en matière d’information sur le travail forcé dans leurs chaînes d’approvisionnement. Il s’agit d’un changement très important.

Il est interdit d’importer au Canada des produits fabriqués dans le cadre de travail forcé, quelle que soit leur origine. On m’a assuré que l’Agence des services frontaliers du Canada évaluait les cargaisons entrantes pour s’assurer qu’elles étaient conformes. S’il s’avère qu’une cargaison est le fruit du travail forcé, l’ASFC peut la saisir et en refuser l’entrée.

La sénatrice Miville-Dechêne : On a également appris que 47 conteneurs de panneaux solaires se sont fait interdire d’entrer au Canada. L’enquête, qui s’est avérée infructueuse, a duré plus de deux mois. La compagnie Charge Solar poursuit le gouvernement canadien pour ces délais qui lui ont coûté clients et contrats. Bref, nos méthodes semblent moins efficaces que celles des États-Unis. Pourtant, nous devrions, nous aussi, lutter contre ces violations terribles des droits de la personne.

Le sénateur Gold : Je vous remercie pour la question. Je ne peux pas m’exprimer sur les cas individuels portés devant les tribunaux, comme vous le savez. Toutefois, je peux dire qu’une fois qu’un envoi a été intercepté et évalué, il fait l’objet d’un examen approfondi des informations détaillées fournies par les importateurs sur la chaîne d’approvisionnement, afin de déterminer si les marchandises ont été produites par le biais du travail forcé.

[Traduction]

Le rapport spécial du Comité de la sécurité nationale et du renseignement sur les parlementaires

L’honorable Percy E. Downe : Sénateur Gold, cela fait 176 jours qu’Elizabeth May, la cheffe du plus petit groupe de la Chambre des communes — si petit qu’il n’est pas un parti reconnu —, a lu le rapport non caviardé du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Ce rapport affirme, entre autres, que des acteurs étrangers ont cultivé des relations avec des Canadiens, en particulier des députés et des sénateurs, dans le but d’amener les Canadiens à agir en faveur de l’acteur étranger et contre les intérêts du Canada.

Chers collègues, cela fait zéro jour que la sénatrice Saint-Germain, cheffe du groupe des sénateurs indépendants, le plus grand groupe du Sénat, a eu accès au rapport non caviardé. Quand le premier ministre corrigera-t-il cette omission?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour cette information, dont je n’avais pas connaissance.

Chers collègues, comme je l’ai dit à plusieurs reprises, j’ai régulièrement relayé la volonté de nombreux sénateurs d’avoir accès à ce rapport. Je suis allé plus loin et j’ai rappelé au gouvernement que cette question était devenue préoccupante au Sénat.

Je n’ai malheureusement pas encore de réponse du gouvernement.

Le sénateur Downe : Sénateur Gold, nous espérons que les quatre leaders du Sénat liront le rapport non caviardé et pourront collectivement informer le Sénat qu’il n’y a pas de problème et qu’aucune mesure de suivi n’est nécessaire ou — dans le pire des cas — qu’une telle mesure s’impose, mais qu’elle a été prise.

Quand ce nuage d’incertitude qui plane sur le Sénat et sur certains sénateurs se dissipera-t-il? Quand le gouvernement laissera-t-il les leaders lire le rapport non caviardé?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de souligner l’importance que cet enjeu revêt pour vous et d’autres sénateurs, ainsi que les raisons pour lesquelles vous souhaitez avoir accès à ce rapport. Cependant, comme je l’ai dit, j’ai communiqué cette demande au gouvernement à plusieurs reprises, et je la rappelle à son attention régulièrement, mais il ne m’a toujours pas répondu.

Les finances

Les mesures fiscales temporaires

L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, le gouvernement Trudeau propose une exonération temporaire de la TPS sur la malbouffe, tout en accélérant l’adoption du projet de loi C-252, un projet de loi présenté par un député libéral, qui interdit de faire la publicité de malbouffe auprès des enfants. Le projet de loi interdit de faire de la publicité d’aliments « dont les taux de sucres, de gras saturés ou de sodium excèdent les taux réglementaires ».

Combien de collations sucrées et salées que votre gouvernement exempte de la TPS appartiennent à cette catégorie? La liste comprend : les bonbons tels que la barbe à papa, la gomme à mâcher et le chocolat; les collations enduites de sucre candi, de chocolat, de miel, de mélasse, de sucre, de sirop ou d’édulcorants artificiels; les croustilles, les spirales, les bâtonnets, les croustilles de pommes de terre, les croustilles de maïs, les bâtonnets au fromage, les bâtonnets de pommes de terre ou pommes de terre juliennes, les croustilles de bacon, les spirales de fromage, le maïs soufflé, les bretzels croustillants et les noix salées; les sucettes glacées, la crème glacée et le sorbet; les gâteaux, les muffins, les tartes, les pâtisseries, les tartelettes, les biscuits, les beignes, les brownies et le pouding.

Sénateur Gold, l’astuce fiscale temporaire de M. Trudeau ne trompera pas les Canadiens. Son gouvernement ne peut pas promouvoir la malbouffe et la condamner en même temps. Le premier ministre admettra-t-il que son plan n’est qu’une hypocrisie des Fêtes?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et d’avoir donné faim à ceux d’entre nous qui ont la dent sucrée.

Cette mesure temporaire est conçue pour offrir un répit aux familles canadiennes durant la période des Fêtes. Elle ne vise pas à promouvoir les mauvaises habitudes alimentaires. Elle reconnaît qu’à ce temps-ci de l’année les familles, les parents et les enfants vont célébrer et laisse aux familles le soin de déterminer le meilleur moyen de profiter de cette occasion.

Si un parent décide de permettre à ses enfants de consommer l’un de ces produits — évidemment, votre énumération n’était pas exhaustive —, c’est sa prérogative parentale, et le gouvernement respecte cela.

La sénatrice Batters : Sénateur Gold, comme vous ne semblez plus jamais prononcer de discours sur les projets de loi d’initiative ministérielle, j’ai été surprise que vous preniez la parole au nom du gouvernement pour appuyer le projet de loi d’initiative parlementaire C-252. Maintenant, le Sénat est saisi à la fois du projet de loi du gouvernement libéral qui exempte la malbouffe de la TPS et du projet de loi C-252, qu’une députée libérale a présenté pour interdire la publicité sur la malbouffe.

En tant que leader du gouvernement libéral au Sénat, comment pourrez-vous voter sans faire volte-face?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre intérêt. Mes votes sont du domaine public.

Le gouvernement appuie le projet de loi que vous avez mentionné. Ce n’est pas une question de volte-face ou d’hypocrisie. Les assemblées législatives composées d’adultes, les citoyens et les parents comprennent très bien qu’il est possible de défendre de multiples idées en même temps.

Comme je l’ai dit, le projet de loi dont nous sommes saisis — le projet de loi C-78 — vise à donner un peu de répit aux familles tout en respectant leurs choix. L’autre projet de loi dont vous avez parlé et sur lequel je me suis déjà prononcé est une mesure législative importante, et le gouvernement espère qu’elle sera adoptée.

Les affaires mondiales

La paix, l’ordre et la bonne gouvernance

L’honorable Salma Ataullahjan : Sénateur Gold, lors de la campagne électorale de 2019, le Parti libéral a promis de créer un centre canadien pour la paix, pour l’ordre et pour la bonne gouvernance afin d’élargir la disponibilité de l’expertise et de l’aide canadiennes en matière de bonne gouvernance.

J’ai récemment reçu une réponse écrite à ma question inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis concernant le statut du centre. Selon cette réponse, le gouvernement ne sait pas quand le centre sera opérationnel, où il sera situé, ni même combien de personnes il emploiera. Cinq ans se sont écoulés, et toutes ces questions sont encore à l’étude.

Néanmoins, la réponse indique qu’Affaires mondiales Canada a consacré plus de 814 000 dollars de son budget à ce centre. Monsieur le leader, comment cela est-il possible?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

Nous nous souvenons tous de ce qui s’est passé entre 2019 et aujourd’hui. Nous comprenons tous — et ceux d’entre vous qui ont déjà fait partie du gouvernement le comprennent — que les priorités changent, et surtout qu’elles doivent changer à mesure que le monde évolue.

(1450)

L’arrivée de la pandémie, les énormes investissements du gouvernement pour soutenir les familles de travailleurs et les entreprises du pays, les conséquences sur la situation financière du Canada et la nécessité d’aborder certains autres enjeux ont fait en sorte — comme le révèle la réponse à votre question — que ce projet, aussi méritoire soit-il, n’a pas pu être mis en œuvre. Cette planification a été faite et...

La sénatrice Ataullahjan : Sénateur Gold, la réponse écrite que j’ai reçue indique également que des consultants externes ont obtenu des contrats d’une valeur de 23 000 $ liés au centre. Monsieur le leader, seriez-vous en mesure de déposer la ventilation des 814 000 $ dépensés par votre gouvernement?

Le sénateur Gold : Je transmettrai assurément votre question au ministre concerné.

Je répète que la planification a été lancée pour un projet qui, en raison de l’évolution des circonstances, n’a pas progressé davantage. Il s’agit simplement d’un exemple de réponse du gouvernement à des circonstances changeantes, qui — je le rappelle — étaient d’une ampleur assez spectaculaire.

Les finances

Les mesures fiscales temporaires

L’honorable Paula Simons : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat et concerne également le congé de TPS.

À cette période de l’année, nous sommes nombreux à acheter des magazines pour mettre dans les bas de Noël ou passer le temps par une froide soirée d’hiver. Cependant, alors que le congé de TPS s’applique expressément aux journaux et aux livres, il ne vise pas les magazines achetés dans les kiosques à journaux. Je me demande pourquoi, étant donné que les magazines subissent de très fortes pressions en ce moment à cause de la grève des postes.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci. Comme j’achète moi-même des magazines et des livres, je ne veux certainement pas minimiser, à quelque égard que ce soit, par ce que je m’apprête à dire, l’importance de cette question.

Il fallait faire des choix. Il ne s’agit pas d’un allègement généralisé. Il ne s’agit pas non plus d’un allègement permanent. C’est une mesure temporaire visant à offrir un répit bien nécessaire aux familles pendant la période des Fêtes. Si ce ne sont pas tous les produits qui sont couverts, c’est simplement parce qu’il était important d’adopter une mesure ciblée — limitée dans le temps et dans la portée — afin qu’elle demeure financièrement responsable.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup.

Paradoxalement, bien que les magazines achetés en kiosque ne soient pas visés par l’exonération de la TPS, certains magazines par abonnement le sont, mais seulement pour la période de l’abonnement qui chevauche la période de Fêtes, ce qui n’est pas très utile.

Comme la grève des services postaux se poursuit, y aura-t-il un répit pour les éditeurs de magazines, qui sont maintenant confrontés à des conséquences réelles sur leurs calendriers de production et le licenciement de personnel, puisque leurs magazines...

Le sénateur Gold : Je comprends les difficultés que la grève des services postaux impose à de nombreux secteurs de l’économie. Je pense notamment au secteur caritatif. Je vous remercie d’avoir souligné l’impact sur les publications.

Je n’ai pas connaissance de programmes qui répondraient à ce besoin. Je ne manquerai pas de m’en informer auprès de la ministre.

[Français]

L’innovation, les sciences et le développement économique

Les paiements de transfert

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Gold, juste avant les Fêtes, 400 employés de Lion Électrique ont été mis à pied par cette entreprise qui est au bord du gouffre, alors qu’elle n’a que deux semaines pour trouver de nouveaux investisseurs. Or, le maire de Saint-Jérôme, Marc Bourcier, accuse Justin Trudeau et le gouvernement fédéral de ne pas avoir tenu promesse et de ne pas avoir investi suffisamment dans Lion Électrique et ses autobus, malgré l’existence du Fonds pour le transport en commun à zéro émission, qui se chiffre à 2,75 milliards de dollars. Pourtant, les moyens de transport non polluants, comme les autobus électriques, ne sont-ils pas une priorité pour le gouvernement fédéral?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question et aussi d’avoir mis en lumière cet important programme. Le Canada veut devenir un leader mondial dans la fabrication de véhicules électriques pour décarboner l’économie et atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Pour préciser, le Fonds pour le transport en commun à zéro émission a été conçu pour soutenir les plans d’électrification des opérateurs de transport en commun et les autobus scolaires, soutenir l’achat de 5 000 autobus à zéro émission et construire l’infrastructure qui y est associée, y compris l’infrastructure de recharge et la mise à niveau des installations. Les bénéficiaires admissibles sont les provinces et les territoires, les administrations municipales ou régionales, les agences de transport, les organisations publiques, notamment les conseils scolaires, les exploitants d’autobus scolaires du secteur privé et les fournisseurs privés de transport accessible, comme les services de transport adapté, et non les compagnies individuelles comme telles.

La sénatrice Miville-Dechêne : Vous avez tout de même investi 30 millions de dollars dans l’entreprise Lion Électrique, d’après ce que j’ai lu, alors que le gouvernement provincial a investi 177 millions de dollars dans cette même entreprise. N’est-ce pas le moment de lui donner un autre coup de pouce? Si l’entreprise fait faillite alors qu’elle vend notamment aux États-Unis, ce sera un désastre pour notre réputation dans la filière électrique, pour plus d’un millier d’emplois et pour tout ce qui constitue le service après-vente et les pièces.

Le sénateur Gold : Le gouvernement est conscient des défis auxquels l’entreprise est confrontée. Comme vous l’avez noté, l’entreprise Lion Électrique a été soutenue par les gouvernements canadien et québécois. Je crois savoir que le gouvernement suit la situation de près, en collaboration avec le gouvernement du Québec et l’entreprise.

[Traduction]

Les finances

Les mesures fiscales temporaires

L’honorable Percy E. Downe : Sénateur Gold, en ce qui concerne le congé fiscal prévu par le projet de loi C-78, vous n’êtes pas sans savoir que les premiers ministres des provinces de l’Atlantique ont signalé qu’ils allaient enregistrer un déficit budgétaire important et imprévu. Le gouvernement a-t-il l’intention de les rembourser? Le premier ministre de l’Île-du-Prince-Édouard, M. King, a indiqué que le coût pour le budget de sa province s’élèverait à 14 millions de dollars. Le gouvernement remboursera-t-il cette somme?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Comme j’ai dit dans la réponse que j’ai donnée plus tôt à une question similaire, je suis convaincu que le gouvernement travaillera avec les dirigeants des provinces de l’Atlantique pour que la loi — si elle est adoptée, comme je l’espère — soit mise en œuvre de manière équitable dans les provinces qui ont des méthodes différentes de perception de la taxe. Je ne suis pas en mesure de faire des annonces, mais je sais que le gouvernement travaillera de bonne foi avec les provinces pour veiller à ce qu’elles soient traitées équitablement.

Le sénateur Downe : Cela place les sénateurs du Canada atlantique dans une situation précaire. On nous demande de voter en faveur d’un projet de loi avec lequel le gouvernement pourrait rembourser ou non le gouvernement provincial. Ainsi, nous ne faisons pas que déshabiller Pierre pour habiller Paul; nous déshabillons Pierre et nous déshabillons Paul. Les contribuables de l’Île-du-Prince-Édouard devront combler la différence de 14 millions de dollars. C’est un congé fiscal qui devra être payé plus tard. En quoi est-ce équitable?

Ne pouvez-vous pas nous confirmer que le gouvernement nous remboursera ce que nous perdons?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de bien représenter votre province et les autres, mais, encore une fois, je suis convaincu que le gouvernement travaille de bonne foi avec ses homologues de votre province et des autres provinces, et j’espère que des réponses seront fournies, certainement d’ici à ce que cette question soit mise aux voix et peut-être même pendant qu’elle sera étudiée par le comité. Je n’ai pas de réponse à ce stade-ci, car j’ai essayé d’être clair avec vous.

L’environnement et le changement climatique

La taxe sur le carbone

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, l’insensibilité dont fait preuve le gouvernement Trudeau à l’endroit de la classe moyenne du pays devient à peine croyable.

Les conservateurs pleins de bon sens dirigés par Pierre Poilievre vous ont indiqué comment vous sortir du bourbier dans lequel vous avez plongé la nation. Premièrement, pourquoi n’éliminez-vous pas la TPS sur les maisons neuves de moins de 1 million de dollars afin d’aider les jeunes Canadiens qui en sont réduits à vivre dans le sous-sol de leurs parents?

Deuxièmement, pourquoi n’éliminez-vous pas la taxe sur le carbone une fois pour toutes afin d’accorder un peu de répit aux travailleurs canadiens? Non contents de doubler la mise, vous allez la quadrupler à compter du 1er avril 2025. Vous allez accabler encore plus les travailleurs canadiens. Pourquoi votre gouvernement fait-il preuve d’autant d’entêtement idéologique? Pourquoi n’écoutez-vous pas les bons conseils de Pierre Poilievre, un parlementaire beaucoup plus expérimenté qui vient d’un gouvernement précédent qui était responsable sur le plan financier, contrairement à un premier ministre incompétent qui est la cause de ce gâchis? Si vous n’avez pas confiance dans les idées que nous proposons, déclenchez des élections d’ici le 1er avril et laissez les Canadiens décider.

(1500)

Le sénateur Plett : Bravo!

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je ne commenterai pas la description que vous faites du premier ministre et du chef de votre parti. Je me concentrerai plutôt sur les politiques.

Sénateur Housakos, si vous-même et votre parti considérez qu’il s’agit d’une idéologie quand un gouvernement est résolu à utiliser tous les outils disponibles — y compris des outils sensibles aux fluctuations du marché, même s’ils sont impopulaires dans de nombreux cercles — afin de combattre une crise existentielle à laquelle nous-mêmes, nos enfants et nos petits-enfants sommes confrontés, vous pouvez définir ce terme à votre guise.

Le gouvernement demeure convaincu qu’il a un plan raisonnable qui permet de trouver une juste équilibre entre les besoins de...

Pardonnez-moi, Votre Honneur; je ne peux plus m’entendre penser. Puis-je avoir quelques secondes de plus?

Le gouvernement libéral a un plan solide. Les Canadiens en bénéficient et continueront d’en bénéficier, y compris ceux des générations futures.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, c’est ce qui est si incroyable. La seule chose que votre plan de taxer les Canadiens à mort et de quadrupler la taxe sur le carbone a accompli, c’est de créer des files d’attente sans précédent devant les banques alimentaires, et ce, partout au pays. Selon le rapport sur l’Ontario, depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement que vous représentez, des centaines de milliers de personnes supplémentaires fréquentent les banques alimentaires à cause de sa taxe sur le carbone et de son refus d’accorder un répit aux Canadiens.

Le sénateur Gold : Je n’ai pas entendu de question, mais j’ai vu beaucoup de gesticulation. Pour la centième fois, je constate que les effets de la taxe sur le carbone sur le coût réel de la vie au Canada ne sont pas interprétés de manière correcte, juste et, dirais-je en tout respect, compétente. Je comprends que ce qui compte le plus pour vous, c’est de vous faire du capital politique, mais il ne s’agit pas là d’une bonne politique.


ORDRE DU JOUR

Recours au Règlement

Report de la décision de la présidence

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, j’aimerais invoquer le Règlement, si vous le permettez.

Comme je vous l’ai indiqué précédemment, j’invoque respectueusement le Règlement concernant les événements qui se sont produits juste avant l’ajournement du Sénat la semaine dernière, le jeudi 28 novembre 2024. Plus précisément, je cherche à savoir si le Règlement du Sénat — en particulier les articles 9-1, 9-2(1) et 9-3 — a été respecté lors du vote sur la motion d’ajournement du Sénat. Je ne cherche pas à faire appel de votre décision concernant le vote d’ajournement, mais je cherche à obtenir des éclaircissements sur la procédure que vous avez employée et des indications sur la manière dont ce processus sera appliqué régulièrement à l’avenir, s’il y a lieu.

Pour améliorer notre compréhension collective de mon rappel au Règlement, je précise que cette demande de clarification est fondée sur une pratique habituelle en matière d’ajournement et sur le Règlement du Sénat, notamment :

9-1. Toute décision du Sénat est prise à la majorité des voix, le Président ayant toujours droit de vote; en cas d’égalité des voix, la décision est négative.

Le Règlement se poursuit ainsi :

9-2. (1) Le Président met une question aux voix en demandant qui dit oui et qui dit non; il décide ensuite si la question est adoptée ou rejetée.

Plus loin, on peut lire :

9-3. Le Président ouvre un vote par appel nominal lorsqu’au moins deux sénateurs en font la demande après le vote de vive voix, à condition que le Sénat n’ait pas encore abordé une autre question.

Les sénateurs se souviendront que, plus tôt dans la journée du jeudi 28 novembre, une motion d’ajournement a été proposée au cours du débat sur le 16e rapport du Comité des banques sur le projet de loi C-280. Les sénateurs ont exprimé des avis partagés sur cette motion.

Consciente de l’absence de consensus, et conformément à l’article 9-2(1), vous avez appelé les sénateurs à dire oui ou non à tour de rôle, puis vous avez indiqué que, selon vous, les non l’emportaient. Par la suite, certains sénateurs se sont levés pour demander un vote, conformément à l’article 9-3. Je note toutefois qu’ils n’ont exercé ce droit qu’après que vous eûtes d’abord procédé au vote par oui ou non et donné votre avis sur le résultat de ce vote.

Votre Honneur, c’est la procédure habituelle qui m’est familière et, si je puis me permettre, qui est familière à tous les sénateurs dans ce genre de situation. Cela n’a pas considérablement changé l’ordre ou la substance de nos travaux parlementaires, comme en témoignent le compte rendu de la journée et les sénateurs qui sont venus le 28 novembre pour s’exprimer et s’écouter les uns les autres sur toute une série de projets de loi, de motions et d’interpellations. Nombre de ces sénateurs avaient sans doute bien vu le peu de temps qu’il nous restait dans cette enceinte pour faire notre travail alors que le mois de novembre touchait à sa fin.

Cependant, mon rappel au Règlement se fonde sur l’examen du compte rendu et de l’enregistrement vidéo de la séance du 28 novembre, qui révèlent que, plus tard, lorsque le sénateur Plett a proposé l’ajournement du Sénat pendant le débat sur un projet de loi, vous semblez avoir suivi un processus différent. Lorsque la motion d’ajournement du sénateur Plett a été mise aux voix, la sénatrice McCallum et moi avons dit non. D’autres sénateurs ont porté cela à l’attention du Sénat, et cet après-midi-là, après l’ajournement, bon nombre de sénateurs ont confirmé nous avoir entendues dire non. J’ai passé en revue l’enregistrement des délibérations, et nos « non » sont bien audibles. À ce moment-là, la caméra était braquée sur vous et, à l’écran, on vous voit marquer une pause et regarder dans notre direction.

En tout respect, Votre Honneur, je ne prétends pas pouvoir lire dans vos pensées, mais, de mon point de vue, c’est signe que vous aviez entendu des voix dissidentes. Il n’y avait pas unanimité pour adopter la motion. Par conséquent, je m’attendais à ce que vous procédiez comme vous l’aviez fait pour la motion d’ajournement précédente, conformément à l’article 9-2(1), en demandant un vote par oui ou non pour ensuite indiquer quelles voix l’emportaient à votre avis.

Cependant, ce n’est pas ce qui s’est produit. Faisant fi de l’article 9-2(1), vous avez immédiatement déclaré la motion adoptée et levé la séance, mettant ainsi fin aux travaux que nous devions mener et que nous ne pouvons accomplir que dans cette enceinte.

Votre Honneur, lorsque vous avez quitté le Sénat après l’ajournement, vous vous êtes adressée à moi et m’avez fait signe que j’aurais dû me lever. En fait, lorsqu’il m’est apparu évident que nos « non » n’avaient pas été pris en compte, je me suis levée. J’ai même agité les bras pour essayer d’attirer votre attention. Alors que votre cortège quittait le Sénat, la caméra était toujours braquée sur vous, de sorte que votre geste à mon égard se voit clairement sur l’enregistrement du Sénat.

Ceci est donc la première occasion que j’ai de demander des précisions sous forme d’un recours au Règlement, car je crois comprendre qu’un sénateur n’a pas besoin de se lever pour exprimer un « non », et que le processus qui consiste à se lever pour demander un vote par appel nominal en bonne et due forme est censé suivre une décision de la présidence découlant d’un vote de vive voix.

Conformément à l’article 9-3 du Règlement, les sénateurs peuvent demander un vote par appel nominal, mais seulement « après le vote de vive voix ».

Dans ce cas-ci, il n’y a pas eu de vote de vive voix. L’article 9-2(1) du Règlement stipule :

Le Président met une question aux voix en demandant qui dit oui et qui dit non; il décide ensuite si la question est adoptée ou rejetée.

De toute évidence, la motion n’avait pas obtenu le consentement unanime du Sénat, mais vous n’avez pas appliqué la procédure de vote de vive voix décrite à l’article 9-2(1). Si un vote de vive voix avait eu lieu, comme c’est le cas habituellement, j’aurais certainement eu l’intention de demander un vote par appel nominal.

En l’occurrence, certains sénateurs jugeront peut-être insignifiants les motifs qui me poussent à exprimer ma préoccupation. Certains sont peut-être même soulagés que la présidence n’ait pas compté les non, puisque la perspective d’un autre vote sur une motion d’ajournement a pu leur paraître indésirable. Certains ont peut-être considéré que cela aurait été une perte de temps, puisque les voix dissidentes étaient audibles, mais peu nombreuses.

Toutefois, ce n’est pas la question que je soulève. La vérité, c’est que de nombreux sénateurs sont venus au Sénat le 28 novembre pour mener à bien des travaux qui ne peuvent être réalisés que dans cette enceinte. Nous sommes venus au Sénat le 28 novembre, et nous y sommes venus aujourd’hui, pour travailler pour la population du Canada qui, collectivement, paie nos salaires. Bon nombre d’entre nous trouvaient qu’ajourner le Sénat avant que le travail qui nous attendait soit terminé n’était pas plus souhaitable. De nombreux sénateurs avaient travaillé fort pour arriver ici préparés à parler des autres articles à l’ordre du jour. Autrement dit, nous sommes arrivés préparés, prêts à contribuer aux affaires parlementaires inscrites à l’ordre du jour et disposés à abattre l’ensemble de la besogne qui était au programme ce jour-là.

(1510)

Honnêtement, je suis déçue de voir à quel point le Sénat s’ajourne dernièrement simplement parce que les leaders des groupes parlementaires se disputent entre eux au motif qu’un tel ou une telle n’a pas respecté les marchés de coulisses qu’ils avaient conclus. J’imagine que l’on pourrait y avoir une manifestation de dépit, un peu comme un gamin qui s’enfuit de la cour d’école en emportant le ballon, mais comme je ne fais pas partie de la « classe dirigeante » du Sénat, je ne suis pas au courant de toutes les tractations qui ont lieu. Je dois donc me contenter de vous faire part de mes observations, d’en tirer les conclusions que je peux et de vous demander conseil.

Le vrai problème, celui qui touche l’ensemble des sénateurs, c’est qu’on ait visiblement ignoré ceux et celles qui ont exprimé leur dissension ce jour-là en appliquant un peu n’importe comment les articles 9-1 à 9-3 du Règlement.

Dans le même ordre d’idées, je rappelle à Son Honneur que, le 20 mars 2024, j’ai invoqué le Règlement pour attirer son attention sur un autre cas où ma voix n’a pas été entendue à deux reprises lors d’un vote. Il est incontestable que plusieurs sénateurs, en particulier ceux d’entre nous relégués à des places où la vue est obstruée, loin du fauteuil de la présidence, ont exprimé à plusieurs reprises des préoccupations parce qu’ils ne sont ni vus ni entendus — autrement dit, ils sont ignorés — quand ils essaient de faire usage de leur droit de parole.

Il est évident qu’il peut être difficile d’entendre et de voir les sénateurs qui siègent loin du fauteuil de la présidence et de la table des greffiers. Je sais que d’autres sénateurs, dont le sénateur Tannas et la sénatrice Patterson, qui ont passé du temps dans ces coins du Sénat, ont également exprimé périodiquement des préoccupations parce que l’emplacement, la distance et la mauvaise acoustique ont eu des répercussions négatives sur leur capacité de se faire entendre, et parfois de se faire voir, par la présidence. Cela montre une tendance à l’exclusion à laquelle on ne semble pas remédier de manière efficace. Je ne parle pas de l’intention, mais du vécu et du résultat.

Par conséquent, j’aimerais que la Présidente clarifie la procédure liée aux articles 9-1 à 9-3 du Règlement. Dans votre examen de ce recours au Règlement, je vous demanderais également de vous laisser guider par le principe que l’on vante si souvent voulant que tous les sénateurs soient égaux. Enfin, je vous demanderais, en vous laissant guider par ce principe, d’examiner la question de la mauvaise qualité du son et de la reconnaissance visuelle de certains sénateurs dans la salle du Sénat afin d’en faire rapport au Sénat et de lui fournir une solution viable de sorte que tous les sénateurs puissent être vus et entendus, peu importe l’emplacement de leur siège.

Sincèrement, en tout respect, je crois qu’il est plus que temps d’améliorer cet aspect de notre travail et que le Sénat a le pouvoir et la capacité de le faire. Merci, meegwetch.

Son Honneur la Présidente : Y a-t-il d’autres sénateurs qui aimeraient intervenir?

[Français]

Je remercie la sénatrice McPhedran d’avoir soulevé ces préoccupations et je prendrai la question en délibéré.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-12(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la deuxième lecture du projet de loi C-78, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

Projet de loi concernant un congé fiscal pour l’ensemble des Canadiens

Deuxième lecture

L’honorable Lucie Moncion propose que le projet de loi C-78, Loi concernant l’allègement temporaire du coût de la vie (abordabilité), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, c’est un privilège pour moi de prendre la parole au sujet du projet de loi C-78, la Loi concernant un congé fiscal pour l’ensemble des Canadiens. En bref, ce projet de loi propose d’accorder un congé de deux mois de la taxe sur les produits et services et de la taxe de vente harmonisée, ou TPS/TVH, sur les achats saisonniers des Fêtes qui ne sont pas, habituellement, exempts de taxe, comme l’épicerie, les repas au restaurant, les boissons, les collations ainsi que les vêtements et les jouets pour enfants, du 14 décembre 2024 au 15 février 2025.

En tant que marraine du projet de loi au Sénat, je tiens à remercier la vice-première ministre et ministre des Finances de m’avoir confié cette responsabilité. C’est un honneur pour moi, car j’estime qu’il est tout à fait opportun en ce moment que le gouvernement instaure un allègement temporaire de la taxe à la consommation.

[Français]

Cette mesure bénéficiera à tous les Canadiens et Canadiennes sans exception, en leur permettant de faire des économies sur l’achat de produits essentiels comme la nourriture, les couches pour bébés ou les vêtements et chaussures pour enfants. Cet allègement fiscal offrira également des incitatifs pour l’achat de produits qui sont particulièrement convoités pendant la période des Fêtes, soit les jouets, les boissons alcoolisées, les repas au restaurant ou les mets à emporter.

Les entreprises pourront également bénéficier de cette mesure grâce à l’augmentation de l’achalandage après le temps des Fêtes, une période de l’année qui est habituellement plus tranquille.

Le projet de loi C-78 offre un équilibre entre les intérêts financiers des Canadiens qui traversent une période généralement plus coûteuse pendant les Fêtes et en début d’année. Il tient également compte des intérêts des entreprises des secteurs clés comme la restauration, qui a été particulièrement touchée pendant la pandémie et qui fait face à une reprise encore difficile, en raison notamment des habitudes des consommateurs canadiens.

Dans le cadre de ce discours, je ferai d’abord le point sur la situation économique actuelle, afin d’expliquer la pertinence du moment choisi pour cette mesure d’allègement. Dans un deuxième temps, je ferai un survol des produits qui seront admissibles à l’allègement fiscal et, finalement, je fournirai des exemples pour illustrer l’incidence financière que pourrait avoir ce congé fiscal pour les Canadiens.

Est-ce une pause fiscale au bon moment? Comme les sénateurs le savent, le Canada se trouve à un moment crucial de sa reprise économique. Les dernières années ont été particulièrement difficiles pour les Canadiens. Nous avons vu les taux d’inflation grimper dans le monde entier et atteindre des niveaux jamais vus depuis des décennies, d’abord à cause de la pandémie mondiale de COVID-19, puis de l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie, qui a entraîné une augmentation des prix de l’énergie, et enfin, en raison des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement.

Grâce au travail et à la résilience des Canadiens, nous avons réussi à traverser cette tourmente économique. Plusieurs indicateurs économiques clés se sont remarquablement améliorés. L’inflation était à 2 % en octobre et depuis maintenant 10 mois, elle se situe à l’intérieur de la fourchette cible de la Banque du Canada. Le taux directeur a été réduit à quatre reprises cette année et une autre baisse est prévue dans les prochaines semaines.

C’est une bonne nouvelle, non seulement pour les propriétaires canadiens qui ont une hypothèque, mais également pour les entreprises qui ont besoin d’emprunter et d’investir dans la croissance et le succès de leurs activités.

Du côté de l’emploi, les choses se sont beaucoup améliorées après la récession provoquée par la COVID-19. Cette tendance est maintenant au ralenti. Bien que 1,4 million de personnes de plus qu’avant la pandémie occupent aujourd’hui un emploi, nous voyons le taux de chômage augmenter partout au Canada, ce qui affecte en grande partie les jeunes et les groupes marginalisés.

De plus, au cours des 21 derniers mois, la croissance des salaires dépasse l’inflation au pays. Le Fonds monétaire international prévoit que le Canada aura la deuxième plus forte croissance économique des pays du G7 en 2024 et la plus forte en 2025. Il reste maintenant à voir quels effets les élections américaines et l’arrivée d’un nouveau président auront sur l’avenir financier et la croissance économique de notre pays en 2025.

(1520)

[Traduction]

Bien que la situation économique actuelle de notre pays s’améliore régulièrement, les mesures d’allégement de la taxe à la consommation sont nécessaires et profiteront aux Canadiens pour deux raisons interdépendantes : premièrement, l’influence de la conjoncture économique sur la confiance des consommateurs et, deuxièmement, la manière dont cette confiance a une influence directe sur l’obtention de résultats économiques tangibles, tels que la croissance et le rétablissement d’une pleine capacité de production.

Le Canada doit composer avec le fait que les dépenses par habitant sont restées timides à la suite de la pandémie. Ces dépenses timides sont en partie attribuables aux problèmes d’abordabilité qui sont le résultat inévitable de l’augmentation de l’inflation et des répercussions des taux d’intérêt élevés au cours des deux dernières années. La situation est d’autant plus complexe qu’il faut du temps pour que les effets de la baisse des taux d’intérêt se fassent sentir dans l’économie et qu’ils aient une incidence positive sur la situation financière des Canadiens ordinaires et, par conséquent, sur le moral des consommateurs.

Il s’agit là d’un problème complexe, mais bien réel, car cette morosité des consommateurs peut avoir des répercussions négatives très concrètes sur les résultats économiques. La réduction des dépenses de consommation par habitant à la suite de la pandémie fait en sorte que l’économie canadienne fonctionne depuis plus d’un an en deçà de sa capacité potentielle. Ce problème n’a toutefois rien de nouveau ni d’unique au Canada, pas plus d’ailleurs que sa solution.

La solution a été utilisée avec succès à maintes reprises et à plusieurs endroits dans le monde, dont, plus récemment, en réponse à la pandémie de COVID-19. Le fondement théorique de cette solution a été établi par John Maynard Keynes, qui avait compris que l’intervention du gouvernement dans l’économie par le biais de mesures comme les dépenses publiques ou l’allègement du fardeau fiscal, qui augmentent la demande globale, peut, dans les bonnes conditions, entraîner un changement positif au sein de l’économie.

Keynes avait compris que les cycles monétaires au sein de l’économie et les dépenses d’une personne pouvaient influencer directement les revenus d’une autre personne, et qu’une augmentation des revenus entraîne une augmentation ultérieure des investissements, ce qui a des répercussions dans toute l’économie, car la rentabilité accrue du secteur privé soutient l’activité économique dans son ensemble.

Cette compréhension a été mise en pratique avec succès à maintes reprises, à plusieurs endroits et dans de nombreuses circonstances difficiles. Cette pratique est aujourd’hui communément appelée l’« amorçage de la pompe ». L’exemple le plus célèbre de son succès est peut-être son utilisation précoce par le président Roosevelt pour appuyer la relance des États-Unis après la Grande Dépression.

[Français]

Chers collègues, je pense que dans le Canada d’aujourd’hui, avec des facteurs fondamentaux économiques solides et une inflation plus faible, d’une part, et une confiance des consommateurs plus fragile, d’autre part, une intervention ciblée et limitée sera bénéfique aux Canadiens et à l’économie nationale.

Cela permettra de contrer le sentiment quelque peu pessimiste qui pèse sur les dépenses de consommation et de renforcer les performances du Canada à l’avenir.

Les conditions sont réunies, en partie parce que le gouvernement a les moyens de faire cet investissement. Le Fonds monétaire international prévoit que le Canada conservera la dette et le déficit net le plus faible du G7 en pourcentage de l’économie au cours de l’année en cours et au cours des deux prochaines années.

Avec le projet de loi C-78, le gouvernement intervient de façon ciblée pour une période limitée, ce qui représente un avantage indéniable pour les Canadiens et un coup de pouce pour l’économie nationale.

[Traduction]

Je vais maintenant entrer dans les détails du projet de loi, notamment pour donner un aperçu des produits qui seront admissibles à cet allégement fiscal. Le projet de loi C-78 entraînerait une augmentation temporaire de la demande globale en réduisant les coûts à un moment de l’année où les Canadiens font face à des coûts plus élevés que d’habitude. Pour ce faire, il rendrait les achats du temps des Fêtes non imposables du 14 décembre 2024 au 15 février 2025. Plus précisément, les articles devant être exemptés de la TPS/TVH comprendraient ce qui suit : les aliments préparés, y compris les plateaux de légumes, les repas préparés, les salades et les sandwichs; les repas au restaurant, que ce soit en salle à manger, à emporter ou livrés; les collations, y compris les croustilles, les bonbons et les barres tendres; la bière, le vin et le cidre; les boissons alcoolisées prémélangées contenant au plus 7 % d’alcool par volume; les vêtements et chaussures pour enfants, les sièges d’auto et les couches pour enfants; les jouets pour enfants, y compris les jeux de société, les poupées et les consoles de jeux vidéo; les livres, les journaux imprimés et les casse-têtes pour tous âges; ainsi que les arbres de Noël et les arbres décoratifs semblables.

[Français]

En bref, le projet de loi éliminera la TPS/TVH sur plusieurs articles pour les consommateurs, des articles pour lesquels les gens dépensent davantage d’argent pendant la période des Fêtes de fin d’année.

Avec ce projet de loi, par exemple, le gouvernement rendrait essentiellement tous les aliments exempts de la TPS/TVH pendant deux mois. Bien que plusieurs aliments en épicerie soient déjà exempts de taxe, nombreux sont ceux qui pourront bénéficier d’une exemption pour les plats préparés d’avance. Plusieurs jeunes familles dont les parents sont sur le marché du travail pourraient bénéficier du congé de TPS/TVH sur ces plats, qui simplifient souvent leur vie quotidienne.

En détaxant la plupart des aliments de la TPS/TVH pendant cette période, le gouvernement permettrait à tous les Canadiens de réaliser des économies substantielles. Ce faisant, il y aurait une augmentation de la demande globale des consommateurs pour certains produits, ce qui pourrait accroître les revenus du secteur privé et stimuler l’activité économique dans son ensemble.

Cette stimulation économique aurait pour effet de renforcer la confiance des consommateurs. Une fois ce virage entamé, la nécessité d’une intervention gouvernementale diminuera. Le projet de loi C-78 tient compte de cet effet et limite ce soutien pour une période prédéterminée dans le temps. Le raisonnement qui sous-tend ce projet de loi est fondé sur une théorie économique éprouvée.

Ce projet de loi met en valeur les efforts des Canadiens durant les dernières années et leur offre un soutien supplémentaire, tout en reconnaissant leur rôle indispensable dans la réussite d’une reprise solide, tant cette année que l’année prochaine.

[Traduction]

Voilà les effets de l’allègement en chiffres.

Cette mesure, dont le coût est estimé à 1,6 milliard de dollars, réduira directement les coûts pour les Canadiens. Par exemple, une famille qui dépense 2 000 $ en produits admissibles économisera 100 $ en taxes pendant cette période. Tous les Canadiens auront droit à une réduction d’au moins 5 %. Dans les provinces où la TVH sera supprimée, à savoir l’Ontario, Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard, les économies seront encore plus importantes. Par exemple, les Néo-Brunswickois qui doivent normalement payer une TVH de 15 % pourront économiser 300 $ sur des dépenses totalisant 2 000 $.

Il s’agit d’une différence considérable pour les Canadiens qui vivent modestement et qui ont dû changer leurs habitudes de consommation au cours des dernières années en raison de l’inflation. Une réduction de 5 à 15 % sur une série de produits de première nécessité et de loisirs pendant la période visée permettra à une grande partie de la population d’avoir un esprit plus festif pendant cette période.

En conclusion, compte tenu du ralentissement de l’inflation et de la baisse des taux d’intérêt, le projet de loi C-78 nous donne l’occasion de soutenir les entreprises et les consommateurs canadiens d’une manière qui ne stimulera pas l’inflation, mais qui aidera plutôt les Canadiens à joindre les deux bouts et à continuer de stimuler la croissance économique. Comme le gouvernement l’a clairement dit, il s’agit de laisser plus d’argent dans les poches des Canadiens pendant une période de l’année où les dépenses sont plus élevées afin de les aider à compenser le coût des choses dont ils ont besoin et de leur permettre d’épargner pour les choses qu’ils désirent.

[Français]

Il s’agit d’aider les familles pour qui les coûts supplémentaires des Fêtes de fin d’année peuvent être un fardeau financier, afin qu’elles puissent profiter un peu plus et un peu mieux de cette période. Il s’agit également de soutenir le rythme de notre reprise économique et de surmonter les effets négatifs que la récession a eus sur le moral des consommateurs.

Je crois fermement que cette mesure est non seulement appropriée, mais aussi opportune, comme en témoignent les raisons que j’ai exposées. J’invite les sénateurs à se joindre à moi pour donner leur soutien à l’adoption de projet de loi.

Je vous remercie de votre attention.

(1530)

L’honorable Clément Gignac : Madame la sénatrice Moncion, accepteriez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Moncion : Bien sûr.

Le sénateur Gignac : Premièrement, je tiens à vous remercier pour la séance d’information que vous avez organisée sur l’heure du midi avec les fonctionnaires du ministère des Finances. Ce projet de loi est relativement simple, on va se le dire. Il n’est pas très compliqué à comprendre. Par contre, on peut se poser des questions. Je crois comprendre que, puisqu’il n’y a pas eu d’examen en comité à la Chambre des communes, le Comité sénatorial permanent des finances nationales aura l’occasion de poser des questions et de discuter du raisonnement économique qui explique le montant de 1,6 milliard de dollars.

À ma connaissance, c’est la première fois depuis que je suis aux finances publiques que le gouvernement fédéral décide unilatéralement de changer la liste des produits exemptés sans avoir préalablement consulté les provinces qui ont harmonisé leur taxe. On parle d’une perte de revenus de 62 millions de dollars au Nouveau-Brunswick. La Nouvelle-Écosse est en pleine élection, donc les gens se positionnent. Ne croyez-vous pas que ce serait plus productif que le gouvernement fédéral se positionne sur cette question et décide s’il va compenser les provinces qui ont harmonisé leur taxe?

Au Sénat, nous sommes motivés — du moins, c’est l’une de mes motivations — à protéger les minorités et les intérêts des provinces. Il me semble que cela devrait nous tenir à cœur, comme sénateurs, quand nous constatons que les provinces ne sont pas compensées dans le contexte de décisions unilatérales du gouvernement fédéral. Des pertes de recettes n’envoient peut-être pas le bon signal. Pourriez-vous faire des démarches auprès de la ministre des Finances à cet égard?

La sénatrice Moncion : Merci pour la question. Je la trouve très intéressante et importante. Il faut se rappeler que, lorsqu’il prend ces décisions, le gouvernement négocie avec les différentes provinces et les consulte. Nous savons que le gouvernement fédéral est en discussion avec les différentes provinces et avec les territoires actuellement. Donc, même si le gouvernement ne s’est pas engagé à rembourser les sommes, nous pouvons quand même croire que le gouvernement voudra trouver une façon d’harmoniser sa décision pour conclure des ententes à l’amiable avec les différentes provinces. Nous savons qu’il y a des négociations en cours actuellement.

Le sénateur Gignac : Cela amène des biais. Par exemple, pendant le temps des Fêtes, les gens préféreront peut-être souper à Ottawa plutôt qu’à Gatineau, étant donné qu’ici, c’est 13 % de moins qu’au Québec. Est-ce que le gouvernement fédéral peut décider rapidement s’il va compenser financièrement les provinces qui s’harmonisent à la taxe de vente? Je suis sûr que le Québec, qui administre la taxe de vente fédérale, aimerait bien le savoir. Ce qui est bon pour minou pourrait être bon pour pitou, comme on dit en français.

La sénatrice Moncion : Merci. Si le Québec est « pitou » et si l’Ontario est « minou », en tant qu’Ontarienne, je suis contente de l’avantage que cela donne à minou. Par contre, je comprends le dilemme dans lequel vous vous trouvez. Je me demande comment les interprètes ont traduit tout cela!

Ce que je peux vous dire, c’est que ce sont des choses qui font partie des discussions. Je suis persuadée que ce n’est pas une décision unilatérale, et ce n’était pas l’intention du gouvernement fédéral de créer un déséquilibre entre les différentes provinces.

L’honorable René Cormier : La sénatrice Moncion accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Moncion : Je vais répondre à toutes les questions. Vous n’avez pas besoin de vous poser la question. J’accepterai de répondre jusqu’à ce que mes 45 minutes soient écoulées.

Le sénateur Cormier : Merci. Bien que je sois favorable au principe du projet de loi, je manifeste la même inquiétude que ma province, le Nouveau-Brunswick, quant à son impact économique. C’est déjà une première inquiétude. Comme mon collègue l’a si bien dit, je suis également conscient que cette initiative visant à alléger le fardeau du coût de la vie pour les Canadiens est légitime en soi.

La période des Fêtes est un moment où les familles et les parents sont plus permissifs dans le type d’aliments qui sont consommés. Loin de moi l’idée de juger ce que font les parents. Cela dit, du point de vue de la santé publique, je reste ébahi par la liste exhaustive de produits, dont certains sont considérés comme n’étant pas très bons pour la santé.

Je me concentrerai particulièrement sur la question de l’alcool. Au Nouveau-Brunswick, le taux de consommation excessive d’alcool est de 21,3 %. Je n’ai pas les données exactes sur les accidents et les pertes en vies humaines liés à l’alcool, mais il faut reconnaître que c’est un fait. Je trouve difficile à comprendre que l’alcool soit inclus dans cette liste d’exemptions.

À votre avis, pourquoi le gouvernement n’adopterait-il pas une mesure plus ambitieuse et durable en éliminant complètement et de façon permanente la TPS et la TVH sur les aliments sains vendus en épicerie, tout en excluant l’alcool? Le comité ne devrait-il pas se pencher sur la révision de cette liste qui préoccupe tant de Canadiens et de Canadiennes?

La sénatrice Moncion : Je vous remercie de votre question, sénateur Cormier. Vous savez, qu’il y ait une taxe sur les aliments malsains ou non, les Canadiens en consomment. Bien que nous aimerions que tout le monde ait des habitudes de consommation alimentaire exemplaire, ce n’est pas nécessairement le cas. La période des Fêtes est un moment réservé aux familles. Souvent, on est entre deux saisons. L’hiver commence, les gens restent davantage à la maison et on reçoit beaucoup de membres de nos familles pendant le temps des Fêtes. Je pense que l’intention du gouvernement était tout simplement de diminuer le fardeau financier associé aux différentes taxes. Que cette taxe demeure ou pas, les gens vont quand même consommer ce que l’on peut considérer comme de la malbouffe. C’est un premier élément de réponse à votre question.

Sur la question des boissons alcoolisées, encore une fois, le raisonnement demeure le même : qu’il y ait une taxe ou non, les gens vont en consommer. Je comprends votre inquiétude liée à la question des gens qui pourraient conduire en état d’ébriété. Il y a un grand nombre de services disponibles : Opération Nez rouge, Uber, les taxis et les chauffeurs désignés qui ne consomment pas d’alcool. Il y a d’autres méthodes, si vous voulez.

L’objectif ultime est de permettre aux jeunes familles de passer un temps des Fêtes de meilleure qualité, avec un peu plus d’argent dans leurs poches, pour qu’elles puissent s’offrir un beau Noël. Noël, ce n’est pas nécessairement la fête des adultes du côté des cadeaux, mais plutôt la fête des enfants. Du côté des adultes, il s’agit plutôt d’une occasion d’échanger et de socialiser.

J’abonde dans le même sens que vous quant à vos préoccupations par rapport aux aliments qui ne sont pas nécessairement de meilleure qualité. Cela dit, pendant le temps des Fêtes, nous faisons des excès de toutes sortes, peu importe qui nous sommes.

Le sénateur Cormier : La période des Fêtes, selon la date prévue du 15 février, s’étendra jusqu’à la Saint-Valentin. Je suis heureux que nous puissions célébrer avec nos amoureux et amoureuses à moindre coût, mais cela veut dire qu’à partir du 16 février, les Canadiens devront à nouveau payer des taxes sur les produits essentiels, comme les vêtements, les chaussures pour enfants, les couches pour bébés et les sièges d’auto.

Seriez-vous d’accord avec moi pour dire qu’il faudrait simplement abolir de façon permanente les taxes sur ces produits essentiels qui touchent les jeunes familles canadiennes, pas uniquement durant la période des Fêtes, mais toute l’année? Vous avez parlé des défis économiques auxquels font face les familles canadiennes. Ne serait-ce pas là une vision plus claire et à plus long terme pour aider les familles canadiennes?

(1540)

La sénatrice Moncion : Je suis d’accord avec vous. Si l’on pouvait vivre dans un milieu sans taxes, ce serait idéal. Il y a plusieurs produits sans taxes. Dans le cas des vêtements d’enfants, si les familles n’avaient pas à payer de taxes, elles auraient plus d’argent dans leurs poches, effectivement.

Pour ce qui est de l’intention du gouvernement, encore là, si j’étais première ministre, je vous écouterais probablement. Je suis loin de vouloir faire ce travail.

Ce sont des points qui peuvent être faire l’objet de négociations avec le gouvernement; ce sont des choix que l’on fait sur le plan fiscal. Ce n’est pas nécessairement dans le cadre de ce projet de loi. Cependant, j’ai bien pris note de votre intention.

[Traduction]

L’honorable Denise Batters : Sénatrice Moncion, j’aurais aimé poser cette question au leader du gouvernement, le sénateur Gold. Cependant, d’après les notes de la greffière d’aujourd’hui, il semble qu’une fois de plus, le sénateur ne prononcera pas de discours à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-78 du gouvernement. Je vais donc vous poser la question, puisque vous êtes marraine du projet de loi.

Hier après-midi, le sénateur Gold a invité les sénateurs, au nom du gouvernement, à assister à une séance d’information technique en présentiel au sujet du projet de loi C-78. Cette séance d’information devait avoir lieu aujourd’hui, mardi, entre 12 h 30 et 13 h 30. Selon l’invitation, cette séance était limitée aux sénateurs, plus un employé par sénateur, et soulignait que seuls les sénateurs pourraient poser des questions.

Sénatrice, la tenue de cette séance d’information technique entrait directement en conflit avec la réunion du caucus conservateur du Sénat que nous tenons chaque semaine. Selon l’horaire hebdomadaire que le Comité du Règlement a reçu le printemps dernier, je pense que la tenue de cette séance entrait aussi directement en conflit avec les réunions de groupe ou de caucus du Groupe des sénateurs indépendants, du Groupe des sénateurs canadiens et du Groupe progressiste du Sénat.

Comme seuls les sénateurs étaient autorisés à poser des questions lors de cette séance d’information technique concernant un projet de loi que le gouvernement cherche à faire adopter rapidement, pourquoi le gouvernement a-t-il tenu cette séance à ce moment-là?

La sénatrice Moncion : Je vous remercie de votre question, sénatrice Batters. Les séances d’information du gouvernement sont habituellement réservées aux sénateurs. Aujourd’hui, je présidais la réunion, et des membres du personnel étaient présents. Des employés de sénateurs ont été invités à participer à la réunion et ils ont pu poser des questions au nom de leurs sénateurs.

De plus, si vous souhaitez recevoir une séance d’information à un autre moment, je serais heureuse de l’organiser et de vérifier si les représentants du gouvernement qui étaient présents aujourd’hui pourraient y assister et donner la séance d’information.

Les questions posées par les sénateurs sont importantes. Je suis heureuse que vous, et peut-être certains de vos collègues, ayez l’occasion aujourd’hui de poser une question ou même plusieurs questions ici pour obtenir des éclaircissements sur ce projet de loi. Ce n’est pas un projet de loi compliqué, et il y a des questions qui ne sont pas liées au projet de loi en tant que tel, mais plutôt à tout ce qui va au-delà de sa portée.

Si vous voulez avoir une réunion, nous pourrions communiquer avec quelques personnes et tenir une autre séance d’information.

La sénatrice Batters : Merci. Je pense qu’il serait probablement préférable que le gouvernement n’organise pas de réunions quand il sait que l’horaire sera incompatible avec l’emploi du temps de la quasi-totalité des sénateurs.

Sénatrice Moncion, bon nombre des produits temporairement exempts de TPS qu’on trouve dans le projet de loi C-78 ont récemment été proposés par le partenaire de coalition du gouvernement libéral, c’est-à-dire le NPD, mais j’ai remarqué quelques différences notables. Le NPD a proposé un congé de TPS sur le chauffage domestique, mais cela ne figure pas dans le projet de loi C-78. Peut-être que le gouvernement ne voulait pas rappeler aux Canadiens le fiasco de l’année dernière lorsque la taxe sur le carbone a été appliquée au mazout.

Comme l’a souligné le sénateur Cormier, le gouvernement a cependant inclus la bière et le vin dans son projet de loi C-78 sur le congé temporaire de TPS. Pourquoi le gouvernement a-t-il fait ce choix? Cette période englobe le mois de janvier sans alcool durant lequel beaucoup de gens essaient d’arrêter de boire.

Le mazout de chauffage n’est pas inclus dans le projet de loi, mais la bière et le vin le sont. Pourquoi le gouvernement a-t-il fait ce choix?

La sénatrice Moncion : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice.

D’abord, en raison des délais serrés — le Sénat est saisi du projet de loi seulement aujourd’hui —, le gouvernement voulait notamment organiser une première séance d’information dès que possible.

Pour ce qui est du chauffage domestique et de la taxe sur le carbone, lorsque le gouvernement a rédigé le projet de loi, il cherchait à offrir un congé de taxe aux familles. Je comprends que le chauffage domestique fait partie des dépenses des familles. Le gouvernement n’avait pas l’intention d’inclure cette partie des éléments qui sont taxés au Canada. Il a plutôt visé à appliquer le congé de taxes à des catégories axées sur les familles et les enfants.

En ce qui concerne le mois sans alcool en janvier, cette initiative me plaît beaucoup parce qu’elle réduit le montant des taxes payées. Les gens boiront probablement moins d’alcool pendant le mois de janvier, ce qui réduira les coûts pour le gouvernement.

L’intention du gouvernement était de cibler les familles et les enfants. C’est pourquoi la mesure législative a été rédigée de cette façon. Ce genre de modifications pourraient venir plus tard.

L’honorable Rodger Cuzner : Merci, sénatrice. Je vous assure que ma question ne porte pas sur le défi « Janvier sans alcool ».

De nombreux sénateurs se souviendront qu’en 2021, Erin O’Toole, alors chef du Parti conservateur, avait présenté à peu près la même proposition de congé fiscal sur la TPS pendant le mois de Noël. Dans un éditorial du National Post, Michael Smart, professeur d’économie à l’Université de Toronto et codirecteur du projet Finances of the Nation, ne tarissait pas d’éloges à l’égard de cette mesure. Elle aurait coûté à peu près la même chose, moins de 3 milliards de dollars au Trésor public. Dans ses commentaires, il a même dit que si la proposition des conservateurs avait une faiblesse, c’était qu’elle était trop modeste.

Pourriez-vous nous dire, sénatrice, si selon vous la mesure devrait aller plus loin? Devrait-on l’élargir pour y inclure plus d’aide pour plus de Canadiens?

La sénatrice Moncion : Merci, sénateur Cuzner. Je ne suis pas experte en fiscalité ni avocate-fiscaliste. Je suis sénatrice. J’ai une famille. Les allégements fiscaux sont toujours agréables parce qu’ils nous permettent de dépenser moins d’argent ou de garder plus d’argent dans nos poches pour d’autres paiements.

De nombreux collègues ont mentionné que de plus en plus de Canadiens ont recours aux banques alimentaires. La semaine dernière, nous avons organisé une réunion avec des personnes des quatre coins du pays qui travaillent dans des banques alimentaires et leur avons posé des questions sur leur façon d’obtenir des fonds et de gérer les dépenses et les difficultés qu’ils éprouvent.

Si l’on considère qu’il s’agit d’un petit changement pour quelques mois seulement, ce n’est probablement pas le bon moment pour élargir son application. Je pense qu’étant donné le peu de temps que le gouvernement a eu pour examiner cette question, il doit y avoir une considération plus large de la taxation des biens et des produits utilisés au Canada.

À mon avis, plus il y a d’allégements fiscaux, mieux c’est; toutefois, je pense que l’intention du gouvernement était limitée à aider la majorité des familles du Canada. Nous bénéficierons tous de cet allégement fiscal, que nous ayons des enfants ou des petits-enfants, ou que nous recevions des invités pendant les Fêtes. Toujours est-il que l’intention du gouvernement, à l’heure actuelle, est de limiter les exonérations.

Le sénateur Cuzner : Je vous remercie de votre réponse. Plus loin dans l’article, on trouve cette réflexion élogieuse de M. Smart — particulièrement poignante en cette période de l’année —, qui dit : « Il n’y a aucune raison d’être aussi radin — surtout à l’approche de Noël... » Il a aussi ajouté que ce programme aurait des avantages à plus long terme.

(1550)

La sénatrice a-t-elle été informée des répercussions subséquentes que pourrait entraîner ce programme? Selon le gouvernement, pendant combien de temps ces répercussions se feront-elles sentir une fois le programme terminé?

La sénatrice Moncion : Comme je l’ai mentionné dans mon discours, il y un effet d’entraînement, en quelque sorte : les gens réalisent des économies, puis ils utilisent l’argent qu’ils ont économisé pour acheter davantage, et cela a des répercussions positives sur le commerce qui reçoit cet argent, puisqu’il peut lui‑même acheter davantage, ce qui bénéficie à d’autres intervenants. J’ai mentionné que cette mesure stimulera l’économie, ce qui pourrait avoir pour effet d’amener les gens à acheter davantage alors que, comme on le sait, ils ont réduit leurs achats depuis quelques années.

Voici un exemple personnel : si je vais à l’épicerie et qu’un article est à un prix exorbitant, je le laisse sur les tablettes, que j’en aie besoin ou non. Même si j’aurais les moyens de l’acheter, je refuse de payer le nouveau prix exorbitant d’articles qui coûtent maintenant 3 $ ou 4 $ de plus qu’il y a quelques années.

Tout dépend de l’évolution de la situation. Peut-être qu’au cours des prochains mois, nous verrons les prix baisser à l’épicerie et les gens acheter davantage, ce qui stimulera davantage l’économie.

L’honorable Krista Ross : Merci, sénatrice Moncion. Il ne fait aucun doute que les Canadiens auraient besoin d’une aide financière pour faire face à l’augmentation du coût des biens et des services, à l’augmentation du chômage et aux difficultés en matière de logement.

Comme vous parrainez le projet de loi C-78, savez-vous combien de petites entreprises ou d’associations d’entreprises concernées on a consultées sur la faisabilité de la mise en œuvre d’un projet de loi de cette nature dans le très peu de temps dont on dispose? Savez-vous que, selon certaines associations d’entreprises, le coût médian de cette mesure sera de plus de 1 000 $, et qu’elle sera très difficile à mettre en œuvre? Que pensez-vous du fardeau administratif qui sera en grande partie assumé par les petites entreprises?

L’honorable Lucie Moncion : Je vous remercie de la question, sénatrice. Pour ce qui est de la première partie de votre question au sujet des consultations, le gouvernement n’a mené aucune consultation. C’est parce que la mesure a été annoncée pour la première fois le 21 novembre et que c’est pendant la période du 21 novembre au 14 décembre que les différentes entreprises doivent s’adapter aux changements.

Pour ce qui est des coûts de mise en œuvre, chaque fois que le gouvernement apporte un changement fiscal, il faut s’adapter. Cela fait partie du prix à payer pour faire des affaires. C’est le coût à assumer pour se conformer aux règles. C’est ainsi que le gouvernement voit les choses. Il comprend qu’il y a une période d’adaptation. La période d’adaptation en cours sera plus longue que celle qui suivra à partir du 15 février, lorsque la mesure fiscale prendra fin.

La sénatrice Ross : Sénatrice Moncion, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez du fait que, parce qu’on a choisi certains articles dans un large éventail de catégories de vente au détail, les petites entreprises concernées devront réorganiser entièrement les systèmes aux points de service, les codes-barres et les dispositifs de lecture optique, et peut-être devoir passer en revue des milliers d’articles individuels de leur stock pour en déterminer l’admissibilité?

La sénatrice Moncion : J’ai peut-être une idée différente de la réorganisation des systèmes aux points de service. Il s’agit simplement de systèmes où l’on entre le montant. Habituellement, on n’y entre pas les taxes, à moins que je me trompe. Selon moi, le système se résume à un petit clavier, mais je fais peut-être erreur.

En ce qui concerne la programmation des codes-barres dans les systèmes, je comprends qu’il y a beaucoup de travail à faire en raison des différents articles qui seront choisis. L’une des questions que nous avons posées ce matin concernait, par exemple, Pharmaprix. On y vend des produits alimentaires et pharmaceutiques, et pas de vêtements pour enfants, mais la chaîne devra procéder à de nombreux ajustements. Comme je l’ai dit, le travail que les commerçants doivent faire pour être prêts le 14 décembre a trait à la conformité à la mesure qui est introduite.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Ma question est liée à ce qui a été soulevé par la sénatrice Ross. Je sais que les petites entreprises n’ont pas été consultées, mais s’il y a des consommateurs, c’est parce qu’il y a des entreprises qui fournissent les produits. Il est franchement décevant et surprenant que les entreprises, les petites comme les autres, n’aient pas été consultées, car cette mesure les touchera autant, sinon plus, que les consommateurs. L’effet d’entraînement se fera sentir.

Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, 75 % des entreprises locales estiment que la mise en œuvre de cette mesure sera très coûteuse et complexe. Les entrepreneurs ont exprimé des inquiétudes concernant l’Agence du revenu du Canada et se demandent si des erreurs commises de bonne foi nuiraient aux petites entreprises. Quelle sorte de pénalité infligerait-on ? Vous parlez de conformité, mais j’imagine qu’il y aura des erreurs. L’Agence du revenu du Canada est-elle également préparée à ce changement ?

La sénatrice Moncion : Merci pour cette question, sénatrice. Jusqu’à présent, l’Agence du revenu du Canada a répondu aux questions de ces commerçants et des Canadiens également.

En ce qui concerne les erreurs, il existe un processus déjà en place dans le cadre de la réglementation relative à la TVH. Des formulaires peuvent être remplis par les consommateurs qui ont payé la TPS ou la TVH sur des articles. Les consommateurs peuvent demander à l’Agence du revenu du Canada le remboursement des sommes qu’ils ont payées. C’est le même système qui existe actuellement en cas d’erreur lorsque les commerçants font leurs déclarations de TVH ou de TPS au gouvernement. Ce processus n’a pas changé. Les formulaires sont là, et c’est ainsi que cela va fonctionner. Ce projet de loi ne prévoit aucune pénalité pour les erreurs commises de bonne foi.

La sénatrice Martin : Je ne suis pas certaine, cependant, que nous puissions croire pleinement à cette affirmation si on pense au fait que les entreprises sont responsables de se conformer à la loi.

On peut penser que le gouvernement a mis en œuvre cette mesure à la hâte, sans consulter un partenaire très important : les petites entreprises qui vont offrir ce congé de TPS aux consommateurs. Cette précipitation est assez inquiétante, et je suppose que ce n’est pas tant une question qu’une conclusion basée sur ce que j’entends.

Son Honneur la Présidente : Le sénateur Deacon souhaite poser une question. Or, il ne reste plus beaucoup de temps. Sénatrice Moncion, si vous acceptez de répondre à une autre question, je devrai demander au Sénat s’il consent à vous accorder plus de temps.

La sénatrice Moncion : Je n’ai aucune objection à ce que l’on m’accorde plus de temps.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

L’honorable Colin Deacon : Merci, sénatrice Moncion. J’aimerais obtenir une précision concernant la consultation. Un article du Hill Times dit que le premier ministre et la vice-première ministre n’ont pas consulté leur caucus ni le Cabinet. Ils n’ont pas consulté les entreprises. Ils n’ont pas consulté les provinces. Nous ne savons pas s’ils ont consulté l’Agence du revenu du Canada.

(1600)

Je veux simplement que la liste soit claire. Le premier ministre et la vice-première ministre ont-ils consulté à l’avance l’Agence du revenu du Canada pour voir comment seraient traitées ce que vous avez décrit comme des erreurs commises de bonne foi? La question de la conformité préoccupe beaucoup les petits entrepreneurs. En cas de non-conformité, ils s’exposent à de lourdes pénalités. Les systèmes des points de vente ne sont pas seulement les terminaux devant lesquels nous plaçons nos cartes de paiement, ils comprennent aussi ce qui est en coulisse. Chaque article vendu en magasin est associé à un taux de taxation. Les commerçants pourraient commettre une erreur ou certains articles pourraient avoir deux usages, par exemple un cadeau de Noël dont on croit qu’il est sur la liste et qui a peut-être aussi une autre fonction. Les entreprises sont manifestement des partenaires dans cette mesure, pas parce qu’elles le veulent, mais parce qu’elles y sont contraintes.

Donnez-nous des renseignements sur les consultations qui ont été menées avec l’Agence du revenu du Canada. Nous savons qu’il n’y a pas eu de consultations avec les autres parties, mais y a-t-il eu des consultations avec l’Agence du revenu du Canada pour que les petites entreprises ne voient pas, au bout du compte, leurs ventes perturbées pendant la période la plus importante de l’année d’une manière peut-être pas considérable, mais, de leur point de vue, pas avantageuse? Quelles certitudes pouvez-vous nous donner concernant l’Agence du revenu du Canada? Il semble en effet qu’il n’y ait pas eu de consultations.

La sénatrice Moncion : Je vous remercie de la question. Monsieur le sénateur, je ne peux vous donner aucune garantie à cet égard. Je ne peux pas vous dire que tout se passera à merveille. Toutefois, je pense que le gouvernement n’a pas l’intention de pénaliser les commerçants pour cette décision qui a été prise et qui s’appliquera quelques mois.

Je peux dire en toute confiance qu’on fera preuve de souplesse au sein du système pendant les prochains mois pour garantir que le gouvernement atteigne les résultats escomptés. Je ne pense pas que le gouvernement cherche à pénaliser les commerçants. Je pense qu’il veut stimuler l’économie et aider les familles en leur permettant d’avoir un peu plus d’argent dans leurs poches.

Au bout du compte, nous avons eu une conversation sur le rôle de l’Agence du revenu du Canada dans ce dossier, et il semble y avoir une certaine souplesse. Toutefois, ce serait pour cette période précise. Encore une fois, c’est un élément que je pourrais confirmer auprès du gouvernement pour être certaine de ne pas vous induire en erreur. Je peux vous revenir avec une réponse plus précise sur le sujet.

Son Honneur la Présidente : Le consentement a été accordé pour une question. Le consentement est-il accordé pour une question complémentaire?

Une voix : Non.

Son Honneur la Présidente : J’ai entendu un « non ».

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je tiens à féliciter la sénatrice Moncion pour avoir défendu avec beaucoup d’énergie ce qui est sans doute l’un des pires projets de loi que le gouvernement actuel ait jamais présentés. Je vous félicite, sénatrice Moncion, pour la manière dont vous avez géré ce dossier.

Je trouve paradoxal que le gouvernement tente de présenter le projet de loi C-78 comme une mesure de relance budgétaire. Chers collègues, mettons les choses en perspective. Ce congé de taxe représente 0,63 $ par Canadien pendant 63 jours. Voilà ce que nous économisons : 0,63 $ pendant 63 jours. Le coup de pouce à l’économie revient à 39,69 $ par Canadien — wow. C’est la moitié d’un plein d’essence, la taxe sur la moitié d’un plein d’essence — la taxe sur le carbone sur la moitié d’un plein d’essence.

Il y a également une autre chose pour laquelle je félicite les libéraux, c’est qu’ils ont finalement présenté un projet de loi auquel même tous les médias de gauche s’opposent. Je n’ai entendu personne soutenir ce projet de loi. Je n’ai pas entendu beaucoup d’éloges à cet égard dans cette enceinte, et nous représentons tous les partis.

Sénatrice Moncion et sénateur Gold, je trouve tout cela effectivement très étonnant.

Chers collègues, comme vous le savez, je prends la parole au sujet du projet de loi C-78, Loi concernant l’allègement temporaire du coût de la vie (abordabilité). Je ne ferai que quelques observations aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture. J’aurai certainement d’autres choses à dire à l’étape de la troisième lecture.

Pour ma part, je ne crois pas que le gouvernement comprenne quoi que ce soit à l’abordabilité ou au coût de la vie, et je ne crois pas qu’il ait la moindre idée de la façon de nous sortir du pétrin dans lequel il nous a mis.

Sous la gouverne du premier ministre actuel, partout au pays, les Canadiens ont vu tous les coûts monter en flèche, et ils se demandent ce qu’il est advenu du Canada qu’ils ont déjà connu. Après neuf longues et douloureuses années sous la direction de l’actuel premier ministre incompétent, appuyé par un chef néo-démocrate incompétent, qui semble se soucier davantage de sa pension que des difficultés des citoyens ordinaires, nous sommes aux prises avec la pire crise de l’abordabilité de l’histoire de notre pays.

Le gouvernement actuel a alourdi la dette imposée aux Canadiens davantage que tous les gouvernements précédents réunis. Le coût de la vie a explosé. Le prix des logements a doublé, et le taux de fréquentation des banques alimentaires atteint des sommets. Un Canadien sur quatre saute maintenant des repas. Un enfant sur cinq vit dans la pauvreté, et les villages de tentes se voient couramment dans nos collectivités; on en compte plus de 1 400 en Ontario seulement. Honorables collègues, ce n’est pas le Canada dans lequel vous et moi avons grandi.

La cause profonde du gâchis dans lequel nous nous trouvons est claire : c’est le manque de leadership et les politiques inefficaces du premier ministre actuel, ainsi que son alliance avec le NPD. Leur approche laxiste en matière de criminalité a entraîné une hausse de la criminalité et le chaos dans les rues. Leurs attaques contre le secteur canadien de l’énergie et l’imposition d’une taxe sur le carbone néfaste pour l’emploi ont fait fuir les investissements, les emplois et la prospérité au sud de la frontière.

La situation des Canadiens s’est détériorée à tous les égards. Cependant, plutôt que de prendre des mesures décisives pour renverser la vapeur, le mieux que ce gouvernement peut à faire, c’est de présenter le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui, un piètre subterfuge de deux mois sur la taxe de vente qui sera loin de régler les vrais problèmes. Les entreprises disent que la mise en œuvre de cette mesure sera coûteuse et pénible, et que ce seront principalement les grands détaillants qui en profiteront, et non les familles en difficulté.

Chers collègues, la voie à suivre est très claire. Nous n’avons pas besoin du projet de loi absurde dont nous débattons aujourd’hui. Nous avons besoin d’un changement de gouvernement et d’une nouvelle approche pour exploiter le potentiel économique du Canada et rendre à nouveau la vie abordable pour les Canadiens de la classe moyenne. Nous devons abolir la taxe sur le carbone et réduire le coût de l’essence, de l’épicerie et du chauffage domestique. Nous devons abolir la taxe de vente sur les maisons neuves de moins de 1 million de dollars afin que 30 000 nouvelles maisons puissent être construites. Ce n’est pas un slogan, sénateur Gold. C’est un fait. Nous devons libérer le potentiel de l’économie et du secteur de l’énergie et cesser de faire fuir les ressources, l’argent et les emplois.

Seul un nouveau gouvernement, dirigé par Pierre Poilievre, pourra faire ce qui est nécessaire en reprenant le contrôle des dépenses, en défendant les citoyens respectueux des lois et en rebâtissant les assises économiques d’une classe moyenne prospère. Voilà le choix qui s’offre aux Canadiens : continuer sur la pente d’un déclin constant sous les libéraux et les néo-démocrates, ou revenir au Canada que nous savons possible grâce à un nouveau leadership et une nouvelle direction. Le bien-être de notre pays dépendra du choix judicieux que l’on fera aux prochaines élections. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de poursuivre sur la même voie.

La mesure législative dont nous sommes saisis aujourd’hui prévoit éliminer la TPS ou la TVH sur une grande variété de produits pendant deux mois. Paradoxalement, la sénatrice Dasko nous dit que nous ne devrions même pas acheter la plupart de ces produits en premier lieu. Selon le premier ministre, cela signifie que « pendant deux mois, les Canadiens vont bénéficier d’un véritable répit ». Je ne sais pas comment on peut être aussi déconnecté de la réalité, car rien ne saurait être plus faux.

(1610)

CTV News a même cité l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge, qui a qualifié de « mauvaise mesure » le congé de TPS proposé et l’idée d’envoyer 250 $ à 18,7 millions de travailleurs canadiens. Voici ce qu’il a dit :

C’est une petite douceur aujourd’hui pour une douleur plus tard [...] Nous utilisons de l’argent que nous avons emprunté pour faire quelques petits cadeaux maintenant [...] mais nous ne faisons pas les investissements nécessaires pour que les Canadiens puissent gagner plus d’argent à l’avenir et améliorer leur niveau de vie [...] Donc, d’un point de vue économique, ces mesures ne sont pas les bonnes.

Chers collègues, David Dodge, un ancien gouverneur de la Banque du Canada, a tout à fait raison : ces mesures ne sont pas les bonnes.

Le Canada est un pays en difficulté. La dette de l’État atteint désormais 107 % du produit intérieur brut, le PIB, et la dette des ménages se situe à 132 % par personne. Alors que le gouvernement libéral affirme que les finances se portent bien, les résultats réels de l’économie le contredisent, puisque nous avons une croissance anémique de 1,2 % par année, bien inférieure à la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques. C’est le reflet d’un problème majeur de productivité. La situation du Canada offre un contraste saisissant avec celle des États-Unis, où le PIB par habitant a augmenté de 3,6 % depuis 2022-2023, alors que le nôtre a chuté de plus de 5 %.

Par rapport aux États-Unis, le PIB par habitant du Canada s’est effondré : il est passé de 98 % à 66 % au cours des 10 dernières années. Qui était au pouvoir pendant ces 10 années? Il s’agit d’un déclin catastrophique. En raison des politiques énergiques du président désigné Donald Trump qui font passer les États-Unis en premier, on peut s’attendre à ce que l’économie étatsunienne continue d’accélérer et de surpasser celle du Canada par une marge encore plus grande. Il faut de toute urgence stimuler à la fois la productivité et le rendement économique. Pourtant, tout ce que le gouvernement a à offrir, c’est un petit bonbon, comme l’a dit l’ancien gouverneur David Dodge.

Les conservateurs ne peuvent pas appuyer cette mesure législative et nous ne l’appuierons pas. Toutefois, nous ne tenterons pas de la rejeter à l’étape de la deuxième lecture. Nous espérons que le comité procédera à une étude approfondie. Nous permettrons que le projet de loi soit adopté au comité avec dissidence. Le gouvernement a fait adopter le projet de loi à la hâte à l’autre endroit, sans tenir une seule réunion de comité ni convoquer un seul témoin — les Canadiens méritent mieux, chers collègues —, et les Canadiens méritent d’entendre ce que les témoignages au comité révéleront, soit que le projet de loi est une farce.

Le gouvernement libéral—néo-démocrate doit être renversé et remplacé le plus rapidement possible par un gouvernement conservateur plein de gros bon sens dirigé par Pierre Poilievre. Les Canadiens méritent mieux que des solutions de fortune et des promesses creuses. Ils méritent un gouvernement qui comprend leurs difficultés et qui a le courage d’apporter les changements fondamentaux nécessaires pour rétablir la prospérité canadienne.

Chers collègues, les Canadiens méritent que l’on fasse preuve de leadership. Il est temps que l’actuel premier ministre retourne faire ce qu’il fait le mieux, à savoir travailler comme professeur de théâtre et moniteur de planche à neige, et qu’il laisse aux adultes le soin de diriger le pays. Le projet de loi démontre la profondeur de la pensée stratégique de Justin Trudeau; il rate complètement la cible et est insultant pour les Canadiens. Lorsqu’un leadership fort est nécessaire, ce n’est pas le moment de s’occuper à des bricoles. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

[Français]

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Moncion, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

Finances nationales

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5k) du Règlement, je propose :

Que, pour les fins de son étude du projet de loi C-78, Loi concernant l’allègement temporaire du coût de la vie (abordabilité), le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à se réunir aujourd’hui après 19 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, l’application de l’article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Projet de loi sur la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire (Loi de David et Joyce Milgaard)

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Arnot, appuyée par l’honorable sénatrice Clement, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-40, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement (examen des erreurs judiciaires).

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je pense aujourd’hui à mon ami David, à ses enfants, à ses sœurs et à sa mère, ainsi qu’aux centaines d’autres personnes et à leurs familles qui n’ont pas eu de recours pour réparer les erreurs judiciaires dont elles ont été directement victimes. C’est une chose à laquelle nous espérons remédier avec le projet de loi C-40. Le projet de loi doit être considéré comme un premier pas vers un traitement plus complet, plus proactif et plus systémique des erreurs judiciaires. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire.

Tout au long de l’étude du projet de loi C-40 par le Comité des affaires juridiques, des témoins, y compris le ministre de la Justice lui-même, dans une lettre envoyée au comité et annexée à notre rapport, ont réaffirmé que pour vraiment remédier aux erreurs judiciaires, la commission indépendante d’examen des erreurs judiciaires créée par ce projet de loi ne peut pas continuer à fonctionner comme elle l’a toujours fait. La façon actuelle dont le Canada passe en revue les condamnations doit être modifiée en profondeur, faute de quoi nous risquons de perpétuer le racisme et la misogynie systémiques à l’égard des personnes les plus marginalisées, en particulier les femmes autochtones.

Dans sa lettre, le ministre a confirmé que la commission disposerait de :

[...] tous les outils nécessaires pour mettre pleinement en œuvre cette approche fondamentale, proactive et systémique, d’une manière qui représente un changement significatif et un départ par rapport aux expériences passées de violence systémique, de racisme et de misogynie qui, comme le souligne notre analyse ACS+, ont fait en sorte que les femmes autochtones en particulier représentent la moitié des personnes incarcérées dans les prisons fédérales, mais aucun examen n’a été mené avec succès dans le cadre de l’actuel Groupe de révision des condamnations criminelles, couvrant une période de plus de 20 ans [...]

L’importance des attentes exprimées par le ministre se reflète dans l’une des observations du rapport du Comité des affaires juridiques sur le projet de loi C-40. Selon le comité, la lettre du ministre :

[...] éclairera l’interprétation du projet de loi C-40 et guidera le mandat de la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire, en particulier en ce qui concerne l’importance vitale de reconnaître et de corriger de manière significative et proactive les inégalités sexistes, racistes et autres inégalités systémiques, en particulier pour les femmes autochtones, en commençant par les cas identifiés dans le rapport intitulé Injustices et erreurs judiciaires subies par 12 femmes autochtones.

Permettez-moi d’expliquer ce que nous apprennent ces documents — je parle ici de la lettre du ministre et du rapport sur les 12 femmes autochtones — au sujet de l’approche proactive de la commission pour déceler et corriger les problèmes systémiques qui rongent depuis longtemps le système de justice pénale.

Selon ce qu’on peut lire dans la lettre du ministre, la commission doit :

[...] reconnaître et corriger de manière significative la discrimination [...] et en particulier le racisme et la misogynie systémiques qui colorent l’expérience de chaque femme autochtone qui interagit avec le système de justice pénale.

(1620)

Ce travail exigera que les commissaires et les avocats qui représentent les personnes ayant subi des erreurs judiciaires rendent compte adéquatement des actes des demandeurs, en particulier des femmes autochtones, et les situent dans des contextes pertinents d’inégalité systémique et de violence coloniale. Dans de nombreux cas, cette tâche nécessitera de la part des commissaires un examen approfondi des oublis, des idées erronées et des erreurs de la police, des avocats, des juges et d’autres acteurs impliqués dans les erreurs judiciaires, mais aussi de leurs propres préjugés et suppositions.

Malheureusement, l’authenticité et l’acceptation franche de la responsabilité font trop souvent défaut lorsqu’il s’agit de comprendre le contexte des approches et des attitudes discriminatoires, en particulier lorsqu’elles sont enracinées dans le racisme, les préjugés de classe, le capacitisme et la misogynie.

Bien que d’autres aient fait allusion à cette question au comité, la preuve la plus claire et la plus directe sur ce point nous vient des témoignages de deux femmes racisées : Rheana Worme, représentante de l’Association du Barreau autochtone, et Zilla Jones, avocate des droits de la personne ayant joué un rôle essentiel dans l’élaboration de la Stratégie en matière de justice pour les personnes noires du Canada.

Mme Jones a abordé sans détour la manière dont le racisme, la misogynie, le dépôt d’accusations et la négociation des plaidoyers créent de la pression susceptible de donner lieu à des condamnations et des sentences douteuses. Elle a insisté sur un cas en particulier, se demandant notamment si l’issue était la meilleure que pouvait espérer la femme qu’elle représentait.

Pour faire ressortir la nécessité et l’importance de la compréhension contextuelle, surtout en ce qui concerne les femmes autochtones qui ont connu la violence, Rheana Worme s’est attardée à un cas en particulier, celui du procès pour meurtre d’une femme autochtone qui était représentée par son père, Don Worme, avec l’assistance de sa mère, Helen Semaganis, qui était alors étudiante en droit. Voici ce qu’elle a dit :

Bien que mes deux parents soient cris, mon père savait très bien qu’il ne pouvait pas pleinement comprendre l’expérience de cette femme autochtone qui avait été victime de violence familiale, et il s’est donc assuré de prendre le temps d’écouter non seulement sa cliente, mais aussi ma mère. Même si elle était une novice et qu’elle était encore à la faculté de droit, il savait que, malgré ses propres expériences en tant que témoin de la mort de sa mère, il ne comprenait toujours pas pleinement les couches de violence coloniale auxquelles les femmes autochtones sont confrontées. Ensemble, ils ont été en mesure de présenter une défense propre à l’expérience de la femme autochtone en matière de violence familiale.

Ce que je suggère en m’inspirant de cet exemple, c’est qu’il y a une incapacité innée, même pour le meilleur allié, de comprendre pleinement le contexte et les expériences des femmes et, plus particulièrement, des femmes autochtones.

Un nouveau rapport d’ONU Femmes a rendu publique une vérité crue sur la violence à l’égard des femmes : pour les femmes, l’endroit le plus dangereux est le domicile. Dans le monde entier, c’est à la maison que se produisent la plupart des féminicides, puisque la plupart des femmes sont tuées par leur partenaire ou des membres de leur famille qui, pour la plupart, ne croient pas — selon leur expérience passée — que la police et d’autres acteurs puissent intervenir pour protéger celles-ci contre la violence.

La cliente, dont Mme Semaganis et M. Worme ont si bien contextualisé et défendu les actions, a vécu cette réalité.

En outre, le rapport intitulé Injustices et erreurs judiciaires subies par 12 femmes autochtones recense des cas où ces expériences et contextes n’ont pas été pris en compte ou n’ont pas été considérés comme pertinents. G.S. a été condamnée à la prison à vie après avoir réagi avec une force létale pour tenter de se protéger d’un partenaire violent. S.D. a d’abord été judiciarisée parce que son partenaire violent trafiquait de la drogue, tandis que T.M. a été judiciarisée pour effraction après s’être réfugiée dans une école pour fuir les abus sexuels de son père. En deuxième lecture, j’ai expliqué en quoi les stéréotypes racistes et misogynes ont conduit à dépeindre Jamie Gladue comme une épouse jalouse plutôt que comme une femme agissant pour se protéger et protéger sa sœur d’une nouvelle agression physique et sexuelle de la part d’un partenaire violent.

Même si d’autres témoins devant le comité reconnaissent aujourd’hui en privé que certains renseignements clés avaient échappé à leur attention ou qu’ils n’avaient pas les connaissances suffisantes pour poser des questions sur certains sujets ou comprendre les implications de contextes particuliers ou les circonstances des cas individuels de femmes, il est révélateur qu’ils ne le disent pas ou qu’ils n’en assument pas la responsabilité. La question n’est pas de savoir si c’est l’orgueil ou la honte qui les empêche de le faire. Pareille réticence non seulement à reconnaître ces erreurs ou cette ignorance, mais aussi à en assumer la responsabilité, démontre à quel point nous avons besoin d’une commission suffisamment informée et dotée de moyens d’action.

J’ai été ravie d’entendre le sénateur Cotter parler des répercussions des exposés de David Milgaard à l’École de droit de l’Université de la Saskatchewan. Ses expériences en Saskatchewan n’ont pas été positives. M. Milgaard est un homme d’une grande délicatesse et d’une indulgence formidable. Lorsque je l’ai invité à l’université, il m’a demandé de m’engager à ce que la société, le barreau et la magistrature de la Saskatchewan fassent mieux. Il a insisté pour que nous invitions une femme autochtone à se joindre à lui pour souligner la journée des erreurs judiciaires. Il souhaitait attirer l’attention sur le fait que, même si le pauvre adolescent rebelle qu’il était avait été victime d’attitudes stigmatisantes et discriminatoires, les femmes autochtones sont sujettes à des attitudes discriminatoires bien plus graves. Il maintient catégoriquement que les cas des 12 femmes doivent être réexaminés, notamment ceux d’O.Q. et de N.Q., les sœurs Quewezance. Sans ses interventions, Innocence Canada n’aurait pas apporté son aide et leurs revendications d’innocence risqueraient toujours d’être abandonnées sur les conseils de criminalistes chevronnés.

Dans ce contexte, il est particulièrement important que les commissaires puissent réexaminer les informations contextuelles préexistantes qui n’ont pas été suffisamment étudiées et les inclure dans leurs analyses. En effet, Tamara Levy, directrice du Projet Innocence de l’Université de la Colombie-Britannique, a témoigné devant le comité que l’actuel Groupe de la révision des condamnations criminelles, qui sera remplacé par la commission indépendante prévue par le projet de loi C-40, n’a pas été en mesure de procéder à cette nouvelle mise en contexte.

Mme Levy a dit ce qui suit :

[...] quand nous avons dit qu’il existait une vaste nouvelle compréhension des questions culturelles et de genre qui devait être prise en compte lors de l’examen de ces dossiers [...]

 — le Groupe de la révision des condamnations criminelles —

[...] n’a pas [...] interprété [cela] comme une nouvelle question.

Cette lacune a contribué à rendre le processus actuel inaccessible et au fait que, sur les 24 révisions de condamnation ayant abouti à une mise en liberté depuis 2004, la plupart concernaient des hommes blancs. Seuls sept demandeurs ayant obtenu une mise en liberté, la plupart de ces dossiers ayant fait l’objet d’une révision au cours des dernières années, étaient des hommes racisés. Aucune femme n’a obtenu gain de cause.

Le juge Harry LaForme, coauteur du rapport présenté au gouvernement sur les consultations concernant Une Commission sur les erreurs judiciaires, a souligné que, contrairement à la pratique actuelle : « Il faudrait que [le projet de loi C-40] soit interprété de manière à parvenir à cette fin. » Autrement dit, il devrait permettre de présenter cette information contextuelle préexistante.

Contrairement à ce qu’indiquent les processus d’examen actuels du ministère de la Justice, le ministre a également affirmé que :

[...] les nouvelles données probantes comprennent une compréhension actualisée du contexte social, des analyses intersectionnelles des effets négatifs du système de justice pénale sur certains groupes racialisés et d’autres groupes victimes de discrimination, et d’autres considérations similaires.

Dans sa lettre, le ministre a également confirmé qu’il est aussi crucial que la commission s’assure de prendre dûment en compte les facteurs contextuels, et il a précisé que :

[...] les circonstances exceptionnelles qui permettent de présenter des demandes alors qu’aucun appel n’a été interjeté tiennent compte du fait que trop de femmes qui sont victimes de violence misogyne ou qui ont recours à la force contre un agresseur sont incitées ou encouragées à accepter des négociations de plaidoyer plutôt que de subir un procès pour invoquer des moyens de défense contre des accusations de meurtre.

Si on ne comprend pas cela, un trop grand nombre de femmes vont continuer de se voir refuser l’accès au processus de révision des condamnations et de languir à perpétuité dans le système carcéral.

Compte tenu de ces obstacles à la reconnaissance des facteurs systémiques et contextuels, j’ai été particulièrement encouragée que la lettre du ministre souligne également l’importance des examens collectifs, en particulier pour les femmes autochtones. Le rapport sur les cas des 12 femmes autochtones mentionnés dans le rapport du Comité des affaires juridiques, qui a été inspiré par le travail des juges LaForme et Westmoreland-Traoré, nous rappelle l’urgence et la justification convaincante d’un tel examen en bloc de ces cas et de ceux d’autres femmes.

Le ministre a noté que, selon le projet de loi C-40 :

[...] les demandes adressées à la Commission peuvent être regroupées et examinées. Il s’agirait notamment de circonstances où les cas des demandeurs, bien qu’enracinés dans des erreurs judiciaires distinctes, mettent en évidence des tendances et des expériences systémiques de discrimination.

La possibilité d’examens collectifs et l’élimination des obstacles à l’accès seront les éléments clés d’une stratégie cruciale visant à réparer les erreurs judiciaires qui découlent de la discrimination systémique ainsi que des échecs du système de justice pénale et du système carcéral à reconnaître et à contextualiser adéquatement les inégalités causées par le racisme, le sexisme, la violence et les traumatismes en cours, et à y remédier.

(1630)

Mettre en contexte les histoires des femmes en les associant les unes aux autres permet de cerner et d’analyser plus en profondeur la rencontre et les schémas de l’inégalité systémique, de la discrimination et de la violence. Sans ce cadre, même le meilleur allié, qu’il soit avocat ou commissaire, pourrait très bien rater ce contexte crucial.

Une grande partie de ce projet de loi confère un vaste pouvoir discrétionnaire à la commission et lui fait confiance pour faire ce qui s’impose. Pour ne pas perpétuer la misogynie et le racisme qu’un trop grand nombre de personnes qui ont été condamnées à tort ont vécus dans presque toutes les facettes de leur vie, la commission aura besoin des bonnes personnes, des ressources nécessaires et d’un engagement inébranlable à l’égard de la réparation proactive et systémique des injustices.

Pour ces raisons, nous devons être vigilants et veiller à ce que la commission, son personnel, ses politiques et ses décisions reflètent cette vision et à ce que sa capacité à réagir efficacement aux injustices continue de croître.

Comme le ministre l’a souligné, la commission :

[...] examinera de façon continue les mesures supplémentaires, y compris les recours tels que la révision de la peine, le pardon absolu, la prérogative royale de clémence et le pardon conditionnel, qui sont nécessaires pour réparer entièrement les erreurs judiciaires [...]

L’adoption du projet de loi C-40 n’est qu’un début. Ensuite, nous devons veiller à ce que la commission soit habilitée à s’acquitter de son mandat de créer un système d’examen des erreurs judiciaires accessible, équitable et vraiment juste pour tous, et qu’elle doive rendre des comptes à cet égard.

Meegwetch. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Batters, le temps est écoulé. Voulez-vous poser une question à la sénatrice Pate?

La sénatrice Pate : Je vais demander du temps pour une question.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, le consentement est-il accordé pour une question et une réponse?

Des voix : D’accord.

L’honorable Denise Batters : Merci, sénatrice Pate, pour votre allocution.

Comme vous étiez l’amie de David Milgaard et que vous le connaissiez, et que le projet de loi porte son nom, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur lui?

La sénatrice Pate : Je vous remercie. Comme vous le savez, David est décédé alors qu’avaient lieu les négociations sur le projet de loi.

Il a passé une trop grande partie de sa vie en détention. Comme j’ai essayé de l’indiquer dans mon discours, c’est en partie parce que les gens ne le croyaient pas. Comme Guy Paul Morin l’a également souligné lors de son témoignage devant le comité, s’il n’y avait pas eu les tests d’empreintes génétiques, David ferait peut-être encore l’objet de soupçons.

Lorsqu’il a été libéré, il a consacré à sa mère la majeure partie des ressources qu’il avait obtenues grâce à son indemnisation. Il a également insisté pour essayer de mettre en place la meilleure situation possible pour son fils et sa fille, qui sont maintenant des adolescents.

Lorsqu’il n’était pas avec ses enfants ou sa famille, il a consacré presque chaque minute de son temps à essayer de remédier aux erreurs judiciaires dont d’autres personnes avaient été victimes. C’est ainsi qu’il a connu certaines des femmes dont j’ai parlé. Lorsqu’il a travaillé avec les juges qui recommandaient des changements et certaines approches à adopter, il a fait valoir la nécessité de mieux renseigner les gens à ce sujet.

Même si le projet de loi porte son nom, j’oserais dire qu’il aurait voulu qu’il aille plus loin. C’est pourquoi la lettre du ministre et les témoignages que nous avons entendus en comité sont si importants. Merci.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je prends brièvement la parole pour vous dire que j’appuie sans réserve le projet de loi C-40.

Nous attendons ce moment depuis plus de 20 ans — 20 ans pendant lesquels il y a eu d’autres erreurs judiciaires. Il est temps de mettre fin à ce genre d’erreur et d’offrir aux personnes qui en sont victimes un moyen d’exercer plus ouvertement, plus aisément et plus efficacement leurs droits que ce que leur permettent les règles actuelles.

En fait, j’aimerais vous raconter ce qui est arrivé dans un tribunal de Montréal il y a moins d’un mois. C’est l’histoire de Claude Paquin. M. Paquin a dû répondre de deux chefs d’accusation pour meurtre, accusations qui reposaient sur le témoignage d’un indicateur rémunéré. Les indicateurs rémunérés font partie du système, mais disons qu’ils en forment un des rouages les moins fiables, comme je peux vous le confirmer.

M. Paquin a été reconnu coupable de meurtre.

Il y a un mois, il était devant un juge. Il est entré dans la salle en s’appuyant sur sa canne.

[Français]

Claude Paquin s’est rendu au palais de justice. L’homme âgé de 81 ans a été condamné à tort pour un double meurtre en 1983 et a passé quatre décennies en prison. Cependant, c’est en homme libre qu’il est sorti du palais de justice le mercredi 6 novembre. Je cite ce que Claude Paquin a dit au juge :

[...] je suis sorti de l’enfer. Je vis une liberté totale. Je voulais ça depuis 41 ans. J’ai fait beaucoup de temps. Ma liberté, je l’ai perdue pendant 41 ans. Aujourd’hui, je l’ai, ma liberté. Je vais essayer de vivre le mieux possible le temps qu’il me reste.

Le nouveau système ne prendra pas 41 ans pour corriger des erreurs. C’est pourquoi je vous invite à faire en sorte qu’il n’y ait plus de Claude Paquin, de David Milgaard, de Simon Marshall, de Guy Paul Morin, de Michel Dumont ou encore de Daniel Jolivet, dont je vous ai parlé dans mon discours en octobre dernier.

Le temps est venu d’adopter ce projet de loi, et je vous invite à le faire le plus rapidement possible afin qu’il reçoive la sanction royale. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Le discours du Trône

Motion d’adoption de l’Adresse en réponse—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence la gouverneure générale du Canada :

À Son Excellence la très honorable Mary May Simon, chancelière et compagnon principal de l’Ordre du Canada, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite militaire, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite des corps policiers, gouverneure générale et commandante en chef du Canada.

QU’IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :

Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu’elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.

L’honorable Mohammad Al Zaibak : Honorables sénateurs, le débat sur cet article est ajourné au nom de l’honorable sénateur Plett. Je demande le consentement du Sénat pour qu’il reste ajourné à son nom après mon intervention d’aujourd’hui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Il en est ainsi ordonné.

Le sénateur Al Zaibak a la parole pour sa première participation au débat.

(1640)

Des voix : Bravo!

Le sénateur Al Zaibak : [Note de la rédaction : Le sénateur Al Zaibak s’exprime en arabe.]

Honorables sénateurs, en ce jour où je prends la parole pour la première fois au Sénat pour participer au débat sur le discours du Trône, j’avoue être habité par une seule émotion : une profonde humilité.

Dans cet esprit d’humilité et avec révérence, je commence par reconnaître que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin anishinaabe, qui vit sur cette terre depuis des temps immémoriaux et dont l’intendance de cette terre nous précède tous.

Honorables collègues, je suis né à Damas, en Syrie. Damas et la Syrie sont toutes deux imprégnées d’une histoire connue sous le nom de « berceau de la civilisation ». Pendant des siècles, Damas a été un phare de connaissance et de culture ainsi qu’un carrefour de l’histoire commune de l’humanité.

J’ai choisi de venir au Canada parce qu’ici, dans ce pays relativement jeune, j’ai vu se réaliser la promesse de ma culture authentique et de ma civilisation ancienne. J’ai vu un pays où la bonté et la décence font partie intégrante du caractère national. J’ai vu des dirigeants qui agissaient dans les affaires mondiales dans ce même esprit de décence et de sens moral. J’ai vu un pays qui avait collectivement décidé d’utiliser sa richesse et ses privilèges pour aider d’autres pays à s’élever.

Mes collègues sénateurs, je suis tombé amoureux du Canada et de son peuple. J’ai découvert, à ma grande joie, que le Canada m’aimait en retour.

Le Canada m’a accueilli dans ma quête d’un avenir meilleur. Ce pays m’a offert des possibilités personnelles et professionnelles au-delà de mes rêves. Le fait de siéger aujourd’hui en tant que sénateur à la Chambre haute de l’une des nations les plus démocratiques du monde moderne n’est pas seulement un honneur pour moi, mais un témoignage de la diversité, de l’inclusivité et de l’engagement commun du Canada en faveur du respect et de la compréhension mutuels.

Lorsque je repense à mon parcours, je suis reconnaissant envers le Canada. Ce sentiment de gratitude nourrit mon désir de redonner à ce pays que j’aime tant et si profondément.

Honorables sénateurs, le Sénat est souvent appelé « la Chambre de second examen objectif », où les textes législatifs sont soigneusement examinés et affinés avant de devenir des lois. Cette réputation est bien méritée.

Je suis absolument impressionné par le calibre de mes collègues sénateurs. Votre engagement à servir le Canada m’inspire, et votre expérience et votre sagesse collectives témoignent de l’importance du rôle de cette Chambre dans la démocratie canadienne.

Je suis également très conscient que le temps qui m’est imparti ici est limité. Si je semble pressé, c’est parce que je suis déterminé à tirer le meilleur parti de chaque instant et à contribuer autant que possible à l’important travail que nous accomplissons ensemble.

Lorsque j’atteindrai l’âge de 75 ans, j’aurai, je l’espère, remboursé une partie de la dette que j’ai envers mon Canada bien-aimé. Je pourrai alors commencer à rembourser la dette que j’ai envers ma femme et ma famille, qui me soutiennent incroyablement, peut-être en prenant de très longues vacances en famille.

Nous arrivons tous au Sénat d’endroits différents, de cultures différentes et après avoir vécu des expériences différentes. Pourtant, nous mettons ces différences de côté et travaillons pour atteindre un objectif commun. En tant que Syrien, je connais très bien les conséquences dévastatrices de l’orientation et de la dérive des sociétés vers le conflit plutôt que vers la coopération. Ma patrie était autrefois un symbole de résilience, de coexistence et d’harmonie. Aujourd’hui, elle nous rappelle brutalement ce qui peut arriver lorsque la division supplante le dialogue et que la méfiance l’emporte sur l’objectif commun.

Le Canada, en revanche, montre au monde entier qu’il est possible d’embrasser la diversité. Ici, nous érigeons des ponts plutôt que des murs. Toutefois, ce n’est pas quelque chose que nous pouvons tenir pour acquis. Notre pays, comme tous les autres, doit constamment s’efforcer d’être la meilleure version possible de lui-même. Le mode de vie canadien, ancré dans l’inclusion, la paix et le respect des droits de la personne, est un modèle pour le monde entier. Il ne s’agit pas d’idéaux abstraits, mais de principes vivants qui façonnent notre manière d’interagir, de gouverner et de grandir en tant que société.

Lorsque j’étais un nouvel immigrant au Canada et un jeune homme, j’avais l’habitude de regarder les débats parlementaires à la Chambre des communes avec révérence et admiration. J’ai regardé et écouté des géants comme les très honorables Joe Clark, Brian Mulroney et Jean Chrétien ainsi que des vidéos de Pierre Trudeau et de John Turner alors qu’ils débattaient de questions importantes du jour avec intelligence, rigueur, passion, fidélité aux faits et avec beaucoup d’honnêteté et d’intégrité.

Les dirigeants que j’admirais s’abaissaient rarement à des attaques personnelles mesquines, ne s’exprimaient pas avec des phrases-chocs et ne s’adressaient pas uniquement à leur circonscription. Au contraire, ils enrichissaient notre discours public. Ce faisant, ils nous enrichissaient tous.

Ce sens du décorum, l’idée que le débat parlementaire doit être axé sur les mérites d’un argument plutôt que sur les personnalités en cause, est resté en moi. Je pense qu’il perdure dans cette enceinte et qu’il vaut la peine d’être préservé. Il nous sert, et sert tous les Canadiens, bien mieux que le contraire.

Je sais que c’est vrai parce que j’ai déjà vu cet esprit à l’œuvre. En février dernier, peu après mon assermentation, cette assemblée a montré à quel point elle était consciencieuse lors du débat à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-62. Ce fut une discussion réfléchie et passionnée, car toute discussion sur l’aide médicale à mourir est difficile — et elle le sera toujours. À l’époque, nous avons vu des sénateurs représentant l’opposition appuyer le projet de loi proposé par le gouvernement, tandis que d’autres, dont la plupart avaient été nommés par le gouvernement actuel, ne l’appuyaient pas. En fin de compte, le projet de loi a été adopté sans amendement.

Le professionnalisme et le profond respect qui ont régné dans cette enceinte au cours de ce débat important, malgré le caractère extrêmement délicat de la discussion, m’ont rendu fier de siéger parmi vous, chers collègues.

Malgré les divisions et les problèmes de notre époque, c’est ce que le Canada est vraiment : un pays ancré dans le respect des uns envers les autres. Le débat qui s’est déroulé dans cette enceinte en février en a été une démonstration claire, et une preuve évidente — du moins, à mes yeux — de l’impartialité et de l’indépendance du Sénat réformé.

(1650)

Mon expérience en tant que Canadien d’origine syrienne a façonné ma compréhension de l’importance de l’unité. Le Canada a accueilli des personnes venues des quatre coins du monde, créant ainsi une riche mosaïque de cultures, de croyances et de traditions. Notre diversité est une force, mais elle doit être constamment entretenue.

La communauté arabe et la communauté musulmane canadiennes — deux communautés culturellement distinctes et diversifiées qui se recoupent de manière importante, et dont je suis fier d’être membre —, font partie intégrante de notre tissu social. Malgré leurs immenses contributions, ces communautés se heurtent souvent à l’incompréhension et sont fréquemment sous-représentées.

En tant que seul Canadien d’origine arabe siégeant actuellement dans cette enceinte, je me sens investi d’une profonde responsabilité : celle de me faire le porte-parole de ces communautés, de défendre et de célébrer leurs réalisations et de plaider pour une plus grande inclusion dans tous les ordres de gouvernement et dans toutes les couches de la société. J’en parlerai plus en détail dans les jours à venir.

Sur la scène internationale, le Canada est depuis longtemps un partenaire de confiance, un intermédiaire honnête, un phare de paix et de stabilité. Or, nous devons toujours renouveler le leadership que nous exerçons. Dans un monde où les alliances changent et les tensions augmentent, nous ne pouvons pas nous permettre de faire preuve de complaisance.

La réputation du Canada en tant qu’artisan de la paix nous donne des occasions uniques d’influencer les enjeux mondiaux, des changements climatiques à la résolution des conflits. Plus particulièrement, je crois que nous devons faire preuve de leadership encore une fois en favorisant la paix dans des régions comme le Moyen-Orient et l’Afrique, où des décennies d’agitation ont causé des souffrances catastrophiques.

En participant aux échanges sur la scène internationale, il faut aussi que nous gardions en mémoire que le leadership commence chez soi. En bâtissant un Canada plus harmonieux et plus inclusif, où nous essayons toujours de suivre le meilleur côté de notre nature, nous pouvons donner l’exemple au monde. C’est aussi quelque chose dont je parlerai à la Chambre rouge.

Au cours des prochains mois, je m’engage à parler plus d’autres grandes priorités dans cette enceinte et ailleurs, des priorités qui coïncident largement avec celles présentées dans le discours du Trône, et j’espère inciter les Canadiens à participer à des discussions qui façonnent notre avenir collectif.

Honorables sénateurs, maintenant que j’ai trouvé mes marques dans cette fonction, je suis reconnaissant aux femmes et aux hommes qui travaillent en coulisses pour les efforts extraordinaires qu’ils déploient afin que le Sénat fonctionne sans heurts. Ces professionnels dévoués sont les héros méconnus de notre démocratie, des experts de grand talent qui entretiennent la machinerie complexe et invisible qui fait fonctionner le Sénat au quotidien. Sans leur expertise et leur engagement, notre travail ne serait pas possible.

Je leur exprime mes plus sincères remerciements et j’encourage tous les sénateurs à reconnaître le rôle essentiel qu’ils jouent dans le maintien de nos institutions démocratiques.

Son Honneur la Présidente : Sénateur Al Zaibak, votre temps de parole est malheureusement écoulé. Demandez-vous plus de temps pour terminer votre discours?

Le sénateur Al Zaibak : Est-il possible de demander le consentement?

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Al Zaibak : Merci, chers collègues.

Je m’engage envers vous, chers collègues, à m’inspirer de votre travail et de votre bon exemple. Je travaillerai sans relâche à promouvoir la compréhension, le dialogue et la coopération entre les gens, quelles que soient leurs origines ou leurs croyances. Je m’efforcerai de jeter des ponts favorisant la paix, la confiance et le respect mutuel, dans l’objectif de nourrir un sentiment d’unité et de solidarité qui transcende les frontières géographiques et culturelles.

Honorables sénateurs, le temps que j’ai passé au Canada m’a permis de tirer de nombreuses leçons. J’ai appris que travailler ensemble est un chemin plus sûr vers le succès que de travailler seul. J’ai constaté que l’ajout et l’intégration de nouvelles cultures valent mieux que de vivre dans l’isolement et la division. Selon mon expérience, une vie au service des autres est plus gratifiante qu’une existence animée par l’égoïsme. Il vaut mieux vivre en pensant à son avenir que de se cantonner à un passé imaginé. Surtout, l’entraide mutuelle est la seule façon d’avancer en tant que peuple.

Puissions-nous travailler ensemble en tant que membres de différentes cultures pour assurer notre avenir, alors que nous nous entraidons et nous bâtissons un Canada meilleur.

Merci, meegwetch et shukran.

Des voix : Bravo!

(Le débat est ajourné.)

La Loi sur les aliments et drogues

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Débat

L’honorable Donna Dasko propose que le projet de loi C-252, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (interdiction — publicité d’aliments et de boissons destinée aux enfants), soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la troisième lecture en tant que marraine au Sénat du projet de loi C-252, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (interdiction — publicité d’aliments et de boissons destinée aux enfants), également connu sous son titre abrégé de Loi sur la protection de la santé des enfants.

Le projet de loi C-252 modifie la Loi sur les aliments et drogues afin d’interdire la publicité d’aliments prescrits auprès des enfants de moins de 13 ans, c’est-à-dire des aliments dont la teneur en sucres, en graisses saturées ou en sodium est supérieure à la limite prescrite. Le terme « publicité » est défini de manière large dans la Loi sur les aliments et drogues pour inclure :

[...] la présentation, par tout moyen, d’un aliment, d’une drogue, d’un cosmétique ou d’un instrument en vue d’en stimuler directement ou indirectement l’aliénation, notamment par vente.

Le projet de loi C-252 sert de loi habilitante. Les détails des aliments prescrits, des seuils et du champ d’application seront déterminés par les règlements d’application, qui sont en cours d’élaboration depuis plusieurs années. Cette orientation politique fait l’objet d’un engagement du ministre de la Santé depuis 2015. Santé Canada a mené de vastes consultations entre 2016 et 2019, ainsi qu’au printemps 2023, une fois les restrictions proposées disponibles. On a consulté s, les intervenants de l’industrie du secteur de la santé et les membres du public. D’autres consultations seront menées si ce projet de loi est adopté.

Le projet de loi C-252 est une mesure importante que le pays doit prendre pour protéger la santé et le bien-être de ses plus jeunes citoyens. Dans sa préface, le projet de loi reconnaît l’incidence croissante de l’obésité juvénile et ses répercussions sur la santé des enfants, et il reflète une volonté de s’attaquer à cette crise de santé publique croissante en ciblant l’une de ses principales causes : la commercialisation d’aliments ultra-transformés destinée aux enfants.

(1700)

Alors que nous entamons la troisième lecture de ce projet de loi, nous bénéficions maintenant des témoignages d’un nombre important de témoins, 18 en tout, qui ont fourni au comité des renseignements précieux sur tous les aspects de ce projet de loi. Les témoins de Santé Canada et du milieu de la recherche et de la santé nous ont aidés à mieux comprendre les effets des aliments ultra-transformés et des niveaux élevés de sucres, de gras et de sodium sur la santé des enfants, ainsi que les effets puissants de la publicité sur les choix alimentaires et les habitudes de consommation des enfants. De plus, ils ont présenté et étayé les preuves selon lesquelles l’autoréglementation de l’industrie des aliments et des boissons n’a pas été efficace pour réduire l’exposition des enfants à des publicités nocives.

Je tiens à remercier tous les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie de leur formidable participation à l’égard de ce projet de loi, et je tiens à remercier tous les témoins d’avoir comparu. De plus, je remercie infiniment la marraine du projet de loi, la députée québécoise Patricia Lattanzio, de l’avoir présenté.

Les sciences de la nutrition nous fournissent une grande quantité de données probantes sur les effets, bons et mauvais, des constituants alimentaires. Selon Santé Canada, au sujet du sodium :

[...] un excédent peut mener à de l’hypertension artérielle, qui représente un facteur de risque important pour les accidents vasculaires cérébraux et les maladies du cœur. Les maladies du cœur et les accidents vasculaires cérébraux sont les principales causes de mortalité au Canada, après le cancer.

Un peu plus loin sur la même page, on peut lire ceci :

On estime que 30 % des cas d’hypertension artérielle est causée par un apport élevé en sodium. Une teneur en sodium alimentaire élevée est liée à des risques accrus d’ostéoporose, de cancer de l’estomac et à la sévérité de l’asthme.

Pour ce qui est des gras saturés, une consommation trop importante de ces matières grasses peut provoquer une accumulation de cholestérol dans les artères. Selon la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, « [les gras saturés] sont susceptibles d’entraîner une hausse du mauvais cholestérol », lequel constitue un facteur de risque des maladies du cœur et de l’AVC.

Quant au sucre, voici ce que dit la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC :

Une consommation excessive de sucre est associée aux maladies du cœur, à l’AVC, à l’obésité, au diabète, à l’hypercholestérolémie, au cancer et aux caries dentaires.

Aucune de ces substances ne poserait problème si les Canadiens n’en consommaient que d’infimes quantités. Ce n’est malheureusement pas le cas. L’alimentation des Canadiens est composée en majeure partie d’aliments ultra-transformés, qui sont riches en sel, en sucre et en gras saturés, éléments qui sont eux‑mêmes associés à un risque accru de mortalité et qui augmentent aussi le risque de souffrir des problèmes de santé que je viens de mentionner.

De plus, au Canada, ce sont les enfants de 9 à 13 ans qui consomment le plus d’aliments ultra-transformés, qui comptent pour près de 60 % de leur alimentation, selon un mémoire présenté à notre comité par la coalition Arrêtons la pub destinée aux enfants. C’est ce qui a contribué notamment à l’augmentation alarmante du taux d’obésité juvénile au pays, qui est documentée dans de nombreuses sources, y compris une étude menée en 2016 par notre propre Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui s’est penché sur la montée de l’obésité juvénile et les répercussions qu’elle peut avoir notamment sur la santé mentale et le bien-être des enfants. Je souligne en passant que le rapport du comité, appuyé par l’ensemble du Sénat, recommandait également que le gouvernement interdise la publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants. Quelle prévoyance de la part de cette Chambre.

J’aimerais maintenant parler de la publicité destinée aux enfants.

Comme le dit le préambule du projet de loi C-252 et comme l’ont affirmé des témoins au comité, les enfants sont particulièrement vulnérables aux publicités commerciales et susceptibles de voir leurs préférences et leurs choix alimentaires être influencés par ces publicités.

Les enfants de moins de 5 ans sont généralement incapables de faire la distinction entre la publicité et la programmation, et la plupart d’entre eux ne comprennent pas à quoi sert la publicité tant qu’ils n’ont pas atteint l’âge de 8 ans. À l’âge de 12 ans, ils comprennent que les publicités sont conçues pour vendre des produits, mais ils ne sont peut-être pas conscients de l’intention persuasive de celles-ci. Plus les enfants sont exposés à la publicité sur les aliments, plus ils sont susceptibles de demander ou de consommer les aliments annoncés.

Cette situation est préoccupante, car il a été systématiquement montré par des études canadiennes et internationales que les produits alimentaires faisant l’objet d’une publicité destinée aux enfants sont en grande majorité pauvres en nutriments et riches en calories. En fait, plus de 90 % des publicités pour les aliments et les boissons que les enfants regardent à la télévision et en ligne concernent des aliments ultra-transformés ou des aliments contenant des quantités élevées de sucre, de graisses saturées ou de sodium, selon le mémoire présenté par la coalition Arrêtons la pub destinée aux enfants.

Ce genre de publicités attire les enfants grâce à la conception des produits, l’utilisation de personnages de dessins animés ou autres, de l’humour, de thèmes comme ceux de l’aventure ou du merveilleux, ainsi que d’autres techniques publicitaires. Il est clair que ces techniques fonctionnent, puisque les enfants, dès l’âge de 3 ans, sont sensibles aux marques et sont capables de reconnaître ou de nommer des marques d’aliments et de boissons, selon un mémoire soumis au comité.

Le Dr Tom Warshawski, pédiatre consultant et président de la fondation Childhood Healthy Living, a déclaré au comité :

Malheureusement, les publicités d’aliments ultratransformés qui ciblent les enfants sont efficaces. Les publicités influencent les préférences alimentaires des enfants, elles les poussent à harceler leurs parents pour qu’ils achètent des produits et elles font augmenter leur consommation de ces produits.

Il y a plus d’une décennie, l’augmentation de l’obésité juvénile, la consommation croissante d’aliments ultratransformés par les enfants et l’essor des techniques de publicité omniprésente, qui incluent désormais des applications en ligne, ont suscité une grande inquiétude dans le milieu de la santé, à l’échelle internationale et nationale, et déclenché la recherche de solutions.

En 2010, l’Organisation mondiale de la santé a demandé une action mondiale pour réduire ce type de publicités auprès des enfants et elle a formulé 12 recommandations pour guider ses États membres, notamment l’autoréglementation et les approches volontaires. En juillet 2023, l’organisation a modifié ses conseils et elle demande désormais des politiques globales et obligatoires. Pourquoi ce changement? Parce que des preuves solides montrent l’incidence continue de la publicité sur les enfants et les piètres résultats des approches menées par l’industrie. Comme l’a déclaré l’Organisation mondiale de la santé en juillet dernier :

La publicité agressive et omniprésente d’aliments et de boissons riches en graisses, en sucres et en sel auprès des enfants est à l’origine de choix alimentaires malsains [...] Les demandes visant à adopter des pratiques publicitaires responsables n’ont pas eu d’incidence significative. Les gouvernements doivent mettre en place des règlements rigoureux et complets.

Au vu de ces preuves irréfutables, un certain nombre de pays ont pris des initiatives obligatoires et réglementaires pour restreindre la publicité destinée aux enfants : le Mexique, l’Argentine, le Chili, le Royaume-Uni, l’Espagne, le Portugal et la Norvège. Par exemple, le Royaume-Uni a interdit ce type de publicité à la télévision entre 5 heures et 21 heures, ainsi que la publicité en ligne.

Bien entendu, l’exemple le plus important d’initiative obligatoire est celui du Québec, qui dispose depuis 1980 de la Loi sur la protection du consommateur, une loi qui interdit la publicité à but commercial pour tous les biens et services destinés aux enfants de moins de 13 ans. Il est tout à fait remarquable que le Québec, en 1980, ait été si en avance sur les développements qui ont eu lieu des années plus tard. Quelle clairvoyance de la part de cette province!

(1710)

Les dispositions législatives du Québec ont résisté à d’importantes contestations judiciaires. Dans une décision historique rendue en 1989, la Cour suprême du Canada a conclu que les dispositions législatives du Québec qui imposent des restrictions à la publicité destinée aux enfants étaient valides et justifiées selon l’article premier de la Charte des droits et libertés.

La Cour a aussi dit ceci :

L’objectif de réglementer la publicité commerciale destinée à des enfants est conforme au but général d’une loi sur la protection du consommateur, [c’est-à-dire] de protéger un groupe qui est très vulnérable à la manipulation commerciale. Les enfants n’ont pas les capacités des adultes pour évaluer la force persuasive de la publicité. [J]usqu’à l’âge de treize ans[,] les enfants peuvent être manipulés par la publicité commerciale [...]

Notez les mots « manipulés par la publicité commerciale ». Chers collègues, gardons à l’esprit ces mots du plus haut tribunal de notre pays pendant nos délibérations sur le projet de loi.

À l’extérieur du Québec, les restrictions sur la publicité destinée aux enfants ont été guidées par l’autoréglementation de l’industrie. De 2007 à 2020, les entreprises d’aliments et de boissons ont établi un programme à participation facultative pour restreindre la publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants, programme qui a été remplacé par un nouveau code en 2023.

Ces initiatives ont fait l’objet de nombreux commentaires de la part des témoins qui ont comparu devant notre comité. Permettez-moi de citer la professeure Monique Potvin Kent de l’Université d’Ottawa, une experte renommée en la matière. Le 20 novembre, elle a déclaré ceci au comité :

Depuis 2005, j’ai également mené un très grand nombre de recherches […]

 — elle a parlé de plus de 60 études —

[…] qui ont évalué l’Initiative canadienne pour la publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants, qui est le code d’autorégulation récemment démantelé. Dans chaque étude, j’ai conclu que ce code ne protège pas suffisamment les enfants contre la publicité d’aliments malsains. Les recherches réalisées dans le monde — aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande — sont parvenues à des conclusions similaires. L’autorégulation n’est pas efficace pour réduire l’exposition des enfants à la publicité d’aliments malsains.

Dans une grande étude sur l’exposition des enfants à la publicité télévisée, Mme Potvin Kent a constaté que les entreprises qui participaient à cette initiative de l’industrie, qui avaient signé le code restrictif, étaient plus susceptibles de faire de la publicité pour des aliments moins sains destinée aux enfants que les entreprises qui ne participaient pas au programme de l’industrie.

Plus précisément, 80 % des aliments et des boissons annoncés par les entreprises participant à l’initiative étaient moins sains en ce qui a trait à la teneur en matières grasses, en sucres, en sodium, etc., contre 55 % des aliments annoncés par les entreprises qui ne participaient pas à l’initiative.

Ces résultats sont vraiment inquiétants, car nous parlons d’enfants vulnérables.

La conclusion est sans appel : les recherches menées au Canada et dans le monde ont montré à maintes reprises que l’autoréglementation de l’industrie ne permet pas de protéger efficacement les enfants contre l’exposition aux publicités sur certains aliments et boissons.

Chers collègues, d’après ce que j’ai vu et entendu de la part de la communauté des professionnels de la santé et d’après ma propre étude sur ce sujet, nous ne pouvons pas nous attendre à ce que le code nouvellement adopté par l’industrie — un code mis en œuvre l’année dernière, intitulé Code des pratiques responsables en matière de publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants —, obtienne de meilleurs résultats que les efforts précédents, malgré l’enthousiasme en sa faveur exprimé par les représentants de l’industrie qui ont témoigné devant le comité la semaine dernière.

Permettez-moi de faire quelques remarques sur ce code de l’industrie, en m’appuyant sur le code lui-même et sur les témoignages des représentants du secteur de la santé et des experts entendus par le comité. Tout d’abord, le nouveau code ne tient pas compte de la santé des enfants, comme le fait le projet de loi C-252. En fait, le code ne mentionne pas une seule fois la « santé des enfants ». Nous devons donc supposer que le code de l’industrie a d’autres objectifs qui n’ont rien à voir avec la santé des enfants.

Le champ d’application du code exclut de nombreuses techniques de marketing...

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Sénatrice Dasko, je suis navrée de vous interrompre.

Honorables sénateurs, comme il est 17 h 15, je dois interrompre les travaux. Conformément à l’article 9-6 du Règlement, la sonnerie se fera entendre afin de convoquer les sénateurs au vote reporté à 17 h 30 sur l’adoption du quatorzième rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts (projet de loi C-275, Loi modifiant la Loi sur la santé des animaux (biosécurité dans les exploitations agricoles), avec un amendement et des observations).

Convoquez les sénateurs.

(1730)

La Loi sur la santé des animaux

Projet de loi modificatif—Adoption du quatorzième rapport du Comité de l’agriculture et des forêts

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Black, appuyée par l’honorable sénateur Downe, tendant à l’adoption du quatorzième rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts (projet de loi C-275, Loi modifiant la Loi sur la santé des animaux (biosécurité dans les exploitations agricoles), avec un amendement et des observations), présenté au Sénat le 29 octobre 2024.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : L’honorable sénateur Black propose, avec l’appui de l’honorable sénateur Downe, que le quatorzième rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts soit maintenant adopté.

La motion, mise aux voix, est adoptée et le rapport est adopté :

POUR
Les honorables sénateurs

Anderson Klyne
Arnot Loffreda
Audette McBean
Bernard McNair
Boehm McPhedran
Boniface Mégie
Boyer Miville-Dechêne
Brazeau Moncion
Busson Moodie
Cardozo Moreau
Clement Muggli
Cormier Pate
Coyle Petitclerc
Cuzner Ringuette
Dalphond Senior
Dasko Simons
Duncan Varone
Forest Wells (Alberta)
Fridhandler White
Gerba Woo
Greenwood Youance—42

CONTRE
Les honorables sénateurs

Al Zaibak Osler
Ataullahjan Oudar
Aucoin Patterson
Batters Petten
Black Plett
Carignan Ravalia
Cotter Richards
Deacon (Nouvelle-Écosse) Robinson
Deacon (Ontario) Ross
Downe Saint-Germain
Gignac Seidman
Gold Smith
Harder Tannas
Housakos Verner
MacAdam Wallin
MacDonald Wells (Terre-Neuve-et-Labrador)
Martin Yussuff—35
McCallum

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Plett, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi sur les aliments et drogues

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Dasko, appuyée par l’honorable sénatrice Busson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-252, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (interdiction — publicité d’aliments et de boissons destinée aux enfants).

L’honorable Donna Dasko : Honorables sénateurs, j’étais en train de parler du code de l’industrie et des commentaires formulés sur le code par les témoins qui ont comparu devant le comité. J’ai dit que le code ne tenait pas compte de la santé des enfants et qu’il n’en parlait nulle part. C’est mon premier point.

En outre, la portée du code de l’industrie exclut de nombreuses techniques de marketing. L’emballage des produits, le marketing aux points de vente, l’utilisation de personnages de bandes dessinées et de promotion, les primes et d’autres techniques de marketing sont exclus du code.

La portée du code exclut les médias sociaux, les sites Web, les applications et d’autres médias numériques qui sont populaires auprès des enfants sans pour autant leur être expressément destinés, mais la réglementation de Santé Canada inclurait ces médias. Il est également très important de comprendre que le code de l’industrie utilise des critères nutritionnels moins stricts que ceux de Santé Canada pour un certain nombre d’aliments comme les céréales, où la teneur en sucre autorisée par le code est beaucoup plus élevée que celle proposée par Santé Canada. Les céréales sucrées pour le déjeuner sont parmi les produits les plus souvent annoncés dans la publicité destinée aux enfants, et le code ne fait pas grand-chose pour protéger ces derniers contre cette exposition.

(1740)

De plus, le code est truffé de dispositions facultatives. Ils « peuvent » faire ceci, ou ils « peuvent ne pas » faire cela. Par exemple, si un annonceur ne se conforme pas à la demande de suppression d’une publicité qui contrevient au code, les Normes de la publicité « peuvent » demander aux médias de la retirer. Eh bien, il se peut qu’elles ne le demandent pas. Tout cela est volontaire et facultatif. Le document est rempli de ce genre de formulation. Le code ne prévoit aucune surveillance de l’écosystème publicitaire. Comment peut-on savoir si les entreprises s’y conforment et comment elles le font? Il n’y a qu’un processus de plainte. Il n’y a pas de processus de surveillance du système, alors qu’en vertu du projet de loi C-252, l’écosystème serait surveillé par les autorités.

Enfreindre une disposition du code n’entraîne aucune sanction — imaginez cela —, alors qu’il y en aurait selon la réglementation de Santé Canada. Les sanctions imposées par Santé Canada comprendraient des amendes, et il pourrait y avoir des poursuites judiciaires dans les cas très graves. À l’inverse, aucune sanction n’est prévue pour avoir enfreint le code de l’industrie. C’est une autre façon de voir les choses.

Voilà donc des aspects du code qui amènent les experts à croire qu’il ne peut pas régler les problèmes dont nous parlons, à savoir l’exposition des enfants à ces publicités.

Sur le plan positif, malgré ces différences et le désir de l’industrie de continuer à s’autoréglementer, j’espère que le dialogue et les solutions seront possibles dans le futur. Devant le comité, les représentants de Santé Canada ont exprimé leur volonté de rencontrer et de consulter l’industrie après l’adoption du projet de loi C-52, tout comme les témoins provenant de l’industrie d’ailleurs.

« Nous sommes tout à fait disposés à travailler avec eux » si le projet de loi C-252 est adopté tel quel, a déclaré Andrea Hunt, présidente et cheffe de la direction de l’Association canadienne des annonceurs. Ce sentiment est partagé par Catherine Bate, présidente et cheffe de la direction de Normes canadiennes de la publicité, qui s’est dite prête à collaborer régulièrement avec Santé Canada une fois le projet de loi C-252 adopté. Je pense que cela représente une possibilité de dialogue et de discussion après l’adoption du projet de loi.

Chers collègues, permettez-moi de souligner que ce projet de loi bénéficie d’un solide soutien dans le milieu de la santé. La coalition Arrêtons la pub destinée aux enfants est composée de 10 organismes de premier plan du secteur de la santé, de 92 autres organisations et de 22 experts en santé renommés, qui demandent instamment l’adoption du projet de loi C-252. Parmi ces organisations figurent Cœur+AVC, la Childhood Healthy Living Foundation, l’Alberta Policy Coalition for Chronic Disease Prevention, la BC Alliance for Healthy Living Society, la Société canadienne du cancer, l’Association dentaire canadienne, l’Alliance pour la prévention des maladies chroniques au Canada, Diabète Canada, le Réseau pour une alimentation durable, et le Collectif Vital. Des représentants de la coalition et de ces organisations ont comparu devant le comité. Ils nous demandent d’adopter le projet de loi en troisième lecture.

Des experts du domaine de la recherche ont aussi témoigné devant le comité. La professeure Monique Potvin Kent, de l’Université d’Ottawa, la professeure Charlene Elliott, de l’Université de Calgary, et la professeure adjointe Lindsey Smith Taillie de l’Université de Caroline du Nord — toutes des témoins expertes — sont très favorables à l’adoption de ce projet de loi. Quant à l’organisme UNICEF Canada, il nous a vivement encouragés à adopter une approche législative et réglementaire fondée sur les droits des enfants et à adopter ce projet de loi.

Il y a un autre segment important de la société canadienne qui accueillera ce projet de loi avec enthousiasme, soit les parents. Je me souviens très bien de tous les efforts que j’ai dû faire lorsque mes enfants étaient jeunes afin de contrer les messages publicitaires destinés aux enfants qui faisaient la promotion de jouets, d’aliments, de vêtements et plus encore. Je me rappelle aussi que je me réjouissais grandement qu’on ne puisse pas faire de publicité sur le tabac et l’alcool destinée aux enfants.

Pendant ma carrière dans le secteur privé, j’ai dirigé au fil des ans plusieurs projets de recherche sur la lutte contre le tabagisme pour le compte de Santé Canada, et je comprends très bien que de telles mesures sont indispensables pour les parents. En ce qui concerne le tabac, par exemple, les restrictions visant la publicité font partie des nombreuses mesures qui ont contribué à réduire de façon radicale le tabagisme au pays. Ce projet de loi va aussi aider les parents à faire les bons choix en matière d’alimentation. Selon un sondage mené par Environics pour le compte de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, c’est la raison pour laquelle 85 % des parents d’enfants âgés de 4 à 18 ans sont favorables aux restrictions visant la publicité destinée aux enfants qui fait la promotion de boissons et d’aliments mauvais pour la santé.

Chers collègues, c’est la cinquième fois que le Parlement examine un tel projet de loi. Les quatre versions précédentes sont mortes au Feuilleton, dont une au Feuilleton du Sénat. Certains collègues se souviendront de l’initiative la plus récente, le projet de loi S-228, parrainé par l’ancienne sénatrice Nancy Greene Raine en 2016. Ce projet de loi a été adopté ici à l’étape de la troisième lecture, en septembre 2017, puis a été renvoyé à l’autre endroit, où il a été adopté avec des amendements et été renvoyé ici pour l’étude du message. Il est mort au Feuilleton au moment du déclenchement des élections de 2019. Devant le comité, un témoin a qualifié cela de tragédie.

J’ai communiqué et discuté avec l’ancienne sénatrice Greene Raine, qui m’a dit être très enthousiaste au sujet du projet de loi C-252 et de ses perspectives. Je dois avouer que je le suis aussi. L’urgence de ces mesures n’a fait que croître, les taux d’obésité infantile ayant triplé au cours des dernières décennies, sans parler de l’augmentation des maladies cardiaques, de l’hypertension infantile, des accidents vasculaires cérébraux et des pratiques de marketing de plus en plus sophistiquées et omniprésentes.

Le projet de loi C-252 représente un pas en avant essentiel. Après une étude approfondie et l’audition de toutes les parties, votre Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a adopté la semaine dernière ce projet de loi à l’unanimité et sans amendement la semaine dernière. Chers collègues, il s’agit des enfants et de leur santé. Je vous exhorte à voter en faveur de ce projet de loi sans amendement. Ayons tous ensemble une incidence bénéfique sur les générations à venir. Merci.

L’honorable Yuen Pau Woo : Oui. La sénatrice Dasko accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Dasko : Oui.

Le sénateur Woo : Merci de votre discours. Je vous remercie également d’avoir expliqué le raisonnement du comité. J’aimerais vous poser une question sur le processus après l’adoption du projet de loi, lorsque viendra le temps d’élaborer des règles sur la surveillance de la publicité inappropriée pour les enfants.

Santé Canada a-t-il déjà établi des critères sur les limites pour le sodium, les sucres, les gras trans et ainsi de suite, ou le travail n’est‑il pas encore terminé à cet égard?

La sénatrice Dasko : Merci de la question. Les représentants de ce ministère ont proposé des critères et des domaines qu’ils espèrent réglementer. Le travail est bien avancé, mais on parle d’une proposition à ce moment-ci. Rien n’a été mis en œuvre. Ils ont l’intention de poursuivre les consultations si le projet de loi est adopté. S’il ne l’est pas, je ne sais pas exactement ce qui se passera. Voilà où ils en sont en ce moment.

Le sénateur Woo : Merci. Vous avez indiqué que dans au moins un domaine, le code de l’industrie laisse à désirer; je pense qu’il s’agissait de la quantité de sodium dans les céréales. Peut-être que dans d’autres domaines, le code de l’industrie correspond davantage à celui de Santé Canada? Je n’en sais rien. C’est en partie une question.

Ma question plus importante est de savoir si vous envisagez la possibilité pour l’industrie de jouer un rôle plus actif dans l’élaboration de ces règlements et, par la suite, peut-être aussi dans la mise en œuvre de certaines mesures, parce que la réglementation a un coût. Les choses ne se font pas par magie. Le meilleur type de réglementation implique que l’industrie assume une part de responsabilité dans les mesures que le public considère comme bénéfiques.

(1750)

Qu’en pensez-vous?

La sénatrice Dasko : Oui. Je vous remercie de la question, sénateur Woo.

Il y a une possibilité de dialogue. C’est la façon dont j’ai formulé mes observations. L’industrie et Santé Canada sont loin de s’entendre sur certains points, peut-être plus sur d’autres, mais je pense que l’industrie a la possibilité de faire connaître son point de vue. Il y a quelques aspects qui, à mon avis, posent problème, et je pense que le dialogue sera bénéfique pour les deux parties.

J’ai bon espoir que ce qu’ils ont tous dit au comité — Santé Canada d’un côté et l’industrie de l’autre — reflète la façon dont ils ont l’intention d’aller de l’avant si le projet de loi est adopté. Il y a une occasion pour eux de travailler ensemble afin d’essayer de régler les plus grandes difficultés entre eux. Je pense que c’est possible.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Je vous remercie, sénatrice Dasko. Je n’ai qu’une question.

À la fin de votre discours, vous avez fait allusion au fait qu’il faudrait envisager l’adoption de cette mesure assez rapidement, parce qu’elle a obtenu le consentement unanime à l’autre endroit. Je ne peux qu’être d’accord avec cela. Cependant, où placez-vous la barre? S’il y avait l’unanimité moins une voix à l’autre endroit, penseriez-vous toujours qu’il faudrait adopter le projet de loi rapidement au Sénat également ou le pensez-vous seulement s’il y a unanimité?

La sénatrice Dasko : Je vous remercie, sénateur Plett. En fait, je n’ai pas dit que le projet de loi avait reçu un appui unanime à l’autre endroit. Je ne me souviens pas du vote. J’ai dit que nous avions l’appui unanime à la séance de notre Comité des affaires sociales, un groupe très éclairé. Il s’agissait donc d’une considération relative au travail de notre comité. Nous avions l’appui unanime à la séance du comité.

Je ne me souviens pas du vote à l’autre endroit.

Le sénateur Plett : Je vous remercie de la précision. Je n’ai pas d’autres questions, si ce n’est pour dire que j’aimerais que le Comité de l’agriculture soit un groupe aussi éclairé que le Comité des affaires sociales.

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénatrice Dasko, je suis ravie que le Canada suive l’exemple du Québec dans ce dossier. Plus sérieusement, je sais que vous aimez les données. Existe-t-il des données qui montrent que l’expérience du Québec a eu un effet sur l’obésité ou la santé des enfants? Je sais que la santé des enfants dépend de nombreux facteurs, mais je me demande si nous disposons de données qui nous permettraient d’affirmer que c’est la voie à suivre. En ce qui concerne le principe, je crois que c’est la voie à suivre, mais avons-nous des preuves que cette approche fonctionne?

La sénatrice Dasko : Merci, madame la sénatrice. C’est une excellente question. Au comité, on a posé cette question à un témoin, qui nous a transmis des informations selon lesquelles le taux d’obésité est plus faible chez les enfants québécois, ce qui pourrait être attribuable à l’absence de publicité.

Nous savons également que l’interdiction de la publicité de produits est plus efficace dans les communautés francophones parce que les communautés anglophones ont accès aux réseaux de télévision de langue anglaise du reste du Canada et des États-Unis. L’interdiction est donc moins efficace chez les anglophones que chez les francophones.

Il existe également des preuves selon lesquelles la loi a une incidence sur les dépenses de malbouffe des consommateurs. Il s’agit là d’un autre élément d’information, d’un autre élément de preuve à l’appui de la loi québécoise. Il y avait trois éléments.

L’honorable Paula Simons : La sénatrice Dasko accepterait-elle de répondre à une autre question?

La sénatrice Dasko : Oui.

La sénatrice Simons : Lorsqu’il a commencé à être question d’une telle loi — je ne crois pas me tromper en disant que cela fait 5, 10 ou 15 ans —, les enfants étaient plus susceptibles de regarder ce qu’on appelle la télévision câblée. En tant que membre de la génération X, j’ai grandi en regardant les dessins animés du samedi matin et en mangeant de mauvaises céréales. Or, de nos jours, comme le souligne le sommaire du projet de loi, les enfants regardent rarement la télévision; ils consomment principalement du matériel audiovisuel sur des plateformes comme YouTube.

Ce projet de loi a été renvoyé au Comité des affaires sociales et non au Comité des transports et des communications. Je me demande, parce que le projet de loi ne dit rien à ce sujet, comment on compte réglementer la publicité sur les médias sociaux et les plateformes numériques, puisque c’est là où la plupart des enfants consomment désormais du contenu pour se divertir.

La sénatrice Dasko : C’est une excellente question, sénatrice. Oui, on va réglementer la publicité sur les médias sociaux, sur les sites Web et sur les plateformes. Il y a une liste des médias sociaux qui seront réglementés.

La sénatrice Simons : Nous avons siégé en même temps au Comité des transports et des communications, vous et moi. Nous savons donc, grâce à notre travail sur le projet de loi C-11, que c’est parfois plus facile à dire qu’à faire.

A-t-il été question de la façon dont on entend procéder pour la réglementation, particulièrement, comme vous l’avez mentionné, en ce qui concerne la télévision de langue anglaise au Québec et le fait que bon nombre des services de diffusion en continu ne sont pas en territoire canadien?

La sénatrice Dasko : Vous posez une excellente question, sur l’emplacement des services. On ne peut rien faire contre les publicités en provenance des États-Unis, mais le ministère semble déterminé à arriver à réglementer les médias sociaux et les applications en ligne.

Il a établi des critères relatifs au média, par exemple les émissions pour enfants, les plateformes pour enfants et ainsi de suite, ainsi que d’autres genres de médias et d’applications qui sont plus généraux, mais qui, en réalité, ciblent les enfants. Il semble avoir poussé assez loin la façon dont il compte traiter cet enjeu.

Cela dit, vous avez raison de mentionner les défis associés à l’influence étrangère. Ce ne sera pas facile à gérer.

L’honorable Leo Housakos : Sénatrice Dasko, j’ai écouté vos arguments concernant le projet de loi. Il est intéressant de constater que le sage Comité des affaires sociales a, bien sûr, appuyé ce projet de loi à l’unanimité. Je présume — et j’espère — que vous ferez preuve du même enthousiasme que les autres sages membres du comité en vous vous opposant à l’initiative du gouvernement qui vise à supprimer la TPS sur la malbouffe pour les deux prochains mois. Est-ce le cas?

La sénatrice Dasko : Je vous remercie de votre question, sénateur. Je regrette, mais je ne peux pas parler au nom des membres du comité.

L’honorable Marnie McBean : Honorables collègues, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi C-252, la Loi sur la protection de la santé des enfants.

Je tiens à remercier la sénatrice Dasko pour son travail inlassable sur cet important projet de loi. Je suis fière d’être associée au travail de l’ancienne sénatrice Nancy Greene Raine, une figure emblématique et un modèle dans le sport et dans cette enceinte. Il y a huit ans, elle a reconnu la nécessité d’être une voix pour les enfants et de les aider à apprendre à faire de meilleurs choix nutritionnels, et, espérons-le, cette vision deviendra bientôt loi.

Je plaide en faveur de la santé et de l’activité physique des enfants et des jeunes au Canada depuis plus de 30 ans. J’appuie sans réserve l’adoption du projet de loi C-252, qui reflète directement notre responsabilité collective d’être des gardiens dignes de confiance de la santé et du bien-être de nos enfants.

Partout au Canada, les enfants sont constamment exposés à des publicités pour des aliments préjudiciables à la santé, des produits à forte teneur en sucre, en sel, en acides gras malsains, et des aliments ultratransformés. Ces publicités sont souvent conçues précisément pour captiver les publics jeunes en utilisant des couleurs vives, des personnages populaires et des slogans accrocheurs pour influencer leurs préférences. Elles façonnent les choix des enfants avant même qu’ils sachent que ce sont des choix et qu’ils ont des conséquences persistantes sur leur santé.

Les enfants de moins de 13 ans sont particulièrement vulnérables à ce genre de marketing, parce qu’ils n’ont pas les compétences essentielles pour reconnaître l’application des tactiques de marketing. Ils font confiance à ce qu’ils voient sur leurs écrans, et leurs choix alimentaires reflètent cette influence. Selon les recherches, y compris les conclusions de l’étude du Comité sénatorial des affaires sociales sur l’obésité, ce type de marketing incite à la consommation d’aliments malsains et contribue ainsi à l’augmentation des taux d’obésité juvénile, de diabète et d’autres maladies évitables. Si nous voulons vraiment protéger l’avenir de nos enfants, nous devons prendre des mesures pour limiter la commercialisation d’aliments malsains destinés aux moins de 13 ans.

(1800)

Chers collègues, comparons l’alimentation des enfants à la préparation d’un feu de camp. Un feu fort et sain nécessite un bon équilibre de matériaux pour produire des braises chaudes. Il faut d’abord du papier froissé et du bois d’allumage pour allumer le feu, puis de petites et moyennes branches pour stabiliser et transférer la flamme vers des bûches plus grandes et plus robustes qui fourniront de l’énergie et de la chaleur à long terme. Si j’essaie de faire un feu avec seulement du papier et du bois d’allumage, le feu va prendre rapidement, brûler vivement et s’éteindre avant d’avoir pu générer de la chaleur. Je peux continuer à ajouter du papier et du bois d’allumage en espérant que le feu prenne de l’ampleur — je sais que vous l’avez tous fait —, mais le résultat sera le même : aucune chaleur réelle et aucune énergie durable ne seront produites.

De la même façon, saturer l’alimentation d’un enfant avec des aliments malsains ultra-transformés perturbe sa croissance et diminue sa vitalité. Consommer trop d’aliments peu rassasiants les laisse affamés, et ils en veulent alors davantage. Comparons cela à une alimentation saine et équilibrée qui procure un sentiment de satiété et une énergie constante. L’alimentation d’un enfant nécessite un juste équilibre de nutriments, de glucides, de protéines et de bons gras, qui contiennent tous des vitamines et des minéraux essentiels qui stimulent la croissance et le développement cognitif.

Cela ne signifie pas que les enfants ne devraient jamais consommer des ingrédients comme le sucre, et qu’ils ne peuvent pas s’en délecter pendant les deux semaines du temps des Fêtes. Chez moi, comme la plupart des enfants, ma fille adore manger un bol de céréales au miel et aux noix pour le déjeuner ou un paquet de Sour Patch comme collation l’après-midi. Par contre, il est important d’aborder la consommation d’ingrédients malsains avec modération tout en favorisant de saines habitudes qui contribuent à un mode de vie équilibré. Enseigner aux enfants à faire des choix alimentaires judicieux dès leur plus jeune âge les aide à établir une bonne relation avec la nutrition. Comment se sentent-ils quand ils mangent? Quand savent-ils qu’ils ont assez mangé?

En fixant des limites claires et en montrant l’exemple, les parents peuvent donner à leurs enfants les moyens de prendre des décisions plus saines au fur et à mesure qu’ils grandissent, et ce projet de loi est essentiel pour atteindre cet objectif. Il ne s’agit pas seulement de limiter la publicité, mais aussi de donner à la prochaine génération les moyens de vivre sainement. Des pays comme le Royaume-Uni et le Chili ont déjà mis en œuvre des mesures similaires avec un succès quantifiable. En adoptant ce projet de loi, nous pourrons suivre leur exemple et réduire le nombre de maladies évitables, alléger la charge qui pèse sur notre système de santé à long terme et favoriser l’émergence d’une génération plus forte et en meilleure santé.

Comme toute mesure législative, le projet de loi C-252 a ses détracteurs. Ceux-ci affirment que les règlements pourraient limiter la liberté des entreprises et étouffer la créativité et l’innovation dans le secteur de la publicité. D’autres craignent qu’ils ne restreignent même la capacité d’une entreprise du secteur alimentaire à promouvoir des produits plus sains.

Bien que je comprenne ces préoccupations, je tiens à être claire : l’objectif de ce projet de loi n’est pas de restreindre la liberté d’entreprise ni la créativité. Il n’y a aucune raison pour que la publicité en faveur d’une alimentation et d’un mode de vie sains ne soit pas attrayante et innovante. Par ailleurs, chers amis, traverser l’allée des céréales ou des confiseries aux couleurs attrayantes continuera de susciter d’âpres négociations entre parents et enfants, tout comme passer en voiture devant un établissement de restauration rapide. L’objectif est de veiller à ce que les campagnes de publicité destinées aux enfants ne puissent pas, sans restriction, promouvoir des produits nocifs pour leur santé.

On craint également une réglementation excessive. Certains soutiennent que le fait de définir ce qui constitue un aliment malsain pourrait involontairement limiter l’accès à des choix que les parents jugent acceptables. Cependant, ce projet de loi ne vise pas à dicter ce que les enfants peuvent ou ne peuvent pas manger, mais à limiter l’énorme influence de la publicité d’aliments malsains.

Comme l’a dit la sénatrice Dasko, il est difficile d’enseigner à un enfant à faire des choix nutritionnels équilibrés, et cela prend du temps. La tâche est encore plus difficile pour les parents et les enseignants quand l’attention de l’enfant est attirée par des publicités conçues pour lui par des professionnels. Les parents, les éducateurs et les enseignants méritent de pouvoir lutter à armes égales. Ce projet de loi contribuerait à créer les conditions nécessaires pour apprendre à faire des choix plus sains.

Certains croient que ce projet de loi n’aurait pas l’effet escompté sur les habitudes alimentaires des enfants. Même si aucune solution ne peut à elle seule résoudre le problème de l’obésité juvénile, ce projet de loi est un élément essentiel d’une stratégie plus vaste qui vise à favoriser l’éducation, l’accès à des choix alimentaires plus sains et les initiatives communautaires. Le projet de loi C-252 est une pièce essentielle du casse-tête, mais certainement pas la seule.

Lors de la réunion du Comité des affaires sociales, des représentants de l’industrie ont présenté leur nouveau code d’autoréglementation pour la publicité destinée aux enfants. Avec tout le respect que je leur dois, il s’est avéré inefficace de s’en remettre à l’autoréglementation de l’industrie pour s’attaquer à ce problème. La professeure Monique Potvin Kent, de l’École d’épidémiologie et de santé publique de l’Université d’Ottawa, a déclaré que le nouveau code d’autoréglementation n’était qu’une piètre imitation de la Loi sur la protection du consommateur au Québec. Elle a donné un exemple montrant comment le nouveau code autorise le marketing auprès des enfants quand leur présence dans l’auditoire est inférieure à 15 %. Il s’agit là, mes amis, des enfants les plus vulnérables : des enfants qui ne regardent pas ce que la plupart des enfants regardent. Le contraste est saisissant avec le modèle québécois où le marketing ciblant les enfants n’est jamais autorisé, quelle que soit la composition de l’auditoire.

La professeure Potvin Kent a également souligné que les normes sanitaires du nouveau code sont inadéquates, notamment en ce qui concerne les céréales sucrées et la restauration rapide — qui sont souvent classées comme étant plus saines qu’elles ne le sont en réalité —, et que le code ne prévoit pas de contrôles de conformité ni de mécanismes d’application.

Chers collègues, en l’absence d’une application adéquate ou de sanctions significatives, ces lignes directrices dictées par l’industrie sont loin d’offrir une protection réelle. La protection de la santé de nos enfants ne peut être laissée à la bonne volonté des entreprises. Elle nécessite une réglementation forte, appliquée par le gouvernement, qui donne la priorité au bien-être à long terme de nos enfants.

Je vous exhorte, collègues, mais aussi tous les Canadiens, à appuyer ce changement essentiel. Ensemble, nous pouvons faire en sorte que nos enfants tirent le maximum de leur potentiel et de leur énergie, alimentés par une nourriture adéquate et libérés de la publicité manipulatrice. La santé et l’avenir de nos enfants et du pays en dépendent. Merci.

L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, c’est un honneur de prendre la parole aujourd’hui pour aborder l’une des responsabilités les plus importantes que nous avons en tant que législateurs, à savoir assurer la santé et le bien-être de nos enfants. Le projet de loi C-252, dont le titre abrégé est Loi sur la protection de la santé des enfants, représente une occasion charnière de prendre des mesures concrètes afin de favoriser chez la prochaine génération une vie plus saine et plus épanouissante.

Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à la députée Patricia Lattanzio et à la sénatrice Dasko pour leur engagement indéfectible et leur leadership à l’égard de ce projet de loi. Je tiens également à remercier le Comité des affaires sociales de son examen approfondi des dispositions du projet de loi, ainsi que les témoins experts et les Canadiens qui nous ont fait part de leurs réflexions, de leurs expériences et de leurs préoccupations. Leurs voix ont joué un rôle déterminant dans l’élaboration des arguments en faveur de ce projet de loi essentiel.

Fondamentalement, le projet de loi C-252 vise à mettre fin à la publicité de boissons et d’aliments malsains destinée aux enfants de moins de 13 ans, comme les produits bourrés de sucre, de gras saturés et de sodium. Il ne s’agit pas seulement de réglementer la publicité, chers collègues; il s’agit de placer la santé de nos enfants au-dessus des marges de profit d’industries multimillionnaires.

Pourquoi ce projet de loi est-il si important? Les Canadiens savent que favoriser un mode de vie sain chez les enfants est indispensable à la santé et au bien-être à long terme de ces derniers. Pourtant, les tactiques publicitaires utilisées pour cibler les jeunes enfants ne sont pas seulement persuasives, elles sont aussi manipulatrices. Les jeunes enfants ne possèdent pas les capacités neurodéveloppementales nécessaires pour évaluer d’un œil critique les publicités. Ils ne peuvent pas faire la distinction entre une tactique publicitaire et la valeur nutritionnelle réelle d’un produit. Ils sont donc particulièrement vulnérables aux publicités manipulatrices conçues pour les inciter à faire des choix malsains. Les preuves sont flagrantes et indéniables.

Pendant les discussions du comité, nous avons entendu le témoignage de la professeure Potvin Kent, qui nous a fait part des résultats de sa récente étude financée par l’Organisation mondiale de la santé. Cette étude révèle que les enfants âgés de 6 à 17 ans qui utilisent un appareil mobile 30 minutes chaque jour sont exposés à plus de 4 000 publicités d’aliments et de boissons par année, un nombre ahurissant. Pire encore, 87 % des produits annoncés ne respectent pas les normes nutritionnelles de Santé Canada.

(1810)

Si on ajoute l’exposition à la télévision, à la radio, aux panneaux d’affichage extérieurs et aux étalages des magasins — sans parler des réseaux sociaux —, le nombre total de publicités devient ahurissant. Même les parents les plus vigilants qui encouragent sans relâche une alimentation saine sont manifestement dépassés par le barrage incessant de campagnes de publicité menées par l’industrie.

Charlene Elliott, qui est professeure à l’Université de Calgary, a dit ce qui suit à propos de la Loi sur la protection du consommateur du Québec :

[Elle] est fondée sur le principe selon lequel les très jeunes enfants ne peuvent pas reconnaître l’intention de la publicité. La publicité qui leur est destinée est, en soi, de la manipulation.

Ce constat souligne l’urgence éthique de s’attaquer à la question qui nous occupe aujourd’hui, chers collègues. Les recherches de Mme Elliott révèlent que, entre 2009 et 2023, les campagnes de publicité destinées aux enfants ont augmenté, mais aussi, fait alarmant, que 97,5 % des produits annoncés ne respectent pas les recommandations nutritionnelles de Santé Canada. Ces publicités font la promotion de produits à teneur plus élevée en sucre, en sodium et en gras saturés et sont délibérément conçues pour influencer les jeunes esprits vulnérables et impressionnables.

Chers collègues, je n’ai pas besoin de vous le dire, mais c’est évidemment inacceptable.

Le Dr Tom Warshawski, de la Childhood Healthy Living Foundation, a mis en lumière l’épidémie de surpoids chez les enfants et les adolescents, en soulignant le rôle des publicités ciblées dans la montée en flèche de l’obésité liée au diabète, à l’hypercholestérolémie et à l’hypertension. Bien que ces problèmes ne soient pas causés uniquement par la publicité, il est indéniable que toutes les publicités d’aliments et de boissons malsains influencent considérablement les choix des enfants, les poussant à désirer et à consommer davantage d’aliments malsains. Les 1,1 milliard de dollars dépensés chaque année en publicité ciblée sont l’un des principaux facteurs responsables de ces tendances inquiétantes, et il est temps que nous reconnaissions l’effet néfaste de ces publicités et que nous agissions.

Le diabète de type 2, autrefois pratiquement inexistant chez les enfants, a désormais atteint des niveaux épidémiques. Les communautés autochtones sont touchées de manière disproportionnée. Les familles autochtones sont de plus en plus ciblées par des publicités pour des aliments et des boissons malsains, ce qui contribue à de mauvais choix nutritionnels et à un risque plus élevé de développer un diabète de type 2. On s’attend à ce que 85 % des femmes autochtones développent un diabète de type 2 au cours de leur vie, une statistique renversante qui met en évidence les effets à long terme des mauvaises habitudes alimentaires acquises dès le plus jeune âge.

L’hypertension — ou la haute pression, comme nous l’appelons aussi — est également de plus en plus fréquente chez les enfants. Elle menace non seulement la santé cardiaque, mais aussi le développement cognitif et la réussite scolaire. Des taux élevés de lipides exposent même les jeunes enfants à des risques de maladies cardiovasculaires à long terme.

Les conséquences d’une mauvaise alimentation ne se limitent plus à des problèmes de santé futurs; les enfants souffrent déjà de ces problèmes, ce qui met en évidence l’urgence d’agir.

Chers collègues, vous vous demandez peut-être pourquoi le projet de loi C-252 est nécessaire étant donné que le Code des pratiques responsables en matière de publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants de l’Association canadienne des annonceurs existe déjà. Établi en 2021 et révisé en 2023, ce code reconnaît que les enfants constituent « un auditoire particulier ». Il restreint la publicité pour les aliments à teneur élevée en gras, en sodium et en sucre destinée aux enfants de moins de 13 ans. Bien qu’il s’agisse d’un pas dans la bonne direction, le code n’en fait pas assez pour protéger nos enfants de l’influence omniprésente de la publicité sur les aliments malsains. Les intervenants de l’industrie attestent que le code est obligatoire. Toutefois, il est présenté au public comme un guide d’autoréglementation. De plus, dans leur description du code, les sites Web et les documents de l’industrie utilisent abondamment un langage incontestablement permissif. On y utilise des mots tels que « peut », « volontaire » et « autoréglementation », sans mentionner la nature prétendument obligatoire du code.

De plus, après avoir consulté les intervenants de l’industrie, le comité a déterminé que la supervision du code en fonction des plaintes par les membres d’un organisme bénévole, Normes de la publicité Canada, n’a donné lieu à aucune plainte jusqu’à présent. Dans le cas où une plainte est déposée, il n’y a pas de processus normalisé en place pour déterminer les conséquences pour l’acteur fautif, et il n’y a pas de sanctions pécuniaires. Les entreprises n’ont donc aucun véritable incitatif à respecter le code, même si elles prétendent le faire. D’ailleurs, la professeure Monique Potvin Kent a présenté au comité des preuves selon lesquelles les entreprises qui prétendent respecter le code ont commis plus d’infractions qu’un bon nombre des entreprises qui ne font pas cette assertion.

Étant donné le manque de surveillance et de réglementation par rapport à ce code, rien ne permet d’affirmer qu’il fonctionne à l’heure actuelle. Il est donc nécessaire d’adopter une réglementation à l’échelon fédéral, car nous ne pouvons pas simplement attendre en espérant que ce code volontaire se mette à fonctionner comme par magie.

Le projet de loi C-252 est mieux que le code volontaire. Il inscrira dans la loi l’interdiction claire de faire de la publicité auprès des enfants. Conjointement avec d’autres réglementations proposées par Santé Canada, le projet de loi C-252 ouvrira la voie à une surveillance et à une application de la loi rigoureuses, y compris des sanctions financières, que l’industrie elle-même reconnaît ne pas pouvoir imposer.

Dans sa forme actuelle, le code n’indique pas que les enfants sont vulnérables ou sans voix, ou qu’ils ont besoin de protection. Il indique simplement qu’ils constituent « un auditoire particulier ». Que doit-on en comprendre? En outre, le code ne fait aucune mention de la santé des enfants, ce qui est renversant. L’industrie fera toujours passer ses résultats financiers avant les besoins des enfants et des adolescents canadiens.

Bien que les faits démontrent que l’interdiction de la publicité au Québec n’a pas nui à la croissance économique, les intervenants de l’industrie demeurent préoccupés par l’incidence économique du projet de loi. Cependant, nous ne pouvons pas permettre que l’appât du gain ait préséance sur la santé des enfants.

Chers collègues, l’adoption de ce projet de loi permettra-t-elle d’éradiquer l’obésité juvénile? Probablement pas. Il est bien connu que la cause de cette maladie est multifactorielle, ce que je ne conteste pas. Toutefois, je pense que le projet de loi réduira la quantité d’aliments malsains consommés par les enfants canadiens. Il sera plus facile pour les parents d’orienter leurs enfants vers des aliments sains parce qu’ils n’auront pas à rivaliser avec des publicités dynamiques et colorées présentées délibérément à nos enfants.

Si les enfants consomment moins d’aliments malsains, les taux d’obésité, de diabète, d’hypertension et d’hypercholestérolémie diminueront. Nos enfants seront en meilleure santé et deviendront des adultes en meilleure santé.

Même si vous n’êtes pas d’accord avec moi, je tiens à poser les questions suivantes : êtes-vous certains de l’efficacité et des résultats de l’actuel code de l’industrie, de sorte que vous êtes prêts à risquer la santé et le bien-être de millions d’enfants canadiens en vous opposant au projet de loi C-252? Êtes-vous certains que le code à adhésion volontaire fera un meilleur travail qu’une loi?

Chers collègues, les enfants canadiens ont le droit inhérent d’être protégés. Ce projet de loi nous donne l’occasion de les protéger contre les pratiques de marketing abusives et d’accorder la priorité à leur santé et à leur bien-être actuels et futurs. Les données scientifiques sont sans équivoque.

C’est maintenant qu’il faut agir. Je vous exhorte à appuyer sans réserve le projet de loi C-252 et à vous ranger du côté des familles canadiennes pour créer un avenir plus sain pour nos enfants.

(1820)

Honorables collègues, je vous remercie d’avoir pris le temps d’écouter mon point de vue et d’avoir travaillé d’arrache-pied afin de faire avancer ce projet de loi au Sénat. J’ai hâte d’entendre ce que les autres ont à dire et de voir ce projet de loi devenir loi. Merci, meegwetch.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la protection financière pour les producteurs de fruits et légumes frais

Projet de loi modificatif—Seizième rapport du Comité des banques, du commerce et de l’économie—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Wallin, appuyée par l’honorable sénateur Dagenais, tendant à l’adoption du seizième rapport du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie (projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (fiducie réputée — fruits et légumes périssables), avec des amendements), présenté au Sénat le 5 novembre 2024.

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape du rapport pour donner mon opinion sur le projet de loi C-280, qui vise à offrir aux producteurs de fruits et légumes des protections supplémentaires au titre de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.

Aujourd’hui, je me prononce en faveur du rapport du Comité des banques sur le projet de loi C-280. Comme vous le savez, le projet de loi a été amendé en comité grâce à deux amendements du sénateur Varone, qui ont été adoptés par sept voix contre quatre.

Honorables collègues, permettez-moi d’abord de rétablir les faits. Malgré ce qui a été dit dans cette enceinte, le Comité des banques n’a pas essayé :

... une deuxième fois de faire adopter les mêmes amendements déjà rejetés par les personnes à qui nous devons renvoyer le projet de loi.

Ces amendements n’ont pas été officiellement présentés à l’autre endroit. Je crois comprendre, comme le sénateur MacDonald l’a souligné, que la Chambre a examiné la définition de « fournisseur » et la portée de l’application, et qu’elle a finalement choisi de ne pas proposer d’amendements.

Il est faux de prétendre que les sénateurs du Comité des banques ont adopté des amendements qui ont été rejetés à l’autre endroit. Nous n’avons rien fait de tel.

Lorsqu’il a comparu devant le Comité des banques, le parrain du projet de loi a fourni l’explication suivante au sujet du projet de loi C-280 :

Ce projet de loi vise à établir un mécanisme de protection financière, une fiducie réputée limitée, pour s’assurer que les producteurs de fruits et légumes frais sont payés en cas de faillite de l’acheteur.

Le soutien dont bénéficie ce projet de loi est apparu très clairement dans les propos de la présidente du comité lorsqu’elle a parlé de notre rapport le 19 novembre. J’ai relevé quatre références qui soulignaient le soutien accordé au projet de loi dans sa forme originale. Il n’a toutefois pas été question de points de vue opposés. C’est pourquoi je ressens le besoin de dire quelques mots en ma qualité de vice-président du comité.

Je crois aussi que les sénateurs ont pu être quelque peu induits en erreur quand la présidente du comité a présenté de nouveaux éléments de preuve lorsqu’elle parlait du rapport. En effet, le comité a bien reçu une lettre du président du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes, comme la sénatrice l’a mentionné dans son discours. Il m’apparaît utile de préciser que nous avons procédé à l’étude article par article le 31 octobre. La lettre dans laquelle le comité de la Chambre des communes nous demande d’adopter le projet de loi sans amendements est datée du 5 novembre.

Je le mentionne simplement pour fournir quelques précisions sur les délibérations du comité. Nous n’avons pas tenu compte de la lettre en question parce qu’elle ne faisait pas partie des éléments de preuve que nous avions. Elle n’aurait probablement rien changé au résultat du vote, de toute façon. Je trouve un peu gênant que la présidente du comité ait présenté des renseignements que nous avons reçus après notre étude. Plusieurs personnes se sont aussi demandé si c’était acceptable.

Malgré ce qui a été dit, le projet de loi suscite une forte opposition. Des détracteurs et certains témoins entendus par le comité soutiennent que la mise en œuvre d’une fiducie réputée pourrait perturber l’ordre établi parmi les réclamations des créanciers, ce qui pourrait désavantager certains dans les procédures de faillite. Les nouvelles fiducies réputées peuvent avoir des répercussions sur l’ensemble du système d’insolvabilité. En outre, les complexités administratives et les coûts associés à l’exécution d’une telle fiducie suscitent des inquiétudes.

Je veux maintenant aborder deux points supplémentaires.

Tout d’abord, et c’est le plus important, il y a la question de la réciprocité avec les États-Unis. Plusieurs témoins ont exprimé une vive inquiétude à cet égard en comité.

Deuxièmement, au sujet de l’incidence sur les opérations et les conséquences involontaires du projet de loi C-280, plusieurs témoins ont exprimé des inquiétudes. On peut lire ce qui suit dans une lettre d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada :

Plus précisément, les super-priorités et les fiducies réputées ont modifié les règles des marchés des créanciers et ont entraîné des pertes accrues pour tous les autres créanciers.

Je ne répéterai pas ce que le sénateur Varone et d’autres ont dit au cours de leurs interventions la semaine dernière, mais je voudrais dire quelques mots sur la réciprocité.

Nous savons que le secteur réclame la réciprocité depuis 2014, lorsque le Canada a été exclu de la Perishable Agricultural Commodities Act, ou PACA, parce que, comme un témoin nous l’a dit, l’accès aux producteurs canadiens a été « [...] annulé en raison de l’absence d’un programme de garantie de paiement semblable ici au Canada. »

Le même témoin de l’organisme Ontario Greenhouse Vegetable Growers a ajouté :

L’adoption du projet de loi C-280, tel que présenté, rétablirait la réciprocité pour les Canadiens, garantirait leurs paiements, assurerait leur compétitivité et éviterait tout effet négatif sur la chaîne d’approvisionnement.

Cependant, à ma connaissance, on ne m’a toujours pas fourni de preuve concrète ou de garantie formelle que la réciprocité sera rétablie avec le projet de loi C-280.

Le 23 octobre, un représentant du gouvernement nous a dit ce qui suit au sujet des États-Unis :

Il y a eu des discussions informelles au sujet de ce projet de loi et de la question de savoir s’il pourrait être considéré comme étant réciproque relativement à la PACA, mais je sais qu’aucune garantie officielle n’a été demandée à cet égard.

Une semaine plus tard, lorsque nous avons procédé à l’étude article par article, la sénatrice Martin a demandé à Tom Rosser, sous-ministre adjoint à Agriculture et Agroalimentaire Canada, si le projet de loi rétablirait l’équivalent du mécanisme de règlement des différends de la Perishable Agricultural Commodities Act pour les producteurs canadiens.

M. Rosser a répondu :

[I]l reste à voir si le projet de loi initial serait reconnu comme étant équivalent par les autorités américaines. Nous ne leur avons pas officiellement demandé leur avis à ce sujet.

En réaction à l’amendement proposé par le sénateur Varone, M. Rosser a ajouté que, selon lui, « la probabilité que cela se produise pourrait être atténuée par les amendements proposés ». Il a ajouté ceci :

C’est une question de probabilité. Il n’y a aucune garantie que cela va se produire que le projet de loi soit amendé ou non.

Je pense que cette affirmation est tout à fait pertinente dans le cadre de notre débat.

Plus récemment, nous avons reçu une lettre de Bruce Summers, administrateur du programme des services de commercialisation agricole du département de l’Agriculture des États-Unis, qui soulève certaines préoccupations concernant les amendements au projet de loi C-280. Il soutient que les amendements « semblent limiter la portée des protections prévues par le projet de loi C-280 en révisant la définition d’une personne », ce qui est incompatible avec la définition contenue dans la Perishable Agricultural Commodities Act.

Je suis heureux d’avoir pu prendre connaissance de son point de vue, dont nous avons seulement été informés le 18 novembre par l’intermédiaire du sénateur Colin Deacon. La lettre de M. Summers est datée du 7 novembre, une semaine après notre étude article par article.

M. Summers avait été invité à comparaître devant notre comité, mais il a refusé, invoquant ses craintes d’ingérence par un Parlement étranger.

Soit dit en passant, nous avons aussi entendu la semaine dernière que certains hauts responsables de l’agriculture ont accueilli avec enthousiasme la perspective du projet de loi C-280. Pourtant, on nous a dit qu’il n’y avait aucune garantie concernant la réciprocité. Il est probable, mais pas garanti, que nous obtiendrons la réciprocité si le projet de loi reçoit la sanction royale.

Chers collègues, la question de la réciprocité est importante. Nous n’avons reçu aucune assurance formelle que le projet de loi — dans sa forme originale ou amendée — permettra d’atteindre cet objectif. Étant donné que ce projet de loi a été présenté en juin 2022, je me demande pourquoi nous n’avons pas encore demandé ou reçu de confirmation de la part de nos homologues américains concernant la réciprocité.

Je veux également parler des répercussions opérationnelles et des conséquences imprévues que pourrait avoir le projet de loi. Mes préoccupations sont de deux ordres.

Tout d’abord, je voudrais parler des difficultés liées au fait de donner la priorité aux agriculteurs par rapport aux autres créanciers. Si cette mesure protège les producteurs, elle pourrait susciter des inquiétudes chez tous les autres créanciers, qui risqueraient désormais davantage de ne pas recouvrer leurs fonds.

Le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes a produit un rapport en 2020 intitulé Faire face à l’imprévu : Renforcer les programmes de gestion des risques des entreprises agricoles et agroalimentaires.

Dans l’une des 15 recommandations du rapport, le comité recommande que le gouvernement :

[...] mette en œuvre une fiducie statutaire présumée pour offrir une protection financière aux producteurs et aux vendeurs de fruits et légumes si les acheteurs deviennent insolvables ou font faillite.

(1830)

Dans sa réponse officielle au rapport, datée de mars 2021, le gouvernement fédéral a écrit :

Avec une fiducie présumée, un vendeur de fruits et légumes frais impayé bénéficierait d’avantages considérables par rapport à la majorité des autres créanciers d’un acheteur de fruits et légumes frais insolvable. Avec cette fiducie présumée qui est proposée, non seulement les vendeurs de fruits et légumes frais seraient payés avant les créanciers garantis, mais ils seraient également payés avant les superpriorités qui ont été mises en place pour le bien public, y compris les fiducies présumées pour les retenues à la source des employés et les superpriorités limitées pour les salaires impayés et les cotisations régulières au régime de retraite impayées.

Dans son mémoire à notre comité, l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation a résumé son point de vue comme suit :

[...] la mesure proposée visant à protéger les fournisseurs de fruits et légumes périssables entrerait en conflit avec les mécanismes de protection qui ont été mis en place jusqu’à maintenant par le législateur pour protéger les créanciers vulnérables ou faire avancer les préoccupations en matière de politique sociale, et pourrait même les contrecarrer.

Avec le projet de loi C-280, les producteurs auraient désormais la priorité sur les autres créanciers. Cela a été confirmé par de récentes affaires judiciaires, contrairement à ce que nous avons entendu la semaine dernière dans cette enceinte.

Cela aurait pour effet pervers de donner la préséance au dédommagement des producteurs plutôt qu’aux paiements au gouvernement du Canada, à la fiducie présumée pour les retenues à la source des employés, aux droits prioritaires pour les salaires impayés et aux droits prioritaires pour les cotisations au régime de retraite impayées — des droits que nous avons récemment affirmés avec l’adoption du projet de loi C-228, en avril 2023.

Je m’inquiète également de la création d’un précédent. Je comprends que les producteurs de fruits et de légumes périssables se trouvent dans une situation unique, mais je crains que d’autres secteurs ne cherchent à bénéficier des mêmes mesures de protection en invoquant des risques semblables de perte de produits en cas de non-paiement. Cette situation pourrait accroître les pressions pour que l’ordre des créanciers soit modifié, ce qui risquerait de complexifier le cadre régissant les faillites au Canada et de modifier davantage l’évaluation des risques par les prêteurs.

Ce qui m’amène à mon deuxième argument : l’accès au capital comporte des risques si nous accordons un statut de priorité absolue aux producteurs.

Dans sa réponse au rapport du comité de la Chambre, le gouvernement a déclaré ce qui suit :

Une fiducie présumée aurait des répercussions importantes sur le marché du crédit et les services de recouvrement par une tierce partie créancière. La fiducie présumée réduirait les garanties pour le prêteur à l’avantage des vendeurs de fruits et légumes frais, ce qui aurait de manière générale pour effet de réduire l’accès au crédit et/ou d’augmenter les frais de crédit dans le secteur des fruits et légumes frais. Les prêteurs réduiraient sans doute le crédit offert aux vendeurs de fruits et légumes frais pour satisfaire d’autres demandes de crédit, ce qui se traduirait probablement par des modalités et conditions plus onéreuses imposées par les prêteurs et les fournisseurs pour les futures transactions avec le secteur des fruits et légumes frais.

C’est ce qu’affirme le gouvernement.

Le point de vue du gouvernement a été partagé par d’autres témoins devant le comité, y compris le Bureau du surintendant des faillites, dont la représentante a déclaré :

Les politiques, comme la fiducie réputée du projet de loi C-280, qui feraient en sorte que certains créanciers seraient payés davantage, font par définition perdre davantage à d’autres créanciers. Cela peut avoir une incidence sur le crédit, car les prêteurs tiennent compte des attentes de remboursement en cas d’insolvabilité lorsqu’ils décident s’ils accorderont du crédit et à quelles conditions.

Voici ce qu’a répondu à une de mes questions Miranda Killam, surintendante associée :

Les mesures proposées dans le projet de loi augmentent le risque pour les prêteurs, parce qu’il est possible de trouver un autre créancier avec une fiducie réputée d’un montant inconnu qui sera payé en premier […]

Je suis d’accord avec l’évaluation de Mme Killam. C’est une réalité, et les témoignages que nous avons entendus en comité le confirment.

Dans le cas d’un prêt hypothécaire ou d’autres biens immobiliers — même un voilier —, il est correct que le premier à enregistrer la créance ait la priorité. Cependant, il existe des créances prioritaires et elles doivent être remboursées dans le cas de prêts garantis par un fonds de roulement, ce que l’on appelle communément des « charges flottantes », comme des comptes débiteurs et des stocks, comme des fruits et légumes, ainsi que des comptes débiteurs relatifs à ces fruits et légumes. Cela a également été confirmé récemment par les tribunaux : les fiducies réputées passent avant les créanciers garantis.

Chers collègues, en conclusion, permettez-moi de résumer et de répéter trois points :

Premièrement, le projet de loi C-280 ne garantit pas la réciprocité avec la Perishable Agriculture Commodities Act.

Deuxièmement, le projet de loi C-280 crée un nouveau précédent en établissant un statut prioritaire que l’on peut considérer comme injuste et qui a préséance sur celui des autres créanciers, comme les salaires des employés. Les travailleurs sont importants et ont préséance sur d’autres créanciers.

Troisièmement, permettez-moi de citer Innovation, Sciences et Développement économique Canada :

Le projet de loi C-280 propose un traitement exceptionnel pour un groupe industriel précis sans preuve de préjudices exceptionnels découlant de pertes dues à l’insolvabilité comparativement à des créanciers dans la même situation. Les pertes sont négligeables dans l’industrie. Cela mine les principes fondamentaux de l’insolvabilité, notamment le traitement équitable des créanciers dans la même situation et la reconnaissance que les droits des créanciers sont tout aussi prioritaires, que ce soit en situation d’insolvabilité ou non.

Honorables sénateurs, j’espère que vous tiendrez compte de mes observations dans votre réflexion sur l’adoption du 16e rapport du Comité des banques, qui porte sur le projet de loi C-280.

Merci, meegwetch.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Loffreda, dans votre discours, vous avez dit que nous n’avons reçu aucune assurance que nous bénéficierons d’une réciprocité grâce au projet de loi C-280. D’ailleurs vous l’avez répété à la fin de votre discours. En revanche, nous avons certainement reçu l’assurance que nous n’atteindrons pas la réciprocité si cet amendement est adopté. On nous l’a assuré. Est-ce important à vos yeux, sénateur Loffreda, ou tenez-vous uniquement à remporter le débat plutôt qu’à faire en sorte que les agriculteurs en ressortent gagnants?

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de la question, sénateur Plett. Nous souhaitons tous que les agriculteurs en ressortent gagnants, mais nous voulons un projet de loi qui atteindra l’objectif visé et l’objectif qui s’impose.

Malheureusement, nous n’avons pas entendu que la réciprocité sera atteinte avec le projet de loi, ni dans sa forme initiale ni dans sa forme amendée. Toutefois, le projet de loi amendé est une bien meilleure...

Son Honneur la Présidente : Sénateur Loffreda, deux autres sénateurs aimeraient poser une question. Demandez-vous du temps supplémentaire?

Le sénateur Loffreda : Je pourrais rester ici toute la journée et toute la nuit, sans problème.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Une voix : Non.

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : J’ai entendu un non.

L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du rapport du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie sur le projet de loi C-280, amendé par les membres du comité.

Essentiellement, le projet de loi C-280 tente de faire entrer une cheville carrée dans un trou rond. Dans mon intervention, j’essaierai de clarifier ce que j’entends par là. C’est que nous parlons de deux systèmes complètement différents, celui du Canada et celui des États-Unis.

Au début des réunions du Comité sénatorial des banques sur le projet de loi C-280, la plupart des membres étaient prêts à recommander que ce projet de loi ne soit pas adopté par le Sénat. Ce projet de loi prétend créer une réciprocité pour les producteurs américains de fruits et légumes. Il ne s’agit pas d’un miroir, mais d’un miroir déformant qui brouille la question centrale.

Le but de ce projet de loi est de fournir, en cas de faillite, un statut prioritaire aux producteurs de fruits et légumes frais et surgelés et à toutes les entités de cette chaîne. D’emblée, il faut savoir que le projet de loi entend protéger bien d’autres intervenants en plus des agriculteurs.

Toutefois, je salue le sénateur Varone qui a présenté deux amendements visant, d’une part, à définir ce qu’est un fournisseur et, d’autre part, à élever la position des agriculteurs dans la hiérarchie de la protection contre la faillite.

D’emblée, en cas d’insolvabilité, il y a deux composantes dans la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. La première est la distribution juste et équitable des ressources entre les parties en cas de faillite. La deuxième est la promotion de la restructuration pour que les entreprises puissent essayer de poursuivre leurs activités.

Le projet de loi C-280 ne contient aucune disposition en cas de restructuration. C’est la première d’une série de failles que je vais exposer aujourd’hui.

Actuellement, la Loi sur la faillite et l’insolvabilité prévoit des réclamations pour tous les agriculteurs, pêcheurs et aquiculteurs. Un statut prioritaire est accordé à ces réclamations par l’intermédiaire d’une sûreté légale, parce que ces demandeurs sont considérés comme étant plus vulnérables que d’autres catégories de fournisseurs. Notez que, dans ce groupe, il y a les pêcheurs. Le projet de loi C-280 n’élève le statut que pour les fruits et légumes périssables. La nature périssable du poisson n’est pas reconnue dans ce groupe.

(1840)

Ce fait a des effets particulièrement négatifs sur les produits de la pêche du Canada atlantique, du Québec et de la Colombie-Britannique puisque le secteur se retrouve automatiquement plus bas dans l’ordre des réclamations. C’est une autre lacune du projet de loi C-280 dans le contexte canadien de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.

J’en aurais long à dire : 15 minutes, c’est court.

Prétendre que le projet de loi C-280 permettra de créer une réciprocité pour les producteurs de fruits et légumes, c’est comme essayer de faire entrer une cheville carrée dans un trou rond, comme je le disais plus tôt. Comparer le système de la Perishable Agricultural Commodities Act du département américain de l’Agriculture aux dispositions du projet de loi C-280, c’est, en fait, comparer des pommes et des oranges.

Le projet de loi C-280 tente de réécrire la loi canadienne pour protéger les producteurs américains et d’écrire la loi américaine pour protéger les producteurs canadiens. Or, la Loi sur la faillite et l’insolvabilité offrirait alors une meilleure protection, par rapport à toutes les autres réclamations, pour plus de 6 milliards de dollars de produits américains qui entrent aux pays contre le 1,5 milliard de dollars de fruits et légumes frais que les Canadiens exportent aux États-Unis.

La fiducie prévue par le système de la Perishable Agricultural Commodities Act du département américain de l’Agriculture est une véritable fiducie. Des fonds doivent être affectés en amont. Ces fonds sont ensuite utilisés dans le cadre des procédures de règlement des litiges. Il ne s’agit pas seulement de disposer de fonds pour les cas d’insolvabilité. Ce n’est qu’un des types de cas qui sont couverts.

Si des fonds ont été spécifiquement affectés à un compte en fiducie distinct, cela assure le paiement en cas d’insolvabilité. La Perishable Agricultural Commodities Act, ou PACA, prévoit aussi un processus de règlement des différends si, par exemple, on remet en question la qualité ou le grade d’un produit expédié. Il existe alors un processus afin de déterminer la nature de la réclamation contre la fiducie véritable et de la régler.

La protection aux termes de la PACA est une véritable fiducie. Elle oblige les acheteurs de fruits et de légumes à détenir le produit d’une vente dans un compte en fiducie. C’est ce compte qui est distribué. J’espère que vous comprenez la distinction fondamentale.

Le projet de loi C-280 ne prévoit pas de processus similaire. Il n’y a même pas de cheville. Des études menées à ce sujet au Canada indiquent que la majorité des problèmes de paiement dans le secteur des fruits et des légumes frais sont dus à la lenteur des paiements, à des paiements partiels ou à une absence de paiement de la part des acheteurs. La PACA prévoit aussi un système de permis pour tous les intervenants de la chaîne à l’exception du producteur. Cette chaîne ne concerne que les échanges entre États et les exportations. Elle ne s’applique pas à l’intérieur d’un même État.

La licence est également subordonnée au paiement de la facture dans un délai de 10 à 12 jours, faute de quoi des pénalités sont appliquées. Si un titulaire de licence reçoit plusieurs pénalités, on lui retire sa licence en vertu de la PACA. L’objectif est de retirer les entités indésirables du système de fiducie. Il s’agit d’un concept complètement différent de celui que nous avons. Nous n’avons pas de système de licence au Canada qui permet de retirer les éléments indésirables du système. Ces éléments indésirables se verraient accorder un statut plus élevé en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.

À l’heure actuelle, notre Loi sur la faillite et l’insolvabilité ne prévoit aucune réclamation commerciale privée en tant que fiducie réputée prévue par législation. Notre fiducie réputée est destinée à l’État, pour les retenues à la source des employés, telles que l’impôt sur le revenu, les cotisations d’assurance-emploi et le Régime de pensions du Canada. La priorité est également accordée aux régimes de retraite des employés. Il n’y a pas si longtemps, nous avons approuvé à l’unanimité, dans cette enceinte, cette disposition particulière. Sommes-nous censés maintenant renoncer à cet engagement envers les travailleurs canadiens? Quelle insulte ce serait pour eux tous!

Honorables sénateurs, lorsque les entreprises de transformation alimentaires canadiennes exportent leurs produits, ceux-ci sont accompagnés d’un certificat délivré par l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Ce n’est pas le seul système. C’est le seul système dont nous disposons.

Au cours du week-end, j’ai discuté avec des producteurs de pommes de terre de ma région qui exportent leur produit vers les États-Unis. Ils font appel à un courtier américain qui assume la responsabilité des douanes, de la livraison à l’acheteur final et du paiement dans un délai de 20 à 60 jours. Ils ont également mentionné que les producteurs de fruits canadiens n’exigent qu’un paiement dans les 120 jours, ce qui augmente leur risque.

La commission demandée s’appelle la caution et est basée sur le poids par 100. Par exemple, pour un tracteur semi-remorque contenant des pommes de terre, la caution varie entre 50 et 100 $ US. La valeur de la cargaison varie, selon la saison et la disponibilité, entre 18 000 et 20 000 $ US. Donc, au maximum, la caution serait de 1 $ US pour une valeur d’expédition de 100 $ US; elle équivaut à 1 % de la valeur de l’expédition.

Les producteurs de ma région qui exportent leurs pommes de terre n’ont absolument aucun problème à payer ce 1 % pour l’ensemble des services qu’ils obtiennent du courtier.

Honorables sénateurs, on a mentionné à quelques reprises que ce qu’on appelle la réciprocité avait été promise depuis le premier accord commercial entre le Canada et les États-Unis, en 1986. Nous avons renouvelé les accords depuis lors. En toute justice, selon le témoignage du Bureau du surintendant des faillites lors des réunions de notre comité, dans de nombreux examens de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité depuis ce premier accord commercial, la question de la réciprocité a été abordée par les experts chargés d’examiner les parties.

Au bout du compte, les experts canadiens qui ont participé au processus d’examen ont établi qu’il était tout simplement impossible d’utiliser la Loi sur la faillite et l’insolvabilité pour tenter de créer un processus de réciprocité. D’ailleurs, lors de l’étude article par article du projet de loi C-280, M. Tom Rosser, sous-ministre adjoint, Direction générale des services à l’industrie et aux marchés, Agriculture et Agroalimentaire Canada, a dit ceci :

[...] il reste à voir si le projet de loi initial serait reconnu comme étant équivalent par les autorités américaines. Nous ne leur avons pas officiellement demandé leur avis à ce sujet.

(1850)

Chers collègues, je crois fermement que, si le projet de loi C-280 était la solution, les autorités canadiennes auraient demandé l’avis du département de l’Agriculture des États-Unis sur ladite réciprocité depuis sa présentation à la Chambre en juin 2022, il y a donc plus de deux ans.

Je suis convaincue que ce n’est pas le cas. Je suis convaincue que le projet de loi C-280 n’est pas la solution. Il existe certainement une solution, mais ce n’est pas le projet de loi C-280.

Au mieux, l’amendement tente de mieux protéger les producteurs de fruits et légumes. Par conséquent, j’appuierai le rapport.

[Français]

Son Honneur la Présidente : Acceptez-vous de répondre à une question, sénatrice Ringuette?

La sénatrice Ringuette : Oui.

[Traduction]

L’honorable Hassan Yussuff : Honorables sénateurs, je suis aux prises avec les mêmes difficultés que beaucoup d’entre vous. Il y a 18 mois, beaucoup d’entre nous, y compris mes collègues en face, ont voté pour l’adoption du projet de loi C-228, la Loi sur la protection des pensions. Cette loi visait à remédier à des décennies d’injustices à l’égard des travailleurs dont l’employeur fait faillite et dont les fonds de pension ne sont pas entièrement provisionnés. Nous avons parlé de Nortel et de Sears Canada. Je pourrais nommer beaucoup d’autres entreprises.

C’était là une réussite remarquable, non seulement dans cette enceinte, mais aussi à l’autre endroit. Enfin, pour en venir à la conclusion...

[Français]

Son Honneur la Présidente : Sénatrice Ringuette, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous à obtenir plus de temps?

La sénatrice Ringuette : Je peux répondre à cette question.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le consentement est-il accordé pour que le sénateur réponde à la question?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Yussuff : Selon moi, nous, au Sénat et à la Chambre des communes, avons envoyé un message aux travailleurs et à leur famille leur indiquant qu’enfin, nous avons trouvé une solution en adoptant une mesure législative qui leur accordera la priorité absolue. Ainsi, ils passeront maintenant avant les banques. Nous estimons que les gens qui passent leur vie à travailler ne devraient pas être injustement privés d’une chose à laquelle ils ont contribué durant toute leur carrière.

Comment concilier cette mesure avec le projet de loi C-280 qui, si nous l’adoptons, privera les travailleurs et leurs régimes de pensions de la priorité absolue qui leur a été accordée?

Autrement dit, pouvons-nous accorder deux fois la même chose à deux groupes de gens différents à l’aide du même projet de loi? J’ai du mal à répondre à cette question parce que j’ai relu le projet de loi C-228 et que je suis en train de lire le projet de loi C-280. Ces deux projets de loi font exactement le contraire de ce dont nous avons convenu au Sénat et à l’autre endroit quand nous avons dit que nous allions redresser un tort historique.

Je signale à mes collègues d’en face qu’il s’agissait d’un projet de loi présenté par l’un de leurs députés. Je félicite la députée de ses efforts. J’ai travaillé pour nous tous afin que ce projet de loi soit adopté, et c’est ce que nous avons fait dans cette enceinte. J’ai de la difficulté à comprendre parce que les gens me demandent maintenant si ce projet de loi va à l’encontre de la mesure législative historique que le Sénat a adoptée il y a 18 mois.

La sénatrice Ringuette : Je vous remercie de la question. Sénateur Yussuff, vous avez raison; j’en ai parlé brièvement dans mon discours parce qu’il y avait tellement de choses à dire au sujet de notre étude et de mon étude personnelle sur cette question.

Oui, le marché des fruits et légumes frais au Canada vaut environ 7,6 milliards de dollars. Nous consommons pour 7,6 milliards de dollars de fruits et légumes frais. De ce montant, plus de 6 milliards de dollars de fruits et légumes proviennent des États-Unis. Ce que nous faisons ici, en réalité, c’est contourner l’engagement que nous avons pris à l’égard des régimes de pension dans le projet de loi C-228, et offrir des garanties aux Américains. Nos producteurs, qui ont expédié pour 1,1 milliard de dollars de produits aux États-Unis, peuvent faire comme mes producteurs de pommes de terre et trouver un courtier qui fera le travail douanier, livrera le produit et recevra le paiement pour 1 % de la valeur de l’expédition. Je crois que ce projet de loi est tout à fait inacceptable. Merci.

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, je serai bref. J’avais l’intention de poser une question, mais je ne ferai que quelques commentaires.

Premièrement, tout comme vous, sénateur Yussuff, j’essaie de comprendre. Je tiens à dire que je parviens difficilement à faire certains calculs. Premièrement, il y a les chiffres de la sénatrice Ringuette, avec ses 7,5 milliards de dollars de fruits et de légumes frais, 6 milliards de dollars provenant des Américains et 1,5 milliard de dollars allant au Canada. Si on fait le calcul, un groupe manque à l’appel. Cela suppose qu’absolument tous les légumes produits par les agriculteurs quittent le pays, mais ce n’est pas le cas. La quantité est beaucoup plus grande que ce que vous venez de dire.

Deuxièmement, il y a la protection des travailleurs, de leur pension et de leur salaire. Nous avons adopté ce projet de loi d’abord et avant tout pour les pensions, c’est exact. Mais selon cette loi, l’argent n’appartient pas à la compagnie. Il est censé être placé en fiducie. Il est réputé être dans une fiducie parce qu’on ne veut pas que tout le monde commence à ouvrir de tout petits comptes en fiducie. Le fait est que l’organisation a reçu des produits qu’elle n’a pas encore payés. C’est à la compagnie de veiller à mettre cet argent de côté.

C’est à leurs banquiers de s’assurer qu’ils mettent cet argent de côté ou qu’ils fournissent une garantie quelconque, ou elles devraient réduire leurs frais d’exploitation d’un montant équivalent et mettre cet argent de côté pour cette éventualité. Mais il ne s’agit pas d’enlever quelque chose aux travailleurs. Il s’agit simplement de protéger l’argent qui est dû et qui n’appartient ni aux travailleurs ni à l’entreprise. Il appartient à ceux qui leur ont vendu ces biens précieux.

Enfin, je sais que nous sommes ici pour mener un second examen objectif, mais on a beaucoup parlé du fait que l’on ne sait pas si les Américains accepteront ce projet de loi en tant que réciprocité. La seule chose que nous savons, c’est qu’il y a une lettre quelque part — je l’ai vue à un moment donné — qui dit qu’il est certain qu’ils n’accepteront pas ce projet de loi avec ces amendements pour la réciprocité.

Dans ce cas, je veux faire confiance à trois personnes qui devraient savoir de quoi il en retourne, qui disposent de toutes les ressources du gouvernement et qui sont spécifiquement, d’une manière ou d’une autre, responsables de ce dossier : le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, la ministre du Commerce international et le premier ministre du Canada. Ils ont tous les trois voté en faveur de ce projet de loi sans notre aide. Merci.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, il est 19 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : J’ai entendu un « non ».

Honorables sénateurs, le consentement n’a pas été accordé. Par conséquent, la séance est suspendue, et je quitterai le fauteuil jusqu’à 20 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

Question de privilège

Report de la décision de la présidence

Son Honneur la Présidente : Conformément à l’article 13-5(2) du Règlement, le Sénat examinera maintenant la question de privilège de l’honorable sénatrice McCallum.

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, conformément au préavis que j’ai donné hier au greffier du Sénat et au greffier des Parlements, et conformément à l’article 13-3(1) du Règlement du Sénat du Canada, je prends la parole aujourd’hui au sujet d’une question de privilège concernant la motion d’ajournement qui a été présentée lors de la dernière séance du Sénat.

Pour donner un peu de contexte et davantage d’explications au préavis que le greffier a distribué il y a peu de temps à tous les sénateurs, lors de la séance du jeudi 28 novembre dernier, on a demandé l’ajournement du Sénat pendant le débat sur le projet de loi S-218. Cela s’est produit quelques minutes avant 18 heures. Il ne restait qu’une poignée de points à aborder au Feuilleton. Dans la mesure où il n’y avait aucune raison légitime d’ajourner la séance à ce moment-là, et comme la sénatrice McPhedran et moi-même étions toujours inscrites au plumitif pour prendre la parole ce jour-là, nous avons toutes les deux dit « non » de façon catégorique lorsque Son Honneur a soumis la question sur l’ajournement aux sénateurs.

Cependant, malgré nos objections, la motion d’ajournement a été adoptée sans entrave. Voyant cela, juste avant que ne retentisse la sonnerie, la sénatrice McPhedran s’est levée pour s’adresser à Son Honneur et indiquer que deux sénatrices avaient dit « non » à cette motion d’ajournement. En réponse à cette affirmation, Son Honneur a simplement dit : « Oui, et j’ai dit qu’elle était adoptée », en référence à l’adoption de la motion d’ajournement, même si elle reconnaissait que deux sénatrices avaient dit « non ». Non seulement la motion a ensuite été adoptée, mais elle n’a même pas été consignée comme ayant été adoptée avec dissidence.

Honorables sénateurs, selon l’article 13-2(1) du Règlement du Sénat, une question de privilège doit remplir quatre critères pour que la priorité lui soit accordée. Comme je vais l’expliquer, je considère que cette question de privilège remplit les quatre critères.

En réponse au critère a), la question de privilège a été soulevée à la première occasion, puisque cette affaire s’est produite au moment de l’ajournement de la dernière séance du Sénat et que j’ai produit un préavis écrit avant la séance d’aujourd’hui.

En réponse au critère b), la question se rapporte directement aux privilèges de plusieurs sénateurs, en particulier les deux sénatrices qui se sont opposées à la motion, ainsi que les sénateurs qui avaient préparé un discours et qui n’ont pas pu le prononcer à cause de l’ajournement hâtif.

En réponse au critère c), cette question de privilège est soulevée pour corriger une grave violation du Règlement, des procédures et des pratiques habituelles du Sénat, car le fait de ne pas avoir reconnu correctement les sénatrices qui s’opposaient à une motion a eu un effet domino, puisque cela a empêché la tenue d’un vote de vive voix en bonne et due forme et, de surcroît, la tenue d’un vote par appel nominal.

En réponse au critère d), cette question de privilège est soulevée pour obtenir une véritable réparation que le Sénat est habilité à accorder et qui ne peut vraisemblablement être obtenue par aucune autre procédure parlementaire afin de rectifier la mauvaise application des règles et des procédures qui a eu pour résultat de réduire au silence des sénatrices dans le cadre d’un vote en plus de les empêcher de prononcer les discours qu’elles auraient possiblement faits plus tard au cours de la séance, selon le résultat du vote par appel nominal.

Chers collègues, l’article 9-2(1) du Règlement du Sénat se lit comme suit :

Le Président met une question aux voix en demandant qui dit oui et qui dit non; il décide ensuite si la question est adoptée ou rejetée.

Cette procédure n’a pas été suivie correctement dans le cas de la motion d’ajournement, puisque celle-ci a été considérée comme adoptée sans tenir compte des objections. Cette décision a ensuite été maintenue sans égard au signalement, par la sénatrice McPhedran, que deux sénatrices s’étaient opposées à la motion.

De plus, l’article 9-3 du Règlement du Sénat du Canada stipule :

Le Président ouvre un vote par appel nominal lorsqu’au moins deux sénateurs en font la demande après le vote de vive voix, à condition que le Sénat n’ait pas encore abordé une autre question.

Le droit des sénatrices de prendre part à ce vote a été violé lorsque, durant le vote de vive voix, la présidence n’a pas reconnu comme il se doit leur opposition à la motion.

Honorables sénateurs, après avoir exposé les faits, j’aimerais maintenant vous demander à tous de réfléchir à la question, de réfléchir à la signification, à l’esprit et à l’objet du privilège dont nous jouissons tous supposément. Le Règlement du Sénat définit le privilège de la façon suivante :

Droits, pouvoirs et immunités particuliers à chaque Chambre collectivement, et aux membres de chaque Chambre individuellement, faute desquels il leur serait impossible de s’acquitter de leurs fonctions.

Ces mots ont non seulement un grand poids, mais aussi une grande légitimité. Comme certains sénateurs le savent peut-être, ces mots et cette définition ont été rédigés pour la première fois en 1946 par le grand expert et spécialiste des affaires parlementaires Erskine May dans la 14e édition de son ouvrage Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament.

Ce concept de privilège a également été examiné dans un rapport de 1996 du Comité sénatorial permanent des privilèges de l’Australie. Ce comité australien a décrit le privilège comme suit :

Les privilèges parlementaires sont les immunités accordées aux parlementaires à titre de représentants élus pour qu’ils puissent s’acquitter de leurs fonctions […] sans entraves indues […]

Surtout, chers collègues, j’aimerais citer notre propre document d’orientation, La procédure du Sénat en pratique. À la page 224, on peut y lire ceci :

Le but du privilège est de permettre au Parlement et, par extension, à ses membres de remplir leurs fonctions sans ingérence ou obstruction injustifiée [...] Les parlementaires ne peuvent l’invoquer que dans la mesure où « une atteinte à leurs droits [...] risquer[ait] d’entraver le fonctionnement de la Chambre ».

Chers collègues, nous devons reconnaître que l’atteinte aux droits de plusieurs sénateurs dans ce cas-ci a également entravé le fonctionnement de la Chambre, puisque la mauvaise application du Règlement a non seulement interrompu le débat, mais aussi mis inutilement un terme à la séance de jeudi dernier plus tôt que prévu.

Honorables sénateurs, La procédure du Sénat en pratique indique également ceci :

[...] le but premier du privilège parlementaire est de permettre au Parlement de contrôler ses délibérations sans ingérence indue [...] et de permettre aux parlementaires de s’acquitter de leurs fonctions parlementaires.

Dans la liste des droits collectifs dont disposent les sénateurs, ce document d’orientation inclut explicitement « le droit de réglementer ses travaux ou délibérations ». Dans sa liste des privilèges dont les sénateurs disposent individuellement, La procédure du Sénat en pratique inclut « la liberté de parole au Parlement et dans ses comités » et « la protection contre l’obstruction ».

Honorables sénateurs, j’avancerais que le point de vue et la position qui sont fréquemment adoptés à propos du concept de privilège sont souvent trop étroits et trop restrictifs pour être utiles en pratique. Le privilège est souvent lié à l’idée d’une immunité par rapport au droit commun. Cette vision limitée ne nous nuit-elle pas considérablement? Ne sommes-nous pas en train de permettre délibérément que nos privilèges et nos droits soient entravés, perturbés et gênés par nos propres procédures mal appliquées, que cette mauvaise application soit intentionnelle ou non? Soyons clairs. D’après les passages de l’ouvrage d’Erskine May, du rapport d’un comité parlementaire australien et de notre ouvrage La procédure du Sénat en pratique que j’ai cités, il est évident que le privilège sert à nous prémunir contre l’obstruction, l’ingérence et l’entrave à nos fonctions parlementaires.

(2010)

Pourquoi voudrions-nous assurer la protection de nos privilèges contre des forces extérieures alors que nous fermons les yeux sur les violations de nos privilèges qui sont le produit de nos propres mécanismes internes?

Notre privilège est soit un droit pleinement garanti qui nous permet de remplir nos fonctions, soit un privilège de façade. Il faut savoir laquelle de ces deux possibilités s’applique. Comment puis‑je avoir la liberté d’expression alors que je n’ai pas le droit de m’exprimer?

Honorables sénateurs, nous savons tous que le temps pour les débats est très limité au Sénat, principalement en raison de considérations liées aux déplacements et de responsabilités associées aux comités. En règle générale, la séance du mercredi ne dure pas plus de deux heures. Nous levons généralement la séance relativement tôt les jeudis pour faciliter les déplacements. Normalement, nous ne nous réunissons pas du tout les lundis et vendredis. Il ne reste donc que les mardis où nous siégeons habituellement jusqu’à l’épuisement de l’ordre du jour. Cependant, lorsqu’une centaine de sénateurs veulent s’exprimer sur des dizaines d’affaires inscrites au Feuilleton, le temps devient précieux. Nous ne pouvons pas nous permettre de bafouer les privilèges des uns et des autres en refusant délibérément à certains le droit d’être entendus lors d’un vote ou de prononcer un discours, pour ensuite agir comme si cette décision était moins une violation de nos privilèges qu’elle ne le serait s’il s’agissait d’une force extérieure qui aboutissait au même résultat.

Par conséquent, honorables sénateurs et Votre Honneur, je nous exhorte tous à réfléchir à la notion de privilège et à l’intention derrière celle-ci. Nos droits en matière de privilège — nos droits d’exercer nos fonctions parlementaires sans entrave, obstruction ou ingérence — sont-ils aliénables ou inaliénables? Nos privilèges sont-ils garantis ou conditionnels?

Chers collègues, compte tenu de la situation soulevée dans cette question de privilège et de ce que j’estime être un obstacle et une restriction légitimes à ma capacité et à celle de plusieurs de mes collègues d’effectuer notre travail de sénateurs, je soutiens que cette question de privilège est fondée de prime abord et qu’elle justifie un examen plus approfondi de la part du Sénat.

Pour terminer, je note également que la motion d’ajournement en question de jeudi dernier a eu lieu alors que le sénateur Plett participait au débat sur mon projet de loi, le projet de loi S-218, qui vise à mettre en œuvre l’analyse comparative entre les sexes de manière plus équilibrée au sein du gouvernement.

Par conséquent, sénateur Plett, j’attends avec impatience que vous concluiez vos remarques à l’appui de ce projet de loi lorsque vous utiliserez le reste de votre temps de parole.

Kinanâskomitinawow. Merci.

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs souhaitent-ils intervenir au sujet de cette question de privilège?

Merci, sénatrice McCallum, d’avoir attiré notre attention sur cette question importante. Je la prendrai en délibéré.

Projet de loi sur la protection financière pour les producteurs de fruits et légumes frais

Projet de loi modificatif—Rejet du seizième rapport du Comité des banques, du commerce et de l’économie

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Wallin, appuyée par l’honorable sénateur Dagenais, tendant à l’adoption du seizième rapport du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie (projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (fiducie réputée — fruits et légumes périssables), avec des amendements), présenté au Sénat le 5 novembre 2024.

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, je n’ai pas préparé de discours, mais j’aimerais faire quelques observations sur ce que j’ai entendu dans cette enceinte ce soir.

Je n’aime pas commenter les propos d’un sénateur lorsqu’il n’est pas là. Je préférerais que le sénateur Loffreda soit présent au moment où je m’exprime.

Son Honneur la Présidente : Sénateur MacDonald, je crois que vous avez déjà pris la parole à ce sujet. Vous n’avez pas le droit de participer au débat une deuxième fois.

Vous pourriez poser une question au sénateur Tannas.

Le sénateur MacDonald : Sénateur Tannas, on a dit pendant le débat que les producteurs de pommes de terre du Nouveau-Brunswick étaient on ne peut plus satisfaits des mesures. Serait-il juste de dire que la durée de conservation des pommes de terre n’est pas tout à fait la même que celle des fruits frais en provenance du Canada?

L’honorable Scott Tannas : Je pense qu’on peut l’affirmer sans se tromper et je ne voudrais pas qu’il en soit autrement.

Le sénateur MacDonald : Le projet de loi a été adopté à la Chambre. S’il fallait que le Sénat du Canada choisisse une seule bataille où il refusera toujours de reculer, pensez-vous que ce devrait être celle-ci?

Le sénateur Tannas : Comme je l’ai dit dans mon discours, lorsque les ministres votent sur des projets de loi d’initiative parlementaire — du moins, selon mon expérience à l’époque où j’avais mes entrées auprès de ministres et où ils m’expliquaient certaines de leurs actions —, c’est la plupart du temps à l’issue d’une réflexion.

Je n’ai pas pu trouver le vote de la ministre Freeland; elle devait être absente. La ministre Joly était jumelée à un collègue; elle se trouvait ailleurs.

Il y a toutefois la ministre du Commerce international, le ministre de l’Agriculture et le premier ministre lui-même. Toutes ces personnes ont dû avoir accès à énormément de conseils. Les gens au sein de leur ministère les conseillent. C’est particulièrement instructif pour moi : ces personnes sont celles qui reçoivent des conseils. Elles seront responsables de la mise en œuvre du projet de loi et elles ont voté pour celui-ci dans sa version initiale.

Comme nous le savons, le leader du gouvernement a dit clairement que le gouvernement veut toujours que le projet de loi soit adopté, peu importe les conseils que nous, au Sénat, voudrions ou non lui donner en changeant radicalement la mesure législative.

L’honorable Mary Robinson : Sénateur Tannas, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Tannas : Bien sûr.

La sénatrice Robinson : Vous avez dit avoir vu certains des documents que le comité avait reçus concernant le soutien et la discussion sur la réciprocité et l’appui au projet de loi C-280 au Canada.

Les Producteurs de fruits et légumes du Canada sont l’organisation qui représente les producteurs de pommes de terre de l’Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick et de toutes les autres provinces du Canada. Je crois que l’organisation a témoigné. À votre connaissance, l’organisation appuie-t-elle le projet de loi et a-t-elle même dit qu’elle demandait une telle mesure législative depuis 40 ans?

Le sénateur Tannas : Je n’ai rien vu de la part des producteurs de pommes de terre, mais j’ai vu un document d’un représentant de la Food and Drug Administration des États-Unis. C’est le document que j’ai vu, je ne peux donc pas répondre à votre question.

L’honorable Colin Deacon : Sénateur Tannas, accepteriez-vous de répondre à une autre question? Avec joie?

Le sénateur Tannas : Avec joie.

Le sénateur C. Deacon : Je repense aux discours des dernières personnes qui sont intervenues avant vous au sujet du projet de loi. J’ai l’impression que leurs arguments n’étaient pas pour les amendements, mais plutôt contre le principe sous-jacent du projet de loi.

Croyez-vous, comme moi, que si une personne est contre le projet de loi en tant que tel, contre l’idée fondamentale sur laquelle il repose, elle ne devrait pas tenter de le faire échouer au moyen d’un rapport et d’amendements? Elle n’a qu’à voter contre le projet de loi à l’étape de la troisième lecture. Cette observation vous semble-t-elle juste?

Le sénateur Tannas : Oui, car je suis en faveur de la transparence. Si on n’appuie pas une mesure, je crois qu’il faut le dire clairement. Nous constatons parfois qu’il est possible, au Parlement, de prendre des chemins détournés au lieu d’agir directement. Je ne suis pas favorable à ces méthodes indirectes.

(2020)

Des amendements de renvoi et toutes sortes de tactiques similaires ont déjà été employés à l’égard d’autres projets de loi. Je préfère ne pas en tenir compte et décider par moi-même si j’appuie ou non le projet de loi en question, à moins qu’un amendement soit véritablement utile. Or, dans ce cas-ci, nous savons que cet amendement n’aide aucunement l’élément du projet de loi qui prévoit une réciprocité en matière d’exportations et d’importations.

Le sénateur C. Deacon : Sur la question de la réciprocité, en tant que personne qui a bâti des entreprises — je ne suis pas banquier, alors je ne sais pas ce que les banquiers considèrent pour établir le profil de risque, cependant, pour ce qui est du profil de risque dans le cas d’un entrepreneur, je cherche toujours à avoir l’assurance que je vais être payé lorsque je fais une vente. L’accès aux marchés et la garantie de paiement sont essentiels pour bâtir mon entreprise.

Si les Pays-Bas ont réussi à devenir 72 fois plus productifs par acre de terres arables que le Canada, c’est notamment parce qu’ils ont eu accès au marché européen et qu’ils ont fait croître leur secteur agricole pour qu’il produise bien plus que ce qui était nécessaire pour nourrir les Néerlandais.

À mon avis, l’accès aux marchés et la garantie de paiement sont essentiels à la croissance de la productivité agricole au Canada. Auriez-vous des observations à faire à ce sujet?

Le sénateur Tannas : Je n’avais pas l’intention de m’exprimer sur ce sujet. Ce qui m’a gêné, c’est de savoir qui a voté pour ce projet de loi dans l’autre endroit, alors qu’on aurait dû savoir que c’était une mesure législative que le gouvernement voulait et qui était susceptible de remplir les conditions de réciprocité. Le ministre de l’Agriculture sait qu’il s’agit d’un bon projet de loi qui aidera son secteur, et la ministre du Commerce international sait qu’il remplit les conditions de réciprocité. Je leur fais confiance. Je sais qu’ils ont fait leur travail avec leurs fonctionnaires et les ressources dont disposent ces deux énormes ministères. Ils savent ce qu’ils font. En outre, j’en sais assez sur les banques pour être dangereux. Je suis l’un des rares, sinon le seul, fondateur toujours vivant d’une banque à charte canadienne. L’équipe de direction de cette banque m’a très vite mis à l’écart en me disant de ne pas revenir. Elle m’a dit que c’est elle qui viendrait plutôt me trouver au besoin.

Le fait est que nous avons fait le nécessaire en vue de protéger les travailleurs, en particulier en ce qui concerne les pensions, car il s’agit de leur argent. Dans le cas présent, il s’agit de travailleurs agricoles. Dire que les travailleurs agricoles qui ont livré les fruits de leur travail n’ont pas de droits et qu’en plus de ne pas avoir de droits, ils vont céder leurs avoirs aux travailleurs de cet autre secteur me paraît inconcevable.

J’aime l’idée de la fiducie réputée — l’idée que toutes les entreprises qui achètent des fruits et légumes frais devraient être obligées de conserver cet argent en fiducie et que, si elles ne le font pas, elles seront réputées l’avoir fait à la fin. Toutes ces parties créancières, y compris les banquiers avertis, disposent de méthodes leur permettant d’insister sur la protection des personnes.

La sénatrice Ringuette a parlé des cautions. Un programme de cautionnement — je travaille dans ce domaine également en tant qu’assureur, et je me dis : « C’est une façon intéressante de traiter le risque au moyen d’un cautionnement. » Si j’étais un banquier qui fait affaire avec un restaurant ou un détaillant en alimentation qui a de très grosses créances sur des fruits et légumes frais, je trouverais un moyen de m’assurer qu’elles sont détenues en fiducie ou qu’elles sont visées par une caution, ou je réduirais suffisamment mes prêts en fonction des stocks de sorte que restreindre le crédit me permettrait d’atténuer le risque.

Pendant que j’écoutais cela, je me disais que quelque chose clochait. J’allais poser une question, mais, faute de temps, j’ai fini par en débattre beaucoup plus longtemps que je ne l’avais pensé.

Son Honneur la Présidente : Sénateur Plett, avez-vous une question?

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : J’espère que le sénateur Tannas sera prêt à en débattre pendant au moins deux minutes de plus.

Sénateur Tannas, je vous remercie pour vos observations. Elles nous ont donné l’occasion de poser quelques questions que nous n’avons pas pu poser avant. J’ai deux questions. Je vais poser la première, puis je vous demanderai d’y répondre avant de poser la deuxième. J’ai posé cette question au sénateur Loffreda et il ne m’a pas donné la réponse; je vais donc vous demander votre avis à ce sujet.

Le sénateur Loffreda, le sénateur Varone et d’autres ont fait beaucoup de bruit pour dire que nous n’avons reçu aucune assurance. Je pense que le sénateur Loffreda a dit, en substance, que nous n’avons reçu aucune assurance que nous bénéficierons d’une réciprocité grâce au projet de loi C-280. Pourtant, comme je l’ai dit au sénateur Loffreda, nous avons bien reçu des assurances — parfaitement claires — que nous ne bénéficierons pas d’une réciprocité si cet amendement est adopté. Nous en avons la certitude.

Compte tenu de cela, sénateur Tannas, je n’en sais même pas assez sur les services bancaires pour être dangereux. Vous en savez bien plus long que moi. Compte tenu de votre expérience dans le monde des affaires et des services bancaires, ne pensez-vous pas que nous devrions prendre très au sérieux cette menace, en quelque sorte, cette promesse que nous ne bénéficierons pas d’une réciprocité si cet amendement est adopté? Cela ne devrait-il pas nous arrêter dans notre élan et nous pousser à nous demander si nous devrions adopter cet amendement?

Le sénateur Tannas : Oui, c’est ce que je pense. Je n’avais pas l’intention de m’avancer sur ce sujet, mais je vais le faire. Les changements proposés limitent les parties couvertes par cette fiducie réputée, c’est-à-dire les bénéficiaires. Aux États-Unis, par contre, il y a une sorte de mutuelle qui protège toutes les parties à l’exception de l’utilisateur final, le maillon de la chaîne où le risque est le plus grand pour tout le monde. Mais si un utilisateur final de grande taille manque à ses obligations, les fournisseurs qui agissent à titre d’intermédiaires pour des agriculteurs sont couverts. Il y a donc un processus de récupération tout au long de la chaîne, de sorte que tout le monde est dédommagé, sauf l’utilisateur final et ses créanciers, qui sont les seuls dans toute la chaîne à vraiment pouvoir contrôler l’issue du processus.

C’est une approche intéressante. Je pense que la seule façon de reproduire cela — ce qui m’a semblé logique — d’une manière qui permettra de rétablir la réciprocité serait d’instaurer un système similaire. Autrement, il me semble logique que le représentant de la Food and Drug Administration nous dise que cela ne fonctionne pas, parce que les dispositions ne sont pas suffisamment semblables.

Le sénateur Plett : J’ai une dernière question, si vous le permettez. Vous avez dit à maintes reprises, à la fois dans votre discours et en réponse à certaines questions, que vous vous consoliez un peu, si je puis m’exprimer ainsi, en songeant au fait qu’à l’autre endroit, la ministre du Commerce international, si je ne m’abuse, le ministre de l’Agriculture et le premier ministre ont voté en faveur du projet de loi. En fait, 320 députés ont voté pour le projet de loi, et un seul a voté contre. Il y a une heure ou deux, nous avons adopté un amendement contre lequel 278 députés de l’autre endroit ont expressément voté.

(2030)

Même si le sénateur Loffreda a dit que cet amendement n’avait pas été présenté dans le cadre de l’étude du projet de loi C-280, il l’avait bel et bien été. Les députés ont décidé qu’il ne fonctionnerait pas, alors ils l’ont abandonné. Ces 278 députés l’ont rejeté lorsqu’il leur a été présenté. Là encore, le ministre de l’Agriculture, la ministre du Commerce international et le premier ministre ont tous voté en sa faveur.

Sénateur Tannas, vous avez été un ardent défenseur de la réforme du Sénat, peut-être plus que moi, mais je pense que vous croyez fermement en cette institution. Si nous faisons un pied de nez à la Chambre des communes quand elle vote à 320 contre 1 ou même à 278 contre 33 — elle a des comptes à rendre aux Canadiens, à l’électorat, à chaque élection —, que pensez-vous que cela fasse à la réputation du Sénat si nous disons simplement : « Désolé, mais nous ne nous soucions pas vraiment de ce que vous avez décidé. Nous sommes plus avisés que vous parce que nous sommes des banquiers », ou quelque chose du genre? « Par conséquent, nous ne prêterons pas du tout attention à ce que vous faites » ou « Nous ne prendrons même pas le temps d’avoir un échange à ce sujet. Nous allons juste changer immédiatement ce que vous avez déjà décidé à la Chambre. » Dites-moi ce que vous pensez qu’un tel comportement fait à la réputation du Sénat.

Le sénateur Tannas : Je ne sais pas si ma réponse vous plaira, sénateur Plett, mais je ne pense pas que cela aura, d’une façon ou d’une autre, une incidence sur la réputation du Sénat. Je pense que nous devons tous tirer nos propres conclusions, après avoir écouté le débat et avoir fait nos propres recherches indépendantes. Nous sommes libres de faire ce que nous devons faire.

Au bout du compte, c’est la Chambre des communes qui a le dernier mot. Je crois que nous convenons tous que lorsque nous renvoyons un projet de loi avec un amendement, s’ils le renvoient en disant « non, merci », nous ne le renvoyons pas de nouveau, sauf dans les circonstances extrêmes. Je sais que cela s’est déjà produit. Je ne sais pas si cela s’est produit depuis que je suis ici. Peut-être une fois, en effet; l’ancien leader du gouvernement s’en souviendra.

Nous devons tous déterminer ce qu’il convient de faire dans ce cas-ci. Il s’agit d’un projet de loi d’initiative parlementaire. Je trouve un certain réconfort dans le fait que les personnes qui sont censées s’occuper de cette question pour le pays — les ministères de l’Agriculture et du Commerce international et le premier ministre — y tenaient suffisamment pour se prononcer pour le projet de loi. C’est à cela que je m’accroche; d’autres ne le feront peut-être pas.

Je pense que nous faisons ce que nous croyons être le mieux. Nous finirons tous par arriver au bon endroit parce que la Chambre a la capacité, si nous renvoyons le projet de loi, de nous le renvoyer.

Merci.

La sénatrice Robinson : Sénateur Tannas, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Tannas : Oui.

La sénatrice Robinson : Merci. En avril, j’ai eu l’occasion de me rendre à Washington, D.C., avec Équipe Canada. John Barlow, Kody Blois et un certain nombre de députés de tous les partis étaient présents. Ce fut un excellent voyage. Nous avons eu une rencontre avec des représentants du département de l’Agriculture des États-Unis, et on nous a expliqué que si le projet de loi C-280 était adopté dans sa forme initiale, on nous offrirait des dispositions de réciprocité, et que le processus serait de nature administrative, donc simple et rapide. Cela nous a rassurés.

Les producteurs d’ici étaient auparavant protégés en vertu de la Perishable Agricultural Commodities Act, mais cette protection a été révoquée en 2014, de sorte que les producteurs doivent maintenant payer une caution pour être protégés en vertu de la Perishable Agricultural Commodities Act. Dans ces circonstances, ne convenez-vous pas qu’en tant que partenaire commercial, l’adoption de ce projet de loi sans amendement nous placerait de nouveau dans une position avantageuse auprès des États-Unis?

Le sénateur Tannas : Oui, je le pense. Comme on l’a mentionné, cela va assurément dans les deux sens. Certes, les exportations sont manifestement déséquilibrées. On en a parlé ici. Les balances commerciales à l’intérieur même des pays sont aussi importantes.

Je pense que le projet de loi soutient le secteur agricole canadien et que ce qu’il propose fait partie de ce que nous devrions faire pour nos partenaires commerciaux américains. Je suis sûr que nous nous tournons vers eux pour d’autres types de garanties et de mesures de stabilité dans d’autres secteurs où le déséquilibre est à notre avantage.

La sénatrice Robinson : Nous avons assisté à une dégradation des relations commerciales avec les États-Unis, en particulier dans ma province. Nous produisons évidemment les meilleures pommes de terre du monde. Nous avons fait face à une maladie donnant lieu à une mise en quarantaine, de même qu’à des problèmes phytosanitaires qui ont conduit les États-Unis à nous interdire l’accès à leurs marchés. Nous avons donc ressenti de façon très marquée ce que c’était que de ne pas avoir accès à ces marchés.

Étant donné que nous vivons une période tumultueuse sur le plan politique, pensez-vous qu’il serait sage pour nous d’adopter le projet de loi C-280? Nos homologues américains le souhaitent, tout comme nos producteurs. La très vaste majorité des groupements de producteurs qui représentent les producteurs de denrées périssables au Canada nous ont dit qu’ils le souhaitaient également.

Pensez-vous qu’il s’agirait d’une décision judicieuse de la part du Canada pour renforcer des relations qui sont peut-être sur le point d’être fragilisées?

Le sénateur Tannas : Oui. J’ai fait mes recherches. Je vais appuyer le projet de loi dans sa version non amendée parce que, pour toutes les raisons que vous avez énumérées et d’autres, je pense qu’il s’agit de la bonne approche en ce qui me concerne. C’est ainsi que je vais voter. Merci.

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Une voix : Une heure.

Son Honneur la Présidente : Une heure. Le vote aura lieu à 21 h 37. Convoquez les sénateurs.

(2130)

La motion, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Arnot McNair
Brazeau Mégie
Busson Moncion
Clement Pate
Cormier Petitclerc
Coyle Ringuette
Dalphond Saint-Germain
Deacon (Ontario) Senior
Duncan Simons
Forest Varone
Fridhandler White
Gignac Woo
Greenwood Youance
Loffreda Yussuff—29
McBean

CONTRE
Les honorables sénateurs

Adler Manning
Ataullahjan Martin
Batters McCallum
Bernard McPhedran
Black Moreau
Boehm Muggli
Boniface Osler
Cardozo Oudar
Carignan Patterson
Cotter Petten
Cuzner Plett
Dagenais Ravalia
Deacon (Nouvelle-Écosse) Richards
Downe Robinson
Francis Ross
Gerba Seidman
Gold Smith
Harder Tannas
Housakos Verner
Klyne Wallin
LaBoucane-Benson Wells (Alberta)
MacAdam Wells (Terre-Neuve-et-Labrador)—45
MacDonald

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Al Zaibak Audette—2

(2140)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur MacDonald, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi concernant le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement

Projet de loi modificatif—Quinzième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Boehm, appuyée par l’honorable sénatrice Moodie, tendant à l’adoption du quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international (projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre), avec un amendement et des observations), présenté au Sénat le 7 novembre 2024.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, compte tenu du fait qu’aujourd’hui nous avons réalisé d’énormes prouesses en ce qui concerne notre programme législatif et que nous avons une longue route à parcourir au cours des deux prochains jours, je pense que nous devrions tous nous retirer ce soir et réfléchir un peu à l’énorme travail que nous allons accomplir demain et jeudi.

Par conséquent, je propose :

Que la séance soit maintenant levée.

Une voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : L’honorable sénateur Housakos, avec l’appui de l’honorable sénateur Plett, propose que la séance soit maintenant levée. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Une heure? Il n’y a pas d’entente au sujet de la sonnerie. Par conséquent, la sonnerie retentira, et le vote aura lieu à 22 h 46.

Convoquez les sénateurs.

(2240)

La motion, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Al Zaibak Manning
Ataullahjan Martin
Batters Patterson
Black Plett
Carignan Robinson
Harder Seidman
Housakos Wallin
MacDonald Wells (Terre-Neuve-et-Labrador)—16

CONTRE
Les honorables sénateurs

Adler McBean
Audette McCallum
Boehm McNair
Boniface McPhedran
Brazeau Mégie
Busson Moncion
Cardozo Osler
Clement Oudar
Cormier Pate
Coyle Petitclerc
Cuzner Petten
Dalphond Ravalia
Dasko Ringuette
Deacon (Ontario) Ross
Duncan Saint-Germain
Forest Senior
Gerba Simons
Gold Varone
Greenwood Wells (Alberta)
LaBoucane-Benson Woo
Loffreda Youance—43
MacAdam

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

(2250)

Son Honneur la Présidente : Reprise du débat sur le quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.

L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international sur le projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre). Je vais expliquer pourquoi je pense que l’amendement proposé et adopté par le comité était nécessaire et que cela paraît évident, mais avant, je veux parler de la dissidence.

Avant même que nous commencions l’étude de ce projet de loi en comité et avant que nous commencions la deuxième lecture au Sénat, j’avais reçu des lettres de la part d’agriculteurs qui étaient autant pour que contre ce projet de loi. En tant que sénatrice originaire d’Orillia, en Ontario, je sais que l’agriculture contribue à faire rouler l’économie de la région et je soupçonne que c’est la raison pour laquelle j’ai reçu cette correspondance.

Nous avons également constaté des clivages évidents à l’étape de la deuxième lecture. Les sénateurs se sont exprimés avec passion tant pour que contre ce projet de loi. Une chose m’est apparue clairement dès le début de ces débats : je ne savais pas exactement de quel côté j’allais me ranger. Il y avait deux axes de discussion à l’époque, et ils ont persisté pendant les travaux de notre comité. Le premier portait sur la gestion de l’offre elle-même, ses avantages pour les agriculteurs et les garanties qu’elle apporte à notre sécurité alimentaire. Le second portait sur l’effet du projet de loi sur les négociations, à savoir qu’il entraverait la capacité de nos négociateurs à obtenir le meilleur accord possible pour le Canada dans son ensemble. Comme nous le savons tous, les négociateurs canadiens sont parmi les meilleurs au monde. Le comité l’a certainement reconnu. Normalement, ils ne disposent pas des mêmes leviers que bon nombre de nos partenaires commerciaux — en particulier les États-Unis, notre principal partenaire commercial.

Je vous donne quelques exemples du langage utilisé par les acteurs des secteurs axés sur l’exportation lorsqu’ils se sont présentés devant notre comité.

Michael Harvey, directeur général de l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, ou ACCA, a dit : « [...] l’ACCA demande à ce comité de protéger les intérêts économiques de notre pays et recommande de ne pas adopter le projet de loi C-282. »

La deuxième citation provient de Troy Sherman, directeur principal au Conseil canadien du canola :

Nous demandons instamment au Sénat de rejeter le projet de loi C-282, compte tenu du préjudice qu’il causera à la politique commerciale du Canada et des risques qu’il créera pour les secteurs qui dépendent du commerce international, y compris le canola canadien.

Voici une troisième citation :

À cause de ces conséquences imprévues, Tree of Life exhorte respectueusement les sénateurs à s’opposer au projet de loi C-282.

C’est ce qu’a dit Patrick Heffernan, chef de l’exploitation de Tree of Life, une entreprise qui œuvre dans le secteur des aliments naturels.

La quatrième citation exprime le point de vue de Cereals Canada :

Compte tenu des répercussions négatives de ce projet de loi sur l’économie, Cereals Canada demande au comité de ne pas permettre au projet de loi C-282 d’aller de l’avant.

C’est ce qu’a dit Mark Walker, vice-président à Cereals Canada.

Enfin, voici ce qu’a dit Cathy Jo Noble, vice-présidente de l’Association nationale des engraisseurs de bovins :

Nous nous opposons fermement au projet de loi C-282 en raison de l’effet incroyablement négatif qu’il aura sur l’économie et la réputation internationale du Canada.

Chers collègues, ce n’est qu’un bref aperçu de ce que disent, à propos du projet de loi, les secteurs qui ne sont pas soumis à la gestion de l’offre. D’autres organisations ont dit que ce projet de loi ne devait pas être adopté, qu’elles s’y opposaient vivement, qu’il fallait le rejeter, voter contre et l’empêcher d’avancer. Elles ne voulaient pas que nous apportions des amendements au projet de loi, mais que nous le fassions disparaître.

Elles auraient préféré que, dans son rapport, le comité recommande de ne pas laisser avancer le projet de loi à la prochaine étape. Nous ne sommes pas allés aussi loin, de toute évidence, mais nous avons convenu de présenter un rapport contenant un amendement nuancé et important.

Si les sénateurs ont lu les témoignages recueillis par le comité, ils auront remarqué un thème dans mes questions sur les divisions que ce projet de loi a créées dans le milieu agricole. Je parle de divisions « créées » parce que la plupart des secteurs axés sur l’exportation ont dit que ce qui leur pose problème, ce n’est pas la gestion de l’offre comme telle, mais ce projet de loi.

Lors de la deuxième journée de témoignages, j’ai demandé à un groupe d’organisations qui représentaient des secteurs soumis à la gestion de l’offre en quoi ce projet de loi créait d’importantes divisions et ce que nous pouvions faire pour y remédier.

En réponse à cette question, Tim Klompmaker, président des Producteurs de poulet du Canada, a dit : « Je pense qu’il suscite certainement quelques tensions. » Il a cependant ajouté ceci : « Je ne suis pas sûr que la division soit aussi importante que certains sont portés à le croire. »

De plus, en réponse à ma question, Phil Mount, vice-président de l’Union nationale des fermiers, a répondu : « Très souvent, ces désaccords sont absurdes, si vous voulez mon avis. »

Je ne sais pas si c’est de l’aveuglement volontaire, un manque de consultation ou autre chose. Nous sommes au courant de ces divisions depuis la version précédente de ce projet de loi, le projet de loi C-216, qui a été présenté lors de la dernière législature.

Par ailleurs, M. Mount a peut-être dit tout haut ce qu’on pensait tout bas en répondant : « Dans de nombreux cas, nous avons l’impression que ce désaccord est inventé de toutes pièces par des individus qui ont des raisons idéologiques de créer des désaccords. »

À mon avis, cela montre plutôt que les secteurs soumis à la gestion de l’offre veulent le beurre et l’argent du beurre, au lieu de se préoccuper de la position du Canada dans les négociations commerciales pour le bien de l’ensemble du pays, et pas seulement de certains secteurs.

Bien entendu, cela joue en leur faveur. D’ailleurs, en réponse à une question de la sénatrice Coyle, Phil Boyd, directeur général, Éleveurs de dindon du Canada, l’a admis en déclarant : « Oui, nous voulons le beurre et l’argent du beurre [...] » Il souhaite que le Canada protège la gestion de l’offre dans les négociations commerciales et qu’il obtienne les meilleurs accords pour nos secteurs d’exportation également.

Malheureusement, ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent, comme l’ont affirmé tous les experts commerciaux qui ont témoigné devant le comité. Il ne semble pas que les rédacteurs du projet de loi aient consulté les secteurs qui dépendent de l’exportation; autrement, je pense qu’ils le sauraient déjà.

Quand on leur a posé des questions, les témoins qui dépendent du commerce ont déclaré qu’ils s’étaient entretenus avec des experts en commerce pour éclairer leur point de vue et, à mon avis, ils étaient ainsi mieux préparés. C’est pourquoi il était essentiel que le comité invite des experts en commerce et en relations internationales à donner leur avis, y compris d’anciens négociateurs commerciaux en chef.

Il s’agissait d’une omission flagrante de la part de la Chambre des communes pendant l’étude de ce projet de loi et de sa version précédente. Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour en arriver à la conclusion qu’il s’agissait d’un projet de loi qui porte entièrement sur la politique commerciale du Canada et non d’un projet de loi sur la gestion de l’offre. Étant donné qu’il s’agit d’un projet de loi sur le commerce international, j’ai trouvé inquiétant, tout comme d’autres membres du comité, que le comité de la Chambre n’ait entendu aucun témoin des domaines des négociations et des relations internationales.

À mon avis, les études précédentes à la Chambre n’ont apporté que très peu de valeur au projet de loi dont nous sommes saisis et elles ont perpétué les divisions apparentes dans le milieu de l’agroalimentaire et ailleurs.

(2300)

Le comité de la Chambre aurait eu intérêt à recevoir des témoins pertinents au sujet des relations commerciales et internationales. S’il l’avait fait, le Sénat ne se retrouverait peut-être pas dans cette position. Le projet de loi C-282 n’aurait peut-être pas franchi toutes les étapes qu’il a franchies si le comité de la Chambre avait entendu des témoignages sur le risque fondamental qu’il représente pour les négociations et choisi de recommander que son étude n’aille pas plus loin.

Nous avons une décision difficile à prendre pour remédier aux graves conséquences que ce projet de loi aura sur notre économie fondée sur les exportations.

Je prends un instant pour remercier le comité directeur du Comité des affaires étrangères d’avoir inclus des professionnels du commerce dans notre démarche en vue de mieux comprendre l’incidence qu’aurait le projet de loi C-282. Chers collègues, pour un projet de loi qui suscite autant l’attention, le comité directeur a fait un travail incroyable pour trouver un juste équilibre. Je l’en félicite. Je remercie le sénateur Boehm de son leadership.

Examinons maintenant l’amendement proposé par le sénateur Harder. Comme nous le savons, cet amendement garantit que tout accord commercial déjà en place, devant être renégocié ou en cours de négociation ne sera pas touché par le projet de loi C-282. Les arguments présentés en faveur de cet amendement par des représentants d’industries qui dépendent des exportations et des experts en commerce étaient solides et prouvent qu’il est nécessaire d’appuyer cet amendement.

Aucun des témoins que nous avons entendus n’a dit que les récents accords de libre-échange qui accordent des concessions dans les industries canadiennes assujetties à la gestion de l’offre sont désavantageux pour le Canada, mais nous savons que ces accords peuvent être renégociés.

Dave Carey, vice-président, Relations avec les gouvernements et l’industrie, de la Canadian Canola Growers Association, nous l’a rappelé :

[…] tous les accords de libre-échange font l’objet d’un examen, qu’il s’agisse de l’ACEUM, du PTPGP ou des accords bilatéraux, et [...] de nombreux ALE peuvent être annulés par n’importe quel signataire avec un préavis de six mois.

C’est en grande partie la raison pour laquelle j’ai appuyé l’amendement du sénateur Harder à la séance du comité. Comme vous, je suis particulièrement inquiète à la perspective de la renégociation de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique. Comme les États-Unis sont le principal partenaire commercial du Canada, cet accord a des effets existentiels sur les industries exportatrices de notre pays. Il doit être bien négocié, et tous les outils doivent être à la disposition des négociateurs du Canada.

Pour les personnes qui croient que la gestion de l’offre a besoin d’une protection législative et que cela indiquerait clairement aux négociateurs du Canada et à leurs homologues qu’il ne s’agit pas d’un domaine ouvert aux négociations, nous avons entendu le contraire de la part des experts qui ont comparu, des personnes qui négocient des accords commerciaux. Ils disent que, d’une part, c’est un signal d’alarme pour les partenaires avec qui le Canada négocie, qui ne prendront pas le Canada au sérieux, et, d’autre part, cela incitera les partenaires commerciaux du Canada à s’attaquer plus vigoureusement à la gestion de l’offre. Dans le secteur soumis à la gestion de l’offre, on a le sentiment que cela clarifie la situation, mais je doute que l’on comprenne les répercussions à la table des négociations. Pourquoi le feraient-ils? Le but de la gestion de l’offre est l’approvisionnement sur le plan national, et non international.

La renégociation de l’accord qui aura lieu pendant le mandat de la prochaine administration sera difficile pour le Canada, peu importe sous quel angle on l’envisage. Pourquoi ajouter un facteur de risque avec ce projet de loi? Pourquoi lier ainsi les mains des négociateurs? Nous devrions garder nos atouts dans nos manches, comme nous l’avons toujours fait.

Sénateurs, ce projet de loi n’est pas nécessaire pour protéger la gestion de l’offre dans le cadre des négociations. On nous a dit à maintes et maintes reprises qu’une directive de l’exécutif pouvait accomplir la même chose. Le gouvernement a d’ailleurs utilisé pareille directive dans le cadre des négociations entre le Canada et le Royaume-Uni. S’il n’y a pas d’accord, c’est en grande partie en raison de cette directive, mais, grâce à elle, nous n’avons fait aucune concession sur le plan de la gestion de l’offre.

Pourquoi présenter ce projet de loi, et pourquoi maintenant?

Les témoins étaient très fortement opposés à son effet sur les négociations commerciales, mais extrêmement positifs dans les secteurs soumis à la gestion de l’offre. Je vous rappelle encore une fois, sénateurs, que ce projet de loi ne concerne pas la gestion de l’offre et que la gestion de l’offre n’a pas besoin de ce mécanisme pour être protégée. Il est redondant et va à l’encontre des intérêts du Canada. Les gouvernements adoptent depuis longtemps une orientation qui consiste à maintenir la gestion de l’offre.

Avec le projet de loi C-282 dans sa version non amendée, la gestion de l’offre peut être protégée. Or, plus important encore, sans ce projet de loi, la gestion de l’offre peut aussi être protégée.

L’amendement proposé par le sénateur Harder comble le vide qui préoccupait beaucoup d’entre nous depuis le début. Il atténue les risques bien réels posés par le projet de loi C-282 à la table des négociations.

Nous ne nous attendions pas à ce que ce projet de loi prenne un caractère aussi politique. Cependant, nous avons encore un travail à faire. L’amendement proposé constitue une façon raisonnable de traiter le projet de loi et tient compte des échanges en cours entre le Sénat et la Chambre des communes.

Je rappelle aux sénateurs que cet amendement a été adopté au comité par 10 voix contre 3 avec 1 abstention. Les membres du comité qui étaient présents aux audiences et ont entendu les témoignages sur cette question ont voté massivement en faveur de l’amendement, ce qui est révélateur. Je vous demande de tenir compte du processus rigoureux suivi par le comité et, surtout, des témoignages qu’il a entendus. Veuillez suivre les conseils du comité et adopter le rapport tel qu’il est recommandé.

Je vous rappelle encore une fois, chers collègues, qu’il ne s’agit pas d’un projet de loi sur la gestion de l’offre. Nous devons voir au‑delà de son titre pour comprendre ce qui est vraiment en jeu, à savoir notre économie d’exportation. Cette dernière contribue énormément à notre PIB — environ 33 % —, et nous devons donc assurer sa prospérité pour favoriser la croissance durable de l’ensemble du Canada.

Voici que qu’a dit Grant McLellan, chef de la direction de l’association des éleveurs de bovins de la Saskatchewan, lors de sa comparution devant le comité :

Le projet de loi C-282 ne concerne pas la gestion de l’offre. Nous ne sommes pas ici pour parler de la gestion de l’offre, car le projet de loi C-282, pour l’essentiel, est une mauvaise politique commerciale. C’est franchement dommage que ce projet de loi soit utilisé pour créer une division dans un secteur agricole tellement interconnecté [...] Alors que nous nous dirigeons vers l’examen de l’accord en 2026, nous avons déjà entendu dire que le projet de loi C-282 va créer des tensions inutiles avant même le début des négociations. Les représentants d’États américains et les intervenants de toute l’Amérique du Nord ont exprimé de sérieuses préoccupations quant aux effets du projet de loi C-282 sur nos relations commerciales.

Dans une autre réponse, M. McLellan a dit ce qui suit à propos de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique : « Si tout ce document était jeté à la poubelle, nous parlons de milliards et de milliards de dollars. »

Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres...

Son Honneur la Présidente : Sénatrice Boniface, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous à obtenir plus de temps pour pouvoir terminer votre intervention?

La sénatrice Boniface : Oui.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Boniface : Honorables sénateurs, je vous prie d’adopter le rapport dans sa forme actuelle. Merci.

(Sur la motion du sénateur Cuzner, au nom de la sénatrice White, le débat est ajourné.)

La Loi sur les compétences linguistiques

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Carignan, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Housakos, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-220, Loi modifiant la Loi sur les compétences linguistiques (gouverneur général).

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Votre Honneur, il est clair que le sénateur Housakos a eu une excellente idée, plus tôt dans la journée, en nous suggérant de rentrer chez nous pour réfléchir. D’autres personnes n’étaient pas d’accord avec cette idée. Nous allons leur donner une autre chance de rentrer chez eux et de réfléchir pendant le reste de la soirée et de revenir demain, rafraîchis et revigorés, afin que nous puissions reprendre le débat à zéro.

Par conséquent, je propose :

Que la séance soit maintenant levée.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 23 h 9, conformément à l’ordre adopté par le Sénat plus tôt aujourd’hui, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

Annexe - Liste des sénateurs

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