RAPPORT INTÉRIMAIRE
AU SUJET DU NOUVEAU CADRE STRATÉGIQUE EN ÉVOLUTION DU CANADA POUR LA GESTION DES PÊCHES ET DES OCÉANS
Comité sénatorial permanent des pêches et des océans
Président, L’honorable Gerald
Comeau
Vice-présidente,
L’honorable Elizabeth Hubley
Mai 2005
MEMBRES
L’honorable
Gerald Comeau, président
L’honorable Elizabeth Hubley, vice-présidente
et
Les honorables sénateurs :
Willie Adams | Michael A. Meighen |
*Jack Austin, C.P. (ou Bill Rompkey, C.P.) | Pana Merchant |
James Cowan | Gerard Phalen |
Janis G. Johnson | Gerry St. Germain, C.P. |
*Noël Kinsella (ou Terry Stratton) | Charlie Watt |
Frank W. Mahovlich |
* Membres d’office
En plus des sénateurs indiqués ci-dessus, les honorables sénateurs John G. Bryden, Joan Cook, Joseph A. Day, Pierre De Bané, C.P., Percy Downe, D. Ross Fitzpatrick, Elaine McCoy, Terry M. Mercer, Robert W. Peterson et Fernand Robichaud, C.P., étaient membres du Comité au cours de cette étude ou ont participé à ses travaux sur ce sujet.
Personnel de recherche :
Claude Emery, Bibliothèque du Parlement
Till Heyde
Greffier du Comité
ORDRE DE RENVOI
Extrait des Journaux du Sénat du jeudi 28 octobre 2004 :
L'honorable sénateur Hubley, au nom de l'honorable sénateur Comeau, propose, appuyée par l'honorable sénateur Chaput,
Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada; et
Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le vendredi 31 mars 2006.
La motion, mise aux voix, est adoptée.
Le greffier du Sénat,
Paul C. Bélisle
A. La gestion des pêches commerciales en milieu marin
B. Les permis à quotas individuels
C. Renouvellement des pêches dans le Pacifique
D. La révision de la politique sur les pêches de l’Atlantique et le Cadre stratégique
E. Moderniser la Loi sur les pêches
CE QUE NOUS AVONS ENTENDU : LES PRINCIPALES QUESTIONS SOULEVÉES
A. Le budget du MPO
B. La rationalisation des pêches
C. Tendances dans les pêches côtières de l’Atlantique
D. Accords de fiducie dans les pêches de l’Atlantique
E. Urbanisation de la pêche en Colombie-Britannique
F. Le rapport Pearse-McRae
G. Les collectivités
ANNEXES
1 –
Recommandations du Groupe de travail conjoint Pearse-McRae, mai 2004
2 – Recommandations du rapport du Panel des Premières
Nations, juin 2004
3 – Vision et principes de la réforme de la pêche dans le
Pacifique du MPO, avril 2005
4 – Réponse du MPO (avril 1999) au rapport du Comité
Privatisation et allocation de quotas dans les pêches canadiennes (décembre
1998)
5 – Effets néfastes des QIT sur la productivité de la pêche
et la conservation des stocks de poisson, par Parzival Copes, extraits de
mémoire, 17 février 2005
6 – Témoins
SIGLES
AE – Allocations aux entreprises
CGRA – Conseil de gestion des ressources aquatiques de la côte ouest de l’île de Vancouver
FAO – Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture
GAO – United States General Accounting Office
MPO – Ministère des Pêches et des Océans
OCDE – Organisation de coopération et de développement économique
PEMA – Projet d’évaluation ministériel et d’ajustement
QC – Quota collectif
QDC – Quota de développement communautaire
QI – Quota individuel
QIT – Quota individuel transférable
RPPA – Révision de la politique sur les pêches de l’Atlantique
SRAPA – Stratégie relative aux pêches autochtones
TAC – Total autorisé des captures
Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, quand je parle de changements, je suis sérieux. Changer la manière dont nos pêches sont gérées dans l’ensemble de l’industrie et sur les trois côtes. Changer la manière dont nous menons les activités scientifiques. Et changer les relations entre mon ministère et l’industrie de la pêche. Nous appelons ce processus de changement « le renouvellement de la gestion des pêches ». – Notes d’allocution de l’hon. Geoff Regan, ministre des Pêches et des Océans, devant la Fédération des pêcheurs de l’Est, Yarmouth, N.‑S., 31 mars 2005
Le MPO cherchera à établir des partenariats avec l’industrie des pêches, entre autres, pour ce qui est de la gestion de la capacité, de l’octroi de licences et de l’observation. – Ministère des Finances, « Privatisation ou commercialisation des opérations gouvernementales », Budget de 1995, Feuillets de renseignements no 9, 1995
Je crois que tout cela vient de la bureaucratie, et pas du ministre […] on change sans arrêt de ministre dans ce pays. En fait, il y a eu 20 ministres depuis que la question a été abordée en 1968 dans le Plan Davis. – Garth Mirau, vice-président, United Fishermen and Allied Workers’ Union, Délibérations du Comité, 7 décembre 2004
Nous vous écrivons cette lettre en partie parce que nous nous inquiétons que vous [le ministre] puissiez recevoir toutes sortes d’avis. – Chef William Cranmer, lettre au ministre des Pêches et des Océans, 21 décembre 2004
Cet agenda est le fruit, évidemment, du lobbysme qu’ont exercé les grandes sociétés sur le ministère. L’enjeu fondamental est l’accès à la ressource – O’Neil Cloutier, directeur de l’Alliance des pêcheurs professionnels du Québec, Délibérations du Comité, 24 février 2005
Les pêches commerciales canadiennes traversent actuellement une « époque intéressante ». En mars 2004, le ministre des Pêches et des Océans a publié le Cadre stratégique de gestion des pêches sur la côte Atlantique du Canada – « le premier plan exhaustif visant à orienter la gestion des pêches » sur la côte Est canadienne. Plus tard, en mai 2004, le Groupe de travail conjoint fédéral-provincial sur les pêches après la conclusion de traités a rendu public Les traités et la transition – Objectifs : Une pêche durable sur la côte du Pacifique du Canada, un document qui propose la modification, de manière profonde et irréversible, de la gestion des pêches en Colombie-Britannique. Le 14 avril 2005, le ministre a annoncé des changements fondamentaux dans la gestion des pêches du Pacifique, en particulier la pêche du saumon, et des changements plus permanents devraient survenir en 2006. « Certitude et stabilité », « accès garanti », « autonomie », « viabilité », « autosuffisance », « pêches modernes », « autorégulation », et « meilleur usage » : voilà des expressions et des concepts qui sont de plus en plus utilisés par le Ministère des Pêches et des Océans (MPO) pour parler des pêches de la côte Est comme de la côte Ouest. Des modifications à la Loi sur les pêches pourraient être présentées bientôt au Parlement.
Le MPO est bien décidé à changer la façon dont il s’acquittera de son mandat à l’avenir. Il est certain que les enjeux sont énormes et comprennent non seulement la pérennité des ressources halieutiques au Canada et la viabilité du secteur de la pêche, mais également l’avenir de centaines de villages côtiers qui dépendent de la pêche pour l’emploi ou même pour l’ensemble de leur économie. À l’échelle nationale, les pêches en milieu marin comprennent de nombreuses petites entreprises de pêche. Ainsi, la vaste majorité des bateaux de pêche (98 p. 100) sont d’une longueur de moins de 65 pieds. Quant à la transformation, plus de 70 p. 100 des usines embauchent moins de 100 travailleurs.
En octobre 2004, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans (« le Comité ») a reçu un ordre de renvoi du Sénat pour « examiner, pour en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada ». En fin de compte, notre étude porte surtout sur la répartition de la richesse générée par la pêche, un secteur qui exploite l’une des ressources publiques les plus importantes du Canada. Les plans de « modernisation » des pêches canadiennes auront une incidence sur les pêches côtières pendant plusieurs années.
Les quotas individuels prenant la forme de quotas individuels ordinaires (QI) et de quotas individuels transférables (QIT) – une forme de privatisation des stocks de poisson – ainsi que la location de permis et le recours à des « accords de fiducie » sur la côte Atlantique, ont fait l’objet de nombreuses discussions lors de nos réunions. Aux deux extrémités du pays, les quotas individuels soulèvent de fortes émotions puisqu’ils s’attaquent au cœur même d’un système de valeurs cher à ceux qui se considèrent eux‑mêmes comme des pêcheurs indépendants. Sur la côte du Pacifique, où 44 p. 100 des permis de pêche et des quotas appartiendraient à des résidents de la communauté urbaine de Vancouver et de Victoria, le Groupe de travail Pearse-McRae a proposé l’an dernier d’assujettir toutes les pêches, y compris celles du saumon, à un régime fondé sur des droits de propriété, ce qui a soulevé une vive opposition de la part des divers intervenants, autochtones comme non autochtones.
De nombreux témoins n’ont pas encore comparu devant le Comité pour nous faire part de leurs opinions. Le présent rapport intérimaire constitue donc un compte rendu sommaire des travaux en cours puisque nos conclusions seront présentées de manière plus détaillée dans un rapport final. Le Comité avait prévu au départ se rendre en Nouvelle‑Zélande, qui est considérée par beaucoup comme un leader mondial dans la gestion des pêches. Dans ce pays, la théorie économique de la privatisation des quotas de pêche a été mise à l’essai de manière approfondie pendant près de deux décennies, et les revendications des Maoris ont été réglées grâce aux QIT. Toutefois, comme nous n’avons pu obtenir un budget suffisant du Sénat, nous sommes en train d’examiner d’autres moyens d’évaluer les avantages des pêches gérées à l’aide de QI dans d’autres pays comme la Nouvelle‑Zélande et l’Islande.
Les ressources halieutiques constituent un bien collectif appartenant à tous les Canadiens. Par conséquent, elles constituent aussi une responsabilité et un patrimoine collectifs. Les sondages ne cessent de révéler que la vaste majorité des Canadiens se préoccupent de la façon dont la pêche est gérée. Nous jugerons que le présent rapport intérimaire a joué un rôle utile s’il parvient à sensibiliser encore plus la population à l’importance des politiques de l’État dans ce secteur. Les contribuables devraient en particulier se méfier des allégations des promoteurs les plus zélés de la privatisation des pêches parce qu’en fin de compte, c’est eux, les contribuables, qui paient la note lorsque les villages côtiers perdent leur accès à la ressource et les retombées économiques de la pêche.
Enfin, le Comité souhaite remercier tous ceux qui ont généreusement accepté de venir nous rencontrer à Ottawa ou de nous transmettre leurs mémoires écrits.
Gerald J. Comeau, président
A. La gestion des pêches commerciales en milieu marin
Fondamentalement, il s’agit de nous poser une question : quel genre de
pêcherie voulons-nous avoir? Ce ne sont que sept mots, mais c’est une
grande question, monsieur le président. – L’hon. Geoff Regan, ministre des
Pêches et des Océans, Délibérations du Comité, 8 février 2005
Le problème, c’est que le ministère n’a pas de comptes à rendre […] il n’y a pas de pouvoir législatif pour contrôler le MPO. – Daniel MacInnes, département de sociologie, Université St. Francis Xavier, Délibérations du Comité, 10 février 2005
Nous voulons, d’une part, assurer la durabilité économique des pêches et, d’autre part, assurer la viabilité des entreprises et des localités côtières. – David Bevan, MPO, sous‑ministre adjoint, Gestion des pêches et de l’aquaculture, Délibérations du Comité, 4 novembre 2004
D’un côté, il y a énormément de pression pour privatiser la ressource et donner accès à la ressource aux grandes industries et de notre côté, nous disons qu’on ne va pas dans le bon chemin. C’est là où se situe tout le débat. – O’Neil Cloutier, directeur, Alliance des pêcheurs professionnels du Québec, Délibérations du Comité, 24 février 2005
Privatiser la pêche, c’est voler les Canadiens. C’est clair. – Garth Mirau, vice‑président, United Fishermen and Allied Workers’ Union, Délibérations du Comité, 7 décembre 2004
En vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, le gouvernement du Canada a la compétence législative exclusive sur les pêches « des côtes de la mer et de l’intérieur » dans toutes les régions du Canada. Au nom de la Couronne, le gouvernement fédéral a le pouvoir légal des gérer les pêches dans l’intérêt public, et le Parlement du Canada confie au ministère fédéral des Pêches et des Océans (MPO) l’administration de toutes les lois relatives aux pêches([1]). La majeure partie du contrôle exercé sur la pêche prend la forme de règlements adoptés par le Cabinet. L’article 7 de la Loi sur les pêches accorde au ministre des Pêches et des Océans (ci-après appelé « le ministre ») de très vastes pouvoirs discrétionnaires pour répartir la richesse au moyen de permis de pêche et de quotas de pêche([2]). En fait, lorsqu’il accorde ou autorise des baux et des permis pour la pêche, le ministre dispose d’un pouvoir discrétionnaire absolu pour permettre l’accès à cette richesse que procurent les pêches, étant donné que ces pêches constituent une « ressource collective ».
Pour assurer la stabilité du secteur de la pêche, le MPO impose des mesures réglementaires. À cet égard, le ministère gère plus de 300 stocks de poissons et produit environ 180 plans de gestion des pêches chaque année. Toutes les pêches sont assujetties à diverses mesures de surveillance des débarquements et d’application des règlements. Idéalement, le système de gestion des pêches devrait posséder toute la souplesse voulue pour s’adapter à chaque cas particulier parce que la pêche englobe un système biologique, économique et social complexe. Chaque espèce de poisson est caractérisée par ses comportements, sa population, sa distribution, et sa valeur marchande. La durée des saisons de pêche varie selon l’espèce, bien sûr, mais aussi selon la région et selon l’année. Les pêcheurs côtiers détiennent différents types de permis, ils ont des bateaux de pêche de dimensions différentes, ils utilisent des engins de pêche différents, ils appartiennent à différentes organisations et ils consacrent des sommes et un temps différents à leur activité. La complexité de l’industrie varie beaucoup d’une région à l’autre et le contexte social diffère énormément entre les régions. Les méthodes de transformation du poisson sont aussi variées que les régions de pêche.
C’est en 1967, avec la pêche du homard dans l’Atlantique, qu’on a commencé à réglementer les pêches commerciales « à accès libre », de telle sorte qu’au milieu des années 1970, un permis de pêche était exigé pour la pêche commerciale de toutes les principales espèces au Canada. Un permis de pêche donne à une personne ou à une entreprise l’autorisation de pêcher. Ce que le titulaire acquiert essentiellement, c’est le privilège limité de pêcher, et non un droit absolu ou permanent. Par ailleurs, l’allocation est la quantité de poisson que le ministre accorde à ceux qui détiennent un permis.
Depuis 1977, année où le Canada a étendu sa zone de pêche à 200 milles, diverses stratégies ont été utilisées pour aider à maintenir un équilibre entre la capacité de pêche et les ressources disponibles : les « contrôles des intrants » (p. ex. engins, bateaux, saison de pêche et restrictions zonales), et les « contrôles de la production », dont le « total autorisé des captures » (TAC) est le plus répandu. Pour certaines espèces, on fixe plutôt des objectifs d’échappée afin de permettre aux poissons adultes de retourner frayer (p. ex. saumon du Pacifique), ou on met en place des stratégies sur le recrutement pour accroître le taux de survie des femelles (p. ex. interdictions de récolte des homards femelles œuvées)([3]). On utilise aussi des « quotas individuels » (ou « quotas privés » comme on les appelle parfois), qui donnent aux pêcheurs ou aux entreprises de pêche individuels le droit de capturer une certaine quantité de certaines espèces de poissons dans un endroit précis durant une période de temps donnée, soit une partie du TAC annuel. Lorsqu’on utilise ces quotas individuels, les organisations de pêche représentant les titulaires de permis concluent des ententes distinctes et spécifiques avec le gouvernement fédéral, lesquelles précisent les caractéristiques de chacune des pêches soumises à ce régime de gestion.
Par le passé, lorsqu’il y a eu des problèmes de surcapacité, des programmes de restructuration et d’adaptation ont été mis en place (rachat de permis et retraite hâtive, soutien du revenu à court terme, recyclage, et diversification économique) pour aider les travailleurs et collectivités visées à abandonner ce secteur d’activité. Lorsqu’il doit prendre des décisions concernant l’accès à la pêche et l’allocation des ressources, le ministre vise d’abord à assurer la conservation, puis, à respecter le droit des Autochtones de pratiquer la pêche à des fins alimentaires, sociales et cérémoniales. Après avoir tenu compte des droits ancestraux et issus de traités des Autochtones qui sont protégés par la Constitution([4]), il cherche ensuite à partager la ressource entre les diverses pêches. Il doit aussi tenir compte de la pêche récréative. Mis à part la conservation, les facteurs qui peuvent influer sur les décisions du ministre sont les politiques à l’échelle internationale, les obligations législatives que le gouvernement du Canada peut devoir assumer, et les considérations politiques et socioéconomiques. Habituellement, les critères qu’applique le MPO pour la prise de décisions sur l’accès et les allocations sont la contiguïté, la dépendance historique, la viabilité économique et l’équité sociale. Dans ce système de gestion hiérarchisé, le Ministère est responsable de la gestion des pêches et doit rendre des comptes à ce sujet.
Fait significatif, une partie importante du plan stratégique du MPO a été consacrée au cours de la dernière décennie à réduire sa participation à la gestion des pêches en faveur d’une plus grande participation de l’industrie, laquelle a pris la forme d’ententes de « cogestion » dans un grand nombre de pêches pratiquées au Canada. Ainsi, au cours de la dernière décennie, des approches plus officielles ont été graduellement adoptées grâce à des activités comme l’élaboration de plans de gestion des pêches intégrés et d’accords de projet conjoint pluriannuels. Des projets reliés à la « professionnalisation » des pêcheurs ont également été appuyés par le ministère. En termes concrets, cela s’est traduit par l’accréditation des pêcheurs existants, l’établissement d’un programme d’apprentissage officiel pour les nouveaux pêcheurs, et l’amélioration des normes d’instruction et de formation, sous la direction du Conseil canadien des pêcheurs professionnels([5]).
B. Les permis à quotas individuels
À notre avis, les QIT ont rendu le processus de gestion moins coûteux pour
le gouvernement du Canada […] mais ils ne conviennent pas à tout le monde. –
David Bevan, MPO, sous‑ministre adjoint, Gestion des pêches et de
l’aquaculture, Délibérations du Comité, 4 novembre 2004
Aux plus hauts niveaux du ministère, le mouvement de privatisation des pêches canadiennes et de transfert de celles‑ci aux investisseurs du secteur privé n’a jamais cessé. – Premières nations nuu-chah-nulth, mémoire présenté au Comité, 10 mars 2005
On ne devrait pas pouvoir tout acheter et vendre à la bourse de Toronto. Les droits de pêche devraient être considérés comme un héritage appartenant aux habitants des zones côtières et non pas comme une marchandise comme des options sur des contrats à terme de flancs de porc ou quelque chose du genre. – Earle McCurdy, président, Fish Food and Allied Workers Union, Délibératons du Comité, 24 février 2005
La mentalité économique du MPO est très bien établie et ses effets sont très négatifs sur les collectivités rurales, sur les collectivités côtières. – Daniel MacInnes, département de sociologie, Université St. Francis Xavier, Délibérations du Comité, 10 février 2005
La privatisation des ressources halieutiques par des quotas individuels transférables (QIT) et des allocations aux entreprises (AE) a souvent été la pierre angulaire tacite de la politique des pêches depuis 20 ans. – Coastal Communities Network, mémoire présenté lors des consultations sur la RPPA, 16 mai 2001
À compter des années 1980, un important changement de politique est survenu au MPO; le ministère a alors accepté d’adopter une nouvelle stratégie de gestion des pêches axée sur le marché et « fondée sur des droits de propriété » qui avait été recommandée par des économistes([6]). Ainsi, les gestionnaires des pêches canadiens (et leurs homologues étrangers, notamment en Nouvelle‑Zélande et en Islande) ont commencé à mettre en œuvre une « gestion fondée sur des droits de propriété » qui a pris la forme de pêches gérées à l’aide de « quotas individuels » (QI). Ce processus de privatisation, avant tout une initiative des fonctionnaires du ministère, s’est déroulé sous plusieurs ministres des Pêches et au sein de plusieurs gouvernements successifs au cours des deux dernières décennies. Cette politique publique importante a d’ailleurs été examinée pour la dernière fois par ce Comité en 1998.
Essentiellement, les QI établissent ce qui a été décrit ici au Canada comme un « droit de quasi-propriété » permettant de récolter annuellement une certaine quantité de poissons, c’est‑à‑dire une partie d’un stock. Quand les permis à QI sont délivrés par le MPO, des parts prédéterminées du Total autorisé des captures (exprimées en pourcentages) sont attribuées aux pêcheurs ou entreprises de pêche. Un « quota individuel transférable » ou QIT est un QI qui peut être transféré (c’est‑à‑dire échangé, vendu ou loué) à d’autres pêcheurs comme n’importe quel produit. Lorsqu’ils sont attribués à un bateau, les quotas individuels de capture deviennent des « quotas individuels de bateau » ou QIB. Avec le temps, les quotas individuels de capture ont été lentement mis en place dans une pêche après l’autre au Canada. Habituellement, ce processus se déroulait par étapes successives : des quotas non transférables étaient tout d’abord introduits et ils devenaient ensuite transférables avec le temps. Ces quotas non transférables ont donc été décrits comme le point de départ de la « pente glissante » menant à la transférabilité. En l’an 2000, ils avaient été adoptés dans plus de 40 pêches et comptaient pour plus de la moitié de la valeur des débarquements([7]). La pêche commerciale canadienne peut maintenant être décrite comme une pêche mixte, fondée à la fois sur la propriété collective et sur les quotas individuels([8]).
Plutôt que de se fier à la réglementation pour garantir le respect des règles, les quotas individuels permettent de mettre davantage l’accent sur les résultats de la pêche. Les promoteurs des QI, et en particulier des QIT, les considèrent comme un moyen de rationaliser le secteur et de lui permettre de fonctionner d’une manière plus stable, ordonnée et efficace. Sous un tel régime de gestion, on privilégie la maximalisation du revenu net tiré d’une certaine quantité de poissons, c’est‑à‑dire la part annuelle allouée à chaque pêcheur ou entreprise de pêche. Les permis à quotas constituent un modèle de gestion des pêches bien défini. Parmi les avantages économiques de la gestion par quotas les plus souvent mentionnés, notons les suivants :
- la sécurité de l’accès aux ressources;
- l’élimination de la « course au poisson »([9]), qui est coûteuse et souvent dangereuse;
- une sécurité accrue sur le plan des récoltes, étant donné la plus grande souplesse pour choisir le rythme et le moment de la pêche;
- des saisons de travail plus longues et une coordination plus efficace de l’offre avec la demande du marché;
- la possibilité de mieux planifier à long terme les immobilisations (p. ex. les bateaux, les engins de pêche) et le développement des marchés; et
- la possibilité pour le gouvernement de moins réglementer([10]).
Dans un système d’attribution de quotas, les mesures visant à réduire l’effort de pêche (comme les restrictions concernant la taille des navires) ne sont plus essentielles parce qu’on garantit à chaque exploitant une quantité précise de poissons. Les partisans de l’élargissement des quotas individuels soutiennent qu’il s’agit non seulement de la façon idéale de gérer et de conserver les stocks de poissons, mais aussi du moyen le plus efficace de réduire la capacité de récolte (c’est-à-dire le nombre de pêcheurs) au moindre coût possible pour le gouvernement et les contribuables. En raison de leur attrait sur le plan théorique, les permis à quotas individuels constituent un modèle de gestion des pêches qui soulève l’enthousiasme d’économistes classiques, de théoriciens néo-conservateurs et de certains chroniqueurs et éditorialistes, qui les considèrent comme un outil de déréglementation. L’Institut Fraser, de Vancouver, l’Atlantic Institute for Market Studies, de Halifax, et d’autres groupes de réflexion ont proclamé que les pêches fondées sur des droits de propriété prenant la forme de permis à quotas individuels de capture, et en particulier de QIT, constituaient l’outil par excellence pour gérer les pêches. Les grandes entreprises du secteur de la pêche préconisent fortement le recours à ces permis, qui trouvent aussi depuis très longtemps d’ardents promoteurs au sein des hauts fonctionnaires du MPO([11]).
Il est important de souligner que dans le secteur des pêches, le terme « propriété » est utilisé à toutes les sauces. Bien que les propriétaires des QI les considèrent habituellement comme une forme de « propriété privée », ils constituent au mieux une propriété indirecte ou une « quasi‑propriété » comme le MPO l’a parfois souligné. Cela s’explique par le fait qu’un permis de pêche, qu’il s’agisse d’un permis à QI ou d’un permis traditionnel, constitue un « privilège » qui peut être révoqué. Bien que les permis soient achetés et vendus, moyennant souvent de fortes sommes, ils ne créent pas de droit de propriété, que ce soit sur les pêches ou sur les ressources. Ces ressources ne deviennent une propriété privée qu’une fois qu’elles sont capturées et retirées de l’eau; les ressources halieutiques demeurent donc la propriété de tous les Canadiens.
Enfin, au fil des ans, les fonctionnaires du MPO ont toujours maintenu que si un secteur ou un groupe de pêcheurs choisissait volontairement d’adopter un système de QI, le Ministère était là pour l’aider. Cela étant dit, des témoins entendus par le Comité en 1998 ont accusé le Ministère de favoriser les quotas individuels en divisant les groupes de pêcheurs et secteurs et en donnant aux titulaires de permis à QI un accès privilégié à la ressource, et donc de forcer graduellement ceux qui ne détiennent pas de tels permis à quitter ce secteur. On s’inquiétait que le MPO renonce à s’occuper comme c’est son rôle de la gestion des pêches, et qu’il abandonne les infrastructures des pêches traditionnelles où la ressource est considérée comme une propriété collective, pour plutôt chercher à négocier des accords de partenariat avec des groupements économiques particuliers ou des flottes spécialisées([12]). En ce qui concerne les modèles de gestion, nous négligeons les solutions de rechange qui pourraient protéger les intérêts des collectivités.
C. Renouvellement des pêches dans le Pacifique
C’est une pêche en pleine crise. Si nous ne modifions pas sa gestion avant
la saison 2005, il s’ensuivra probablement une faillite collective. Les
difficultés financières sont à ce point graves. – David Bevan, MPO,
sous‑ministre adjoint, Gestion des pêches et de l’aquaculture, Délibérations
du Comité, 4 novembre 2004
Dans l’ensemble, la plupart des stocks dans les eaux de la région du Pacifique semblent en santé, bien que certains aient enregistré une baisse ces dernières années et qu’ils ne pourront alimenter entièrement le secteur de la pêche en 2005 – « Aperçu sur la saison de pêche du saumon pour 2005 », Communiqué, 16 mars 2005
Tous leurs programmes ont des titres qui parlent de « renouvellement » ou de « revitalisation », mais avec ce type de gestion, nos communautés meurent et tous nos petits pêcheurs sont en voie de disparition. – Chef Simon Lucas, coprésident, Nuu-chah-nulth Tribal Council Fishermen’s Committee, lettre au président du Comité sénatorial des pêches, 25 mars 2005
Dans leur spectacle, il n’est pas question de QIT. Ils parlent de « renouvellement des pêches du Pacifique ». J’ai rarement entendu quelque chose d’aussi trompeur – Garth Mirau, vice‑président, United Fishermen and Allied Workers’ Union, Délibérations du Comité, 7 décembre 2004
Le MPO fait une promotion énergique des QIT qu’il considère comme une solution aux nombreux problèmes auxquels doivent faire face les pêches commerciales en Colombie‑Britannique. – Nuu-chah-nulth Tribal Council, mémoire présenté au Comité, 10 mars 2005
En 2003, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial de la Colombie‑Britannique ont constitué le Groupe de travail conjoint sur les pêches après la conclusion de traités, composé de Don McRae, un professeur de droit de l’Université d’Ottawa, et de Peter H. Pearse, un économiste des ressources de premier plan et défenseur des QI, afin de déterminer ce qu’il adviendrait des pêches de la côte Ouest une fois que des traités auront été conclus. Le 5 mai 2004, le Groupe de travail a publié Les traités et la transition – Objectifs : Une pêche durable pour la côte du Pacifique du Canada (annexe 1)([13]). Parce qu’on crée un climat de certitude et de sécurité pour les propriétaires de quotas lorsqu’on leur accorde des quotas à long terme et qu’on permet leur transférabilité, le Groupe de travail Pearse‑McRae a recommandé que :
- l’on achète 33 p. 100 des permis de pêches des pêcheurs commerciaux prenant leur retraite et que ces permis soient réservés au règlement des questions liées aux pêches dans le cadre des traités;
- toutes les pêches aient accès aux permis à quotas (pas seulement la pêche au saumon);
- les quotas soient transférables et accordés à des personnes, entreprises ou associations;
- les quotas soient attribués à long terme (25 ans);
- le nombre de permis à quotas (QI) soit limité;
- les pêches soient gérées à l’aide des modalités annuelles des permis([14]).
Peu de temps après la publication de ce rapport et avant de prendre quelque décision que ce soit, le MPO a annoncé son intention de « demander aux Premières nations et aux pêcheurs d’examiner le rapport et de formuler des recommandations concernant [sa] mise en œuvre », et de tenir compte des conseils d’un panel des Premières nations sur les pêches constitué par le Sommet des Premières nations et la B.C. Aboriginal Fisheries Commission, à qui on avait demandé d’établir une vision pour l’avenir et de déterminer les principes sur lesquels cette vision devrait être fondée. En juin 2004, ce panel a publié Notre place à la table, qui demandait entre autres au gouvernement du Canada d’immédiatement allouer, comme mesure transitoire, « 50 p. 100 des parts de toutes les pêches, sachant que cela pourrait éventuellement atteindre 100 p. 100 pour certaines espèces de poisson ». De plus, le panel demandait un moratoire sur la mise en place de tout nouveau régime axé sur des droits de propriété, comme les QI et les QIT, tant qu’on n’aura pas tout d’abord tenu compte des intérêts des Premières nations, et qu’on leur aura pas accordé des allocations dans ces pêches (annexe 2).
En réponse aux rapports du Groupe de travail conjoint et du panel des Premières nations, le ministre a proposé un plan visant à changer de fond en comble la pêche dans le Pacifique, particulièrement la pêche du saumon, le 14 avril 2005 (annexe 3). Même s’il subsistait des désaccords sur « certaines réformes clés », le ministre considérait que « l’absence de consensus […] ne justifie pas l’inaction ». Au cours de l’année 2005, qui est considérée comme une année de transition, des projets-pilotes seront réalisés « pour mettre à l’essai diverses options afin de déterminer les réformes les plus efficaces »([15]). Des changements permanents sont attendus en 2006.
D. La révision de la politique sur les pêches de l’Atlantique et le Cadre stratégique
La création de cette
politique est avant tout l’aboutissement d’années de consultations tenues
auprès d’intervenants de partout au Canada atlantique. –
L’hon. Geoff Regan, ministre des Pêches et des Océans, Notes d’allocution,
Stabilisation des ententes de partage des plans de gestion visant les pêches
de la côte est, 10 mars 2005
Si je ne devais dire qu’une seule chose aujourd’hui, ce serait que vous mettiez fin à ce processus. Au nom de beaucoup de personnes avec lesquelles j’ai travaillé au fil des ans, j’apprécierai beaucoup que vous ne ménagiez aucun effort pour empêcher l’application de la Révision de la politique sur les pêches de l’Atlantique, car on parle de l’appliquer […] – Daniel MacInnes, département de sociologie, Université St. Francis Xavier, Délibérations du Comité, 10 février 2005
Le CCN demande qu’on examine la privatisation ainsi que les recommandations du rapport du Comité sénatorial de décembre 1998 intitulé Privatisation et permis à quotas dans les pêches canadiennes, avant de mettre au point toute nouvelle politique‑cadre – The Coastal Communities Network, mémoire présenté au MPO dans le cadre de la Révision de la politique sur les pêches de l’Atlantique, Communiqué, 16 mai 2001
Le document de travail concernant la Révision de la politique sur les pêches de l’Atlantique ne traite pas de la privatisation, la politique la plus importante pour la gestion des pêches au cours des 20 dernières années. – Bay of Fundy Inshore Fishermen’s Association, Comments on the AFPR Discussion paper, Access and Allocations, mars 2001
Nous sommes perplexes et méfiants puisque ce document de travail [sur la RPPA] évite clairement toute discussion sur la privatisation, exactement le contraire que ce qu’avait recommandé le Comité sénatorial. – Mark Butler, coordonnateur pour les milieux marins, Ecology Action Centre, mémoire présenté dans le cadre de la RPPA, 15 mars 2001
En mai 1999, le MPO a lancé sa Révision de la politique sur les pêches de l’Atlantique (RPPA) – la première étude de cette ampleur en deux décennies – afin de répondre aux critiques formulées par le vérificateur général, des comités parlementaires et d’autres intervenants. Le but de cette opération était de dresser un cadre de gestion plus cohérent et uniforme, et de dégager un vaste consensus au sujet d’une vision renouvelée des pêches dans l’Atlantique.
Le MPO estime que les nombreuses consultations tenues au cours des six années précédentes constituent des éléments clés pour réaliser ce programme. En juin 1999, des réunions publiques ont été tenues dans les provinces de l’Atlantique, au Nunavut et avec les intervenants du secteur pour les informer de la révision de cette politique et solliciter leurs premières opinions à ce sujet. Cette démarche a entraîné l’établissement en janvier 2000 du Conseil consultatif externe à titre d’organisme consultatif du MPO au cours du processus de la RPPA. Après la publication, en février 2001, d’un document de travail([16]), des consultations publiques ont été organisées dans 19 collectivités des provinces de l’Atlantique, du Québec et du Nunavut en 2001. En juin de la même année, le Groupe indépendant sur les critères d’accès a été créé pour établir des critères et processus décisionnels permettant d’offrir un accès nouveau ou additionnel à des pêches commerciales de l’Atlantique en évolution. Ce groupe a publié son rapport en avril 2002 et le ministre lui a répondu en novembre 2002. Un document de travail, Protéger l’indépendance de la flottille côtière dans les pêches de l’Atlantique, a ensuite été publié en décembre 2003([17]).
Le 25 mars 2004, le ministre a publié le Cadre stratégique de gestion des pêches sur la côte Atlantique du Canada([18]). Qualifié par le MPO de « processus de consultations publiques le plus vaste jamais entrepris par Pêches et Océans Canada », ce cadre stratégique est un plan de travail visant à réaliser les quatre objectifs suivants : la conservation et l’exploitation durable des ressources halieutiques; des pêches autosuffisantes; l’adoption d’une méthode stable et transparente régissant l’accès et la répartition; et une gérance partagée avec les utilisateurs de la ressource. L’objectif global consiste « à moderniser les politiques du gouvernement de façon à ce qu’elles s’adaptent aux changements dans le domaine des pêches », et un certain nombre de principes sont énumérés pour orienter la gestion des pêches à long terme, notamment les éléments suivants :
- des processus décisionnels plus transparents et fondés sur des règles;
- une flottille de pêcheurs côtiers indépendante et viable;
- des modalités de partage des ressources à plus long terme et plus stables;
- des plans de gestion des pêches pluriannuels axés sur la conservation et la gestion des risques;
- des politiques qui encouragent la viabilité et l’autosuffisance de l’industrie([19]).
Le MPO se propose de transformer radicalement son rôle dans la gestion des pêches en passant « de la gestion courante des flottilles et des activités de pêche à un rôle davantage axé sur l’élaboration de politiques, l’établissement d’une orientation stratégique et l’évaluation du rendement ». Cette transformation implique une évolution dans le rôle joué par le Ministère, qui doit ainsi passer « de la gestion directive à la gérance partagée ». Pour y parvenir, certaines responsabilités en matière de gestion doivent donc être déléguées aux utilisateurs de la ressource. Le ministre a également annoncé en mars 2005 sa décision de « stabiliser » les modalités de partage de la ressource pour une période pouvant atteindre cinq ans([20]). Selon le MPO, il s’agissait là d’une première étape cruciale pour créer une approche plus stable en vue de régir l’accès à la ressource et les allocations, et de permettre aux intervenants de participer davantage au processus décisionnel. On considérait que les différends passés concernant l’accès à la pêche et les allocations accaparaient beaucoup trop d’énergie, de ressources et de temps. Dans l’annonce qu’il a faite en mars 2005, le ministre a aussi indiqué qu’il se réservait « le droit de mettre de côté de petites quantités de la ressource à des fins publiques, à savoir la rationalisation (réduction) de la flottille, et d’appuyer les accords de cogestion ».
La RPPA comporte deux phases. La première a permis de produire un cadre stratégique et la seconde permettra d’établir les priorités et de mettre en œuvre certains éléments de ce nouveau cadre stratégique.
E.
Moderniser la Loi sur les pêches
Bien sûr, nous allons travailler à la préparation d’un projet de loi. Rien ne vous empêche de débattre de ces questions avant qu’il soit présenté. – L’hon. Geoff Regan, ministre des Pêches et des Océans, Délibérations du Comité, 8 février 2005
[…] Ainsi donc, nous utilisons au XXIe siècle un instrument hérité du XIXe pour gérer une quantité variable de ressources marines vivantes […] la Loi sur les pêches […] limite notre capacité à trouver différentes façons d’établir des relations avec les pêcheurs. – David Bevan, MPO, sous‑ministre adjoint, Gestion des pêches et de l’aquaculture, Délibérations du Comité, 4 novembre 2004
J’ai lu que le MPO juge que 136 ans de Loi sur les pêches [est désuète] et doit être modernisée. Ce n’est pas les politiques sur les pêches qu’il faut moderniser; il faut plutôt moderniser le MPO. – Daniel MacInnes, département de sociologie, Université St. Francis Xavier, Délibérations du Comité, 10 février 2005
De plus, le programme de 2005 inclut l’adoption de la nouvelle vision et des nouveaux principes. Nous évaluerons d’autres éléments qui jetteront les fondements de l’avenir, notamment les modifications à la Loi sur les pêches nécessaires pour faire avancer le programme […] – MPO, « Le ministre Regan annonce un plan d’action visant à réformer les pêches du Pacifique », Communiqué, 14 avril 2005
Les travaux que votre Comité a réalisés en 1998 et le rapport préparé à la suite de ces consultations sont encore plus pertinents aujourd’hui qu’ils ne l’étaient en 1998. – Garth Mirau, vice‑président, United Fishermen and Allied Workers’s Union, lettre au président du Comité sénatorial des pêches et des océans, 20 décembre 2004
À l’avenir, le MPO a l’intention de « maintenir le cap sur la réforme des politiques de gestion des pêches, d’accroître la participation des Autochtones aux pêches », et de « moderniser les pêches du Canada »([21]). En février 2005, le ministre a indiqué au Comité que le ministère avait envisagé d’éventuels changements à la Loi sur les pêches afin d’officialiser les modalités de partage et de mettre en vigueur une bonne fois pour toutes les nouveaux cadres de gestion en voie d’être mis au point. Le nouveau Cadre stratégique de gestion des pêches de l’Atlantique, tout comme le plan d’action d’avril 2005 du Ministère pour les pêches du Pacifique, pour les réformes permanentes prévues en 2006, mentionne souvent la nécessité d’éventuellement modifier la Loi sur les pêches.
Le MPO parle souvent de « moderniser » la Loi sur les pêches. Si tout va comme prévu, le ministère continuera à l’avenir à être responsable de l’établissement des normes de conservation et à veiller à leur respect, mais les divers intervenants devront assumer des responsabilités plus étendues dans ce domaine et accepter de participer activement à la conservation. En vertu du régime législatif actuel, le MPO est responsable de toutes les décisions de gestion des pêches (évaluation des stocks, établissement du TAC, élaboration et mise en œuvre des plans de pêche, et évaluation des résultats), et il doit rendre des comptes à ce sujet. Il assume donc la réglementation directe du secteur, ce qu’il juge incohérent avec le concept d’autogestion des groupes réglementés. Au fil du temps, le MPO souhaite se retirer du processus décisionnel relatif à l’accès à la pêche et aux allocations de poisson, de manière à s’assurer que les groupes de pression et les considérations politiques ne jouent plus un rôle dans les décisions parce que cela crée « une situation où le rendement de la pêche ne serait pas optimal et où les solutions envisagées en matière de conservation ne seraient pas les meilleures »([22]). Selon le ministre, le fait de confier le processus décisionnel à des organismes indépendants plus proches de l’industrie et des pêcheurs pourrait faire en sorte qu’ils abordent « la gestion de cette pêche moderne de façon plus rationnelle et plus judicieuse »([23]).
On a déjà tenté de modifier la Loi sur les pêches dans la deuxième moitié des années 1990, quand de nouveaux pouvoirs ont été proposés pour permettre au ministre de conclure des « accords de partenariat » à long terme et juridiquement contraignants avec certains groupes de pêcheurs afin de régulariser le rôle qu’ils jouaient dans le processus décisionnel relatif à la gestion de leur pêche particulière et pour fournir davantage de garanties concernant la conservation des permis. Un projet de loi a été présenté, mais est ensuite mort au Feuilleton quand le Parlement a été dissous en 1997. En septembre 1998, le ministre a créé un Comité d’étude indépendant sur le partenariat composé de trois membres afin de le conseiller sur le cadre législatif qui convenait pour ces accords, mais ce comité a toutefois recommandé en décembre 1998 que le ministre renonce à ce projet de loi en raison de l’opposition générale à ce concept([24]).
À l’époque, il y avait beaucoup de confusion au sein de l’industrie à propos du concept de « partenariat » mis de l’avant par le MPO dans le secteur des pêches, et on ne savait pas trop si ces accords différaient de la « cogestion ». On ne savait pas trop non plus si des modifications à la Loi sur les pêches étaient nécessaires pour signer ces accords et si les ententes actuelles entre le gouvernement fédéral et certains groupes de pêcheurs (p. ex. pour les ventes pilotes autochtones en C.‑B.) étaient même légales. De plus, on doutait souvent des motivations et du programme du MPO; les propriétaires ou exploitants indépendants des pêches concurrentielles percevaient ces nouveaux accords comme faisant partie d’un plan délibéré et continu du MPO pour accroître l’influence et le contrôle des entreprises sur les pêches et leur accès à celles‑ci. Les opposants prétendaient que, sans qu’il soit explicite, le véritable objectif des changements législatifs proposés était d’élargir le processus de « privatisation » et d’éliminer le « droit public de pêcher » qui existait depuis des siècles (common law) dans les eaux de marée du Canada([25]) où « des droits de pêche exclusifs » peuvent être créés seulement par la sanction explicite du Parlement, c’est-à‑dire par l’adoption d’une loi([26]).
CE QUE NOUS AVONS ENTENDU : LES PRINCIPALES QUESTIONS SOULEVÉES
Il est clair que nous avons un grave problème au MPO […] Si nous pouvions nous doter d’outils juridiques différents, nous aurions probablement beaucoup moins de maux de tête en matière de finance et de taxes. – David Bevan, MPO, sous‑ministre adjoint, Gestion des pêches et de l’aquaculture, Délibérations du Comité, 4 novembre 2004
Les crustacés ont pris de la valeur. Est-ce une histoire qui finit bien? Non. Que va faire le MPO? Il veut contrôler ces gens et les réorganiser. Pour quelle raison? […] Pas assez d’argent pour la surveillance ni pour autre chose – et ils prétendent que les gens sont pour cette réorganisation. – Daniel MacInnes, département de sociologie, Université St. Francis Xavier, Délibérations du Comité, 10 février 2005
Personne ne faisant pas partie du gouvernement ne nous a fait part des compressions dans les budgets du MPO, en fait l’opposé est vrai. – United Fish and Allied Workers Union, mémoire présenté au Comité, novembre 2004
Une fois de plus, les régions
seront pénalisées par une volonté de réduire les coûts de l’État dans la
gestion des pêches du gouvernement. On va assister à un énorme déménagement
de l’ensemble des collectivités vers les grands centres puisque, comme en
Gaspésie, c’est le seul moteur économique après le tourisme. –
O’Neil Cloutier, directeur, Alliance des pêcheurs professionnels du Québec,
Délibérations du Comité, 24 février 2005
Depuis l’effondrement de la morue de l’Atlantique […] le public canadien a accru ses attentes de gestion efficace, alors qu’en même temps, de persistantes contraintes budgétaires rendent de plus en plus difficile pour le MPO de maintenir ne serait-ce que le contrôle des prises standard d’antan. – L’hon. Bryan Williams, président, Pêche du saumon dans le sud, examen de fin de saison 2004, mars 2005
Il est devenu vite évident lors de nos audiences que les années de compressions budgétaires avaient eu un effet dévastateur sur le MPO. Des témoins ont dit douter que le ministère dispose de suffisamment de ressources financières et de personnel, et encore moins de la capacité, pour s’acquitter de son mandat de base : « élaborer et mettre en œuvre des politiques et des programmes qui appuient les intérêts scientifiques, environnementaux, sociaux et économiques du Canada dans les océans et les eaux intérieures ». On nous a dit qu’en raison de la réduction des budgets, le personnel du MPO n’avait pas les ressources voulues pour s’acquitter convenablement de ses fonctions. Ainsi, un témoin a souligné qu’il arrive souvent que les employés de la région du Pacifique n’aient même pas « assez d’essence à mettre dans leurs bateaux […] pour aller faire leur travail ». On nous a aussi informés que, parce que le ministère est tellement coincé, « sa vision ne va pas plus loin que l’espoir d’arriver à la fin de la journée ou à la fin de la réunion sans que le stock s’effondre »([27]).
Dans son budget de 1995, le gouvernement fédéral s’est engagé à privatiser bon nombre des responsabilités et services du MPO en établissant « des partenariats avec l’industrie des pêches, entre autres, pour ce qui est de la gestion de la capacité, de la délivrance des permis et de l’observation »([28]). Le gouvernement a également annoncé à cette occasion que le ministère cédait les ports récréatifs aux municipalités et à d’autres parties intéressées, et qu’il rationalisait les ports de pêche commerciaux. Depuis, le gouvernement a fortement réduit les budgets d’exploitation du ministère et le mouvement n’est pas encore terminé.
À la suite de l’Examen des programmes, le MPO a commencé à redéfinir ses services de base en axant davantage ses programmes sur « le client » et « la demande ». En décembre 1998, le Comité Savoie sur le partenariat soulignait ce qui suit : « Ce n’est […] pas le fruit d’un pur hasard si les discussions entourant la cogestion et le partenariat ont pris un caractère urgent et prioritaire au moment même où le gouvernement du Canada lançait son exercice d’examen des programmes »([29]). Plus récemment, lors de nos réunions, le Comité a appris que le MPO a terminé un Projet d’évaluation ministériel et d’ajustement (PEMA) afin de mieux ajuster les ressources disponibles aux priorités, et de déterminer des options en vue de l’amélioration de l’efficience et de l’efficacité des programmes et services. Cet exercice devait entraîner une réduction du personnel grâce à l’attrition, notamment une réduction importante du personnel en poste à Ottawa([30]).
Un autre message clair que nous avons entendu souvent est que le MPO ne dispose pas des données scientifiques voulues pour s’acquitter de son mandat efficacement([31]). Les données scientifiques constituent un élément clé pour garantir la stabilité, la prévisibilité et le développement des pêches durables, et des témoins nous ont entretenus des coupes qui sont décrétées dans les travaux scientifiques financés par le MPO, au moment même où s’accroissent les attentes et exigences du public concernant des données scientifiques valables sur des questions marines complexes. Pour ce qui est de faire plus avec moins, le ministre a informé le Comité que le ministère a entrepris un processus d’examen et que les travaux scientifiques pourraient être renforcés grâce à l’élaboration de nouvelles stratégies de financement et de partenariat avec les intervenants du secteur, appuyées par des réformes fondamentales dans la gouvernance des pêches. Des témoins ont mentionné que le ministère a déjà transféré à l’industrie les coûts et responsabilités liés aux activités scientifiques, ce qui a soulevé des questions sur la transparence de la gestion des pêches et des travaux scientifiques puisque des entreprises financent des travaux scientifiques et des recherches, tout en agissant comme co-gestionnaires de la ressource. Dans la région de l’Atlantique, des porte-parole de la pêche côtière ont dit craindre que le financement de la recherche scientifique par des entreprises n’entraîne l’abandon de la politique sur les propriétaires/exploitants (destinée à éloigner les entreprises du secteur de la pêche côtière à l’aide de petits bateaux).
Les témoignages relatifs aux problèmes budgétaires du MPO ne se sont pas limités aux travaux scientifiques; des questions concernant l’application de la loi ont été soulevées également. Des fonctionnaires tout à fait au courant de ce problème ont indiqué estimer que l’application de la loi constitue « un réel problème ». Nous avons appris que bien qu’on compte davantage d’agents des pêches aujourd’hui qu’il y a cinq ans, leur nombre diminue par attrition parce que le ministère ne dispose pas d’un budget de fonctionnement suffisant. Nous avons également appris que le MPO souhaite s’engager sur la voie de ce qui a été décrit comme un régime de conformité modernisé, plus efficient et fondé sur des sanctions administratives, un système qui serait moins coûteux que de recourir comme le ministère le fait actuellement au droit criminel pour appliquer les règlements sur les pêches. Le Comité souligne que l’examen d’après-saison de la gestion des stocks de saumon du fleuve Fraser en 2004 montre clairement qu’il y a eu application insuffisante des règlements et que cela a constitué un facteur très important dans le fait que 1,3 million de saumons rouges ont manqué à l’appel en 2004([32]).
Comme il doit faire face à de sérieuses restrictions budgétaires, il ne fait aucun doute que le MPO est très intéressé par le concept de « cogestion » pour l’auto-réglementation des pêches fondées sur des QI et QIT. Non seulement ce concept permet‑il au ministère de céder ses responsabilités de gestion à l’industrie (ou de s’en « décharger »), mais il lui offre aussi la possibilité de recouvrer ses coûts. Le MPO exige des frais de l’industrie pour la délivrance des permis et d’autres privilèges – le principe directeur étant que ceux qui tirent profit de l’accès à la ressource devraient payer des droits correspondant à la valeur de ce privilège. Les déclarations qui suivent résument bien bon nombre des témoignages entendus en ce qui concerne l’impasse budgétaire dans laquelle se trouve le MPO :
Si nous avions une meilleure collaboration avec les pêcheurs, si nous avions la possibilité de conclure des ententes avec eux et de partager l’intendance de la ressource, nous pourrions faire beaucoup plus avec les fonds dont nous disposons. – David Bevan, MPO, sous‑ministre adjoint, Gestion des pêches et de l’aquaculture, Délibérations du Comité, 4 novembre 2004
Présentement, au niveau du contrôle de la ressource, c’est une section du ministère des Pêches et des Océans qu’on appelle « protection ». Là aussi les budgets sont réduits. L’autre mandat du ministre des Pêches et des Océans est de diminuer l’ampleur de ses dépenses. Nous assistons à des disparitions de postes au niveau de la protection. D’ailleurs, c’est pour cette raison que les pêcheurs innovent en s’impliquant davantage dans la protection par différents projets. En fait, on doit remplacer le rôle du ministre puisque son budget est constamment coupé par le gouvernement. Ce n’est pas le privé qui pourra le faire. Ce sont les collectivités qui jouent ce rôle en se disciplinant, en s’autogérant et en s’autocontrôlant. Nous ne retrouvons pas cela dans le modèle de la privatisation parce que ce dernier est un modèle où l’argent est vite fait et bien fait. – O’Neil Cloutier, directeur, Alliance des pêcheurs professionnels du Québec, Délibérations du Comité, 24 février 2005
Je crois que la plupart des problèmes du MPO sont le résultat des coupures budgétaires, notamment avec le recouvrement des coûts, qui envahit tout au MPO. Les quotas sont l’outil naturel de la récupération des coûts; je crois que les deux sont absolument liés. – Garth Mirau, vice‑président, United Fishermen and Allied Workers’ Union, Délibérations du Comité, 7 décembre 2004
Depuis
plusieurs années déjà, les Canadiens se plaisent beaucoup à parler de la
réduction de la taille de l’État et à encourager ce genre de choses. C’est
devenu comme un leitmotiv […] Dans une certaine mesure, l’intérêt que le
Ministère manifeste depuis plusieurs années envers le partenariat ou la
cogestion dépend beaucoup de ce dont je vous ai déjà parlé, c’est-à-dire de
la disparition des ressources données au Ministère pour faire certaines
choses. En règle générale, lorsqu’on se cherche un partenaire commercial,
c’est un bailleur de fonds qu’on veut. Cela était assurément un des
éléments de l’équation. Il pourrait y avoir une véritable coopération entre
le Ministère et les utilisateurs de la ressource, une coopération qui
permettrait d’améliorer le sort de l’un et des autres et d’améliorer la
gestion. C’est ce qu’on appelait jadis parfois l’attitude du papa qui a
toujours raison, c’est-à-dire que les gens d’Ottawa savaient vraiment la
meilleure chose à faire et disaient aux pêcheurs d’emboîter le pas alors
même que ces derniers avaient leur propre opinion sur la question. – Earle
McCurdy, Fish Food and Allied Workers, président du Conseil canadien des
pêcheurs professionnels, Délibérations du Comité,
24 février 2005
B. La rationalisation des pêches
Le message du MPO, lors du Plan Mifflin, reposait sur la trop grande quantité de bateaux pêchant trop peu de poissons. C’était faux en 1996, et davantage erroné aujourd’hui. – United Fish and Allied Workers Union, mémoire présenté au Comité, novembre 2004
Par le passé, le problème, c’était « trop de pêcheurs pour pas assez de poisson ». Aujourd’hui, avec les quotas et les permis qui ont acquis une valeur sans précédent, le problème, c’est plutôt « trop d’argent pour pas assez de poisson ». – Ecotrust Canada and Ecotrust, Catch-22: Conservation, Communities and the Privatization of B.C. Fisheries, novembre 2004
Les planificateurs du MPO fondent toujours leurs arguments sur la logique économique et la conservation pour favoriser le retrait forcé des petits pêcheurs. – Premières nations Nuu-chah-nulth, mémoire présenté au Comité, 10 mars 2005
La rationalisation est à l’ordre du jour […] Il y a sur la table un certain nombre de solutions, de façons de procéder au niveau communautaire pour assurer la viabilité. Pour nous, c’est quelque chose de très réel […] nous allons diversifier la pêcherie afin de pouvoir créer de l’emploi dans les collectivités et assurer par là leur viabilité au lieu de les voir se dégrader et se marginaliser. – Sandy Siegel, secrétaire exécutif, Union des pêcheurs des Maritimes, Délibérations du Comité, 24 février 2005
Bien sûr, il y en a qui sont pour – ceux qui se sont enrichis, ceux qui, à mon avis, détiennent des permis, les ont collectionnés grâce à la politique du MPO. Ces gens-là ne veulent pas que d’autres pêcheurs viennent s’ajouter à leurs rangs – Daniel MacInnes, département de sociologie, Université St. Francis Xavier, Délibérations du Comité, 10 février 2005
Sur les deux côtes, les pêcheurs ont eu pour la dernière fois l’occasion de quitter leur emploi avec l’aide de l’État en 1998, grâce au Programme d’adaptation et de restructuration des pêches canadiennes. À l’avenir, le gouvernement fédéral ne prévoit pas offrir de nouveaux programmes de rachat ou de retrait de permis. Selon le MPO, les anciens programmes de retrait de permis n’ont pas réussi à réduire l’excès de capacité de pêche : ils ont seulement intéressé les titulaires de permis dont la capacité de pêche était modeste. L’approche actuelle du MPO vise à promouvoir une industrie autonome, viable et durable, sans aide spéciale de l’État([33]). Entre 1990 et 2000, l’effectif des pêcheurs sur les deux côtes est passé de 81 473 à 56 427 et le nombre de bateaux de pêche, de 35 135 à 23 819([34]).
En ce qui a trait aux pêches dans le Pacifique, le ministre a indiqué en février 2005 que même si la plupart des pêches allaient très bien, il y avait une baisse constante tant du nombre de saumons débarqués([35]) que de leur valeur. Le Groupe de travail conjoint Pearse‑McRae a conclu lui aussi que la plupart des pêches vont bien mais que celle du saumon est précaire. De nouvelles stratégies de gestion sont donc nécessaires pour offrir à l’industrie un environnement dans lequel elle pourrait réaliser tout son potentiel. Le Groupe de travail a noté un rejet généralisé du statu quo dans la pêche au saumon et il estime le moment venu pour une action déterminante, soit l’introduction de droits de propriété pour revigorer non seulement la pêche au saumon mais toutes les pêches dans la province : il recommande donc un nombre restreint de QIT d’une duré de 25 ans.
Le ministre nous a dit en février 2005 que les effectifs de la morue de l’Atlantique demeurent à leur creux historique et que les grandes pêches montrent des signes d’essoufflement. Quant au rachat de permis et autres interventions d’envergure, le Cadre stratégique de gestion des pêches sur la côte Atlantique affirme clairement qu’elles sont terminées. Comme certaines flottilles sont encore trop considérables pour les stocks disponibles, il faut « des mécanismes d’adaptation de leur capacité globale afin d’assurer à long terme des niveaux de ressources durables ». Il est donc suggéré que les flottilles proposent dès maintenant des mécanismes d’adaptation, comme les QIT, qui permettent aux entreprises de se combiner ou de s’associer en regroupant leur part du quota (ou leurs permis ou leurs engins), ou encore l’émission de permis et de quotas par un conseil de planification de la flottille.
Le ministre a également indiqué que les QIT peuvent convenir à certaines espèces et à certaines pêches, mais non à d’autres; le MPO a donc dû les envisager au cas par cas([36]). Étant donné la diversité socioéconomique des pêches canadiennes, les fonctionnaires nous ont dit chercher « des moyens de permettre aux pêcheurs de faire des choix par eux-mêmes » sans préconiser « nécessairement une approche uniforme applicable à tout le monde »; enfin, « il n’appartient pas au gouvernement du Canada de dicter quoi faire aux gens, qu’il s’agisse de pêcheurs autochtones ou commerciaux »([37]).
À cet égard, selon la politique du MPO sur la côte Atlantique, il faut que deux tiers des titulaires donnent leur aval de permis avant qu’on puisse passer à la gestion par quota individuel dans une pêche([38]). Ce n’est pas la politique officielle dans la région du le Pacifique, où on nous a dit que les fonctionnaires supérieurs du MPO qui ont conçu les programmes de QI travaillent maintenant pour les bénéficiaires et interviennent en leur faveur; que le MPO a engagé des consultants qui ont par le passé produit des rapports ou des études dont le ministère avait besoin pour justifier certaines de ses politiques; et que, depuis les années 1990, le MPO a à peu près cessé de tenir compte des conséquences socioéconomiques de ses décisions. Sur ces questions et sur d’autres, la United Fishermen and Allied Workers’ Union a réclamé une enquête judiciaire sur les politiques d’octroi de permis commerciaux et de la gestion des pêches dans la région, laquelle aurait le pouvoir d’assigner des témoins à comparaître sous serment. Faire moins, cela donnerait encore le même résultat : « bien des histoires mais très peu de faits »([39]).
Selon la théorie économique, la justification première des QIT, c’est le rendement économique accru de la pêche individuelle. Nonobstant les imperfections du marché, l’orientation vers les profits et la préoccupation des coûts donnent lieu à la pêche la plus efficace. En vertu des QI, le capital investi pour acheter davantage d’équipement afin d’accroître la capacité de pêche devient en grande partie inutile parce que les propriétaires de bateaux ont une part des captures assurée et peuvent pêcher pendant toute la saison de la façon la plus économique. Quand ces permis sont transférables (cas des QIT), ils deviennent un outil de gestion très puissant pour réduire l’effort et la capacité de pêche d’une flottille donnée([40]). Les exploitants qui trouvent leur quota trop modeste pour générer un profit peuvent acheter ou louer celui des autres, ou encore le vendre et se retirer de la pêche. Ceux qui partent parce que la pêche n’est pas rentable et ceux qui prennent leur retraite reçoivent un rendement financier sur leur investissement, sans frais pour l’État (ni le contribuable) qui n’assume plus le retrait ni le rachat des permis. Le résultat inévitable de la rationalisation, c’est la consolidation des flottilles (moins de pêcheurs et de bateaux) sans frais pour l’État. Certains témoins ont brandi le spectre de grosses compagnies qui en viendraient à contrôler ainsi une bonne partie des pêches (si le gouvernement n’intervient pas).
Les tenants des QI affirment que leurs titulaires pêchent de façon plus responsable en devenant propriétaires de la ressource; quand une ressource renouvelable appartient à tous, rien n’incite qui que ce soit à la préserver. On croit que la propriété commune des ressources halieutiques est le premier obstacle à sa bonne gestion, et l’attribution de droits de propriété sous forme de QI, en particulier de QIT, constitue la seule solution. Cette affirmation est cependant contestée par M. Parzival Copes qui nous a expliqué que parce que les stocks et les écosystèmes marins sont de par leur nature même de propriété commune indivisible([41]), les QIT peuvent avoir de nombreux impacts négatifs sur la productivité de la pêche et la conservation (pièce 1). Même si les QIT offrent des avantages considérables à court terme en matière de rationalisation de la capacité de pêche, d’un point de vue économique, ils sont vulnérables aux inefficacités de la capture qui peuvent grever la productivité globale de l’industrie([42]). Bien des choses peuvent aller mal avec les QIT. Bien des témoins signalent que ces quotas nécessitent des évaluations de stocks de grande qualité scientifique et un recensement complet et exact des débarquements (contrôle et inscription des prises à quai).
Pièce 1
Impacts négatifs des QIT sur la productivité de la pêche et la conservation des stocks
Sources de l’impact (voir annexe 5) :
A. Contraintes de gestion
· Le TAC, mesure peu souple
· Système quasi irréversible
· Rejet ou accroissement des prises accessoires
· Incompatibilité entre gestion monospécifique et gestion de l’écosystème
B. Comportements induits par le système
· Dépassement des quotas
· Écrémage
· Rejets pour faire monter les prix
· Escalade des quotas
· Spéculation et épuisement des stocks
· Falsification des données
Source : Parzival Copes, mémoire présenté au Comité sénatorial permanent des pêches et des Océans, 17 février 2005.
Un effet particulièrement néfaste des permis à quota, c’est le fait qu’ils incitent fortement les pêcheurs à rejeter le poisson de faible valeur et de petite taille (qui compte dans le quota individuel) en faveur du poisson de plus grande valeur, en particulier lorsque les QI sont trop faibles pour être rentables pour le titulaire. Cette pratique, l’écrémage, est plus fréquente quand le pêcheur a emprunté pour acheter un quota coûteux dans l’espoir d’obtenir un rendement raisonnable pour son investissement. Dans les pêches de l’Atlantique, l’écrémage, sorte de gaspillage destructeur analogue à l’exploitation minière à ciel ouvert, s’est enraciné et est devenu tacitement accepté. Le Comité a été sensibilisé pour la première fois à cette pratique condamnable dans les pêches au poisson de fond de l’Atlantique vers 1985. Même si l’écrémage se pratique également dans les pêches concurrentielles, le « bénéfice personnalisé » du rejet est considéré moindre parce que les pêcheurs sont incités à débarquer tout ce qu’ils ont capturé([43]).
D’autres lacunes graves des QI viennent du fait qu’ils ne favorisent en rien l’« équité sociale ». L’analyse purement économique des QI ne tient pas compte de leur effet sur la distribution des revenus. À cet égard, il peut être très problématique d’accorder initialement des QI justes, au sein d’une flottille, parce qu’au Canada comme ailleurs, la répartition initiale s’inspire des prises antérieures de chaque pêcheur, afin de récompenser ceux qui sont demeurés actifs et véritablement attachés à la pêche. Cependant, ces bilans de pêche peuvent être injustes, faussés ou inexacts, pour plusieurs raisons([44]).
L’allocation initiale d’un quota confère une richesse considérable à un nombre de titulaires restreints et sélectionnés, car il s’agit au départ d’une véritable manne. Le système à QIT transforme le permis de pêche en quota, quantité acquise et monnayable de poissons. Comme on peut s’y attendre, le propriétaire du quota devient généralement un partisan acharné de son droit de pêche, une fois celui‑ci instauré. Pour les générations subséquentes de petits pêcheurs aspirant à épargner suffisamment pour acheter un bateau ou devenir propriétaires-exploitants, le prix élevé d’un quota devient un obstacle financier à l’entrée dans la pêche. Le nouveau venu s’endette pour acquérir un quota et doit rembourser sa dette par ses prises. Certains sont en mesure de louer le quota d’un « pêcheur de salon », qui profite de la pêche sans travailler lui-même ni assumer le risque de dommage à la propriété ou de blessures personnelles. En théorie, le QIT est censé réduire le coût global de la pêche et la surcapacité d’une flottille; en pratique, la somme totale investie dans la flottille augmente à cause du prix croissant des quotas.
Le passage au QIT favorise invariablement ceux qui sont en mesure d’acheter une plus grande part de la pêche, comme les compagnies et les riches investisseurs. Les propriétaires de quotas peuvent vendre à des personnes qui délocalisent ensuite leur base d’opération (et la concentre dans les villes). Cette redistribution géographique déplace les travailleurs et sème le chaos dans les petites localités dépendantes de la pêche commerciale et de ses retombées économiques. La manne des quotas peut également diviser les communautés entre ceux qui en ont et ceux qui n’en n’ont pas([45]). Avec moins d’individus capables de se payer l’accès à la pêche, la « privatisation » devient dans les faits une « corporatisation ». Certes, on peut plafonner les quotas pour empêcher une accumulation excessive; quant au contrôle réel d’un quota donné, c’est une toute autre affaire([46]).
Tout cela interpelle la politique. Faut-il limiter d’une façon quelconque la richesse considérable créée par les permis à quota? Doit-elle être partagée d’une certaine façon avec d’autres pêcheurs? Doit-elle profiter à l’État fédéral sous forme de « rente sur la ressource » en échange du privilège exclusif de captures?
C. Tendances dans les pêches côtières de l’Atlantique
Ces intervenants nous ont
également dit que le premier changement qui les préoccupait était l’atteinte
d’une stabilité, car sans la stabilité dans l’accès et l’allocation, il
était inutile de mettre en œuvre des changements d’envergure. – L’hon. Geoff
Regan, ministre des pêches et des océans, notes pour un discours,
stabilisation des ententes de partage des plans de gestion visant les pêches
de la côte est, 10 mars 2005
La politique précédente avait divisé les zones côtières, voilà qu’elles renaissent de leurs cendres. Pourquoi? Parce que les poissons ne mangent plus les petits homards, les crabes et les crevettes […] – Daniel MacInnes, département de sociologie, Université St. Francis Xavier, Délibérations du Comité, 10 février 2005
Nous venons témoigner et nous espérons que vous comprendrez que c’est très important pour les régions, on ne parle pas que de la Gaspésie, mais de l’ensemble des collectivités autour du golfe Saint-Laurent. C’est cinq provinces. C’est tout ce qu’il nous reste. S’il vous plaît, gardez-nous en un peu. – O’Neil Cloutier, directeur de l’Alliance des pêcheurs professionnels du Québec, Délibérations du Comité, 24 février 2005
Nous venons de terminer une étude sectorielle […] Il s’agit d’une analyse du secteur des pêches la plus à jour au Canada. Un des principaux points qui ressortent de cette étude est que les collectivités côtières éprouvent d’énormes difficultés. – Sandy Siegel, secrétaire exécutif, Union des pêcheurs des Maritimes, Délibérations du Comité, 24 février 2005
Comme on pouvait le prévoir, une politique économique cherchant exclusivement des solutions capitalistes a causé des torts aux dimensions écologiques et sociales des pêches canadiennes et entraîné des coûts substantiels. On a qu’à voir les résultats dans les pêches de l’Atlantique. – Parzival Copes, Some Critical Considerations for Policy and Management in Canada’s Atlantic Fisheries, 31 mai 2001
En 1977, quand le Canada a étendu sa zone économique exclusive de 12 à 200 milles marins, on a anticipé un boom économique dans les pêches. Les banques ont offert des prêts aux pêcheurs et aux transformateurs pour qu’ils agrandissent leurs opérations. L’État a accordé des subventions pour l’achat de nouveaux bateaux, l’expansion des usines de transformation et la construction de nouvelles usines. Le déplacement graduel prévu de la flotte étrangère était vu comme une occasion particulièrement bonne de développer au Canada la pêche hauturière au chalut pour le poisson de fond, puis pour les grandes espèces de l’Atlantique([47]). Avant l’imposition d’un moratoire sur la pêche, trois compagnies verticalement intégrées se sont vu accorder plus de la moitié du poisson de fond pélagique, le reste étant réservé aux pêcheurs côtiers, qui ont également reçu un accès presque exclusif au homard, au crabe et au pétoncle, espèces beaucoup moins précieuses à l’époque qu’aujourd’hui. Afin de promouvoir le « rendement économique » et de permettre une capture « plus ordonnée », le ministère a créé un système à QI appelé allocation d’entreprise (AE) pour la pêche au poisson de fond pélagique au début des années 1980([48]).
En moins de 10 ans d’utilisation généralisée des AE, les stocks de poissons de fond de l’Atlantique dans la zone canadienne ont connu un effondrement radical et multiple, l’un des pires désastres écologiques des temps modernes, comparé à l’époque par certains à un fléau de proportion biblique. Personne ne connaît très bien les raisons de cet effondrement; il n’y a jamais eu d’enquête officielle sur le sujet([49]). Quand les moratoires sur les pêches ont été annoncés pour la première fois, les gens pensaient qu’ils dureraient de cinq à dix ans, après quoi tout reviendrait à la normale comme cela avait été le cas depuis 500 ans. Pour près de 1 300 localités de la région de l’Atlantique([50]), l’impact social et économique a été désastreux : plus de 40 000 personnes ont perdu leur emploi, ce qui constitue la plus grosse mise à pied effectuée d’un seul coup au pays. Entre 1992 et 2001, le gouvernement fédéral a dépensé 3,9 milliards de dollars en aide à l’adaptation et au développement, y compris en créant des programmes de retrait de permis pour réduire le nombre de pêcheurs actifs. Environ 3 700 permis de pêche au poisson de fond de l’Atlantique ont été rachetés en vertu de trois programmes distincts([51]).
Des milliers de Canadiens qui habitent des centaines de localités de l’Atlantique subissent toujours les conséquences de cet effondrement des pêches. À Terre-Neuve-et-Labrador, la population a diminué de 8 p. 100 (environ 46 000 personnes) depuis 1992‑1993, et de nombreux jeunes ruraux ont dû quitter la province pour chercher du travail ailleurs au Canada([52]). Contrairement à ce qu’on constate en général ailleurs au pays, la majorité de la population de la région de l’Atlantique est rurale, et environ le quart vit dans des petits villages de pêche. À Terre-Neuve-et-Labrador, ce pourcentage atteint même 54 p. 100([53]).
Le but du Cadre stratégique de mars 2004 « est de lancer les bases d’une pêche atlantique progressant dans la voie de l’autosuffisance, contribuant au bien-être des collectivités côtières et capables de survivre aux ralentissements avec un taux d’insuccès ne dépassant pas la normale et sans l’aide du gouvernement ». Tels étaient les objectifs du Groupe d’étude des pêches de l’Atlantique en 1982, il y a plus de 20 ans, lesquels influent depuis sur la politique dans la région. Le Cadre prévoit également la création de « conditions qui, à long terme, permettront aux utilisateurs de la ressource d’être plus autonomes, plus rentables et plus autosuffisants ». Pour créer ces conditions, le MPO « précisera la façon dont il peut favoriser la viabilité des collectivités côtières » et « accordera aux utilisateurs de la ressource un rôle plus important dans la détermination des objectifs socio-économiques ». Pour ce qui est du bien-être des populations côtières, il s’agit là d’une « responsabilité collective qui ne saurait reposer exclusivement sur les mesures prises par le MPO ». Alors que « par le passé, une grande partie de la population côtière comptait sur la pêche pour résoudre des problèmes économiques et sociaux plus vastes », le Cadre soutient aujourd’hui qu’il « est généralement reconnu qu’il n’y a tout simplement pas assez de ressources pour répondre aux besoins toujours croissants en matière d’emploi, de revenu et d’allocation de ressources ».
Durant nos réunions, les représentants du MPO ont indiqué que le ministère n’a pas une politique claire relative à l’emploi dans les pêches, et qu’il ne vise pas non plus à en adopter une; ils ont ajouté que l’assurance-emploi des pêcheurs avait accru la participation à la pêche([54]), constat qu’un témoin a fortement contesté par la suite :
La mentalité économique du MPO est désuète. Pendant longtemps, les habitants du Canada Atlantique ont été insultés par l’idée présentée à maintes reprises par le MPO que nous avons une pêche associée à l’aide sociale. J’ai été choqué l’autre jour par les propos de M. Bevan déclarant au Comité que l’assurance-chômage est encore une question majeure dans la pêche. Est-il au courant de la situation? Les pêcheurs de homard gagnent 50 000 dollars en quelques semaines. Les pêcheurs de crabe peuvent faire 100 000 dollars en dix jours. Ils ne s’inquiètent pas de leur assurance-chômage. Ce n’est pas cela dont il s’agit du tout. On ne peut plus utiliser les vieilles questions sociales. Cet argument est mort. Il y a une nouvelle pêche dans le Canada Atlantique. – Daniel MacInnes, département de sociologie, Université St. Francis Xavier, Délibérations du Comité, 10 février 2005
En fait, contrairement à ce qu’on croit généralement, les années 1990 ont été une période où les pêches de l’Atlantique se sont appréciées. L’ironie écologique de l’effondrement, c’est que parce que les poissons de fond, comme la morue, sont des prédateurs naturels des crustacés comme le homard et le crabe, la pêche commerciale de ces espèces a pu se développer rapidement pour devenir dominante dans la région. La valeur débarquée a atteint de nouveaux sommets et la vocation des usines de transformation a changé en conséquence. En 2003, trois crustacés et un mollusque de l’Atlantique (homard, crabe des neiges, crevette et pétoncle) comptaient pour plus de 83 p. 100 de la valeur totale des captures. Les flottilles côtières de petits bateaux, qui assurent 98 p. 100 de l’emploi dans la pêche, ont débarqué environ 75 p. 100 du total des prises de l’Atlantique (environ 1,8 milliard de dollars en 2003, soit près de 84 p. 100 de la valeur totale des débarquements canadiens de 2,2 milliards).
Cela dit, le témoignage annonce un avenir incertain pour
les Canadiens des côtes de l’Atlantique qui dépendent de la pêche. Ainsi,
les résultats préliminaires d’une récente étude sectorielle menée par le
Conseil canadien des pêcheurs professionnels révèlent que même si les stocks
demeurent stables ou augmentent, la tendance économique et démographique
dans la région de l’Atlantique menace sérieusement la survie des pêches
communautaires. L’étude indique également que les compressions budgétaires
au MPO et le transfert des responsabilités à d’autres niveaux grèvent les
seuils de rentabilité de la flottille et créent la méfiance envers le
ministère; que le prix des permis de pêche a augmenté radicalement; que la
main-d’œuvre vieillit vite; que l’arrivée de la relève est lente; et que le
manque de pêcheurs compétents et déterminés pèsera de plus en plus lourd sur
les entreprises de pêche. Le départ des jeunes ruraux est une autre grande
source d’inquiétude([55]).
D. Accords de fiducie dans les pêches de l’Atlantique
La stabilisation de l’accès et des allocations est une première étape
cruciale. Pour moi, c’est la première chose que réclament les représentants
de ce secteur. –
L’hon. Geoff Regan, ministre des pêches et des océans, Délibérations du
Comité,
8 février 2005
[Les contrats de fiducie] sapent complètement la politique publique, et cela fait cinq ans maintenant que nous tournons en rond. Nous commençons à en avoir assez […] Nous avons besoin de changements sans plus tarder. – Earle McCurdy, président, Fish Food and Allied Workers Union, Délibérations du Comité, 24 février 2005
Il faut comprendre que la pêche aujourd’hui, c’est une culture pour nous […] On est profondément ancré dans nos régions. Si le gouvernement ne s’assure pas que ces deux principes sont maintenus dans la loi, nous allons assister malheureusement […] à un effritement du tissu social en région. – O’Neil Cloutier, directeur de l’Alliance des pêcheurs professionnels du Québec, Délibérations du Comité, 24 février 2005
Il s’agit d’un problème sérieux, comment allons-nous faire en sorte que la prochaine génération participe à l’industrie de la pêche. – Daniel MacInnes, département de sociologie, Université St. Francis Xavier, Délibérations du Comité, 10 février 2005
Bientôt, il sera trop tard pour agir. – Sandy Siegel, secrétaire exécutif, Union des pêcheurs des Maritimes, Délibérations du Comité, 24 février 2005
En 1979, le gouvernement fédéral a mis en place un cadre stratégique à deux volets. Le premier, la politique de séparation des flottilles, empêchait l’émission de nouveaux permis de pêche à des entreprises, y compris des compagnies de transformation, pour des bateaux de moins de 65 pieds([56]). Cet écran de protection entre les flottilles côtière et hauturière a été érigé en réponse aux craintes suscitées dans l’Atlantique par la concentration des permis de pêche dans les mains des grandes entreprises ainsi que pour accroître la concurrence entre les acheteurs des produits de la pêche côtière. Le deuxième élément, la politique du propriétaire-exploitant, prévoit que les permis de pêche côtière ne peuvent servir qu’à leur titulaire, personnellement, afin que les retombées économiques demeurent dans les mains de ceux qui pêchent (les capitaines et les membres d’équipage).
L’appréciation des prises côtières (valant quelque 1,4 milliard de dollars et dans lesquelles le homard et le crabe des neiges représentent les trois quarts du total([57])) n’est pas passée inaperçue chez les transformateurs, les pêcheurs côtiers et les investisseurs extérieurs à la pêche. On nous a dit que les permis de pêche côtière font de plus en plus l’objet d’accords de fiducie, contrats privés liant légalement les signataires, qui destinent souvent l’usage du permis (l’intérêt bénéficiaire) par intérêt mutuel, aux compagnies ou à des tiers, à l’encontre des politiques du propriétaire-exploitant et de la séparation des flottilles. Ces subterfuges juridiques, ces contrats au noir, permettent un contrôle occulte des permis et des quotas, minent la politique de l’État et siphonnent le revenu des pêcheurs. Dans le cas des participants absents de la pêche, qualifiés de pêcheurs « de salon » ou « en pantoufles », les profits de la pêche ne s’accompagnent d’aucun risque de blessures. Comme les contrats de fiducie sont privés, le MPO nous a appris qu’il ne peut les contrôler ni les enregistrer.
L’accès au capital semble être le moteur des accords de fiducie : parce que les permis de pêche sont temporaires et non transférables de par la loi, les institutions financières ne peuvent pas prêter d’argent contre leur valeur([58]). Face aux craintes généralisées, le MPO a fait paraître en décembre 2003 un document intitulé Protéger l’indépendance de la flottille côtière dans les pêches de l’Atlantique devant servir de base à sept séances de consultations publiques distinctes de la RPPA en janvier 2004([59]). Les syndicats de pêcheurs s’opposent fortement aux contrats de fiducie et veulent s’en débarrasser. Ils ont attiré notre attention sur les faits suivants : le document de travail de 2001 du MPO ne dit rien de ces contrats; le document de décembre 2003 reconnaît qu’ils contreviennent clairement à la politique, mais inclut une liste de questions sur la façon de favoriser la « souplesse »; le nouveau Cadre stratégique affirme maintenant que le MPO compte prévenir leur utilisation([60]). Les pêcheurs nous ont exprimé un appui quasi unanime au renforcement des politiques du propriétaire-exploitant et de la séparation des flottilles. Le ministre a exprimé le même appui devant le Comité, mais a également affirmé que les avis sur la question étaient partagés. Le ministère n’a pas encore expliqué comment il entend donner suite à son engagement.
La question préoccupe beaucoup le Conseil canadien des pêcheurs professionnels et ses organismes membres, depuis leur deuxième assemblée générale tenue en janvier 2000. Les membres du Conseil estiment que le règlement du problème sera un point tournant pour les pêches et les populations côtières : il en résultera soit un renforcement de la pêche côtière, soit le début de la fin. La déclaration suivante constitue un bon résumé de la situation :
Le ministère signale qu’il y a un problème, mais il ne fait rien pour le résoudre. On s’empresse de signer quantité d’accords de fiducie, parce qu’on sait ce qui s’en vient. La centralisation et la concentration de la ressource continuent à prendre de l’ampleur, alors même que le MPO s’apprête à intervenir, ce qui n’est pas encore chose faite. Aussi le sol est en train de s’affaisser sous nos pieds. – Sandy Siegel, Union des pêcheurs des Maritimes, Délibérations du Comité, 24 février 2005
Certes, on pourrait modifier le règlement pour préciser que l’« intérêt légal » du titulaire d’un permis de pêche et l’« intérêt bénéficiaire » du permis sont inséparables mais cela ne règlerait pas le problème financier des nouveaux venus, en particulier les jeunes intéressés à faire carrière dans la pêche. On a dit que la question était urgente : un grand transfert entre générations est prévu d’ici 10 ans, car la majorité des titulaires de permis vont prendre leur retraite (l’âge moyen des chefs d’entreprise étant de 48 ans). Dans beaucoup de pêches sinon la plupart, les permis valent des centaines de milliers, parfois des millions de dollars. Les accords de fiducie seraient devenus courants dans la pêche au homard à cause de l’augmentation radicale des prix. Ainsi, dans la zone 34, les permis se vendraient jusqu’à 850 000 $ en hausse par rapport à 300 000 $ en 1999([61]).
E.
Urbanisation de la pêche en Colombie-Britannique
La solution de Pearse et McRae était de créer des QIT […] Il y aurait moins de navires et, par conséquent, plus de possibilités de pêche. – David Bevan, MPO, Sous-ministre adjoint, gestion des pêches et de l’aquaculture, Délibérations du Comité, 4 novembre 2004
Les solutions du MPO ont créé autant de problèmes économiques, sociaux et écologiques qu’ils en ont réglés – Ecotrust and Ecotrust Canada, Catch-22: Conservation, Communities and the Privatization of B.C. Fisheries, novembre 2004
Le rapport Ecotrust intitulé « Catch 22: Conservation, Communities and the Privatization of BC Fisheries » est un excellent rapport qui répond pertinemment et en détail aux positions présentées par le professeur Pearse. – Daniel MacInnes, département de sociologie, Université St. Francis Xavier, Délibérations du Comité, 10 février 2005
Le modèle de la privatisation des ressources que tente d’implanter le gouvernement canadien est un modèle qui vient de la Nouvelle-Zélande où il y a beaucoup de communautés qui souffrent du fait qu’on a privatisé la ressource. D’ailleurs, nous avons ce même modèle dans l’Ouest canadien où des gens peuvent témoigner de l’effet de ce modèle sur les collectivités. – O’Neil Cloutier, Directeur de l’Alliance des pêcheurs professionnels du Québec, Délibérations du Comité, 24 février 2005
Le MPO va de l’avant avec son plan de privatiser les pêches sans guère penser à l’impact que cela aura sur ceux qui dépendent de la pêche et des activités connexes pour vivre. – Garth Mirau, vice président, United Fish and Allied Workers Union, lettre au Comité, 15 mars 2005
Dans les pêches du Pacifique, qui comptent pour 16 p. 100 de la production canadienne, (368 millions de dollars) et auxquelles participent beaucoup de localités côtières([62]), il n’y a pas de politiques du propriétaire-exploitant ni de séparation des flottilles pour protéger les petits pêcheurs indépendants et leurs communautés.
Pour ce qui est de la pêche au saumon sauvage, plusieurs facteurs contribuent à en menacer la viabilité, comme les pertes de l’habitat et les conditions en mer, les prix déprimés dus à la production aquacole et l’épuisement des stocks dû à la surpêche. En 1986, le vérificateur général du Canada a constaté que la capacité de capture avait augmenté radicalement à la suite de la modernisation des vaisseaux et des améliorations technologiques, même si le nombre des bateaux de pêche était passé de 6 600 à 4 400 durant les 15 années précédentes([63]). Dix ans plus tard, la Stratégie fédérale de revitalisation du saumon du Pacifique (le plan Mifflin) a restructuré et rationalisé cette pêche en réformant la politique des permis([64]). En 1997, quelque 6 500 emplois avaient disparu; en 2000, la flottille avait été réduite de 54 p. 100. Au lieu d’améliorer la situation économique des localités côtières, le plan Mifflin, selon les témoins, a eu l’effet de les marginaliser davantage.
Le Comité s’est fait dire qu’après des années, la politique fédérale a fini par faire disparaître les permis de pêche des villages côtiers et autochtones, avec pour résultat qu’il n’y a plus guère de retombées économiques de la pêche sur la côte. Les témoins ont parlé de frustration, de désespoir et d’exode de la population. Sur la côte ouest de l’île de Vancouver, où il y avait pas mal de pêcheurs commerciaux, ce n’est plus le cas. Les membres du Comité ont appris que les Nuu-chah-nulth avaient plus de 200 bateaux de pêche avec permis dans les années 1950 et qu’il ne reste plus que 16 bateaux dans des villages où le taux de chômage varie de 70 à 90 p. 100([65]).
Tableau 1
Villages britanno-colombiens ayant perdu le plus de permis de pêche commerciale, 1994-2002
|
Permis en 1994 |
Permis en 2002 |
% de changement |
Kyuquot |
25 |
5 |
-80 |
Kitwanga |
29 |
6 |
-79 |
Port Simpson |
59 |
13 |
-78 |
Kitkatla |
17 |
5 |
-71 |
Chemainus |
42 |
12 |
-71 |
Kitimat |
13 |
4 |
-69 |
Bamfield |
26 |
8 |
-69 |
MansonsLanding |
13 |
4 |
-69 |
Gibsons |
56 |
18 |
-68 |
Port Clements |
3 |
1 |
-67 |
Quatsino |
15 |
5 |
-67 |
Skidegate |
18 |
6 |
-67 |
Tofino |
66 |
23 |
-65 |
Hagensborg |
24 |
9 |
-63 |
Lund |
16 |
6 |
-63 |
Ucluelet |
80 |
32 |
-60 |
Bella Bella |
17 |
7 |
-59 |
Port Edward |
23 |
10 |
-57 |
Port Hardy |
185 |
80 |
-57 |
Zeballos |
9 |
4 |
-56 |
Source : Ecotrust Canada et Ecotrust, Catch-22: Conservation, Communities and the privatization of B.C. Fisheries, novembre 2004,
http://www.ecotrustcan.org/catch-22.shtml.
Les témoins de la région du Pacifique ont souvent affirmé que l’explosion de la valeur commerciale des permis et des quotas a évincé les pêcheurs locaux et autochtones, les petites localités et les jeunes pêcheurs nouveaux venus. Le rapport d’Ecotrust et Ecotrust Canada paru en novembre 2004, Catch-22: Conservation, Communities and the Privatization of B.C. Fisheries, est très éloquent au sujet des impacts des politiques de permis de pêche passées et présentes sur les caractéristiques économiques, sociales et écologiques de la région. Le rapport révèle notamment que la diminution de la valeur totale des bateaux et de l’équipement de pêche est plus que compensée par la hausse de la valeur des permis et des quotas.
En 1988, le MPO a évalué à quelque 777 millions de dollars de 2003 le capital immobilisé dans les bateaux et l’équipement de la flotte saumonière. En 2003, les immobilisations totales pour l’ensemble de la flottille de pêche britanno-colombienne, pour toutes les espèces, étaient évaluées à 286 millions de dollars. En 2003, la valeur des permis et des quotas atteignait 1,8 milliard de dollars. Les bateaux et l’équipement constituent aujourd’hui seulement 14 p. 100 des fonds investis dans l’industrie de la pêche britanno-colombienne([66]).
Si « trop de pêcheurs pour pas assez de poissons » a pu faire problème par le passé, Catch‑22 conclut qu’aujourd’hui, le problème c’est « trop d’argent pour pas assez de poissons » et qu’en Colombie-Britannique, un pêcheur doit aujourd’hui être millionnaire pour accéder à la plupart des pêches([67]). Comme les permis et les quotas sont rachetés par ceux qui ont le plus accès aux capitaux, les régions côtières perdent leur accès à la pêche commerciale. Il s’ensuit une urbanisation coïncidant avec la diminution radicale de la propriété individuelle locale et autochtone des permis et des quotas de pêche commerciale : entre 1994 et 2002, les localités de moins de 10 000 habitants ont perdu 540 permis de grande pêche – poisson de fond, saumon, mollusques et crustacés, etc. – soit près de la moitié (45 p. 100) de tous les permis de grande pêche détenus par des pêcheurs des régions([68]).
Selon le rapport d’Ecotrust, plus de 40 p. 100 des permis et des quotas en C.-B. appartiennent maintenant à des Vancouverois. Les habitants de la grande région de Vancouver et de Victoria possèdent 44 p. 100 de tous les permis à quota individuel, comparativement à 2 p. 100 des habitants de la côte ouest de l’île de Vancouver, 3 p. 100 des gens du nord de l’île et 9 p. 100 des gens de la côte nord. Dans les régions urbaines, beaucoup de ces permis appartiennent à des compagnies ou à des individus qui louent leurs quotas ou leurs licences à des pêcheurs. D’ici 10 ans, comme de plus en plus de pêcheurs vont prendre leur retraite, la location et le regroupement des permis s’accroîtront et conséquemment, de moins en moins de permis seront détenus par des gens des régions.
Comme sur la côte Est, il n’y a pas de données disponibles sur l’importance de la location des permis dans les pêches du Pacifique. À nos réunions, certains témoins ont demandé l’instauration d’une politique de propriétaire-exploitant en Colombie-Britannique, comme celle qui s’applique à la flottille côtière de l’Atlantique.
Nous ne pouvons invoquer le manque de consensus sur des réformes
particulières observé pendant les consultations pour justifier l’inaction.
De toute évidence, personne n’est satisfait du statu quo. Moi non plus […]
– DFO, M. Regan annonce un plan pour reformer les pêches de l’Atlantique
Communiqué, 14 avril 2005
Le rapport Pearse-McRae, préparé par le groupe de travail conjoint de la Colombie-Britannique, renferme des propositions intéressantes. – David Bevan, Sous-ministre adjoint, Gestion des pêches et de l’aquaculture, Délibérations du Comité permanent de des pêches et des océans de la Chambre des communes, 6 mai 2004
La population côtière du Pacifique a été choquée par ce qu’elle a entendu. Pearse and McRae ont dit qu’il n’avait pas besoin de visiter les villages côtiers pour parler aux pêcheurs sur place. – Première nation Nuu-chah-nulth, mémoire présenté au Comité, 10 mars 2005
Les tenants
des QIT disent depuis longtemps qu’on ne peut pas vraiment assujettir le
saumon à ce système. Ils veulent tellement un système de QIT adapté à
toutes les situations qu’ils cherchent par tous les moyens à imposer ce
système au saumon également – Parzival Copes, professeur émérite d’économie,
université
Simon Fraser, Délibérations, du Comité, 17 février 2005
Le MPO utilise des tactiques agressives pour imposer les QIT aux petits pêcheurs. Il sait très bien que la flottille ne survivra pas à ce système. Chef Simon Lucas, coprésident du Comité des pêcheurs du Conseil tribal Nuu‑chah‑nulth, lettre au président du Comité sénatorial des pêches, 25 mars 2005
En mai 2004, le Groupe de travail conjoint sur les pêches après la conclusion de traités a proposé l’application immédiate des droits de propriété à toutes les pêches du Pacifique, sous la forme d’un nombre limité de QIT à long terme (25 ans), remplaçables après 15 ans et renouvelables à perpétuité. Comme moyen pratique de mise en œuvre, le Groupe de travail a suggéré l’adoption d’une loi traitant strictement des pêches du Pacifique et proposé, en attendant, que les QIT soient émis pour cinq ans. Quant à Loi sur les pêches, le Groupe de travail l’a jugée dépassée, complètement inadaptée à la gestion des pêches modernes, et nécessitant une réforme immédiate et complète. Le MPO nous a dit que ce que Pearse et McRae ont en fait suggéré, c’est de « transformer les permis en titre de propriété » en leur donnant une validité plus longue([69]). La United Fishermen and Allied Workers Union([70]) a dit au Comité que l’application intégrale des recommandations du rapport Pearse-McRae signifierait la fin de la pêche de la ressource considérée comme propriété commune de toute la population du Canada([71]).
À la parution du rapport, le MPO a réagi en disant que celui-ci offrait une vision des pêches de l’après-traité assurant l’accès de tous les participants à une ressource durable et rentable; endossait l’approche actuelle de négocier des volets halieutiques dans les traités; représentait un changement fondamental et insistait sur la nécessité que le secteur assume davantage de responsabilités. Selon le MPO, les objectifs visés par les recommandations du rapport sont les suivants :
· une pêche commerciale complètement intégrée et équitable pour tous les participants
· un système de gestion plus flexible
· l’adoption de méthodes de co-gestion avec une participation active des parties intéressées
· une stabilité accrue de l’accès à la ressource (permis à long terme)
· une stabilité accrue des quotas (quotas individuels)
· des ententes de transition avec les Premières nations([72]).
Les témoignages entendus et les mémoires reçus ont souvent affirmé que le rapport Pearse-McRae reflète en tout point l’opinion de l’auteur nommé par la province, Peter Pearse, qui est un défenseur de longue date, de renommée mondiale, des QIT, au point que le médium est devenu en bonne mesure le message. Les témoins de la côte Ouest estiment que les QIT accentueraient la migration des permis vers les villes et, en plus, feraient augmenter les coûts de surveillance et d’application de la loi, compromettant ainsi davantage la survie des petits pêcheurs. Le rapport Pearse-McRae a été âprement critiqué pour avoir endossé les QIT au lieu d’offrir, comme il était censé faire, une vision générale des pêches d’après-traité. Beaucoup d’intervenants s’opposent à l’application des QIT au saumon, dont la fraternité des Autochtones de Colombie-Britannique, la Commission des pêches autochtones de Colombie-Britannique et d’autres organismes des Premières nations, ainsi que la United Fishermen and Allied Workers Union. Les membres du Comité ont appris qu’à un sondage organisé par le secteur en juillet 2003, une écrasante majorité de 95 p. 100 des pêcheurs de la côte nord de la Colombie-Britannique a rejeté l’idée des QIT pour le saumon([73]).
Selon la Stratégie de développement durable du ministère pour 2005‑2006, un « engagement concret favorise une meilleure compréhension des enjeux et une appropriation partagée par toutes les parties intéressées de l’orientation future du ministère ». En 1998, le MPO a adopté une nouvelle orientation pour préciser la politique; huit Conseils de capture de zone ont été créés en 2004 pour rendre le processus de consultations sur le saumon plus transparent et, en décembre 2004, la nouvelle Politique du saumon sauvage, depuis longtemps attendue, a été diffusée pour que le public la commente. Dans cette Politique, on propose une approche plus ouverte, inclusive, proactive et tournée vers l’avenir à la conservation du saumon du Pacifique qui tient compte des avantages et des coûts sociaux, économiques et biologiques ainsi que des rapports Pearse-McRae et du panel des Premières nations.
De toute évidence, le MPO semble considérer la consultation essentielle pour résoudre les problèmes du saumon. Le Comité a cependant appris que la mise sur pied du Groupe Pearse-McRae avait été une initiative des deux paliers de gouvernement prise sans consultation; que le Groupe avait à peu près complètement ignoré les populations les plus touchées par les changements de politiques; qu’il n’avait organisé aucun débat et aucune réunion publique dans les villes et les villages côtiers; et qu’il avait consulté sélectivement des intérêts favorisant souvent les quotas individuels. Des témoins ont attiré notre attention sur le fait que tout le monde avait eu la chance d’être entendu sur la côte de l’Atlantique dans le cadre de la RPPA, mais que cela n’avait pas été le cas dans la région du Pacifique. Selon les représentants des Premières nations, le Groupe de travail McRae-Pearse n’a pas répondu à l’exigence légale de consulter les Autochtones sur des questions aussi vitales pour eux. L’extrait du témoignage suivant représente assez bien ce que les Premières nations nous ont dit dans leurs témoignages et leurs mémoires :
Permettez-moi de vous lire un
extrait d’une lettre écrite par le chef Bill Cranmer de la Première nation
Namgis d’Alert Bay, en réponse au rapport Pearse-McRae.
Le chef Cranmer dit notamment ceci : « Le rapport recommande aussi que
les changements soient immédiats. Cette recommandation est très
troublante. Elle suppose que le rapport a été précédé d’une consultation
publique suffisante. Or ce n’est pas le cas. La consultation des
professeurs Pearse et McRae a été exceptionnellement sélective. Le cycle de
visites limitées entrepris par les fonctionnaires du MPO est également
exceptionnel. Nous avons été invités à une réunion à Campbell River, mais
sans préavis suffisant : compte tenu de l’importance de cet enjeu pour notre
collectivité et pour le patrimoine des pêches, nous avons donc demandé une
réunion à Alert Bay. On nous a répondu que cela était impossible en raison
de l’échéance des consultations. Cela montre à quel point les consultations
sont loin d’être adéquates, notamment pour une question aussi importante
pour les populations côtières, et surtout pour les Premières nations. Étant
donné les normes canadiennes en matière de consultation publique sur les
questions stratégiques d’importance, et bien entendu à la lumière de la
décision de la Cour suprême dans l’affaire Haida sur la consultation et la
prise en compte des Autochtones, nous sommes surpris, voire choqués, par cet
état de choses ». – Christine Hunt, vice-présidente, Native Brotherhood
of British Columbia, Délibérations du Comité, 24 février 2005
Les représentants autochtones que nous avons entendus s’opposent vigoureusement au rapport Pearse-McRae parce qu’ils s’inquiètent pour la ressource et craignent d’autres pertes d’emploi, accompagnées de la perte de savoir et de compétences dans leurs communautés. Ils considèrent que les QIT aggravent la concentration des permis qu’a entraînée le plan Mifflin en faisant disparaître de nombreux permis et de nombreux emplois d’équipage([74]). De l’avis de la Commission des pêches autochtones de Colombie-Britannique, les QIT ne serviront qu’à appauvrir davantage les Autochtones et à menacer 44 négociations de traités avec 55 Premières nations en Colombie-Britannique([75]). Quand le chef Simon Lucas de la tribu Hesquiaht (côte ouest de l’île de Vancouver) a témoigné devant nous, il a parlé de la perte continuelle de ressources halieutiques dont les Nuu‑chah‑nulth dépendent pour leur bien-être et leur économie depuis des milliers d’années : « Lorsqu’il est question de signer un traité qui ne pourra pas être abrogé, nous nous demandons ce que tout cela signifie pour nos collectivités. Notre population est celle qui croît le plus rapidement au Canada et nous nous demandons quels seront ses besoins dans 50 ans »([76]).
Le panel des Premières nations voit les pêches de façon bien différente que le Groupe de travail Pearse-McRae : les QIT ne sont pour lui qu’une option parmi de nombreuses possibles. Dans Notre place à la table, le panel demande au gouvernement d’allouer immédiatement aux Premières nations une part minimale de 50 p. 100 de toutes les pêches, à titre provisoire, avec la possibilité d’atteindre 100 p. 100 dans certaines pêches. Cela indiquerait une volonté sérieuse de réconciliation avec les Autochtones et reconnaître les droits des Premières nations sur les pêches du Pacifique. Comme les QIT augmenteraient le coût des règlements halieutiques dans les traités territoriaux, le panel a demandé l’instauration d’un moratoire sur l’introduction de nouvelles pêches à droit de propriété, à moins que l’on réponde d’abord aux intérêts des Premières nations dans ces pêches, y compris les allocations([77]). Les témoignages et les mémoires ont souvent affirmé que les QIT créaient en fait des obstacles à la négociation des traités et au règlement des revendications.
Quand nous avons engagé es discussions en vue d’un traité, le flétan se vendait 8 $ la livre. Il se vend maintenant 45 $ la livre. La morue charbonnière se vendait 11 $ la livre, et elle est maintenant hors de prix à 85 $ la livre. Pour continuer à soutenir la concurrence dans la pêche commerciale, […] cela va nous coûter 25 millions de dollars. À la table où nous négocions, on nous dit qu’on va nous prêter 1 million de dollars pour participer à la pêche commerciale. Nous ne pouvons pas soutenir la concurrence avec 1 million. – Chef Simon Lucas de la tribu Hesquiaht, member ud West Coast Vancouver Island Aquatic Management Board, Délibérations du Comité, 10 mars 2005
Non seulement les QIT n’ont jamais été appliqués au saumon où que ce soit dans le monde, mais comme des témoins l’ont confirmé, ils posent un grave risque pour la conservation à cause de la complexité des caractéristiques particulières de cette pêche([78]). Des témoins ont dit estimer que le contrôle et l’application de la loi seraient rendus beaucoup plus difficiles sinon impossibles avec les QIT et que comme le MPO a déjà assez de problèmes à appliquer le système actuel, il convient de ne pas compliquer les choses. Sur le Fraser, où l’action policière insuffisante a été déterminante dans la disparition de 1,3 million de saumon rouge en 2004, il y a plus de 30 populations distinctes de cette espèce, qui présentent souvent des sous-populations particulières à un ruisseau.
En 1998, le consensus unanime à nos audiences sur la privatisation et les permis à quota était que les quotas individuels seraient problématiques dans les pêches aussi incertaines que celle des saumons migratoires du Pacifique. En avril 1999, dans sa réponse à notre rapport de 1998, le MPO a reconnu que les quotas individuels risquaient de ne pas convenir à toutes les pêches, entre autres, à la pêche d’espèces hautement migratoires comme les saumons([79]). Les membres du Comité ont appris qu’une enquête initiée par l’industrie au début des années 1990 a révélé une opposition généralisée aux quotas pour le saumon et mène à la production d’un rapport accepté par à peu près toutes les organisations([80]). On nous a dit que le MPO lui-même a toujours soutenu que les QIT n’étaient pas applicables au saumon, jusqu’à la publication du rapport Pearse-McRae en mai 2004([81]). Un des coprésidents du Groupe de travail avait même exclu les QI pour le saumon alors qu’il dirigeait la Commission royale sur la politique des pêches du Pacifique en 1982([82]).
En novembre 2004, les fonctionnaires du MPO nous ont indiqué que le ministère voulait trouver une façon de gérer la pêche au saumon de 2005 de façon urgente mais qu’il ne cherchait pas nécessairement à ce que les gens vendent leur quota ou recourent au QIT. Par la suite, le Comité s’est fait dire qu’on cherchait à appliquer le rapport Pearse-McRae en catimini([83]). Le 14 avril 2005, le ministère a rendu public son plan d’action pour les pêches du Pacifique, qui « constitue un élément clé du programme de réforme pour les pêches du Pacifique et s’activera à établir les assises d’une réforme permanente en 2006, qui portera en particulier sur la pêche au saumon du Pacifique », et qui inclut des projets pilotes avec des flottilles commerciales intéressées par le biais des conseils de capture de zone. L’objectif de ces projets consiste à tester diverses options et à déterminer quelle réforme pourrait fonctionner. Selon le ministre, « des solutions créatives et novatrices ont déjà fait l’objet de discussion avec plusieurs flottilles » comme la mise en commun qui permet aux pêcheurs de limiter le nombre de bateaux pour les prises qui ne peuvent pas être pêchées de manière sécuritaire par la flottille entière et des quotas individuels aux termes desquels la période de pêche pourrait être prolongée([84]).
Je dirais, sénateur, que la première responsabilité est d’assurer la
conservation et que nous ayons un système de gestion des pêches qui assure
une pêche durable pour ces communautés. – L’hon. Geoff Regan, ministre des
Pêches et des Océans, Délibérations du Comité, 8 février 2005
Nous voulons que les titulaires de permis essaient de choisir eux-mêmes; s’ils veulent une efficience économique très rapide, c’est le choix qu’ils devront faire avec les localités dans lesquelles ils vivent et qui comptent sur les emplois. Cependant, s’ils préfèrent une participation accrue, nous voulons qu’ils aient la souplesse pour le faire. – David Bevan, MPO, SMA, Gestion des pêches et de l’aquaculture, Délibérations du Comité, 4 novembre 2004
Il faut absolument que nous tournions notre attention vers cette crise qui frappe les collectivités côtières et que nous trouvions un moyen de la résoudre […] Sinon, les répercussions sociales seront désastreuses; elles se produiront lentement au début, puis elles prendront de l’ampleur, et nous aurons alors une véritable crise sur les bras. – Sandy Siegel, secrétaire exécutive, Maritime Fishermen’s Union, Délibérations du Comité, 24 février 2005
Nous voulons une richesse d’un genre différent; nous voulons que ce soit la collectivité qui soit riche. – Simon Lucas, chef, tribu des Hesquiaht, membre du Comité de gestion aquatique de la côte ouest de l’île Vancouver, Délibérations du Comité, 10 mars 2005
Je pense que pour les Canadiens, la vie rurale a une importance particulière. Je pense que depuis trop longtemps nous avons accepté l’idée que les impératifs économiques videront les zones rurales. – Daniel MacInnes, Département de sociologie, Université St. Francis Xavier, Délibérations du Comité, 10 février 2005
Le concept de cogestion a été abordé dans nos discussions sur les pêches gérées par quotas individuels et sur la gestion axée sur la collectivité([85]). Même si tous ont dit souhaiter une plus grande collaboration et une participation plus équilibrée aux décisions entre le gouvernement et les intervenants de la pêche, certains ont fait remarquer au Comité que l’approche du MPO à la cogestion ne porte que sur les permis de pêche et les propriétaires de quotas, que le ministère considère comme étant les intervenants.
Le processus décisionnel ne fait aucune place aux opinions, préoccupations ou suggestions des autres intervenants, y compris les intérêts des collectivités([86]). Dans le nouveau Cadre stratégique de gestion des pêches sur la côte de l’Atlantique du Canada, on « appelle cogestion le partage de la responsabilité et de l’obligation de rendre compte des résultats entre le MPO et les utilisateurs de la ressource. Cette notion englobera également, en bout de ligne, la délégation du pouvoir de gestion des pêches ». Certains ont dit au Comité que le nouveau Cadre stratégique du MPO est un écran de fumée qui cache une intention de favoriser une plus forte emprise sur les pêches par la grande entreprise. Des témoins ont signalé que des décisions sont prises en haut lieu au ministère en ce qui concerne la réduction des flottilles, les droits des permis et le transfert aux utilisateurs des coûts de surveillance et d’application de la loi.
Au cours de nos audiences, nous avons entendu des interlocuteurs parler de la « durabilité économique » des entreprises de pêche ou de celles des collectivités côtières. Le MPO a informé ce Comité que le ministère estime que son principal objectif est la conservation et qu’en permettant aux utilisateurs de la ressource de participer davantage aux décisions, il rendrait le secteur de la pêche plus viable et plus profitable, ce qui devrait profiter économiquement aux collectivités. Autrement dit, le bien-être des collectivités côtières dépendra des décisions que prendront les différentes flottilles de pêche. Le ministère a décrit les pêches du Pacifique en des termes très favorables, disant qu’elles sont « axées davantage sur la loi du marché, la maximisation des valeurs et les rendements (sauf dans le cas du saumon) », contrairement aux pêches de l’Atlantique où, selon le ministère, « [n]ous voulons, d’une part, assurer la durabilité économique des pêches et, d’autre part, assurer la viabilité des entreprises et des localités côtières. Nous voulons offrir aux gens la possibilité de décider s’ils veulent obtenir un rendement économique plus rapidement ou plus lentement compte tenu des problèmes sociaux qui pourraient exister »([87]).
La perspective d’un élargissement des quotas individuels a suscité de sérieuses réserves lors de nos réunions et dans les mémoires présentés. Dans un tel contexte des pêches, l’emploi pourrait être moins saisonnier et plus stable que dans un contexte de pêche concurrentielle([88]), mais cela mène invariablement à une réduction des flottilles et de la main-d’œuvre. Quant aux QIT, ils pourraient avoir des conséquences très néfastes pour les économies locales si les propriétaires de quotas vendent leur poisson à des intérêts à l’extérieur des collectivités de pêche. Les fluctuations passées des quotas de poisson (capturé tant sur les côtes qu’au large) et des emplois qui s’y rattachent ont déjà eu des conséquences désastreuses pour les collectivités qui dépendent de la pêche et dont l’économie et l’infrastructure sont axées sur l’industrie. À cet égard, un témoin a dit au Comité : « Il existe probablement une phase d’autodestruction des communautés avant qu’elles ne disparaissent. Canso, en Nouvelle-Écosse, est le cas type et ce n’est pas le seul »([89]). Le résultat, c’est que le contribuable doit payer la facture des conséquences sociales (assurance-emploi, aide sociale, mesures de diversification économique coûteuses, etc.).
Au Canada, la pêche commerciale a été l’assise économique et sociale de centaines de petites localités rurales souvent isolées et le plus souvent petites. Quant à la pêche à petite échelle, il ne s’agit pas seulement d’une activité économique, mais aussi la base des sociétés locales. Sur le plan social, le Comité a appris que le MPO n’a effectué aucune étude des répercussions sociales ou économiques des QIT sur les petites collectivités; qu’il a abandonné sa politique passée qui tenait compte des répercussions socioéconomiques de ses décisions([90]); et qu’il n’y a plus de lien historique entre les collectivités côtières et leurs ressources halieutiques proches.
Nombreux sont ceux qui ont fait valoir que, contrairement aux entreprises ou aux propriétaires qui ne sont pas sur place, dont l’objectif est le profit et qui doivent rendre des comptes aux actionnaires, les populations côtières sont intéressées et dévouées à long terme à la cause de l’intendance et de la conservation, l’éthique même que le MPO souhaite promouvoir en matière de pêche. Le Comité a pris note que, si les ressources halieutiques doivent être gérées de façon à profiter aux générations présentes et futures, la population locale des localités côtières proches de ces ressources doit avoir son mot à dire dans les décisions. Le régime de gestion de la pêche côtière au homard de l’Atlantique a été cité comme modèle de bonne gestion axée sur la collectivité([91]). Le Comité a aussi appris que, pour que les économies des collectivités côtières soient durables, il est essentiel d’assurer la viabilité des flottilles de petits bateaux des propriétaires-exploitants.
En ce qui concerne la nécessité de tenir compte des intérêts socioéconomiques plus larges des communautés côtières dans la gestion des ressources aquatiques, le Comité a entendu un porte-parole du Conseil de gestion des ressources aquatiques de la côte ouest de l’île de Vancouver (CGRA). Créée officiellement en février 2002 à titre de projet expérimental de trois ans([92]), cette initiative régionale vise plusieurs collectivités de la côte ouest de l’île de Vancouver qui se sont regroupées et ont une place officielle à la table de discussion sur la politique des pêches. Premier comité de ce genre au Canada, le CGRA, a adopté une approche écosystémique intégrée à la gestion des ressources aquatiques et fournit aux autorités compétentes en matière de réglementation des conseils sur la politique des ressources aquatiques([93]). Lorsque le mandat du Comité a été approuvé par le MPO en février 2001, le ministère a indiqué que le CGRA établirait la « tendance » – une étape importante dans la mise en place de régimes de cogestion axée sur la collectivité dans la région du Pacifique([94]). Le CGRA a réuni divers représentants tant gouvernementaux que non gouvernementaux (exploitants autochtones et non autochtones à des fins commerciales et récréatives, et représentants des secteurs de la transformation du poisson, de l’écologie, du tourisme, du syndicalisme et de l’aquaculture). Le Conseil nous a été présenté comme un véhicule économiquement efficace pour mettre en œuvre la Loi sur les océans du Canada qui, à ce qu’on nous a dit, « est très claire en disant que les ressources du Canada doivent profiter aux Canadiens, et surtout aux collectivités côtières »([95]). Le CGRA est sans doute mieux connu pour avoir contribué à établir une bonne relation de travail entre les collectivités de pêche autochtones et non autochtones de la région.
La notion de « quotas collectifs », ou QC – quotas de poisson attribués à des collectivités définies géographiquement, qui décident de la façon dont elles en feront usage pour assurer leur viabilité économique – a été proposée comme outil plus efficace pour gérer les stocks de poissons et protéger les intérêts des collectivités. Moins bien connus ou moins bien publicisés que le modèle des quotas individuels, les régimes de gestion par QC auraient connu un franc succès.
Même les grands tenants des QIT disent depuis longtemps qu’on ne peut pas vraiment assujettir le saumon à ce système. Ils veulent tellement un système de QIT adapté à toutes les situations qu’ils cherchent par tous les moyens à imposer ce système au saumon également […] Nous n’examinons pas les solutions de rechange. – Parzival Copes, professeur émérite d’économie, université Simon Fraser, Délibérations, du Comité, 17 février 2005
Nous nous opposons catégoriquement aux quotas de pêche. Nous avons vu les conséquences de ces quotas dans d’autres régions du monde. Dans certaines régions, l’environnement en a été détruit. – Simon Lucas, chef, tribu des Hesquiaht, membre du Comité de gestion aquatique de la côte ouest de l’île Vancouver, Délibérations du Comité, 10 mars 2005
Nous sommes venus ici il y a quelques années pour vous parler du principe du capitaine-propriétaire. Voilà que nous en parlons encore aujourd’hui, malheureusement, parce que nous n’avons pas pu obtenir satisfaction du ministère des Pêches ni du ministre sur cette question. – Sandy Siegel, secrétaire exécutif, Union des pêcheurs des Maritimes, Délibérations du Comité, 24 février 2005
Pourquoi les communautés et les
autres continueraient à participer au renouvellement des habitats, à la
protection des cours d’eau et à l’éducation? Pourquoi les gens auraient-ils
un intérêt envers le poisson, si tout le poisson appartient à une seule
personne, quelque part où le seul intérêt est monétaire et n’apporte aucun
avantage à une aucune autre personne? – United Fish and
Allied Workers Union, mémoire présenté au Comité, novembre 2004
En bout de ligne, quelqu’un au Canada devrait dire que nous pensons que les gens qui vivent dans les collectivités rurales devraient avoir leur mot à dire – un mot important à dire, non pas un mot fabriqué […] Élargir ce débat pour introduire une véritable démocratie sera difficile. – Daniel MacInnes, département de sociologie, Université St. Francis Xavier, Délibérations du Comité, 10 février 2005
Les témoignages reçus par le Comité indiquent nettement que le MPO a besoin de fonds supplémentaires pour remplir son mandat de conservation des pêches. Le Comité s’inquiète beaucoup de ce que le budget constamment réduit du ministère puisse être le principal déterminant des politiques de gestion des pêches. À cet égard, la « cogestion » pour l’auto-réglementation des pêches fondées sur des quotas individuels transfère les responsabilités et les coûts de la gestion au secteur des pêches. Les QIT sont également des outils puissants de rationalisation des flottilles, c’est‑à-dire qu’ils réduisent le nombre de pêcheurs et de bateaux sans frais pour l’État.
En 1998, le Comité signalait que : à plus long terme, les QIT simplifieraient probablement la tâche au MPO pour la gestion des pêches, puisqu’il y aurait diminution du nombre d’entreprises de pêche, de lieux de débarquement et d’usines de transformation; de l’avis de nombreux pêcheurs, la cogestion et les QIT s’inscrivent dans la campagne soutenue que mène le MPO en vue de la privatisation des ressources halieutiques et du système de gestion; enfin, la plupart des pêcheurs côtiers craignent que des régimes de gestion globale fondée sur la propriété privent les capitaines-propriétaires indépendants de leur emprise sur les ressources et que les communautés perdent ainsi leur viabilité économique([96]). En 1998, le Comité notait que les quotas individuels semblaient constituer l’option de gestion préférée du MPO, qui n’avait pourtant aucune politique nationale (ni directive) concernant leur conception ou leur mise en œuvre; en outre, il n’y avait jamais eu aucun débat public ou parlementaire sur la question. Ces faits ont été réitérés dans les témoignages et les mémoires, et il reste encore beaucoup de témoins à entendre.
Dans sa réponse de mai 2004 au rapport Les traités et la transition du Groupe de travail conjoint sur les pêches après la conclusion de traités, le MPO considérait les quotas individuels comme un des résultats clés de ce rapport([97]), qui propose notamment des QIT à long terme pour toutes les pêches du Pacifique et, pour mettre le régime en œuvre, l’adoption d’une loi propre aux pêches du Pacifique. En novembre 2004, le MPO a assuré le Comité qu’il ne tenait pas à une « approche uniforme applicable à tout le monde ». Nous avons appris que le Groupe de travail suggérait de « transformer les permis de pêche en titre de propriété » en leur donnant une validité plus longue([98]). En avril 2005, le ministère a « donné un aperçu d’un plan visant à apporter des changements fondamentaux aux pêches du Pacifique, en particulier aux pêches du saumon », avec des changements permanents qui doivent entrer en vigueur en 2006. Pour ce qui est des quotas individuels pour les saumons migratoires du Pacifique, le Comité croit comprendre que des « projets pilotes » (« aux termes desquels la période de pêche pourrait être prolongée ») auront lieu en 2005([99]).
On a dit récemment au Comité qu’aucun outil de gestion ne convient à toutes les espèces et à toutes les pêches; que les quotas individuels peuvent convenir à certaines pêches industrielles hauturières([100]); enfin, que ces quotas ne sont pas une panacée pour tous les problèmes du secteur des pêches. Les témoignages donnent même à penser que les QI peuvent présenter de graves lacunes et créer des problèmes peut-être plus sérieux, d’ordre biologique, économique et social (annexe 5). Ainsi, les QI peuvent décourager la population locale de protéger et de rétablir l’habitat du saumon, qui pourtant dépend beaucoup de la qualité de son habitat pour sa survie. On a signalé au Comité une étude faite par l’OCDE en 1997, selon laquelle 24 sur 37 pêches gérées par quotas dans le monde connaissaient des diminutions de stocks à des degrés variables, les espèces les plus touchées étant les poissons migrateurs qui se déplacent rapidement et vivent peu longtemps([101]). À cause des effets nuisibles que les QIT peuvent exercer sur la conservation du saumon, leur instauration nous semble contraire au principe de précaution invoqué dans la Loi sur les océans canadienne, soit se tromper par excès de prudence.
Pourquoi les QIT posent-ils problème? Il s’agit d’une invention de la théorie économique qui remplace la réalité par un modèle simpliste. Ce modèle est axé essentiellement sur la rentabilité comptable à court terme en fonction des critères du marché. Il ne tient pas compte des nombreux coûts et avantages réels des pêches […] Le cadeau qui a été fait des QIT à leurs premiers titulaires et l’accroissement spéculatif de leur valeur a créé une véritable manne pour un groupe privilégié, qui est très heureux du système. Mais, souvent, les nouveaux venus au métier de pêcheur, qui doivent acheter ou louer un quota à un prix exorbitant, ne touchent que des revenus nets dérisoires s’ils ne sont pas acculés à la faillite. Les gouvernements, y compris ceux qui ont introduit les QIT, proclament généralement que le poisson marin est une ressource de propriété commune qui doit profiter à toute la population du pays. L’incroyable inégalité de la distribution des avantages du système des QIT prouve que ces quotas ne sont pas compatibles avec une utilisation socialement responsable d’une ressource nationale commune. – Parzival Copes, mémoire présenté au Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, 17 février 2005.
Le Comité a appris que le Groupe de travail conjoint n’avait pas consulté les populations touchées par les éventuels changements de politiques. Alors que dans la région de l’Atlantique, chacun a eu la chance de se faire entendre dans le cadre de la RPPA, la chose ne s’est apparemment pas produite dans la région du Pacifique. À notre avis, l’introduction des QI pour le saumon – qui n’a jamais été tentée ailleurs pour cette espèce à notre connaissance, et qui contrevient aux désirs des populations côtières, qui y voient la fin possible des pêches locales([102]) – serait mal inspirée. Le Groupe de travail conjoint, qui devait fournir « des conseils éclairés et indépendants sur la façon d’assurer un secteur des pêches marines intégré et économique viable en C.‑B., conformément aux traités »([103]), a recommandé que toutes les pêches soient gérées au moyen de quotas. Les représentants des Première nations qui ont comparu devant nous s’y sont opposés. En outre, le panel des Premières nations sur les pêches a demandé, dans son rapport Notre place à la table, l’instauration d’un moratoire sur l’introduction de nouvelles pêches à droit de propriété, par exemple les QI, à moins que l’on veille d’abord aux intérêts des Premières nations dans ces pêches, y compris les allocations. L’absence de consensus sur les QI pour le saumon n’est pas une raison pour que le MPO aille de l’avant avec cette mesure.
Concernant les quotas et les collectivités, on nous a fait remarquer que selon une étude menée en 2004 par l’United States General Accounting Office (GAO), les programmes de QI sont une source de préoccupations pour ce qui est de l’équité de l’attribution initiale des quotas, du coût de participation plus élevé pour les pêcheurs et de la perte de revenus et d’emplois dans les collectivités qui ont toujours été tributaires de la pêche. L’étude présentait des mesures visant à protéger les intérêts des collectivités et à faciliter l’accession de nouveaux participants aux pêches gérées au moyen de QI. Le GAO a conclu que « le moyen le plus facile et le plus direct d’aider à protéger les collectivités dans le cadre d’un programme de quotas individuels, c’est de permettre aux collectivités elles-mêmes d’être propriétaires des quotas »([104]). L’étude avait pour but d’aider les législateurs américains, dans leurs délibérations concernant les programmes de QI, à examiner les méthodes disponibles pour protéger la viabilité économique des collectivités de pêcheurs et les moyens de faciliter l’entrée dans les pêches à QI. Le Comité n’a pas connaissance de telles études ou analyses pour les pêches commerciales au Canada; il ne sait pas non plus si le MPO a déjà étudié l’impact social des QI sur les localités côtières du Canada.
On a rappelé au Comité que la Loi sur les océans fait valoir l’importance des collectivités côtières. Son préambule affirme que les océans doivent être gérés de concert par les parties intéressées et « offrent des possibilités importantes de diversification et de croissance économiques au profit de tous les Canadiens et, en particulier, des collectivités côtières ». La Loi réclame la mise au point d’un mode de gestion des océans basé sur les principes de la gestion des écosystèmes, tandis que les systèmes de gestion au moyen de quotas individuels sont en général axés sur une seule espèce. Quant aux quotas individuels et à leurs effets sur les collectivités, le Comité entend acquérir une perspective internationale en étudiant davantage l’expérience d’autres pays, comme la Nouvelle-Zélande et l’Islande, pays pleinement engagés dans le système des QIT depuis les années 1980 et qui en ont fait la pièce maîtresse de leur gestion des pêches.
Pour la côte Est, le Cadre stratégique de gestion des pêches sur la côte Atlantique du Canada de mars 2004 dit que « les utilisateurs de la ressource disposeront d’une plus grande marge de manœuvre pour prendre les décisions se rapportant à leur propres objectifs économiques et sociaux », dans les limites de l’utilisation durable et de certaines contraintes, et qu’on adoptera « des procédures pour que les collectivités, les citoyens et d’autres groupes soient informés des nouvelles initiatives ou des changements proposés aux politiques en vigueur susceptibles d’avoir une incidence sur leurs intérêts et pour qu’ils aient la possibilité de participer au processus décisionnel. Ces procédures favoriseront les discussions et une participation entière, informée et ouverte aux décisions. L’autorisation du ministre sera nécessaire pour certains changements proposés. » En outre, l’objectif stratégique :
est de créer les conditions qui, à long terme, permettront aux utilisateurs de la ressource d’être plus autonomes et autosuffisants. Pour atteindre cet objectif, le Ministère mettra en œuvre deux stratégies complémentaires :
· Préciser la façon dont Pêches et Océans Canada peut favoriser la viabilité des collectivités côtières.
· Accorder aux utilisateurs de la ressource un rôle plus grand dans la détermination des objectifs socio-économiques([105]).
Selon le MPO, le fait de donner aux utilisateurs un plus grand rôle dans la prise de décisions améliorera la viabilité et la rentabilité de leurs opérations, accroissant ainsi les retombées économiques aux localités. En 1999, le MPO constatait également que « par définition, toutes les activités de pêche commerciale sont reliées aux collectivités côtières et aux avantages résultant de la participation des pêcheurs à cet échange économique avec les collectivités »([106]). À notre avis, le bien-être économique des collectivités qui ont un lien historique avec la pêche doit être un objectif central du mandat du MPO.
Au sujet des côtes de l’Atlantique et du Pacifique, les témoins nous ont dit qu’un objectif stratégique important pour le ministère serait d’encourager les flottes de propriétaires-exploitants, qui mènent leurs activités plus près des côtes et favorisent « l’intendance locale et le développement économique local »([107]). En contribuant à l’assise économique des petites localités, le secteur halieutique contribue à maintenir « la masse critique nécessaire à leur viabilité et à prévenir la perte de leurs investissements privés et sociaux dans les infrastructures »([108]). Selon les témoins, la nécessité d’une politique du propriétaire-exploitant est encore plus nécessaire en Colombie-Britannique, où les pêcheurs locaux ont perdu la propriété des permis et des quotas. Sur la côte Est, un subterfuge juridique, l’« accord de fiducie », continue de miner les politiques du propriétaire-exploitant et de la séparation des flottilles dans la pêche côtière; les échappatoires que contiennent ces politiques permettent de dissocier l’« usage bénéficiaire » et la propriété du permis de pêche côtière. Les syndicats de pêcheurs estiment que l’érosion constante de ces politiques menace la stabilité économique et sociale des collectivités côtières de l’Atlantique. Le MPO doit donner priorité absolue à cette question stratégique importante, ainsi qu’au problème du transfert des permis de pêche d’une génération à l’autre.
Aux deux extrêmes du spectre de la gestion des pêches, il y a les droits individuels (ou des entreprises) et les droits d’accès axés sur la collectivité. On nous a dit qu’il y aurait d’autres modèles, selon lesquels la « cogestion » s’entend au sens de cogestion axée sur la collectivité (et d’accès à la ressource à titre de droit collectif), qui méritent l’étude du Comité. Ainsi, des quotas collectifs (QC) ont été accordés à des flottilles côtières dans la baie de Fundy, où les pêcheurs des collectivités environnantes ont été invités à partager la responsabilité de la gestion des quotas. Le West Coast Vancouver Island Aquatic Management Board a proposé de créer une « fiducie aquatique », mécanisme par lequel un comité collectif serait titulaire des permis ou propriétaire des quotas de poisson et offrirait des possibilités de pêche aux membres de la collectivité, à la façon du système de quotas de développement communautaire (QDC) en Alaska. Dans le cadre du système de QDC, des quotas collectifs sont attribués à une collectivité définie géographiquement; leur gestion est donc déléguée au niveau local, ce que nous estimons avantageux d’un point de vue économique, social et écologique. Le Comité compte examiner cette possibilité plus en profondeur dans l’avenir.
Au Royaume-Uni, où l’introduction des QIT est sérieusement envisagée pour la première fois, le Comité a noté qu’un rapport de 2004 de l’Unité de stratégie du premier ministre reconnaît la nécessité de mesures spéciales dans certaines localités éloignées et vulnérables qui dépendent de la pêche. L’extrait suivant de ce rapport (tiré d’une section intitulée « Établissement d’objectifs sociaux clairs dans la politique des pêches ») pourrait bien résumer ce que nous avons récemment entendu dire au sujet de la situation du littoral canadien :
La pêche fournit un revenu et un emploi précieux dans des collectivités éloignées qui réclameraient autrement davantage de fonds publics. La première façon de faire en sorte qu’il y ait des collectivités de pêche saines, c’est d’assurer une industrie sûre, bien gérée et rentable, mais il est également important d’aider les collectivités petites et vulnérables à continuer d’avoir accès aux possibilités de pêche qu’une concurrence accrue risque de leur faire perdre au profit des grands ports et des gros exploitants([109]).
Notons que le Royaume-Uni envisage des QC afin de protéger les collectivités de pêche les plus vulnérables et les plus dépendantes([110]). De surcroît, plusieurs formules de quotas collectifs locaux ou régionaux ont été mises à l’essai depuis quelques années par les autorités locales (p. ex. les conseils des îles Shetland et Orcades). Malheureusement, au Canada, de tels systèmes de gestion ne sont pas envisagés.
La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer exhorte les États membres à tenir compte des besoins économiques des collectivités côtières vivant de la pêche. Le Code de conduite pour une pêche responsable de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) reconnaît l’importance du lien entre les populations côtières et l’intendance des ressources halieutiques contiguës, et demande aux États de « protéger de manière adéquate les droits des pêcheurs et des travailleurs du secteur de la pêche, particulièrement de ceux qui pratiquent une pêche de subsistance, artisanale et aux petits métiers, à des conditions de vie sûres et justes ainsi que, le cas échéant, à un accès préférentiel à des fonds de pêche traditionnels et aux ressources se trouvant dans les eaux relevant de la juridiction nationale » (article 6.18). À titre de signataire de cette convention et d’autres accords, le gouvernement du Canada a le devoir de protéger les intérêts des collectivités dépendant de la pêche et de donner suite à ses engagements.
1. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada accorde au ministère des Pêches et des Océans un financement suffisant pour qu’il puisse remplir son mandat concernant les pêches.
2. Le Comité recommande que le ministère des Pêches et des Océans tienne compte de l’impact socioéconomique de ses grandes décisions.
3. Le Comité recommande que le ministère des Pêches et des Océans sursoie à tout projet d’instauration des quotas individuels pour le saumon du Pacifique, tant qu’une consultation ouverte et transparente, à l’échelle de la province, n’aura pas eu lieu avec tous les intervenants, y compris des représentants des localités côtières, tant autochtones que non autochtones.
4. Le Comité recommande que le ministère des Pêches et des Océans réponde aux recommandations formulées par le Groupe de travail conjoint fédéral-provincial sur les pêches après la conclusion de traités dans son rapport Les traités et la transition – Objectifs : Une pêche durable sur la côte du Pacifique du Canada.
5. Le Comité recommande que le ministère des Pêches et des Océans explique et élabore les procédures mentionnées dans le Cadre stratégique de gestion des pêches sur la côte Atlantique du Canada qui feront en sorte « que les collectivités, les citoyens et d’autres groupes soient informés des nouvelles initiatives ou des changements proposés aux politiques en vigueur susceptibles d’avoir une incidence sur leurs intérêts » et « qu’ils aient la possibilité de participer au processus décisionnel ».
6. Le Comité recommande que le ministère des Pêches et des Océans commande une étude indépendante d’impact socioéconomique chaque fois qu’une pêche à quotas individuels sera instaurée au Canada dans l’avenir.
7. Sur la question des « accords de fiducie » dans la pêche côtière de l’Atlantique, le Comité recommande que le ministère des Pêches et des Océans collabore étroitement avec les syndicats de pêcheurs et les provinces et annonce publiquement la façon dont il compte donner suite à l’engagement qu’il a pris de prévenir le recours à ces accords, ainsi que les mesures qu’il envisage pour faciliter le financement des transferts de permis à une nouvelle génération de pêcheurs propriétaires de petits bateaux.
8. Le Comité recommande que le ministère des Pêches et des Océans commande une étude indépendante sur la faisabilité d’instituer une politique de propriétaire-exploitant dans la pêche commerciale du Pacifique.
9. Le Comité recommande que le ministère des Pêches et des Océans s’engage officiellement à financer le West Coast of Vancouver Island Aquatic Management Board durant les cinq prochaines années.
Recommandations du Groupe de travail conjoint Pearse-McRae
La gestion des pêches
- Les mêmes règlements de pêche et les mêmes critères de déclaration sur les prises seront appliqués pour tous les pêcheurs commerciaux.
- Le ministère des Pêches et des Océans (MPO) doit avoir le pouvoir de déterminer le nombre maximum de bateaux autorisés à pêcher lors de l’ouverture de la pêche au saumon.
- Chaque Comité de récolte des zones de pêche aura la liberté de décider la méthode de sélection du nombre de bateaux.
- Si la limite du nombre de bateaux prescrits n’est pas respectée, cela doit engendrer la fermeture de la pêche.
La coordination des pêches
- Le MPO doit faire appel sans délai au Comité de gestion intégrée des pêches pour trouver la meilleure façon de mettre sur pied de nouveaux accords de coordination dans le domaine de la pêche.
- La pêche commerciale ne doit s’exercer qu’en vertu de plans établis en coopération avec le Comité consultatif sur la pêche commerciale au saumon et approuvés par le MPO dans le cadre du plan de gestion intégrée.
- La composition du Comité consultatif sur la pêche commerciale au saumon et des Comités de récolte des zones de pêche doit être ajustée avec le temps pour inclure la représentation de nouveaux participants comme les Nisga’a et autres Premières nations qui pratiquent la pêche commerciale.
La cogestion
- Le ministre des Pêches et des Océans doit émettre un énoncé de politique dans lequel il déclare que le gouvernement soutient la co-gestion comme étant un moyen d’améliorer la gestion des pêches.
- Le MPO doit émettre des instructions claires sur les procédures à suivre pour établir des associations de pêcheurs, des exigences minimales pour obtenir la reconnaissance officielle et des arrangements pour l’accès aux accords de cogestion.
- Les associations de pêcheurs doivent avoir l’autorisation de s’auto-organiser, en tenant compte de ces exigences minimales, comme sociétés à but non lucratif, coopératives ou sociétés incorporées en vertu des lois régissant les institutions qui garantissent la démocratie et la responsabilisation.
- L’adhésion à une association devrait être obligatoire pour toute personne impliquée dans les pêches commerciales.
- Les associations devraient pouvoir imposer des frais à leurs membres afin de couvrir les coûts de leur travail.
- Le MPO doit prêter son soutien au Comité consultatif sur la pêche commerciale au saumon pour que ce dernier puisse s’établir en tant qu’entité juridique et groupe représentatif, légalement constitué, capable de réunir des fonds auprès de ses membres et de conclure des ententes de cogestion.
Les systèmes de permis et de quotas
- Les permis et les quotas doivent être réunis en un seul « permis à contingent individuel » : chaque permis autoriserait son détenteur à prendre un pourcentage déterminé du total acceptable de la capture commerciale pour l’espèce concernée jusqu’à la fin de la durée de sa validité.
- Les permis à contingent individuel doivent être octroyés à des personnes, des entreprises ou associations et non à des bateaux.
- Le ministre doit annoncer son intention de faire des réformes législatives afin qu’il puisse octroyer des permis à contingent individuel de 25 ans, remplaçables après 15 ans et « renouvelables à perpétuité ».
- Entre-temps, le ministre doit émettre des permis à contingent individuel pour cinq ans et annoncer son intention de faire des réformes législatives.
- Le ministre doit aussi faire savoir que si des changements ne sont pas adoptés d’ici cinq ans, il émettra de nouveau des permis d’une durée de cinq ans.
- Les restrictions sur la transférabilité et la divisibilité des permis et des quotas, leur lien avec les bateaux et les autres obstacles entravant leur souplesse doivent être éliminés.
- Les dispositions sur les permis à contingent individuel doivent être énoncées dans les règlements liés à la Loi sur les pêches, éliminant ainsi les éléments discrétionnaires.
- Aucun permis à contingent individuel ne sera émis sans le consentement des pêcheurs établis dans le secteur concerné.
- Des modalités annuelles sur les permis devraient être utilisées pour autoriser et gérer les activités de pêche en conformité avec les plans de gestion de la pêche.
Le registre des permis
Le MPO doit entamer des consultations avec l’industrie de la pêche et le gouvernement de la Colombie-Britannique sur la question de la structure et de la mise en place d’un registre des permis approprié.
La réforme de la pêche au saumon
- Le MPO doit réaffirmer sa politique de répartition sur toute la côte Pacifique, y compris l’attribution du saumon entre les trois secteurs commerciaux pour garantir sa cohérence avec le nouveau plan de gestion du saumon.
- Chacune des parts des prises autorisées pour les pêcheurs de saumon doit être déterminée une fois pour toutes par une méthode choisie par chaque Comité de récolte de zone et figurer dans les permis à contingent individuel à long terme.
- Tous les permis de pêche commerciale devraient être convertis en permis à contingent individuel de longue durée, donnant à chaque détenteur une part déterminée des captures autorisées.
- Les pêcheurs de saumon doivent être libres de transférer et de combiner leurs parts de manière à réduire leurs coûts et à améliorer l’efficacité des activités de pêche.
- Les nouveaux accords sur les flottilles devraient être adoptés par tous les secteurs de la pêche au saumon au même moment, ce qui peut être fait avant l’ouverture de la saison 2005.
- Le MPO doit commencer à inviter immédiatement le Comité consultatif sur la pêche commerciale au saumon à se lancer dans des consultations sur la manière d’instaurer le plus efficacement les permis de partage des prises, de manière rapide et équitable.
- Le ministre devrait annoncer une date pour l’entrée en vigueur du nouveau régime.
- Le MPO doit demander la contribution des nouveaux comités de récolte de zone dans la gestion de la pêche au saumon.
- La priorité du secteur récréatif sur le saumon quinnat et coho – et les attributions des autres espèces ayant une valeur spéciale pour les pêcheurs sportifs – doivent être garanties pour cinq ans avant d’être réexaminées par le ministre.
- Les géniteurs en surplus qui ne sont pas attribués aux Premières nations, conformément aux ententes sur les récoltes, doivent être considérés comme faisant partie de la prise commerciale autorisée pour les détenteurs de permis à contingent individuel.
- La pêche des autres espèces toujours régies par des permis accordés aux bateaux pour des quantités indéterminées doit se convertir au système de quotas individuels le plus tôt possible.
La transition
- Le MPO devrait émettre une déclaration officielle affirmant qu’il compensera les pêcheurs établis pour les effets défavorables découlant de la redistribution des droits de pêche aux termes des règlements conventionnels.
- Chaque fois que la création de nouveaux droits de pêche commerciaux touche négativement les pêcheurs établis et chaque fois que les attributions de poissons pour les pêches autochtones vivrières (à des fins vivrières, sociales et cérémoniales) augmentent considérablement, il faudrait acheter des droits équivalents au secteur commercial établi.
- En attendant le jugement en appel dans l’affaire Kapp, le MPO devrait consulter les représentants des Premières nations pour déterminer des accords provisoires concernant leurs droits de pêche, afin de faciliter la transition méthodique vers les traités et vers une pêche commerciale intégrée.
- Il faudrait déployer des efforts pour racheter des permis de pêche commerciale au saumon et autres espèces pour anticiper sur les ententes sur les récoltes dans les futurs règlements.
- Il devrait y avoir des consultations poussées entre le MPO et les Premières nations détenant des permis pour discuter de la nature des restrictions à inclure dans les nouveaux permis à contingent individuel remis aux pêcheurs autochtones commerciaux.
- La Loi sur les pêches devrait être modifiée selon les besoins pour mettre en œuvre les recommandations figurant dans le présent rapport et elle devrait être révisée de fond en comble pour pouvoir répondre aux besoins liés à une gestion moderne de la pêche.
- Il est temps d’agir sur l’ensemble des recommandations. La réforme doit être complète et non partielle.
Source : MPO, Les traités et la transition : une pêche durable sur la côte du Pacifique du Canada, Résumé des recommandations, Fiche d’information, 14 avril 2004
Recommandations du rapport du Panel des Premières Nations, juin 2004
Résumé des recommandations :
1re recommandation : Le Canada devrait prendre immédiatement des mesures pour s’assurer que les Premières nations ont un accès adéquat aux ressources halieutiques pour répondre à leurs besoins alimentaires, sociaux et cérémoniaux.
2e recommandation : Comme point de départ et mesure transitoire, le Canada devrait immédiatement allouer aux Premières nations un minimum de 50 pour cent des parts de toutes les pêches, sachant que cela pourrait éventuellement atteindre 100 pour cent pour certaines espèces de poisson.
3e recommandation : Les Premières nations devraient débattre entre elles des répartitions entre les nations.
4e recommandation : Le Canada devrait immédiatement accroître les fonds d’établissement ou financer par le biais d’autres processus de négociations afin de permettre l’achat ou le rachat de permis de pêche et permettre que la réaffectation recommandée précédemment aille de l’avant.
5e recommandation : Le Canada devrait reconnaître immédiatement dans sa politique le droit des autochtones de gérer les pêches et reconnaître ce droit dans la mise en œuvre par l’entremise d’ententes négociées.
6e recommandation : Le Canada devrait articuler clairement la façon dont il fournira les ressources halieutiques pour le profit commercial des Premières nations à la lumière de l’incertitude créée par le jugement Kapp et la perte de pilote de ventes.
7e recommandation : Un moratoire devrait être placé sur tout nouveau régime de droit de propriété tel que les quotas de pêche à moins que les intérêts des Premières nations incluant les répartitions de ces pêches n’aient d’abord été réglées.
Source : MPO, Recommandations du rapport du Panel des Premières Nations – Notre place à la table, Fiche d’information, 14 avril 2004.
Vision et principes de la réforme de la pêche dans le Pacifique du MPO
En réponse au Groupe de travail conjoint sur l’impact des traités de la pêche et au Rapport du panel des Premières nations sur la pêche sur la côte ouest, intitulé Notre place à la table, le MPO a élaboré la vision suivante à partir de laquelle seront effectués les changements aux pêches et rédigé une liste de principes qui serviront de cadre global à l’intérieur duquel s’inscriront ces changements.
Vision à long terme de la réforme de la pêche au saumon du Pacifique :
- Exploitation du plein potentiel économique et social de la ressource.
- Définition des intérêts de pêche des Premières nations et harmonisation avec les intérêts de tous les Canadiens.
- Confiance du public, du marché et des participants que la pêche est une activité durable.
- Autonomie des participants et capacité de s’ajuster.
- Traitement juste et équitable des participants, qui contribuent au processus décisionnel et partagent la responsabilité de la pratique de la pêche.
- Partage des frais de gestion entre les parties qui tirent profit de la pêche.
- Confiance et stabilité de tous les participants, des conditions indispensables à la planification des affaires.
- Des pêches équitables, appuyées sur les traités avec les autochtones.
Principes – L’entrée en vigueur de changements dans la gestion des pêches du Pacifique se fera en conformité avec ces principes :
-
la conservation est
primordiale (en conformité avec la Politique concernant le saumon
sauvage du Pacifique)
-
La conformité au cadre
légal
- La ressource halieutique du Pacifique est une ressource collective, gérée par Pêches et des Océans;
- elle doit être gérée en vertu d’un plan de gestion intégrée, autorisé par le ministre;
- les participants du secteur commercial pratiquent la pêche selon la même priorité d’accès et les mêmes règles.
-
Les autochtones et les
droits des traités des Premières nations
- Les droits des Premières nations à l’accès à la pêche pour répondre aux besoins alimentaires, sociaux et cérémoniaux seront respectés; et
- les intérêts des Premières nations pour un accès économique accru seront abordés d’une manière cohérente dans le cadre des processus prévus aux traités au Canada.
-
Transfert équitable des
occasions de pêche
-
Le transfert aux
Premières nations des occasions économiques de pratiquer la pêche
sera accompli alors que des vendeurs sérieux retireront
volontairement leur permis dans le cadre des programmes existants
visant à atténuer les répercussions sur les pêcheurs établis.
-
L’accès à une ressource stable et la
répartition
- La confiance proviendra des répartitions entre les secteurs de prises (Premières nations, la pêche sportive et la pêche commerciale);
- le volet de la politique de répartition portant sur l’accès de la pêche sportive aux saumons quinnat et coho sera maintenu;
- les participants commerciaux auront davantage confiance parce qu’on leur garantira une partie des prises; et
- les exploitants-pêcheurs commerciaux et les détenteurs d’enjeux profiteront d’un niveau similaire de confiance quant à l’accès aux pêches.
-
Responsabilité et
imputabilité
- Les Premières nations et les parties intéressées assumeront un rôle plus important dans la prise de décisions opérationnelles et la prestation des programmes grâce aux processus efficaces de cogestion.
-
Les régimes de gestion de
la pêche commerciale
- Les flottes seront en mesure de s’ajuster;
- les pratiques de gestion de la ressource seront conçues pour optimiser le rendement économique tout en répondant aux objectifs de conservation;
- les flottes auront la capacité d’assumer une grande partie de la gestion des coûts de leur pêche;
- nous mettrons en place la surveillance des prises et une validation indépendante;
- des mesures seront adoptées pour nous garantir que la conformité est respectée dans son intégralité.
-
Transition et ajustement
- Des programmes gouvernementaux existants seront coordonnés pour répondre aux besoins de ceux qui subiront les conséquences des changements à venir.
Source : MPO, Vision et principes de la réforme de la pêche dans le Pacifique, Fiche d’information, 14 avril 2004.
Réponse du MPO (avril 1999) au
rapport du Comité
Privatisation et allocation de quotas dans les pêches canadiennes
(décembre 1998)
Recommandation 1
Le Comité recommande que le
gouvernement du Canada énonce clairement, sans équivoque par écrit,
et en public, la nature des quotas individuels et ce qu’ils représenteront
pour la pêche de l’avenir.
Réponse du gouvernement
Un permis de pêche délivré en vertu de la Loi sur les pêches autorise la personne qui en est titulaire d’exercer cette activité. Un quota individuel, qui constitue un volet du permis, autorise la personne à capturer une certaine quantité de poissons. Cela n’a pas pour effet de garantir un certain niveau de capture. Un permis n’est pas une garantie de propriété. Il est délivré en vertu de la discrétion accordée au Ministre conformément à l’article 7 de la Loi sur les pêches. Il n’est pas approprié de faire référence à la notion de privatisation relativement aux quotas individuels, étant donné que le permis et que le quota n’ont pour effet que d’octroyer le privilège de récolter une part fixe du total admissible des captures au cours d’une année donnée.
Le Ministère effectuera bientôt un examen global des politiques de pêche dans la région atlantique du Canada. En guise de réponse à la recommandation du Comité sénatorial, le ministère des Pêches et des Océans aura l’honneur de faire un énoncé public du rôle des quotas individuels dans les pêches de l’avenir, une fois le réexamen effectué.
Nous envisageons une pêche saine et abondante, à des fins durables. Dans le cadre de cette vision, la pêche de l’avenir est un secteur qui est écologiquement durable, rentable et autonome. Les régimes de quotas individuels ont été et vont continuer d’être un mécanisme valable permettant à l’industrie de tenter de concrétiser cette vision.
Recommandation 2
Le Comité recommande que le ministère des Pêches et des Océans énonce clairement, sans équivoque et par écrit en public sur ce qu’il entend par « des partenariats entre le gouvernement et l’industrie légalement exécutoires, à long terme, et pluriannuels » (ou « des ententes de partenariat »), et qu’il déclare si ces ententes ont pour effet de révoquer le droit du public de pêcher, comme mentionné en common law. Le Ministère devrait mentionner les obstacles que révèle la loi actuelle sur les pêches qui empêchent le ministre des Pêches et des Océans de passer ces ententes avec des groupes représentant l’industrie.
Dans l’article 7 de la Loi sur les pêches, on donne au ministre des Pêches et des Océans le pouvoir discrétionnaire de délivrer des permis. En droit administratif, une autorité gouvernementale ne peut pas s’engager par contrat à exercer cette discrétion, sans en obtenir le pouvoir en droit. En vertu de la législation actuelle, le ministre des Pêches et des Océans ne peut par conséquent passer d’entente de pêche avec un groupe de l’industrie qui aurait pour effet de limiter son pouvoir de délivrer des permis ou de garantir un niveau particulier d’allocation de ressources.
En ce qui concerne le droit du public à pêcher, seul le Parlement peut réglementer ou limiter ce droit et a déjà, en adoptant la Loi sur les pêches, créé un cadre légal en vue de réglementer ce droit. Pour la plupart des secteurs de la pêche, les règlements sont pris en vertu de la Loi et empêchent toute personne de pêcher sans permis. La Loi autorise le ministre des Pêches et des Océans à délivrer des baux et des permis, avec toute la discrétion voulue.
Recommandation 3
Le Comité recommande que la question de la privatisation et de la délivrance de quotas individuels dans les pêches canadiennes fasse l’objet d’un débat au Parlement du Canada.
Réponse du gouvernement
Le ministère des Pêches et des Océans ne propose pas de privatiser la ressource ou sa gestion. La privatisation n’est pas une solution. Les ressources halieutiques sont une ressource commune gérées par le gouvernement fédéral au nom de tous les Canadiens, tant pour ceux d’aujourd’hui que pour ceux de demain.
Le Ministère pense que la meilleure façon de traiter les dossiers délicats en matière de gestion des pêches est de maintenir un dialogue ouvert avec tous les Canadiens et d’encourager une plus grande participation de l’industrie aux activités en matière de conservation. Le Ministère pense que la meilleure façon d’en arriver à une pêche viable est de s’entendre au sujet d’objectifs communs pour l’industrie et le gouvernement. Par conséquent, la meilleure tribune pour revoir les quotas individuels se situe au niveau de la collectivité par le biais de discussions avec l’industrie et les autres intervenants du secteur de la pêche.
Recommandation 4
Le Comité recommande qu’aucun nouveau permis visant des quotas individuels ou des quotas individuels transférables au Canada ne soit délivré avant un énoncé public sur les ententes visant les quotas et les partenariats individuels (recommandation 1 et 2), et avant un débat parlementaire (recommandation 3).
Réponse du gouvernement
En réponse à la première recommandation du Comité sénatorial, le gouvernement du Canada a convenu d’annoncer publiquement le rôle que pourrait jouer le processus de quotas individuels pour l’avenir, une fois effectuée la révision de la politique sur les pêches dans la région de l’Atlantique. Toutefois, le Ministère pense qu’il ne peut refuser une demande du secteur industriel visant à mettre en œuvre un régime de gestion de quotas individuels dans un secteur de pêche particulier, si les parties intéressées jugent que cette solution est la meilleure pour la conservation des ressources halieutiques et la viabilité des activités de pêche. L’allocation de quotas individuels à chaque participant constitue un outil de gestion aussi acceptable qu’un autre régime qui permet à tous les participants de pêcher avec mise en concurrence à partir d’une allocation unique. Chaque régime a ses avantages et ses inconvénients. Dans la mesure où les besoins en matière de conservation sont comblés, on incite les participants à la pêche à être proactifs pour décider du régime de gestion à adopter, tout en tenant compte des conditions qui prévalent dans leur secteur des pêches.
À l’occasion de la table ronde de 1995 sur l’avenir des pêches de l’Atlantique, les représentants de l’industrie ont reconnu que les quotas individuels constituaient un mécanisme de gestion acceptable, sous réserve d’un certain nombre de conditions, y compris l’appui de la majorité des titulaires de permis. Le Ministère est d’accord avec cette prise de position et a toujours formulé l’opinion que les quotas individuels ne devraient être introduits que dans le cadre d’un régime volontaire. En outre, le Ministère a reconnu que les quotas individuels pourraient ne pas convenir à toutes les pêches, notamment aux espèces migratoires tel le saumon.
Ces quotas ont été utilisés de façon extensive ces dernières années pour permettre un accès temporaire à bon nombre de pêcheurs côtiers de la crevette et du crabe, entre autres. Les quotas individuels ont permis à beaucoup de pêcheurs d’avoir accès à ces ressources, ce qui n’aurait probablement pas été le cas dans le cadre d’un régime de quotas avec mise en concurrence. On peut expliquer ce fait à cause du nombre important de pêcheurs et du niveau excessif de la capacité de pêche dans la flottille côtière qui auraient compromis les objectifs en matière de conservation du stock si la pêche avait été soumise à une récolte faite de manière compétitive.
Recommandation 5
Le Comité incite le ministère des Pêches et des Océans à envisager plus sérieusement les répercussions sociales et économiques à long terme des permis de quotas individuels, notamment ceux qui sont transférables, sur les collectivités côtières du Canada, les autochtones et d’autres groupes, et à ne pas élargir ce régime de quotas individuels jusqu’à ce que les besoins des collectivités côtières, des autochtones et d’autres groupes aient été entièrement évalués.
Réponse du gouvernement
Le MPO envisage les répercussions sociales et économiques à long terme de ces politiques et programmes comme les permis de quotas individuels. Le groupe de travail chargé d’examiner les questions de revenu et de mesures d’adaptation dans le secteur de la pêche dans l’Atlantique a examiné à fond les problèmes de la pêche du poisson de fond dans l’Atlantique. On a conclu que l’industrie a été pénalisée par une capacité de pêche et de transformation excessive, même avant l’effondrement des stocks de poisson de fond, et a recommandé un programme de rationalisation. Les études reliées à la pêche du saumon du Pacifique ont tiré des conclusions du même ordre. Par la mise en œuvre d’un programme de rationalisation de la capacité de pêche, ce secteur serait plus restreint et mieux en mesure d’appuyer un nombre moins important de pêcheurs et de travailleurs d’usine.
On comprend mieux, en théorie et par expérience, les incidences de programmes de QIT dans une pêche où la capacité est excessive. Les participants sont en mesure de rationaliser la capacité excessive en achetant et en vendant des quotas. Il en résulte un secteur de pêche plus restreint comme il a été recommandé à partir des deux exemples cités ci-dessus.
Par définition, toutes les activités de pêche commerciale sont reliées aux collectivités côtières et aux avantages résultant de la participation des pêcheurs à cet échange économique avec les collectivités. Le ministère des Pêches et des Océans est entièrement conscient que le repli du secteur de la pêche, qu’il s’agisse d’un régime de quotas individuels ou d’un régime avec mise en concurrence, a touché bon nombre de ces collectivités. C’est pourquoi le gouvernement vise à promouvoir des entreprises de pêche viables qui soient autonomes et en mesure de faire face à une diminution temporaire de la ressource et d’apporter la stabilité aux collectivités, même si cela veut dire qu’un moins grand nombre de personnes pourront participer aux activités de pêche.
Recommandation 6
Le Comité recommande que le ministère des Pêches et des Océans énonce publiquement de façon précise et sans équivoque et par écrit s’il considère la pêche commerciale au Canada comme fondement industriel principal ou comme fondement économique d’un mode de vie traditionnel au pays.
Réponse du gouvernement
La pêche commerciale à laquelle on fait allusion dans cette recommandation est un secteur qui depuis toujours répond aux besoins des grandes et petites entreprises au Canada. Comme l’exploitation agricole ou la coupe du bois, les entreprises de pêche sont différentes, tant par la taille que par l’ampleur des activités. Il s’agit le plus souvent de petites entreprises familiales indépendantes qui pratiquent la pêche avec un équipage limité, ou une petite entreprise de transformation familiale, ou bon nombre d’entreprises de taille moyenne et plus importantes contrôlées par une famille. Bon nombre des entreprises, y compris certaines des plus petites, ont intégré la capacité de transformation et de marketing. Dans le secteur de la pêche, il y a place pour tous les secteurs de flottille viables.
Par cette recommandation, on pose pour hypothèse qu’il y a deux vues distinctes pour la pêche. C’est loin d’être le cas. Le Ministère a fait un énoncé sur sa vision de la pêche pour l’avenir. Il ne fait pas référence à un modèle « industriel » et il n’adopte pas de politique qui appuierait de façon artificielle un mode de vie traditionnel. La pêche comporte des volets importants au niveau des autochtones, du commerce et des loisirs, dont il faut également tenir compte.
Par suite de changements dans les habitudes de pêche, situation causée en partie par l’épuisement des stocks de poisson de fond de l’Atlantique et de saumon dans le Pacifique, le secteur des pêches au Canada entreprend une restructuration profonde sur les deux côtes. Cette situation a incité le Ministère à revoir ses politiques de gestion des pêches sur les deux côtes afin de façonner notre vision de la pêche pour l’avenir. Une fois les réexamens terminés, le Ministère en partagera les résultats avec les intervenants et le grand public.
Recommandation 7
Le Comité recommande que le
Sénat remette le budget du ministère des Pêches et des Océans au
Comité sénatorial permanent des pêches pour fins d’examen au Parlement.
Réponse du gouvernement
Le Ministre se fera un honneur de répondre à toutes les questions que pourrait poser le Comité sénatorial permanent des pêches en ce qui concerne son projet de réexamen du budget du ministère des Pêches et des Océans.
Recommandation 8
Le Comité recommande que le ministère des Pêches et des Océans mette en œuvre immédiatement sa politique de fractionnement des flottilles dans la région de l’Atlantique, c’est‑à-dire une réglementation qui a pour effet d’empêcher l’intégration verticale des transformateurs dans le secteur de la pêche, et des politiques visant à restreindre le taux de contrôle des quotas individuels en fonction d’une limité maximale. Le Ministère continuerait d’appliquer les règlements visant à restreindre le contrôle des permis de pêche par des intérêts étrangers.
Réponse du gouvernement
Le MPO applique véritablement sa politique de fractionnement des flottilles selon son champ de compétence. Cette politique ne s’applique qu’aux permis de pêche côtière (c’est-à-dire pour les bateaux d’une longueur inférieure de 65 pieds). À l’exception de près de 50 permis qui sont détenus depuis 1978 par les entreprises et qui relèvent d’une disposition visant des droits acquis, les permis de pêche côtière ne peuvent être transférés qu’à des pêcheurs autonomes. En ce qui concerne le transfert permanent de quotas individuels, les limites ont été habituellement établies dans le cadre de lignes directrices individuelles, et ces limites s’appliquent lorsqu’on demande un transfert permanent de quotas (par exemple, 2 p. 100 des quotas de poisson de fond en 1991 dans la flottille de Scotia-Fundy (QIT) ou 1,755 p. 100 dans la zone 19 de la pêche du crabe). Les permis ou les quotas ne peuvent pas être transférés sans que le MPO ne le sache, parce que légalement, le Ministère doit approuver chaque transaction à cet égard.
Dans le cadre de leurs activités de pêche, les pêcheurs peuvent avoir passé différentes ententes privées avec des tiers, qui peuvent entraîner la vente à d’autres tierces parties des prises capturées par des titulaires autonomes de QI. Toutefois, le MPO n’exige pas des pêcheurs de dévoiler ces ententes avec une tierce partie, qui sont jugées privées.
En outre, le MPO ne peut empêcher les pêcheurs d’acquérir une participation dans des usines de transformation, étant donné que ce domaine relève de la compétence provinciale. Des pêcheurs ont en fait acquis bon nombre d’usines ces dernières années. En ce qui concerne la restriction qui frappe actuellement la propriété étrangère d’entreprises titulaires de permis, le MPO n’a pas l’intention de modifier sa politique actuelle en la matière.
Recommandation 9
Le Comité recommande que le ministère des Pêches et des Océans répartisse équitablement les ressources pour permettre aux pêcheurs dont les activités sont limitées d’avoir l’occasion de participer davantage à la pêche.
Réponse du gouvernement
Les pêcheurs de tous les secteurs de la flottille dont les activités sont importantes ou restreintes investissent au fil des ans dans leurs entreprises, d’après un certain niveau d’accès à la ressource. Comme propriétaires d’entreprise, les pêcheurs s’attendent à une certaine stabilité quant à la quantité de ressources qu’ils recevront d’une année à l’autre, pour justifier ces investissements. La plupart des pêches sont entièrement exploitées, et bon nombre d’entre elles affichent une capacité excessive. Il importe que les pêcheurs exercent leur activité de façon à être rentables, autonomes, et adaptés. Pour appuyer cette vision et pour procurer à l’industrie un milieu d’exploitation stable, le Ministère compte s’inspirer des parts historiques pour répartir les ressources entre les différentes flottilles, sauf en ce qui concerne le saumon du Pacifique où le secteur de la pêche récréative doit recevoir une allocation prioritaire, par rapport au secteur commercial. On s’attendra par la suite à ce que chaque flottille s’adapte et exerce ses activités en fonction de son niveau d’allocation. Un secteur de flottille qui réussira à créer un équilibre entre ses capacités et les ressources disponibles ne devrait pas être pénalisé en se voyant retrancher une fraction de son allocation pour appuyer un autre secteur de flottille. En outre, la redistribution des ressources ne peut se faire, compte tenu des principes suivants en matière d’allocation : les mesures de conservation ne seront pas compromises, la viabilité des titulaires de permis permanents ne sera pas compromise, et une nouvelle participation sera accordée, de façon temporaire.
Il y a lieu de noter que lorsque, ces dernières années, des ressources supplémentaires sont devenues disponibles, la plupart ont été allouées en fait de façon temporaire à de petits exploitants côtiers, comme dans le cas de la crevette nordique à Terre-Neuve et de la pêche du crabe dans le région de l’Atlantique.
Recommandation 10
Le Comité recommande que le ministère des Pêches et des Océans cesse de s’inspirer des systèmes de gestion des quotas individuels utilisés en Nouvelle-Zélande et en Islande, jusqu’à ce que le Ministère ait entièrement tenu compte des critiques visant les quotas individuels formulés dans ces pays.
Réponse du gouvernement
Le ministère des Pêches et des Océans peut apprendre par l’expérience vécue dans d’autres pays pêcheurs. À titre de membre du Comité des pêches de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), et du groupe de travail responsable des pêches de l’APEC, le gouvernement du Canada a l’occasion d’obtenir des données internationales sur l’expérience vécue en matière de système de gestion des quotas dans d’autres pays. En outre, bon nombre de ces pays possèdent une industrie de la pêche très imposante, et ont accès à de vastes données rétrospectives sur le recours à la gestion des quotas individuels. Le ministère des Pêches et des Océans examine de près toute l’information obtenue avant de l’adopter dans le secteur canadien de la pêche. Afin de demeurer le principal leader mondial en matière de ressources océaniques, le Canada doit se tenir au fait des nouveaux développements dans tous les aspects de la gestion de la pêche dans le monde, pour être en mesure de mieux servir l’industrie.
Le Ministère a également étroitement contrôlé les secteurs canadiens de la pêche qui ont choisi des systèmes de gestion de quotas individuels pour s’assurer que tous les objectifs sont réalisés. En conséquence, notre pays a développé sa propre expertise dans le domaine, et il n’a pas à se fier uniquement à l’expérience d’autres pays pour gérer ce secteur de la pêche.
Effets
néfastes des QIT sur la productivité de la pêche et la conservation des
stocks de poisson,
par Parzival Copes
17 février 2005
Contraintes de gestion :
- Le TAC, une mesure peu souple : Les QIT doivent être fixés au début de la saison, quelle que soit l’évolution de l’état des stocks durant la saison. Réduire les QIT au milieu de la saison, alors que les différents propriétaires de QIT auront pêché une part plus ou moins grande de leurs quotas, tend à miner la crédibilité du système, et les pêcheurs accueilleront mal une telle mesure ou s’y opposeront, même si celle‑ci est jugée essentielle à des fins de conservation.
- Système quasi irréversible : Lorsqu’un système de QIT est établi, les propriétaires de bateaux existants reçoivent gratuitement des QIT. Les nouveaux participants doivent acheter des quotas, habituellement à gros prix. Si l’expérience montre que le système de QIT donne de mauvais résultats, les autorités continueront selon toute vraisemblance de le maintenir en place parce que les propriétaires des quotas exigeront une indemnisation pour leurs investissements perdus si leurs quotas sont annulés.
- Rejet ou accroissement des prises accessoires : Des QIT sont alloués pour différentes espèces de poissons. Les pêcheurs rapporteront inévitablement des prises accessoires d’espèces pour lesquelles ils n’ont pas de quotas. S’il leur est interdit de vendre ces prises accessoires, ils n’ont d’autre choix que de rejeter le poisson (habituellement mort), ce qui est du gaspillage et ce qui diminue la productivité de la pêche. S’ils sont autorisés à conserver les prises accessoires pour éviter le gaspillage, ils auront tendance à miser sur les prises accessoires pour augmenter leur revenu, entraînant une surpêche des espèces accessoires exploitées et diminuant ainsi la productivité de la pêche d’autant.
- Incompatibilité entre gestion monospécifique et gestion de l’écosystème : Tous reconnaissent maintenant qu’il faut gérer les pêches en tenant compte des effets que les différents règlements risquent d’avoir non seulement sur des pêches particulières, mais concurremment, sur l’ensemble des écosystèmes. La réglementation sous-jacente au système des QIT est en général axée sur une seule espèce. Cela découle de la nécessité de définir les quotas en fonction du nombre de poissons d’une espèce particulière. Si les quotas n’étaient pas définis en fonction d’une espèce, les propriétaires de quotas essaieraient d’atteindre leurs quotas en capturant les espèces de plus grande valeur, dont les stocks seraient alors menacés d’épuisement, voire d’extinction, et ne pêcheraient pas les surplus exploitables d’espèces de moindre valeur. Par conséquent, il faut fixer des quotas séparés pour assurer la pérennité des différentes espèces. Il faut aussi tenir compte des prises accessoires. Il est impossible pour les pêcheurs de capturer un nombre de poissons en proportion exacte de leurs quotas. Ils rapporteront inévitablement des prises accessoires d’espèces pour lesquelles ils détiennent un quota insuffisant ou ne détiennent aucun quota. La réglementation doit limiter autant que possible ces prises accessoires. De plus, il faut limiter les quotas de façon à tenir compte du nombre prévu de prises accessoires inévitables pour que la mortalité totale de chaque espèce soit telle que l’on puisse assurer une utilisation durable de l’espèce.
Comportements induits par le système :
- Dépassement des quotas : Les propriétaires de quotas individuels sont toujours tentés de dépasser leurs quotas de prises et de rejeter les prises excédentaires. C’est tout un défi que d’essayer de faire respecter des quotas dans un petit secteur de la pêche, comme c’est le cas au Canada, où des milliers de bateaux sillonnent les eaux d’une des côtes les plus longues du monde, offrant d’innombrables possibilités de rejet de prises excédentaires. Les dépassements de quotas minent la crédibilité du système des QIT, et bien des pêcheurs, autrement respectueux de la loi, sont tentés de dépasser les leurs pour maintenir leur part de prises et de revenu. Cela peut entraîner une grave surpêche menant à l’épuisement des stocks de poissons.
- Écrémage : Les quotas individuels sont normalement définis en poids. Pour obtenir de ses prises légales d’une espèce la valeur nette maximale, un pêcheur à quota voudra atteindre son quota avec du poisson dont la taille et la qualité lui rapportera le prix le plus élevé par kilogramme. Cela l’incitera directement à maximiser la valeur de ses prises, c’est-à-dire à rejeter le poisson (habituellement mort) de valeur moins élevée par unité de poids parce qu’il n’est pas d’une taille souhaitable ou est de moindre qualité pour quelque autre raison. Cette pratique, appelée écrémage, serait généralisée dans bien des pêches à QIT (p. ex. au Canada et en Islande). Elle entraîne un nombre élevé de mortalités de poisson non déclarées, de sorte que les niveaux des stocks sont de beaucoup inférieurs à ceux calculés à partir du nombre de poissons déclaré au débarquement.
- Rejets pour faire monter les prix : Dans bien des pêches, les prix au débarquement varient considérablement d’un jour à l’autre, voire dans la même journée, au gré de l’offre et de la demande. Dans une pêche à QIT, il peut arriver à un exploitant de bateau qui revient de la pêche d’entendre à la radio que les prix au débarquement ont dégringolé. Dans ces circonstances, certains exploitants (p. ex. dans certaines pêches à QIT au Canada et en Australie) ont tendance à rejeter leurs prises pour les soustraire de leurs quotas, dans l’espoir que les prix seront beaucoup plus élevés lors de leur prochaine sortie. De toute évidence, cette pratique incite au gaspillage du poisson et précipite l’épuisement des stocks.
- Escalade des quotas : Dans le secteur de la pêche, un tient vaut mieux que deux tu l’auras : la certitude de prises immédiates l’emporte de loin sur l’espoir d’une pêche meilleure à l’avenir. Par conséquent, les entreprises de pêche et les pêcheurs sont souvent tentés de réclamer des hausses du TAC (et donc des QIT) et de s’opposer à toute réduction. À cause de la promotion des QIT comme moyen de « privatiser » les pêches, les gestionnaires des pêches et les politiciens accèdent souvent aux demandes de hausse des quotas des propriétaires de QIT, malgré les mises en garde des scientifiques concernant les dangers imminents d’une baisse des stocks. Nombreuses sont les preuves qu’il y a escalade des quotas (p. ex. au Canada et en Nouvelle-Zélande) lorsque la pêche est bonne, mais rarement l’inverse lorsque la pêche est mauvaise.
- Spéculation et épuisement des stocks : La promotion des QIT comme moyen de « privatiser » les pêches a incité les associations de propriétaires de QIT à demander de participer davantage à la gestion des stocks dans leur pêche, au profit de leurs membres. Les entreprises et les gros investisseurs se sont montrés fort intéressés à faire l’acquisition d’importants quotas dans plusieurs pêches, souvent à des fins de spéculation. Ils pratiquent en général des taux d’escompte privés élevés, c’est‑à-dire qu’ils anticipent des profits élevés. Selon des calculs économiques, il est clair que, dans certaines pêches (qui portent notamment sur des espèces à croissance lente et à longévité élevée), l’espérance de profits élevés ne peut se justifier que par une exploitation rapide de la biomasse, au risque d’épuiser les stocks. Les profits élevés ainsi réalisés pourraient ensuite compenser en partie les sommes investies dans les quotas pour les espèces exploitées, et le reste pourrait être investi dans des quotas pour d’autres espèces; on pourrait répéter le scénario ou investir à l’extérieur de l’industrie de la pêche […]
- Falsification des données : Il est évident que tout exploitant qui dépasse son quota, ce qui est illégal, se gardera bien d’en faire la déclaration. Le nombre officiel de prises déclarées sera donc inférieur au nombre réel et faussera l’importance réelle du déclin des stocks de poisson qui en résultera. Qu’il soit illégal ou non de rejeter du poisson pour en maximiser la valeur ou faire monter les prix, ces rejets ne sont généralement pas déclarés et constituent donc un facteur d’épuisement des stocks de poisson qui n’est pas mesuré et dont on ne connaît essentiellement pas l’importance. Toutes ces pratiques nuisibles ont pour effet de « fausser » les données utilisées par les scientifiques pour calculer le TAC à imposer afin d’assurer la viabilité des pêches lorsque le nombre de prises est élevé. Malheureusement, les scientifiques ont parfois présumé que ce qu’ils ne savent pas n’existe pas. Que ce soit par ignorance ou par sous-estimation du nombre de prises non déclarées et rejetées en mer, ils risquent de présumer que les stocks sont plus élevés que leur niveau réel et de recommander par conséquent qu’il est impossible de maintenir un certain niveau de prises. Quoiqu’il en soit, ils ne pourront pas, à partir de données « faussées », calculer la valeur exacte du TAC qui s’impose pour assurer une bonne gestion des pêches.
Source : Parzival Copes, professeur émérite d’économie, Université Simon Fraser, extrait du mémoire présenté le 17 février 2005.
Témoins
Cette liste comprend tous les témoins qui ont comparu devant le Comité jusqu’au mardi 17 mai 2005 au sujet de cet ordre de renvoi. Ce rapport intérimaire reflète les témoignages reçus jusqu’au 10 mars 2005, et les témoignages des réunions qui ont suivi cette datte sur ce sujet seront reflétés dans des rapports futurs.
Le jeudi 4 novembre 2004
Ministère des Pêches et des Océans :
David Bevan, sous-ministres adjoint, gestion des pêches et de l’aquaculture;
Michel Vermette, directeur général par intérim, planification et coordination des programmes.
Le jeudi 7 décembre 2004
United Fishermen and Allied Workers’ Union:
Garth Mirau, vice-président.
Le mardi 8 février 2005
L’honorable Geoff Regan, C.P., député, ministre des Pêches et des Océans;
Shawn Murphy, C.P., député, secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans.
Ministère des Pêches et des Océans :
Larry Murray, sous-ministre;
Joan Adams, commissaire, Garde côtière canadienne;
Wendy Watson-Wright, sous-ministre adjointe, sciences;
Sue Kirby, sous-ministre adjointe, océans et habitat;
David Bevan, sous-ministre adjoint, gestion des pêches et de l'aquaculture;
Robert Bergeron, directeur général, Ports pour petits bateaux.
Le jeudi 10 février 2005
À titre personnel :
Daniel W. MacInnes, professeur, Département de sociologie et d'anthropologie, Université Saint Francis Xavier.
Le jeudi 17 février 2005
À titre personnel :
Parzival Copes, professeur émerite en sciences économiques, Institute of Fisheries Analysis and Centre for Coastal Studies, Université Simon Fraser.
Le jeudi 24 février 2004
Conseil canadien des pêcheurs professionnels :
Earle McCurdy, Fish Food and Allied Workers, président du CCPP;
Christine Hunt, Native Brotherhood of British Columbia, vice-présidente du CCPP;
John Sutcliffe, directeur exécutif du CCPP;
O'Neil Cloutier, Alliance des pêcheurs professionnels du Québec, secrétaire-trésorier du CCPP;
Rachel Josée Chiasson, Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels;
Ronnie Heighton, Gulf Nova Scotia Fleet Planning Board;
Rick Nickerson, Union des pêcheurs des Maritimes;
Sandy Siegel, Union des pêcheurs des Maritimes;
Keith Paugh, Prince Edward Island Fishermen's Association.
Le mardi 8 mars 2005
Area 23 Snow Crab Fishermen’s Association :
Gordon MacDonald, directeur général;
Fred Kennedy, expert-conseil.
Le jeudi 10 mars 2005
West Coast Vancouver Island Aquatic Management Board :
Andrew Day, directeur général.
Tribu Hesquiaht :
Simon Lucas, chef et membre du Aquatic Management Board.
Le jeudi 14 avril 2005
Haut-commissariat de la Nouvelle-Zélande :
Son Excellence Graham Kelly, haut-commissaire;
Andrew Needs, haut-commissaire adjoint.
Le jeudi 21 avril 2005
Ville de Burgeo (Terre-Neuve et Labrador) :
Son Honneur, Allister J. Hann, maire;
George Reid, vice maire.
Le jeudi 5 mai 2005
Ville de Canso (Nouvelle-Écosse) :
Son Honneur Ray White, maire.
Ville de Lunenburg (Nouvelle-Écosse) :
Son Honneur D. Laurence Mawhinney, maire.
([1]) Dans certaines provinces, des ententes ont été conclues pour que l’administration des lois fédérales sur les pêches soit déléguée aux gouvernements provinciaux. De plus, lorsque des ententes ont été conclues sur des revendications territoriales, la gestion des pêches est le plus souvent déléguée à un conseil de gestion de la faune.
([2]) L’article 7 de la Loi sur les pêches se lit comme suit : « 7. (1) En l’absence d’exclusivité du droit de pêche conférée par la loi, le ministre peut, à discrétion, octroyer des baux et permis de pêche ainsi que des licences d’exploitation de pêcheries – ou en permettre l’octroi –, indépendamment du lieu de l’exploitation ou de l’activité de pêche. (2) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, l’octroi de baux, permis et licences pour un terme supérieur à neuf ans est subordonné à l’autorisation du gouverneur général en conseil. »
([3]) Pour un inventaire des divers régimes de gestion des pêches au Canada, voir OECD, Country Note on Fisheries Management Systems – Canada, http://www.oecd.org/dataoecd/11/27/34427924.pdf.
([4]) Le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît et confirme les droits existants – ancestraux ou issus de traités – des peuples autochtones du Canada, y compris ceux liés au règlement de leurs revendications territoriales. L’étendue des droits et du titre autochtone des Premières nations continue à faire l’objet de litiges et de négociations. À la suite de la décision Sparrow, le gouvernement fédéral a lancé la Stratégie relative aux pêches autochtones (SRAPA) en 1992. Cette stratégie visait à permettre aux Autochtones d’avoir accès à la pêche commerciale grâce au Programme de transfert des allocations, en vertu duquel le gouvernement fédéral achète des quotas et permis commerciaux et les transfère aux collectivités autochtones. Des ententes de ventes pilotes ont également été conclues dans le bas Fraser. Environ les deux tiers des 125 ententes conclues dans le cadre de la SRAPA l’ont été avec des groupes autochtones de la région du Pacifique du MPO. En 2003, un Programme autochtone de gestion des ressources aquatiques et océaniques a été ajouté à la SRAPA pour aider des groupes autochtones à participer aux processus à intervenants multiples et à d’autres processus de planification consultatifs. La SRAPA s’applique là où le MPO gère la pêche et le règlement de revendications territoriales n’a pas encore mené à la mise en place d’un régime d’accès et de gestion de la pêche.
([5]) Fondé en 1995, le Conseil canadien des pêcheurs professionnels est une fédération nationale représentant les principales organisations de pêcheurs du pays.
([6]) Parzival Copes, Some Critical Considerations for Policy and Management in Canada’s Atlantic Fisheries: A report submitted to the Department of Fisheries and Oceans in respect of the Atlantic Fisheries Policy Review, 31 mai 2001.
([7]) Pour la flotte canadienne de pêche hauturière du poisson de fond de l’Atlantique, un premier programme de quotas individuels a été mis en place au début des années 1980; les allocations de poissons – des « allocations aux entreprises » ou AE – étaient alors accordées à des entreprises ou compagnies individuelles. Ces EA s’appliquent à des bateaux de plus de 65 pieds de longueur. Les QI et QIT ont été ensuite utilisés pour d’autres types de pêche (comme la pêche du hareng à la senne, les pêches hauturières du homard, les pêches du pétoncle, de la palourde, de la crevette nordique et du crabe des neiges, et dans certains secteurs de la pêche côtière de l’Atlantique). Sur la côte ouest, ces permis à quotas sont également utilisés dans un certain nombre de pêches (oreille de mer, hareng, panopéa, oursin, concombre de mer, morue charbonnière et flétan). En 1997, ils ont été adoptés pour la pêche au chalut du poisson de fond qui permet de récolter plus de 77 espèces. Pour un inventaire des régimes de gestion des pêches appliqués dans les pêches marines canadiennes, voir OECD, Country Note on Fisheries Management Systems – Canada, http://www.oecd.org/dataoecd/11/27/34427924.pdf.
([8]) Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, La privatisation et les permis à quotas dans les pêches canadiennes, décembre 1998,
/36/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/fish‑f/rep‑f/rep03dec98-f.htm.
([9]) Selon la théorie de la « tragédie des ressources collectives », une pêche ouverte et non réglementée entraîne une course débridée pour s’approprier des stocks de poissons limités, chacun s’efforçant de maximiser son gain économique immédiat. Cette course aboutit à une capacité excessive par suite d’investissements dans des bateaux sans cesse plus gros et plus coûteux, de meilleurs engins et du matériel toujours plus complexe. Toutefois, étant donné que les pêcheurs réagissent tous de la même façon, aucun n’est vraiment avantagé et il en résulte une surexploitation, un épuisement des stocks et de faibles revenus (ce qu’on a appelé « le problème des pêcheurs »).
([10]) Comité sénatorial des pêches et des océans, Privatisation et permis à quotas dans les pêches canadiennes, décembre 1998.
([11]) Ibid.
([12]) Ibid.
([13]) Peter Pearse et Donald McRae, Les traités et la transition – Objectifs : Une pêche durable sur la côte du Pacifique du Canada, mai 2004, http://www-comm.pac.dfo-mpo.gc.ca/publications/jtf/tint1_f.htm.
([14]) Ministère des Pêches et des Océans, « Un rapport appelle à l’adoption d’une approche à long terme pour la gestion de la pêche du saumon », communiqué, 5 mai 2004.
([15])
MPO, « Un plan d’action visant à réformer les pêches du Pacifique »,
discours du ministre,
14 avril 2005.
([16]) MPO, La gestion des pêches sur la côte Atlantique du Canada – Document de travail sur l’orientation et les principes stratégiques, 2001, http://www.dfo-mpo.gc.ca/afpr-rppa/Doc_Doc/discodoc_f.htm.
([17]) MPO, Protéger l’indépendance de la flottille côtière dans les pêches de l’Atlantique, décembre 2003,
http://www.dfo-mpo.gc.ca/afpr-rppa/Doc_Doc/discodoc2003_f.htm.
([18]) MPO, Cadre stratégique de la gestion des pêches sur la côte Atlantique du Canada, mars 2004,
http://www.dfo-mpo.gc.ca/afpr-rppa/Doc_Doc/policy_framework/policy_framework_f.htm.
([19]) MPO, « Le ministre Regan publie le cadre stratégique pour l’Atlantique et stabilise les modalités de partage des pêches pour 2004 », communiqué, 25 mars 2004,
http://www.dfo-mpo.gc.ca/media/newsrel/2004/hq-ac27_f.htm.
([20]) Auparavant, en mars 2004, le ministre avait stabilisé les modalités de partage de la ressource pour la plupart des flottilles de pêche de l’Atlantique pour le reste de l’année. Parmi les pêches qui posaient toujours problème et où les modalités n’étaient pas encore arrêtées, il y avait la zone 0A pour la pêche du flétan du Groenland au large de la côte du Nunavut – une pêche qui a fait l’objet d’un rapport du Comité en 2004. Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, Les pêches au Nunavut : allocations de quotas et retombées économiques, avril 2004,
/fr/Content/SEN/Committee/373/fish/rep/rep04apr04-f.htm.
([21]) MPO, Rapport sur les plans et les priorités 2004‑2005, Secrétariat du Conseil du Trésor,
http://www.tbs-sct.gc.ca/est-pre/20042005/FO-PO/FO-POr4501_f.asp#s1.
([22]) David Bevan, MPO, sous‑ministre adjoint, Gestion des pêches et de l’aquaculture, Délibérations du comité, 4 novembre 2004.
([23]) L’hon. Geoff Regan, ministre des Pêches et des Océans, Délibérations du comité, 8 février 2005.
([24]) Donald J. Savoie, Gabriel Filteau et Patricia Gallaugher, Le partenariat comme mode de gestion des pêches – Rapport du Comité d’étude sur le partenariat, décembre 1998,
http://www.dfo-mpo.gc.ca/media/backgrou/1998/hq-ac90_f.htm.
([25]) La Loi constitutionnelle de 1867 incorpore les pratiques constitutionnelles anglaises et la common law britannique dans le droit canadien, y compris la Grande Charte. Au Canada, le droit public et le développement dans l’interprétation de la Constitution ont établi le principe selon lequel dans les eaux soumises à la marée un droit exclusif de pêche ne peut être créé que par le Parlement fédéral. Il existe un « droit public de pêcher » qui ne peut être abrogé que par l’adoption d’une loi compétente par le Parlement.
([26]) Comité sénatorial permanent des pêches et océans, Privatisation et permis à quotas dans les pêches canadiennes, décembre 1998. En novembre 1991, le MPO avait proposé de réformer la délivrance des permis et l’allocation des ressources dans les pêches commerciales canadiennes en établissant, grâce à un projet de loi, deux offices des pêches indépendants – un pour les pêches de l’Atlantique et un autre pour celles du Pacifique. Un projet de loi a été déposé à la Chambre des communes en mai 1993, mais est plus tard mort au Feuilleton.
([27])
Garth Mirau, vice-président, United Fishermen and Allied Workers’ Union,
Délibérations du Comité,
7 décembre 2004.
([28]) Ministère des Finances, « Privatisation ou commercialisation des opérations gouvernementales », Budget de 1995 – Feuillets de renseignements 9, http://www.fin.gc.ca/budget95/fact/Fact_9f.html; ministère des Finances, « Repenser le rôle de l’État : Aperçu de l’Examen des programmes », Budget de 1995 – Feuillets de renseignements 6, http://www.fin.gc.ca/budget95/fact/FACT_6f.html.
([29]) Donald J. Savoie, Gabriel Filteau et Patricia Gallaugher, Le partenariat comme mode de gestion des pêches, Rapport du Comité d’étude sur le partenariat, 10 décembre 1998.
([30]) Larry Murray, sous‑ministre du MPO, Délibérations du Comité, 8 février 2005.
([31]) Concernant l’habitat du poisson, le Comité a conclu dans son rapport intérimaire de novembre 2003 que le MPO ne disposait pas de ressources suffisantes pour relever le défi que pose actuellement l’habitat du poisson, et encore moins ceux qui se présenteront dans l’avenir, et qu’il avait besoin de toute urgence de fonds supplémentaires.
([32])
L’honorable
Bryan Williams, président, Examen d’après-saison de la pêche du saumon
du sud 2004,
mars 2005,
http://www-comm.pac.dfo-mpo.gc.ca/publications/2004psr/williams_f.pdf.
([33]) Réponse du gouvernement – 7e Rapport du Comité permanent des pêches et des océans, Dossiers des pêches de l’Atlantique, avril 2004.
([34]) OECD, Country Note on Fisheries Management Systems – Canada,
http://www.oecd.org/dataoecd/11/27/34427924.pdf.
([35])
L’honorable Geoff Regan, ministre des Pêches et des Océans,
Délibérations du Comité, 8 février 2005.
Dans l’ensemble, selon l’Aperçu de la saison de pêche du saumon pour
2005 (mars 2005) « la plupart des stocks […] du Pacifique semblent
en santé, bien que certains aient enregistré une baisse ces dernières
années et ne pourront soutenir une pêche généralisée en 2005 ».
([36]) Ibid.
([37]) David Bevan, MPO, sous-ministre adjoint, Gestion des pêches et de l’aquaculture, Délibérations du Comité, 4 novembre 2004.
([38]) À la table ronde de mars 1995 sur l’avenir des pêches de l’Atlantique, on s’est entendu sur les points suivants : l’introduction de nouveaux QI, QIT, AE ne doit ni conférer ni annuler l’accès à la pêche; ce geste doit être appuyé par une forte majorité (deux tiers) de titulaires de permis de la pêche en question; il faut un processus d’intervention dont puisse se prévaloir tout groupe de pêcheurs qui estiment être lésé; la transférabilité des permis serait restreinte de manière à prévenir un cumul inacceptable des quotas.
([39]) United Fish, Food and Allied Workers Union, mémoire présenté au Comité, novembre 2004.
([40])
Quand la capacité de capture d’une flottille est excessive, cet objectif
est peut-être désirable. Cependant, le MPO n’a jamais répondu à la
satisfaction du Comité à la question de savoir si l’épuisement des
stocks commerciaux au Canada est attribuable à la surcapacité,
c’est‑à-dire au fait qu’il y a « trop de pêcheurs et pas assez de
poisson » ou parce qu’il y a un trop grand effort de pêche,
deux concepts fort différents. La surcapacité de captures a plus à voir
avec la technologie et à l’effort de pêche globale qu’avec le nombre de
pêcheurs. Réduire le nombre de ces derniers risque de ne pas avoir
beaucoup d’impact sur la réduction de la capacité de capture.
([41]) Les pêches en mer sont demeurées propriété commune plus longtemps que les autres secteurs ou ressources pour une très bonne raison. Il est possible de tracer des limites autour des fermes, des mines et des forêts afin d’y assigner des droits de propriété privée. Par contre, le poisson n’est pas visible, il migre souvent (parcourant parfois de longues distances) et se mêle à d’autres stocks, d’où la difficulté d’isoler des populations de poisson et de leur assigner des droits de propriété. On peut dire que le plus grand problème de la gestion par quotas individuels, c’est qu’on ne peut pas mettre une « clôture autour des poissons dans la nature ».
([42]) Parzival Copes, professeur émérite d’économie, Université Simon Fraser, mémoire présenté au Comité, 17 février 2005. M. Copes est une autorité reconnue au Canada et à l’étranger sur l’économie et la gestion des pêches.
([43]) Les compagnies donnaient souvent aux pêcheurs des instructions précises sur les espèces à débarquer, et en quelle quantité (une sorte de « liste d’épicerie ») et la seule façon de se conformer à la commande, c’était de faire de l’écrémage et de rejeter des poissons. Voir par exemple les Délibérations du Comité du 12 juin 1990.
([44]) Par exemple, les pêcheurs peuvent avoir pêché plus longtemps ou plus fort ou gonflé leurs chiffres en prévision des QI. Ils peuvent même avoir pêché quand ce n’était pas dans leur intérêt. La répartition des quotas selon les antécédents peut également récompenser des comportements répréhensibles comme le rejet sélectif ou le rejet total. Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, Privatisation et permis à quotas dans les pêches canadiennes, décembre 1998.
([45]) Parzival Copes, Some Critical Considerations for Policy and Management in Canada’s Atlantic Fisheries: A report submitted to the Department of Fisheries and Oceans in respect of the Atlantic Fisheries Policy Review, 31 mai 2001.
([46]) Dans son rapport de 1995 (La pêche du poisson de fond de l’Atlantique : son avenir), le Comité sénatorial recommandait au ministère des Pêches et des Océans « d’examiner et d’évaluer l’efficacité de sa réglementation de manière à assujettir la propriété ou le contrôle des QIT à certains plafonds ». Le sous-ministre a répondu que l’application à long terme de bon nombre de ces restrictions avait prouvé qu’elles deviennent de plus en plus inefficaces à mesure que l’industrie s’adapte (sur le plan juridique ou en contournant la réglementation) et que ce genre de règles s’appliquent rarement dans d’autres secteurs et nuisent à l’évolution d’une industrie autonome et efficace (Lettre au président du Comité sénatorial permanent des pêches, février 1996).
([47]) Pour la morue du Nord, le Groupe de travail sur les pêches de l’Atlantique de 1982 projetait un quota canadien de 400 000 tonnes pour 1987; prévoyait que la flottille hauturière au chalut pêchant le poisson de fond jouerait un rôle important dans la pêche de l’avenir; recommandait que l’allocation côtière (flottille des petits bateaux) ne soit pas augmentée dans la même proportion que le TAC. Le TAC de la morue du Nord n’a jamais dépassé 266 000 tonnes.
([48])
En 1981, l’industrie du poisson de fond de l’Atlantique a connu une
crise financière aiguë qui concernait surtout la pêche hauturière (gros
bateaux). En 1982, le gouvernement fédéral a nommé un Groupe d’étude
des pêches de l’Atlantique qui a produit un rapport intitulé,
Naviguer dans la tourmente :
Une nouvelle politique pour les pêches de l’Atlantique en novembre
1982. Une « restructuration » a suivi, pour refinancer et fusionner
plusieurs grandes entreprises de transformation exploitant des flottes
de chalutiers hauturiers.
Cela a nécessité des fonds publics. Deux nouveaux géants à intégration
verticale ont vu le jour, l’un à Terre-Neuve et l’autre en
Nouvelle-Écosse. La force subséquente du marché a permis à ces grandes
compagnies de retourner dans des mains privées, mais à peu près rien n’a
été fait à l’époque pour aider les pêcheurs, les transformateurs et les
coopératives indépendants.
([49]) En 1993, le Comité sénatorial a réclamé une commission royale pour donner des conseils sur la façon dont le poisson de fond devrait être géré. Il n’a jamais été établi que l’épuisement des stocks de poisson de fond était indépendant de certaines activités pratiquées au large, des technologies de pêche et des pratiques de pêche destructrices.
([50]) Le Groupe d’étude des pêches de l’Atlantique a estimé en 1982, que la pêche commerciale à Terre‑Neuve, dans les Maritimes et sur les côtes du Québec était le moyen de subsistance de plus de 1 300 petites localités, dont la moitié étaient mono-industrielles.
([51]) Il s’agit du Programme d’adaptation et de redressement de la pêche de la morue du Nord (PARPMN), de la Stratégie du poisson de fond de l’Atlantique (LSPA) et du programme d’adaptation et de restructuration des pêches canadiennes (PARPC).
([52])
Gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, Newfoundland and Labrador
Statistics Agency,
« 2001 Census Data and Information ».
([53]) Conseil canadien des pêcheurs professionnels, réponse du conseil à la RPPA, 31 mai 2001.
([54]) Trop souvent, la pêche côtière de l’Atlantique a été dépeinte comme une pêche sociale – trop subventionnée et trop surcapitalisée et incapable d’être rentable même quand les ressources sont abondantes – l’employeur de dernier recours dans une région au taux de chômage élevé. L’histoire montre par ailleurs la capacité des pêcheurs côtiers et des petits exploitants d’usines à s’adapter, et à demeurer concurrentiels face aux changements conjoncturels.
([55])
L’étude, réalisée conjointement avec Développement des ressources
humaines Canada, fait l’analyse en profondeur du secteur de la pêche,
par le biais d’un sondage auprès de 1 500 propriétaires d’entreprises et
600 membres d’équipage, de groupes d’opinions, d’entrevues et d’un
examen de la documentation. Elle a pour but de fournir l’information
requise à l’appui d’une stratégie nationale pour répondre aux besoins
actuels et futurs de travailleurs compétents dans le secteur
halieutiques. Le Conseil canadien des pêcheurs professionnels,
« Summary of Main Findings and Recommendations From National
Fish Harvester Sector Survey », 2005.
([56]) La politique de séparation des flottilles n’empêche pas les pêcheurs titulaires de permis de devenir propriétaires d’usine.
([57]) Marc Allain, « Inshore fisheries: A Case to Follow », Current Issues Bulletin, Conseil canadien des pêcheurs professionnels, 13 janvier 2005 mise à jour, http://www.ccpfh-ccpp.org/cgi%2Dbin% 5Cfiles%5C050117%2CCurrent%2DIssues%2DBulletin%2CE%2Epdf.
([58]) David Bevan, MPO, sous-ministre adjoint, Gestion des pêches et de l’aquaculture, Délibérations du Comité, 8 février 2005. La politique de limitation de l’entrée dans la pêche commerciale limite l’accès aux pêches, créant ainsi une valeur marchande pour les permis. Dans les pêches où les transferts de permis sont autorisés, le ministre a convenu en pratique de réémettre le permis aux pêcheurs qui achètent les actifs d’un autre (pêcheur à la retraite qui peut être membre de la famille). Ainsi, des permis de pêche classique ont été « vendus » même si en termes juridiques, la vente n’a pas eu lieu.
([59]) Un résumé des consultations publiques, Opinions exprimées, Protéger l’indépendance de la flottille côtière dans les pêches de l’Atlantique est paru en mars 2004.
([60]) Selon le MPO, les accords de fiducie qui visent à transférer l’intérêt bénéficiaire d’un permis, même s’ils n’ont pas été considérés comme illégaux par les tribunaux, contreviennent aux politiques du propriétaire-exploitant et de la séparation des flottilles ainsi qu’à la désignation de pêcheurs professionnels désignés parce qu’elles permettent à une entreprise, à un tiers ou à une entité autre que le titulaire de contrôler le permis dans une flottille côtière. MPO, RPPA, Protéger l’indépendance de la flottille côtière dans les pêches de l’Atlantique, fiche d’information, décembre 2003.
([61]) Stephen Maher, « Lobster: An Issue of Trust; Ottawa Faced With Decision on Control of Fishing Licences », The Chronicle-Herald, 30 décembre 2004, p. B2.
([62]) En 1991, il y avait 100 localités de pêche. Don Cruickshank, commissaire, Commission d’enquête sur les permis et les politiques connexes du ministère des Pêches et des Océans, The Fishermen’s Report, novembre 1991.
([63])
Comité sénatorial permanent des pêches, La commercialisation du
poisson au Canada :
Rapport provisoire sur les pêches de la Côte Ouest.
([64]) Le plan Mifflin comptait trois éléments : un programme de retrait ou de rachat de permis de 80 millions de dollars; un permis qui restreignait les pêcheurs à l’utilisation d’un seul engin; un permis par zone qui limitait les pêcheurs à une de deux zones de seine, ou une de trois zones de pêche au filet ou à la traîne. Si un pêcheur souhaitait pêcher dans une autre zone ou avec des engins différents, il devait acheter le permis d’un autre pêcheur.
([65]) Premières nations Nuu-chah-nulth, mémoire présenté au Comité, 10 mars 2005.
([66])
Ecotrust Canada
and Ecotrust, Catch-22: Conservation, Communities and the
Privatization of
B.C. Fisheries, novembre 2004,
http://www.ecotrustcan.org/catch-22.shtml.
([67]) Ibid.
([68]) Ibid.
([69]) David Bevan, MPO, sous-ministre adjoint, Gestion des pêches et de l’aquaculture, Délibérations du Comité, 4 novembre 2004.
([70]) L’UFAWU est une section locale du Syndicat des travailleurs unis de l’automobile qui représente des pêcheurs, des emballeurs de poisson et des travailleurs d’usine de Colombie-Britannique. Ses membres sont propriétaires de bateaux indépendants, travaillent sur les bateaux comme capitaines ou membres d’équipage, ou encore travaillent à terre au déchargement du poisson ou dans les usines de transformation. Ils participent à toutes sortes d’activités de pêche et de transformation du poisson.
([71])
Sur la question de la propriété, le Comité avait posé la question
suivante dans son étude de 1998 :
« S’ils sont un jour interprétés de cette façon par les tribunaux, des
questions d’ordre juridique pourraient se poser : par exemple, s’il
s’agit de biens privés, ne devraient-ils pas être régis par les lois
provinciales concernant les droits de propriété et les
droits de la personne? Serait-il alors constitutionnel pour le
gouvernement fédéral de réglementer la pêche (p. ex. d’annuler un quota)
une fois que l’accès aux ressources de propriété commune est devenu de
propriété individuelle? » Le Comité s’est également demandé, si, avec la
mondialisation du commerce, le gouvernement fédéral serait en mesure de
protéger les ressources halieutiques du Canada de la propriété
étrangère.
([72]) Ministère des Pêches et des Océans, « Un rapport appelle à l’adoption d’une approche à long terme pour la gestion de la pêche du saumon », communiqué, 5 mai 2004.
([73]) United Fish and Allied Workers Union, mémoire présenté au Comité, novembre 2004.
([74]) Christine Hunt, Native Brotherhood of British Columbia, vice-présidente, Conseil canadien des pêcheurs professionnels, Délibérations du Comité, 24 février 2005.
([75]) BC Aboriginal Fisheries Commission, « Leader Says Mis-Guided Salmon Quota Scheme Threatens Treaty Making », communiqué, 5 avril 2005.
([76]) Chef Simon Lucas, tribu des Hesquiaht, Délibérations du Comité, 10 mars 2005.
([77]) Panel des Premières nations sur les pêches, Notre place à la table : Les Premières nations dans la pêche de Colombie-Britannique, juin 2004.
([78]) Christine Hunt, Native Brotherhood of British Columbia, vice-présidente du Conseil canadien des pêcheurs professionnels, Délibérations du Comité, 24 février 2005. Plusieurs groupes pêchent généralement le saumon à plusieurs endroits différents. Si la pêche n’est pas strictement contrôlée, elle peut éliminer des stocks complets en une saison. Pour le saumon, le système de gestion est basé sur les « échappés », c’est‑à-dire un nombre cible ou optimal de saumons qui réussissent à remonter la rivière pour aller frayer. Chaque année, les gestionnaires doivent faire des prévisions exactes sur l’effectif et les dates de la montaison, ce qui suppose une gestion en temps réel (par exemple, fermer une pêche sans beaucoup de préavis). Les effectifs sont très variables d’une année à l’autre, de sorte que la souplesse est nécessaire. Idéalement, chaque stock de frai se comporte comme une population génétiquement distincte et doit être géré séparément aux fins de sa conservation. Cependant, cela pose un problème lorsque les stocks se mêlent, comme ils le font souvent, et migrent ensemble dans les lieux de pêche. Chaque espèce de saumon (kéta, coho, quinnat, rose, rouge et steelhead) a un cycle de vie particulier. Certains stocks sont relativement peu nombreux, d’autres sont considérables.
([79]) MPO, réponse au Rapport du Comité sénatorial permanent des pêches intitulé Privatisation et permis à quota dans les pêches canadiennes, 14 avril 1999,
/fr/Content/SEN/Committee/381/fish/rep/AppendixJun99-e.htm.
([80]) Don Cruickshank, Commissaire, A Commission of Inquiry Into Licensing and Related Policies of the Department of Fisheries and Oceans, The Fishermen’s Report, novembre 1991. Ce rapport est resté lettre morte au gouvernement. Selon le rapport, les QI convertissent en propriété privée ce qui était jusqu’alors une ressource de propriété commune ou publique. Mentionnons les recommandations suivantes : si on annonce de nouvelles pêches à quota, il faudrait considérer une contestation devant les tribunaux pour des motifs constitutionnels, afin de mettre fin à leur mise en œuvre en attendant une décision de la Cour suprême; tous les permis de pêches émis par le MPO : permis de bateau, permis personnel et quota individuel doivent être soumis à la disposition qu’ils seront exploités par le propriétaire.
([81]) Première nation Nuu-chah-nulth First Nations, mémoire présenté au Comité, 10 mars 2005.
([82]) La Commission royale affirmait ceci : À l’heure actuelle, tout système de quota individuel de capture serait à mon avis difficile pour ses flottilles et probablement au‑delà de la capacité d’administration du Ministère. On sait que les stocks et les prises disponibles de toutes les espèces fluctuent considérablement et de façon imprévisible d’une année à l’autre, ce qui rend impossible d’allouer des QI d’avance avec un quelconque degré de certitude. Peter H. Pearse, Royal Commission on Pacific Fisheries Policy, Turning the Tide Turning the Tide: A New Policy for Canada’s Pacific Fisheries, 1982, p. 105. Le rapport recommandait de réduire la flottille de pêche au saumon de moitié et d’imposer des droits. Il proposait également un système d’enchères pour les permis, ce que les pêcheurs ont rejeté. Il proposait des QIT pour certaines pêches, ce qui a été par la suite réalisé.
([83])
Garth Mirau, (UFAWU-CAW), lettre au président du Comité sénatorial des
pêches et des océans,
20 décembre 2004.
([84]) MPO, discours de l’honorable Geoff Regan, ministre des Pêches et des Océans sur la réforme des pêches du Pacifique, 14 avril 2005; MPO, Plan d’action 2005, fiche d’information, 14 avril 2005.
([85]) En 1995, la stratégie des pêches de l’avenir du MPO préconisait de « laisser aux pêcheurs un plus grand rôle dans la prise de décisions et de plus grandes responsabilités à l’égard des coûts de la conservation et de la gestion de la ressource ». Lorsque les modifications proposées à la Loi sur les pêches, qui auraient favorisé l’établissement de partenariats, sont mortes à l’étape du Feuilleton en 1997, le ministère a décidé de passer à un concept différent, la « cogestion ». Rapport du vérificateur général du Canada, chapitre 4, La gestion durable des stocks de mollusques et de crustacés de l’Atlantique, avril 1999.
([86]) Dans le Cadre stratégique de gestion des pêches sur la côte de l’Atlantique, il est question des « utilisateurs de la ressource » et, « en ce qui concerne les pêches, [d’]autres parties intéressées […] notamment les organisations ou les individus intéressés par les résultats des décisions de gestion des pêches tels que les membres d’équipage des bateaux de pêche, les ouvriers d’usine, les universitaires, les groupes de défense de l’environnement ou les organisations communautaires ».
([87])
David Bevan, MPO, SMA, Gestion des pêches et de l’aquaculture,
Délibérations du Comité,
4 novembre 2004.
([88]) La pêche au flétan et la pêche à la morue charbonnière sur le Pacifique sont habituellement citées comme modèles de d’une transformation réussie des pêches, une fois le droit de propriété en place.
([89]) Daniel MacInnes, département de sociologie, Université St. Francis Xavier, Délibérations du Comité, 10 février 2005.
([90])
En réaction au manque d’information socioéconomique sur les pêches
marines, le MPO a informé récemment le Comité qu’il effectuait une étude
des coûts et des recettes de la saison de pêche 2004 –
la première étude de viabilité des flottilles depuis 1988. MPO, réponse
du gouvernement au rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et
des océans, Les pêches au Nunavut : Allocations de quotas et
retombées économiques, mars 2005.
([91]) À noter que le homard de la côte de l’Atlantique n’a jamais fait l’objet d’un quota de capture global et d’un TAC.
([92]) MPO, Création d’un nouveau conseil de gestion des ressources aquatiques pour la côte ouest de l’île de Vancouver, communiqué, 21 février 2002,
http://www.pac.dfo-mpo.gc.ca/comm/pages/release/p-releas/2002/nr014_f.htm.
([93]) Les administrations qui ont parrainé l’initiative sont : le gouvernement fédéral (MPO), la province de la Colombie-Britannique, les districts régionaux d’Alberni-Clayoquot et de Comox-Strathcona, et le conseil tribal des Nuu‑chah‑nulth.
([94]) MPO, Mise en place du conseil de gestion pilote des ressources aquatiques pour la côte ouest de l’île de Vancouver, communiqué, 26 février 2001,
http://www-comm.pac.dfo-mpo.gc.ca/pages/release/p-releas/2001/nr021_f.htm.
([95]) Andrew Day, directeur général, Comité de gestion aquatique de la côte ouest de l’île Vancouver, Délibérations du Comité, 10 mars 2005.
([96]) Conseil canadien des pêcheurs professionnels (Document de travail : La cogestion dans le secteur de la pêche côtière polyvalente, 10 juin 1998), cité dans Comité sénatorial des pêches, Privatisation et permis à quotas dans les pêches canadiennes, décembre 1998.
([97]) MPO, « Un rapport appelle à l’adoption d’une approche à long terme pour la gestion de la pêche du saumon », communiqué, 5 mai 2004.
([98])
David Bevan, MPO, sous-ministre adjoint, Gestion des pêches et de
l’aquaculture, Délibérations du Comité, 4 novembre 2004. Dans sa
réponse au rapport du Comité de 1998, le MPO a affirmé qu’il
« ne propose pas de privatiser la ressource ou sa gestion. La
privatisation n’est pas une solution. »
Voir l’annexe 4, recommandation 3.
([99]) MPO, « Le ministre Regan annonce un plan d’action visant à réformer les pêches du Pacifique », communiqué, 14 avril 2005.
([100]) En 1998, le Comité concluait que les QI « devraient être limités aux secteurs où il y a relativement peu d’intervenants, où les stocks sont relativement stables et où les collectivités sont relativement peu dépendantes de ces stocks. Ce type de permis serait probablement plus indiqué dans le cas des pêches de nature plus industrielle […] »
([101])
OECD, Towards Sustainable Fisheries: Economic Aspects of the
Management of Living Marine Resources, Paris, 1997. Voir Chris
Newton, Otto Langer, Martin Weinstein et Parzival Copes, « Privatizing
Salmon Fishing Won’t Help B.C. Communities or The Fish », The
Vancouver Sun,
19 juillet 2004, p. A7.
([102])
Christine Hunt, vice-présidente, Native Brotherhood of British Columbia,
Délibérations du Comité,
24 février 2005.
([103]) MPO, « Établissement d’un Groupe de travail par les gouvernements en vue de fournir des conseils sur la gestion intégrée des pêches suite à la conclusion de traités », 29 juillet 2003.
([104]) U.S. General Accounting Office, Individual Fishing Quotas: Methods for Community Protection and New Entry Require Periodic Evaluation, Washington, D.C., février 2004.
([105]) MPO, Cadre stratégique pour la gestion des pêches sur la côte Atlantique du Canada, mars 2004.
([106]) MPO, réponse de Pêches et Océans au rapport du Comité sénatorial permanent des pêches intitulé Privatisation et permis à quota dans les pêches du Canada, recommandation 5, 14 avril 1999.
([107]) Dans son Cadre de 2002 pour l’octroi d’un accès nouveau ou accru aux pêches de l’Atlantique, le MPO affirme que le critère de contiguïté « se fonde sur l’hypothèse implicite que l’accès fondé sur la contiguïté favorisera l’intendance locale et le développement économique local », et que la contiguïté se justifie davantage dans le cas de la pêche au moyen de petits bateaux. Le Cadre du MPO s’applique aux pêches qui ont connu une augmentation substantielle de l’effectif des stocks ou de la valeur débarquée. Plus la pêche s’éloigne de la côte, plus il devient difficile de justifier les décisions sur le seul critère de la contiguïté; il faut alors considérer d’autres critères comme la dépendance historique. MPO, Un cadre décisionnel pour l’octroi de nouveaux accès, novembre 2002, http://www.dfo-mpo.gc.ca/communic/fish_man/frame-cadre/access_framework_f.htm.
([108])
Parzival Copes, mémoire présenté au Comité sénatorial permanent des
pêches et des Océans,
17 février 2005.
([109]) Unité de stratégie du premier ministre, Net Benefits: A Sustainable and Profitable Future for UK Fishing, avril 2004, http://www.strategy.gov.uk/. En janvier 2003, le premier ministre a demandé à l’Unité de stratégie d’examiner les options concernant un secteur des pêches viable dans le moyen et le long termes au Royaume-Uni.
([110]) Royaume-Uni, Chambre des communes, Comité des affaires environnementales, alimentaires et rurales, sixième rapport, session 2004-2005, http://www.publications.parliament.uk/pa/cm/cmpubns.htm.
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