LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 10 mars 2020
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 8 h 30, pour étudier le Budget supplémentaire des dépenses (B) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2020.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je m’appelle Percy Mockler, et je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et le président du comité.
Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont avec nous dans la salle, de même qu’aux téléspectateurs de tout le pays qui nous regardent peut-être à la télévision ou en ligne. Pour ceux qui nous regardent, je rappelle que les audiences du comité sont ouvertes au public et qu’on peut aussi les visionner en ligne à l’adresse sencanada.ca.
[Français]
Je demanderais maintenant aux sénateurs et sénatrices de se présenter.
Le sénateur Forest : Éric Forest, sénateur de la division du Golfe, au Québec.
[Traduction]
Le sénateur Tannas : Je suis Scott Tannas, de l’Alberta.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario. Bonjour.
Le sénateur Boehm : Peter Boehm, de l’Ontario.
Le sénateur Smith : Larry Smith, du Québec.
La sénatrice Duncan : Bonjour. Je suis Pat Duncan, du Yukon.
Le sénateur Loffreda : Bonjour. Tony Loffreda, de Montréal.
Le sénateur Klyne : Bonjour. Je suis Marty Klyne, de la Saskatchewan.
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
Le président : J’aimerais également vous présenter la greffière du comité, Mme Maxime Fortin, et nos deux analystes, Alex Smith et Shaowei Pu, qui, ensemble, appuient les travaux du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
[Traduction]
Mesdames et messieurs les sénateurs et les membres du public, notre comité a pour mandat d’examiner les questions concernant les prévisions budgétaires fédérales en général ainsi que les finances publiques.
Mesdames et messieurs les sénateurs et les membres du public, nous commençons aujourd’hui notre examen des dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2020, qui a été renvoyé à notre comité le 25 février 2020 par le Sénat du Canada.
Pour la première partie de la séance, les représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada vont nous donner un aperçu de l’ensemble du Budget supplémentaire des dépenses (B), de même que de leurs demandes de fonds.
Nous souhaitons la bienvenue à Karen Cahill, secrétaire adjointe et dirigeante principale des finances. Elle est accompagnée de Glenn Purves, secrétaire adjoint du Secteur de la gestion des dépenses, et de Marcia Santiago, directrice exécutive des Stratégies et prévisions des dépenses. Nous vous souhaitons la bienvenue à tous les trois, et nous vous remercions d’avoir accepté notre invitation à comparaître devant le Comité des finances nationales.
Monsieur Purves, on m’a signalé que vous allez présenter un exposé, qui sera suivi des questions des sénateurs.
[Français]
La parole est à vous.
[Traduction]
Glenn Purves, secrétaire adjoint, Secteur de la gestion des dépenses, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Mesdames et messieurs les sénateurs, bonjour.
[Français]
Merci de nous avoir invités à comparaître pour vous parler des travaux sur les subsides. Je vous donnerai un bref exposé, qui comprendra un survol des travaux sur les subsides et les échéanciers, un aperçu du présent budget supplémentaire et des principaux postes de dépenses et les prochaines étapes liées au Budget supplémentaire des dépenses (B) et au Budget principal des dépenses. Une fois mon exposé terminé, je serai heureux de répondre à vos questions.
[Traduction]
Nous avons ici une deuxième diapositive. Nous fournissons toujours cette information pour rappeler aux sénateurs les étapes du processus d’octroi des crédits.
Avant qu’elles n’apparaissent dans le budget, les demandes de financement obtiennent l’approbation du Conseil du Trésor, ou CT, après quoi les documents budgétaires peuvent être déposés à chacune des trois périodes des subsides prévues au Règlement de la Chambre des communes. Les budgets des dépenses sont déposés avant les projets de loi de crédits qui s’y rapportent pour laisser aux parlementaires le temps de les étudier.
Dans le cadre de la présente étude du Budget des dépenses, le président du CT et ses représentants comparaissent devant les comités, comme nous le faisons aujourd’hui, pour discuter du budget de l’ensemble du gouvernement, en plus des dépenses projetées du CT. D’autres ministres et représentants ministériels peuvent comparaître devant les comités responsables de l’examen de leurs budgets respectifs.
Au dernier jour désigné de la période des subsides pour l’opposition, les projets de loi de crédits sont déposés et soumis au vote de la Chambre des communes, après quoi ils sont soumis à celui du Sénat. Les projets de loi de crédits entrent en vigueur avec la sanction royale. De plus, le gouverneur général signe un mandat qui autorise les dépenses du Trésor public.
[Français]
À la diapositive no 3, on voit le diagramme du cycle des subsides qui montre les différentes étapes à prévoir pour l’octroi des crédits à chaque période d’une année typique. À l’heure actuelle, nous sommes dans une période très chargée du cycle des subsides en raison du dépôt du dernier Budget supplémentaire des dépenses de 2019-2020 et du dépôt du Budget principal des dépenses et des plans ministériels de 2020-2021. Compte tenu de la date des élections et compte tenu du nombre réduit de jours de séances en décembre, on a aussi procédé au dépôt des Rapports sur les résultats ministériels de 2018-2019 le 26 février 2020.
[Traduction]
La quatrième diapositive donne une perspective d’ensemble et montre qu’un total de 5,6 milliards de dollars du budget est présenté dans le Budget supplémentaire des dépenses (B). De cette somme, un montant de 3,8 milliards de dollars pour 61 organisations doit être approuvé au moyen d’un projet de loi de crédits. La diapositive suivante affiche les principales propositions de financement qui composent ces 3,8 milliards de dollars. La somme de 1,8 milliard de dollars qui reste se rapporte aux autorisations législatives actuellement prévues. Vous vous souvenez sûrement qu’il y a deux ou trois ans, nous avons commencé à montrer les postes législatifs parallèlement aux crédits votés afin de présenter un tableau complet. Cette somme comprend 950 millions de dollars pour la Fédération canadienne des municipalités, pour la création du Fonds municipal vert, 345 millions de dollars pour des subventions dans le cadre du Programme de paiements directs pour les producteurs laitiers, et 110 millions de dollars pour le Fonds d’incitation à l’action pour le climat.
La cinquième diapositive indique que 8 postes demandent des crédits votés de 125 millions de dollars ou plus dans le présent budget des dépenses. Ils représentent ensemble un peu moins de 75 % des fonds que vous devrez approuver dans le projet de loi de crédits. Il y a notamment 919 millions de dollars pour la renonciation aux dettes des prêts relatifs aux négociations des revendications territoriales globales; 588 millions de dollars pour les services à l’enfance et à la famille des Premières Nations; 487 millions de dollars pour les dépenses en immobilisations à l’appui de la politique Protection, Sécurité, Engagement des forces; 232 millions de dollars pour les services de santé, sociaux et d’éducation et pour le soutien aux enfants des Premières Nations; 180 millions de dollars pour la radiation annuelle de dettes pour des prêts d’études canadiens — soit 33 000 prêts; 150 millions de dollars pour rembourser les Premières Nations et les fournisseurs des services de gestion des urgences pour les activités d’intervention et de rétablissement dans les réserves; 148 millions de dollars de paiements aux demandeurs, de remboursement des frais juridiques et d’autres activités requises dans le cadre de l’entente de règlement définitive des Recours collectifs concernant l’affaire Heyder et Beattie; et 128 millions de dollars pour financer les opérations à l’étranger de la Défense nationale.
Pour terminer, mesdames et messieurs les sénateurs, j’aimerais vous donner un aperçu des projets de loi de crédits à venir. Je suis à la sixième diapositive. Deux projets de loi seront déposés en mars. L’un vise à approuver les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (B), et l’autre, à débloquer des crédits provisoires pour l’exercice 2021. Les ministères demanderont une partie des fonds qui figurent dans le Budget principal des dépenses en fonction de leurs besoins de trésorerie jusqu’à la fin du mois de juin. Le délai d’exécution de ces projets de loi peut être assez court, comme à l’habitude, étant donné que la sanction royale doit être obtenue avant la fin de l’exercice. En juin, le projet de loi pour la totalité des crédits sera déposé, et il englobera le reste des fonds présentés dans le Budget principal des dépenses. Si un Budget supplémentaire des dépenses est déposé au printemps, il sera accompagné au mois de juin d’un projet de loi de crédits pour l’exercice 2021, le Budget supplémentaire des dépenses (A).
Je vais maintenant céder la parole à ceux qui souhaitent poser des questions auxquelles nous pourrons répondre.
Le président : Merci.
La sénatrice Marshall : J’ai une question à propos des crédits centralisés. Le directeur parlementaire du budget, ou DPB, a mentionné dans son rapport qu’ils ont augmenté considérablement. Je me demande quelle en est la raison. Mais avant que vous ne répondiez, j’ai eu l’impression en lisant son rapport — même s’il ne le dit pas explicitement — que le CT ne faisait pas confiance aux ministères responsables. Par conséquent, plus de crédits centralisés seraient utilisés avant que l’argent ne soit envoyé aux ministères. Pouvez-vous expliquer brièvement la raison pour laquelle les crédits centralisés ont augmenté?
M. Purves : Bien sûr. Si vous parlez du rapport du DPB sur le Budget supplémentaire des dépenses (B)…
La sénatrice Marshall : C’est exact.
M. Purves : Il était question d’un crédit central en particulier, le crédit 10. Il englobe des initiatives pangouvernementales et des initiatives de gestion stratégique qui sont mises en œuvre. C’est un crédit et un outil qui est à la disposition du CT depuis de très nombreuses années. Il permet au CT d’examiner et d’approuver un poste même si la répartition réelle des fonds aux différents crédits n’a pas encore été faite, dans le cas où le délai est très court entre l’établissement de cette répartition et les besoins de paiements.
Ce crédit central a permis d’appuyer des choses comme le Cadre autochtone pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants, les fonds pour indemniser les employés actuels et anciens de l’administration publique centrale pour les dommages causés par le système de paye Phénix, la modernisation des Services des programmes et de l’administration, la Stratégie de diversification des exportations…
La sénatrice Marshall : Je n’ai pas besoin de connaître la liste. Je suis simplement curieuse, parce que lorsqu’on lit ce passage et qu’on voit que le crédit est plus utilisé, on a l’impression que les décideurs hésitent à verser l’argent aux ministères. J’ai une question complémentaire : le CT a-t-il pour rôle de surveiller les ministères?
M. Purves : En effet.
La sénatrice Marshall : Les systèmes financiers des ministères sont-ils assez solides? C’est le sentiment qui se dégage. Je vais vous donner l’exemple de la Défense nationale. Je pense que le ministère a quelque 300 projets d’immobilisations. Le CT estime-t-il que le système du ministère est suffisamment robuste pour recueillir à la fois les renseignements financiers et l’état d’avancement de ces projets? Le CT a-t-il des réserves à propos de certains ministères?
M. Purves : Cela n’a rien à voir avec la confiance à l’égard des systèmes des autres ministères, par exemple. En fait, les divers ministères ont des systèmes financiers formidables qui permettent de faire un suivi des données financières. Nous travaillons en collaboration avec les dirigeants principaux des finances et les autres responsables.
Il arrive qu’une initiative englobe de nombreux ministères et qu’elle soit très importante sur le plan de la gestion stratégique, mais que les montants précis de chaque crédit et de chaque ministère n’aient pas encore été établis puisqu’il reste des questions en suspens avant de pouvoir déterminer ces sommes. Ces postes sont portés à l’attention du Conseil du Trésor, ils obtiennent son autorisation, puis ils sont placés dans le crédit central. Lorsqu’ils sont ensuite transférés du crédit central à un ministère donné, cette information figure dans nos rapports sur les affectations des crédits centraux.
La sénatrice Marshall : Parlons maintenant des rapports sur les résultats ministériels qui ont probablement été publiés la semaine dernière ou la semaine précédente. Qui est responsable de ces rapports? Où commence et s’arrête le rôle du Conseil du Trésor à ce chapitre? Je ne les ai pas tous examinés. J’ai regardé celui de la Défense nationale à titre d’exemple, ou j’ai plutôt commencé à le faire, et j’ai vu quelques indicateurs de rendement. Pour certains des résultats présentés dans le rapport, une personne qui les regarde pourrait croire qu’il y a une erreur puisque la cible serait atteinte à 100 %. Les responsables sont convaincus d’avoir obtenu 100 % dans ces indicateurs de rendement. Quand on entend ce qui se dit dans les médias, on se demande comment c’est possible.
Qui est responsable des rapports ministériels? Quel est le rôle du Conseil du Trésor à ce chapitre?
M. Purves : Le Conseil du Trésor participe à la vaste modernisation du processus budgétaire. En 2017, nous avons mis en place la Politique sur les résultats, qui établit les cadres ministériels des résultats ayant permis aux ministères de définir leurs responsabilités principales, les objectifs qui en découlent et les indicateurs qui correspondent à ces responsabilités principales.
Dans ce cadre, le gouvernement a introduit des plans ministériels qui définissent les initiatives qui seront mises en œuvre pour ces indicateurs, ainsi que des rapports sur les résultats ministériels, qui présentent un compte rendu des indicateurs. Les rapports dont vous parlez, madame la sénatrice, sont donc la première cuvée des rapports sur les résultats ministériels qui relèvent de la Politique sur les résultats.
Il y a toute une série d’indicateurs à la disposition des Canadiens et des parlementaires, y compris sur l’InfoBase du GC, où vous pouvez en savoir plus sur un indicateur donné, sur sa raison d’être et sur son organisation.
La sénatrice Marshall : Si je regarde la situation, je vois ce qui se dit dans les médias et j’entends tous ces dirigeants militaires exprimer des opinions sur la sécurité du pays. En revanche, si je prends le Rapport sur les résultats ministériels du ministère de la Défense nationale, et que je regarde par exemple « La souveraineté du Canada dans l’Atlantique est préservée et protégée », je constate que la cible est atteinte à 100 %, et que les résultats réels sont eux aussi atteints à 100 %. Mais lorsque je lis ce que disent nos dirigeants militaires, je me demande comment c’est possible. C’est inexact.
Qui vérifie la qualité de l’information?
M. Purves : Nous donnons des directives aux ministères qui préparent les plans ministériels et les rapports sur les résultats ministériels. Mais c’est en grande partie énoncé dans la Politique sur les résultats.
La sénatrice Marshall : C’est très trompeur.
M. Purves : En fait, pourrais-je simplement répondre à la question complémentaire de la sénatrice Marshall?
Dans la section initiale sur le crédit 10, il y a des circonstances, comme les préjudices entourant la communauté LGBT et Phénix, où des demandes doivent être soumises pour que les fonds soient octroyés. Il n’y a donc pas de poste visible précis à partir duquel toutes ces demandes des ministères seront financées. Il serait prématuré d’allouer trop vite les fonds d’un crédit central, ou de simplement affecter directement l’argent aux crédits ministériels sans avoir l’information en main. C’est pour cette raison que le crédit 10 a été créé.
Pour ce qui est des montants et du reste, je dois vous signaler qu’ils ont augmenté, mais qu’ils atteignent maintenant environ 31 millions de dollars dans le dernier Budget principal des dépenses que nous avons présenté.
[Français]
Le sénateur Forest : Ma première question porte sur le projet pilote, qui semble très intéressant, et qui vise à mieux coordonner la publication du Budget principal des dépenses avec celui du budget. Selon ce que l’on voit, est-ce que vous avez l’intention d’abandonner ce projet pilote qui est en cours depuis deux ans? J’aimerais connaître votre motivation, parce qu’il me semble que dans un exercice financier, il y a un lien logique, un lien direct entre le Budget principal des dépenses et le budget. Je ne comprends pas pourquoi on voudrait abandonner ce projet pilote.
M. Purves : Je vous remercie de votre question, sénateur. Si vous me le permettez, je vais vous répondre en anglais.
Le sénateur Forest : Il n’y a pas de problème.
[Traduction]
M. Purves : La modernisation du processus budgétaire comporte de nombreux aspects et volets. Je pense que l’élément dont vous parlez se rapporte au calendrier. Vous vous souviendrez sans doute qu’il y a deux ou trois ans, tous les partis de la Chambre s’étaient entendus pour changer temporairement le Règlement pendant deux ans pour que le Budget principal des dépenses puisse être déposé le 16 avril plutôt que le 1er mars. Une fois que le budget était déposé, cela permettait d’inclure des postes budgétaires dans le Budget principal des dépenses.
Ce projet pilote comportait deux étapes. La première année, nous avons eu le crédit 40, un crédit central du Conseil du Trésor, qui comprenait tout le financement des mesures budgétaires pour l’exercice suivant. La deuxième année, un rapport a été déposé par le comité de la Chambre des communes chargé d’examiner le CT. Le Budget principal des dépenses a ensuite été ajusté pour tenir compte de certaines des initiatives et des recommandations du comité, et les crédits d’exécution du budget ont été répartis par ministère pour permettre une meilleure transparence ministérielle.
Il est à noter qu’il s’agissait d’une entreprise de deux ans. Il a toujours été prévu que le projet pilote durerait deux ans. Il a toujours été entendu qu’il devait prendre fin. De ce point de vue, il incombe à la Chambre de décider du calendrier et de la possibilité d’y revenir, car il faudrait encore une fois modifier le Règlement à cette fin. Mais je crois que le gouvernement et la Chambre ont répondu à cette question en juin 2019, dans la façon de présenter le Budget principal des dépenses.
Au-delà du calendrier, de nombreuses initiatives ont été réalisées dans le cadre de la réforme budgétaire. Vous vous souviendrez qu’il y a eu un rapprochement entre la comptabilité d’exercice et la comptabilité de caisse, qui a été inclus dans le Budget principal des dépenses de même que dans le budget. Nous espérons poursuivre ce genre de rapprochement entre le budget et le Budget principal des dépenses.
La Politique sur les résultats faisait elle aussi partie de la modification du processus budgétaire. Comme je l’ai dit à la sénatrice Marshall, la première cuvée des rapports sur les résultats ministériels de cette politique a été publiée.
Nous avons soutenu l’InfoBase du GC — ce que j’ai mentionné lors de nombreuses comparutions devant des comités. Il s’agit d’une formidable source d’information sur les dépenses, les Équivalents temps plein et les résultats qui offre une ventilation jusqu’à l’indicateur — si les résultats vous intéressent —, mais aussi jusqu’aux programmes en particulier et aux sommes dépensées par le gouvernement.
Nous publions désormais de l’information en ligne sur les affectations bloquées des crédits centraux et sur les dépenses selon l’objet, parallèlement à notre Budget supplémentaire des dépenses. Nous avons des données ouvertes, de sorte que si les chercheurs veulent prendre les chiffres du Budget principal des dépenses, puis les mettre en format Excel et les utiliser pour leurs recherches, ils peuvent avoir accès aux données historiques. Il y a toute une série d’initiatives qui se poursuivent.
En ce qui concerne le calendrier, il faudrait savoir si les parlementaires veulent poursuivre le projet, car il y aurait alors lieu de modifier le Règlement.
[Français]
Le sénateur Forest : Selon mon expérience de gestionnaire, en revenant à l’ancienne méthode, on étudiera trois budgets supplémentaires des dépenses. En matière de responsabilité, lorsque le gestionnaire doit planifier son exercice budgétaire, présentement, il doit en planifier deux, soit le budget principal et, quelques mois plus tard, le Budget supplémentaire des dépenses (A), à l’automne, le Budget supplémentaire des dépenses (B) et, au début de l’hiver, le Budget supplémentaire des dépenses (C). Donc, la latitude pour recevoir ces crédits supplémentaires, à mon avis, favorise un certain laxisme au sein de la planification budgétaire. S’il n’y avait que deux exercices pour les dépenses supplémentaires, selon moi, cela améliorerait la transparence et la réflexion quant à l’évaluation de nos besoins financiers pour l’exercice de nos dépenses.
[Traduction]
M. Purves : Il est vrai que nous n’avons eu que deux budgets supplémentaires des dépenses dans le projet pilote, donc deux périodes des subsides suivant le dépôt du Budget principal des dépenses.
Comme pour tout projet pilote, je dirais que celui-ci comporte des avantages et des inconvénients. Aussi, les députés ont relevé les avantages et les inconvénients de leur point de vue. Pour ce qui est d’envisager les innovations à venir entourant le budget des dépenses et le processus d’octroi des crédits, nous sommes toujours disposés à connaître les points de vue des parlementaires des deux chambres afin de comprendre la façon de mieux définir le processus à l’avenir.
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie pour votre présence aujourd’hui, et je vous remercie en particulier pour les diapositives. C’est très utile de pouvoir en prendre connaissance à l’avance.
Ma question concerne les prêts d’études canadiens irrécouvrables, qui totalisent 180,4 millions de dollars. Vous avez dit que cette somme représente environ 33 000 ou 34 000 prêts, ce qui signifie qu’on peut parler de peut-être 33 000 ou 34 000 étudiants. Cette situation fait partie d’un problème complexe auquel des jeunes sont confrontés actuellement.
J’essaie d’avoir une idée de la tendance. C’est ce que j’ai essayé de faire avant la réunion. Est-ce que ce chiffre, cette estimation, continue d’augmenter? Est-ce que nous trouvons des moyens de le stabiliser? J’aimerais en savoir un peu plus long à ce sujet parce que nous continuons d’en parler et d’en entendre parler, mais nous devons améliorer les choses. J’essaie de savoir quelle a été la situation au cours des trois à cinq dernières années. J’ai cherché à obtenir les chiffres — j’ai vraiment essayé — mais j’ai seulement pu trouver les chiffres de l’année précédente. C’est pourquoi j’essaie d’avoir une idée de la tendance.
M. Purves : Le chiffre qui figure ici, c’est 180 millions de dollars, je crois. C’est un peu une moyenne des années précédentes. Certaines années, c’était environ 160 millions de dollars, mais il y a eu des années où c’était 200 millions de dollars.
La somme totale des prêts d’études se situe aux alentours de 34 milliards de dollars. Dans le cadre de la comptabilité fiscale et de la comptabilité d’exercice, on tient compte du fait qu’il y a toujours une perte en ce qui a trait aux prêts. Les prêts non productifs sont transférés à l’Agence du revenu du Canada pour une période d’environ six ans. L’ARC s’efforce d’obtenir le remboursement, et, si elle n’y est pas parvenue au bout de la période de six ans, nous devons alors en faire état dans le Budget principal des dépenses. C’est ainsi que cela fonctionne. C’est pourquoi nous faisons le calcul sur une base annuelle.
Sur le plan de la politique, certains changements ont été apportés au cours des dernières années à la façon dont les prêts sont structurés et nous sommes passés davantage à des bourses. Je pense que certains de ces changements figuraient dans le budget de 2016.
Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’il s’écoule toujours un certain temps avant que nous puissions dégager une tendance pour ce qui est des radiations de dettes. Je suppose qu’avec le temps, on observera un changement en raison de ces mesures.
La sénatrice M. Deacon : Je pense en même temps au processus concernant les prêts et les bourses, à certains des changements apportés à la structure et aux rapports, et tout le reste. Il s’agit ici du chiffre pour 2019-2020, alors, pouvez-vous me dire quand nous pourrions observer une réduction des dettes irrécouvrables à la suite des améliorations apportées? Croyez-vous que ce sera en 2023-2024? Ou bien nous ne le savons même pas?
M. Purves : Je dois dire honnêtement que je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Je pense qu’Emploi et Développement social Canada serait mieux placé pour y répondre. Nous pourrions certes transmettre votre question à ce ministère.
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie. Vous avez parlé d’environ 180 millions de dollars sur 34 milliards de dollars. Je n’ai pas calculé le pourcentage que cela représente. Je voudrais connaître ce pourcentage, car vous avez expliqué qu’il fluctue au fil du temps, mais nous allons y revenir plus tard.
La sénatrice Stewart Olsen : Je vous remercie beaucoup pour votre présence aujourd’hui. J’hésite toujours à mettre des fonctionnaires sur la sellette, car je crois que le processus lié à ce budget procède d’un processus politique, n’est-ce pas? Chaque ministère formule ses souhaits sur le plan politique, qui doivent ensuite être approuvés.
Les Canadiens ne comprennent pas cela entièrement. On s’adresse à vous, au Conseil du Trésor, mais il y a beaucoup d’étapes à franchir pour obtenir finalement les fonds. Les dépenses qui figurent dans le Budget supplémentaire des dépenses s’ajoutent à celles prévues dans le Budget principal des dépenses. Nous devrions peut-être mieux examiner le processus. Nous devrions peut-être interroger les ministres des divers ministères qui ont demandé des fonds supplémentaires. Le Conseil du Trésor doit se démener pour trouver comment obtenir les fonds demandés. Chaque ministère effectue ses prévisions pour les programmes qu’il souhaite mettre en œuvre.
Je ne vise pas un gouvernement en particulier, parce qu’ils sont tous semblables, mais je pense que nous perdons de vue notre responsabilité fiduciaire. Ce n’est pas la faute des fonctionnaires; c’est à cause de notre système, qui doit peut-être faire l’objet d’un examen.
Je suis désolée de vous mettre sur la sellette, mais j’aimerais que vous me disiez dans quelle mesure il est difficile de gérer tout cela en respectant les lignes directrices en matière budgétaire. Les ministères demandent davantage d’argent, et la Chambre des communes répond qu’elle va examiner brièvement ces demandes, qu’elle approuve ensuite un peu aveuglément. Pouvez-vous en dire un peu plus long à ce sujet? Ce n’est pas une attaque à l’endroit du Conseil du Trésor; ce n’est qu’une demande sincère de renseignements.
M. Purves : Je vous remercie pour votre question, madame la sénatrice. Je vais revenir un peu en arrière parce que le budget et les budgets des dépenses tendent à être amalgamés. À bien des égards, ils n’ont pas la même fin.
Le Budget principal des dépenses fait état de la majeure partie des dépenses que le gouvernement doit effectuer pour fonctionner. Ces dépenses constituent des crédits votés. Le Budget principal des dépenses a été déposé la semaine dernière. Les dépenses approuvées s’élèvent à environ 125 milliards de dollars. Les dépenses législatives, quant à elles, s’élèvent à 175 milliards de dollars. Ces 125 milliards de dollars ont fait l’objet de nombreuses décisions prises par le Conseil du Trésor et de déplacements au Parlement pour examiner divers éléments rattachés à cette somme. Ces dépenses concernent de nombreux programmes mis en place par le gouvernement en fonction de décisions prises dans le passé par le Conseil du Trésor. Le Parlement, bien entendu, approuve ces dépenses annuellement. C’est ce qu’on vous présente ici.
Le Budget supplémentaire des dépenses porte habituellement sur de nouvelles décisions et de nouvelles initiatives qui ont été prises dans le cadre du budget ou en dehors du cycle budgétaire ou bien dans le cadre de l’Énoncé économique de l’automne, par exemple. Une fois qu’elles ont été présentées au Conseil du Trésor, elles figurent ensuite dans le Budget supplémentaire des dépenses, qui est examiné par le Parlement. Nous fournissons des détails au sujet des initiatives de chaque ministère par souci de transparence, afin que les parlementaires sachent ce qu’on leur demande d’approuver. Il s’agit d’une somme qui est ajoutée au Budget principal des dépenses, qui est établi au début de l’année.
La sénatrice Stewart Olsen : Je comprends le processus, alors pouvez-vous répondre à la question de la surveillance?
M. Purves : Le budget contient essentiellement de nouvelles initiatives qui doivent être approuvées, qu’il s’agisse de dépenses législatives ou de futurs crédits votés, et qui seront présentées au Parlement une fois qu’elles auront été approuvées par le Conseil du Trésor au terme des projets pilotes.
Quant à la surveillance, en ce qui concerne les décisions stratégiques, les sources de financement, les approbations par le Conseil du Trésor et l’approbation finale par le Parlement, nous essayons d’être le plus transparents possible afin que vous ayez une vue d’ensemble. Autrement dit, si vous examinez les dépenses d’un ministère comme Emploi et Développement social Canada, vous pouvez voir les dépenses approuvées l’année dernière, celles qui ont été approuvées pour le Budget principal des dépenses et les sommes supplémentaires demandées dans le cadre du Budget supplémentaire des dépenses. Ensuite, il appartient aux parlementaires de décider d’approuver les montants.
Au bout du compte, les dépenses réelles sont inscrites dans le rapport financier annuel et dans les comptes publics, selon la comptabilité d’exercice et la comptabilité de caisse.
Les systèmes en place permettent donc d’assurer une surveillance. Ce que nous voulons, c’est qu’il y ait la plus grande transparence possible et le plus d’informations possible pour les parlementaires, afin qu’ils puissent effectuer les décisions qu’ils doivent prendre.
La sénatrice Stewart Olsen : J’ai une autre question complémentaire. Le budget est censé être votre limite, mais tous les ministères viennent ensuite réclamer de l’argent pour de nouveaux programmes. Qui dit « oui » ou « non » à ces demandes? Est-ce qu’il y a une limite à ce que le gouvernement dépensera au-delà du budget approuvé?
C’est ce que les gens ne comprennent pas, à mon avis. Qui intervient? Est-ce que le Conseil du Trésor va dire : « Monsieur le ministre, nous n’avons pas cet argent; il faudra le demander dans le cadre du Budget supplémentaire des dépenses »? Qui porte un jugement rationnel sur ce que le pays peut dépenser et sur ce qui constitue une bonne idée pour un programme?
M. Purves : Le Conseil du Trésor va examiner ces dépenses et donner son avis sur les aspects liés à la mise en œuvre du budget. Il examinera ces dépenses du point de vue des défis qu’elles représentent sur le plan de la mise en œuvre du budget. Une fois que le Conseil du Trésor aura pris une décision, les sommes demandées figureront dans le Budget supplémentaire des dépenses ou dans le Budget principal des dépenses, selon la période de l’année. Le gouvernement s’est doté d’un système de freins et de contrepoids à cet égard.
Je tiens à souligner que lorsque des sommes sont demandées et que de nouvelles initiatives sont proposées, cela s’ajoute à ce qui est prévu dans le Budget principal des dépenses. Il faut, bien entendu, demander de nouveaux fonds au Parlement, à moins que le ministère en question puisse trouver dans son budget l’argent nécessaire.
Il y a une relation étroite entre nous et le ministère des Finances ainsi qu’un système de freins et de contrepoids qui permet une surveillance du système. Les comités du Cabinet constituent aussi un système de freins et de contrepoids en ce sens qu’ils examinent les propositions de politique et les demandes de nouveaux fonds.
La sénatrice Stewart Olsen : Vous comprenez toutefois que les Canadiens pensent que les fonds prévus dans le budget sont les sommes qui sont dépensées, mais il y a toutes ces demandes qui sont présentées par la suite. Le président me fait signe que mon temps est écoulé, mais c’est ce que j’essaie de souligner.
M. Purves : Puis-je ajouter quelque chose?
Le président : Oui, monsieur Purves.
M. Purves : Dans un sens, c’est pour cette raison qu’il y a un budget et l’Énoncé économique de l’automne. Il y a tellement de choses qui peuvent avoir une incidence sur la trajectoire financière établie selon la comptabilité d’exercice, notamment la conjoncture économique, les taux d’intérêt, les cours du pétrole, et cetera. Beaucoup de choses entrent en ligne de compte lorsqu’il s’agit de prendre des décisions concernant de nouvelles initiatives et de nouvelles dépenses.
Le sénateur Loffreda : Bonjour et merci pour votre exposé.
Comme il y a eu récemment la Journée internationale de la femme, j’aimerais féliciter le gouvernement pour sa Stratégie pour les femmes en entrepreneuriat.
[Français]
Je suis seulement curieux de savoir de quelle façon ces montants sont accordés. Est-ce que c’est selon la population, au niveau des provinces, ou par programme? Comment détermine-t-on ces programmes, si c’est par programme?
[Traduction]
La sénatrice Deacon a brièvement abordé le sujet de ma deuxième question, et peut-être que vous pourriez en dire un peu plus long à cet égard. Puisque je suis banquier, je m’intéresse à la figure 3.2, qui montre une forte augmentation de la radiation des prêts au fil des ans. Si je fais le calcul, je crois que nous sommes aux alentours de 5 % des prêts, ce qui s’apparente au pourcentage enregistré aux États-Unis. Historiquement, ce pourcentage ne dépasse pas aux États-Unis les 9 ou 10 % de l’ensemble des prêts accordés. Pouvez-vous en dire un peu plus long à ce sujet? Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il y a une forte augmentation de la radiation des prêts? Vous avez mentionné qu’il y a également un programme de bourses. Je disais toujours à la blague, lorsque j’étais banquier, que les prêts ne seraient jamais des bourses. Je trouve cette situation un peu préoccupante. Est-ce que le pourcentage demeure le même d’une année à l’autre?
M. Purves : Je vous remercie pour votre question.
Je vais commencer par répondre à la deuxième question. En ce qui concerne la radiation des prêts, comme je l’ai mentionné, le montant total des prêts d’études s’élève à environ 34 milliards de dollars. La somme des prêts irrécouvrables demeure relativement stable. Elle se situe entre 160 millions de dollars et 220 millions de dollars, selon l’année et la génération. Ce montant n’a donc pas beaucoup varié. Je le répète, ce montant figure toujours dans le dernier Budget supplémentaire des dépenses de l’année aux fins d’examen par le Parlement. Ce que nous pourrions peut-être faire l’an prochain, c’est modifier la présentation pour que les parlementaires puissent voir l’évolution de ce montant. Nous pourrions communiquer avec nos partenaires d’Emploi et Développement social Canada pour leur demander s’ils auraient des renseignements supplémentaires à nous fournir.
Je crois que des représentants de ce ministère comparaîtront demain, n’est-ce pas? Nous pourrions communiquer avec le dirigeant principal des finances pour lui faire savoir que cette question vous intéresse particulièrement. Il pourrait mieux vous renseigner en ce qui concerne notamment les provisions. Un grand nombre de ces choses sont déterminées par le ministère des Finances en collaboration avec Emploi et Développement social Canada puisqu’elles sont de nature financière.
Le sénateur Loffreda : Pouvez-vous répondre à ma question sur la Stratégie pour les femmes en entrepreneuriat?
M. Purves : Pardonnez-moi, pouvez-vous répéter la question?
Le sénateur Loffreda : Oui. Tout d’abord, je vous félicite. C’est un excellent programme.
M. Purves : Oui, merci.
Le sénateur Loffreda : Comment déterminez-vous les sommes? Comment sont-elles réparties parmi les provinces? Est-ce selon la population ou par programme? Comment détermine-t-on les sommes attribuées aux programmes?
Marcia Santiago, directrice exécutive, Stratégies et prévisions des dépenses, Secrétariat du Conseil du Trésor : Comme l’a dit M. Purves, les ministères seraient mieux placés pour vous expliquer comment ils déterminent les sommes attribuées aux programmes. La Stratégie pour les femmes en entrepreneuriat est un programme horizontal, ce qui signifie qu’il est géré par plusieurs ministères. Les organismes de développement régional ne gèrent habituellement pas de très grosses sommes. Si cela intéresse le comité, nous pourrions vous fournir quelques exemples.
Le sénateur Loffreda : Je crois que le budget pour ce programme est de 2 milliards de dollars. Comment sera-t-il réparti dans l’ensemble du Canada.
Mme Santiago : Le présent Budget supplémentaire des dépenses fait état de 11 millions de dollars.
Le sénateur Loffreda : Oui, c’est moins.
Le président : Monsieur Purves et madame Santiago, pouvez-vous transmettre l’information à la greffière?
M. Purves : Oui, avec plaisir. Merci.
Le sénateur Smith : J’ai une question plus générale. Quand a-t-on pris la décision de revenir à l’ancien processus? Comment le Conseil du Trésor a-t-il pris sa décision? Pour revenir à la question qu’a posée plus tôt la sénatrice Marshall, pouvez-vous nous dire comment vous vous y êtes pris pour déterminer les points positifs et les points négatifs de cette expérience?
Je vais revenir un peu en arrière. À l’époque, M. Scott Brison a convoqué une réunion, à laquelle ont participé environ 200 à 300 personnes : des membres du personnel, des sénateurs, des députés, et d’autres personnes. Cette nouvelle façon de faire les choses a été présentée comme une occasion fantastique. M. Brison n’a pas vraiment dit que cette expérience de deux ans était aussi importante que de changer la philosophie, d’accroître l’efficacité, et cetera. Deux ans dans notre milieu, ça passe à la vitesse de l’éclair.
Pouvez-vous nous donner deux ou trois raisons qui ont motivé votre décision de revenir à l’ancien processus? Qu’avons-nous appris de cette expérience sur le plan de la transparence? Qu’avons-nous appris en général? Ou allez-vous étudier certaines questions et nous présenter les résultats dans un an ou deux? Je n’essaie pas de jouer au fin finaud.
M. Purves : Non, je comprends.
Le sénateur Smith : J’essaie de bien comprendre le défi que représente le fait d’être exact et précis compte tenu de la taille du gouvernement.
M. Purves : Comme je l’ai mentionné au sénateur Forest, la réforme des budgets des dépenses est une initiative très vaste, qui incluait la transparence à bien des égards. Nous continuons de faire preuve de transparence dans les documents sur les budgets des dépenses que nous publions en ligne et dans les renseignements supplémentaires que vous recevez afin que vous puissiez voir comment fonctionnent les crédits centraux et quelles sommes provenant de ces crédits sont attribuées, de sorte que vous pouvez poser des questions précises. Je tiens à souligner, et soit dit en passant j’occupe mon poste depuis environ un an et demi, que les gens peuvent poser des questions beaucoup plus précises à propos des crédits centraux que dans le passé. Les renseignements que nous sommes en mesure de diffuser dans l’InfoBase du GC sont très vastes. Les gens qui la consultent peuvent y trouver des informations fondamentales et détaillées pour répondre à des questions précises qu’ils ont au sujet de certaines dépenses gouvernementales. C’est un outil très utile, très semblable à USA Spending, qui permet d’obtenir une ventilation des dépenses de programmes et une perspective historique.
En ce qui concerne précisément ce dont vous parlez, la coordination et l’évolution, tous les partis ont acquiescé à la mise en suspens temporaire, pendant deux ans, du Règlement de la Chambre et au déplacement de la date du dépôt du Budget principal des dépenses, de février à avril. Il a toujours été dit que c’était pour deux ans. En fin de compte, le feu vert et le tête-à-queue ne sont pas des décisions du seul gouvernement, mais, nécessairement, de tous les partis.
Nous avons toujours bien réfléchi à la transparence du type d’affectations que nous faisions à partir des crédits d’exécution du budget et aux innovations ultérieures et ainsi de suite. Il est sûr, comme je l’ai dit, qu’elles comportent des avantages et des inconvénients. À vrai dire, le rapport du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires en expose un certain nombre. Le gouvernement a tenté de répondre à beaucoup d’entre eux, dans le Budget principal des dépenses pour l’exercice 2019-2020. Ensuite, bien sûr, il y a eu les élections, et voilà où nous en sommes. Nous, les fonctionnaires et l’administration fédérale, nous devons répondre au Règlement en vigueur de la Chambre. Or, il exige le dépôt du Budget principal des dépenses avant le 1er mars.
Le sénateur Smith : Si cet exercice avait permis deux grandes réalisations, quelles seraient-elles?
M. Purves : Pour le fonctionnaire que je suis, la principale est le degré de transparence de l’information. En fait, je dirais, à ce stade-ci, qu’il y a tellement d’information accessible ici et là que nous devons collaborer davantage avec les parlementaires et les Canadiens pour les aider à s’y retrouver. Il y en a beaucoup. La transparence est un facteur d’une très grande importance.
Ensuite, comme dans tout projet pilote, il est toujours utile d’en tirer les leçons. D’après moi, ça ne s’arrêtera pas là. Nous disposions d’une façon différente de désormais disposer du Budget principal des dépenses. Nous sommes de retour à notre point de départ de 2017, avant de nous y lancer, uniquement sur la question de la coordination et parce que le Budget principal des dépenses est déposé avant un budget et un budget supplémentaire des dépenses, trois périodes. Nous continuerons de veiller à vous assurer tous les renseignements nécessaires à la prise des décisions en question.
Le sénateur Klyne : Je remercie le groupe de témoins pour les exposés, les réponses et tout son travail acharné.
J’ai une question en trois volets centrée sur les transferts. Je me demande quel est le budget total des transferts à diverses organisations pour appuyer des approches novatrices de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les opérations gouvernementales. Combien en a-t-on dépensé jusqu’ici? Je constate que, d’après le Secrétariat du Conseil du Trésor, c’est 135 000 $ à l’Environnement, mais que, à la Défense nationale, c’est 2,3 millions. Je suppose qu’il y en a plus et qu’il y a un budget total. Uniquement de ce point de vue, celui des résultats, pour déterminer si, jusqu’ici, nous en avons eu pour notre argent, y a-t-il une façon de mesurer la réussite de cette initiative?
M. Purves : Sur cette initiative particulière et sur la deuxième touchant les résultats obtenus jusqu’ici, c’est, je crois, une question à laquelle Pêches et Océans devrait répondre.
Votre première question m’intrigue, dans le sens que vous avez demandé de mettre les dépenses sous le prisme d’un thème. Si je peux clarifier votre question, vous demandez combien a-t-on consacré à chacun des différents programmes?
Le sénateur Klyne : Pour les transferts à « diverses organisations pour appuyer les approches novatrices de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les opérations gouvernementales » — c’est ainsi qu’on les décrit —, je me demande à combien s’élève le budget total en question.
Karen Cahill, secrétaire adjointe et dirigeante principale des finances, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Je vais répondre. Merci pour la question. Au Secrétariat, nous voyons dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) un montant de 4,8 millions de dollars, à transférer du fonds central pour un gouvernement vert vers divers ministères, pour des projets innovants visant la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ça intéresse un certain nombre de ministères et de projets. Il y a de ces projets à la Défense nationale, aussi à Services publics et Approvisionnements Canada. Par exemple, ce dernier ministère veut un système qui permettra de rafraîchir les végétaux dans les endroits qui produiront beaucoup de CO2. C’est l’un des projets. À la Défense, comme vous savez, un certain nombre de projets de construction domiciliaire relèvent de ce ministère. L’un d’eux consiste à abaisser les émissions de gaz à effet de serre des chantiers. Je pourrais parler de nombreux autres projets que ces deux-là. Différents ministères en ont présenté. D’après certains critères, le financement leur a été attribué à partir du fonds central.
Le sénateur Klyne : Vous avez dit que le total était de 4,8 millions de dollars?
Mme Cahill : Oui.
Le sénateur Klyne : Jusqu’ici, y a-t-il des réussites mesurables?
Mme Cahill : Je devrai d’abord m’informer. Ce sont bien sûr des initiatives nouvelles. Actuellement, il est très difficile de mesurer la réussite, mais je suis déterminée, je vous le dis, à vous communiquer la réponse.
La sénatrice Marshall : Voici une question générale. Nous sommes le 10 mars. Nous examinons le financement pour le reste de l’exercice, soit encore trois semaines. Le gouvernement dépensera d’ici là 3,8 milliards de dollars. Est-ce qu’une partie a déjà été dépensée?
M. Purves : Ça dépendrait, dans chaque ministère, de la décision prise d’avancer des fonds à partir de son propre financement. Gardons à l’esprit qu’on sollicite de dépenser jusqu’à concurrence de tant. Les ministères obtiennent l’autorisation de dépenser jusqu’à 3,8 milliards de dollars.
La sénatrice Marshall : Ça n’a pas encore obtenu l’autorisation du Parlement. C’est joué d’avance que le Parlement donnera son autorisation. Rien n’aurait dû avoir été dépensé.
M. Purves : Encore une fois, ça s’explique en grande partie par le fait qu’il s’agit de montants jusqu’à concurrence de tant. Pour un ministère, si c’est un complément versé à un programme existant, il a le pouvoir de dépenser pour ce programme. On s’attend à ce qu’il ait besoin de plus d’argent, et il se peut qu’il s’attende à le recevoir et qu’il puisse faire les paiements à la fin de mars pour faciliter les choses. Souvent, les subventions et contributions sont versées dès la sanction royale de ce type de dépenses.
La sénatrice Marshall : Je reviens à ma question initiale : Des chèques ont-ils été émis pour ces 3,8 milliards?
M. Purves : Encore une fois, vous devriez déterminer si le ministère a pu financer à l’interne une partie de ces dépenses pour exécuter des programmes existants.
La sénatrice Marshall : Je vous l’avoue, c’est pour moi un problème, mais je vous remercie de vos explications.
Le président : Monsieur Purves, pourriez-vous communiquer un graphique?
M. Purves : Je ne peux que produire une réponse à votre comité, si c’est utile.
Le président : Oui, faites-le, s’il vous plaît, par l’entremise de notre greffière. Merci d’avance.
[Français]
Le sénateur Forest : Ma question s’inscrit dans le même ordre d’idées que celle de ma collègue.
Écoutez, il reste 21 jours à cet exercice financier. Si on n’approuvait pas les crédits supplémentaires prévus dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) et peut-être (C) également, y a-t-il des dépenses liées à des appels d’offres ou à des fournisseurs? Que se passerait-il? Il y a une espèce de malaise qui émane de ce problème.
Nous avons 21 jours et nous devons approuver ces crédits supplémentaires, mais est-ce que ces crédits ont déjà été accordés et dépensés? Si on décidait de ne pas octroyer les crédits, que se passerait-il? Est-ce que le gouvernement tomberait? Il y a, dans le processus budgétaire, en ce qui a trait à la séquence logique, un aspect qui est difficile à comprendre pour le simple citoyen.
[Traduction]
M. Purves : Si vous permettez une petite précision : ce système d’approbation du dernier Budget supplémentaire des dépenses, à la fin de mars, existe depuis longtemps. Un ministère pouvait s’engager à quelque chose sous le régime de l’article 32, mais le paiement ne pouvait se faire qu’avec l’autorisation du Parlement et la sanction royale. Beaucoup de dépenses se font à la toute fin de l’exercice, beaucoup de transferts y ont lieu aussi, et ainsi de suite, dans l’attente de la dernière sanction royale du Budget supplémentaire des dépenses. C’est presque le pain quotidien des dirigeants principaux des finances et ils ne préjugent pas des autorisations du Parlement. Sinon, ils géreraient des risques sans son autorisation. Il faut distinguer engagement et paiement réel.
Le président : Pouvez-vous communiquer ces renseignements, monsieur Purves?
M. Purves : Certainement, et j’en serai heureux.
Le sénateur Loffreda : Simplement pour mieux comprendre la question des prêts aux étudiants : comme je l’ai dit, l’aspect préoccupant était la forte pente de la courbe sur le graphique. Il faut faire son deuil de 0,6 % de la valeur nominale totale des prêts accordés. Sur 34 milliards, les 180 millions égalent 0,6 %, ce qui est un peu supérieur aux taux ordinaires d’intérêt des banques. Je veux qu’on m’explique, et, peut-être, pourrez-vous répondre plus tard. Pourquoi la pente est-elle forte et comment la maîtrise-t-on? Quelles mesures prenons-nous pour maintenir les profits et pertes dans la normalité? Et 0,6, c’est bien. Dans la banque, on dirait que la fourchette souhaitable va de 30 à 50 points de base. Ce sont des étudiants, mais il s’agit simplement de s’assurer que c’est convenablement géré et de savoir comment, dorénavant, nous examinerons le problème. Parce que, sur la figure 3.2, c’est visible, la pente est forte.
M. Purves : Encore une fois, ça a beaucoup à voir avec l’étalonnage même de la politique du programme. Si je ne m’abuse, les représentants d’Emploi et Développement social Canada témoignent demain. Je leur communiquerai votre question pour qu’ils se préparent à y répondre.
Le président : Chers collègues, merci beaucoup.
Je remercie le Secrétariat du Conseil du Trésor de ses réponses sincères. Nous examinerons minutieusement les renseignements supplémentaires que vous communiquerez à notre greffière. Nous vous en sommes reconnaissants d’avance.
Chers collègues, nous passons à la deuxième partie de la séance, pendant laquelle nous poursuivons notre étude du Budget supplémentaire des dépenses (B).
[Français]
Nous accueillons maintenant le directeur parlementaire du budget, M. Yves Giroux.
[Traduction]
Il est accompagné du directeur général de l’Analyse budgétaire et des coûts, M. Jason Jacques. Merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation à venir répondre aux questions des sénateurs.
Comme vous le savez, nous avons un dénominateur commun pour le contribuable canadien : la transparence, la responsabilisation et la prévisibilité.
Monsieur Giroux, je vous cède la parole pour un court exposé.
[Français]
Yves Giroux, directeur parlementaire du budget, Bureau du directeur parlementaire du budget : Honorables sénateurs, nous vous remercions de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd’hui. C’est une invitation que j’aurais du mal à refuser, car ce serait tout à fait inapproprié. Je suis très heureux d’être ici, et je n’oserais jamais refuser une telle invitation.
Je vous remercie de nous donner l’occasion de rencontrer votre comité pour la première fois depuis le début de cette législature. Nous nous réjouissons de pouvoir continuer à travailler étroitement avec votre comité au cours de la 43e législature.
Nous sommes heureux d’être ici aujourd’hui pour discuter de notre rapport sur le Budget supplémentaire des dépenses (B) de 2019-2020, qui a été publié à la fin février. Je suis accompagné de Jason Jacques, directeur général de l’Analyse budgétaire et des coûts au sein de mon bureau. Il est l’éminence grise derrière les budgets supplémentaires des dépenses et le Budget principal des dépenses au bureau.
Le Budget supplémentaire des dépenses, déposé le 18 février à la Chambre des communes, porte sur des autorisations budgétaires supplémentaires totalisant 5,6 milliards de dollars. Les autorisations votées, qui doivent être approuvées par le Parlement, s’élèvent à 3,8 milliards de dollars, tandis que les autorisations législatives, pour lesquelles le gouvernement a déjà reçu la permission de dépenser de la part du Parlement, se chiffrent à 1,8 milliard de dollars.
Le montant total des autorisations budgétaires proposées à ce jour, y compris le présent Budget supplémentaire des dépenses, s’élève à 312 milliards de dollars, soit 21,8 milliards de plus par rapport au Budget des dépenses de 2018-2019 pour une période comparable, c’est-à-dire une augmentation de 7,5 %.
[Traduction]
Les grands postes de dépenses dans le présent Budget supplémentaire des dépenses comprennent notamment 919 millions de dollars pour le ministère des Relations Couronne-Autochtones et celui des Affaires du Nord, pour la renonciation aux dettes des prêts relatifs aux négociations des revendications territoriales globales et le remboursement des montants connexes; 487 millions pour le ministère de la Défense nationale, pour les dépenses en immobilisations à l’appui de la politique Protection, Sécurité, Engagement; 180 millions pour le ministère de l’Emploi et du Développement social, pour la radiation des dettes irrécouvrables découlant de prêts d’études canadiens, au sujet desquels vous avez interrogé les fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor; 950 millions pour le ministère des Ressources naturelles, pour le Fonds municipal vert.
Ce sera la dernière modification temporaire apportée à l’article 81 du Règlement, qui est entré en vigueur en 2018-2019 et visait à mieux harmoniser le Budget supplémentaire des dépenses et le budget. À compter du prochain exercice qui débutera le 1er avril, le processus originel sera réintroduit, ce qui signifie que le Budget principal des dépenses sera déposé avant le budget. Il faudra donc, probablement, présenter de nouveau trois budgets supplémentaires des dépenses, au printemps, à l’automne et en hiver.
En raison de ces changements, les postes budgétaires, tous, espérons-le, devront faire l’objet d’un examen détaillé par le comité de ministres du Conseil du Trésor présidé par le président du Conseil du Trésor avant de demander des fonds au Parlement. En même temps, cela pourrait entraîner un plus long délai entre l’annonce de nouvelles initiatives et leur mise en œuvre, puisque le Budget supplémentaire des dépenses du printemps (A) sera la première occasion de faire approuver les fonds.
Bien que notre rapport fasse observer que les rapports ministériels sur les résultats de 2018-2019 n’aient pas encore été présentés au Parlement avant le dépôt des budgets supplémentaires des dépenses, le président du Conseil du Trésor a déposé les rapports sur les résultats à la Chambre des communes, par pure coïncidence, j’en suis convaincu, le jour même de la publication de notre rapport.
Conformément au mandat législatif du directeur parlementaire du budget qui est de fournir une analyse indépendante et impartiale pour aider les parlementaires à remplir leur rôle constitutionnel, qui consiste à demander des comptes au gouvernement, mon bureau continuera de préparer des rapports et des analyses sur le budget, les budgets des dépenses et les autres documents du gouvernement fédéral qui portent sur les finances et l’économie du pays.
Récemment, mon bureau a publié notre évaluation annuelle de la viabilité financière à long terme du Canada aux niveaux national et provincial, et nous comptons publier un rapport sur le Budget principal des dépenses pour 2020-2021 dans les prochains jours.
Sur ce, je m’arrête pour laisser amplement de temps à vos questions. Mon collègue et moi serons heureux d’y répondre.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Giroux.
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup de vous être déplacés. Mes questions concernent la partie 3.2 de votre rapport sur le Budget supplémentaire des dépenses (B) sur la Défense nationale. Première question : Dans votre examen, à quel moment avez-vous pu obtenir une liste des projets qui englobent les 487 millions de dollars? Savez-vous exactement à quels projets ira cet argent?
Jason Jacques, directeur général, Analyse budgétaire et des coûts, Bureau du directeur parlementaire du budget : Oui. Comme vous pourrez vous le rappeler, il y a environ deux ans vous avez posé une question très semblable devant votre comité. Très peu de temps après, la Défense nous a invités à une réunion et elle a accepté d’exaucer notre demande de renseignements laissée longtemps sans réponse pour nous donner une ventilation détaillée de tous les projets visés par l’annonce de juin 2017 concernant la politique Protection, Sécurité, Engagement.
Il a coulé beaucoup d’eau sous les ponts. La politique a été inaugurée il y a presque trois ans. Nous avons présenté une demande actualisée de renseignements, pour faire le point sur les dépenses, parce que, bien sûr, de nombreux et importants changements stratégiques étaient survenus. Par exemple, dans le cadre de la politique en question, on n’avait jamais prévu qu’on se procurerait des avions à réaction australiens usagés. Nous devrions recevoir des renseignements à jour, vraisemblablement dans un délai de deux mois et rédiger un rapport, si tout va bien, très rapidement après.
La sénatrice Marshall : Je me rappelle que, il y a deux ans, vous cherchiez des renseignements semblables. Je n’ai pas obtenu ce que je cherchais. Je suis donc heureuse que vos recherches aient porté fruit.
Mais vous avez dit que vous alliez recevoir les renseignements dans les quelques mois qui suivraient. J’aurais cru que le ministère aurait possédé un système renfermant une énumération de tous ces projets d’immobilisations assortis de tous les renseignements financiers comme les coûts jusqu’à ce jour et les montants budgétés pour l’exercice ainsi que des renseignements sur les calendriers des travaux, mais vous dites que vous devez attendre quelques mois?
M. Jacques : Oui. Ayant été vérificatrice générale, vous le croirez. Moi aussi, en ma qualité de dirigeant principal des finances. L’information existe certainement quelque part dans le ministère. Il faudra simplement du temps aux fonctionnaires pour la rassembler pour nous.
La sénatrice Marshall : Elle se trouve quelque part dans le ministère. Il faut la rassembler. Très bien.
Dans votre rapport, vous dites que vous publierez un rapport quand la Défense vous aura communiqué ses renseignements et que vous en publierez un sur les projets d’immobilisations, que j’ai bien hâte de lire. Avez-vous un échéancier? Pouvez-vous en donner une idée?
M. Giroux : Comme mon collègue l’a dit, nous attendons que la Défense nous communique les renseignements. Ensuite, ça dépend beaucoup de leur qualité. Une feuille de calcul Excel, c’est très compliqué. Ça nous prendra plus de temps. Mais un ensemble complet et bien classé de données faciles à comprendre facilitera la rédaction de notre rapport. Il y a gros à parier que l’étude des données nous prendra du temps.
La sénatrice Marshall : Et leur analyse aussi.
Ma dernière question sur la Défense : Les résultats du ministère ont été publiés la semaine dernière ou il y a deux semaines. Je commence tout juste à les parcourir. Vous intéressent-ils? Vous sont-ils utiles?
M. Giroux : Nous les utilisons, dans une certaine mesure, pour éclairer nos prévisions financières, mais nous ne les examinons pas de la même façon que le ferait un auditeur, par exemple. Il s’agit plutôt d’examiner le rendement antérieur.
Pour être tout à fait honnête, ces résultats ont été imposés aux hauts fonctionnaires par des hauts fonctionnaires, et ils ne sont donc pas très utiles, car il s’agit de l’atteinte des objectifs que les ministères s’étaient eux-mêmes imposés. Il reste donc encore du travail à faire pour déterminer si un ministère a réellement réussi à atteindre les résultats qu’il comptait atteindre.
L’exemple que vous avez donné plus tôt et qui concernait la défense de la souveraineté du Canada dans l’Arctique est très subjectif, car on a recours au Rapport sur les résultats ministériels pour déterminer si le Canada affirme réellement sa souveraineté dans l’Arctique. Ce rapport n’est probablement pas la meilleure façon d’obtenir cette information.
La sénatrice Marshall : Vous n’examinez donc pas la qualité des résultats?
M. Giroux : Non. Les renseignements financiers nous sont utiles, mais les résultats eux-mêmes ne nous sont pas très utiles.
La sénatrice Marshall : Merci.
[Français]
Le sénateur Forest : Merci de votre présence parmi nous. J’aimerais revenir au cycle budgétaire. Compte tenu du projet pilote d’il y a deux ans, je ne comprends pas la motivation de revenir à trois budgets supplémentaires. Lorsque nous regardons ce qui se passe, selon votre analyse, il y a une augmentation de 21,8 milliards de dollars pour un total de 312 milliards de dollars, donc une augmentation de 7,5 % par rapport à 2018-2019. Compte tenu des déficits à l’heure actuelle, est-ce que, dans le cycle budgétaire, on s’est donné des objectifs pour préparer le Budget principal des dépenses?
À titre d’exemple, est-ce qu’on peut se dire que, dans le cadre du budget, peu importe le ministère, l’objectif cette année est une augmentation de 2 % selon le coût de la vie? Est-ce qu’on compare les résultats obtenus par rapport à l’exercice budgétaire? Il me semble trop facile de dire que l’on prépare un budget, mais qu’on a trois occasions d’aller chercher des crédits supplémentaires. Ainsi, notre responsabilisation en tant que gestionnaires m’apparaît fortement diluée, parce que nous avons trois occasions de le faire. L’an dernier, un ministère avait oublié d’indiquer 658 millions de dollars. Je peux vous dire que si j’avais géré ma municipalité de cette façon, je n’en serais pas demeuré le maire longtemps.
Y a-t-il des objectifs clairs, dans cet exercice, qui sont donnés aux gestionnaires? Y a-t-il un suivi? Pour le simple citoyen, on dirait que, à un moment donné, money is no object; si on manque d’argent, on va aller en chercher plus.
M. Giroux : Cette question est vaste, je l’admets. Selon moi, la directive provient des échelons supérieurs. Donc, peu importe qu’il y ait trois budgets principaux et supplémentaires des dépenses ou qu’il y en ait deux, si le ton donné par le Cabinet c’est que ce qui est important, c’est d’atteindre certains objectifs de politique publique en accordant peu d’attention à l’impact que cela aura sur le déficit, les fonctionnaires répondront à ces incitatifs et à ces comportements en s’efforçant d’atteindre les objectifs de politique et demanderont autant d’argent qu’il en faudra. Si, par contre, l’objectif qui vient d’en haut c’est qu’il faut gérer les deniers publics de façon très étroite et qu’il y a une cible de surplus à atteindre, les fonctionnaires se comporteront de façon à atteindre ces objectifs.
Il est important de se rappeler que les fonctionnaires, contrairement à la pensée populaire et selon mon expérience, sont rarement des entités autonomes qui agissent indépendamment du pouvoir politique, sauf lorsqu’il y a une séparation des pouvoirs évidente. Cependant, en général, les fonctionnaires répondent aux objectifs et aux instructions de leur maître politique.
Donc, qu’il y ait ou non un Budget supplémentaire des dépenses (B) ou (C), les fonctionnaires répondront aux désirs du ministère qu’ils servent.
Le sénateur Forest : Il y a un juste équilibre entre la saine gestion des fonds publics et l’austérité.
M. Giroux : Exactement. Cependant, s’il y a un budget supplémentaire des dépenses de plus, donc un budget supplémentaire des dépenses (C), c’est une occasion de plus de demander des fonds à la dernière minute pour atteindre des objectifs ou financer des programmes qui ont coûté plus cher que prévu. Mais s’il n’y en a pas, cela entraînera une gestion beaucoup plus serrée, parce qu’il n’y aura pas d’autres possibilités de demander des fonds.
Le sénateur Forest : Croyez-vous qu’on devrait maintenir le projet pilote au lieu de revenir à l’ancienne méthode qui, de cause à effet, nous mène à trois budgets supplémentaires des dépenses?
M. Giroux : Je crois que le projet pilote avait du bon, mais pas uniquement. Il avait du bon dans le sens qu’il forçait un meilleur alignement entre le budget supplémentaire et le budget principal, tout en offrant la flexibilité au gouvernement de déposer un budget tardif. L’occasion d’inclure beaucoup d’éléments budgétaires dans le budget principal s’évapore. Si on présente un budget à la fin mars et un Budget principal des dépenses en avril, il n’est pas possible d’inclure tous ces éléments dans le Budget principal des dépenses. Donc, on se retrouve avec le même problème, c’est-à-dire qu’on n’a pas pu inclure la majorité des éléments budgétaires dans le Budget principal des dépenses, et les parlementaires se font encore demander de voter sur quelque chose sans voir les initiatives budgétaires dans le Budget principal des dépenses.
Le projet pilote est bon, et il serait souhaitable de le reconduire si le gouvernement pouvait s’engager à faire un budget hâtif de façon à ce que la majorité, sinon la totalité des items budgétaires se retrouvent dans le Budget principal des dépenses; il serait donc beaucoup plus facile pour les parlementaires, députés et sénateurs de voir qu’ils votent sur une proposition qui englobe la totalité ou presque des initiatives gouvernementales. Il y aurait un appariement très étroit entre le budget du gouvernement, qui est essentiellement un énoncé de bonnes intentions, et les dépenses votées dans le Budget principal des dépenses.
Par contre, si on présente un budget tardif qui ressemble beaucoup au budget principal, on maintient essentiellement le statu quo du budget principal, et les initiatives budgétaires seront présentées dans les Budgets supplémentaires des dépenses (A), (B) ou (C). Les parlementaires peuvent consulter le Budget principal des dépenses pour trouver telle initiative énoncée dans le budget, et ce sera, par exemple, dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) ou (B), ce qui rend la réconciliation très difficile pour vous et pour nous également.
Le sénateur Forest : Ma dernière question porte sur les infrastructures. Il est tentant de ne pas tenir compte de la mise à jour de nos infrastructures et de leur entretien. Je regarde uniquement les ports et les quais qui appartiennent au gouvernement fédéral, dont bon nombre sont dans un état désastreux. À l’heure actuelle, selon les données financières de la Défense nationale, il faudrait prévoir 1,4 % pour la mise à niveau des infrastructures. Dans le déficit réel, tient-on compte de l’importance du défi que nous pose le déficit des infrastructures qui appartiennent au gouvernement fédéral?
M. Giroux : Le déficit et la dette tiennent compte d’une provision comptable pour la présence des actifs. Donc, on considère les actifs, surtout lorsqu’on considère la dette nette, et on la réduit pour la valeur des actifs du gouvernement. On tient compte également de la dépréciation de la valeur de ces actifs. Les ports, par exemple, se déprécient année après année, à moins qu’on investisse de façon importante dans leur entretien. La dette, à ma connaissance, et le déficit ne tiennent pas compte nécessairement de l’état réel des actifs, de leur valeur réelle, autant que faire se peut, par les méthodes comptables. Je vais laisser M. Jacques ajouter quelque chose.
M. Jacques : Non.
M. Giroux : Il est comptable et je ne suis qu’économiste, c’est ma perspective. Donc, on ne tient pas nécessairement compte de l’état réel de chacun des actifs du gouvernement dans le déficit et la dette.
[Traduction]
Le sénateur Downe : Ce qui me préoccupe aujourd’hui, ce sont les renseignements qui nous manquent peut-être à nous, les parlementaires, lorsque nous étudions les dépenses du gouvernement. J’aimerais vous poser deux questions. Ma première question concerne la catégorie générale des radiations. La deuxième concerne la perception.
J’ai remarqué, en lisant les Comptes publics de 2018-2019, que les articles 25 et 155 de la Loi sur la gestion des finances publiques, par l’entremise de règlements du Conseil de Trésor, autorisaient les ministres à radier de gros montants d’argent. De plus, d’autres lois parlementaires, par exemple celle sur les faillites, donnent ce droit à des ministres individuels.
Pendant ma lecture des Comptes publics, j’ai été stupéfait d’apprendre que la ministre du Revenu national a radié ou annulé les intérêts ou les frais d’administration ou a renoncé à cet argent dans plus de 1,5 million de cas, pour un total de plus de 4 milliards de dollars. Les quatre grandes catégories qui m’intéressent — je pense que celle de la faillite parle d’elle-même... Mais la Loi sur la gestion des finances publiques représentait un gros montant, ainsi que la Loi sur la taxe d’accise et la Loi de l’impôt sur le revenu. Je me demande seulement qui assure le suivi de ces radiations et de ces annulations de dettes pour veiller à ce qu’elles soient légitimes et qu’elles ne sont pas des occasions de percevoir une partie de cet argent. En effet, c’est une grosse somme pour une seule ministre. J’admets que c’est un gros ministère qui s’occupe de gros montants d’argent, mais on parle de plus de 4 milliards de dollars. Assurez-vous un suivi? Quelqu’un assure-t-il un suivi?
M. Giroux : Selon mon expérience, des suivis sont effectués à l’interne à l’ARC. Étant donné que j’ai travaillé là-bas, je vous assure que j’ai aussi des qualités. Je n’ai pas seulement travaillé à l’ARC. L’ARC mène donc des contrôles, des audits et des évaluations à l’interne. Cela ne vous rassure peut-être pas autant que cela le devrait ou le pourrait, mais le vérificateur général passe également beaucoup de temps à l’ARC. Je crois que c’est son client le plus important. Le vérificateur général passe tellement de temps à l’ARC que les intervenants des deux organismes s’appellent par leurs prénoms. Mais nous n’assurons pas ce suivi. Ces radiations sont exposées. Nous ne suivons pas le niveau de radiations ou les transactions individuelles, car cela ne fait pas directement partie de notre mandat.
En ce qui concerne le préambule de votre question et le fait que les ministres ont le pouvoir de radier des dettes, c’est effectivement le cas. Cela a d’ailleurs entraîné des radiations importantes, surtout dans le cas de l’aide au secteur de l’automobile, où des radiations de plusieurs centaines de millions de dollars ont été accordées à des entreprises. C’est un secteur dans lequel les ministres peuvent conclure des ententes de prêt avec des entreprises. Un ministre peut autoriser une radiation, ce qui peut sembler un peu contradictoire, puisqu’un ministre peut devoir obtenir l’approbation du Parlement pour dépenser un million ou un million et demi de dollars, mais peut, de son propre chef, radier un milliard de dollars. Il y a donc une certaine dichotomie de ce côté-là.
Le sénateur Downe : Ma deuxième question concerne la perception. Il y a environ deux semaines, nous nous sommes rencontrés pour parler des progrès ou de l’absence de progrès dans l’analyse de l’écart fiscal, une analyse que l’Agence du revenu du Canada devrait avoir entreprise. En effet, une série d’autres pays mènent actuellement cette analyse, notamment le Royaume-Uni, les États-Unis, la Turquie, et beaucoup d’autres.
L’Agence du revenu du Canada refuse, depuis des années, de mener une analyse globale de l’écart fiscal. Comme nous le savons tous, l’analyse de l’écart fiscal accomplit deux choses. Tout d’abord, elle révèle les sommes perçues par l’agence et les sommes qui devraient être perçues, et la différence que devraient pouvoir connaître les Canadiens. Deuxièmement, elle évalue l’efficacité de l’agence, ce qui pourrait aussi expliquer pourquoi l’ARC ne souhaite pas mener cette analyse, selon moi.
Nous travaillons sur cet enjeu depuis plusieurs années. L’Agence du revenu du Canada a refusé de fournir les renseignements requis par le directeur parlementaire du budget pour suivre cet écart fiscal pour les Canadiens, même si votre mandat vous demande d’obtenir ces renseignements. À mon avis, l’agence devrait être poursuivie en justice ou le gouvernement devrait l’obliger à fournir ces renseignements.
Pourriez-vous fournir à mes collègues et, par leur entremise, à la population canadienne, une mise à jour sur les interventions liées à cette question importante?
M. Giroux : La question de l’écart fiscal est, comme vous l’avez mentionné, une question importante pour veiller à ce que les Canadiens et les parlementaires puissent se faire une idée de l’efficacité de l’organisme de perception fiscale. En effet, il faut pouvoir déterminer si l’organisme de perception intervient auprès de tous les particuliers et de toutes les entreprises qui devraient payer des impôts, s’il perçoit efficacement ces impôts et où il devrait concentrer ses efforts.
La loi interdit à l’ARC de communiquer des renseignements sur des contribuables individuels à mon Bureau. C’est clairement établi dans la loi. Nous avons toutefois réussi à trouver certaines solutions de rechange. En effet, nous avons discuté, avec les intervenants de l’ARC, de la possibilité de nous communiquer des renseignements fiscaux anonymisés. Les intervenants de l’agence craignent toujours que des données ou des documents fiscaux anonymisés puissent permettre d’identifier des contribuables, notamment des entreprises, ce qui représenterait, selon l’agence, une atteinte aux dispositions sur la confidentialité des renseignements.
Pour éviter ces problèmes ou pour obtenir les données dont nous avons besoin pour évaluer l’écart fiscal, nous avons fait appel à Statistique Canada. En effet, cet organisme a accès à tous les documents fiscaux. Certains de nos employés sont donc allés à Statistique Canada et ont eu accès à des dossiers sans identification. En raison de la manipulation des données, nous devons pouvoir évaluer, du mieux que nous le pouvons, l’écart fiscal. C’est de cette façon que nous avons pu présenter un rapport en juin dernier. Les travaux se poursuivent, car c’était la première tentative pour explorer cet énorme enjeu. Nous continuons donc de passer par Statistique Canada pour avoir accès aux données fiscales.
Cela dit, ce serait probablement beaucoup plus facile si nous avions accès à des données fiscales individuelles et non identifiables et si nous avions accès aux documents fiscaux sans que l’ARC craigne d’enfreindre la loi ou sans que nous craignions de nous retrouver en prison parce que nous pourrions accidentellement identifier une entreprise qui a adopté un certain comportement fiscal, légal ou non. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de notre rapport sur l’établissement des coûts des propositions électorales — comment cela s’est passé, nous avons publié un rapport —, nous avons recommandé quelques modifications législatives, et l’une d’entre elles nous permettrait d’avoir accès aux données fiscales.
Cela dit, nous n’avons pas besoin de documents fiscaux individuels qui contiennent des identifiants comme une date de naissance ou un numéro d’assurance sociale. Toutefois, dans le cas des entreprises, il est notamment très utile de savoir si une, deux, trois, cinq ou dix entreprises ont adopté un certain type de comportement. Mais l’ARC, qui souhaite protéger la confidentialité des renseignements sur les contribuables, ne nous divulguera aucun renseignement si moins d’un certain nombre de déclarations forment une catégorie, au cas où il nous serait possible d’identifier indirectement les contribuables concernés.
Il y a donc une proposition visant à nous accorder l’accès à des données fiscales anonymisées. Il revient aux parlementaires de décider s’ils souhaitent présenter cette proposition et nous permettre d’avoir accès à ce type de renseignements.
Le sénateur Downe : Je vous remercie de cette réponse détaillée. Manifestement, c’est un enjeu complexe, et personne ne suggère de divulguer les renseignements des contribuables. Toutefois, c’est aussi un enjeu complexe dans d’autres pays, mais ils le font tous. Il me semble que l’ARC empêche les choses d’avancer dans ce dossier.
Compte tenu de tous les engagements et les priorités en matière de dépenses, craignez-vous que le gouvernement génère un énorme déficit parce qu’il ne perçoit pas des impôts qui sont tout simplement cachés à l’étranger par des Canadiens et qu’il s’agit d’un montant que je ne connais pas, que la population canadienne ne connaît pas et que vous ne connaissez pas, tout cela à cause de l’ARC?
Je ferais valoir que l’affaire des Panama Papers illustre l’ampleur du problème lié à l’Agence du revenu du Canada. En avril, ce sera le quatrième anniversaire de la divulgation de cette affaire. Les noms d’au moins 600 Canadiens ont été divulgués dans les Panama Papers.
Monsieur le président, comme vous le savez, il n’est pas illégal de posséder un compte à l’étranger. Toutefois, il est illégal de ne pas déclarer les profits générés par ces comptes.
Des pays de partout dans le monde qui ont aussi des citoyens dont le nom a été divulgué dans les Panama Papers ont été en mesure de récupérer 1,2 milliard de dollars. L’Agence du revenu du Canada envisage d’identifier l’argent. L’agence a peut-être identifié des millions de dollars, mais en avril, quatre ans plus tard, elle n’aura pas récupéré un cent de cet argent. De nombreux pays se sont efforcés de percevoir cet argent. L’Islande, avec une population de 350 000 personnes, a perçu 25 millions de dollars, mais le Canada n’a rien perçu. Cela n’indique-t-il pas un gros problème? Étudiez-vous cette question dans l’un de vos rapports ou l’une de vos études?
M. Giroux : Sénateur, pour avoir travaillé à l’ARC et pour avoir été directeur parlementaire du budget depuis maintenant un an et demi, je suis convaincu qu’il y a des centaines de millions ou même des milliards de dollars en impôts non déclarés qui échappent aux autorités fiscales du Canada, probablement chaque année, en raison des transactions internationales.
Nous avons une économie ouverte composée de nombreux partenaires commerciaux, ce qui est une bonne chose, mais cela signifie également que nous devons ouvrir notre système bancaire et faciliter les transactions financières avec les autres pays. Le problème, c’est que certaines personnes profitent de l’ouverture de l’économie canadienne et du système financier pour cacher des fonds à l’étranger, et il est donc difficile d’assurer le suivi de tous ces fonds.
Différents gouvernements ont mis au point des outils pour suivre les transferts de fonds vers l’étranger, mais je suis sûr que des sommes importantes continuent d’échapper à l’impôt canadien.
La sénatrice Duncan : Je vous remercie de votre présentation et de votre travail.
La plus grande dépense que vous avez soulignée est évidemment celle liée au ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires duNord pour la renonciation aux dettes des prêts relatifs aux négociations des revendicationsterritoriales globales. Je demanderai d’autres détails aux représentants du ministère des Relations Couronne-Autochtones qui comparaissent aujourd’hui, mais j’aimerais également vous demander, puisque vous avez souligné cette dépense, si vous avez mené une analyse approfondie de ces 919 millions de dollars.
Par exemple, lorsque le gouvernement du Canada a accordé des prêts aux Premières Nations du Yukon pour la négociation de revendications territoriales, il a également perçu des intérêts sur ces prêts. A-t-on fait la distinction entre le capital et les intérêts pour ces 919 millions de dollars et a-t-on établi la ventilation par région de la radiation de la dette?
M. Giroux : J’ai n’ai pas mené une analyse approfondie de ces prêts, mais peut-être que M. Jacques, dans sa sagesse et son grand souci du détail, l’a fait.
M. Jacques : Non, nous n’avons pas mené une telle analyse. Il nous reste à travailler sur les données et les renseignements du budget de 2019, à la page 129. On mentionne environ 200 Premières Nations d’un bout à l’autre du pays qui profiteront de cette mesure, mais il n’y a pas de distinction entre le remboursement du capital et les intérêts.
La sénatrice Duncan : Selon votre connaissance et celle du sénateur Downe de la Loi sur la gestion des finances publiques, ces intérêts pourraient-ils se trouver dans un autre ministère? Savons-nous où ils se trouvent?
M. Giroux : Habituellement, ils feraient partie du montant total, qui serait composé de la dette et du capital. Les hauts fonctionnaires du ministère seront mieux placés pour vous répondre. Étant donné les montants en jeu, ils pourront probablement vous répondre de mémoire.
La sénatrice Duncan : Merci beaucoup. J’ai hâte de leur poser ces questions.
J’aimerais également souligner qu’il y a des arrangements financiers entre les Premières Nations signataires d’accords et leur gouvernement provincial ou territorial et le remboursement de ce prêt. On se demande également s’il faut considérer cela comme étant des revenus autonomes et distincts de leurs ententes de règlement. Cela ferait-il également partie de votre analyse lorsque vous étudierez cette dépense de plus près?
M. Giroux : C’est probablement un peu trop détaillé pour nous. La réponse courte, c’est non, mais si le comité le souhaite, nous pourrions certainement examiner cela.
La sénatrice Duncan : Merci. J’enverrai mes questions cet après-midi.
La sénatrice M. Deacon : Je pense que le sénateur Forest a abordé la plus grande partie de mes questions. Le sénateur Smith a abordé ce sujet plus tôt, et j’aimerais explorer la question une dernière fois. Vous avez parlé de revenir à la façon dont nous fonctionnons, et nous avons eu l’occasion d’essayer un processus pendant quelques années. Je crois que vous avez dit qu’il était bien avisé, mais pas parfait. Je pense constamment à la façon dont nous harmonisons mieux notre budget, le Budget principal des dépenses, et comment nous apprenons et comment nous nous améliorons.
Ma question concerne, encore une fois, des enjeux dont vous vous êtes retiré. Vous avez dit que ce n’était pas parfait, mais c’était un élément important qui nous a aidés dans notre façon de penser, de faire des rapports, d’agir et de collaborer. Cela nous a-t-il permis de gagner ou d’apprendre quelque chose en ce qui concerne particulièrement la façon d’accélérer la mise en œuvre du gouvernement et des dépenses du gouvernement? C’est seulement une dernière chance de parler du sujet.
M. Giroux : Nous nous sommes penchés sur l’accélération de la mise en œuvre des initiatives budgétaires dans le cadre du projet pilote. Rien ne nous a concrètement indiqué que le processus a accéléré la mise en œuvre des postes budgétaires. Même s’il y avait un crédit central pour les postes budgétaires ou des crédits distincts dans chaque ministère, les postes devaient malgré tout passer par le Conseil du Trésor une fois les crédits accordés par le Parlement. Dans les faits, cela n’a pas accéléré la mise en œuvre. Lors de cette partie du projet pilote, rien ne nous a concrètement indiqué que cela a effectivement accéléré la mise en œuvre des initiatives budgétaires.
La sénatrice M. Deacon : Avant de poursuivre, pouvez-vous juste dire ce qui peut, pourrait ou pourra accélérer la mise en œuvre?
M. Giroux : Je pense honnêtement qu’il faudrait des budgets à date fixe ou des budgets déposés en fonction de calendriers bien établis afin que les ministères sachent, si leurs initiatives sont retenues dans le budget, à quel moment se préparer. Dans le régime actuel qui donne au gouvernement une grande latitude par rapport à la date de dépôt du budget, les ministères ne peuvent pas conclure d’ententes ni se préparer à l’exécution du budget à défaut de savoir à quoi s’en tenir avant le jour du budget. S’ils sont chanceux, le sous-ministre sera mis au courant un ou deux jours avant, mais c’est tout. Avant le dépôt, les ministères ne savent pas si le budget renferme leurs postes.
Par exemple, si un budget était déposé le 24 mars — je ne sais et je suis probablement la dernière personne à qui le gouvernement dirait la date de dépôt... Supposons que c’est le 24 mars. Les ministères apprendront probablement en fin de journée s’ils ont quelque chose dans le document, et ils commenceront ensuite à se préparer en conséquence. Par contre, si le dépôt avait lieu, disons, au début de février, ils pourraient alors se préparer beaucoup plus tôt et agir rapidement le 1er avril. C’est habituellement ainsi que les budgets fonctionnent, à compter du prochain exercice. Les ministères seraient en bien meilleure posture pour avoir des initiatives prêtes à mettre en œuvre si nos budgets étaient déposés plus tôt. C’est un moyen.
L’exécution du budget ou la vitesse à laquelle les initiatives budgétaires sont mises en œuvre seraient également accélérées si nous avions de meilleurs fonctionnaires plus efficaces. Je ne me fais pas beaucoup d’amis dans le secteur public en disant cela, mais cela ne fait pas partie de la description de travail, et je travaille depuis assez longtemps dans la fonction publique pour savoir que c’est vrai. Les ministères et les fonctionnaires pourraient mettre en œuvre les initiatives budgétaires beaucoup plus rapidement.
Le sénateur Klyne : Bienvenue, et merci pour vos exposés
Ma question est plutôt d’ordre général, mais elle porte sur votre Rapport sur la viabilité financière de 2020. Je suis certain que beaucoup d’efforts ont été déployés en amont à cette fin. Ces derniers temps, nous avons beaucoup de sables mouvants et de pentes glissantes à franchir. Je me demande juste si vous réalisez actuellement une analyse sur la viabilité. Je pense plus particulièrement aux Prairies, à l’Alberta et à la Saskatchewan. Leurs manœuvres politiques budgétaires sont limitées en matière d’impôts et de dépenses. On peut effectivement se retrouver face à une véritable dichotomie lorsqu’on augmente les impôts, ce qui constitue une partie de l’équation et n’est actuellement pas souhaitable dans un contexte semblable. Par ailleurs, si on commence à réduire les dépenses, cela se traduira probablement par une diminution des services, ce qui est indésirable.
Une grande partie de votre rapport laisse entendre que les administrations infranationales, ou les provinces, par mauvais temps, si je puis dire, devraient se tourner vers la politique budgétaire. Je me demande ce que le gouvernement fédéral envisage à cet égard, car nous avons actuellement des problèmes dans l’Ouest canadien. Si je comprends bien, la formule de péréquation est en place jusqu’en 2024. Fait-elle encore une fois l’objet d’un examen, ou est-ce ce à quoi nous devons nous attendre? Je n’ai pas vu la Saskatchewan et l’Alberta se retrouver dans la catégorie des démunis au cours des dernières années, et j’aimerais donc juste connaître l’analyse rapide du jour dans ce dossier.
M. Giroux : À propos de ce que vous avez dit concernant les difficultés fiscales dans l’Ouest, j’ai rencontré les fonctionnaires des Finances de l’Alberta en décembre. Nous avons discuté des difficultés de la province. Ils estiment que les personnes qui souhaitent proposer des hausses d’impôt devraient être mises au défi de se rendre à un coin de rue à Calgary et de le mentionner pour voir pendant combien de temps elles vont survivre. J’ai dit que j’en prenais bonne note. Nous sommes passés à autre chose.
Lorsque nous avons préparé le Rapport sur la viabilité financière, le gouvernement fédéral avait une certaine marge de manœuvre, mais sur une période de 75 ans, à très long terme. Le Rapport sur la viabilité financière ne cherche aucunement à faire des prévisions. Il cherche plutôt à indiquer la santé des finances publiques des administrations au pays. Nous avons constaté qu’étant donné que les dépenses du gouvernement fédéral sont limitées à long terme — les transferts de péréquation aux provinces et ainsi de suite, les principaux postes de dépenses qui sont restreints par la loi, de même que la Sécurité de la vieillesse, les principaux transferts aux particuliers, qui sont assujettis à l’inflation —, sa situation financière devrait, toutes choses étant égales par ailleurs, être relativement saine. Les dépenses des provinces dépendent de la demande, et les soins de santé figurent en tête de liste, compte tenu de la population vieillissante. Les personnes âgées nécessitent en moyenne plus de soins de santé, ce qui signifie que les dépenses à ce titre seront la principale cause des malheurs des provinces. Ajoutons à cela l’interaction des transferts avec la croissance de la population, et le PIB relatif fera en sorte que, toutes choses étant égales par ailleurs, la Colombie-Britannique devrait commencer à recevoir des paiements de péréquation autour de 2040, le Manitoba en recevra une moindre part et ainsi de suite.
Nous avons effectué une analyse de sensibilité dans notre Rapport sur la viabilité financière pour voir ce que ferait une hausse ou une baisse de la productivité, en fonction d’un vieillissement encore plus rapide de la population, des jeunes, et cela ne transforme pas considérablement la situation sur le plan qualitatif. Cela modifie le montant des rajustements nécessaires, mais pas la situation de manière considérable.
Pour ce qui est de votre question sur la péréquation, le ministre des Finances serait davantage en mesure de parler de son intention et des intentions du gouvernement à ce sujet en prévision de l’expiration des paramètres du programme quinquennal. Allez savoir ce qu’il en est. Je n’en sais rien.
Le président : Merci. Chers collègues, y a-t-il d’autres questions? Dans la négative, je remercie beaucoup le directeur parlementaire du budget d’avoir éclairé nos lanternes. Là-dessus, nous allons certainement vous demander de témoigner encore une fois.
Chers collègues, je vous rappelle que notre prochaine réunion aura lieu à 14 heures cet après-midi, dans la salle B45 de l’édifice du Sénat du Canada. Je déclare maintenant la séance levée.
(La séance est levée.)