LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 20 novembre 2024
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 45 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur du projet de loi C-268, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les Indiens.
Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, avant de commencer, j’aimerais demander à tous les sénateurs et autres participants en personne de consulter les cartes sur la table pour connaître les directives à suivre afin de prévenir les incidents acoustiques. Veillez à ce que votre oreillette soit toujours éloignée de tous les microphones. Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, déposez-la face vers le bas sur l’autocollant placé sur la table à cet effet. Merci à tous de votre coopération.
Je voudrais commencer par reconnaître que la terre sur laquelle nous nous réunissons est le territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinabe et qu’elle abrite aujourd’hui de nombreuses autres Premières Nations, des Métis et des Inuits de l’ensemble de l’Île de la Tortue. Je suis le sénateur mi’kmaq Brian Francis d’Epekwitk, également connu sous le nom d’Île-du-Prince-Édouard, et je suis président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.
Je vais maintenant demander aux membres du comité de se présenter en indiquant leur nom et leur province ou territoire.
Le sénateur Arnot : Je m’appelle David Arnot. Je suis sénateur de la Saskatchewan et je vis à Saskatoon, qui se trouve au cœur du territoire du Traité no 6.
Le sénateur McNair : Bonsoir et bienvenue. Je m’appelle John McNair. Je viens de la province du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Hartling : Bonsoir. Je m’appelle Nancy Hartling, je suis sénatrice du Nouveau-Brunswick sur le territoire non cédé du peuple mi’kmaq.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.
Le sénateur Prosper : Paul Prosper, du territoire mi’kmaq en Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Greenwood : Margo Greenwood, de la Colombie-Britannique, mais originaire du meilleur territoire du Traité no 6 en Alberta. Bienvenue.
Le président : Merci à tous. Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude sur la teneur du projet de loi d’intérêt public émanant du Sénat S-268, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les Indiens afin de donner aux corps dirigeants de Premières Nations ainsi qu’à l’autorité qu’ils auraient désignée le pouvoir de mettre sur pied, d’administrer des systèmes de loterie dans les réserves et de prendre des règlements à leur propos.
Je voudrais maintenant présenter nos témoins d’aujourd’hui : nous accueillons le chef Bobby Cameron, accompagné de John C. Hill, conseiller juridique, de la Fédération des nations autochtones souveraines. Nous accueillons le chef Roy Whitney, accompagné de Me Terry Braun, avocat général, de la nation Tsuut’ina. Merci à tous d’être parmi nous aujourd’hui.
Les témoins prononceront une déclaration liminaire d’environ cinq minutes, qui sera suivie d’une séance de questions et de réponses avec les sénateurs. J’invite maintenant le chef Cameron à prononcer sa déclaration liminaire.
Bobby Cameron, chef, Fédération des nations autochtones souveraines : [Mots prononcés en langue autochtone]
Nous voulons remercier notre Créateur de cette belle journée. Nous remercions nos gardiens du savoir pour les protocoles, les calumets et les prières.
Honorables membres du comité sénatorial, nous vous remercions de nous donner l’occasion de vous parler et de vous faire part de nos commentaires et de notre vision de l’avenir commun de ce pays, le Canada, selon notre point de vue.
Je m’appelle Bobby Cameron. Je viens de la Première Nation de Witchekan Lake, sur le territoire du Traité no 6, en Saskatchewan. C’est un honneur et un privilège de participer à cette importante discussion et à cet important moment historique pour le Canada.
Chers sénateurs et membres du comité sénatorial, nous tenons à remercier chacun d’entre vous — Brian Francis, David Arnot, Mary Coyle, Yonah Martin, Paul Prosper, Judy White, Margo Greenwood, John McNair, Karen Sorensen, Nancy Hartling, Donald Plett et Scott Tannas — du soutien que vous nous avez apporté ces dernières années dans la présentation de ce projet de loi très important. Nous croyons et nous savons que ce projet de loi améliorera la vie des membres des Premières Nations, tant dans les réserves qu’à l’extérieur de celles-ci. Ce projet de loi profitera à toutes les Premières Nations partout au Canada.
Nous sommes dans l’industrie des jeux depuis 31 ans dans notre région. Nous sommes fiers de dire qu’en 1993, la Première Nation de White Bear a été désignée comme la première Première Nation au Canada à exploiter et à posséder un casino sur une réserve. Depuis que la Fédération des nations autochtones souveraines, ou FNAS, et la province de la Saskatchewan ont conclu l’accord-cadre intitulé Gaming Framework Agreement pour l’aménagement de quatre casinos sur les terres des Premières Nations pour les Premières Nations, créés par les Premières Nations, nous avons maintenant ce que nous appelons un droit issu de traité à des moyens de subsistance — une économie fondée sur les traités.
Dans les années 1800, nos chefs de l’époque ont veillé à ce que nous respections, mettions en œuvre et protégions toujours nos droits inhérents et issus de traités, et celui-ci en fait partie. C’est un document historique très sacré sur lequel nous avons travaillé.
Pour ce faire, sénateurs, votre nom, votre nom de famille, vos ancêtres et tous ceux qui n’ont pas encore vu le jour sous votre nom de famille diront : « Ma grand-mère ou mon grand-père a fait partie de quelque chose de très important pour les Premières Nations du Canada. Mon grand-père était là. » Dans un esprit de réconciliation économique, en coordination et en conformité avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ou DNUDPA, c’est ce que nous faisons.
Le projet de loi S-268, comme nous l’avons dit plus tôt, revêt une grande importance historique. Cela ne signifie pas simplement donner des revenus aux Premières Nations pour le plaisir de donner des revenus. Lorsque nous dépensons notre argent chaque jour, chaque mois, chaque année dans les villes et villages du Canada... Si je prends ma région, par exemple : nous dépensons entre 100 et 200 millions de dollars dans les villes et villages de la Saskatchewan. Chaque année, cela représente entre 1 et 2 milliards de dollars dans la province de la Saskatchewan. L’économie de la Saskatchewan et l’économie du Canada bénéficieront de ce projet de loi. Cela signifie simplement que nous sommes maîtres de notre destin. Nous affirmons une véritable compétence dans le domaine du jeu.
La Saskatchewan Indian Gaming Authority, ou SIGA, est de loin la principale entreprise de jeu des Premières Nations. Nous en sommes fiers. À ce jour, nous avons généré 1,6 milliard de dollars depuis sa création. De ce montant, la province de la Saskatchewan a bénéficié de 400 millions de dollars provenant d’entreprises des Premières Nations sur les terres des Premières Nations pour les Premières Nations.
Nous considérons cela comme un outil pour créer plus de logements dans les réserves et investir dans des projets pour les aînés et les jeunes. À une époque où la réconciliation économique est au premier plan, voici votre chance, sénateurs, de participer réellement à quelque chose d’important et de positif. Nous travaillons dans l’industrie des jeux depuis de nombreuses années, amis et parents. Ce n’est pas nouveau pour nous. Nous parlons avec passion et connaissance et du fond du cœur. Nous ne le faisons pas pour nous. Nous le faisons pour nos enfants, nos petits-enfants et ceux à naître. Nous le faisons pour offrir de bonnes bases. Nous le faisons pour offrir à nos enfants une vie meilleure que la nôtre et pour donner à nos enfants et à nos petits-enfants plus de chances de réussir dans la vie que jamais auparavant. Permettez-moi de vous dire qu’être un membre des Premières Nations qui a grandi en Saskatchewan et ailleurs a été un défi.
Mesdames et messieurs les membres du comité sénatorial, encore une fois, merci de nous avoir donné cette occasion. Nous avons fait nos devoirs, nous avons fait les recherches et nous sommes maintenant ici afin d’obtenir votre soutien pour aller de l’avant.
Je tiens à remercier encore une fois l’un de nos chefs, le chef Roy Whitney, d’avoir coparrainé et présenté conjointement cet important de projet de loi S-268; notre président, Brian Francis; et vous tous, ainsi que notre équipe juridique, John Hill, Terry Braun et bien d’autres, qui attendaient avec impatience que ce projet de loi se concrétise. Encore une fois, je dis à chacun d’entre vous que la réconciliation économique en conformité avec la DNUDPA est un élément très important pour faire avancer ce projet de loi et de nombreux autres projets de loi à venir.
Nous demandons à chacun d’entre vous de plonger en vous-mêmes lorsque vous vous coucherez ce soir et de penser à l’avenir avec votre cœur et votre esprit. Nous croyons sincèrement que notre dieu, notre Créateur, vous donnera cette vision pour prendre la bonne décision, qui consiste à soutenir le projet de loi S-268. Meegwetch.
Le président : Merci, chef Cameron, de votre déclaration liminaire.
J’invite maintenant le chef Whitney à prononcer sa déclaration liminaire.
Roy Whitney, chef, nation Tsuut’ina : Honorables sénateurs, merci de me donner l’occasion d’être présent ce soir dans le cadre de cette séance très importante qui va apporter des changements positifs dans nos communautés.
Je m’appelle chef Roy Whitney et je suis le chef principal de la nation Tsuut’ina. Je viens du clan Onespot au sein de ma communauté. Nous faisons partie du peuple déné. Notre groupe linguistique est le plus important en Amérique du Nord. Nous venons de l’Alaska, du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Manitoba, en passant par la Colombie-Britannique et jusqu’aux États-Unis, avec la Première Nation navajo et la Première Nation apache. Notre réserve borde la ville de Calgary au sud, à l’ouest, à l’est et au nord. Notre territoire traditionnel s’étend de l’extrême nord de ce que nous connaissons aujourd’hui comme le Canada et une partie des États-Unis.
Nous avons conclu un traité avec la Couronne britannique en 1877, en même temps que les autres Premières Nations signataires du Traité no 7. C’est notre traité, un traité de paix, un traité d’amitié, qui nous a permis de continuer à subvenir à nos besoins. Le traité devait nous donner la capacité de mobiliser nos forces dans divers domaines, dont le développement économique et la croissance de nos collectivités et de notre peuple — réinvestir en nous-mêmes.
Les Tsuut’ina sont un peuple fort et indépendant, dont les croyances sont incarnées dans notre emblème. Si vous avez déjà remarqué notre emblème, il comporte le cercle qui représente la continuité de la vie, la peau de castor qui nous représente en tant que peuple des Castors, le calumet de la paix et la flèche brisée qui représentent la fin de la guerre et la paix avec tous.
Au cours de mes 25 années en tant que chef, j’ai fait une priorité de la protection de notre traité et du maintien de notre culture, de nos traditions, de notre patrimoine et de notre langue. Mais j’ai également fait une priorité de la mise en valeur de notre économie pour fournir un soutien et des services à notre peuple.
En 2007, nous avons ouvert le Grey Eagle Casino, et en 2014, le Grey Eagle Hotel and Event Centre. Le Grey Eagle Resort and Casino a été entièrement construit avec notre propre argent des Premières Nations. Il ne s’agit pas d’argent provenant d’un système de loterie ou d’un programme de développement économique. Il a été dirigé, détenu et exploité par les Premières Nations.
Le jeu a toujours fait partie de notre culture, de nos traditions et de nos coutumes.
Bien que son langage soit offensant, le révérend E.F. Wilson, qui était prêtre anglican et missionnaire d’Angleterre, a fait ces commentaires dans l’un de ses premiers rapports en 1888 :
Les Sarsis, comme la plupart des autres Indiens sauvages, sont des joueurs invétérés. Ils vont tout perdre au jeu — poneys, tipis, couvertures, jambières, mocassins — jusqu’à ce qu’il ne leur reste plus que leur pagne.
Il a ensuite décrit les jeux auxquels jouaient les Sarsis. Nous n’avons jamais renoncé à notre droit issu de traité aux activités économiques, et le jeu fait certainement partie de notre culture et de nos traditions depuis des siècles.
Nous n’avons jamais été consultés lorsque des modifications ont été apportées au Code criminel pour autoriser les jeux de hasard et d’argent, et nous n’avons jamais été consultés lorsque le gouvernement fédéral a conclu des accords avec les provinces du Canada. On nous a essentiellement dit que si nous voulons que des jeux de hasard se déroulent sur nos terres, nous devrons respecter la réglementation de la province de l’Alberta.
Il existe deux documents clés concernant les jeux de hasard des Premières Nations dans la province de l’Alberta : la politique sur les jeux de hasard visant les Premières Nations et l’entente de subvention pour le fonds de développement des Premières Nations. Bien que la politique et l’entente aient été signées, les Premières Nations de l’Alberta n’ont pas vraiment eu le choix : signer ou ne pas organiser de jeux de hasard.
À mon avis, ni la politique ni l’entente ne sont raisonnables ou justes à l’égard des Premières Nations hôtes comme Tsuut’ina. Les Premières Nations hôtes comme Tsuut’ina doivent partager les recettes qu’elles ont gagnées. Nous fournissons le financement de démarrage, bâtissons l’entreprise, prenons le risque, et à présent, nous devons donner une part de nos recettes durement gagnées. Les Premières Nations hôtes donnent 30 % de leurs recettes tirées des machines à sous à la province de l’Alberta et 10 % aux Premières Nations non-hôtes. En fait, les Premières Nations hôtes donnent 40 % des recettes générées par leurs propres casinos, qu’elles ont durement gagnées. À ce que je sache, il n’existe aucune autre industrie sur les territoires des Premières Nations qui impose à une Première Nation de donner une part de ses recettes à la province et une autre part à d’autres Premières Nations.
Depuis son ouverture, Grey Eagle a donné la moitié de 1 milliard de dollars à la province de l’Alberta. Conformément à l’entente de subvention pour le fonds de développement des Premières Nations, cet argent était censé être versé dans un fonds de loterie. Au lieu de cela, cet argent est simplement versé dans les recettes générales de la province.
Il faut également comprendre que même l’argent perçu par une Première Nation hôte est toujours géré par la province. L’argent qui est distribué aux organisations caritatives des Premières Nations hôtes ne peut être utilisé que conformément au Livre brun. Pour percevoir les fonds de développement des Premières Nations, il faut faire une demande.
Nous avons investi la part de recettes que nous n’avons pas données à la province dans notre communauté. Ces pourcentages varient d’année en année, mais, de façon générale, 14 % de cette part servent à financer la santé et le développement social, 27 % servent à financer les services d’incendie et de police, 18 % servent à financer l’habitation, et 41 % servent à financer notre programme d’éducation.
Nous appuyons le projet de loi S-268. Ce projet de loi conférera aux Premières Nations la compétence de réglementer, d’encadrer et de gérer l’exploitation du jeu sur leurs territoires, compétence à laquelle nous n’avons jamais renoncé. De plus, le projet de loi S-268 reconnaît les droits des peuples autochtones de déterminer leur développement et leur prospérité économiques. Nous comprenons que les activités de jeu doivent être encadrées. Nous comprenons également que l’intégrité et la transparence sont de mise, qu’il faut mettre au point des pratiques de jeu responsables et qu’il faut strictement respecter les lois antiblanchiment d’argent.
Nous travaillons de concert avec d’autres Premières Nations hôtes à l’élaboration d’un protocole d’entente, ou PE, pour mettre au point des lignes directrices. Nous comprenons la nécessité de mettre sur pied un cadre réglementaire afin de rassurer le public sur le fait que les casinos respecteront les normes les plus élevées en matière d’équité, d’intégrité, de transparence et qu’ils seront conformes aux normes généralement acceptées dans l’industrie du jeu.
Pour conclure, la promulgation du projet de loi S-268 sera une bonne chose. Ce projet de loi reconnaîtra la souveraineté et les droits inhérents des Premières Nations. Il reconnaîtra les droits à l’autodétermination et à la prospérité économique. Il reconnaîtra l’engagement du gouvernement envers un nouveau partenariat avec les Premières Nations du Canada. Merci sénateurs. Je vous remercie, sénateur Tannas.
Le président : Merci, chef Whitney, de votre déclaration liminaire. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.
Le sénateur Arnot : Merci, chef Bobby Cameron, d’être venu ce soir. Quel plaisir de vous revoir encore une fois. Chef Roy Whitney, je vous rencontre pour la première fois. Merci d’être venu. Je remercie les deux chefs d’avoir contribué en tant que coparrains et leaders des communautés de Premières Nations à ce projet de loi important. Je tiens également à saluer John Hill, mon ami de longue date. C’est un avocat très connu de la Saskatchewan.
Monsieur le président, je tiens à souligner que le chef Bobby Cameron vient juste d’être élu pour son quatrième mandat consécutif. Au terme de son mandat, il deviendra le chef des Premières Nations le plus ancien dans la Fédération des nations autochtones souveraines. Félicitations, chef.
Pour la gouverne de mes collègues, la Fédération des nations autochtones souveraines a été fondée à la fin des années 1940. Je dirais qu’il s’agit de l’une des organisations les plus influentes qui soient, et certainement, l’un des défenseurs les plus robustes des traités et des droits autochtones dans le pays. Sur ces paroles, je vous remercie beaucoup d’être venus.
J’ai une question coriace pour vous, chef Cameron et chef Whitney. Comment envisagez-vous les jeux, les paris, les loteries et les fonds qu’ils vont générer en tant qu’outil de développement et de réconciliation économiques au sein des communautés des Premières Nations? En quoi ces éléments vont-ils contribuer à l’emploi, et en quoi, selon vous, auront-ils un impact social positif sur vos communautés?
M. Cameron : Merci de la question, sénateur. De toute évidence, grâce aux retombées et aux avantages qui découleront de ce projet de loi, les possibilités seront infinies — c’est notre vision — dans la mesure où les Premières Nations pourront en tirer profit et réinvestir à l’avenir. Comme je l’ai mentionné précédemment, il s’agit de l’une de nos visions pour l’avenir : d’ici 100 ans, advenant l’adoption de ce projet de loi, qui recevra votre appui à la Chambre des communes, le projet de loi continuera de profiter aux communautés des Premières Nations vivant à l’intérieur et à l’extérieur des réserves, et à toute l’économie à l’échelle du Canada, car nous sommes de véritables partenaires dans cette économie. Nous le sommes vraiment.
Nous soutenons entièrement les personnes intéressées ou qui cherchent un soutien garanti pour réinvestir le revenu supplémentaire généré, que ce soit pour combattre les addictions au jeu ou autre. À l’heure actuelle, au pays des Premières Nations, nous composons avec un démon mortel. L’alcool et les drogues ont causé énormément de décès parmi nous, d’un océan à l’autre.
Les centres de désintoxication et de bien-être, et les centres de guérison pour affronter et combattre les démons de l’alcool et des drogues sont un autre outil dans lequel il est possible d’investir. Les retombées qui découleront d’un style de vie sain, de loin, nous seront bénéfiques. Nous voyons ces choses sous une approche holistique, que nous prenons au sérieux. Les protocoles ont été mis en place, et les prières ont été offertes. Même le fait d’arriver à ce point a été une aventure sacrée. Vous n’avez aucune idée de ce que nous ressentons dans nos cœurs et dans nos esprits à l’idée de nous rapprocher de notre but, mais il nous reste encore à arriver à la ligne d’arrivée.
Le fait que les Premières Nations aient l’occasion de pouvoir réinvestir dans des centres de traitement et de guérison, dont le pays des Premières Nations a vraiment besoin, c’est un véritable point de départ pour nous.
M. Whitney : Pour information, notre communauté est située à côté de la ville de Calgary. Nous sommes en ce moment même en train de construire un projet de plusieurs milliards de dollars à l’intérieur de la limite est de notre réserve, qui est située à côté de Calgary. Notre casino et hôtel est situé à l’intérieur du couloir de cette limite est. Ce couloir a été choisi et mis de côté par notre peuple aux fins du projet.
Nous avons le tout premier Costco au monde dans une communauté des Premières Nations grâce à notre projet. Nous avons créé des débouchés. Quelles que soient les retombées des possibilités d’emploi ou des profits générés au sein de notre communauté, ils sont reversés à la ville de Calgary. Actuellement, notre casino emploie 900 employés. La plupart de ces personnes viennent de la ville de Calgary.
Le profit que notre casino génère profite énormément à la ville de Calgary et à la province de l’Alberta. Nous sommes un employeur conséquent, et nous parlons ici seulement de notre casino. Nous ne parlons même pas de toutes nos autres entités et entreprises, ainsi que notre propre administration. Nous générons énormément de richesse en dehors de notre communauté.
Cela nous permet de construire des logements pour nos jeunes. Notre population subit une grande augmentation. Nous sommes en train de construire un centre de rétablissement qui comptera 75 lits dans les périphéries ouest, vers Bragg Creek et Redwood Meadows.
Nous nous efforçons de tenir compte des effets de la vie en général, pas seulement de la façon dont cela affecte les gens. Nous créons des occasions, qui assureront le bien-être des gens.
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup à nos témoins d’être parmi nous ce soir. Merci également du travail que vous avez effectué de concert avec notre collègue, et des efforts visionnaires que vous avez déployés pour présenter ce projet de loi, ainsi que du rôle que vous avez joué et continuez de jouer au fur et à mesure que ce projet de loi traverse les différentes étapes du processus ici. Je vous félicite.
J’ai énormément de questions, mais vous avez déjà répondu à bon nombre d’entre elles.
Grâce à ce projet, vous aurez de plus grandes possibilités de revenus. Vous pourrez les garder, au lieu de les donner, en partie, au gouvernement. Vous pourrez garder la totalité du profit pour vous, et la dépenser comme vous le souhaitez.
Les entreprises, les casinos, les centres touristiques, les hôtels, et ainsi de suite, génèrent tous du profit et créent de l’emploi. En ce qui concerne les revenus générés par ces entreprises — et vous avez parlé de les investir dans les infrastructures sociales, les logements, et ainsi de suite, au sein de vos communautés — les voyez-vous aussi comme des sources de capital d’investissement pour les autres entreprises dans vos communautés, pour la diversification de vos économies? Pourriez-vous nous en parler?
M. Cameron : Merci de poser la question, sénatrice Coyle.
Absolument, oui, sans aucun doute. C’est une occasion pour nous d’être plus qu’un commanditaire et de garantir des prêts dans bien des secteurs. Comme je l’ai mentionné plus tôt, les possibilités sont infinies.
Ce n’est pas juste dans ce secteur : beaucoup d’entrepreneurs des Premières Nations veulent y avoir accès, ils veulent mieux faire les choses, car ils sont éduqués, ils ont de l’expérience et sont tout simplement enthousiasmés par cette possibilité. C’est comme cela que nous voyons les choses. C’est comme cela que nous voyons ce projet de loi. Il apportera dans la région davantage de possibilités en matière d’emploi, de revenus et tout le reste.
Un homme nommé Kevin Sapp a commencé à travailler dès le premier jour à la Saskatchewan Indian Gaming Authority, ou SIGA. Il a travaillé pendant 28 ou 29 ans au sein du casino de la SIGA. Il a pu pourvoir aux besoins de sa famille, et il s’est acheté une maison. Bon nombre de personnes ont réussi depuis, mais il reste encore beaucoup à accomplir, par rapport à ce que vous venez de dire. Donc, absolument, nous voyons ces choses se produire.
Il y a la file pour nos entrepreneurs des Premières Nations et pour beaucoup d’autres, évidemment, car notre industrie du jeu est inclusive. Nous acceptons tout le monde. Nous embauchons beaucoup d’employés, toutes religions et origines confondues, et nous en sommes fiers.
M. Whitney : Merci, sénatrice. Nous investissons dans notre communauté pour avoir des débouchés économiques. Nous avons un centre commercial, un Costco. Nous disposons de beaucoup d’autres accords prêts à être signés, et à la suite de ces signatures, les constructions seront entamées l’année prochaine. Nous avons des parcs de stationnement, un concessionnaire Ford, un concessionnaire Volvo et un concessionnaire Chrysler.
Nous avons réussi — pas directement, mais indirectement grâce à notre territoire — à générer au sein de notre communauté un nombre d’emplois qui dépasse le nombre d’emplois dans d’autres situations à l’extérieur de notre communauté.
La sénatrice Coyle : Chef Whitney, je pense que c’était vous qui aviez mentionné que 30 % des recettes étaient versées à la province et 10 % aux Premières Nations non-hôtes. Pouvez-vous nous parler de ces 10 %? Si j’ai bien compris, c’est prescrit par la province, c’est bien cela?
Qu’en pensez-vous? Comment voyez-vous les choses évoluer dans cette situation, si les choses évoluent, dans le cadre du nouvel accord où c’est vous qui avez les rênes, non pas la province?
M. Whitney : Pour commencer, merci de la question, sénatrice. Nous donnons 30 %... la province prend 30 % pour elle et l’utilise, et 10 % sont mis de côté pour les Premières Nations.
Comme dans toute autre industrie dans d’autres Premières Nations, que ce soit en Alberta ou dans toute autre province au Canada, ces Premières Nations n’ont pas à nous verser une part de revenus ou à la partager, comme les Premières Nations qui disposent de réserves pétrolières, de réserves de gaz ou de mines au sein de leur communauté ou de leur territoire.
Nous n’avons pas ce même avantage. On s’attend à ce que nous payions avec les revenus que nous générons, alors que c’est nous-mêmes qui investissons dans nos installations. Ces bâtiments sont construits avec l’argent que nous avons durement gagné.
Je ne suis pas contre l’idée de voir de quoi les choses auront l’air avec un nouvel accord, mais nous n’avons pas pris de décision à ce sujet, et il fera l’objet d’une discussion avec tous les chefs propriétaires de casinos du pays.
Me Terry Braun, avocat général, nation Tsuut’ina : Pour ce qui est de la division des recettes des machines à sous, comme nous les appelons, 30 % sont versées à la province et 10 % sont versées par l’entremise du Fonds de développement des Premières Nations.
Je crois que l’une des questions était : « Eh bien, où va l’argent? » L’argent va dans les caisses du gouvernement et c’est maintenant aux autres Premières Nations — celles à l’extérieur de la province — de présenter une demande. L’argent est ensuite redistribué sous forme de subvention. Le gouvernement provincial redistribue l’argent sous forme de subvention aux autres Premières Nations à l’extérieur de la province.
La sénatrice Coyle : Comme si c’était une subvention gouvernementale?
M. Whitney : Oui.
Me Braun : Tout à fait.
La sénatrice Coyle : Je comprends. Merci.
Le sénateur Prosper : Je tiens à remercier et à féliciter le chef Cameron. Je veux également souligner le leadership et la vision du chef Whitney. Ce n’est pas toujours facile de décider de déposer une initiative comme ce projet de loi, ce que vous avez fait conjointement avec le sénateur Tannas, et je crois qu’il est essentiel pour l’avenir. Chef Cameron, vous avez dit que le projet de loi aura des répercussions sur les générations à venir.
En tant qu’ancien chef, en Nouvelle-Écosse, j’ai eu l’occasion de voir cette évolution et ses retombées positives, qui non seulement ont aidé la communauté pour ce qui est des programmes et des services, mais ont également montré que le revenu autonome peut favoriser la croissance.
Chef Cameron, vous avez parlé de réconciliation économique, et je me demande ce que vous deux — chef Cameron et chef Whitney — voulez dire quand vous parlez de réconciliation économique.
Ma première question concerne ce qui suit : chef Whitney, je crois que vous avez parlé de votre dilemme, lorsque vous avez dû signer l’entente, sans quoi vous n’auriez pas de loteries. Vous avez dit qu’il n’y avait eu pour ainsi dire aucune consultation en 1985, et après, pour les ententes entre le gouvernement fédéral et la province. À l’époque, à quoi ressemblait le paysage des négociations avec le gouvernement?
Ma première question concerne la réconciliation économique et le revenu autonome, et ma seconde, qui s’adresse à vous deux, et est sur le contexte de la négociation de ces premiers accords.
M. Cameron : Merci, sénateur Prosper.
La réconciliation économique est quelque chose que nombre d’entre nous, dans l’ensemble du pays, demandent, et, dans certains cas, cela a été une réussite. Dans le cas qui nous occupe, si Dieu le veut, le projet de loi sera un succès.
La réconciliation économique a de nombreuses définitions. Dans l’ensemble, cela signifie l’amélioration des conditions de vie des Premières Nations, dans les réserves et hors des réserves. Cela signifie offrir des emplois aux Premières Nations, dans les réserves et hors des réserves. La réconciliation économique aide les Premières Nations à avoir un mode de vie sain.
Si nous sommes capables de réaliser la réconciliation économique, cela créera des débouchés dans de nombreux groupes et secteurs. Cela donne aux Premières Nations davantage d’occasions de faire partie de quelque chose de positif, non seulement avec le Canada dans son ensemble, mais aussi avec elles-mêmes et avec notre Seigneur bien-aimé, notre Dieu, notre Créateur, pour qu’elles puissent comprendre qu’elles peuvent faire partie de quelque chose de spécial, et qu’elles sont spéciales, parce que nous sommes tous uniques, à notre façon. Nous sommes tous uniques parce que nous avons des sentiments. La réconciliation économique nous permettra largement d’améliorer ce que nous essayons de faire en tant que Premières Nations, mais aussi en nous-mêmes et dans nos propres familles. Dans le cadre de la réconciliation économique, nous voulons assurer la réussite de tous nos enfants et petits-enfants et celle des générations à venir. Nous voulons tous que nos enfants réussissent mieux que nous, qu’ils prennent de meilleures décisions que nous, et qu’ils soient de meilleures personnes que nous.
Sénateur, voilà ce qu’est, selon nous, la réconciliation économique. Je vais laisser M. Hill répondre à la question sur le contexte.
John C. Hill, conseiller juridique, Fédération des Nations autochtones souveraines : Sénateur, merci de la question. Je tiens à reconnaître ceux qui ont suivi les protocoles, en notre nom, plus tôt aujourd’hui.
L’histoire de la loterie en Saskatchewan est unique. Comme l’a dit le chef Cameron, en 1993, la Première Nation de White Bear a ouvert le premier casino détenu et exploité par des Autochtones en Saskatchewan. La nation a fait cela pour affirmer ses droits inhérents et ses droits issus de traités. Trois mois après l’ouverture, le gouvernement de la Saskatchewan, a, en pleine nuit, envoyé des paramilitaires pour perquisitionner le casino et le fermer, en se fondant uniquement sur le droit conféré par l’article 207 du Code criminel aux provinces, et c’est pourquoi nous voulons qu’il soit modifié. Après la fermeture du casino, la Fédération des nations autochtones souveraines a entamé des négociations avec la province, qui se sont conclues par la signature d’une entente prévoyant que la province pouvait exploiter deux casinos — des casinos exploités par la province — et que 25 % des recettes nettes seraient remises aux Premières Nations. Pour répondre à votre question précédente sur l’emploi, l’objectif était fixé à 50 % d’emplois pour les Autochtones.
Un an plus tard, il est devenu évident que la province ne pouvait pas exploiter deux casinos, seulement un. Il y a donc ensuite eu une seconde entente autorisant la Fédération des Nations autochtones souveraines à exploiter quatre casinos autochtones, et c’est de là qu’est née la Saskatchewan Indian Gaming Authority, ou SIGA. La SIGA s’occupe maintenant de sept casinos.
Toutefois, la province avait le droit, comme l’a dit le chef, de toucher 25 % des recettes nettes des Premières Nations, et elle a exercé ce droit, simplement parce que l’article 207 du Code criminel autorise la province à mettre sur pied et à exploiter des établissements de jeu. C’est pourquoi, en tant que Premières Nations, nous voulons, par l’entremise de ce projet de loi amendé, demander des amendements pour être sur un pied d’égalité avec les provinces et qu’il ne soit plus nécessaire d’aller quêter à un autre ordre de gouvernement en disant : « S’il vous plaît, laissez-nous garder notre argent. »
En Saskatchewan, nous avons une entente de partage des recettes, qui prévoit que 50 % des recettes nettes que nous conservons seront versées à une entité que nous avons créée, appelée First Nations Trust, et l’argent est distribué équitablement, par habitant, à toutes les Premières Nations en Saskatchewan. Par ailleurs, 25 % des recettes sont versées à des entreprises de développement communautaire gérées par les conseils tribaux de la province. L’argent est utilisé à des fins de développement économique et également distribué à des communautés non autochtones situées dans leurs bassins hydrographiques. Nous rendons des comptes au gouvernement provincial. Il supervise nos dépenses de cette manière, tandis que le gouvernement empoche ses 400 millions de dollars, et, comme l’a dit le chef Whitney, il les dépose dans le Trésor.
Nous avons un historique, en Saskatchewan; nous avons ouvert des casinos et ils ont été fermés, donc, nous avons obtenu ce droit grâce à une entente, et tout ce que nous demandons, c’est que l’article 207 soit amendé pour que nous soyons sur un pied d’égalité avec le gouvernement provincial afin de pouvoir mener nos activités comme nous le faisons depuis 30 ans déjà.
M. Whitney : Merci, sénateur. C’est grâce aux discussions entre le regretté premier ministre Ralph Klein, pour qui j’ai beaucoup de respect, et la province, auxquelles ont participé un certain nombre de Premières Nations ainsi que moi-même, et également le chef de la nation crie Enoch de l’époque, et les communautés s’étendant à l’extérieur, quand les frontières ne sont peut-être pas fixes; c’est grâce à cela que nous avons pu avoir une place à la table de discussion afin d’aborder l’idée des jeux.
Nous étions dans la même position. Nous organisions un bingo dans notre communauté, et nous avons permis au public de participer, mais la province y a mis fin, pour activités de jeu illégales. Toutefois, les recettes devaient être investies dans les programmes de la communauté, qui n’étaient pas soutenus jusque là, tels que les sociétés. Notre société du musée, notre société des aînés et notre société des jeunes n’étaient pas, à l’époque, admissibles aux programmes offerts par les casinos ou les bingos hors de la réserve, c’est pourquoi nous avons pris les devants, mais le gouvernement y a mis fin de la même façon. C’est à ce moment-là que nous avons commencé les discussions.
Comme je l’ai dit, nous n’avons pas demandé à un groupe de chefs ou même à nos propres communautés si c’était quelque chose d’acceptable. C’est une politique, ce n’est pas une loi. Un gouvernement a le pouvoir de modifier la politique à tout moment. Cela me préoccupe de savoir que, à long terme, les générations à venir n’en profiteront pas. Le nouveau projet de loi S-268 aidera les prochaines générations. Pour nous, le plus important est de nous assurer que nos jeunes et les générations à venir ont accès aux revenus autonomes.
La sénatrice Greenwood : Je vous remercie d’être ici ce soir, et je vous remercie de vos déclarations préliminaires. C’est un domaine assez nouveau pour moi, donc pardonnez-moi si je pose des questions sur quelque chose dont vous avez déjà peut-être parlé.
Vous avez parlé de votre relation avec la province — vous savez, de la distribution de l’argent — et de votre intention et de la façon de soutenir vos communautés, mais pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les difficultés auxquelles vous êtes exposés et nous dire en quoi le projet de loi permettra de régler ces difficultés? C’est une loi fédérale, mais vous avez évidemment aussi une relation avec la province, donc j’aimerais comprendre comment ces relations évolueront après l’adoption du projet de loi.
Ma deuxième question — celle qui me préoccupe le plus — concerne les enjeux sociaux qui peuvent se présenter dans la communauté et sur la manière dont vous allez vous en occuper. J’ai vu des pancartes, comme pour Gamblers Anonymous et ce genre de choses. Comment pouvons-nous protéger les communautés tout en soutenant les personnes qui font face à ce genre de problèmes?
Si vous pouviez répondre à mes deux questions très différentes, je vous en serais reconnaissante.
M. Cameron : Merci, sénatrice Greenwood.
Pour ce qui est de la relation avec les gouvernements provinciaux, de la relation avec le gouvernement fédéral et même de la relation avec nos propres systèmes familiaux, il y aura toujours des défis, mais cela ne nous empêche pas d’essayer de sauver ces relations ou d’améliorer les choses. C’est pourquoi on nous a élus : pour chercher et trouver une solution satisfaisante. Et je crois que nous y sommes presque.
Le projet de loi créera des possibilités de réinvestissement dans les domaines de la guérison et du bien-être, comme pour la dépendance au jeu. Nous avons mis sur pied la First Nations Addictions Rehabilitation Foundation, et nous versons 2,5 milliards de dollars en recettes de jeu annuellement pour traiter la dépendance aux jeux et d’autres dépendances. Pour nous, c’est une occasion d’aider et de guérir les membres des Premières Nations, mais aussi une occasion pour eux d’en tirer profit. C’est un sujet très important pour nous, et il est essentiel de traiter de toutes les préoccupations, donc je tiens à vous remercier, sénatrice, de votre question.
M. Whitney : Merci, sénatrice. Pour nous, c’était important de continuer de développer nos ressources humaines dans nos communautés, de donner aux jeunes les compétences dont ils auront besoin pour jouir des bénéfices qui les attendent dans le monde.
Puisque nous sommes si proches de Calgary, nous ressentons plus de pression à maintenir un mode de vie qui protège leur identité en tant que peuple Tsuut’ina, leur culture, leurs traditions et leurs croyances tout en leur donnant l’occasion de s’éduquer et de devenir des défenseurs des temps modernes, que ce soit dans les domaines juridiques ou financiers ou dans d’autres domaines.
C’est ce qui nous occupe.
Maître Braun, avez-vous quelque chose à ajouter? Je ne suis pas certain d’avoir correctement répondu?
Me Braun : Si vous me le permettez, madame la sénatrice, je pense que la première question concernait les répercussions sur la province, et il ne fait aucun doute qu’il y aura des répercussions sur la relation avec la province. Si ce projet de loi est adopté et que les Premières Nations décident d’exercer leur compétence sur le jeu, la nation Tsuut’ina ne redonnera peut-être pas un demi-milliard de dollars au gouvernement provincial. Cela aura manifestement des répercussions sur la relation.
Mais, je dirais ceci : je voulais peut-être parler de la question de la réconciliation économique et de la façon dont ce projet de loi pourrait être cet exemple fort de réconciliation économique.
Plutôt que de remettre un demi-milliard de dollars à la province, cet argent resterait dans notre communauté, et servirait à prendre soin de nos gens, et ce serait la même chose pour toutes les autres entreprises de jeu des Premières Nations. Plutôt que ce soit la province qui récupère cet argent et qui l’utilise dans son propre intérêt, l’argent vient aux Premières Nations et il y reste. Je voulais formuler ce commentaire.
Puis, il y a des préoccupations liées à la dépendance et à la façon dont nous traitons ce genre de choses. Je n’étais pas conseiller juridique pour la nation Tsuut’ina à l’époque où elle a envisagé le premier casino, mais tous ces enjeux ont été soulevés il y a 20 ans, avant que nous ayons un casino. Qu’en est-il des dépendances, de la prostitution et des drogues? Nous avons corrigé la situation. Nous l’avons réglée dans la mesure où le problème, ce n’est pas le casino. C’est un problème qui ne concerne pas le casino, mais qui s’y retrouve. Le casino n’est pas la cause de ces problèmes. Nous avons fait un travail formidable pour traiter de tout cela. Nous sommes confiants que ce projet de loi ne changera pas l’état des choses. En fait, il va nous aider parce que nous aurons plus d’argent à investir dans ces ressources.
M. Whitney : Dans un autre ordre d’idées, nous avons effectivement négocié il y a neuf ans avec la province de l’Alberta pour faire construire une voie de ceinture autour de notre communauté, et les gens ont voté en faveur de cela. Ces négociations se sont tenues sur plusieurs années, et c’était avec la province de l’Alberta, le premier ministre, le ministre du Transport, donc il y a effectivement des discussions et des négociations avec la province et qui ne concernent pas le jeu.
Mais nous étions aussi d’avis que cela serait bénéfique pour notre communauté parce que, maintenant, nous avons vraiment l’occasion de nous développer sur le plan économique. Nous avons tiré profit de la voie de ceinture, et nous sommes maintenant rendus à cette étape de développement important au sein de la nation Tsuut’ina, et nous sommes très fiers de ce que nous avons accompli en tant que nation.
Comme notre population croît très rapidement, nous devons constamment trouver de nouvelles façons de générer des revenus afin d’offrir des logements et des débouchés économiques, qu’il s’agisse de particuliers qui souhaitent avoir leur propre entreprise ou collectivement en tant que nation.
Le sénateur McNair : Merci aux témoins d’être présents ce soir et d’avoir cette discussion. Nous vous remercions d’être présents à cette heure-ci et de discuter de ce dossier, comme je l’ai dit.
Monsieur Whitney, vous avez mentionné l’élaboration de principes directeurs dans le processus en cours actuellement. J’aimerais que vous nous en disiez plus à ce sujet, si vous le pouvez. Qui participe? Quand vous jugerez que c’est prêt à être adapté, qui l’adoptera? Comment le processus fonctionne-t-il? Jusqu’à présent, on dirait que c’est un processus collaboratif et coopératif, et j’aimerais en apprendre plus à ce sujet.
M. Whitney : Nous sommes en discussion avec les Premières Nations qui ont des établissements de jeux au sein de leur communauté, et nous élaborons un protocole d’entente pour établir comment nous travaillons ensemble collectivement et élaborons une approche collective, sachant que chaque province aura son propre ensemble de principes directeurs elle aussi. Je parle des Premières Nations, non pas du gouvernement provincial. Les Premières Nations auront leurs propres principes directeurs. Ce sera la même chose pour nous en Alberta. Nous déterminerons ensemble à quoi cela ressemblera.
Les deux plus grands casinos en Alberta sont ceux de Tsuut’ina et d’Enoch, et nous générons le plus de revenus à l’extérieur de la province de l’Alberta.
Nous laisserons Me Braun répondre à la question sur le processus des principes directeurs.
Me Braun : Merci de la question. J’espérais que quelqu’un la pose. Nous avons reconnu presque depuis la première lecture du projet de loi que nous avions besoin de proposer un cadre réglementaire qui convaincra tout le monde qu’une modification du Code criminel n’aurait pas d’incidence sur l’intégrité du jeu. Nous avons communiqué avec certaines autres Premières Nations qui ont des établissements de jeux pour entamer cette discussion au sujet de l’entente qui pourrait être conclue entre les Premières Nations hôtes qui pourrait traiter de cela. Présentement, il y a un groupe qui travaille sur un protocole d’entente. Honnêtement, nous espérions que nous pourrions comparaître devant votre comité et dire « Nous avons signé un protocole d’entente, et il a été signé par les Premières Nations suivantes ». Nous ne sommes pas tout à fait rendus là, mais nous espérons l’être d’ici deux ou trois semaines.
En ce qui concerne les principes directeurs, encore une fois, ce serait l’intégrité et la transparence, le respect de la culture et de la souveraineté, le jeu responsable, la lutte contre le blanchiment d’argent et contre le financement du terrorisme, la résolution des conflits entre joueurs et les pratiques exemplaires en matière de collaboration. Nous avons examiné tous ces principes directeurs et avons tenté de voir comment on pourrait les formuler, tout en sachant que nous continuerons de travailler ensemble pour que, lorsque ce projet de loi entrera en vigueur, il y aura un cadre réglementaire.
Si vous me le permettez, présentement, aucune décision n’a été prise quant à la forme que prendra ce cadre réglementaire. Qu’il s’agisse d’un organisme de réglementation national ou régional, nous ne sommes tout simplement pas rendus là. Nous avons encore du travail à faire, et nous demandons l’avis d’autres Premières Nations à propos du cadre réglementaire.
Je peux le dire encore, monsieur le sénateur, notre groupe s’est engagé. Nous aurons une réunion avec l’Assemblée des Premières Nations. Nous tiendrons une autre réunion de trois jours en janvier ou en février. Il y a un engagement réel à faire en sorte que, lorsque le projet de loi entrera en vigueur, nous aurons ce cadre réglementaire.
Le sénateur McNair : Je vous félicite pour cela. Il semble que le fait de penser à ces enjeux avant le changement va de pair avec le jeu responsable.
M. Cameron : De plus, les résolutions qui concernent précisément le cadre des Indigenous Gaming Regulators ont été présentées dans les assemblées de la Federation of Sovereign Indigenous Nations et ont été appuyées à l’unanimité par les chefs à l’occasion d’une réunion de l’Assemblée des Premières Nations. Ce travail, et tout le reste ont commencé; les discussions ont commencé. Comme Me Braun et le chef Whitney l’ont mentionné, nous nous coordonnerons et organiserons une discussion de fond sur le cadre de réglementation. Présentement, j’aimerais demander à Me Hill de faire quelques commentaires.
Me Hill : Merci, chef Cameron.
Merci de la question. Comme Me Braun l’a dit, les principes directeurs existent, et on en discute.
En ce qui concerne le cadre de réglementation, nous devons ne pas oublier que ça ne se fait pas en vase clos. Nous œuvrons déjà dans le secteur du jeu. La nation Tsuut’ina fait déjà des affaires dans le domaine du jeu. En Saskatchewan, nous avons déjà nos organismes de réglementation autochtones. La Fédération of Sovereign Indigenous Nations a créé un groupe, les Indigenous Gaming Regulators, et ils ont autorisé des employés. Ils ont obtenu des licences de jeu de bienfaisance dans les communautés qui délèguent l’autorité. Les Premières Nations ont l’autorité, et ils ont la compétence. Quand ils désignent les Indigenous Gaming Regulators en tant qu’organisme de réglementation, nous réglementons le jeu de bienfaisance dans les communautés. Les Indigenous Gaming Regulators délivrent aussi des autorisations à des employés de jeu et à des fournisseurs de jeux.
Nous ne faisons pas cela en vase clos. Nous reconnaissons que les consommateurs doivent avoir confiance dans le secteur du jeu. Les gens doivent être convaincus que le jeu est juste et équitable et qu’il y a des règles à suivre. Nous faisons cela. Cela ne changera pas. C’est une composante tout à fait nécessaire.
C’est la même chose pour le jeu socialement responsable. La Saskatchewan Indian Gaming Authority, la SIGA, offre des programmes de jeux responsables. Comme le chef Whitney l’a dit, la Federation of Sovereign Indigenous Nations, la FSIN, a créé la First Nations Addictions Rehabilitation Foundation. Nous avons négocié une somme avec la province de la Saskatchewan, laquelle a augmenté au fil des ans. Actuellement, nous prélevons 2,5 millions de dollars dès le départ qui sert à financer la lutte contre les dépendances dans les Premières Nations de la Saskatchewan. On joue socialement de façon responsable; il y a un cadre de réglementation. Nous faisons des affaires dans ce secteur maintenant. Cela ne devrait faire peur à personne. Nous sommes à l’aube d’un nouveau jour, mais ce n’est pas quelque chose que l’on crée en partant de rien.
La sénatrice Coyle : Je crois que vous venez de répondre à ma question. Vous êtes des exploitants avertis de ces entreprises. Vous faites ce travail depuis des années. Ma question, à laquelle vous avez déjà répondu, visait à savoir si vous aviez l’intention de concevoir un modèle de commission de jeu plus régional ou national, et vous avez répondu « oui ». Vous allez dans cette direction. Il n’est pas encore établi, mais il est fondé sur ce que vous avez déjà mis en œuvre vous-même. Vous vous autoréglementez très bien depuis de nombreuses années, et maintenant, puisque d’autres personnes veulent travailler dans ce domaine, ou si vous voulez faire croître vos affaires, c’est peut-être le temps de mettre en œuvre des normes sur un plus grand territoire. Vous avez répondu à ma question. Merci.
Le sénateur Tannas : C’est de cela dont je voulais précisément parler. Ma grand-mère écossaise disait : à quelque chose malheur est bon. Vous pouvez comparer notre situation aujourd’hui à celle des États-Unis, où l’industrie du jeu a pris de l’ampleur de façon désorganisée, et on a entendu de nombreuses histoires au sujet de ce qu’il ne fallait pas faire, tandis que, dans notre pays, dans nos provinces, il y a au moins 40 nations qui sont dans le domaine, et ce, depuis des décennies dans certains cas. C’est une bonne chose que nous ayons tous ces principes, cette expertise et ce sens des affaires. Je présume que c’est ce que l’on attend depuis longtemps.
Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez? Quelle est la valeur de cela, et à quel point est-il plus facile selon vous, d’arriver à une entente avec d’autres Premières Nations qui ont des établissements de jeu sur ce que devraient être les principes? Vous gérez tous des entreprises, et cela se passe autrement qu’aux États-Unis, et c’est souvent ce qui reste à l’esprit des gens et qui les inquiète.
M. Cameron : Merci, sénateur Tannas, de la question. C’est une occasion pour les Premières Nations qui sont dans l’industrie du jeu d’offrir ce que nous appelons le chemin sacré vers la guérison. C’est vraiment quand de nombreuses Premières Nations partout au pays cherchent des endroits pour guérir, des endroits pour réussir et des occasions de prospérer, non seulement dans l’industrie du jeu, mais dans beaucoup d’autres secteurs.
Quand nos chefs ont signé leur traité dans les années 1800, ils croyaient que, en 2024, on continuerait de promouvoir les partenariats de nos droits inhérents issus de traités, que ceux-ci seraient protégés et mis en œuvre, et le droit de gagner sa vie est un de ces droits. Sénateur Tannas, merci de la question. C’est une question importante et une discussion importante qu’il faut avoir. Au cours des prochains mois, nous sommes convaincus que nous avons l’expérience et les connaissances. La plupart de nos gens sont éduqués, et bon nombre d’entre eux ont consacré leur vie à l’industrie du jeu afin de la voir prospérer jusqu’à maintenant, et ils savent reconnaître et éviter les erreurs du passé, et nous en sommes là. Merci, monsieur le sénateur.
Le président : Le temps pour ce groupe de témoins est maintenant écoulé. J’aimerais tous vous remercier de vous être joints à nous aujourd’hui. Si vous souhaitez présenter des observations supplémentaires, veuillez les communiquer au greffier par courriel d’ici une semaine. Merci.
(La séance est levée.)