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La Loi sur les douanes
Projet de loi modificatif—Troisième lecture
5 décembre 2018
L’honorable Sénatrice Mary Coyle :
Honorables sénateurs, je suis ravie de prendre la parole aujourd’hui pour parler du projet de loi C-21, Loi modifiant la Loi sur les douanes. Le projet de loi C-21 met en marche la phase quatre du plan d’action Par-delà la frontière, établie par le Canada et les États-Unis en décembre 2011.
Le projet de loi C-21 modifie la Loi sur les douanes pour permettre à l’Agence des services frontaliers du Canada de recueillir des renseignements de base sur les personnes qui quittent le Canada en traversant la frontière terrestre avec les États-Unis ou en prenant un vol vers les États-Unis à partir d’un aéroport canadien. Le genre de renseignements recueillis se trouve à la page 2 du passeport. L’heure et le point d’entrée seront également relevés.
Chaque jour, plus de 300 000 personnes traversent la frontière terrestre entre le Canada et les États-Unis et plus de 204 000 personnes prennent l’avion à partir d’aéroports canadiens pour se rendre à de nombreux endroits dans le monde. Il est primordial d’assurer aux Canadiens un passage frontalier efficace tout en protégeant leur sécurité, et c’est bien ce qui est au cœur de ce projet de loi.
Les personnes qui quittent le pays par voie terrestre ou par avion n’auront aucune étape supplémentaire à franchir et ne subiront pas de retards particuliers. À la frontière terrestre, les voyageurs continueront de montrer leur passeport aux agents américains, comme ils le font déjà. Les renseignements seront recueillis, comme ils le sont déjà. Grâce à l’adoption du projet de loi C-21, les données seront envoyées à l’Agence des services frontaliers du Canada en l’espace de quelques minutes.
Pour les gens qui quittent le pays par avion, les renseignements de base seraient recueillis par le transporteur aérien à partir du manifeste des passagers, puis fournis à l’Agence des services frontaliers du Canada avant le départ de l’avion.
J’aimerais remercier les sénateurs Gold, Housakos et Dalphond, ainsi que les membres du Comité de la sécurité nationale et de la défense, de leur travail à l’égard de ce projet de loi. Comme vous l’avez entendu tout au long du débat, le projet de loi C-21 aiderait à combattre la criminalité transfrontalière, à intervenir plus efficacement à l’égard des menaces à la sécurité nationale, à intensifier les mesures visant à empêcher l’exportation illégale de marchandises contrôlées et à renforcer l’intégrité des programmes du gouvernement et du système d’immigration.
Le projet de loi C-21 prévoit des améliorations considérables à des systèmes qui sont déjà en place. Par exemple, lorsqu’une alerte AMBER est émise, l’Agence des services frontaliers du Canada serait en mesure d’émettre un avis de surveillance contenant tous les renseignements pertinents concernant l’enfant disparu ou la personne qu’on soupçonne de l’avoir enlevé.
Si un ravisseur tente de quitter le pays par avion, nous serions en mesure de l’intercepter avant le départ de l’avion. S’il a déjà traversé la frontière par la voie terrestre, nous saurions quand il a quitté le pays et à quel passage frontalier afin d’en aviser la GRC, qui pourra alors prendre les mesures requises pour coordonner les recherches avec ses homologues étrangers.
Lorsqu’un enfant est enlevé, le temps est le facteur le plus crucial. Le projet de loi C-21 améliorera le système actuel afin que plus d’enfants soient retrouvés et que les ravisseurs ne puissent pas leur faire traverser la frontière.
C’est pourquoi le Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense a recommandé au gouvernement de prendre des mesures concrètes pour veiller à ce que ce processus soit effectué de manière efficace. Il a aussi recommandé au gouvernement du Canada de prendre, après mûre réflexion, des mesures supplémentaires pour prévenir les enlèvements d’enfants, notamment en ajoutant les restrictions concernant la garde des enfants à la base de données existante de l’Agence des services frontaliers du Canada ainsi que de l’information concernant toutes les alertes AMBER diffusées au pays. Nous serons ainsi mieux en mesure d’assurer la sécurité de tous les enfants au Canada.
Le temps est également un facteur crucial en ce qui concerne les voyageurs qui présentent un risque élevé. À l’heure actuelle, les personnes inscrites sur la liste d’interdiction de vol peuvent être considérées comme suspectes et, ainsi, être surveillées par des agents de sécurité. Elles peuvent se voir refuser l’embarquement sur un vol afin qu’elles ne parviennent pas à quitter le pays pour tenter de se joindre à une organisation terroriste à l’étranger.
Cependant, les personnes qui n’ont pas été ajoutées à la liste, mais qui sont actuellement surveillées par la GRC, par le SCRS ou par un autre organisme, pourraient être en mesure de quitter le pays. Dans ces cas-là, les autorités n’ont, à l’heure actuelle, aucun moyen de collecter les renseignements requis quant à la destination et à la durée du séjour à l’étranger de ces personnes. L’adoption du projet de loi C-21 permettrait à l’Agence des services frontaliers du Canada d’envoyer un préavis au SCRS ou à la GRC concernant ces personnes et leurs déplacements. Le cas échéant, des mesures pourraient être prises pour empêcher ces personnes de quitter le pays. Si de telles mesures ne sont pas requises, les autorités concernées seraient informées du départ de la personne afin de faciliter les enquêtes en cours.
Le projet de loi C-21 contribue également à la lutte contre la traite des personnes. Selon un rapport de 2017 de l’Organisation internationale du Travail et de la fondation Walk Free, on estime à 24,9 millions le nombre de victimes des formes modernes d’esclavage dans le monde. On pourrait croire que le Canada n’a que très peu, voire rien à voir avec ce grave problème du XXIe siècle. Or, de 2009 à 2016, 1 220 incidents de traite des personnes ont été rapportés à la police ici même, au Canada. D’ailleurs, une jeune femme du Cap-Breton, victime de la traite des personnes, s’est présentée la semaine dernière à mon bureau. La traite des personnes peut conduire à l’esclavage, à une agression sexuelle et à d’autres formes de mauvais traitements. Ce phénomène touche les femmes et les enfants de manière disproportionnée.
Le projet de loi C-21 permet aux agences canadiennes de mieux surveiller les voyageurs à haut risque et de suivre leurs déplacements afin de cerner les habitudes de voyage de ceux qui commettent ce genre de crimes. L’objectif est de procéder plus rapidement et plus efficacement à l’arrestation des trafiquants.
Le projet de loi C-21 facilite également le processus d’immigration et offre davantage de flexibilité aux demandeurs de citoyenneté canadienne. Pour ce faire, il prévoit de mettre en place un système fiable pour recueillir des renseignements de sortie sur les demandeurs, et les ajouter aux renseignements sur les entrées déjà recueillis.
Une fois ce projet de loi adopté, les demandeurs n’auront plus à fournir la preuve qu’ils ont résidé au Canada au moins 1 095 jours au cours des cinq ans précédant la date de leur demande de citoyenneté. En effet, ces renseignements seront automatiquement transmis aux agents d’immigration. Lors de la réunion du comité sénatorial, des représentants d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ont souligné que cette nouvelle façon de faire va permettre d’accélérer le traitement des demandes, réduisant ainsi les retards que l’on observe actuellement. C’est très encourageant.
Par ailleurs, certains programmes fédéraux sont assujettis à des conditions de résidence. Ainsi, en recueillant les renseignements de sortie, qui viendront s’ajouter aux renseignements sur les entrées déjà présentes dans nos systèmes, nous prévenons le recours abusif à ces programmes.
Nous avons entendu parler à maintes occasions des répercussions que ce projet de loi pourrait avoir sur les retraités migrateurs. Or, soyez rassurés, chers collègues, car les personnes qui touchent déjà les prestations de vieillesse auxquelles elles ont légalement droit, comme la Sécurité de la vieillesse, ne seraient pas touchées par le projet de loi C-21.
Dès qu’une personne âgée de plus de 18 ans a résidé au Canada pendant plus de 20 ans, la Sécurité de la vieillesse est entièrement transférable, quel que soit le lieu de résidence choisi par le bénéficiaire. De manière similaire, le projet de loi n’aurait aucun effet sur l’admissibilité au régime d’assurance-maladie, puisque les renseignements de sortie ne seraient pas communiqués aux provinces.
De plus, le projet de loi C-21 prévoit des mesures importantes qui visent à aider l’Agence des services frontaliers du Canada à contrôler la circulation illicite de biens vers l’extérieur du Canada. Pour l’instant, la Loi sur les douanes ne vise que les biens qui sont importés au Canada. Cependant, comme le vérificateur général l’a souligné dans son rapport de 2015, il faut apporter des changements aux règles concernant l’exportation de biens qui franchissent la frontière canado-américaine.
Environ 140 000 voitures et 28 000 camions franchissent la frontière canado-américaine tous les jours. En septembre dernier seulement, plus de 4,5 millions de personnes ont quitté le Canada en voiture, par avion ou par un autre mode de transport.
À l’heure actuelle, un agent de l’ASFC peut poser des questions à une personne quittant le Canada seulement s’il a des motifs raisonnables de le faire ou si ses questions portent sur le transport d’espèces valant plus de 10 000 $ à partir du Canada. Le nouvel article 94 de la Loi sur les douanes proposé dans le projet de loi C-21 permettra aux agents de l’ASFC de poser des questions à des voyageurs quittant le Canada s’ils ont d’autres motifs raisonnables d’entretenir des soupçons à leur égard. Cet article renforcera la capacité de l’ASFC de prévenir l’exportation de marchandises prohibées, contrôlées ou réglementées.
Au cours de son étude du projet de loi C-21, le Comité de la sécurité nationale et de la défense a tenu 4 réunions et a entendu 15 témoins. Lors de ces séances, il a examiné un certain nombre de sujets très importants, dont les limites rigoureuses qu’il faut imposer quant à l’utilisation et à la divulgation des renseignements recueillis, ainsi que le contenu du protocole d’entente et des principes de protection des renseignements personnels qui seront rédigés pour permettre l’échange de renseignements entre les agences gouvernementales.
La question de la surveillance des agents de l’ASFC a été soulevée lors de la première réunion du Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense portant sur le projet de loi C-21. L’honorable Ralph Goodale, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, a déclaré ce qui suit au comité :
[...] il y aura très probablement, au cours des prochaines semaines et des prochains mois, un nouveau projet de loi visant à encadrer convenablement la surveillance de l’Agence des services frontaliers du Canada.
Le 21 novembre dernier, le comité a entendu Daniel Therrien, commissaire à la protection de la vie privée du Canada, au sujet de l’objectif général du projet de loi et de l’amendement adopté par la Chambre des communes, qui porte sur la période de conservation des données. Au sujet du projet de loi lui-même, M. Therrien a déclaré ce qui suit :
[...] je suis généralement satisfait que cette initiative reliée à la gestion de la frontière repose sur d’importants objectifs d’intérêt public et que les renseignements personnels en jeu ne sont pas particulièrement sensibles.
Pour l’amendement, M. Therrien a indiqué que, pour favoriser une plus grande certitude juridique, l’article 93.1 devrait être modifié afin de préciser que les renseignements recueillis au titre des articles 92 et 93 doivent être conservés par l’Agence des services frontaliers du Canada pour une période maximale de 15 ans. Il a dit ceci :
[...] pour favoriser une plus grande certitude juridique, il serait souhaitable de modifier l’article 93.1 afin de clarifier qu’il ne s’applique qu’à l’ASFC et qu’il sert à fixer une période maximale.
Il fait ici référence à la période maximale de 15 ans. J’ai personnellement vérifié auprès de M. Therrien le libellé de l’amendement accepté par le comité, et il convient qu’il reflète ses préoccupations concernant la période de conservation de l’Agence des services frontaliers du Canada.
Le projet de loi C-21 a reçu un vaste appui de tous les partis à la Chambre des communes et la situation semble la même au Sénat.
Cette mesure législative permettra à l’Agence des services frontaliers du Canada de continuer à protéger les frontières grâce à ce nouvel accès à l’information sur les personnes qui quittent le Canada, et permettra aux organismes d’application de la loi de mieux réagir aux situations urgentes, notamment des cas d’enfants portés disparus et de victimes de la traite des personnes. Elle améliorera également la capacité de l’Agence des services frontaliers du Canada d’empêcher l’exportation de marchandises prohibées, contrôlées ou réglementées.
Le projet de loi C-21 permettra à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada de traiter plus rapidement les demandes et de s’assurer que les conditions d’admissibilité aux programmes gouvernementaux sont respectées.
Honorables sénateurs, il est temps de remédier aux lacunes en matière de renseignements qui affligent actuellement les opérations frontalières. Le projet de loi C-21 n’est qu’un volet de la stratégie globale de sécurité nationale, mais il s’agit d’un volet essentiel. J’espère que j’aurai votre appui au moment du vote.
Merci, welalioq.