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Projet de loi sur le cannabis

Rejet de la motion d’amendement

6 juin 2018


L’honorable Sénateur Leo Housakos :

Honorables sénateurs, qu’ont en commun Amy Porath, conseillère principale en recherche et politiques du Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, la Dre Sharon Levy, directrice médicale du programme d’intervention pour adolescents toxicomanes à l'hôpital pour enfants de Boston, et professeure agrégée de pédiatrie à l’école de médecine de l’Université Harvard, le Dr Meldon Kahan, directeur médical du Service de toxicomanie au Women’s College Hospital, le Département de médecine familiale et communautaire de l’Université de Toronto et l’Association des médecins psychiatres du Québec? Ils sont tous d’accord avec Santé Canada pour dire que le développement du cerveau humain se poursuit chez les jeunes adultes jusqu’à l’âge de 25 ans. De plus, chacune de ces personnes et organisations a témoigné devant des comités sénatoriaux au sujet de l’avantage d’augmenter l’âge minimal pour avoir accès à la marijuana afin de refléter cette réalité.

On ne peut pas nier que la consommation de marijuana a des effets nuisibles sur le cerveau en développement jusqu’à l’âge de 25 ans. Personne ne conteste cela, alors pourquoi est-ce qu’on établit un âge minimal aussi bas que 18 ans?

Je rappelle encore une fois aux honorables sénateurs que l’objectif fondamental de ce projet de loi est de protéger les jeunes et de diminuer la consommation de cannabis chez les jeunes. En quoi l’établissement d’un âge minimal de consommation de 18 ans accomplit-il cet objectif, alors que nous savons sans aucun doute que le cerveau demeure vulnérable jusqu’à l’âge de 25 ans? Pourquoi nous soucions-nous moins du développement du cerveau qui se produit pendant les sept dernières années de la croissance? Pourquoi établir un âge arbitraire de consommation de 18 ans?

Nous avons tous entendu parler des effets négatifs de la consommation de marijuana. Permettez-moi d’en rappeler quelques-uns à cette assemblée, en gardant en tête que cette mesure législative légalise l’exposition du cerveau des jeunes Canadiens à ces risques.

Selon les Directeurs de pédiatrie du Canada, l’information dont on dispose nous porte à croire qu’il existe un lien direct entre les troubles mentaux importants comme la dépendance, la psychose et la dépression et le cannabis chez les jeunes qui en consomment régulièrement.

Comme nous l’avons entendu de la Société canadienne de pédiatrie lors de l’étude au comité, les recherches scientifiques des 15 dernières années ont démontré que le cerveau poursuit son développement chez l’humain jusqu’au début de la vingtaine. On craint de plus en plus que l’exposition au cannabis durant cette importante phase du développement ne se traduise par des effets indésirables plus prononcés chez les adolescents que chez les adultes dont le cerveau a atteint son développement maximum.

Selon une étude publiée par le journal Deutshes-Arzteblatt International, entre 17 et 25 p. 100 des adolescents qui consomment de la marijuana finiront par en abuser ou en être dépendants.

Les consommateurs de marijuana peuvent développer un trouble particulier dont les symptômes comprennent l’accoutumance et des symptômes de sevrage. Les symptômes de sevrage comprennent l’irritabilité, la colère ou l’agressivité, l’anxiété, l’humeur dépressive, l’agitation, l’insomnie, une diminution de l’appétit et une perte de poids.

Il a été prouvé que la marijuana contribue à l’anxiété et à la dépression. Les observations semblent indiquer un lien entre la consommation de marijuana à l’adolescence et l’apparition de troubles de l’humeur et de troubles anxieux.

Dans une méta-analyse effectuée par l’American Medical Association en 2003, on a signalé une diminution de la capacité d’apprendre et de mémoriser de l’information nouvelle chez ceux qui fument régulièrement de la marijuana.

Les chercheurs commencent à voir les mécanismes à l’origine de ces effets et soupçonnent que la consommation de marijuana durant des phases délicates du développement, comme l’adolescence, pourrait expliquer les déficits durables des fonctions mentales. Cette information vient de A. Caballero et KY Seng.

Les mêmes travaux ont montré que les gens qui commencent à consommer de la marijuana au début de l’adolescence ont de faibles résultats lors de la réalisation de tâches visant à tester le fonctionnement du cerveau exécutif, la mémoire à court terme, la pensée abstraite et la maîtrise de l’impulsivité.

Il y a aussi les effets sur la santé physique.

Fumer endommage les voies respiratoires. Le goudron que contiennent les cigarettes de marijuana est néfaste pour les poumons et augmente les risques de maladies respiratoires, y compris le cancer du poumon.

Il a été prouvé que fumer de la marijuana nuit aux fonctions cognitives, notamment l’attention, la résolution de problèmes, le jugement, la prise de décisions et l’apprentissage.

Et que dire de la conduite avec facultés affaiblies et du mythe parmi les jeunes selon lequel la marijuana et l’alcool n’ont pas les mêmes effets sur les capacités?

Certes, la marijuana et l’alcool n’ont pas les mêmes effets, mais les deux ralentissent les réflexes et nuisent à la capacité de concentration sur la route. Lorsque l’on consomme de la marijuana, la fréquence cardiaque augmente et la mémoire à court terme s’altère, de même que l’attention, les habiletés motrices, les réflexes et l’organisation des informations complexes. Tous ces effets ont une incidence sur la conduite automobile.

Pensez-vous vraiment que les jeunes, dont le cerveau n’est pas encore arrivé à sa pleine maturité, tiendront compte de ces facteurs lorsqu’ils prendront le volant défoncés? On se croit invincible lorsqu’on est jeune.

Bien que je souhaite voir l’âge minimum fixé à 25 ans, je suis d’accord avec le Dr Harold Kalant, professeur émérite à la faculté de médecine de l’Université de Toronto, qui a déclaré ce qui suit :

Je crois qu’il est très peu probable que le Parlement accepte un âge minimal de 25 ans. Tout ce que je peux dire, c’est que plus l’âge minimal est élevé, mieux c’est.

La Dre Sharon Levy, directrice médicale du programme d’intervention pour adolescents toxicomanes à l'hôpital pour enfants de Boston et professeure agrégée de pédiatrie à l’école de médecine de l’Université Harvard, a affirmé ce qui suit au comité :

[…] faites passer l’âge minimal pour l’achat de cannabis à 21 ans. Les âges limites peuvent être efficaces pour ce qui est de réduire la consommation de substances chez les jeunes. Le développement du cerveau se poursuit jusqu’au milieu de la vingtaine. Non seulement l’établissement de l’âge minimal à 21 ans dans la loi fédérale repoussera l’âge auquel les jeunes commencent à consommer du cannabis, mais la norme uniforme facilitera également l’application de la loi.

La Dre Levy a poursuivi en disant que, d’un point de vue médical, elle estime qu’il est préférable de fixer l’âge limite à 25 ans. Voici ce qu’elle a dit :

La suggestion de repousser l’âge limite vise en réalité à protéger la santé publique, car les données scientifiques sont très claires quant au fait que le cerveau en développement est vraiment mis à risque par la consommation de marijuana. Cette fourchette d’âge de l’adolescence au début de l’âge adulte est le moment où les gens deviennent dépendants aux substances, en particulier dans le cas de la marijuana. Les personnes qui subissent les plus grands préjudices sont celles qui consomment dans cette fourchette d’âge. Alors, quoi que vous puissiez faire pour repousser l’âge auquel les gens commencent à consommer du cannabis contribuera à la protection de la santé publique.

Lorsque le comité a demandé quel est l’avantage de hausser l’âge limite, voici ce qu’on lui a répondu :

Le plus tôt nous pouvons déplacer le sommet de la courbe vers le marqueur de 21 ans plutôt que ceux de 18 ou de 15 ans, mieux s’en portera la société qui devra prendre en charge les personnes restantes, qui deviendront des toxicomanes permanents et qui lui coûteront une fortune.

Cette observation vient de Glenn Barnes, membre du comité consultatif de Jeunesse sans drogue Canada.

La consommation du cannabis chez les jeunes peut causer des dommages irréparables à leur cerveau en développement, et nous ne pouvons pas faire fi de cette réalité. L’établissement de limites quant aux quantités et à la puissance du cannabis destiné aux jeunes de moins de 25 ans est essentiel à la santé mentale et au bien-être de nos jeunes.

Ce témoignage vient de Corey O’Soup, défenseur des droits au sein de l’organisme Saskatchewan Advocate For Children and Youth.

Plus jeunes les adolescents commencent à consommer, plus grands seront les effets sur leur cerveau et le risque qu’ils développent ultérieurement des troubles liés à la toxicomanie.

Ce témoignage vient de Margie Skeer, professeure agrégée au Département de santé publique et de médecine communautaire de l’Université Tufts.

Mme Skeer a également dit que la recherche a révélé ceci :

[…] chaque année où nous pouvons retarder le début de la consommation a une incidence à long terme sur le risque qu’ont les jeunes de développer un trouble lié à la toxicomanie au fil du temps. L’adolescence est une période déterminante sur le plan de la consommation problématique de substances, y compris la marijuana.

Comme je ne voudrais pas vous ennuyer en vous présentant mon opinion, chers collègues, je vous donne plutôt l’opinion des experts. Le dernier que je cite, le Dr Philip Tibbo, professeur au Département de psychiatrie de l’Université Dalhousie, a exprimé cette idée très simplement pendant son témoignage :

[…] l’Association des psychiatres du Canada continue de maintenir que les Canadiens ne devraient pas être légalement autorisés à consommer du cannabis avant l’âge de 21 ans […]

Chers collègues, le témoignage des professionnels de la santé publique venus de tous les horizons est clair. Il est sans équivoque. Plus l’âge minimal sera élevé, mieux ce sera.

Certains sénateurs feront probablement valoir que la consommation d’alcool est permise à partir de 18 ans ou autour de cet âge, selon la province, et qu’on peut obtenir un permis de conduire encore plus tôt. Certains diront également que, puisque les jeunes sont considérés comme des adultes bien avant l’âge de 25 ans ou de 21 ans aux fins d’une multitude d’autres activités, pourquoi ne pas en faire autant pour le cannabis? Pour répondre à cet argument, permettez-moi de signaler qu’une nouvelle tendance se dessine. Pas plus tard que l’an dernier, le gouvernement de l’Ontario a mis en place un programme de médicaments d’ordonnance gratuits pour les « jeunes » de 25 ans et moins. De toute évidence, la province considère que les jeunes ont besoin d’une attention spéciale bien au-delà de leur 18e anniversaire. Ils ne peuvent pas s’occuper d’acheter leurs propres médicaments d’ordonnance, mais nous leur permettons de consommer de la marijuana comme bon leur semble.

De toute façon, je dirai une fois de plus que, en dépit de mon objection à légaliser la marijuana, compte tenu de ce qui serait l’objectif fondamental du projet de loi — protéger les jeunes et réduire leur consommation —, je ne vois pas comment nous pouvons nous opposer à cet amendement qui veut faire passer l’âge minimum de 18 à 21 ans.

Honorables sénateurs, nous avons le devoir de protéger les jeunes Canadiens. Nous avons le devoir d’effectuer un second examen objectif en vue d’adopter les projets de loi du gouvernement, mais nous devons aussi protéger les personnes vulnérables. Le groupe le plus vulnérable au Canada, selon les experts de la santé et les scientifiques, est formé des jeunes de moins de 25 ans.

Si le Sénat du Canada ne fait pas ce qui s’impose en protégeant les personnes vulnérables, nous ne remplissons pas notre mandat de façon responsable au nom des habitants du Canada.

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