Discours du Trône
Motion d’adoption de l’Adresse en réponse— Suite du débat
18 septembre 2018
L’honorable Sénatrice Julie Miville-Dechêne :
Honorables sénatrices et sénateurs, tout d’abord, je tiens à remercier les sénateurs Harder, Smith, Saint-Germain et Day, qui m’ont tous couverte d’hommages.
[Traduction]
Je remercie tous les honorables sénateurs de leurs belles paroles. Plusieurs d’entre vous sont venus me voir à mon nouveau pupitre. Il me donne l’impression d’être une élève dans une nouvelle école. Il s’agit d’une expérience intéressante. Je vous remercie beaucoup de toutes vos aimables paroles.
[Français]
J’ai choisi de prendre la parole brièvement le jour de mon assermentation. Je sais que cela ne se fait pas souvent, mais cette assermentation survient tout de même trois mois après ma nomination au Sénat, ce qui est relativement long.
J’ai commencé à lire, à réfléchir, à rencontrer des collègues et à trouver quelques pistes pour contribuer au bien commun dans ce rôle de sénatrice, qui offre la possibilité d’influencer les politiques publiques. Je suis privilégiée — très privilégiée — de pouvoir participer à la nouvelle dynamique d’une Chambre haute qui compte de plus en plus de sénateurs indépendants qui tentent de trouver de nouvelles façons de remplir leurs obligations. Comme dans toute période de changement, il y aura des tâtonnements et des erreurs, mais il nous revient, à nous, de trouver des voies de passage.
Je compte parmi les 24 sénateurs du Québec; j’ai donc la responsabilité de défendre les intérêts des citoyens québécois dans le cadre de l’étude des projets de loi. Je crois que le Sénat est l’institution toute désignée où je pourrai promouvoir cette idée d’un Québec distinct, qui a ses aspirations propres et ses compétences constitutionnelles tout en faisant partie du Canada. C’est le propre d’une fédération comme la nôtre, un système politique où nous avons pu, nous les Québécois, établir un rapport d’État à État, obtenir certains pouvoirs et nous épanouir économiquement et culturellement, malgré les tensions propres à tout régime politique. Comme sénatrice, je serai donc particulièrement vigilante pour tout ce qui touche les compétences du Québec, la langue française et la vitalité des minorités linguistiques. D’ailleurs, je suis nommée dans la division sénatoriale d’Inkerman, dans l’Ouest du Québec, où il y a une proportion appréciable de résidents qui s’identifient comme étant anglophones, soit plus de 18 p. 100 dans l’Outaouais seulement.
(1610)
Pendant les sept dernières années, j’ai travaillé au sein du service public au Québec, j’ai vu de près la capacité de l’État québécois à diriger les destinées des siens et à rayonner sur la scène internationale. Mon passage en diplomatie a été instructif. L’action propre d’un État fédéré comme le Québec dans le monde illustre une fois de plus le fait que cette société francophone a une voix distincte. Autre sujet de fierté : les avancées du Québec en matière de droits des personnes LGBTQI et, bien sûr, en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.
Mes années consacrées à la défense des droits des femmes m’ont obligée à choisir de prendre la défense des plus vulnérables, que ce soit les femmes autochtones, les femmes immigrantes, les plus pauvres, les moins éduquées, les femmes itinérantes, les femmes prostituées, celles que j’ai baptisées les « oubliées de la révolution féministe ». C’est une cause qui m’est chère, et je sais que plusieurs autres sénatrices et sénateurs partagent ces préoccupations.
Comme beaucoup de Québécois, mon rapport au Canada est complexe et en constante évolution — et je peux en parler ouvertement maintenant que je ne suis plus journaliste à Radio-Canada. Ce rapport a été profondément marqué par la blessure de l’échec de l’accord du lac Meech, que j’ai couvert aux premières loges à titre de journaliste politique. Je crois que la Charte canadienne des droits et libertés a permis des avancées importantes — on n’a qu’à penser au droit à l’avortement —, mais je fais partie des Québécois qui espèrent que les conditions seront un jour réunies pour que le Québec adhère à la Loi constitutionnelle de 1982.
Tout au long de ma carrière, j’ai fait partie de ces journalistes bilingues qui ont passé des années en poste à l’extérieur du Québec à expliquer que le Canada n’est pas monolithique, pour rappeler aussi que beaucoup considéraient la langue française comme une richesse, une langue à maîtriser, d’où la popularité des classes d’immersion. Les longues listes d’attente et la pénurie d’enseignants francophones, en Colombie-Britannique notamment, en témoignent. Bref, j’ai tenté de déboulonner, à travers mes reportages, la caricature que certains voulaient faire de ce pays et du Québec également. Faire des nuances, être méfiante face aux idéologies, quelles qu’elles soient, cela fait partie de mon ADN. J’ai traversé le Canada, parlé des minorités francophones et développé une grande admiration pour ces citoyens qui se battent bec et ongles afin de conserver leur langue et leurs services.
Cependant, le Canada change sous nos yeux, que ce soit par l’arrivée des immigrants qui seront toujours plus nombreux à l’avenir, que ce soit par l’arrivée des changements climatiques dont nous sentons déjà les effets et qui nous obligent à apporter notre contribution pour tenter de sauver la planète et l’humanité — le débat que nous entreprenons ici dans le cadre du projet de loi C-69 en est une belle illustration — ou que ce soit par les inégalités sociales et les écarts de richesse qui minent les fondements du monde dans lequel nous vivons. Au-delà des discours, nos gouvernements doivent faire davantage, impérativement, ici et sur la scène internationale, pour réduire la misère et donner des outils et de l’espoir à celles et ceux qui survivent à peine et subissent de la violence.
Enfin, j’espère être à la hauteur de ces nouveaux défis. À tous mes collègues, je tiens à vous assurer que ma priorité sera toujours de faire équipe avec vous pour privilégier l’intérêt public. Merci beaucoup.