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La proposition intitulée « Second examen objectif »
Interpellation—Ajournement du débat
16 mai 2017
L’honorable Sénatrice Pamela Wallin :
Honorables sénateurs, comme l'a dit George Bernard Shaw, « Le progrès est impossible sans changement et ceux qui ne peuvent changer d'avis ne peuvent rien changer. » Ou, comme l'ont récemment écrit nos anciens collègues, les sénateurs Hugh Segal et Michael Kirby : « La Chambre haute passe à un nouvel acte, et il est naturel que de nombreux acteurs aient du mal à apprendre leur nouveau rôle. »
(1640)
Le Sénat se transforme. Il y a encore des changements à venir étant donné que les sénateurs indépendants formeront bientôt le plus grand groupe. Nous devons trouver de nouvelles façons de gérer les affaires du Sénat afin de permettre les débats approfondis et la prise de décisions. Toutefois, il y a deux choses qui ne changeront pas. D'abord notre rôle en qualité de Chambre de second examen, puis notre responsabilité d'étudier, de débattre, de modifier, d'adopter ou de rejeter le programme législatif du gouvernement élu.
Je propose donc de tenir un débat sur la réforme proposée par le représentant du gouvernement, car il faut que nous délibérions, que nous débattions et que nous prenions des décisions quant à tout cela plus tôt que tard.
Dans sa proposition intitulée « Second examen objectif », le sénateur Harder soulève des préoccupations concernant le lent progrès de projets de loi importants du gouvernement et le sens de l'expression « second examen objectif » dans le nouveau Sénat. Doit-elle avoir le même sens qu'il y a 150 ans, au moment de la création du Sénat?
Je répondrais par l'affirmative. Sans m'étaler trop longuement sur l'histoire du Canada, j'aimerais souligner que les Pères de la Confédération — malheureusement, aucune femme ne faisait partie de ce groupe — ont étudié de façon exhaustive le rôle de la Chambre haute. Comme l'ont dit les historiens, 6 des 14 jours de la Conférence de Québec ont été consacrés à la discussion sur le rôle de la Chambre haute au sein de la Confédération. Au cours des décennies précédentes, les dirigeants politiques des colonies s'étaient battus pour établir un gouvernement responsable et garantir les droits et les pouvoirs de la Chambre des communes. Ils ont également reconnu la valeur du « second examen », de l'occasion d'étudier et de revoir les lois adoptées par la Chambre. C'est pour cela que le Sénat a été créé comme contrepoids à la Chambre élue. Comme l'a dit George Brown pendant les débats sur la Confédération :
On a voulu faire de la Chambre haute un corps parfaitement indépendant, un corps qui serait dans la meilleure position possible pour étudier sans passion les mesures de l'autre Chambre, et défendre les intérêts publics contre toute tentative de législation hâtive ou entachée d'esprit de parti.
Je veux simplement ajouter une chose. J'ai lu, pas plus tard que ce matin, un autre article du sénateur Segal, où il fait remarquer que plus de 92 p. 100 des Canadiens n'ont jamais été membres d'un parti — ce qui a suscité mon étonnement — et que le Sénat devrait les représenter aussi.
Un corps parfaitement indépendant — un concept à la mode ces jours-ci, n'est-ce pas? D'emblée, les Pères de la Confédération ont préféré un Sénat nommé, de sorte qu'il n'aurait pas la légitimité démocratique nécessaire pour bloquer le programme du gouvernement élu. Ce principe était aussi reconnu par notre ancêtre de Westminster, la Chambre des lords, qui, par convention, accepte d'adopter rapidement les projets de loi du gouvernement.
Nous avons hérité de ces droits et responsabilités. Cependant, en l'absence d'un caucus gouvernemental pour parrainer et gérer le programme législatif au Sénat, il faut concevoir une nouvelle approche, une façon de tenir un débat qui assurera un « second examen objectif » adéquat et rapide des projets de loi.
Le projet de loi C-14, le projet de loi du gouvernement sur le droit de mourir adopté l'an dernier constitue un précédent important et utile à cet égard. Planifier les travaux entourant ce projet de loi, débattre de celui-ci et y apporter des amendements ont permis — et ce, malgré la pression imposée par les délais fixés par la Cour suprême — de constater la valeur d'un débat ciblé au Sénat. Le Sénat a approuvé sept amendements au projet de loi du gouvernement, dont certains ont été adoptés par la Chambre élue. Les sénateurs Segal et Kirby ont écrit ceci à propos du projet de loi C-14 :
Encore une fois, le Sénat a joué son rôle traditionnel de contrepoids, tentant d'améliorer un projet de loi précipité et controversé avant d'accepter finalement sa situation de Chambre complémentaire de réflexion qui ne doit pas rivaliser avec la Chambre des communes.
Le sénateur Harder a proposé plusieurs possibilités pour la gestion du calendrier du Sénat, y compris la « fixation de délais », cet instrument brutal et un peu douteux qui sert actuellement à limiter le débat et à imposer la tenue d'un vote.
Dans certaines administrations étrangères, la Chambre haute est assujettie à des « limites de temps » au terme desquelles un projet de loi du gouvernement est « réputé adopté » s'il n'a pas fait l'objet d'un vote après un délai prescrit.
Même si le Sénat du Canada, contrairement à la Chambre des lords, dispose encore d'un droit théoriquement absolu de veto sur les projets de loi, nous voudrons sans doute, dans nos délibérations sur le nouveau Règlement d'un Sénat indépendant, envisager d'inscrire dans les lois un « veto suspensif » permettant de reporter, mais non de rejeter des projets de loi d'initiative ministérielle. Avec des garanties appropriées, cela permettrait un débat suffisant « de second examen objectif » tout en obligeant le Sénat à se prononcer sur les mesures législatives dans un laps de temps raisonnable.
Il y a ensuite la « gestion du temps » que le représentant du gouvernement propose dans son projet de « comité des travaux du Sénat ». La proposition a des avantages, mais il faudra avancer prudemment pour s'assurer du respect des droits et prérogatives de chaque sénateur ainsi que du droit des nouveaux groupes du Sénat à une représentation proportionnelle au sein de tous les comités. Nous ne voulons pas d'un comité qui ne serait qu'une nouvelle version des « voies habituelles ».
Je crois qu'en faisant une meilleure planification et un meilleur ordonnancement et en concentrant les débats législatifs sur plusieurs journées consécutives, comme nous l'avions fait dans le cas du projet de loi C-14, nous pourrions assurer un « second examen objectif » plus efficace et une étude plus rapide des projets de loi. Au lieu d'un débat décousu parsemé de discours ponctuels étalés sur plusieurs mois — ce qui a constitué la norme ces derniers temps —, nous pourrions avoir un débat et un échange d'idées mieux ciblés et plus pertinents. Occupons-nous ici des projets de loi important aux étapes de la deuxième et de la troisième lecture, la deuxième lecture ayant pour but de définir les questions à étudier au comité et la troisième étant destinée à s'assurer que nous n'avons rien manqué, même au comité.
Ce n'est pas seulement la gestion du calendrier législatif qui nécessiterait d'urgence un examen et une réforme. Nous aurons besoin en même temps d'avancer rapidement pour changer les règles organisationnelles et procédurales qui ont toujours favorisé l'esprit partisan et fait du Sénat une sorte d'écho de la Chambre.
Comme la Cour suprême nous l'a rappelé dans le renvoi de 2014 concernant le Sénat, c'est une altération de l'intention originale :
Les rédacteurs ont cherché à soustraire le Sénat au processus électoral [...] afin d'écarter les sénateurs d'une arène politique partisane toujours soumise aux impératifs des objectifs politiques à court terme.
Cela implique de régler les problèmes de proportionnalité au sein des comités, qui restent contrôlés par des représentants partisans des anciens gouvernements.
Même si le Sénat fait une transition difficile, c'est une période stimulante qui nous donne la possibilité de réformer notre institution et de rétablir son rôle initial, qui consiste à faire un second examen objectif en débattant, en discutant et en prenant des décisions sur les mesures législatives, afin de compléter le travail de nos collègues de la Chambre.
Même si le groupe de modernisation du Sénat souhaite peut-être adopter la proposition du représentant du gouvernement, nous voudrons probablement en discuter ici même, en comité plénier. Nous voudrons peut-être aussi envisager de créer un comité de planification distinct chargé de gérer notre emploi du temps et nos principaux travaux.
C'est précisément la raison pour laquelle j'ai proposé cette interpellation tandis que nous nous prononçons sur la procédure future. Nous devrions envisager de créer quelques nouveaux comités en vue de la prochaine session du Parlement. J'espère que nos collègues voudront participer à cette discussion destinée à repenser notre procédure et notre mode de fonctionnement et, ce faisant, à ramener Sénat à sa mission originale.
Je vais conclure en vous présentant quelques citations pouvant guider notre réflexion. Comme l'a dit une fois Andy Warhol : « On dit toujours que le temps change les choses, mais en fait, c'est vous qui devez changer les choses vous-même. » Je crois que c'est la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Je vous rappellerai également ces paroles de l'ancien président Barack Obama : « Nous sommes nous-mêmes ceux que nous attendons. Nous personnifions le changement que nous recherchons. »