Le lien entre la prospérité et l'immigration
Interpellation--Fin du débat
29 juin 2021
Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre brièvement la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation de la sénatrice Omidvar sur l’immigration. L’immigration au Canada, c’est l’histoire de ma famille. C’est une histoire courante, qui est non seulement celle de ma famille, mais aussi celle d’autres familles partout au pays, et ce, depuis le début de la riche histoire du Canada. De la façon dont je vois les choses, la société canadienne est un tissu multicolore dont les fils sont les différentes familles, personnes et communautés qui ont trouvé leur chemin vers nos rivages et qui considèrent le Canada comme leur foyer.
Une métaphore courante de la culture canadienne est celle de la mosaïque composée de divers morceaux. Celle-ci tranche avec l’autre métaphore selon laquelle les États-Unis sont comme un creuset. Cependant, il est important de ne pas oublier le ciment qui maintient intacte la belle mosaïque canadienne. C’est ce ciment qui nous lie. C’est ce qui nous unit dans un esprit de coopération et qui nous rend fiers d’être Canadiens. Ainsi, l’une des choses auxquelles nous devons réfléchir profondément, que nous devons reconnaître et que nous devons viser à renforcer, c’est ce qui nous unit tous en tant que Canadiens. Ce n’est qu’en faisant cela que nous pourrons préserver les divers morceaux de la mosaïque tout en étant cimentés ensemble comme un tout solide.
L’avenir de notre nation passera par une immigration constante et solide. Ces dernières années, l’immigration nette a représenté 80 % de la croissance démographique. Ce chiffre est supposé augmenter dans les 10 prochaines années. Pour cette raison, l’immigration sera la clé de notre croissance démographique et économique.
Ces dernières années, et cette tendance se maintiendra sûrement, l’immigration en provenance de l’Asie a été importante et a augmenté régulièrement; elle représente plus de 60 % des nouveaux arrivants. Les leaders Canadiens d’origine asiatique ont tracé la voie à moi et à beaucoup d’autres, comme l’ancienne sénatrice Vivienne Poy, la première sénatrice d’origine asiatique, qui est aussi à l’origine du Mois du patrimoine asiatique, qui a été adopté à l’unanimité ici même en 2001. Grâce à sa vision, de nombreuses histoires — parfois tristes comme les récits de tragédies, de discrimination, de racisme, d’inégalité et de perte; et parfois inspirantes comme les récits de succès triomphants — ont pu être relatées au cours du mois de mai et tout au long de l’année.
Dans le cadre général de l’expérience asiatique au Canada, il y a un sous-ensemble de récits canado-coréens, qui remonte à 1888, lorsque les premiers missionnaires canadiens ont mis les pieds sur la péninsule coréenne. Dans le siècle et demi qui a suivi, les Canadiens ont combattu aux côtés des Sud-Coréens à la guerre de Corée et, plus récemment, ils ont signé un accord de libre-échange historique, le premier et le seul du genre en Asie. J’ai eu l’honneur d’être la marraine du projet de loi portant mise en œuvre de l’Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Corée. Je salue en passant l’excellent travail du porte-parole, l’honorable sénateur Percy Downe. En ce moment, un quart de million de Canadiens d’origine coréenne vivent ici et près de 30 000 citoyens canadiens habitent en Corée du Sud. Grâce à cette histoire partagée et à ces riches liens entre les populations, la communauté canado-coréenne est forte et unique au sein du Canada.
Les Canadiens d’origine coréenne ont contribué à la réussite et aux progrès du Canada sur tous les plans. Je pense à la grande actrice hollywoodienne Sandra Oh, qui est née à Ottawa; au commodore à la retraite Hans Jung, un immigrant coréen qui est venu au Canada pour devenir médecin général des Forces armées canadiennes en 2009 jusqu’à sa retraite en 2012; et à des personnes comme Ahn Suk Hwan, l’ingénieur qui a conçu le bras spatial canadien. D’ailleurs, chaque fois que je prends un billet de cinq dollars pour acheter un café, l’image du bras spatial canadien me rappelle cet exploit. En parlant de café, lorsque mon mari a traversé notre vaste pays d’un océan à l’autre sur sa Harley-Davidson, il a remarqué deux constantes dans toutes les villes, petites et grandes : un Tim Hortons et un concessionnaire Hyundai ou Kia.
La communauté coréenne du Canada possède un esprit d’entreprise incroyable, un courage sans limite et un optimisme qui a poussé des entrepreneurs coréens du Canada à s’établir partout au pays pour y exploiter des entreprises de toutes sortes et de toutes tailles. Elle fait preuve d’autonomie, grâce à des réseaux de centaines d’églises et d’organismes sans but lucratif qui prennent soin de la communauté. Kim’s Convenience, la télécomédie à succès écrite par Ins Choi, a fait connaître ces attributs que sont l’entrepreneuriat, les valeurs familiales et une éthique de travail indéfectible ainsi que ce groupe et ces communautés tissées serrées.
Pour finir, je veux rendre hommage aux quelque 26 000 Canadiens qui ont combattu avec les Sud-Coréens et leurs alliés des Nations unies durant la guerre de Corée, la troisième guerre la plus sanglante pour le Canada, au cours de laquelle 516 Canadiens ont fait le sacrifice ultime. Ils ne sont jamais rentrés à la maison, mais ils reposent encore au cimetière commémoratif des Nations unies à Pusan, en Corée. Les anciens combattants sont perçus comme des héros et comme une source d’inspiration par les communautés coréennes partout au Canada. Se tenant sur les fondations solides du sacrifice désintéressé de Canadiens en Corée depuis plus de 120 ans, les communautés coréennes du Canada se sont épanouies dans diverses régions avec une fierté sincère, de la gratitude et un engagement envers le Canada, qui a accueilli la première vague d’immigrants à la suite de la signature de l’armistice le 27 juillet 1953.
Les communautés coréennes font du Canada un pays plus fort et meilleur. Elles font partie intégrante de la mosaïque canadienne. Elles sont — bien sûr — le ciment qui nous lie et qui maintient intactes toutes les valeurs qui forment la belle et colorée mosaïque canadienne, des valeurs partagées par tous nos concitoyens, comme l’équité, l’inclusion, la démocratie, la sécurité économique, la sécurité, la durabilité, la santé, la liberté et la paix.
Honorables sénateurs, je souhaite remercier notre collègue la sénatrice Omidvar d’avoir présenté cette interpellation importante sur un sujet influant considérablement sur le passé, le présent et l’avenir de notre pays. J’espère que les histoires que j’ai racontées aujourd’hui seront un rappel des contributions au Canada de la communauté asiatique, notamment de mes concitoyens canadiens d’origine coréenne, ainsi que du ciment qui lie tous les habitants du pays : le partage des valeurs canadiennes.
Avant de terminer, j’aimerais saluer le sénateur Jim Munson, que j’ai connu tout au long de ma carrière au Sénat. Il est présent jusqu’aux toutes dernières minutes de la séance. Cela illustre bien le dévouement avec lequel il a exercé ses fonctions au Sénat du Canada. Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole pour souligner le lien qui existe entre la prospérité passée, actuelle et future du Canada et son lien étroit avec l’immigration. En février dernier, soit un mois avant le début de la pandémie, la sénatrice Omidvar a pris la parole au Sénat pour lancer une interpellation sur le lien qui existe entre la prospérité et l’immigration. Depuis, beaucoup de choses ont changé, mais pas la contribution des immigrants au Canada.
Comme mes collègues l’ont déjà souligné à juste titre, de nombreux néo-Canadiens se sont retrouvés en première ligne de la pandémie, soit parce qu’ils s’occupaient des malades ou des aînés, soit parce qu’ils travaillaient à assurer l’accès des Canadiens à des produits frais. Le sénateur Loffreda nous a raconté son histoire et nous a montré que, lorsqu’un immigrant arrive au Canada, il doit absolument travailler fort. Le sénateur Ravalia a parlé avec éloquence de son parcours du Zimbabwe, où on le jugeait d’après son origine ethnique, jusqu’à Terre-Neuve, où ce sont ses capacités, son humanisme et son intégration à sa terre d’accueil qui comptent. En retour, il a consacré une bonne partie de sa carrière de médecin à sa collectivité. Bref, les immigrants ne sont pas que des travailleurs essentiels, ils sont essentiels pour le Canada.
J’aimerais aujourd’hui remettre en question notre notion de prospérité, qui est souvent synonyme de richesse matérielle et de statut social. À l’instar de la sénatrice Simons, je me souviens d’avoir assisté au festival du patrimoine d’Edmonton, qui dure trois jours et qui réunit plus de 100 pays et cultures différents. De même, dans des circonstances normales, les rues de Toronto s’animent en été. Des festivals et des camions-restaurants les remplissent d’odeurs et d’images du monde entier. J’ai de bons souvenirs de ma participation à des caravanes, où il était possible de parcourir le monde sans quitter la ville. Cela représente aussi la prospérité.
Je peux comprendre l’histoire personnelle du sénateur Loffreda et l’amour de la sénatrice Simons pour les événements culturels. J’aimerais d’ailleurs parler de la façon dont le Canada a été enrichi par les immigrants et plus particulièrement de leur influence sur la cuisine canadienne.
La cuisine canadienne est souvent discréditée, bien que Lenore Newman, auteure de Speaking In Cod Tongues: A Canadian Culinary Journey, montre qu’elle est liée aux stéréotypes historiques de l’identité canadienne. La cuisine canadienne est fraîche, sauvage, saisonnière et multiculturelle, et elle varie selon les régions.
Par exemple, une visite de notre capitale nationale ne serait pas complète sans la dégustation d’une queue de castor sur le canal Rideau ou d’un biscuit Obama au marché By. Cependant, Ottawa est également considérée comme la capitale du shawarma au Canada. Dans le même ordre d’idées, Halifax est reconnue pour son homard, mais en 2015, le conseil municipal d’Halifax a décrété, à l’issue d’un vote, que le donair était le mets officiel de la ville. Aujourd’hui, on trouve le donair d’Halifax dans les restaurants partout en Nouvelle-Écosse.
Malheureusement, la COVID-19 bouleverse nos vies depuis plus d’un an, nous forçant à trouver de nouvelles façons de composer avec la perte, l’anxiété et l’avenir incertain. De nombreux Canadiens, moi-même y compris, se sont donc tournés vers les plats réconfortants, et ont tenté de soutenir les entreprises locales tant éprouvées en cette période sans précédent.
Je vous fais part des mets les plus populaires auprès des Canadiens au cours de la première vague de la pandémie. En effet, les plats les plus commandés au Canada ont été la poutine traditionnelle, de même que la soupe miso, le pad thaï, le pain naan, l’edamame, le shawarma et, sénateurs, en première place figurait le poulet au beurre. Je crois que cela témoigne de notre multiculturalisme et de notre diversité culinaire.
Nous réduisons souvent la prospérité à un budget équilibré et à un PIB supérieur. Or, lier l’épanouissement humain à un niveau de consommation matérielle élevé n’est pas viable. Les activités culturelles sont un moyen d’atteindre une forme viable de prospérité, où les humains s’épanouissent grâce à leur capacité de s’adonner à des pratiques culturelles et créatives et de participer à des communautés culturelles. Selon moi, en continuant d’accueillir de futurs Canadiens, nous faisons en sorte que toutes les générations continueront de s’épanouir et de trouver leur propre version de la prospérité.
Je vois que mon ami le sénateur Munson n’est pas là, mais j’en profite quand même pour lui dire ceci : sénateur Munson, j’ai aimé travailler avec vous au Sénat, dans cette enceinte, et à l’extérieur au sein des différents groupes que nous affectionnons et que nous soutenons, surtout l’Association parlementaire Canada-Afrique. J’ai vraiment aimé nos échanges, et vous saviez vraiment ce qui se passait partout dans le monde. Je suppose que ce talent remonte à l’époque où vous étiez journaliste. Votre contribution a été exceptionnelle. Je vous remercie, et vous allez nous manquer.
Honorables sénateurs, merci. Passez un bon été.
Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’exercer, au nom de la sénatrice Omidvar, son droit de dernière réplique au sujet de l’interpellation. La sénatrice n’est pas en mesure de prononcer elle-même le discours en raison du décès de sa mère survenu plus tôt aujourd’hui.
Je tiens tout d’abord à présenter nos sincères condoléances à notre collègue et à sa famille.
Voici les mots de la sénatrice Omidvar :
Je prends la parole aujourd’hui pour terminer mon interpellation sur le lien entre la prospérité passée, présente et future du Canada et sa connexion profonde à l’immigration. Je me réjouis qu’un si grand nombre de mes collègues se soient joints à moi pour intervenir dans le cadre de l’interpellation, notamment les sénateurs Simons, Loffreda, Woo, Ravalia et Cormier.
Les sénatrices Martin et Ataullahjan ont également participé à l’interpellation de la sénatrice Omidvar.
Lorsque j’ai lancé l’interpellation en février 2020, j’ai souligné le rôle important de l’immigration dans l’édification de la nation, ainsi que ses forces, ses faiblesses et ses lacunes. Lorsque je l’ai relancée en décembre 2020, la pandémie avait bouleversé nos vies, et j’ai indiqué que nos préconceptions sur les immigrants avaient changé. Si c’était à refaire, je ferais probablement remarquer que même si nous nous soucions de la prospérité économique, nous devons également prendre garde à la montée regrettable du racisme et à ses effets dévastateurs sur les collectivités.
Cette interpellation a reçu l’apport inestimable de nos collègues du Sénat. La sénatrice Simons a fait valoir que l’immigration constitue une relation symbiotique mutuellement profitable et que le Canada a besoin de ses immigrants autant que les immigrants ont besoin du Canada. Le sénateur Loffreda a raconté de façon très touchante l’histoire de ses parents immigrants, soulignant que la résilience est un trait de caractère commun à toutes les personnes qui choisissent de se bâtir une nouvelle vie. Sénateur Woo […]
— votre humble serviteur —
[…] s’est penché sur les 2,8 millions de Canadiens qui vivent à l’extérieur du Canada, les qualifiant d’atouts cachés. Il a souligné que le Canada n’est pas seulement une terre d’accueil pour les immigrants, mais aussi un tremplin pour les Canadiens qui décident d’émigrer. Le sénateur Cormier a mis l’accent sur le rôle des immigrants francophones, surtout pour leur contribution aux communautés acadiennes. Le sénateur Ravalia a livré un récit inoubliable sur son parcours qui l’a mené à Twillingate, à Terre-Neuve-et-Labrador, où il est passé d’étranger à un membre à part entière de la communauté.
Il y a quelques minutes, la sénatrice Martin a abordé le rôle important des immigrants coréens, avec qui elle partage les mêmes racines. Même à cette heure tardive, la sénatrice Ataullahjan, nous a ouvert l’appétit avec ses propos sur les mets d’ailleurs qui font maintenant partie de notre patrimoine culinaire.
Je tiens à les remercier tous. Et je veux signaler à cette assemblée qu’eux, ainsi que d’autres sénateurs qui font partie d’un groupe de travail informel sur l’immigration, croient qu’il est essentiel que le Sénat lance une véritable étude sur l’immigration. En tant que Chambre de second examen objectif, ayant la capacité d’effectuer un travail approfondi de manière non partisane, le Sénat est en effet la bonne institution pour assumer cette tâche essentielle.
Merci.