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Projet de loi modifiant certaines lois et d'autres textes en conséquence (armes à feu)

Fixation de délai--Adoption de la motion

13 décembre 2023


L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) [ - ]

Lorsque je me suis arrêté, je disais que je vous avais donné plusieurs citations de fantômes du passé sénatorial libéral. Je veux maintenant citer un sénateur qui a terminé sa carrière au Sénat avec le Groupe progressiste du Sénat. En 2012, le sénateur Dawson a dit :

Ceux qui siègent au Parlement sont censés discuter de mesures législatives proposées par le gouvernement. Ils ne sont pas censés approuver automatiquement les mesures proposées par les fonctionnaires ou le pouvoir exécutif, mais plutôt se livrer à une réflexion sur ces mesures, en discuter, les modifier, les étudier et veiller à ce que les préoccupations de ceux qui paient la note des mesures législatives que nous adoptons soient exprimées d’une manière exhaustive.

Ce soir, le sénateur Gold s’efforce de faire adopter le projet de loi C-21 à toute vapeur et de couper court au débat. C’est un affront à notre travail en tant que sénateurs. Nous ne sommes pas ici pour gouverner. Nous sommes ici pour demander des comptes à ceux qui gouvernent. Pour ce faire, nous devons pouvoir débattre des projets de loi et y proposer des amendements.

La motion du sénateur Gold ne fait pas que restreindre notre capacité à débattre; elle signifie qu’aucun d’entre vous ne peut présenter d’amendements. Je le répète : le gouvernement prend cette mesure alors que 90 sénateurs n’ont pas pris la parole sur le projet de loi. Cela signifie que 90 sénateurs ont été privés de leur droit de présenter un amendement et n’ont plus la capacité d’essayer d’améliorer ce projet de loi imparfait.

Non seulement la fixation de délai prive les sénateurs du droit de s’exprimer sur ce projet de loi, mais elle réduit également au silence tous ceux que le gouvernement n’a pas consultés. Si nous votons en faveur de cette motion et si nous l’adoptons, nous devenons complices du gouvernement, qui cherche manifestement à réduire au silence ceux qui doivent être entendus.

Chers collègues, comme vous le savez, les parties prenantes n’ont pas la possibilité de venir ici pour faire connaître leur point de vue. Nous sommes là pour les représenter. Nous sommes chargés de défendre le point de vue des Canadiens qui ne sont pas en mesure de se faire entendre. Aujourd’hui, il s’agit des propriétaires d’armes à feu.

Que vous soyez d’accord ou non avec ce projet de loi, vous vous devez de défendre le droit des parties prenantes de se faire entendre. Or, cette motion vise à les priver de ce droit. Elle vise à les réduire tous au silence avant qu’ils puissent être entendus.

C’est quelque chose que le sénateur Boisvenu a bien expliqué lorsqu’il a dit ce qui suit :

Dans mes remarques, j’aborderai l’une des lacunes les plus flagrantes du projet de loi C-21 dans sa forme actuelle, qui est à l’origine de tous les problèmes qu’il pose. Cette lacune est attribuable au fait que le gouvernement n’a tenu pratiquement aucune consultation lors de la rédaction de cette mesure législative.

Le sénateur Boisvenu a poursuivi en énumérant de nombreux exemples de l’absence de consultation de la part du gouvernement.

Les Autochtones n’ont pas non plus été consultés.

Paul Irngaut, vice-président de la Nunavut Tunngavik Incorporated, a déclaré ceci :

Nous croyons savoir que l’Inuit Tapiriit Kanatami, l’organisation nationale inuite communément appelée ITK, s’est fait expliquer la plus récente version du projet de loi peu avant sa déposition en mai dernier. Cependant, ni ITK ni NTI n’ont été pleinement consultés sur le libellé dudit projet de loi ou sur les répercussions qu’il pourrait avoir.

Jessica Lazare, cheffe du Conseil des Mohawks de Kahnawake, a dit ceci : « Nous n’avons eu qu’une seule réunion et ce n’était pas nécessairement une consultation adéquate. Je ne considérerais donc pas cela comme de la consultation. »

Le gouvernement a aussi omis de consulter les représentants des tireurs sportifs.

Sandra Honour, présidente du conseil d’administration de la Fédération de tir du Canada, a déclaré :

Le comité qui a examiné le projet de loi C-21 n’a pas invité la Fédération de tir du Canada à participer et il n’a pas été répondu aux différentes lettres que nous avons écrites au ministre.

Je ne fais pas confiance au ministre.

Hier, nous avons entendu la sénatrice Deacon. Toutefois, elle a soudainement une confiance renouvelée envers le ministre parce qu’il lui a promis quelque chose. Il nous a promis qu’il avait mené des consultations.

Gilbert White, président de la Communauté des armes à feu de loisir de la Saskatchewan Wildlife Federation, a dit ce qui suit : « La Saskatchewan Wildlife Federation n’a pas été consultée. »

Quand on lui a demandé si son organisation avait été consultée, Doug Chiasson, directeur général de l’Institut de fourrure du Canada, a répondu : « Non, nous n’avons pas été consultés. »

Chers collègues, la liste est longue. L’opinion des Canadiens touchés par cette mesure législative n’a pas été sollicitée, et, quand ils se sont exprimés pour dire non, ils ont été exclus. En interrompant le débat, nous les réduisons une fois de plus au silence.

Permettez-moi de citer encore une fois Jim Cowan, le leader de l’opposition de l’époque qui était membre du caucus libéral de Justin Trudeau. En mars 2012, il a déclaré ceci :

Nous savons tous que ce projet de loi est controversé, et nous avons tous reçu des centaines de courriels et d’autres communications de Canadiens très préoccupés [...] Ces gens nous demandaient — nous suppliaient — de réfléchir attentivement aux mesures proposées dans le projet de loi.

N’est-il pas insultant pour ces gens qu’on impose la clôture, qu’on coupe court aux débats et qu’on les limite le plus possible, et qu’on le fasse immédiatement [...]

Chers collègues, vous n’avez pas idée du nombre de courriels que nous avons reçus pour nous demander de faire exactement la même chose. Cela s’applique parfaitement au projet de loi C-21.

Depuis 2016, on nous répète sans cesse que les sénateurs de Trudeau sont indépendants. Ils votent dans 96 % des cas avec le gouvernement, mais ils sont indépendants. Ils parrainent des projets de loi du gouvernement, mais ils sont indépendants. Le vote sur cette motion mettra encore à l’épreuve cette indépendance.

Nous devons nous rappeler, chers collègues, que les débats ne servent pas uniquement à tenter de nous convaincre les uns les autres de voter d’une certaine manière. Les débats font partie d’un processus qui vise à garantir que, avant que l’on prenne une décision finale sur un projet de loi, nous ayons pleinement examiné la question et pris le temps d’écouter et d’étudier toutes les opinions sur la question, et pas seulement celles qui sont semblables à la nôtre.

Ce n’est pas ce que le gouvernement a fait. Aujourd’hui, avec cette motion, le gouvernement veut nous empêcher de faire cela. C’est regrettable.

Le Sénat du Canada fait partie intégrante du processus législatif du pays. Un de ses rôles clés consiste à représenter les personnes marginalisées et sous-représentées. Cette fonction est essentielle pour garantir une approche globale et inclusive de la gouvernance.

Le Sénat sert de plateforme pour promouvoir les intérêts et les préoccupations des groupes minoritaires, des personnes qui vivent dans des régions éloignées ou moins peuplées, et de ceux dont l’opinion est souvent négligée dans l’arène politique. On ne saurait trop insister sur l’importance de ce rôle.

Dans un pays aussi diversifié que le Canada, il existe une myriade de points de vue et d’enjeux qui ne sont pas toujours bien représentés à la Chambre des communes, qui est plus motivée par des politiques.

Le mandat du Sénat qui consiste à écouter les groupes moins entendus de la population et à leur donner une voix est une pierre angulaire de son existence. Le processus de consultation est essentiel dans ce contexte. L’efficacité du Sénat à représenter ces groupes dépend de sa capacité à dialoguer activement avec eux, à comprendre leurs préoccupations et à en tenir compte dans le processus législatif.

Les consultations permettent au Sénat de recueillir des idées et des points de vue qui sont essentiels à l’élaboration de lois et de politiques équitables et inclusives.

Croyez-le ou non, chers collègues, ce rôle du Sénat du Canada devient particulièrement important dans le contexte de débats comme celui sur le contrôle des armes à feu, où divers points de vue doivent être entendus et pris en considération. Le contrôle des armes à feu est une question controversée au Canada qui englobe un large éventail d’optiques, allant des préoccupations en matière de sécurité publique aux droits des propriétaires d’armes à feu.

Bien que l’accent soit souvent mis sur l’amélioration de la sécurité publique et la réduction de la violence liée aux armes à feu, il est essentiel de reconnaître que les propriétaires légitimes d’armes à feu représentent également un segment important de la population canadienne. Il s’agit notamment de chasseurs, de tireurs sportifs et de personnes résidant dans des régions rurales pour qui les armes à feu font partie intégrante de leur mode de vie et de leur culture.

Que vous soyez d’accord ou non avec eux, le Sénat a un rôle essentiel à jouer pour représenter les propriétaires d’armes à feu. En veillant à ce que leurs voix et leurs préoccupations soient entendues dans le cadre du processus législatif, le Sénat contribue à une discussion plus équilibrée et plus approfondie.

Cette motion visant à mettre fin au débat s’attaque à l’essence même du Sénat, dont le rôle consiste à être la voix de ceux qui n’en ont pas. C’est regrettable, chers collègues. Nous ne devrions pas approuver cette motion.

Permettez-moi quelques réflexions.

Le fait que nous ayons reçu ce projet de loi aussi tard n’est pas notre faute. C’est celle du gouvernement. Il ne nous a pas donné le temps.

Nous allons recevoir d’autres projets de loi cette semaine. Nous ne savons pas quand, car le leader du gouvernement ne le sait pas non plus.

Nous attendons notamment que l’autre endroit nous renvoie le projet de loi sur l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine. Le leader du gouvernement nous dit que nous devons l’adopter avant de quitter pour les Fêtes. Nous n’avons pas reçu ce projet de loi.

Aujourd’hui, lorsque le gouvernement a eu l’occasion d’inscrire ce projet de loi à l’ordre du jour, qu’a-t-il fait? Il a inscrit le projet de loi C-58, le projet de loi sur les briseurs de grève, afin de le renvoyer à un comité qui ne siégera pas avant février, au lieu d’accorder la priorité au projet de loi C-57 sur l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine afin de nous le renvoyer.

Que se passera-t-il à la fin de la semaine lorsque nous recevrons le projet de loi, lorsque nous voudrons en débattre et le renvoyer au comité? Le leader du gouvernement nous dira : « Non, nous partons la semaine prochaine, mercredi, et j’imposerai la fixation de délai. » Il va se lever dans l’enceinte et dire : « J’ai parlé au leader de l’opposition et je lui ai dit qu’il y aurait fixation de délai — pas une consultation. Je lui ai dit que j’imposerais une fixation de délai. »

Les gens à l’autre endroit — le gouvernement — ne sont pas capables d’organiser un défilé de deux voitures, et ils nous renvoient cela juste avant de partir. C’est ce qui va se passer, chers collègues. Ils partent vendredi pour aller fêter Noël et, croyez-moi, ils vont nous renvoyer la mesure en partant : Mesdames et messieurs les sénateurs, occupez-vous-en. Le leader du gouvernement dira : « Nous ne rentrerons pas chez nous tant que nous n’aurons pas adopté le projet de loi. M’accordez-vous votre consentement? »

J’ai l’impression que mes amis dans le coin là-bas, qui sont difficiles à reconnaître certains jours, diront : « Non, nous n’accordons pas notre consentement. » Voilà donc où nous en sommes. J’accorderais mon consentement — je le sais — mais pas eux.

Voilà où nous en sommes. Il faudra être ici et on nous imposera la fixation de délai. On va couper court au débat et les Canadiens n’auront pas le droit.

Chers collègues, nous avons entendu plus tôt aujourd’hui que ce projet de loi nous a été soumis — permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire — le 18 mai. Le sénateur Yussuff a pris la parole le 31 mai. J’ai pris la parole le 21 juin, soit trois semaines plus tard. Je pense qu’il y avait eu huit intervenants entre-temps. La première réunion du comité a eu lieu le 4 octobre. Bien sûr, le 21 juin, nous sommes rentrés chez nous pour les vacances d’été. Le 4 octobre, nous sommes revenus pour examiner un projet d’ordre du jour. Nous avons tenu les réunions de comité, comme convenu, avec l’ensemble du comité. Nous n’avons rien retardé. Oui, nous avons présenté des amendements, mais nous avons tenu toutes les réunions de comité.

Je pense que c’est le 5 décembre que nous avons convenu de renvoyer le projet de loi au Sénat pour l’étape du rapport. Le sénateur Yussuff a pris la parole le 6 décembre. Nous sommes aujourd’hui le 15 décembre.

J’ai pris la parole hier. Je n’étais pas à mon fauteuil lorsque le sénateur Gold s’est empressé d’affirmer qu’il imposait la fixation d’un délai, empêchant toute réponse. Je ne sais plus quoi faire pour travailler avec le gouvernement et faire avancer les projets de loi — pas les adopter, mais faire avancer le calendrier législatif — que les gens de l’autre endroit n’arrivent pas à organiser. Ils sont incapables de nous renvoyer les projets de loi. Le projet de loi qui nous occupe est resté à l’autre endroit pendant une année, chers collègues. Il ne s’agit pas d’une mesure financière. Personne ne mourra de faim pendant les Fêtes parce que ce projet de loi n’a pas été adopté.

Nous savons tous que, le moment venu, les sénateurs du camp du gouvernement, qui sont au nombre de 60 ou 70 dans cette enceinte, vont finir par adopter ce projet de loi. Nous le comprenons et nous l’acceptons, mais pourquoi faut-il le faire si vite? Que va-t-il se passer si nous reprenons le débat pendant deux ou trois semaines à compter du 5 février? Le gouvernement peut tout faire par la voie de la réglementation, et il le fait déjà. Il pourrait continuer à se servir de la réglementation, mais non, nous nous faisons dire plutôt de couper court au débat.

Lorsque le leader affirme que nous avons débattu rigoureusement, comment peut-il vraiment dire cela? Je pense que quatre sénateurs voudraient prendre la parole au sujet du projet de loi lorsque se tiendront les six heures de débat prochainement, du moins c’est le nombre qui ont manifesté leur intention jusqu’à maintenant, ce soir. Ils devront bien pouvoir s’exprimer.

Ce n’est pas juste, et cela s’est déjà produit. Comme le sénateur Gold l’a dit, c’est la deuxième fois de l’histoire du gouvernement actuel qu’il a recours à la fixation de délai. La dernière fois, l’opposition n’avait pas été consultée, pas du tout, et le Président a trouvé une manière d’appeler le sénateur Gold le leader du gouvernement. Ce dernier a refusé le titre en disant qu’il n’était pas le leader du gouvernement. Pourtant, c’est bien ce que doit être le sénateur Gold pour pouvoir faire ce qu’il a fait ce soir, honorables sénateurs.

Votre Honneur, si le sénateur veut faire une telle chose, je vous mets au défi de lui demander d’admettre au moins qu’il est le leader du gouvernement. Il est le leader d’un parti enregistré et le leader du gouvernement libéral du Canada. Votre Honneur, si le sénateur prend la parole pour dire « Je suis le leader du gouvernement libéral et je recours à la clôture », alors je voterai pour la motion. Je voterai pour la motion.

Le sénateur Plett [ - ]

Toutefois, il ne le fera pas. Pourquoi? Parce qu’il est mal à l’aise. Moi aussi, je le serais. Moi non plus, je ne voudrais pas dire que je suis le leader de ce gouvernement. Je suis fier d’être le leader du caucus conservateur du Sénat.

Votre Honneur, à la fin de mon intervention, je vais certainement demander aux sénateurs de voter contre la motion. Je vais vous demander de la déclarer irrecevable, mais j’aurais dû commencer mon discours différemment si je voulais que vous fassiez cela. Je mets au défi Votre Honneur et tous les sénateurs de demander à l’honorable sénateur d’affirmer qu’il porte le titre qu’il doit porter pour pouvoir présenter cette motion.

Merci beaucoup, chers collègues.

L’honorable Peter Harder [ - ]

Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Plett [ - ]

Certainement.

Le sénateur Harder [ - ]

Je sais qu’il reste très peu de temps, mais pendant les quatre années du dernier gouvernement majoritaire, combien de fois a-t-on eu recours à la fixation de délai?

Le sénateur Plett [ - ]

À maintes reprises. Si vous aviez porté attention à mon discours, vous auriez entendu combien de fois le sénateur Cowan a dit que nous y avions eu recours. Cela ne me pose pas de problème. Comme je viens de le dire, sénateur Harder, je vais l’appuyer s’il admet qui il est. Il a parfaitement le droit d’avoir recours à la fixation de délai s’il est le leader du gouvernement. Il n’admet pas qu’il est le leader du gouvernement.

Le sénateur Harder [ - ]

Cela s’est produit 24 fois, chers collègues.

Combien d’amendements ont été présentés et acceptés sous ce gouvernement?

Le sénateur Plett [ - ]

Nous faisions partie du caucus. Je ne sais pas où vous voulez en venir avec cette question.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Sénateur Plett, vouliez-vous cinq minutes de plus? Très bien.

L’honorable Raymonde Saint-Germain [ - ]

Honorables sénateurs, je ne vais pas vanter les mérites ni parler des défauts du projet de loi C-21. Cela a déjà été fait au cours de ce débat, qui durera encore six heures si la motion est adoptée.

Je vais profiter de l’occasion pour dresser la liste des nombreux sénateurs qui sont intervenus au sujet de ce projet de loi, que ce soit en sa faveur ou contre. Je vais aussi expliquer pourquoi la motion de fixation de délai présentée par le représentant du gouvernement est justifiée et nécessaire à ce moment-ci.

J’estime que le projet de loi C-21 a été étudié en profondeur depuis presque deux ans au sein du Parlement et qu’il est désormais acceptable d’établir une limite et de circonscrire la période pouvant être consacrée au débat sur ce projet de loi du gouvernement. Sans l’utilisation exceptionnelle — je souligne le terme « exceptionnelle » — de cet outil par le gouvernement actuel, qui, comme le sénateur Gold l’a soulevé, est utilisé pour la deuxième fois seulement depuis 2015, je crains que ce projet de loi ne soit la cible de tactiques dilatoires, avec l’objectif de bloquer son adoption.

Rassurez-moi, sénateur Carignan, parce que je le crains sincèrement.

Avant que le Sénat s’ajourne pour l’été le 24 juin 2014, le gouvernement conservateur a réussi à faire adopter sa 75e motion depuis son arrivée au pouvoir. Il l’a fait à l’intérieur d’un délai fixé. Je regarde le hansard du 29 juin 2012. C’était la septième fois en sept mois que l’on avait recours à la fixation de délai. C’est l’équivalent d’une fixation de délai par mois.

Cela dit, je crois que la Chambre des communes a également étudié à fond le projet de loi C-21. Ce projet de loi a été présenté à l’autre endroit le 30 mai 2022, il y a plus d’un an et sept mois. Pendant un an, il a franchi les différentes étapes à la Chambre, puis il a été adopté à l’étape de la troisième lecture en mai 2023, moment où nous l’avons reçu. Entre octobre 2022 et mai 2023, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale a consacré 18 réunions à son étude. Lorsqu’il a été mis aux voix à l’étape de la troisième lecture, le projet de loi a joui de l’appui du Parti libéral, du Bloc québécois, du NPD et du Parti vert, donc d’une majorité des parlementaires élus.

Parlons maintenant du Sénat. Le Sénat a également étudié à fond le projet de loi C-21. Il l’a reçu en mai 2023 et l’a débattu à six différentes séances à l’étape de la deuxième lecture. Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants y a consacré 12 réunions, au cours desquelles il a entendu 66 témoins à son sujet, notamment : le ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales; des fonctionnaires de ministères et organismes fédéraux pertinents; des chercheurs universitaires et des particuliers comparaissant à titre personnel; un échantillon de contrôleurs d’armes à feu provinciaux; des représentants de groupes de défense d’intérêts, d’organismes non gouvernementaux, d’organismes et de gouvernements autochtones, ainsi que de forces de l’ordre. Le comité a également reçu 34 mémoires d’organismes et de particuliers, dont certains n’ayant pas comparu à titre de témoins.

Nous en sommes aujourd’hui à notre cinquième journée de débat à propos de ce projet de loi, qui est à l’étape de la troisième lecture. Chers collègues, je crois que nous pouvons dire, sans l’ombre d’un doute, que ce projet de loi a — jusqu’ici — fait l’objet d’un second examen objectif adéquat. Tous les sénateurs ont eu le temps et l’occasion, si cela était leur volonté, de consulter les autres et d’examiner ce projet de loi pour forger leur opinion sur le contenu et, au final, orienter leur vote.

J’aurais maintenant quelques mots à dire au sujet de la convention de Salisbury.

La réglementation sur les armes à feu fait partie de la plateforme électorale du Parti libéral depuis son arrivée au pouvoir en 2015. Elle était également un élément clé de la plateforme électorale des libéraux pour les élections fédérales de 2019 et de 2021. Cette réglementation repose sur une approche à volets multiples, incluant un programme de rachat pour les propriétaires d’armes à feu et un précédent projet de loi — le projet de loi C-71 — qui a reçu la sanction royale le 21 juin 2019. Par conséquent, nous sommes dans une situation où la convention de Salisbury s’applique incontestablement. Nous avons le devoir de tenir compte de la volonté de la Chambre élue.

Je vais maintenant aborder brièvement le contexte politique entourant le projet de loi C-21. Le Parti conservateur a exprimé une vive opposition au projet de loi C-21, tant à la Chambre des communes qu’au Sénat. Comme je l’ai déjà expliqué, les conservateurs ont promis de retarder — à tout prix — ce projet de loi, même s’il fait partie de la plateforme du gouvernement et qu’il est appuyé par tous les autres partis à l’autre endroit.

Le 21 juin 2023, lors de son discours à l’étape de la deuxième lecture, le sénateur Plett, le leader de l’opposition au Sénat, l’a dit très clairement :

[A]près avoir personnellement examiné les implications très néfastes de ce projet de loi, je tiens à dire que depuis que la dernière intervention d’un sénateur sur ce projet de loi, il y a exactement deux minutes, j’ai officiellement commencé à retarder l’étude du projet de loi C-21. Par conséquent, il n’y aura pas de question, et il faudra le faire savoir au ministre afin que lui et son secrétaire parlementaire le notent la date à leur calendrier pour s’y référer à l’avenir.

Par conséquent, chers collègues, je crois qu’une motion d’attribution du temps est la seule solution sensée si l’on veut que le projet de loi C-21 finisse par arriver à l’étape de la troisième lecture au Sénat. Il est dans l’intérêt des Canadiens de voter sur cette motion, ainsi que d’enfin se prononcer sur ce projet de loi en troisième lecture. C’est ce que désire la Chambre élue et c’est ce que désirent les Canadiens.

Le statu quo n’est plus une option. Votons pour respecter le processus démocratique et appuyons la motion no 150.

Merci. Meegwetch.

L’honorable Claude Carignan [ - ]

Merci, Votre Honneur. C’est une motion que je connais bien.

Honorables sénateurs, je veux prendre la parole sur la motion d’attribution de temps présentée par le gouvernement.

Cette motion s’appuie sur l’article 7 de notre Règlement, que je cite :

7-2. (1) Le leader ou le leader adjoint du gouvernement peut, à tout moment pendant une séance, annoncer que les représentants des partis reconnus n’ont pu se mettre d’accord pour fixer un délai pour terminer le débat précédemment ajourné :

a) soit sur un projet de loi du gouvernement à une étape, y compris l’examen en comité;

b) soit sur une autre affaire du gouvernement.

Le recours à cet article du Règlement a été peu utilisé au cours des dernières années, mais il mérite d’être bien expliqué au profit de nos nombreux nouveaux collègues qui siègent maintenant dans cette enceinte.

Dans l’ouvrage intitulé La procédure du Sénat en pratique, édition 2015, à la page 106 et aux suivantes, une explication très claire nous est offerte. Je la cite :

La fixation de délais consiste à établir une limite à la période pouvant être consacrée au débat sur une affaire du gouvernement. Elle sert principalement à circonscrire le temps alloué pour l’étude des projets de loi du gouvernement. [...] Seul le gouvernement peut proposer de fixer un délai, et seulement pour ses propres affaires.

En résumé, lorsque le gouvernement veut mettre un terme à l’étude d’une question au Sénat, il tente habituellement de négocier avec les partis reconnus pour en venir à un accord permettant d’ordonner les travaux et permettant au Sénat de jouer réellement son rôle de second examen objectif.

Vous le savez, honorables sénateurs, la particularité du Sénat est d’offrir un lieu de réflexion, pas totalement exempt de joutes partisanes, mais qui y sont beaucoup moins présentes qu’à l’autre endroit. De façon générale, le Sénat offre des forums d’échanges, que ce soit dans la Chambre même ou dans les comités, forums qui sont propices à jouer notre rôle de second examen objectif. C’est la raison pour laquelle l’organisation de nos travaux se fait habituellement par consensus, où chaque groupe trouve l’espace requis pour faire valoir ses priorités.

Le Sénat possède plusieurs caractéristiques qui le distinguent de l’autre endroit et qui font de notre assemblée un lieu où les échanges sont généralement plus posés et où les études sont plus approfondies. J’aime dire que notre façon de travailler s’apparente assurément à une assemblée de sages.

L’étude du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, qui a été adopté au Sénat le 7 juin 2018, a été un bel exemple d’étude respectueuse réalisée par l’ensemble des sénateurs.

Souvenez-vous, chers collègues — pour ceux qui y étaient —, à quel point ce projet de loi soulevait les passions. Les positions au sein de la population étaient extrêmement polarisées, ce qui se reflétait chez les sénateurs. Il s’agissait d’un projet de loi qui allait changer profondément le corpus des lois canadiennes en ce qui a trait à la légalisation du cannabis. Pourtant, le Sénat a organisé ce débat de façon tout à fait civilisée, déterminant même des journées pour aborder des enjeux spécifiques : jeunes, santé mentale, économie, marché au noir, et cetera. Les leaders des différentes formations représentées au Sénat s’étaient entendus sur une marche à suivre.

Qu’arrive-t-il lorsqu’une entente ne semble pas atteignable? C’est alors que le gouvernement, et seulement le gouvernement, peut présenter une motion d’attribution de temps, afin de circonscrire les débats entourant un enjeu gouvernemental.

Toujours selon La procédure du Sénat en pratique, nous pouvons lire ce qui suit à la page 109, et je cite :

La fixation d’un délai n’entre en vigueur qu’après l’adoption par le Sénat d’une motion prévue à cet effet, qui est débattue sous la rubrique « Motions du gouvernement » de l’ordre du jour. [...] Le débat sur la motion dure au plus deux heures et demie, après quoi le Président doit mettre la question aux voix.

Voilà, chers collègues, l’encadrement d’une motion d’attribution de temps. Il s’agit d’un outil légitime prévu par notre Règlement, mais à mon avis, il doit être utilisé avec parcimonie. Il doit servir à dénouer une impasse procédurale, et non pas à faire taire et à museler des sénateurs et des sénatrices qui ont encore des éléments pertinents à faire valoir, et il doit être utilisé pour régler des enjeux sérieux.

À titre de leader du gouvernement, il m’est arrivé d’utiliser cette mesure, mais sans jamais en abuser. Il faut bien être honnête : c’est une façon draconienne d’abréger les débats et, ainsi, de limiter le droit de parole des sénateurs, ce qui n’est habituellement pas souhaité dans la Chambre haute.

Quand j’ai déjà présenté une telle motion, comment avait réagi l’opposition officielle, composée de sénateurs libéraux qui étaient encore les bienvenus au sein du Parti libéral du Canada à ce moment-là? Permettez-moi de citer la sénatrice Claudette Tardif, qui agissait, en 2013, comme leader adjointe de l’opposition officielle libérale. Je cite la sénatrice lors d’un discours prononcé le 4 novembre 2013, en regard d’une motion d’attribution de temps. Elle a dit ce qui suit :

Désormais, le gouvernement y va de tout son poids afin d’imposer de façon précipitée des sanctions à l’aide de cette motion bâillon. [...] voilà qu’il veut retirer aux sénateurs le droit de s’exprimer en coupant court aux délibérations. Nous ne pouvons prétendre que nous remplissons notre mandat de réflexion et de second examen objectif avec l’imposition de telles contraintes, dès que les sénateurs s’opposent aux désirs du gouvernement.

[...] j’espère que les sénateurs de l’autre côté de la salle examineront avec soin la motion de clôture qu’on nous demande d’appuyer aujourd’hui. Je crois qu’en choisissant d’agir ainsi, le gouvernement nuit à l’institution que nous représentons. Je dois m’opposer à cette motion d’attribution du temps, et j’encourage tous les sénateurs à en faire autant.

Chers collègues, je vous pose la question suivante : avec le projet de loi C-21, sommes-nous devant un enjeu si grave que nous devrions, comme le disait la sénatrice Tardif, retirer aux sénateurs le droit de s’exprimer en coupant court aux délibérations? Faut-il empêcher les sénateurs et les sénatrices de faire leur travail, pour lequel les Canadiens et les Canadiennes paient des émoluments généreux?

Je disais, au début de mon allocution, que la motion d’attribution de temps doit être utilisée avec parcimonie et j’affirme que, ici, ce n’est pas le cas. Plusieurs témoins ont souligné devant le comité que le projet de loi C-21 était très timide, dans sa forme actuelle, pour lutter contre les violences armées.

J’ai présenté au Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants des amendements qui auraient assurément bonifié le projet de loi C-21, mais, en bloc, les sénateurs non conservateurs ont voté pour le rejet de ces amendements. C’est troublant de constater que des sénateurs dits indépendants pensent tous de la même façon.

À la lumière de ce constat, une dernière réflexion m’est venue, en apprenant que le gouvernement avait décidé d’utiliser cette motion d’attribution de temps pour faire adopter le projet de loi. Habituellement, un gouvernement qui utilise cet outil a la certitude qu’il arrivera à faire adopter sa motion. Sinon, à quoi bon essuyer volontairement une rebuffade?

Aujourd’hui, comment le gouvernement peut-il avoir la certitude de faire adopter une motion d’attribution de temps, et surtout, pourquoi?

Monsieur le leader du gouvernement, cette motion est complètement inutile, car selon les sénateurs qui se sont annoncés sur le débat seulement de cette motion, seuls quelques-uns désiraient faire des commentaires. Je suis prêt à parier avec vous que le débat de six heures sera probablement d’au plus une heure ou deux, ce qui démontrera l’abus de l’utilisation de cette motion. C’est ce que j’appelle, monsieur le leader, défoncer une porte plutôt que de tourner la poignée pour l’ouvrir.

C’est le choix que vous avez fait, un choix que je considère comme abusif dans les circonstances parce que, manifestement, le débat qui suivra ne durera pas six heures, mais au plus une heure. Cela démontre l’inutilité de cette motion.

Merci, honorables sénateurs.

Le sénateur Harder [ - ]

Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Carignan [ - ]

Bien sûr.

Le sénateur Harder [ - ]

En tant qu’auteur de 24 motions d’attribution du temps, pourriez-vous dire à toutes les personnes présentes comment cela s’est passé la dernière fois où vous avez présenté une motion d’attribution du temps au moment même où vous présentiez le projet de loi?

Le sénateur Carignan [ - ]

Je suis tellement heureux que vous me posiez cette question, et je vois la sénatrice Ringuette applaudir avec beaucoup d’émotion et d’énergie. Je ne peux pas — si vous me le permettez, je dois répondre à cette question et je demanderai une minute de plus.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Le consentement est-il accordé?

Le sénateur Carignan [ - ]

Je vous rappelle qu’à ce moment-là, nous avions des sénateurs libéraux un peu coquins. Ils s’amusaient à faire en sorte qu’on se rende à la motion d’attribution de temps pour pouvoir prétendre que le méchant premier ministre Harper, dans l’autre Chambre, était très autoritaire et antidémocratique. C’est la raison pour laquelle il y a eu autant de motions d’attribution de temps. C’était une stratégie de mes amis les sénateurs Cowan, Tardif, Ringuette, Fraser et autres.

Le sénateur Harder [ - ]

Avez-vous reçu des cours de patin du sénateur Plett?

Le sénateur Carignan [ - ]

Le temps est écoulé.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Il vous reste 10 secondes pour répondre.

Le sénateur Carignan [ - ]

J’ai mal à la gorge.

L’honorable Michael L. MacDonald [ - ]

Honorables collègues, je prends la parole au sujet de la motion du gouvernement qui vise à imposer l’attribution de temps et à couper court au débat sur le projet de loi C-21. Avant de commencer le discours que j’ai préparé, je tiens à dire quelques mots au sujet des questions entourant les armes à feu en général.

Je n’ai jamais eu beaucoup d’intérêt pour les armes à feu. J’ai grandi dans un foyer où il y avait toujours les mêmes quatre armes à feu : une carabine Special de calibre 32, une arme de calibre 10, une arme de calibre 16 et une autre de calibre 22. Mon père chassait, tout comme un de mes frères. La chasse ne m’intéressait pas.

La première fois que j’ai chassé des animaux, j’avais 10 ans. Mon grand-père m’a appris à poser des collets. C’était formidable, jusqu’au jour où j’ai trouvé deux lièvres pris dans les collets, les yeux exorbités et la langue pendante. J’ai alors décidé que j’en avais assez de la chasse au lièvre.

Quand j’avais environ 12 ans, mon père m’a amené à la chasse. En voyant un beau grand chevreuil dans la clairière, j’ai poussé un cri et le chevreuil s’est enfui. C’est la dernière fois que mon père m’a amené à la chasse.

Je n’ai jamais eu l’envie de tirer sur des animaux ou de chasser, mais bon nombre de mes amis étaient chasseurs. J’aime la viande de gibier. Quand des gens en apportaient, j’étais tout à fait prêt à en manger. Mon père savait l’apprêter. Je ne suis pas contre la chasse ni contre l’utilisation des armes d’épaule.

Je me souviens des années 1990, quand Allan Rock, sous le gouvernement Chrétien, a mis en place le registre des armes à feu. On nous avait assuré qu’il coûterait 2 millions de dollars. Or, il a coûté 2 milliards de dollars. Nous savons ce qu’il a accompli, c’est‑à-dire absolument rien. Ce n’était qu’une grosse bureaucratie coûteuse qui n’a rien fait d’autre que de s’en prendre aux propriétaires légitimes d’armes à feu.

Nous savons également que nous sommes sensibles aux médias. Nous voyons certaines des choses extrêmes qui se produisent aux États-Unis, mais nous avons une culture des armes à feu différente au Canada. Je ne pense pas qu’il y ait le moindre doute là-dessus. Je pense que nous devrions respecter cette culture des armes à feu. Je pense que nous sommes assez modestes lorsqu’il s’agit de traiter de ces questions.

Je ne me soucie pas de cette question, parce que je ne m’intéresse pas aux armes à feu. Je mets les armes à feu dans la même catégorie que les motocyclettes et le parachutisme; je préfère les éviter. Ce ne sont pas des choses qui m’intéressent. En revanche, je tiens à ce que les citoyens respectueux de la loi soient traités correctement.

Dans ce pays, la réglementation et l’enregistrement des armes de poing existent depuis les années 1930. Nous avons toujours été assez responsables en ce qui concerne les armes de poing. Nous savons également que, dans ce pays, 96 % des accusations liées aux armes à feu portées contre des personnes sans permis concernaient la possession illégale d’armes à feu. Il s’agit toujours de personnes sans permis qui détiennent des armes à feu illégales, et nous savons que près de 96 % des armes de poing illégales dans ce pays sont introduites à la frontière canado-américaine.

Je ne suis pas certain de ce que ce projet de loi va régler, mais je pense qu’il est très injuste pour les propriétaires d’armes à feu respectueux des lois de ce pays.

Le gouvernement a recours à l’attribution de temps. Cette motion me déçoit, mais elle ne me surprend pas particulièrement, puisqu’elle est tout à fait conforme à la façon dont le gouvernement a abordé l’ensemble du projet de loi.

Le comité sénatorial qui a étudié le projet de loi s’est réuni 12 fois et a entendu des dizaines de témoins, dont la plupart s’y opposaient et dont bon nombre ont proposé des amendements importants. Pourtant, la majorité gouvernementale au comité n’a appuyé aucun amendement.

L’examen du projet de loi C-21 en comité s’est révélé ni plus ni moins qu’une mascarade. Les témoins qui ont pris le temps de comparaître et qui ont présenté des propositions d’amendement détaillées ont essentiellement perdu leur temps, et maintenant, le gouvernement impose la fixation de délai. À cause de cela, d’importantes questions concernant ce projet de loi qui n’ont pas encore été abordées par les sénateurs seront tout simplement ignorées.

Je voudrais aborder une de ces questions, qui porte sur les dispositions donnant aux autorités le pouvoir d’intervenir rapidement en cas de comportement alarmant des propriétaires d’armes à feu.

Ces dispositions prévues dans le projet de loi C-21 permettront à tout particulier de demander au tribunal une ordonnance d’interdiction d’urgence afin de retirer immédiatement les armes à feu, pour une durée maximale de 30 jours, à toute personne qu’il croie pouvoir constituer un danger pour elle-même ou pour autrui.

Elles permettent également de demander de retirer les armes à feu d’une personne qu’on pense être susceptible de donner accès à des armes à feu à une autre personne qui fait déjà l’objet d’une ordonnance d’interdiction de possession d’armes.

Qu’est-ce que ces dispositions ajoutent réellement à la loi actuelle? C’est quelque chose que nous, sénateurs, devrions prendre le temps de comprendre.

En réalité, comme l’ont déclaré les témoins au comité, la police est déjà pleinement autorisée à retirer les armes à feu de toute personne qui, selon elle, pourrait constituer une menace pour la sécurité publique, et ce, sans devoir délivrer un mandat.

À l’heure actuelle, quiconque a la possibilité d’appeler la police ou le contrôleur des armes à feu de sa province pour exprimer ses préoccupations en matière de sécurité publique. La police ou le contrôleur des armes à feu est alors chargé d’y répondre.

Le gouvernement affirme que ces nouvelles dispositions du projet de loi C-21 représenteront un « outil supplémentaire » qui permettra aux citoyens de faire appel aux tribunaux s’ils le souhaitent.

Cependant, il convient de se poser la question suivante : qui sera prêt à attendre des jours, des semaines et des mois pour faire appel aux tribunaux sachant qu’il suffit d’appeler la police?

On nous dit que dans certaines circonstances, la police ne peut pas intervenir. Elle peut rejeter des plaintes faites par des voisins. Dans de telles circonstances, lorsque la police a enquêté et qu’elle s’est entretenue avec la personne concernée et sa famille, on nous demande de croire qu’une personne raisonnable ferait appel aux tribunaux plutôt que se fier aux conclusions de l’enquête menée par la police.

Soyons honnêtes. Ces cas seront probablement extrêmement rares. Il se peut même que les cas légitimes soient pratiquement inexistants.

Or, cette disposition soulève d’autres préoccupations.

La Section de la justice pénale de l’Association du Barreau canadien a fait valoir ce qui suit :

[...] la loi actuelle contient des pouvoirs suffisants pour atteindre l’objectif de saisir des armes soupçonnées d’avoir été utilisées dans un crime ou de les retirer des mains de personnes considérées comme un danger pour elles-mêmes ou pour autrui.

De plus, la Section du droit pénal de l’Association du Barreau canadien :

[...] estime que les modifications proposées dans le projet de loi C-21 « représentent un risque pour la sécurité publique et un risque disproportionné pour les groupes marginalisés ».

Tim Thurley, chercheur en matière d’armes à feu et spécialiste des politiques, a comparu devant le comité et a avancé des arguments similaires. Il a dit ce qui suit :

Les propositions du drapeau rouge, irréfléchies, posent [...] problème. En vertu du régime actuel de délivrance de permis au Canada, les forces policières et les juges ont déjà le pouvoir de retirer les armes à feu et de révoquer les permis de ceux qui représentent une menace. Les nouvelles dispositions ne prévoient aucune exigence pour tenir compte des droits des Autochtones de chasser; pour qu’un lien existe entre le plaignant et l’accusé; ou pour que l’accusé témoigne devant un tribunal. Les Autochtones sont touchés de façon disproportionnelle par le système de justice pénale et sont ceux qui dépendent le plus des armes à feu pour leur subsistance. Les garde-fous intégrés de la loi actuelle du drapeau rouge seront minés. Les conséquences seront réelles dans les régions où les gens chassent pour nourrir leurs familles.

Noah Schwartz, professeur adjoint au Département des sciences politiques de l’Université Fraser Valley, a indiqué ceci :

Ce nouveau changement permettrait les révocations ex parte, c’est-à-dire les accusations par quelqu’un qui ne connaît même pas l’accusé. Les deux personnes pourraient ne jamais s’être rencontrées. L’accusé n’aurait aucun moyen de savoir qui l’accuse.

Natan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, a fait écho aux mêmes préoccupations lorsqu’il a témoigné devant notre comité.

La cheffe Jessica Lazare du Conseil des Mohawks de Kahnawàke a dit:

En ce qui concerne les dispositions « drapeau rouge » et « drapeau jaune », l’approche de dénonciation anonyme nous préoccupe, en raison du potentiel de discrimination raciale.

De sérieuses préoccupations ont été soulevées quant à la constitutionnalité de ces dispositions du projet de loi C-21.

Un amendement a donc été proposé en comité pour restreindre la portée de ces dispositions afin de permettre à la famille proche, aux personnes qui résident avec un individu, à la police et aux professionnels de la santé de présenter de telles demandes ex parte. Toutes les autres plaintes seraient adressées, comme elles le sont actuellement, à la police ou au contrôleur des armes à feu.

Cependant, l’amendement a été rejeté par la majorité gouvernementale, ce qui signifie que les préoccupations de ces témoins ont toutes été ignorées.

Ainsi, dans la section du projet de loi qui porte sur le pouvoir d’intervention, je pense que nous avons maintenant à tout le moins une disposition qui a peu de chances d’être utilisée, sauf peut-être par des voisins en colère qui n’obtiennent pas une réponse à leur goût de la part de la police ou qui n’aiment pas particulièrement leurs voisins.

Au pire, la disposition ajoutera au fardeau déjà lourd des tribunaux canadiens, qui sont surchargés, et peut-être même qu’elle sera jugée contraire à la Constitution.

Il s’agit d’un élément du projet de loi qui est préoccupant, mais c’est loin d’être le pire. Pourtant, cette question n’a jamais été soulevée au Sénat. Maintenant que la fixation d’un délai a été imposée, il ne sera jamais possible de le faire.

J’imagine que la majorité des sénateurs du gouvernement ne voient pas d’inconvénient à ce qu’on laisse les tribunaux déjà surchargés régler cette question.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Je suis désolée d’interrompre le sénateur, mais le temps réservé pour le débat est terminé.

Le sénateur MacDonald [ - ]

Mes 10 minutes sont écoulées?

Son Honneur la Présidente [ - ]

C’est exact.

Le sénateur MacDonald [ - ]

Je ne crois pas que nous devrions appuyer cette motion.

Honorables sénateurs, je veux exprimer mon opposition à la motion du gouvernement visant à imposer une limite de temps à l’étude du projet de loi C-21.

Plus on examine les dispositions du projet de loi C-21, plus on se rend compte du nombre de questions qui ont été négligées lors de l’examen de ce projet de loi par le Sénat.

L’une des questions majeures qui ont été ignorées est l’insuffisance du projet de loi actuel par rapport à la montée en flèche des crimes violents — en particulier des crimes commis au moyen d’armes à feu — qui frappe certaines des collectivités les plus vulnérables.

En tant que sénatrice de Toronto, j’ai été témoin de l’augmentation effroyable de la violence commise au moyen d’une arme à feu. Les membres de la collectivité, inquiets pour leurs amis et leur famille, me demandent sans cesse ce qui est fait pour protéger leurs proches.

En fait, j’ai assisté à un événement communautaire ce week-end, et la seule chose dont tout le monde parlait était le sentiment d’insécurité qu’ils ressentent dans leurs maisons. Ils demandaient : « Qu’allons-nous faire? » et « Qu’est-ce que le gouvernement est prêt à faire? ».

Nous avons vu comment les mesures irréfléchies du gouvernement dans les projets de loi C-5 et C-75 ont entraîné une augmentation des crimes violents dans les zones urbaines du Canada.

Nous savons, par exemple, que le projet de loi C-5 du gouvernement a abrogé de nombreuses peines minimales obligatoires pour les crimes commis à l’aide d’une arme à feu, notamment l’utilisation d’une arme à feu ou d’une fausse arme à feu lors de la perpétration d’une infraction; la possession d’une arme à feu ou d’une arme sachant que sa possession n’est pas autorisée; la possession d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte avec des munitions; la possession d’une arme obtenue lors de la perpétration d’une infraction; le déchargement d’une arme à feu avec une intention particulière; le vol qualifié avec une arme à feu; et l’extorsion avec une arme à feu.

Le gouvernement a soutenu qu’aucune de ces mesures concernant la mise en liberté sous caution ne favorise « la mise en liberté à la première occasion plutôt que la détention ».

Les conséquences de cette décision ont été rien de moins que désastreuses.

En Colombie-Britannique, une étude a été réalisée sur 425 audiences de mise en liberté sous caution d’un suspect accusé d’un crime violent et ayant un bris des conditions de mise en liberté à son dossier. De ces 425 audiences, la Couronne a demandé une ordonnance de détention dans seulement 222, ou 52 %, des cas. Cela signifie que près de la moitié de ces criminels violents ayant déjà brisé des conditions de mise en liberté sous caution se sont retrouvés libres comme l’air.

Dans ma province, l’Ontario, le nombre de cas de violence grave et de crimes commis à l’aide d’armes à feu qui se sont retrouvés devant les tribunaux a grimpé de 57 % entre 2018 et 2021.

Il ne fait aucun doute que nos tribunaux sont surchargés. Certaines affaires sont en attente depuis des années. Par exemple, le Service de police de Toronto a indiqué qu’au cours des deux dernières années, 17 % des personnes accusées d’homicide lié à des armes à feu à Toronto étaient en liberté sous caution au moment de la fusillade fatale.

Par conséquent, chaque décision que nous prenons dans cette enceinte a de l’importance. L’effet se fait sentir dans tout le pays, et les collectivités où nous vivons en voient les répercussions.

Lorsque nous adoptons un projet de loi que nous n’avons pas pris le temps de bien examiner, ce sont les collectivités canadiennes qui en souffrent le plus, et souvent les plus vulnérables. Le gouvernement a donc maintenant l’intention de couper court au débat sur le projet de loi C-21.

Cependant, je crois que, lorsqu’on voit que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants a consacré 12 réunions à l’étude de ce projet de loi, c’est une bonne indication que nous devons, nous aussi, être méticuleux dans nos débats. Sénateurs, nous sommes ici pour débattre et pour écouter les points de vue de nos collègues, que nous soyons d’accord ou non avec eux.

Honorables collègues, je vous exhorte à rejeter cette motion, et ce, dans le but de vous assurer au moins que les populations vulnérables n’auront pas à payer le prix d’une adoption rapide du projet de loi C-21.

Vous n’avez qu’à jeter un coup d’œil à des villes comme Mississauga et Brampton, où les gens ne se sentent pas en sécurité dans leur domicile. Ils craignent les violations de domicile et les armes à feu que des individus utilisent. Des gens se font frapper avec la crosse d’une arme à feu. La peur est réelle. Je me fais du souci lorsque mes filles vont à Toronto. J’ai peur de ce qui pourrait leur arriver parce qu’il y a beaucoup de fusillades. Les jeunes sortent dans des boîtes de nuit; nous ne pouvons pas les empêcher. Par contre, je reste debout toute la nuit à les attendre. La peur est bien réelle pour certains d’entre nous, en particulier les parents de Mississauga et de Brampton qui sont venus me parler. Merci.

L’honorable Leo Housakos [ - ]

Honorables sénateurs, ce débat est bien plus profond que cette simple motion sur la fixation d’un délai. Sénatrice Ataullahjan, vous avez tout à fait raison. Nous venons ici pour débattre d’idées, parfois controversées, et c’est le rôle du Parlement dans une démocratie. Nous ne sommes pas seulement ici pour entendre les points de vue des uns et des autres; nous devons tout particulièrement entendre le point de vue de la minorité. C’est le rôle de cette assemblée. C’est le rôle constitutionnel du Sénat. C’est le rôle du Parlement.

C’est tout à fait naturel, chers collègues, et ce n’est pas nouveau pour ce gouvernement. Bien sûr, le gouvernement Trudeau a poussé la chose à son paroxysme, mais les gouvernements de tous les partis et de toutes les couleurs considèrent le Parlement comme un obstacle, comme un problème dans leur hâte d’arriver à la ligne d’arrivée de leur programme. Il importe peu qu’ils soient libéraux ou conservateurs. Je dis toujours que les premiers ministres ont une utilité pour le Parlement lorsqu’ils sont dans l’opposition. Lorsqu’ils deviennent premier ministre, le Parlement semble passer au second plan. Cela renvoie au principe selon lequel le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt absolument. C’est à ce moment-là que la Chambre des communes et le Sénat entrent en jeu. Dans ces moments-là, il nous incombe de demander des comptes au gouvernement et de le rappeler à l’ordre.

La Chambre des communes joue un rôle particulier dans notre démocratie parce qu’elle est la Chambre élue. C’est la Chambre habilitée à prendre un vote de confiance. Toutefois, même la Chambre de second examen objectif a eu un rôle important à jouer pour faire reculer les gouvernements qui s’étaient emballés. Elle a joué un rôle de second examen objectif. Beaucoup espéraient que ce nouveau Sénat indépendant irait plus loin, mais il est regrettable que, pour ce gouvernement, l’indépendance semble consister à extirper du Parlement le pouvoir des sénateurs.

Je rappelle à tous que Justin Trudeau a beau avoir mené l’expérience d’un Sénat indépendant, il n’en reste pas moins que tant et aussi longtemps que la Constitution n’aura pas été modifiée, le Canada demeurera un régime parlementaire bicaméral inspiré de celui de Westminster. Le Parlement est constitué de deux Chambres, et leurs rôles sont légèrement différents. Les différences sont subtiles. Tout le monde parle de la convention de Salisbury, ce qui est très bien. Un jour, sûrement, quand je serai de retour du côté du gouvernement, je parlerai également de la convention de Salisbury. Toutefois, je rappelle aux sénateurs qui ne sont ici que depuis quelques années que, au-delà de la convention de Salisbury, il faut lire l’article 18 de la Constitution, qui définit notre rôle lorsque nous sommes nommés ici.

L’article 18 de la Constitution du Canada indique clairement que la Chambre des communes et le Sénat sont régis par le système de la Chambre des communes de Westminster. En vertu de l’article 18 de la Constitution, tous les parlementaires du Parlement du Canada, tant à la Chambre des communes qu’au Sénat, ont les mêmes droits et privilèges que ceux de la Chambre des communes de Westminster. Au bout du compte, cela signifie que vous avez l’obligation de demander des comptes au gouvernement, que vous avez l’obligation d’être des porte-parole des régions, des électeurs, des intervenants du pays et des régions que vous représentez.

La vérité, c’est qu’au cours des huit dernières années — et c’était intentionnel — le rôle autrefois important des sénateurs, vous tous — et nous pourrions avoir un débat où certains d’entre vous diraient que vous n’êtes pas aussi libéraux que nous le disons, et je dirais que vous n’êtes pas aussi indépendants que vous le prétendez, mais il ne fait aucun doute que vous êtes tous des personnes très accomplies et compétentes provenant de divers milieux et de diverses régions du pays, qui ont de grandes choses à offrir au Parlement —, le gouvernement et le premier ministre vous ont refusé ce droit fondamental prévu à l’article 18 de la Constitution lorsque le premier ministre a refusé de vous permettre d’être la voix de votre région en utilisant vos compétences et votre expérience au sein du Cabinet national.

Sénateur Harder, vous avez posé une question légitime : pourquoi y a-t-il eu si peu d’amendements au cours des quatre dernières législatures? C’est parce que la principale responsabilité de chacun des sénateurs qui ont été nommés dans cette enceinte n’était pas de siéger au sein du caucus national et ce n’était pas de siéger ici. À mon avis, la principale responsabilité que j’ai eu a été de siéger au sein des comités consultatifs ministériels, sénateur Harder. Comme je siégeais à divers comités sénatoriaux, j’ai eu l’occasion de participer aux débats ici, mais lorsque nous étions au pouvoir, l’opposition libérale avait la mainmise sur les débats. C’est ainsi que les choses devraient se passer.

Lors de l’élaboration des mesures législatives, nous avions, en tant que sénateurs du gouvernement, notre mot à dire aux tables consultatives ministérielles. C’est là qu’on nous demandait notre avis et que nous l’exprimions, avant même que la mesure ne soit soumise au caucus national. Lorsque le caucus national en était saisi, laissez-moi vous dire que tous mes collègues ici présents ne se gênaient pas pour défendre les intérêts du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l’Ontario et souvent du Québec si le gouvernement ne voulait pas les écouter.

Il y a beaucoup d’expertise dans cette enceinte qui éviterait au gouvernement actuel beaucoup d’ennuis si bon nombre d’entre vous avaient une voix aux tables ministérielles lors de l’élaboration des projets de loi. Nombre d’entre vous pourraient éviter bien des embarras au gouvernement. Nombre de vos opinions vaudraient leur pesant d’or pour le gouvernement si, une fois par semaine, vous étiez autorisés à exprimer certaines d’entre elles au sein du caucus national.

Il fut un temps où des leaders du gouvernement au Sénat siégeaient au Cabinet, certains même en tant que ministres à divers degrés. Sénateur Gold, d’après les questions que nous vous posons quotidiennement et ce que nous voyons, on a l’impression que vous n’êtes pas souvent consulté. Le gouvernement pourrait bénéficier de votre sagesse, sénateur Gold.

Ce que je reproche au premier ministre et au gouvernement actuel, c’est le mépris dont ils font preuve envers cette institution et les sénateurs qu’ils ont nommés. Ils passent beaucoup de temps à essayer de vous convaincre de la nécessité absolue d’adopter rapidement leurs mesures législatives. C’est arrivé avec une foule de mesures législatives qui ne prévoyaient pas d’aide financière pour la COVID-19 et ne constituaient pas un vote de confiance, autant de cas où nous devons absolument débloquer des fonds parce qu’il est impératif de le faire pour exécuter le programme du gouvernement. Il est vrai que la Chambre des communes est la seule des deux Chambres qui est habilitée à tenir des votes de confiance. Cependant, quand je pense à des projets de loi comme le C-21, le C-11 et le C-18, je me dis qu’il est bien beau de nommer des dirigeants de communautés autochtones au Sénat et de voir le premier ministre s’en attribuer le mérite, mais durant les débats dans cette enceinte sur les projets de loi C-11 et C-18, qui modifient la Loi sur la radiodiffusion, j’ai entendu des groupes autochtones affirmer qu’ils n’avaient pas été consultés par l’autre Chambre. Dans de tels cas, nous devons exprimer vivement notre désaccord. Nous devons dire au gouvernement : « Attendez un mois; attendez six mois. Nous avons d’autres personnes à entendre. »

La vérité, c’est qu’à ce moment-là, le sénateur Klyne avait pris la parole pour s’assurer que certains de ces groupes soient entendus, alors le crédit lui revient. Beaucoup de sénateurs font preuve d’ouverture d’esprit et résistent aux pressions du gouvernement, mais ce projet de loi est un autre exemple. Le gouvernement veut faire adopter des mesures draconiennes, comme la fixation de délai. Il s’agit d’un outil gouvernemental légitime, mais le gouvernement veut l’utiliser alors qu’il prétend qu’il n’y a pas de sénateurs qui le représentent dans cette assemblée. Cela constitue un affront au Règlement de cette institution.

Encore une fois, le gouvernement va trouver un moyen d’obtenir des décisions et de contourner le Règlement. Il dira qu’il n’y a pas de souci parce qu’il détient la majorité. La pire chose à faire entre vous ou au sein de vos divers groupes, c’est de croire que la majorité permet de faire adopter une mesure à toute vapeur. Dès que l’on écourte le débat et que l’on ne permet pas aux minorités de se faire entendre, on devient à la merci de pièges et de risques. Nous ne devrions pas accepter une telle situation.

La convention de Salisbury est fantastique. Nous nous y référons pour proclamer que le Sénat n’est pas une Chambre d’élus, comme la Chambre des lords, et que nous ne devrions jamais contester le gouvernement parce que lui, il a été élu. Toutefois, la convention de Salisbury devrait aussi être appliquée quand la majorité écrasante de l’autre endroit renvoie un projet de loi au Sénat en disant que le pays l’appuie démocratiquement, comme c’est le cas pour le projet de loi C-234. La convention de Salisbury ne doit pas seulement être une référence quand elle est avantageuse pour faire avancer le programme du gouvernement.

Au Parlement et au pays, la Chambre des communes représente l’expression suprême de la démocratie. En tant qu’institution non élue, nous ne pouvons pas décider de lui tourner le dos et de lui dire ce que veut le gouvernement.

Or, le Parlement a préséance sur le gouvernement. Au Canada, le mandat de l’exécutif émane de la Chambre élue. Notre travail consiste à apporter une valeur ajoutée en demandant des comptes au gouvernement. C’est tout ce qu’on nous demande, en plus de représenter les régions et les points de vue qui ne sont pas forcément entendus à la Chambre des communes.

Chers collègues, nous devons faire preuve de cohérence, ce qui demande beaucoup de courage. En définitive, votre indépendance tient uniquement au fait que vous avez été nommés sénateurs par un premier ministre du Canada et que votre mandat est irrévocable.

Vous pouvez donc recevoir des appels de ministres et du Cabinet du premier ministre, le leader ou le représentant du gouvernement peut vous dire que c’est important et que si ce projet de loi n’est pas adopté avant Noël, il ne le sera jamais, et que la Terre arrêtera de tourner. Vous pouvez être courtisés de toutes sortes de façons et faire l’objet de toutes sortes de pressions de la part du premier ministre qui vous a nommés. C’est ce qui se passe depuis le début.

C’est ainsi que fonctionne la politique. Le premier ministre qui m’a nommé au Sénat exerçait des pressions sur moi et le premier ministre qui a nommé Percy Downe — qui était un charmant premier ministre libéral — exerçait des pressions sur lui. Mais vous savez quoi? Nous sommes ici maintenant et ils ne sont plus là. Le premier ministre qui vous a nommé au Sénat ne sera plus là un jour. Toutefois, votre indépendance commence aujourd’hui. Moi aussi, je suis contre cela.

L’honorable Julie Miville-Dechêne [ - ]

J’interviens, peut-être en débat, parce que je pense qu’il n’y a plus de temps pour les questions.

Écoutez, sénateur Housakos, je vous entends et je ne peux pas m’empêcher de me lever parce que je crois que vous vivez sur une planète qui n’existe pas. Vous avez cette idée que vous êtes complètement bâillonné et que vous ne pouvez pas parler. Nous, on a travaillé sur des projets de loi comme C-11, qui a pris six mois d’étude. Est-ce que vous pensez qu’on vous a empêché de faire venir tous les témoins que vous vouliez pendant des semaines?

Je pense au projet de loi C-18. Je suis ici depuis 5 ans. Cette idée que l’opposition ne peut pas faire son travail me semble absolument irréaliste. Ça n’a rien à voir. Vous faites référence à la Chambre des lords, à notre système britannique. En Angleterre, il y a une Chambre des lords avec des crossbenchers; ça existe. Cette indépendance n’est pas une farce.

Tous les jours, vous dites que nous sommes des sénateurs libéraux, que nous n’avons aucune liberté et que nous rampons. C’est tellement atroce! Moi, je n’en peux plus. On est des personnes avec des esprits. Moi, je ne me considère pas sous la botte du premier ministre Trudeau, absolument pas.

Avez-vous vu le nombre d’amendements qu’on essaie de faire adopter? Cela n’a rien à voir avec votre époque. Rien à voir. Donc, vous inventez une histoire. Vous vous faites passer pour des victimes. Vous dites qu’il n’y a plus de démocratie.

Écoutez, on a des débats ici; ça existe. Franchement, je ne sais pas d’où vient cette image que vous renvoyez de nous-mêmes. Je n’en peux plus — c’est faux. On n’est pas des marionnettes. C’est faux!

Voilà, je pense que j’ai assez parlé.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente [ - ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Son Honneur la Présidente [ - ]

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Son Honneur la Présidente [ - ]

À mon avis, les oui l’emportent.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Y a-t-il une proposition au sujet de la sonnerie?

Son Honneur la Présidente [ - ]

Le vote aura lieu à 22 h 4. Convoquez les sénateurs.

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