Le Code criminel
Projet de loi modificatif--Message des Communes--Motion de renonciation aux amendements du Sénat et d'adoption des amendements des Communes--Suite du débat
16 mars 2021
Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler du message reçu de la Chambre des communes au sujet des amendements que le Sénat a apportés au projet de loi C-7. Ces amendements portent sur l’examen final du remaniement en profondeur du régime légalisant l’aide médicale à mourir au Canada.
À l’époque où j’étais infirmière aux urgences, j’ai souvent côtoyé la mort et la souffrance. Vous pouvez me croire quand je dis que j’ai été témoin des pires sévices qui puissent être infligés à une personne ou qu’une personne peut s’infliger à elle-même.
Comme l’aide médicale à mourir est maintenant inscrite dans la législation canadienne, il nous incombe, à titre de législateurs, de veiller à ce que les Canadiens puissent faire de façon raisonnable, sûre et humaine ce choix des plus difficiles. Cependant, notre tâche ne s’arrête pas là. J’estime qu’en modifiant légèrement cet amendement et en le renvoyant tel qu’adopté, la Chambre des communes n’a pas fait preuve du jugement auquel on s’attend de cette institution et que, par surcroît, sa décision ne correspond pas à l’opinion de la majorité des Canadiens.
Alors que je suivais le débat sur le projet de loi C-7 et ses amendements, ma principale préoccupation était d’adopter une mesure législative établissant un juste équilibre entre la protection des Canadiens et le respect de la décision du tribunal de première instance. Toutefois, nous devons également protéger les Canadiens pour lesquels toutes les possibilités de traitements raisonnables n’ont peut-être pas été envisagées ainsi que ceux qui, pour une raison quelconque, ne sont pas en mesure de prendre une décision éclairée.
Malheureusement, nous en sommes maintenant arrivés à considérer la maladie mentale comme un motif suffisant en soi pour justifier l’aide médicale à mourir. Je trouve cela perturbant parce que la maladie mentale n’est pas une science exacte et ne peut être évaluée de la manière qu’on évalue le traitement de personnes en phase terminale. Comme un médecin l’a dit dans le Journal of Ethics in Mental Health :
[...] Je ne suis pas un agent porteur de mort. De par ma vocation et le serment que j’ai prêté, je suis, au contraire, un agent porteur d’espoir. J’ai juré de faire de mon mieux pour soulager la souffrance physique et émotionnelle, et lorsque mon art, mes compétences et mes outils sont jugés inadéquats par mon patient, et que la vie ne lui semble plus valoir la peine d’être vécue, alors il a le droit de choisir sa réponse à la question « être ou ne pas être? ».
Si nous acceptons l’idée que la maladie mentale puisse être l’unique condition préalable au recours à l’aide médicale à mourir, nous ouvrons la porte à la mort prescrite comme traitement du désir de mourir. Cela pose des problèmes éthiques énormes à de nombreux professionnels de la santé.
L’argument du gouvernement, c’est que ces changements garantissent la qualité de traitement à laquelle nous avons tous droit. Je me demande quand même si nous avons vraiment pris en considération le fait que, pour beaucoup, le vrai problème n’est pas l’accès au suicide assisté, mais l’accès à une vie assistée.
Chers collègues, l’accès aux soins psychiatriques, aux soins palliatifs, aux cliniques de traitement de la douleur et à une aide sociale adéquate sont autant d’éléments qui diffèrent largement selon le lieu de résidence au Canada, et qui jouent un rôle important pour déterminer si un patient demandera l’aide médicale à mourir.
L’Association canadienne pour la santé mentale en convient. Ses représentants ont déclaré au Sénat en novembre 2020 que jusqu’à ce que le système de soins de santé puisse répondre adéquatement aux besoins des Canadiens qui souffrent de maladies mentales, le suicide assisté ne devrait pas être envisagé. La question de la qualité de vie n’est pas une simple question binaire qui commence par la vie et se termine par la mort. Les gouvernements provinciaux ont beaucoup de marge de manœuvre pour améliorer les options accessibles aux personnes souffrant de maladie mentale, et nous devrions les encourager à avoir davantage recours à ce genre de pouvoirs.
Le Centre de toxicomanie et de santé mentale, le plus important hôpital universitaire en santé mentale au pays, a créé un groupe de travail chargé d’étudier l’enjeu de l’aide médicale à mourir. Après deux ans de délibérations — une date qui me paraît bien familière —, les chercheurs du centre ont conclu que nous ne devrions pas permettre aux personnes dont le trouble mental est seul problème médical de recevoir l’aide médicale à mourir.
Comme je l’ai mentionné plus tôt, la santé mentale n’est pas une science exacte, et il est loin d’être évident que les maladies mentales sont incurables.
Un document d’orientation du Centre de toxicomanie et de santé mentale publié en 2017 indique ceci :
La gravité d’une maladie est subjective, et il ne fait aucun doute que la maladie mentale peut occasionner des souffrances aux personnes [...]
En revanche, le caractère irrémédiable d’une maladie — l’incapacité à la traiter ou la guérir — est établi au terme d’un processus objectif tenant compte des meilleures données médicales disponibles.
Le Centre de toxicomanie et de santé mentale conclut aussi qu’il n’y a généralement aucune preuve selon laquelle il existerait un seuil objectif sur lequel on s’appuierait pour dire : « Voici une maladie mentale qu’il est impossible de traiter ou de guérir ». Étant donné l’expérience profondément personnelle que de nombreux patients ont de la maladie mentale, il sera difficile de fixer une norme permettant de prédire la trajectoire du déclin chez une personne. Une personne qui semble impossible à traiter aujourd’hui peut être guérissable demain.
Un ouvrage universitaire qui traite uniquement de l’expérience de la souffrance mentale abonde dans le même sens. On peut y lire ceci :
[...] en pratique, nous estimons qu’il est hautement improbable que l’euthanasie représente un jour une réponse adaptée à la souffrance mentale et que le fait d’autoriser cette approche reviendrait à médicaliser de manière inacceptable des problèmes qui ne sont pas de nature médicale.
Honorables sénateurs, j’ai lu ces citations parce qu’elles ont été produites sur une période de deux ans par des personnes objectives et qui connaissent bien le sujet pour l’avoir étudié en profondeur. Je doute donc que nous puissions faire mieux que l’amendement que nous avons envoyé. C’est pourquoi je ne peux pas accepter le message.
L’objectif du programme initial d’aide médicale à mourir n’était pas de cesser de soigner les personnes qui pouvaient être guéries, mais de fournir un départ digne à celles dont l’état était incurable. Les problèmes soulevés par le fait d’offrir l’aide médicale à mourir aux personnes dont la seule condition médicale invoquée est une maladie mentale ne sont pas uniques au Canada. Dans le guide de 2008 de la loi de l’Oregon sur la mort dans la dignité, on peut lire ceci :
[...] jusqu’en 2006, la loi de l’Oregon sur la mort dans la dignité n’offrait pas à tous les patients atteints de maladies mentales une protection adéquate contre la prescription de médicaments létaux. Il est nécessaire de faire preuve de plus de vigilance et de procéder à un examen systématique [...]
En Belgique, une pétition a été signée par plus de 360 médecins et universitaires qui demandaient un contrôle plus strict de l’euthanasie pour les patients psychiatriques. Cela reflète également la position de l’American Psychiatric Association, qui, lorsqu’elle s’est prononcée sur la question en décembre 2016, a déclaré qu’elle n’était pas favorable à ce que les psychiatres interviennent de toute façon que ce soit auprès des malades qui ne sont pas en phase terminale dans le but de provoquer leur mort.
Honorables sénateurs, pour en revenir à mon expérience de professionnelle de la santé, je me suis toujours fait un devoir d’offrir aux patients les meilleurs soins et les meilleurs traitements disponibles. J’avais aussi le devoir de les traiter avec dignité et de respecter les choix éclairés qu’ils faisaient au sujet de leur santé. Selon moi, rien ne justifie que l’on puisse invoquer la maladie mentale comme seule condition pour demander l’aide médicale à mourir. Il manque encore beaucoup de données scientifiques à ce chapitre avant de pouvoir dire avec certitude que nous pouvons appliquer une norme uniforme et objective.
En tant que législateurs, nous sommes ici pour protéger les Canadiens, et cela signifie parfois que nous devons protéger ceux qui ne peuvent se protéger eux-mêmes. Nous devrions rejeter la maladie mentale comme seule condition pour demander l’aide médicale à mourir — et j’aurais sincèrement préféré que la Chambre des communes le fasse —, jusqu’à ce que la mesure législative initiale ait été examinée par le comité prévu et que nous ayons davantage de certitude découlant des données scientifiques. Je ne peux pas appuyer le message de la Chambre des communes. Merci, honorables sénateurs.
Je suis enchantée d’avoir la possibilité d’aborder le message de l’autre endroit au sujet du projet de loi C-7, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir).
J’ai bien aimé le discours que la sénatrice Stewart Olsen vient tout juste de prononcer. Je crois que la prévenance dont tous les sénateurs ont fait preuve malgré les opinions divergentes a grandement contribué à la qualité des débats et à la profondeur des délibérations pour tenir compte des nombreux enjeux.
Après mûre réflexion, j’en suis arrivée à une conclusion différente. J’ai l’intention de voter en faveur du message de la Chambre des communes et je tiens à expliquer brièvement quelles sont mes raisons. Cela ne diminue en rien l’importance des autres points de vue qui ont été exprimés ni l’intégrité des arguments qui sont présentés.
Avant d’expliquer mes raisons, j’aimerais souligner qu’un grand nombre de sénateurs ayant pris la parole avant moi ont remercié tous ceux et celles qui ont apporté leur contribution à ce dossier, que ce soit les membres du personnel, les sénateurs ou les témoins. Je joins ma voix à la leur pour remercier sincèrement à mon tour les personnes qui ont travaillé fort pour faire avancer ce dossier et participer au bon déroulement des débats, qui ont été essentiels et constructifs.
Permettez-moi de faire quelques commentaires à ce sujet et aussi de remercier les leaders, les facilitateurs et le représentant du gouvernement au Sénat de s’être entendus pour programmer les débats du Sénat sur ce projet de loi de manière à ce que nous puissions avoir un débat libre continu, où nous pouvons nous entendre, où nous pouvons répliquer, où nous pouvons poser des questions lors des débats et où nous savons quand ce projet de loi sera à l’ordre du jour. Cela relève du simple bon sens. Pendant toutes les années que j’ai passées à l’Assemblée législative de l’Ontario, nous savions toujours quel débat était prévu et combien de temps y serait consacré dans une semaine donnée. Cela ne veut pas dire que nous connaissions la date du dernier jour de débat, mais la tenue de débats raisonnables et cohérents jouait un rôle important dans notre approche.
Personnellement, je crois que tous les projets de loi devraient être inscrits au Feuilleton de cette manière, après discussions entre les leaders. Je les remercie énormément d’avoir abordé ce projet de loi de cette manière; j’espère qu’ils procéderont ainsi plus souvent à l’avenir. À mon avis, cela accroît grandement la qualité des débats et des délibérations.
Quand nous débattons d’un message envoyé par la Chambre des communes, il faut tenir compte, je crois, d’une grande variété de normes et de critères pour arriver à une conclusion. Certaines personnes s’opposent fortement à des dispositions du projet de loi C-7, et ce, pour diverses raisons. Ces raisons sont parfois liées à une question de conscience, à des convictions religieuses ou, comme l’a mentionné la sénatrice qui est intervenue avant moi, à l’expérience, aux antécédents ou à la profession de chacun. Pour certains, il s’agit d’un enjeu personnel. Bref, de multiples raisons peuvent nous amener à approuver ou à désapprouver certains objectifs du projet de loi. Nous avons longuement débattu et discuté de ces éléments et, au final, nous n’avons pas tous le même point de vue à propos de ce projet de loi, et les Canadiens non plus. On ne s’attend pas à une opinion unanime, et l’absence d’unanimité n’a pas à être un sujet de préoccupation. L’important, c’était de tenir un débat très approfondi sur les enjeux, ce que nous avons fait.
Nous avons par exemple débattu de la liberté de conscience des médecins, et nous en sommes arrivés à une conclusion. Ce point ne devrait donc plus entrer en ligne de compte dans notre décision d’accepter ou non le message des Communes. Je ne suis absolument pas en train de dire que les sénateurs ne doivent pas se fier à leurs objections morales ou de conscience pour guider leur vote; je dis seulement que cet élément ne fait pas partie des facteurs que nous devons prendre en considération pour décider si nous allons voter en faveur de ce message ou non. Il en va de même des mesures de sauvegarde. Certains les trouvent suffisantes, d’autres pas. Personnellement, j’ai voté pour l’amendement de la sénatrice Batters, qui aurait rétabli la période de réflexion de 10 jours, mais cet amendement a été rejeté par le Sénat. Or, même si je ne suis pas d’accord avec la majorité, ce n’est pas ce qui sera mis aux voix aujourd’hui. Le Sénat en a décidé ainsi.
Une question qui n’est pas si simple est celle des arguments liés à la Constitution ou à la Charte. J’ai eu la chance de siéger au Sénat lorsque les débats ont eu lieu sur le prédécesseur du projet de loi actuel, soit le projet de loi C-14, qui visait l’intégration au Code criminel de dispositions sur l’aide médicale à mourir ou la mise à jour de ces dispositions pour mettre sur pied un régime d’aide médicale à mourir. Au bout du compte, lorsque des sénateurs se sont opposés, en invoquant la Constitution ou la Charte, aux restrictions ou aux contraintes imposées à l’accès et à l’admissibilité à l’aide médicale à mourir en fonction des critères de mort raisonnablement prévisible ou de maladie terminale, bon nombre d’entre nous étaient d’avis que cela allait à l’encontre de la Constitution et de la Charte, étant donné la décision de la Cour suprême sur laquelle nous nous étions fondés à l’origine pour proposer le projet de loi C-14 et offrir l’aide médicale à mourir.
Nous avions eu le net sentiment que cela ne respectait ni la Constitution ni la Charte. Lorsque nous avons reçu le message de l’autre endroit indiquant que notre amendement était rejeté, il s’est avéré extrêmement ardu de déterminer jusqu’où nous pouvions aller. Je n’utiliserai pas la même terminologie que certains emploient pour faire référence à ce jeu de va-et-vient. Il s’agit là d’une importante responsabilité partagée par les deux Chambres du Parlement, par ses deux éléments constitutifs. La Chambre des communes et le Sénat jouent des rôles différents et se concentrent sur des aspects distincts lorsque vient le temps de baliser leurs processus de réflexion et de décision respectifs.
Dans ce cas-ci, avec le projet de loi C-14, cette question avait été extrêmement difficile pour le Sénat. Au bout du compte, nous avions convenu d’accepter les assertions du gouvernement ou le message qu’il avait envoyé. Ce faisant, nous n’avions pas tranché la question à savoir si le critère de la constitutionnalité était respecté. Beaucoup d’entre nous prédisaient qu’une décision comme Truchon serait éventuellement rendue et que nous en reviendrions au même point, et c’est ce qui s’est produit. Mais ce n’était pas certain. Nous ne savons jamais ce que les tribunaux décideront et, dans ce cas-ci, la ministre de la Justice de l’époque avait écarté la possibilité d’envisager l’amendement, et ce, avant même la fin de nos délibérations, la tenue du vote et le renvoi du projet de loi assorti d’amendements, ce qui est déplacé selon moi. Je ne crois donc pas que le gouvernement a tenu compte de ce que nous avions à dire, mais il affirmait dès le départ que le projet de loi était constitutionnel. C’est dans cet état d’esprit que la ministre avait décidé — prématurément, à mon avis — de faire cette annonce.
Toutefois, ce que nous examinons en ce moment est légèrement différent. Le gouvernement a accepté notre amendement à propos du délai d’entrée en vigueur de la disposition concernant l’inadmissibilité des personnes dont la seule condition médicale invoquée est un problème de santé mentale. Il a accepté notre amendement. Il a fait passer le délai d’entrée en vigueur de la disposition de 18 à 24 mois. Je suis d’accord avec le gouvernement. Cela me rend plus à l’aise. Nous avons adopté un amendement pour 18 mois. Je crois qu’une telle période permet de réaliser beaucoup de travail important.
Je crois aussi que c’est différent parce que nous ne savons pas exactement ce qui se serait produit si cette affaire s’était rendue en Cour suprême. Il s’agit de la décision d’un tribunal du Québec, qui a été prise par une seule juge. Il n’y a eu aucun renvoi par la suite, pour quelque raison que ce soit. La question de la constitutionnalité se pose encore davantage, à mon avis, pour le projet de loi C-7 qu’elle se posait pour le projet de loi C-14. Je suis donc disposée à accepter la décision du gouvernement, qui, comme je l’ai dit, n’a pas ménagé ses efforts pour répondre à nos préoccupations en allant encore plus loin que nous l’avons fait nous-mêmes.
Je suis très déçue que les amendements de la sénatrice Wallin aient été rejetés. Je conviens que la question est complexe, bien sûr, mais les provinces y ont répondu en prenant des mesures législatives à l’égard du consentement aux soins et de la capacité de consentir. Tous les éléments nécessaires ont été établis à l’échelle provinciale. Nous devons prendre les mesures requises pour que ces critères soient appliqués à l’aide médicale à mourir. Cependant, comme je l’ai dit dans mon discours à l’étape de la troisième lecture, il y a une grande différence entre les processus fédéraux et provinciaux actuellement en place. Ce n’est pas le cas actuellement au titre des dispositions fédérales du Code criminel. Cela dit, il n’y a pas beaucoup de différences, mais il est inhumain de dire qu’une personne peut refuser les soins, alors que, selon mon expérience familiale, cela peut amener la personne à mourir d’inanition et de déshydratation au lieu de demander l’aide médicale à mourir. Nous aurons toutefois l’occasion d’aborder le sujet dans le cadre de cet examen. J’ai hâte à l’étape du comité, dont j’espère pouvoir faire partie.
Votre Honneur, je vais conclure mes commentaires en déclarant une fois de plus que j’appuie la motion d’adoption du message de la Chambre des communes. Je suis consciente du fait que, dans un gouvernement minoritaire, le gouvernement et les parlementaires ont écouté avec attention les éléments soulevés par le Sénat avant d’y donner suite. Je me réjouis de ce pas en avant, mais il reste encore beaucoup à faire. Merci beaucoup.
Honorables sénateurs, le Parlement devrait avoir honte de la façon dont il a agi au sujet de ce projet de loi d’aide au suicide. Avec l’appui du Bloc québécois, le gouvernement Trudeau a mis fin après seulement sept heures et demie au débat sur un amendement du Sénat afin de permettre aux personnes souffrant de maladie mentale d’avoir accès au suicide sanctionné par l’État. Comme les cas où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée avaient été spécifiquement exclus du projet de loi C-7 original, la Chambre des communes n’avait pas du tout examiné ou débattu cette question. Il est répréhensible que le temps consacré par la Chambre à un changement aussi fondamental dans la politique sociale de notre pays ait représenté l’équivalent de moins d’une journée de travail pour de nombreux Canadiens.
Cette débâcle démontre bien que le premier ministre dirige le pays sans boussole morale et qu’il est à la tête d’un Cabinet composé de ministres qui se soucient plus de se faire remarquer le moins possible afin de conserver leur emploi que de défendre les Canadiens. Dans la même semaine, le premier ministre a fébrilement célébré la Journée internationale des femmes et son gouvernement a tenu un sommet virtuel de deux jours sur les enjeux qui concernent les femmes, puis il a forcé l’adoption de cet amendement extrêmement nuisible qui touchera les femmes de façon disproportionnée. À cause de cet amendement sur la maladie mentale, de nombreuses Canadiennes vulnérables souffrant de maladie mentale auront accès à des moyens garantis de se donner la mort plutôt qu’à de l’aide pour vivre et s’épanouir.
Si nous savons depuis un bon moment que Justin Trudeau est un faux féministe, cet amendement du gouvernement sur la maladie mentale nous prouve qu’il est aussi un faux défenseur de la cause de la santé mentale. J’imagine que nous ne devrions pas être surpris. Lorsque Justin Trudeau était un simple député, il a facturé des honoraires de 20 000 $ par allocution à des associations locales œuvrant dans le milieu de la santé mentale. C’est épouvantable, d’autant plus qu’il était un député et que s’adresser à des groupes de ce genre sur des questions de politiques publiques importantes faisait partie de son travail.
Les membres du caucus libéral ont suivi son exemple, y compris ceux qui avaient auparavant remporté des prix nationaux dans le domaine de la santé mentale : Carolyn Bennett, Sean Fraser, Patty Hajdu, Seamus O’Regan, et même le président du caucus parlementaire sur la santé mentale, le député libéral Majid Jowhari. Ils sont tous rentrés dans le rang et ont voté contre les personnes atteintes d’une maladie mentale lorsque leur avenir politique au sein du caucus libéral de Justin Trudeau était en jeu.
Comble de l’insulte, le premier ministre Trudeau a imposé l’adoption de cet amendement lors de la Journée nationale de commémoration pour la COVID-19 et de l’anniversaire de la ratification par le Canada de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées. C’est cette même convention que le projet de loi C-7 viole, comme nous l’ont dit trois experts des droits de la personne des Nations unies, dont deux rapporteurs spéciaux. Cela ne s’invente pas.
Le projet de loi C-7 trahit beaucoup de groupes de personnes que le premier ministre Trudeau aime prétendre qu’il appuie, tels que les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées ainsi que les Canadiens noirs et racialisés. Maintenant, le gouvernement Trudeau ajoute à cette liste les personnes atteintes de maladie mentale. L’amendement aura des conséquences dévastatrices sur ces personnes vulnérables.
Lors de la présentation du projet de loi C-14, il y a cinq ans, le gouvernement Trudeau a dû s’abstenir d’y inclure la maladie mentale. Bien sûr, à l’époque, Jody Wilson-Raybould était ministre de la Justice, et Jane Philpott, ministre de la Santé. Quand ces deux ministres ont été expulsées du Cabinet libéral, il semble que ce dernier ait perdu ce qui lui restait de courage et de bon sens.
Nous avons maintenant un ministre de la Justice militant, David Lametti, qui souhaite élargir l’aide médicale à mourir. En effet, il a voté contre le projet de loi C-14 parce qu’il estimait qu’il n’allait pas assez loin. Lorsqu’on l’a interrogé sur ce sujet dans une récente entrevue médiatique, le ministre Lametti a affirmé que, il y a 30 ans, il avait été auxiliaire juridique auprès du juge Peter Cory, qui avait exprimé une opinion dissidente dans l’arrêt Rodriguez sur l’aide médicale à mourir. Manifestement, cela a forgé en grande partie sa philosophie juridique, et cette cause est sa mission depuis 30 ans.
J’ai trouvé cela plutôt curieux que le ministre Lametti ne veuille pas répondre aux questions très faciles que je lui ai posées lorsque je lui ai demandé de défendre la constitutionnalité de l’exclusion des maladies mentales dans le projet de loi C-7. J’ai défendu la constitutionnalité de cette disposition plus vigoureusement que lui. Le ministre a aussi négligé de corriger l’analyse comparative entre les sexes contenue dans le projet de loi. Ensuite, comme par magie, le Sénat composé majoritairement de sénateurs « indépendants » nommés par Trudeau a présenté des amendements au projet de loi en vue d’élargir l’accès à l’aide médicale à mourir bien au-delà de ce qui était attendu. La Chambre des communes a examiné les amendements à fond de train, et ces derniers ont été adoptés en sept heures et demie seulement.
Le premier ministre Trudeau a laissé le Sénat supposément indépendant faire le sale boulot pour parvenir à ses fins, et aux fins du ministre Lametti, à savoir élargir de manière radicale l’accès à l’aide médicale à mourir.
Pendant et après l’étude préalable du projet de loi C-7 au Comité sénatorial des affaires juridiques qui a eu lieu l’automne dernier, de nombreux sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants se sont opposés au projet de loi au nom des personnes handicapées, des Autochtones, des Noirs et des minorités racialisées et des personnes atteintes de maladie mentale. Cela dit, en février dernier, la situation était complètement différente. Du jour au lendemain, les sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants qui s’étaient catégoriquement opposés à l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir étaient maintenant ouverts à l’idée, ou du moins, s’y étaient résignés.
Même si beaucoup de sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants ont soulevé de nombreuses préoccupations lors de l’étude préalable, la majorité des amendements qu’ils ont présentés étaient mineurs, à l’exception notable de la disposition de caducité de 18 mois concernant l’exclusion des maladies mentales proposée par le sénateur Kutcher.
Le premier jour où nous avons discuté d’amendements au projet de loi C-7 au Sénat, le sénateur Kutcher était le premier à prendre la parole et a proposé, en amendement, sa disposition de caducité avant même que nous ayons prononcé nos discours généraux sur le thème de la maladie mentale, un ordre qui défie l’entendement. Toutefois, cela a bien servi le gouvernement Trudeau pour orienter le débat sur l’aide médicale à mourir dans le contexte de la maladie mentale et, au bout du compte, a produit le résultat que le ministre de la Justice espérait depuis le début : étendre le suicide assisté aux personnes souffrant d’une maladie mentale. Sans compter que la sénatrice du Groupe des sénateurs indépendants marraine du projet de loi et le leader du gouvernement au Sénat regardaient fixement le sol quand est venu le temps de défendre l’exclusion de la maladie mentale dans le projet de loi. De plus en plus étrange!
Le gouvernement s’est avancé imprudemment au sujet des études sur la maladie mentale qu’il promet d’entreprendre une fois le projet de loi C-7 adopté. Il est effarant que le gouvernement étende l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes d’une maladie mentale avant même d’avoir étudié la question. De plus, alors que l’amendement initial du Sénat sur la maladie mentale laissait place à toutes les éventualités, l’amendement du gouvernement que nous étudions aujourd’hui est beaucoup plus prescriptif. Il ne fait aucun doute que le mandat du groupe d’experts n’est pas de déterminer s’il convient d’étendre l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes d’une maladie mentale, mais bien de déterminer comment elle sera étendue à ces personnes. C’est une distinction majeure.
Le gouvernement a utilisé à son avantage la confusion des parlementaires qui est telle qu’à mon avis, de nombreux députés et sénateurs ne savent même pas exactement ce sur quoi ils votent. Lorsque j’ai demandé au sénateur Gold de clarifier cette question, hier, il n’a pas pu — ou n’a pas voulu — le faire, même après que j’eus posé la question à trois reprises.
Le Bloc québécois, qui s’est rallié au gouvernement libéral pour imposer la clôture et faire adopter de force par la Chambre des communes l’amendement concernant la maladie mentale, n’avait pas compris non plus ce dont il avait convenu. Dans une conférence de presse, le chef du Bloc, Yves-François Blanchet, a mentionné que tout débat concernant l’amendement relatif à la maladie mentale devrait être renvoyé à un comité spécial. D’autres députés du Bloc ont répété la croyance erronée selon laquelle la période de 24 mois prévue dans la disposition de caducité servirait à décider si la maladie mentale sera incluse ou non. Le ministre de la Justice, M. Lametti, s’est montré très évasif, cherchant, d’après ce que j’ai appris de source sûre, à apaiser un grand nombre de députés libéraux d’arrière-ban que la volte-face concernant la maladie mentale a rendus extrêmement nerveux.
Je vous demande donc, honorables sénateurs, si, en votant pour cet amendement visant à élargir l’accès à l’aide médicale à mourir, vous êtes absolument certains de ce à quoi vous vous engagez. Comme dans le cas du suicide assisté, il n’y a pas de retour en arrière possible. Ne vous y méprenez pas, cet amendement ne donnera pas aux parlementaires davantage de temps pour débattre du bien-fondé d’appliquer à la maladie mentale l’aide médicale à mourir; tout ce qu’il nous donnera, c’est un manuel d’instruction. Cependant, les conséquences qu’aura le projet de loi sur les Canadiens les plus vulnérables, en particulier ceux qui souffrent de maladie mentale, seront incommensurables et irréversibles.
Certains sénateurs soutiennent que l’aide médicale à mourir et le suicide sont deux choses complètement différentes. Je suis en total désaccord avec eux. La seule différence, c’est que le suicide implique de s’enlever soi-même la vie et que l’aide médicale à mourir, elle, est prodiguée par un professionnel de la santé. Comme l’a souligné le Dr John Maher :
Ceux qui affirment que le suicide est impulsif et violent alors que l’aide médicale à mourir est mûrement réfléchie, paisible et digne définissent de façon arbitraire ce qu’est le suicide [...] Le suicide consiste à prendre des mesures pour s’enlever la vie, peu importe ce que sont ces mesures.
On pouvait également lire ce qui suit dans un article paru dans le site Web de l’organisme National Right to Life News :
Dans 75 % des cas, les gens ont planifié leur suicide avec soin, en tenant compte de la portée que leur acte aura pour les premiers répondants et les autres. Dire que tous les suicides sont des actes impulsifs et violents commis parce que la personne n’avait pas d’autre choix est erroné et ne fait que perpétuer les stéréotypes propagés par les médias. Ce qui est évident, c’est que le suicide cause une douleur atroce aux proches. La façade des soins médicaux de confort et le prétexte mutuel d’exonération morale que promet la cérémonie de l’aide médicale à mourir ne font rien pour atténuer cette peine. En fait, le sentiment d’avoir été trahi par la médecine et par l’État peut même l’envenimer.
Je ne suis absolument pas convaincue que le recours à l’aide médicale à mourir pour les personnes souffrant de troubles mentaux serait mieux pour les familles, comme certains sénateurs l’ont affirmé. Je ne sais que trop bien ce que signifie appartenir à une famille où il y a eu un suicide, et je peux vous assurer que ma peine n’aurait pas été moins déchirante si le suicide assisté avait été une option dans le cas de mon mari. Je suis certaine que j’aurais accusé le gouvernement d’être horrible et dénué de compassion et les médecins d’être incompétents pour lui avoir proposé la mort comme option.
Il y a quelques semaines, j’ai donné une entrevue au sujet de l’élargissement de l’admissibilité au suicide assisté aux personnes souffrant de troubles mentaux. C’était en Saskatchewan, à la tribune radiophonique « John Gormley Live » Des auditeurs ayant souffert de troubles mentaux ont déclaré qu’ils auraient eu recours à l’aide médicale à mourir si cette possibilité leur avait été offerte à l’époque. Or, aujourd’hui, ils sont rétablis et vivent une vie enrichissante. Un auditeur appelé Tom a déclaré :
Si l’émotion me serre la gorge et m’empêche momentanément de parler, ne coupez pas la communication... Je souffre de troubles mentaux depuis près de 40 ans. J’ai envisagé le suicide à plus d’une reprise. Ce n’est pas une situation facile... Parfois, je souhaite vraiment avoir cette possibilité, mais d’autres fois, je me réjouis de ne pas l’avoir eue parce que j’aurais pu prendre cette décision.
Une auditrice, Erica, a dit :
J’arrête ma voiture, j’envoie des messages textes et je suis en larmes. Lorsque j’étais une jeune femme de 20 ans, j’ai particulièrement souffert d’une maladie mentale et j’ai été hospitalisée pendant des mois... J’étais une jeune femme qui avait encore toute la vie devant elle et j’ai perdu ma famille parce qu’elle ne pouvait plus s’occuper de moi... Un thérapeute a dit que je ne pourrais plus jamais vivre de façon autonome... Je n’avais aucune envie de vivre. Et puis j’ai fini par trouver le bon traitement, le bon médicament, et une raison de vivre. Vingt-cinq ans plus tard, je suis pleine de gratitude pour la vie qui m’a été donnée. Je suis une bonne mère pour mes enfants. Je possède deux diplômes. J’ai un emploi. Je suis propriétaire d’une maison... Enfin, je ne suis plus jamais tombée malade depuis que j’ai reçu le traitement adéquat.
Jeff a texté ce qui suit :
Je m’oppose totalement à ce projet de loi visant à autoriser le suicide assisté pour les personnes atteintes de maladie mentale. J’ai maintenant peur pour mon fils. Il y a plusieurs années, il nous a suppliés pendant des mois de l’emmener en Europe pour qu’il puisse mettre fin à sa vie. En effet, le suicide assisté avait alors été légalisé dans certains pays. Mon fils a essayé différents médicaments. Son état est désormais plutôt stable. Mais s’il fait une rechute, ou s’il cesse de prendre ses médicaments, ce qui arrive souvent, le suicide assisté sera-t-il désormais une option à sa portée?
Lorne, un autre citoyen qui s’intéresse à ce débat, m’a envoyé un courriel pour exprimer sa frustration. Il m’a écrit :
J’ai consulté mon médecin pour qu’il me renvoie à un spécialiste pouvant m’aider à combattre ma dépression. Il a augmenté le dosage de mes médicaments.
Il m’a fallu attendre un mois, c’est-à-dire jusqu’à aujourd’hui, pour recevoir un appel d’un conseiller. Il a téléphoné pour annuler le rendez-vous. Les rendez-vous en personne ne sont pas possibles en raison de la COVID-19.
Le conseiller à l’accueil m’a dit que je verrais un psychiatre dans quelques mois et n’a pas pu me donner de date.
Puis le gouvernement veut tuer des gens comme nous?
Ce sont ces gens que je défends dans ce dossier. Ce sont leurs voix que j’essaie toujours de faire entendre au cours du débat. Je ne cesserai jamais de me battre pour eux. Maintenant que le Parlement a ouvert la boîte de Pandore, où nous dirigeons-nous?
Très peu de pays ont approuvé le recours à l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes de maladie mentale. Cependant, parmi ceux qui l’ont fait, la dépression et l’anxiété sont souvent citées comme les principales raisons invoquées pour demander cette aide. Aux Pays-Bas, l’aide médicale à mourir pour des motifs psychiatriques a été accordée à des patients atteints de divers troubles psychiatriques, notamment la toxicomanie, les troubles de l’alimentation, l’autisme, le deuil prolongé, les troubles obsessionnels-compulsifs, la kleptomanie et l’hypocondrie. Dans le cadre d’une étude, 56 % des patients atteints de maladie mentale avaient refusé au moins un traitement. En 2019, 34 cas d’euthanasie ont été pratiqués simultanément sur les deux membres d’un couple.
Au cas où il y aurait des doutes sur l’avenir de cette question au Canada, le ministre Lametti a récemment déclaré que « [...] nous allons aller de l’avant avec la question des maladies mentales et la question des mineurs à la prochaine étape ».
La « question des mineurs »? Les enfants représentent la prochaine étape. C’est choquant.
Il ne fait aucun doute dans mon esprit que le projet de loi C-7 sera jugé inconstitutionnel parce qu’il est discriminatoire à l’égard des personnes handicapées. Voyons si le ministre Lametti accepte aussi facilement qu’il a accepté l’arrêt Truchon la décision d’un tribunal inférieur contestant la constitutionnalité de ce projet de loi.
Honorables sénateurs, la semaine dernière, je me suis réveillée le lendemain de l’adoption par la Chambre des communes du projet de loi sur le suicide assisté, le projet de loi C-7, en me disant : « S’agissait-il d’un cauchemar? Est-ce que cela a vraiment eu lieu hier soir? » J’ai syntonisé CPAC, et la chaîne diffusait les audiences du Comité sénatorial des affaires juridiques sur le projet de loi. À l’écran, j’ai vu le visage de Jonathan Marchand, une personne handicapée qui, lors de son témoignage, a comparé sa vie dans un établissement de soins de longue durée à celle d’un détenu en prison. Il nous a implorés de ne pas adopter le projet de loi, étant donné qu’il fera subir aux Canadiens handicapés encore plus de discrimination en leur permettant d’accéder plus facilement à une mort certaine plutôt que de leur fournir l’aide dont ils ont besoin pour vivre.
Voir le visage de M. Marchand m’a rendue encore plus triste. Non seulement le Parlement a laissé tomber M. Marchand et les millions de Canadiens comme lui en adoptant le projet de loi C-7, mais le Sénat — et la Chambre des communes maintenant — a ouvert grand la porte aux Canadiens atteints de maladie mentale en élargissant l’accès au suicide assisté.
Honorables sénateurs, si vous votez en faveur du projet de loi, j’espère que vous prendrez le temps de penser aux visages des nombreux Canadiens à qui vous tournez le dos. Vous voulez offrir aux Canadiens une belle mort, mais pourquoi ne pas leur donner plutôt les moyens d’une belle vie? L’aide médicale à mourir peut mettre fin à une vie qui se détériore, mais elle écarte aussi la possibilité d’une vie meilleure. Nous ne pouvons pas abandonner les Canadiens vulnérables. S’il vous plaît, ne votez pas pour mettre fin à leur vie.
Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le message concernant le projet de loi C-7.
Je serai brève. Je crois que les sénateurs et le Sénat ont marqué des points.
Tous les amendements du Sénat sont abordés d’une manière ou d’une autre dans le message. Le gouvernement n’a pas accepté l’amendement du sénateur Dalphond visant à préciser le libellé, mais l’examen indépendant qui est prévu tiendra compte des préoccupations du sénateur, comme celui-ci l’a indiqué hier.
En ce qui concerne l’amendement sur les directives anticipées, la sénatrice Wallin en a parlé avec éloquence hier; je n’ai pas besoin de répéter ce qu’elle a dit.
Les trois autres amendements envoyés à l’autre endroit ont été acceptés, bien qu’ils aient été modifiés pour amender davantage le texte du projet de loi.
Dans tous les cas, je crois que le gouvernement a pris en considération les préoccupations du Sénat. Je tiens à féliciter les sénateurs pour le travail qu’ils ont accompli.
Bien que le message ne soit pas exactement ce que j’espérais, et je suis sûre que d’autres sont du même avis, l’essentiel de nos préoccupations a été pris en compte. Autrement dit, nous avons fait part de nos préoccupations à la Chambre des communes, qui les a examinées et a accepté une partie de nos propositions.
Je vais maintenant aborder la question de la modification du processus d’examen. Comme vous le savez, j’ai appuyé l’amendement proposé par le sénateur Tannas qui demandait un échéancier serré pour l’examen des dispositions du Code criminel. Après avoir entendu 81 témoins lors de l’étude préalable et 64 autres témoins lors de l’étude du projet de loi, il est évident que de plus amples discussions doivent avoir lieu, surtout dans le contexte où l’examen parlementaire qui devait être amorcé en juin 2020 n’a toujours pas eu lieu.
À mon avis, les modifications détaillées que le gouvernement a apportées aux amendements du sénateur Tannas démontrent sa volonté ferme de mettre sur pied un comité mixte afin de lancer l’examen parlementaire. Il est clair que le gouvernement a entendu l’appel, qui a notamment été réitéré par de nombreux témoins, et il l’a pris au sérieux.
Comme les sénateurs s’en souviendront, la version initiale de l’amendement proposé par le sénateur Tannas comportait certains points : un comité mixte composé de 5 sénateurs et de 11 députés; 1 poste de présidence occupé par un sénateur; une période de 30 jours accordée après la sanction royale pour mettre sur pied le comité; et une obligation de présenter un rapport au plus tard 180 jours après la date de création du comité.
Le gouvernement a accepté cette idée d’un comité mixte, mais il a réduit le nombre de députés, le faisant passer de 11 à 10. Cette proportion est plus avantageuse pour le Sénat et j’appuie ce changement. Rien n’a été changé en ce qui concerne le poste de coprésidence pour un sénateur et la mise sur pied du comité au plus tard 30 jours suivant la sanction royale du projet de loi C-7.
Le gouvernement a apporté des changements à certaines dispositions de l’examen. Il a apporté des précisions quant au nombre de députés de chaque caucus et au quorum pour les votes ou pour entendre des témoignages. En ce qui a trait au Sénat, nous devons décider nous-mêmes de nos membres. Le gouvernement a aussi reporté la date limite du dépôt du rapport à une année au lieu des 180 jours proposés dans l’amendement du sénateur Tannas. À mon avis, c’est acceptable, car je crois que le gouvernement tient à avoir le rapport parlementaire entre les mains comme outil d’information lors de l’élaboration des nouvelles dispositions qui s’imposeront.
Pour faire suite à la question posée hier par le sénateur Tannas à la sénatrice Petitclerc, je suis déçue que le gouvernement n’ait pas accepté la disposition qui aurait garanti que les prochains gouvernements poursuivront l’examen. Le plus grand changement aux dispositions de l’examen se trouve dans le nouvel article 5(1), qui dit ceci :
Un examen approfondi des dispositions du Code criminel concernant l’aide médicale à mourir et de l’application de celles-ci, notamment des questions portant sur les mineurs matures, les demandes anticipées, la maladie mentale, la situation des soins palliatifs au Canada et la protection des Canadiens handicapés, est fait par un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes.
Ce nouveau libellé est certainement le bienvenu, car il élargit l’examen pour y inclure les sujets d’étude des dispositions d’examen prévues au projet de loi C-14. Essentiellement, cela applique l’ensemble de cet autre examen au projet de loi C-7, y compris les soins palliatifs, dont nous avons beaucoup entendu parler. La nouvelle version contient maintenant des précisions sur la date du début de l’examen et la composition du comité mixte.
À noter que les Canadiens handicapés seront inclus dans l’examen, ce qui représente un ajout important. L’examen prévu est maintenant plus strict que celui que prévoyait le projet de loi C-14, à mon avis, et nous avons maintenant un échéancier clair et beaucoup de sujets cruciaux à examiner. C’était exactement ce que nous souhaitions accomplir grâce à cet amendement, honorables sénateurs. Nous avons demandé un dispositif, et nous en avons obtenu un.
Comme le sénateur Gold l’a dit pendant les débats précédents sur l’amendement du sénateur Tannas, le Sénat aurait pu prendre l’initiative de lancer un examen, un point sur lequel le sénateur s’était renseigné. Je crois toutefois qu’un comité mixte est préférable. Les deux Chambres du Parlement ont consacré d’innombrables heures de travail au projet de loi C-7 et, de façon plus générale, à l’aide médicale à mourir. Ce travail continuera puisque, à partir de maintenant, les modifications apportées au régime d’aide médicale à mourir découleront en partie des résultats de l’examen et que s’il y a un autre projet de loi un jour, il sera probablement débattu à la Chambre dans un premier temps. Le recours à un comité mixte reflète mieux notre rôle complémentaire que ne le ferait le recours à un comité sénatorial spécial auquel ne participeraient pas les élus de la Chambre des communes.
Honorables sénateurs, nous ne reverrons peut-être pas d’autres situations dans lesquelles nous préoccupations sont prises en compte comme elles le sont aujourd’hui. L’aide médicale à mourir est un sujet difficile, controversé et rempli de défis, qui suscite des points de vue divergents tant à l’intérieur du Sénat que dans la population. Certaines de nos préoccupations, des préoccupations du Sénat, ont été prises en compte. Il est temps d’ouvrir la voie à la prochaine étape du travail. Merci, meegwetch.
Honorables sénateurs, je parlerai aujourd’hui du message que l’autre endroit nous a fait parvenir au sujet du projet de loi C-7, qui modifie les dispositions du Code criminel portant sur l’aide médicale à mourir, et je vous expliquerai pourquoi je suis dans l’impossibilité de l’appuyer.
Notre tâche première, à nous parlementaires, consiste à étudier les projets de loi, à en débattre et à les amender au besoin. Pour ce faire, nous devons tenir compte de deux éléments fondamentaux de chacun des textes législatifs qui nous sont soumis : leur principe et leur portée.
Le « principe » correspond « à l’objet [du projet de loi] ou à la fin qu’il vise à réaliser ». Selon le guide de la Chambre des communes sur l’amendement des projets de loi et La Procédure du Sénat en pratique :
Le principe du projet de loi est établi lors de son adoption à l’étape de la deuxième lecture. Tout amendement qui contredit le principe du projet de loi est irrecevable.
La « portée », elle, correspond :
[...] aux paramètres fixés par le projet de loi pour atteindre les buts ou objectifs visés, ou aux mécanismes généraux envisagés pour parvenir aux fins voulues.
Comme le Président Kinsella l’a rappelé au Sénat dans la décision qu’il a rendue le 9 décembre 2009 et qui guide depuis les délibérations de notre assemblée :
[Un] amendement respecte le principe et la portée du projet de loi en plus d’être pertinent.
Ce principe est énoncé à la page 141 de La Procédure du Sénat en pratique :
Il existe un principe fondamental : « le vote de la Chambre en faveur du principe du projet de loi, lors de son adoption en deuxième lecture, lie le comité. Il ne doit pas, par conséquent, proposer des amendements qui portent atteinte à ce principe. »
Dans mon propre discours à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-7, j’ai décrit le contexte historique qui a précédé la présentation de cette mesure législative et pressé le Sénat de continuer à se concentrer sur l’unique objectif du projet de loi C-7, c’est-à-dire de donner suite à la décision de la Cour supérieure du Québec. La tâche qui nous incombait était claire : il fallait trouver comment se conformer à la décision Truchon de manière à respecter l’autonomie, la liberté et la dignité de personnes compétentes souffrant d’une maladie grave et irrémédiable tout en protégeant les plus vulnérables.
Pourtant, au cours des dernières semaines, nous avons été bien au-delà de cette tâche et présenté des amendements dont on peut dire qu’ils dépassent à la fois le principe et la portée du projet de loi C-7 dont nous étions saisis.
Honorables sénateurs, des modifications qui changent considérablement le régime canadien d’aide médicale à mourir prescrit en 2016 requièrent une étude et un examen sérieux. C’est pour cette raison que nous avons amendé le projet de loi C-14 afin d’inclure deux importantes dispositions.
La première porte sur la réalisation d’un examen indépendant, mené par le ministre de la Justice et la ministre de la Santé, sur les questions liées aux demandes d’aide médicale à mourir présentées par les mineurs matures et aux demandes où la maladie mentale est la seule condition médicale évoquée.
La deuxième disposition concerne la mise sur pied d’un comité du Sénat, de l’autre endroit, ou des deux Chambres du Parlement, cinq ans après que la loi a reçu la sanction royale, afin d’examiner les dispositions du projet de loi C-14 et la situation des soins palliatifs au Canada.
Honorables sénateurs, il est important de noter que la première disposition est déjà chose faite.
Le 12 décembre 2018, le Conseil des académies canadiennes a diffusé les trois rapports finaux du groupe d’experts, portant sur chacun des types de demande : L’état des connaissances sur l’aide médicale à mourir pour les mineurs matures, L’état des connaissances sur les demandes anticipées d’aide médicale à mourir et L’état des connaissances sur l’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est le seul problème médical invoqué.
Les rapports finaux du groupe d’experts tiennent compte d’un large éventail de connaissances, d’expériences et de perspectives provenant de professionnels de la santé, de diverses disciplines et de groupes de défense. Ces rapports devaient servir de point de départ à l’examen quinquennal obligatoire, qui devait commencer à l’été 2020.
Honorables sénateurs, nous ne pouvons pas ignorer nos responsabilités de parlementaires et de législateurs, ni y renoncer. Nous devons examiner les trois rapports finaux du groupe d’experts publiés par le Conseil des académies canadiennes, et avoir l’assurance, avant tout, que nous avons rempli nos obligations par rapport aux dispositions du projet de loi C-14.
L’amendement d’une nouvelle mesure législative pour exercer un pouvoir accordé par une mesure législative déjà en vigueur — dans ce cas-ci, l’examen quinquennal obligatoire du projet de loi C-14 — sape dans mon esprit l’autorité du Parlement et crée un dangereux précédent.
Chers collègues, voilà pourquoi je n’ai pas appuyé le projet de loi C-7 tel qu’amendé par le Sénat à l’étape de la troisième lecture, et voilà pourquoi je ne peux pas en appuyer la version proposée dans le message de la Chambre. Merci.
Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre encore la parole à l’occasion de l’étude de la réponse de la Chambre des communes au projet de loi C-7 sur l’aide médicale à mourir. Je tiens d’abord à souligner que nous avons tenu d’excellents débats dans cette Chambre, de façon très sereine et très responsable. Le projet de loi C-7 a été renvoyé à la Chambre des communes après que le Sénat a apporté plusieurs amendements qui ont étendu de manière significative la portée du projet de loi qui a été adopté par l’autre endroit.
Le Sénat a adopté cinq amendements qui ont traité de deux principaux sujets , soit l’exclusion de l’aide médicale à mourir pour les personnes dont la maladie mentale est la seule raison invoquée et les demandes anticipées pour les personnes souffrant de maladies neurocognitives.
L’amendement le plus important à mes yeux et aux yeux de la population, avant qu’il soit refusé par l’autre endroit, était celui qui concerne les troubles neurocognitifs. À cet effet, j’ai reçu des dizaines de témoignages très émouvants de personnes qui souffrent de la maladie d’Alzheimer, qui ne comprennent pas, encore aujourd’hui, qu’on puisse laisser des familles dans la souffrance pour des périodes qui se comptent parfois en années. De plus, ces personnes m’ont dit qu’elles n’avaient aucunement l’intention de vivre dans une dépendance totale vis-à-vis de leurs proches. Ces patients souhaitent être libérés de leurs souffrances dans la dignité et, malheureusement, ce projet de loi fait le contraire en les condamnant à une mort déshumanisée.
Dans un article paru dans Le Devoir le 12 mars dernier, le Dr Georges L’Espérance a écrit ce qui suit :
Les maladies neurodégénératives cognitives sont un problème organique physique dégénératif à composante symptomatique cognitive ; les gens qui en souffrent ont une espérance de vie limitée et relativement connue ; le pronostic est connu ; leur symptomatologie est toujours progressive ; les balises, en ce qui les concerne, sont assez faciles à établir ; l’appui sociétal à leur égard est quasi unanime. On peut citer, comme exemples, la maladie de Parkinson ou la maladie d’Alzheimer, parmi les plus connues.
En refusant d’autoriser le recours aux demandes anticipées, notre Parlement a condamné ces personnes à vivre des années remplies d’inquiétude et à chercher des solutions alternatives, comme le suicide; surtout, on prive ces personnes d’un droit qui leur est reconnu dans ce projet de loi.
Depuis deux mois, j’accompagne un patient atteint de la maladie d’Alzheimer, et celui-ci m’a permis de parler de nos discussions. Il s’appelle Yves Monette. Il est né dans les années 1960, mais il ne s’en souvient plus beaucoup. Atteint de la maladie d’Alzheimer depuis près de cinq ans, son état s’est dégradé récemment pour atteindre une phase de démence. Il est devenu incontinent, ce qui provoque chez lui bien des moments de dépression. Il compte aller en Suisse pour obtenir l’aide médicale à mourir, car il est un autre oublié de ce projet de loi. Ainsi, il devra dépenser toutes les économies qu’il a accumulées au cours de sa vie pour avoir le droit de mourir dans la dignité, et ce, à l’étranger, loin de sa famille.
Yves m’écrit tous les jours et, souvent, je dois déchiffrer ses mots pour comprendre ses pensées. Toutefois, je comprends bien sa souffrance et sa déception de ne pas avoir été entendu, comme celles de Sandra Demontigny et de dizaines d’autres personnes qui m’ont parlé de leurs souffrances et, surtout, de leur grande appréhension de ne pas être en mesure de mourir dignement. Ils ne comprennent tout simplement pas.
Je trouve regrettable que le gouvernement n’ait pas davantage pris en compte la disposition du projet de loi C-14 qui prévoyait d’étudier en détail les demandes anticipées. Depuis maintenant cinq ans, chers collègues, nous voyons autour de nous des personnes mourir de la maladie d’Alzheimer ou de démence, et ces personnes n’ont aucun pouvoir qui leur permettrait d’exercer un contrôle sur la fin de leur vie. Leurs familles sont condamnées à assister au déclin de leurs fonctions et à les voir mourir dans la souffrance. Ce projet de loi étend la souffrance de ces personnes à toute leur famille, alors qu’elles souhaitent à tout prix les en épargner.
Le projet de loi C-7 était, selon moi, une occasion de régler la question des demandes anticipées, ce qui aurait permis à ces nombreuses personnes de choisir la façon dont elles souhaitent mourir, en paix avec elles-mêmes et leurs familles. Malheureusement, le gouvernement en a décidé autrement et il a préféré rejeter l’amendement de la sénatrice Wallin, visant à inclure les demandes anticipées dans le projet de loi. Le gouvernement prévoit réévaluer cette question dans le cadre de l’examen parlementaire du projet de loi C-14, qui, normalement, devrait commencer cette année. Toutefois, comme vous le savez, nous sommes déjà au mois de mars. Avec la pandémie et les rumeurs d’élections, il est possible que l’examen parlementaire soit retardé. Cela risque d’accentuer la souffrance de nombreux patients qui avaient l’espoir de mourir dignement grâce au projet de loi C-7.
Je m’oppose également à la façon dont le gouvernement a choisi de mettre fin aux discussions sur le projet de loi C-7 à l’autre endroit. En effet, le ministre de la Justice a proposé une motion de clôture pour mettre fin au débat afin que le projet de loi soit immédiatement renvoyé au Sénat. Comme je le disais au début de mon discours, le Sénat a renvoyé le projet de loi à la Chambre des communes en lui donnant une portée plus large que celle qui était prévue à l’origine.
Le gouvernement a accepté l’amendement du sénateur Kutcher, mais en apportant une modification qui prévoit la fin de l’exclusion pour les personnes atteintes de troubles mentaux dans deux ans. Les partis de l’opposition, sauf le Bloc québécois, ont réclamé un délai supplémentaire pour étudier cet amendement en profondeur, car il s’avérait, à leur avis, discutable. Afin de faire leur travail correctement, les parlementaires ont besoin de temps pour traiter de sujets aussi délicats que celui de l’aide médicale à mourir. À ce chapitre, ma pensée a beaucoup évolué depuis quelques semaines, après les nombreux messages que j’ai reçus de la part de personnes qui ont souffert de maladies psychologiques et de familles dont un proche est atteint d’une pathologie de ce genre. Contrairement aux maladies neurodégénératives, je constate que le consensus médical et social n’est pas au rendez-vous, et qu’il nous reste beaucoup de chemin et de recherche à faire avant d’établir une ligne de conduite permettant d’éviter toute forme de dérapage, surtout pour les personnes les plus vulnérables.
Le Conseil des académies canadiennes (CAC) a été consulté sur le projet de loi. Dans son rapport intitulé L’état des connaissances sur l’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est le seul problème médical invoqué, le CAC a consacré un chapitre entier au profil des personnes souffrant de troubles mentaux. Ce rapport montre à quel point le portrait de ces personnes est complexe sur les plans juridique et médical. J’aimerais vous citer certains passages du rapport :
Parce que les troubles mentaux sont divers et hétérogènes, et parce qu’ils affectent les personnes de différentes façons, les implications de chaque critère d’admissibilité varient d’une personne à l’autre. Cette variabilité est également liée aux réseaux de soutien individuel des personnes. L’évolution d’un trouble mental et son impact reposent donc sur une interaction complexe entre le trouble, la personne et son environnement social.
L’amendement du Sénat, qui a été adopté par le ministre de la Justice, me semble aujourd’hui poser un certain risque, soit celui de conduire des personnes vers une mort qui, selon moi, ne devrait pas être une solution pour mettre fin à leurs souffrances. La science médicale évolue à grands pas dans le traitement de ces maladies, et la barrière entre ce qui est incurable et curable me semble bien trop mince pour décider aujourd’hui que, dans deux ans ces patients, pourraient avoir recours à l’aide médicale à mourir.
J’aimerais vous citer un autre extrait du rapport du Conseil des académies canadiennes. Il se lit comme suit :
L’évaluation de la capacité décisionnelle des personnes atteintes de troubles mentaux, en ce qui a trait à [l’aide médicale à mourir] pose un défi unique : leur désir de mourir pourrait être un symptôme de leur état [...]. Bien que la plupart des personnes atteintes de troubles mentaux ne veuillent pas mourir, les idées suicidaires sont un symptôme courant de certains troubles mentaux (p. ex. trouble dépressif majeur). Bien sûr, le désir de mourir peut aussi refléter la décision autonome et mûrement réfléchie d’une personne de mettre fin à ses jours, même si elle est atteinte d’un trouble mental. Le désir de mourir chez une personne atteinte d’un trouble mental n’est pas nécessairement pathologique ou non autonome. Cependant, il peut être difficile, même pour des cliniciens expérimentés, de faire la distinction entre (i) une décision autonome et mûrement réfléchie de mourir chez une personne atteinte d’un trouble mental et (ii) un désir pathologique de mourir qui est un symptôme du trouble mental de cette personne.
Mes réticences s’appuient également sur le fait que les députés, et même notre Chambre, ont pris très peu de temps pour traiter de ce sujet. Cet amendement est si important, et les impacts sont si grands qu’il aurait dû être modifié en obligeant le gouvernement, après cette période de deux ans, à présenter une modification législative qui obligerait les deux Chambres à tenir des audiences publiques sur le sujet. À mon avis, ce projet de loi modifié aura deux conséquences pour la population. Premièrement, il fera du Canada le pays le plus permissif en matière d’aide au suicide. Deuxièmement, ce projet de loi, une fois adopté, entretiendra chez plusieurs citoyens et citoyennes la perception selon laquelle l’aide médicale à mourir est une simple formalité.
Pour toutes ces raisons, et par solidarité vis-à-vis des personnes qui ont placé leur confiance en nous pour écouter leurs souhaits, je ne peux pas accepter le message de l’autre endroit.