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Projet de loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial

Recours au Règlement--Report de la décision de la présidence

26 septembre 2024


L’honorable Marty Klyne [ + ]

Honorables sénateurs, quand la séance a été levée, hier, j’étais en train d’expliquer pourquoi ce rappel au Règlement devait être refusé. Comme je le disais, s’il était accepté, il restreindrait considérablement le pouvoir législatif du Sénat comparativement à ce qu’il peut faire aujourd’hui.

Effectivement, ce recours au Règlement risquerait de rendre inadmissibles de nombreux projets de loi émanant du Sénat, projets de loi d’intérêt privé du Sénat, amendements du Sénat et projets de loi d’initiative parlementaire à la Chambre des communes. J’ai expliqué que le projet de loi S-15 ne comportait aucune dépense directe et j’avais commencé à parler des éventuelles dépenses indirectes. Je poursuis où j’en étais rendu.

D’après le recours au Règlement, les dépenses indirectes entraînées par le projet de loi S-15 seraient nécessairement d’une ampleur telle qu’elles exigeraient l’obtention d’une recommandation royale et la présentation du projet de loi à la Chambre des communes en premier lieu.

Comme l’a souligné le porte-parole du projet de loi, la décision de la présidence du 24 février 2009 donnée à la page 154 de La procédure du Sénat en pratique explique le cadre employé pour déterminer si une recommandation royale à la Chambre des communes est nécessaire. Ce cadre doit être employé s’il est question d’appropriation du revenu public ou de la création de taxes aux termes de l’article 54 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Voici une longue citation :

[...] il faut prendre en considération divers critères pour déterminer si un projet de loi doit être accompagné d’une recommandation royale. Premièrement, il faut établir si le projet de loi renferme une disposition portant directement affectation de crédits. Deuxièmement, une disposition prévoyant des dépenses nouvelles qui ne sont pas déjà autorisées dans la loi devrait normalement être accompagnée d’une recommandation royale. Troisièmement, un projet de loi visant à élargir l’objet d’une dépense déjà autorisée devra, la plupart du temps, être accompagné d’une recommandation royale. Enfin, la recommandation royale sera normalement nécessaire pour une mesure qui étend des prestations ou assouplit les conditions d’admissibilité à des prestations.

Par ailleurs, une recommandation ne sera probablement pas nécessaire dans le cas d’un projet de loi qui ne fait que structurer la façon dont un ministère ou un organisme exécute des fonctions déjà autorisées dans la loi, sans ajouter de nouvelles tâches. De même, cette exigence ne s’appliquera probablement pas dans le cas d’un projet de loi qui occasionne seulement des petites dépenses d’ordre administratif à un ministère ou à un organisme.

La liste des facteurs énumérés … n’est pas exhaustive, et chaque projet de loi doit être évalué en fonction de ces points et des autres facteurs en jeu. On ne peut certes pas affirmer que tous les projets de loi qui ont des répercussions financières quelconques requièrent nécessairement une recommandation royale. Lorsqu’il est confronté à ces questions, le Président doit examiner le texte même du projet de loi, et se référer au besoin à la loi-cadre.

Lorsque la situation est ambiguë, certains Présidents du Sénat ont préféré supposer que la question était recevable, à moins d’indication contraire ou jusqu’à preuve du contraire. Ce parti pris en faveur du débat, sauf lorsque la question est clairement irrecevable, est essentiel au maintien du rôle du Sénat en tant que chambre de discussion et de réflexion.

En ce qui concerne le projet de loi S-15, La procédure du Sénat en pratique prévoit également ce qui suit :

Les projets de loi n’occasionnant que des petites dépenses d’ordre administratif ou [de légers] inconvénients, plus particulièrement si elles sont liées de près à l’objet d’une loi en vigueur, peuvent ne pas nécessiter de recommandation royale [...]

Comme je l’expliquerai, le projet de loi S-15 n’impose aucune dépense indirecte intrinsèque. Plus important encore, à la discrétion du gouvernement, il suffit que toute dépense indirecte appartienne à la catégorie des dépenses administratives autorisées ou des inconvénients, et le projet de loi ne nécessiterait pas de recommandation royale. En outre, toute dépense pourrait être recouvrée en percevant des frais liés aux demandes ou aux permis afin qu’il n’y ait aucun coût net.

Sur ce point, nous devons considérer la substance du projet de loi avant de revenir au rapport du directeur parlementaire du budget. Le projet de loi S-15 interdit l’acquisition, la reproduction, l’importation ou l’exportation d’éléphants et de grands singes, à moins qu’un permis ait été délivré dans l’intérêt supérieur de ces animaux, pour leur conservation ou pour la recherche scientifique.

Le ministre de l’Environnement ou un gouvernement provincial serait en mesure de délivrer de tels permis, sauf pour le commerce international, un domaine relevant exclusivement de la compétence fédérale.

Le ministre pourrait délivrer les permis fédéraux pertinents en vertu de l’autorité proposée dans la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial. Il convient de noter que cette loi accorde déjà au gouvernement des pouvoirs de réglementation et d’autorisation pour l’importation, l’exportation et la possession d’espèces sauvages aux articles 6, 8, 10 et 21, y compris les éléphants, les grands singes et d’autres espèces.

En outre, les modifications apportées par le projet de loi S-15 sont étroitement liées à l’objectif de la loi existante, énoncé à l’article 4 de la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial :

[...] la protection de certaines espèces animales et végétales, notamment par la mise en œuvre de la Convention et la réglementation de leur commerce international et interprovincial.

Je veux mettre l’accent sur le mot « protection ». La protection comprend la protection des animaux sauvages contre la cruauté. Par exemple, dans son application actuelle, la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial empêche de façon générale l’importation d’animaux appartenant à des espèces en péril capturés dans la nature. Assurément, il est cruel de capturer un éléphant ou un grand singe et de les arracher à leur milieu naturel pour les exhiber en captivité.

En outre, l’année dernière, Environnement Canada a ajouté des restrictions concernant l’ivoire d’éléphant et les cornes de rhinocéros dans la réglementation de la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial. En plus de favoriser la conservation, la protection des éléphants et des rhinocéros contre l’abattage — entre autres lorsque l’abattage se fait de façon inhumaine ou traumatisante pour les autres éléphants qui ont vu le massacre des membres de leur famille — est liée à la protection des animaux sauvages contre la cruauté. C’est de la protection.

En ce qui concerne le contenu du projet de loi, je souligne également que le projet de loi S-15 interdirait l’utilisation d’éléphants et de grands singes dans des spectacles. Il ne serait pas possible d’obtenir un permis pour le faire.

Le directeur parlementaire du budget a informé mon bureau que l’application par les policiers, par les agents des services frontaliers, etc., des interdictions, notamment des restrictions liées au droit pénal ou au commerce, n’était pas considérée comme étant une dépense. D’ailleurs, il n’est pas rare que le Sénat établisse ou modifie des interdictions au moyen de projets de loi ou de modifications de la législation.

Le directeur parlementaire du budget a également confirmé que créer, dans un projet de loi, des exigences relatives à des permis concernant des interdictions ne nécessitait pas de créer un tel cadre. Comme argument préliminaire, avant de parler de potentielles dépenses mineures, je dirais que les interdictions prévues au projet de loi S-15 pourraient exister en elles-mêmes sans que des dépenses indirectes soient encourues et sans qu’il soit question de délivrer des permis.

Par exemple, en 2019, le Parlement a adopté des interdictions pénales et commerciales visant la captivité des baleines et des dauphins à la suite d’un projet de loi du Sénat, le projet de loi S-203, et de modifications apportées par le Sénat à un projet de loi du gouvernement, le projet de loi C-68. Tout en interdisant les spectacles utilisant des baleines et des dauphins, ces mesures législatives ont permis aux provinces de délivrer des licences pour cette pratique. Cependant, elles ne signifient pas que les provinces doivent octroyer des licences ou créer un processus d’octroi de licences. Après tout, seules deux provinces possédaient des baleines ou des dauphins en captivité.

Ainsi, si le projet de loi S-15 est adopté, ni le gouvernement fédéral ni les gouvernements provinciaux ne seront obligés de mettre en place un processus d’octroi de licences pour certaines activités, comme la reproduction potentielle. Par exemple, les sept provinces qui n’ont pas en ce moment d’éléphants ou de grands singes en captivité auront-elles nécessairement besoin d’établir de tels cadres?

À ce stade préliminaire, les interdictions pourraient se suffire à elles-mêmes, sans aucune dépense indirecte liée à l’octroi de licence. En tant que tel, le projet de loi S-15 n’entraîne pas de dépenses directes. C’est un aspect technique, mais le recours au Règlement l’est aussi.

Je vais également répondre très rapidement à l’affirmation faite hier par le sénateur Plett selon laquelle il incombera au gouvernement d’enseigner aux propriétaires d’éléphants et de grands singes comment empêcher leur reproduction naturelle. Au contraire, ce sont les propriétaires actuels qui auront la responsabilité de se conformer à la loi si elle est adoptée par le Parlement, en fonction des pratiques d’élevage existantes et raisonnables, telles que la séparation ou non des animaux en âge de se reproduire selon le sexe, l’utilisation de contraceptifs ou d’autres méthodes de contrôle de la reproduction et ainsi de suite.

Je passe maintenant au rapport du directeur parlementaire du budget sur le projet de loi S-15 du 8 août 2024 et à la question des dépenses mineures potentielles. Dans ce rapport, le directeur parlementaire du budget a estimé que, sur 5 ans, l’administration du projet de loi S-15 pourrait coûter 8 millions de dollars, soit 2 millions de dollars pour chacune des 3 premières années et 1 million de dollars pour chacune des 2 années suivantes. Le directeur parlementaire du budget a confirmé à mon bureau que son estimation est fondée sur des indications d’Environnement et Changement climatique Canada, qu’il accepte avec déférence en ce qui concerne le développement, les permis, l’application des règles liées aux permis et la gestion des données.

De plus, le directeur parlementaire du budget fonde son estimation sur la position facultative du ministère de ne pas recouvrer de coûts potentiels, par exemple en appliquant des droits de licence à des organisations qui cherchent à tirer un avantage financier de l’exposition d’éléphants captifs ou de grands singes. Le directeur parlementaire du budget accepte aussi cette option avec déférence pour les fins de son estimation, même si le recouvrement des coûts est possible.

Pour illustrer mon propos, une estimation du directeur parlementaire du budget pour un précédent projet de loi sur la captivité des animaux sauvages présenté l’année dernière, soit le projet de loi S-241, chiffrait les coûts à 4 millions de dollars sur 4 ans et faisait état d’un recouvrement des coûts possible de 1 million de dollars par an. Le directeur parlementaire du budget a plus particulièrement estimé que le projet de loi S-241 serait deux fois moins coûteux à administrer que le projet de loi S-15, même s’il couvre plus de 800 espèces sauvages, y compris les éléphants et les grands singes, et que, dans le cas de certaines espèces, comme les grands félins, des milliers d’individus sont maintenus en captivité, alors que le projet de loi S-15, lui, ne couvre que les éléphants et les grands singes, des espèces qui comptent quelques dizaines d’individus en captivité. Il s’agissait d’une déclaration surprenante : le projet de loi ayant une portée plus vaste serait moins coûteux à administrer. Qui l’eût cru?

En général, le rapport du directeur parlementaire du budget sur le projet de loi S-15 semble brosser un portrait où le ministère choisirait à sa discrétion de dépenser une somme d’argent inutilement élevée pour remplir une fonction mineure liée à des fonctions existantes. Il brosse également un portrait où le ministère choisirait à sa discrétion de ne pas recouvrer les coûts auprès des organismes qui bénéficient financièrement de l’exposition d’éléphants ou de grands singes en captivité.

En Saskatchewan, cela serait qualifié de déconcertant. C’est pourquoi je suis d’accord avec les commentaires publics du cabinet du ministre Guilbeault, à savoir que les estimations du directeur parlementaire du budget pour le projet de loi S-15 sont prématurées, spéculatives et [...] qu’« aucune conclusion ne peut encore être tirée sur les implications financières futures ».

Permettez-moi d’apporter quelques précisions. Tout d’abord, le projet de loi S-15 est extrêmement similaire aux lois canadiennes sur la captivité des baleines et des dauphins, qui ont été proposées par le Sénat. Ces lois sont administrées par Pêches et Océans Canada depuis les cinq dernières années — sans controverse financière —, y compris avec un système de permis qui a été appliqué pour les exportations.

Le directeur parlementaire du budget a confirmé à mon bureau que ni lui ni Environnement et Changement climatique Canada n’ont interrogé Pêches et Océans Canada sur les coûts indirects de l’administration des lois sur la captivité des baleines et des dauphins. Le directeur parlementaire du budget a indiqué qu’Environnement et Changement climatique Canada a inclus dans ses estimations un investissement initial important pour assurer la maintenance et l’exploitation d’un nouveau système informatique de gestion des données qui sert à enregistrer et à suivre le nombre d’éléphants et de grands singes captifs au Canada. C’est pourquoi le coût déclaré est plus élevé pour les premières années. Il s’ajouterait à la proposition de l’article 6 du projet de loi S-15 pour contrôler, au moyen d’un système de notification prévu par la loi, le nombre et l’emplacement des éléphants et des grands singes au Canada.

À vrai dire, je ne comprends pas ces coûts, car on sait qu’il y a peu d’endroits avec des éléphants et des grands singes au Canada, qu’ils y sont peu nombreux et que, à l’exception du sanctuaire de la Fondation Fauna, les animaux sont visibles du public. Selon leurs sites Web et les médias, 25 éléphants vivent au Canada, soit 19 au parc African Lion Safari, 2 au Parc Safari, 3 au Zoo de Granby et 1 au Edmonton Valley Zoo. Les deux derniers zoos ne prévoient pas élever ou acquérir plus d’éléphants, alors nous pouvons considérer que ce nombre ne changera pas.

Toujours selon leurs sites Web et les médias, 30 grands singes vivent au Canada, dont 7 gorilles et 7 orangs-outans au zoo de Toronto, 7 gorilles au zoo de Calgary, 4 gorilles au Zoo de Granby et 5 chimpanzés au sanctuaire de la Fondation Fauna, qui ne prévoit pas accoupler de chimpanzés ou en acquérir d’autres.

Pour surveiller ces petites populations connues au Canada, au lieu de dépenser d’importantes sommes pour un nouveau système informatique, une feuille de calcul Excel et un appel téléphonique, un courriel ou une recherche en ligne de temps à autre semblent suffire. C’est ainsi que nous procédons en Saskatchewan. De plus, après l’entrée en vigueur de la loi, le gouvernement exigerait de recevoir des avis de naissance si des femelles concernées étaient gestantes au moment de promulguer la loi.

En ce qui concerne les coûts ordinaires, le directeur parlementaire du budget a indiqué que le ministère souhaiterait idéalement embaucher six nouveaux employés à temps plein, pour un coût annuel moyen de 140 000 $, afin d’appliquer les lois proposées sur les éléphants et les grands singes. Une fois encore, cette option discrétionnaire semble être un coût inutile. Le ministère emploie déjà du personnel pour gérer les autorisations de transport des espèces protégées par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, ou CITES, afin d’empêcher le commerce préjudiciable aux populations sauvages, y compris les éléphants et les grands singes.

Cela se fait dans le cadre des crédits existants pour l’administration de la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial qui, comme je l’ai indiqué, contient déjà des dispositions réglementaires et des autorisations pour l’importation, l’exportation et la possession d’espèces sauvages, y compris les espèces visées par le projet de loi S-15. Comme on l’a dit, l’utilité du projet de loi S-15 est étroitement liée à l’objectif de protection de cette loi. Le S-15 ajouterait simplement des interdictions et l’octroi éventuel de licences, comme dans les lois sur les baleines et les dauphins.

En ce qui concerne l’octroi de licences, comme l’a appris le comité des affaires juridiques lors de son étude du projet de loi S-15, des scientifiques, des organismes non gouvernementaux et des zoos de premier plan fournissent des conseils gratuits sur le bien-être des animaux, la conservation et la recherche scientifique concernant les éléphants et les grands singes. Le personnel actuel du ministère pourrait peut-être contacter ces experts connus du public pour obtenir des informations et conseils gratuits, comme l’a fait mon bureau.

Là encore, rien n’empêche le ministère de recouvrer les coûts, par exemple en imposant des frais de demande et de licence, comme le directeur parlementaire du budget l’a supposé dans son estimation relative au projet de loi S-241. Il s’agit d’une autre option pour atteindre la neutralité sur le plan des coûts, s’il devait y avoir des coûts indirects, comme lorsqu’un contrat est occasionnellement octroyé pour de l’expertise externe.

Le point important, ici, est que si des coûts étaient associés au projet de loi S-15, il s’agirait de dépenses mineures, d’inconvénients, ou de coûts récupérables.

Je note également que le 22 mai, au comité, en réponse à une question du sénateur Dalphond, les fonctionnaires du ministère ont confirmé que les amendements liés à « la disposition de Noé » ne coûteront rien s’ils sont adoptés par le Sénat parce qu’ils n’obligent pas le gouvernement à faire quoi que ce soit. La « disposition de Noé » permettrait simplement de se prévaloir de cette option.

Honorables sénateurs, en réfléchissant aux coûts indirects possibles et à ce rappel au Règlement, nous devrions comparer le cas du projet de loi S-15 à celui d’autres projets de loi provenant du Sénat. C’est sur ce point que, s’il aboutit, ce recours au Règlement pourrait créer un important précédent qui réduirait considérablement nos pouvoirs législatifs en ce qui concerne les projets de loi gouvernementaux provenant du Sénat, les projets de loi d’intérêt public du Sénat, les amendements du Sénat ainsi que les projets de loi des députés, qui ne sont presque jamais assortis de recommandations royales.

En ce qui concerne l’admissibilité des coûts indirects potentiels liés à des mesures législatives émanant du Sénat, voici une liste de projets de loi gouvernementaux et d’amendements afférents qui ont été présentés par le Sénat au cours des 10 dernières années : de nouveaux pouvoirs du ministre des Transports en matière de rappel de véhicules; la fin de la discrimination en fonction du genre qui figurait dans la Loi sur les Indiens, ce qui a étendu l’admissibilité au statut à des dizaines ou des centaines de milliers de personnes, changement pour lequel — selon des estimations faites en 2017 en fonction de la version du projet de loi S-3 amendée par le Sénat — le directeur parlementaire du budget a estimé un coût de 71 millions de dollars au début puis 407 millions de dollars par année; des conventions fiscales avec Taïwan, Israël et Madagascar; un cadre réglementaire pour le vapotage et des changements importants aux lois sur le tabac; des changements importants à la Loi sur la protection de l’environnement, parmi lesquels des amendements du Sénat visant l’élimination graduelle des tests chimiques sur les animaux, une pratique qui a touché 90 000 animaux en 2019 — à noter qu’Environnement et Changement climatique Canada a publié ce mois-ci l’ébauche d’une stratégie qui va dans le même sens; des changements à l’admissibilité dans le contexte de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés; une convention sur les armes chimiques; et plusieurs ententes sur l’autonomie gouvernementale des Autochtones.

En outre, songez à tous ces autres exemples où des sénateurs ont présenté des projets de loi sénatoriaux d’intérêt public : prévenir la discrimination génétique, y compris en milieu de travail; obliger le gouvernement à payer en temps opportun les sommes dont il est redevable dans le cadre de ses contrats et exiger le paiement en temps opportun des sommes dues dans le cadre des contrats de sous-traitance connexes; interdire les essais de cosmétiques sur les animaux et la vente des produits concernés; créer une loi de Magnitski pour sanctionner les auteurs étrangers de violations des droits de la personne; modifier les règles douanières pour les plaisanciers à la frontière canado-américaine; éliminer progressivement la captivité des baleines et des dauphins, avec une possibilité d’autorisation; interdire l’importation et l’exportation des nageoires de requin; mettre fin à la publicité pour les aliments malsains s’adressant aux enfants; imposer une vérification de l’âge pour la pornographie en ligne; interdire l’exportation de chevaux vivants en vue de leur abattage; créer le poste d’artiste visuel officiel du Parlement; augmenter l’utilisation du bois dans les travaux publics; interdire l’exportation des déchets plastiques; déclarer qu’un réseau atlantique de digues est fédéral; créer un conseil de l’assurance-emploi; établir l’expiration des casiers judiciaires; interdire l’importation de marchandises d’une région de la Chine; interdire aux Premières nations l’autorité de mettre sur pied des jeux; adopter une stratégie nationale sur la traite des personnes; imposer des obligations climatiques aux entités financières; avoir des étiquettes de mise en garde sur les boissons alcoolisées; mettre en place un registre des agents d’influence étrangère; autoriser les demandes anticipées d’aide médicale à mourir; et faire de nombreux autres changements.

Sénateurs, nous devons faire preuve de cohérence à cet égard. Les Canadiens nous regardent.

Compte tenu du fait que ces projets de loi proviennent du Sénat, le projet de loi S-15 constitue-t-il un cas extraordinaire en ce qui concerne les coûts indirects potentiels? Dans ce contexte, et étant donné le précédent relatif aux baleines et aux dauphins, la possibilité que le projet de loi S-15 engendre des coûts indirects est‑elle si évidente qu’il nous serait interdit d’en débattre et de nous prononcer à son sujet? Le dénombrement des animaux que je viens d’énumérer représente-t-il vraiment une tâche de plusieurs millions de dollars?

Sénateurs, la responsabilité financière du projet de loi S-15 n’est pas une affaire classée. Même si c’était le cas, le Sénat présume que le projet de loi S-15 est recevable, comme il est indiqué dans la citation que j’ai lue plus tôt.

Je vais répéter le principe central du Sénat qui est indiqué dans notre principale référence. À la page 83 de l’ouvrage La procédure du Sénat en pratique, on peut lire ce qui suit :

Le Sénat fait souvent preuve de souplesse dans l’application des différentes règles et pratiques qui régissent les débats. Comme l’a déclaré le Président Molgat dans sa décision du 2 avril 1998 :

Je suis d’avis qu’il faut présumer, jusqu’à preuve du contraire, que les choses sont conformes ou régulières. Cette supposition m’indique que la meilleure règle à suivre pour le Président est d’interpréter le règlement de manière à permettre le débat au Sénat, sauf s’il est manifeste que la question à débattre est inadmissible.

Sénateurs, le projet de loi S-15 est recevable. Ce recours au Règlement doit donc être rejeté. Merci. Hiy kitatamihin.

Je prends la parole pour faire de brèves observations à l’appui du recours au Règlement du sénateur Plett. Malgré certaines affirmations du sénateur Klyne aujourd’hui et l’autre jour, il est évident que les projets de loi qui impliquent beaucoup d’argent ne peuvent pas être déposés au Sénat. Dans ce cas-ci, il ne s’agit pas de dépenses administratives mineures. Je vais vous donner deux exemples récents de projets de loi du genre.

Le premier, c’est la Loi modifiant la Loi sur les juges. Je m’en souviens bien, car j’en ai été la porte-parole tout au long du processus. Le gouvernement Trudeau a d’abord présenté ce projet de loi au Sénat sous la désignation de projet de loi S-5 en juin 2021. Puis, après les élections de 2021, en décembre de cette année-là, le gouvernement Trudeau a présenté de nouveau ce projet de loi au Sénat sous la désignation de projet de loi S-3 . En tant que porte-parole pour ce projet de loi, j’ai fait part de mes préoccupations quant au fait qu’il contenait des dispositions d’ordre financier qui, selon moi, n’étaient pas appropriées pour un projet de loi d’initiative ministérielle présenté au Sénat.

Le gouvernement Trudeau n’a pas tenu compte de ces préoccupations dans un premier temps, mais, plus tard, le Président de la Chambre des communes a rendu une décision qui a obligé le gouvernement à retirer le projet de Loi modifiant la Loi sur les juges pour le présenter à la Chambre des communes — correctement cette fois — sous la désignation de projet de loi C-9, en février 2022. Les dispositions d’ordre financier de la Loi modifiant la Loi sur les juges étaient beaucoup moins importantes que celles du projet de loi S-15. Comme le sénateur Plett l’a indiqué dans son recours au Règlement, en raison de l’amendement important que le sénateur Klyne a présenté au comité, le projet de loi S-15 impliquerait des dépenses de 8 millions de dollars, au bas mot.

Le deuxième exemple est le projet de loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada. Ce projet de loi a initialement été présenté par le gouvernement Trudeau en juin 2021 en tant que projet de loi S-4. Plus tard, en novembre 2021, le gouvernement Trudeau a présenté de nouveau ce projet de loi au Sénat. C’était le projet de loi S-2, et il contenait également des dispositions financières qui prévoyaient plus précisément des salaires supplémentaires pour les sénateurs occupant des postes de direction au sein de groupes sénatoriaux autres que ceux du gouvernement et de l’opposition. Compte tenu des préoccupations au sujet d’un projet de loi du Sénat contenant ce genre de dispositions financières, le gouvernement Trudeau a retiré le projet de loi S-2 et a proposé de nouveau ces modifications à la Loi sur le Parlement du Canada dans un projet de loi d’exécution du budget, qui a évidemment été présenté en bonne et due forme à la Chambre des communes peu de temps après.

Encore une fois, honorables sénateurs, les dispositions financières de ce projet de loi étaient loin de correspondre au montant prévu dans le projet de loi S-15, soit un minimum de 8 millions de dollars. N’oublions pas que cette information vient du directeur parlementaire du budget, qui est une source assez fiable. Compte tenu de ces précisions, j’appuie le recours au Règlement du sénateur Plett et je demande que le projet de loi S-15 soit retiré. Merci.

L’honorable Pierre J. Dalphond [ + ]

Je serai bref. Je vais répondre à la sénatrice Batters parce que j’ai parrainé trois fois un projet de loi visant à modifier la Loi sur les juges. Je l’ai présenté deux fois au Sénat, puis à la troisième tentative, c’est la Chambre des communes qui l’a renvoyé au Sénat. Vous vous rappellerez que ce projet de loi prévoyait l’affectation automatique de fonds publics pour payer les avocats représentant un juge. Voilà un exemple de projet de loi portant affectation de crédits.

Nous parlons maintenant de la Loi sur le Parlement du Canada, qui, encore une fois, prévoyait la création de nouveaux postes de mandataires du Sénat. C’est automatiquement le Trésor qui paie cela. Nous ne parlons pas de ces autres projets de loi, et le sénateur Klyne a expliqué clairement que lorsqu’un ministère existe et qu’on lui attribue des fonctions, ce n’est pas parce qu’on rajoute à ses fonctions — qu’on inscrit un élément de plus à la liste des tâches confiées aux fonctionnaires — qu’il s’agit d’une affectation de fonds.

J’estime que la Constitution établit une limite claire : un projet de loi portant affectation de crédits ne peut émaner du Sénat. Voilà pourquoi le Président de la Chambre des communes a cru bon que l’on présente l’un de ces deux projets de loi à la Chambre des communes et non au Sénat. Merci.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) [ + ]

Je souhaite répondre au recours au Règlement de la façon suivante : selon le gouvernement, aucune des dispositions du projet de loi S-15 ne donnerait lieu à un nouveau pouvoir de dépenser distinct qui n’est pas déjà autorisé par la loi. Les modifications proposées dans le projet de loi S-15 se veulent un complément du système de délivrance de permis prévu dans la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial. Cette loi protège les espèces canadiennes et étrangères contre le commerce illégal en réglementant l’importation, l’exportation et le commerce interprovincial de certains animaux et plantes sauvages au moyen d’un système de délivrance de permis qui inclut des inspections, des interdictions, des infractions et des sanctions.

En ce qui concerne la mise en œuvre, le paragraphe 10(4) de la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial permet au ministre de l’Environnement et du Changement climatique de déléguer la responsabilité de la délivrance des permis aux provinces. Il est possible que le gouvernement fédéral fournisse des fonds à une province pour financer la délivrance des permis si c’est elle qui doit s’en occuper; toutefois, un tel transfert de fonds serait effectué au moyen de pouvoirs prévus dans d’autres lois que la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial. Par conséquent, cette question ne concerne pas le recours au Règlement.

Le projet de loi S-15 ajouterait deux nouveaux permis au système actuel pour autoriser l’importation et l’exportation d’éléphants et de grands singes et le maintien de ces animaux en captivité. Les nouveaux permis seraient intégrés dans le système global établi par la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, y compris les dispositions relatives aux infractions et aux sanctions. La loi prévoit des pouvoirs pour son application. L’article 12 de la loi autorise le ministre de l’Environnement et du Changement climatique à désigner des agents et des analystes chargés d’appliquer la loi.

Tout nouvel employé chargé de mettre en œuvre le système proposé dans le projet de loi S-15 serait financé au moyen des pouvoirs prévus dans la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial ou de projets de loi de crédits présentés dans le cadre du cycle budgétaire. Ces ressources permettraient à Environnement et Changement climatique Canada d’accroître les activités d’inspection et d’application de la loi et de délivrer et d’examiner les permis, ainsi que de répondre à toute autre exigence en matière de technologie ou de ressources. Cela comprend la capacité du ministère à mettre en œuvre ces mesures avec le personnel en poste et ses capacités de gestion des données actuelles, de même que l’examen des options de recouvrement des coûts.

Chers collègues, le projet de loi S-15 apporte également des modifications complémentaires au Code criminel pour ériger en infraction criminelle le fait de garder ou de faire se reproduire des éléphants et des grands singes en captivité, à moins d’y être autorisé par un permis délivré en vertu de la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial. Ces modifications sont semblables à l’article 445.2 du Code criminel, qui érige en infraction le fait de garder ou de faire se reproduire des baleines et des dauphins en captivité, à moins d’y être autorisé par une licence provinciale.

Les honorables sénateurs se souviendront que ces infractions ont été introduites par notre ancien collègue le sénateur Moore en décembre 2015 dans le cadre du projet de loi S-203, et qu’elles ont ensuite été promulguées par l’adoption du projet de loi C-68, qui visait à modifier la Loi sur les pêches. Vous vous souviendrez — moi, je m’en souviens — que le projet de loi S-203 a fait l’objet d’un débat important en comité avant d’être adopté au Sénat à l’étape de la troisième lecture en octobre 2018. De nombreux sénateurs étaient préoccupés par le projet de loi et avaient très bien fait connaître leur point de vue. Cependant, aucun de nos collègues n’a jamais suggéré que le projet de loi S-203 impose des dépenses nouvelles et distinctes à la Couronne.

Je vais citer une décision rendue par le Président Kinsella le 1er décembre 2009 qui, je crois, a été mentionnée plus tôt — je m’excuse d’y revenir. La décision précise que lorsqu’un projet de loi propose d’ajouter une fonction liée de façon générale à l’objet existant d’une loi et sans prévoir de nouvelles embauches ou d’autres dépenses dans ses dispositions, il ne satisfait pas nécessairement au critère d’une dépense « nouvelle et distincte ».

Je cite de nouveau une décision rendue par le sénateur Kinsella, cette fois le 24 février 2009 :

Par ailleurs, une recommandation ne sera probablement pas nécessaire dans le cas d’un projet de loi qui ne fait que structurer la façon dont un ministère ou un organisme exécute des fonctions déjà autorisées dans la loi, sans ajouter de nouvelles tâches. De même, cette exigence ne s’appliquera probablement pas dans le cas d’un projet de loi qui occasionne seulement des petites dépenses d’ordre administratif à un ministère ou à un organisme.

Plus tard dans la même décision, le Président Kinsella a noté ceci :

Lorsque la situation est ambiguë, certains Présidents du Sénat ont préféré supposer que la question était recevable, à moins d’indication contraire ou jusqu’à preuve du contraire.

Voici également ce qu’on peut lire à la page 155 de La procédure du Sénat en pratique :

Les projets de loi n’occasionnant que des petites dépenses d’ordre administratif ou [de légers] inconvénients, plus particulièrement si elles sont liées de près à l’objet d’une loi en vigueur, peuvent ne pas nécessiter de recommandation royale.

En conclusion, comme je l’ai déjà dit, la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial accorde déjà au ministre de l’Environnement et du Changement climatique les pouvoirs législatifs nécessaires concernant les processus de délivrance de permis et de détermination des amendes, notamment aux articles 10, 22 et 23 de la Loi. Par conséquent, Votre Honneur, pour les raisons que je viens d’énumérer, je réfute le bien-fondé de ce recours au Règlement. Je soutiens que le projet de loi S-15 peut aller de l’avant.

Merci beaucoup.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) [ + ]

Votre Honneur, je serai également bref, mais j’ai quelques observations à faire au sujet de mon recours au Règlement.

Premièrement, seul un vrai libéral peut penser qu’une somme de 8 millions de dollars représente une dépense mineure. Pour certains d’entre nous, 8 millions de dollars, c’est une grande somme. Je suis gêné que le leader du gouvernement puisse penser que 8 millions de dollars soit une dépense mineure.

Néanmoins, Votre Honneur, j’ai quelques mots à dire. Tout d’abord, le sénateur Klyne a laissé entendre dans son discours d’ouverture que l’objectif de ce recours au Règlement était de faire rayer le projet de loi du Feuilleton. En fait, ce n’est pas l’objectif de ce recours au Règlement; ce serait plutôt sa conséquence. L’objectif, c’est de suivre la procédure parlementaire appropriée, telle qu’elle est définie par la Constitution du Canada. Si cela signifie qu’un projet de loi doive être rayé du Feuilleton, tant pis.

Deuxièmement, le sénateur Klyne affirme que le projet de loi S-15 n’affecte pas de fonds publics et n’impose pas de taxe, et qu’il ne nécessite donc pas de recommandation royale. Là encore, comme je l’ai souligné, c’est inexact, comme le démontre la jurisprudence.

Le sénateur Gold vient de citer le sénateur Kinsella. Permettez-moi de le citer à mon tour :

Premièrement, il faut établir si le projet de loi renferme une disposition portant directement affectation de crédits. Deuxièmement, une disposition prévoyant des dépenses nouvelles qui ne sont pas déjà autorisées dans la loi devrait normalement être accompagnée d’une recommandation royale.

Je ne suis pas certain que la notion de « dépenses nouvelles » correspond à une somme considérable. Je dirais que c’est peut-être employé dans le même esprit.

Je continue la citation :

Troisièmement, un projet de loi visant à élargir l’objet d’une dépense déjà autorisée devra, la plupart du temps, être accompagné d’une recommandation royale. Enfin, la recommandation royale sera normalement nécessaire pour une mesure qui étend des prestations ou assouplit les conditions d’admissibilité à des prestations.

Votre Honneur, le projet de loi S-15 contient effectivement une disposition qui permet des dépenses nouvelles qui ne sont pas déjà autorisées dans la loi. Il élargit aussi l’objet d’une dépense déjà autorisée, comme je l’ai expliqué hier.

C’est une erreur de dire que le projet de loi S-15 ne requiert pas de recommandation royale simplement parce qu’il ne concerne pas le versement de prestations ni la perception d’une taxe ou d’un impôt. En effet, ce raisonnement ne tient pas compte du troisième critère, c’est-à-dire le fait qu’il élargit l’objet d’une dépense déjà autorisée.

Le Bureau du légiste et conseiller parlementaire me l’a confirmé quand il m’a fourni l’explication suivante dans un courriel à propos d’un autre projet de loi. En voici un extrait :

Une recommandation royale est nécessaire, par exemple, quand un projet de loi impose une taxe ou crée une entité financée pas les fonds publics, ou s’il exige qu’une entité financée par les fonds publics mène des activités qui vont au-delà du mandat pour lequel le Parlement lui a accordé des crédits.

Votre Honneur, cela dénote manifestement la nécessité d’une recommandation royale pour le projet de loi S-15, et ce, pour trois raisons. Premièrement, en modifiant la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, le projet de loi S-15 crée de nouvelles responsabilités pour Environnement et Changement climatique Canada. Deuxièmement, ces nouvelles responsabilités ne sont pas incluses dans le mandat actuel du ministère. Par conséquent, elles ne sont pas couvertes par une recommandation royale autorisant les dépenses de ce ministère. Troisièmement, ces responsabilités nécessiteraient la dépense de fonds publics.

Contrairement à ce qui a été dit ici, il ne s’agit pas de coûts recouvrables. Je l’ai bien expliqué, hier, quand j’ai parlé des fonctionnaires qui avaient déclaré n’avoir jamais récupéré les sommes en question.

Le sénateur Klyne a soutenu que le rappel au règlement réduit les pouvoirs du Sénat. Or, ce n’est ni mon rappel au règlement ni votre décision, Votre Honneur, qui limiteraient les pouvoirs du Sénat, mais bien la Constitution du Canada. Le sénateur Klyne a dit qu’un nouveau mandat nécessite une recommandation royale. Comme je l’ai dit, son argument selon lequel vous devriez autoriser le débat ne s’applique pas dans ce cas. Un projet de loi qui va à l’encontre de la Constitution doit être rejeté immédiatement, Votre Honneur.

Des fonctionnaires ont admis que le projet de loi S-15 élargit le mandat d’Environnement et Changement climatique Canada. Dans ses observations, le sénateur Klyne n’a jamais fourni de preuve — pas la moindre — de la part du gouvernement qui indique le contraire. Qui devons-nous croire, Votre Honneur? Les gens qui vont appliquer ce projet de loi ou le parrain du projet de loi, qui n’aura rien à voir là-dedans? Je pense que nous devrions croire les gens qui vont l’appliquer.

Le sénateur Dalphond a voulu faire valoir ce point, mais, comme l’a dit la sénatrice Batters, le projet de loi S-2 prévoyait beaucoup moins que 8 millions de dollars de nouvelles dépenses. Cependant, le Président de la Chambre a autorisé la première lecture du projet de loi. Le gouvernement a dû présenter un projet de loi semblable à la Chambre. Votre Honneur, si vous nous autorisez à aller de l’avant, le Président de la Chambre jugera ces mesures irrecevables.

Le fait que vous ne soyez pas en mesure de fournir le montant exact des nouvelles dépenses n’a aucune incidence sur la décision d’aujourd’hui. La Constitution ne dit pas que les nouvelles dépenses doivent être de tel ou tel niveau ou qu’elles doivent être déterminées de façon précise. Selon la Constitution, s’il engage de nouvelles dépenses, le projet de loi ne peut pas être présenté. On ne parle pas de 8, 5 ou 10 millions de dollars. Je ne sais pas ce qui représente un montant important pour le sénateur Gold; 8 millions de dollars, ce n’est peut-être pas considérable, mais 20 millions de dollars, oui. Il n’est pas question de cela.

Quoi qu’il en soit, même s’il n’y avait aucun coût, la simple existence d’ajouts au mandat du ministère fait qu’il est impossible de déposer le projet de loi au Sénat. Qu’un projet de loi ou un autre ait été présenté au Sénat est sans rapport avec ce qui nous occupe. Si le Règlement n’a pas été invoqué, cela ne modifie pas le libellé de la Constitution.

Votre Honneur, comme je l’ai dit hier, sans conteste, contrairement au sénateur Gold qui veut sauver la face en faisant au Sénat ce qui aurait dû être fait à l’autre endroit, et contrairement au sénateur Klyne, qui aimerait que son projet de loi soit étudié — il a d’abord essayé avec le projet de loi S-241, mais il n’a pas pu le faire adopter là-bas; il a alors demandé au gouvernement de faire quelque chose ici, puis il a amendé le projet de loi pour revenir au projet de loi S-241 —, de nombreuses autres personnes y seraient probablement favorables, sans tenir compte de tout cela. Cependant, votre tâche, Votre Honneur, est de déterminer la constitutionnalité et de rendre une décision en conséquence.

Ce projet de loi nécessite une recommandation royale. Étudier ce projet de loi n’est pas constitutionnel. Par conséquent, Votre Honneur, comme je l’ai dit hier, je vous demande de trancher en faveur de ce recours au Règlement et je demande le retrait du projet de loi.

Je vous remercie.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Je vous remercie, sénateur Plett, d’avoir porté cette question pertinente à notre attention, et merci à tous les honorables sénateurs qui ont fait part de leur point de vue sur cet important débat. Je vais prendre la question en délibéré. Je vous remercie.

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