Aller au contenu

Projet de loi sur le Mois du patrimoine ukrainien

Deuxième lecture

25 septembre 2025


Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-210. Je suis heureuse de prononcer ce discours au mois de septembre, car ce projet de loi désignerait septembre comme le Mois du patrimoine ukrainien au Canada.

Le Canada compte la deuxième plus grande diaspora ukrainienne au monde, avec 1,4 million de personnes. La célébration du Mois du patrimoine ukrainien nous donnerait l’occasion de reconnaître les contributions historiques des Canadiens d’origine ukrainienne à l’édification du Canada et de tisser des liens indestructibles entre l’Ukraine et le Canada grâce à la transmission de riches pratiques et traditions culturelles ukrainiennes à travers les générations, ce qui est particulièrement important à l’heure actuelle, alors que l’Ukraine lutte pour sa survie face à l’invasion illégale orchestrée par la Russie de Vladimir Poutine.

De telles initiatives renforceront l’expression culturelle ukrainienne au sein de la diaspora et favoriseront le soutien à l’Ukraine à un moment où elle en a le plus besoin. La population est peut-être devenue insensible à cette guerre horrible, qui dure maintenant depuis trois ans et demi. La multiplication des discussions sur l’Ukraine est un moyen de sensibiliser davantage la population au conflit et de mettre en lumière la culture ukrainienne dynamique et unique que Poutine cherche à anéantir.

Comme je l’ai déjà mentionné, le sujet du Mois du patrimoine ukrainien est particulièrement important pour moi, car je suis entièrement d’origine ukrainienne. J’ai grandi au sein de la communauté canado-ukrainienne florissante de Regina. Les traditions et le patrimoine ukrainiens étaient très présents à la maison. Nous célébrions les fêtes ukrainiennes, nous mangions des plats ukrainiens et nous étions et sommes toujours membres de l’Église catholique ukrainienne. Mes trois sœurs et moi avons longtemps fait partie de troupes de danses folkloriques ukrainiennes, nous avons suivi des cours à l’école ukrainienne et nous avons même appris les rudiments de la langue ukrainienne.

Tous nos grands-parents étaient originaires d’Ukraine. Trois d’entre eux ont émigré au Canada par le Quai 21, à Halifax; le quatrième, mon grand-père, est né de parents qui, l’année précédente, sont arrivés au Canada en passant par Ellis Island, à New York. Leurs histoires d’immigrants peuvent faire écho à celles de votre propre histoire familiale, indépendamment de l’ethnie ou de la région : ils ont quitté l’Ukraine pour une nouvelle vie en Amérique du Nord, s’établissant dans les vastes étendues des Prairies canadiennes, une terre offrant des possibilités inouïes et la liberté de se soustraire à la tyrannie.

Il y a eu trois grandes vagues d’immigration ukrainienne au Canada à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Les premiers immigrants sont arrivés dans les années 1890. Beaucoup d’entre eux étaient des agriculteurs émigrant de l’Ouest de l’Ukraine pour s’établir dans l’Ouest canadien, où on leur offrait gratuitement des terres en abondance. Mes propres ancêtres sont arrivés au Canada au cours de cette première vague. Dans ces contrées sauvages et inhospitalières, les immigrants ukrainiens ont su non seulement cultiver des terres agricoles productives, mais aussi bâtir des communautés ukrainiennes dynamiques en s’appuyant sur leurs traditions religieuses et familiales.

La xénophobie au cours de la Première Guerre mondiale a été à l’origine d’un chapitre sombre et tragique pour les Canadiens d’origine ukrainienne. Quand la Loi sur les mesures de guerre a été invoquée en 1914, les Ukrainiens et d’autres « sujets d’un pays ennemi » de l’Empire austro-hongrois ont dû s’inscrire et se présenter régulièrement à la police. Ils ont été privés de leurs droits fondamentaux, y compris de la liberté de mouvement et d’association, et, en 1917, du droit de vote.

Malheureusement, près de 8 600 immigrants d’Europe de l’Est, dont quelque 5 000 Ukrainiens, ont été emprisonnés dans des camps d’internement ou de travail canadiens. Après la fin de la Première Guerre mondiale, une deuxième vague d’immigrants ukrainiens est venue au Canada dans les années 1920. Elle comprenait des agriculteurs, mais aussi des ouvriers, des membres des professions libérales et des travailleurs industriels.

Une troisième vague est arrivée après la Seconde Guerre mondiale, composée en grande partie de réfugiés politiques qui fuyaient la Russie et son dictateur, Joseph Staline. Des millions d’Ukrainiens sont morts au cours de l’Holodomor, une période de famine, de violence et de souffrance collective orchestrée par Staline. L’Holodomor, auquel se sont ajoutées les conséquences de la Seconde Guerre mondiale, a conduit de nombreux Ukrainiens à fuir la persécution et à chercher refuge à l’étranger, dans des pays plus sûrs, y compris au Canada.

De nos jours, le Canada a continué d’offrir l’asile aux Ukrainiens qui fuyaient le conflit dans leur patrie, notamment après l’invasion de la Crimée par la Russie en 2014. Depuis l’invasion massive de l’Ukraine par Vladimir Poutine en 2022, le Canada a accueilli près de 300 000 Ukrainiens qui fuyaient cette agression russe dévastatrice et injustifiée. Merci à tous les Canadiens qui ont bien voulu appuyer les réfugiés ukrainiens qui fuyaient cette guerre, que ce soit financièrement ou en faisant du bénévolat pour faciliter leur établissement au Canada.

Depuis 130 ans, le Canada et l’Ukraine entretiennent une relation spéciale fondée sur une amitié, un soutien et une loyauté à toute épreuve. Cette relation repose sur les valeurs communes de la liberté, de la démocratie et de la foi inébranlable dans l’optimisme et le travail.

Lors de son discours historique devant le Parlement canadien en septembre 2023, le président ukrainien Volodimir Zelenski a déclaré :

La communauté ukrainienne au Canada est faite de millions de vies qui se fondent dans le destin du Canada, un pays de diversité [...]

[Un pays] de liberté, d’amour et de courage où nous faisons entendre notre appel authentique à la justice, où notre peuple sait partager le réconfort partout où il va et où nous bâtissons et créons plutôt que détruire ou humilier.

Il a poursuivi en disant :

L’Ukraine et le Canada sont deux visages d’un même combat pour la vie.

Lorsque le président Zelenski est venu s’adresser au Parlement, j’ai eu le grand honneur de le rencontrer. J’étais incroyablement fière de l’accueillir dans notre Parlement en portant la blouse ukrainienne traditionnelle de ma boonya — ou grand-mère —, celle-là même qu’elle avait brodée à la main juste avant de quitter l’Ukraine en bateau pour sa nouvelle vie au Canada, il y a de cela 100 ans. Cet artefact culturel a fait son chemin depuis sa vie jusqu’à la mienne. C’est un fil qui unit son univers ukrainien à mon univers canadien. Ce fut l’expérience d’une vie, représentative non seulement de notre précieuse histoire familiale, mais aussi de valeurs partagées entre des pays, de la sagesse et des traditions transmises d’une génération à l’autre.

C’est pourquoi la célébration de notre patrimoine culturel est si importante. Elle nous permet de vivre des moments comme celui-ci, où nous, Canadiens, pouvons réfléchir au courage dont ont fait preuve nos ancêtres en ouvrant une nouvelle voie, ainsi qu’aux sacrifices qu’eux-mêmes et des millions d’immigrants ont consentis pour aider à bâtir leur nouveau pays, le Canada.

L’instauration du mois national du patrimoine ukrainien nous donnera l’occasion de remercier tous les Canadiens d’origine ukrainienne qui ont gardé le patrimoine ukrainien bien vivant au Canada depuis 130 ans : les groupes communautaires ukrainiens, les associations et fondations culturelles, les innombrables travailleurs et bénévoles qui gèrent les églises, les écoles, les musées, les archives, les festivals, les troupes de danse folklorique et les chorales ukrainiennes, pour n’en citer que quelques-uns. Les communautés ukrainiennes du Canada — et en fait tous les Canadiens — sont les heureux bénéficiaires de leurs efforts inlassables.

Ce mois sera également l’occasion d’honorer et de remercier les courageux immigrants ukrainiens, comme ma grand-mère, qui est arrivée au Canada il y a 100 ans, seule, alors qu’elle était encore très jeune, à bord d’un grand navire, le bien nommé RMS Regina, sans connaître un mot d’anglais. Tout ce qu’elle avait emporté avec elle tenait dans une malle.

Des milliers d’immigrants ukrainiens sont venus au Canada pour défricher la terre et la cultiver, souvent dans des conditions difficiles et impitoyables et avec des outils rudimentaires. Beaucoup d’entre eux ont d’abord vécu dans des huttes de terre dans les prairies désertes. Survivre était difficile. Toutefois, ils n’ont pas seulement survécu, ils ont prospéré et, grâce à leur éthique de travail, ils ont excellé dans l’agriculture, les affaires, la politique, les sports et bien d’autres sphères de la vie dans leur nouvelle patrie.

Ces immigrants ukrainiens ont bâti des communautés dynamiques. L’église était souvent le premier bâtiment communautaire important à être construit, ce qui reflète l’importance centrale de la religion dans la culture ukrainienne. Les églises orthodoxes et catholiques ukrainiennes, souvent d’une beauté à couper le souffle et richement décorées, étaient le cœur de la communauté. C’est là que les enfants recevaient leur éducation religieuse et que les membres de la communauté assistaient à des événements, chantaient dans des chorales ou servaient la congrégation à titre de servants d’autel, de diacres ou de prêtres. Ils ont construit des salles paroissiales pour y tenir des événements communautaires ukrainiens et y organiser des mariages, des funérailles, des réceptions, des soirées dansantes et des concerts de Noël.

Souvent, les enfants de ces communautés fréquentaient l’école ukrainienne pour apprendre la langue, l’histoire et les traditions culturelles ukrainiennes. Bien sûr, je peux témoigner du fait que tous les élèves n’étaient pas nécessairement toujours reconnaissants des nombreux avantages qu’ils tiraient de l’école ukrainienne qu’ils fréquentaient. Je me souviens des nombreux samedis matin où je maudissais le fait de ne pas pouvoir regarder les dessins animés qui étaient diffusés à la télévision qu’une fois par semaine. Vous en souvenez-vous? Je me souviens aussi des nombreuses fois où j’ai dû manquer les cours les plus amusants à l’école primaire pour aller à l’école ukrainienne pendant la semaine.

Néanmoins, nous avons une dette envers les enseignants et les parents qui ont obligé des élèves parfois grincheux à fréquenter l’école ukrainienne, car ils ont compris que l’éducation culturelle ukrainienne était plus importante que Bugs Bunny pour forger le caractère de leurs enfants.

La danse est une tradition qui occupe également une place importante dans les communautés ukrainiennes du Canada. Des danseurs, des parents, des enseignants, ainsi que des fondateurs et des organisateurs de groupes consacrent des milliers d’heures, la plupart du temps à titre bénévole, à la création des spectacles époustouflants présentés par les troupes de danse de la communauté ukrainienne lors de célébrations et de festivals culturels importants. Jusqu’à récemment, les nombreux costumes finement décorés nécessaires à ces spectacles étaient confectionnés par des parents, notamment des mères. Aujourd’hui, ils sont souvent achetés directement auprès de couturières ukrainiennes, ce qui présente l’avantage supplémentaire de soutenir l’Ukraine en ces temps difficiles.

Les danses en soi illustrent l’esprit de l’Ukraine qui prend vie. Elles racontent l’histoire de l’Ukraine, l’amour, le chagrin, les guerriers, la survie et la famille.

Les grands festivals ukrainiens sont devenus un élément clé du paysage culturel du Canada. Le festival national ukrainien du Canada à Dauphin, au Manitoba, le plus important au pays, a célébré ses 60 ans l’été dernier. Le Folklorama de Winnipeg, avec son grand pavillon ukrainien, existe depuis 1970. Le festival ukrainien de Toronto, dans le quartier Bloor West Village, est le plus grand festival ukrainien de rue en Amérique du Nord. L’UFest d’Edmonton, la journée ukrainienne dans le parc, à Saskatoon, et le pavillon ukrainien Karpaty au Folkfest de Saskatoon sont d’autres manifestations majeures de la culture ukrainienne au Canada.

Depuis 55 ans, ma ville natale, Regina, organise un festival multiculturel connu sous le nom de Mosaic, et le pavillon Kiev-Ukraine a joué un rôle clé dans l’histoire et le succès de ce festival. J’ai dansé avec mes troupes au pavillon Kiev-Ukraine dans le cadre du festival Mosaic dès mon plus jeune âge et pendant toute mon adolescence, et j’ai assisté au festival Mosaic avec ma famille et mes amis depuis aussi longtemps que je me souvienne. J’ai eu l’honneur de représenter la communauté ukrainienne de Regina en tant que « Miss Kiev » et d’ambassadrice des jeunes Ukrainiens au pavillon Kiev-Ukraine pendant deux ans.

Pour organiser ces grands festivals culturels ukrainiens, on compte sur d’innombrables bénévoles, y compris des organisateurs, des artistes, des parents, des collecteurs de fonds, ainsi que des gens qui font la cuisine, ce qui veut habituellement dire qu’une armée de babas ukrainiennes font des pérogies. Bon nombre de ces expositions et de ces festivals culturels sont organisés et financés par d’importantes organisations ukraino-canadiennes, le Congrès ukrainien canadien étant peut-être le plus important. Cet organisme-cadre, qui existe depuis 85 ans, regroupe des organismes ukrainiens locaux, provinciaux et nationaux de partout au Canada. Il appuie l’Ukraine, encourage le leadership et la défense des droits au sein de la communauté canado-ukrainienne et soutient de nombreuses initiatives philanthropiques, patrimoniales et culturelles partout au pays.

Parmi ces initiatives, il y a des musées et des expositions sur la culture ukrainienne. Par exemple, le Congrès ukrainien canadien a contribué à la collecte de fonds pour la réouverture du village du patrimoine culturel ukrainien, situé près de Tofield, en Alberta, après que ce précieux site culturel a été partiellement détruit par un incendie au printemps dernier.

Le village du patrimoine culturel ukrainien offre une expérience interactive dans un village comprenant de nombreux bâtiments patrimoniaux avec des interprètes costumés qui montrent à quoi ressemblait la vie quotidienne dans un village historique ukraino-canadien. Les ravages causés par le feu dans ce village nous rappellent à quel point il est important de préserver le patrimoine ukraino-canadien. L’incendie qui a touché les bâtiments du site d’accueil a détruit bon nombre des meubles et des artéfacts patrimoniaux irremplaçables qui s’y trouvaient. Malheureusement, l’incendie a aussi détruit la documentation de recherche originale sur l’ensemble des édifices patrimoniaux. Heureusement, d’autres documents et données de recherche qui sont conservés ailleurs ou qui sont déjà en partie numérisés ont été sauvés, tout comme les bâtiments patrimoniaux inestimables qui sont si importants pour le site. On a dû fermer le village culturel patrimonial ukrainien pour cette saison estivale, mais on espère le rouvrir bientôt.

Comme c’est le cas pour d’autres ethnies, la préservation et la transmission du patrimoine ukrainien se font principalement à la maison. Les grands-parents et les parents — mais surtout les mères et les grands-mères, je dois dire — sont les gardiens du patrimoine familial. C’était le cas dans notre famille. Ma mère était la gardienne de l’histoire de notre famille ukrainienne, de nos souvenirs et de nos traditions. Elle a brodé et cousu pour nous beaucoup de costumes de danse complexes, une tâche sans fin puisqu’elle avait quatre filles qui faisaient de la danse ukrainienne. Elle nous servait de chauffeuse pour les nombreuses répétitions et représentations que nous avions toutes les quatre. Ma mère et mes grands-mères, Boonya et Baba, nous ont appris à préparer des plats traditionnels ukrainiens à partir de recettes non écrites qu’elles avaient apprises de leur propre mère, dont le bortch, les pérogies ou perohe, les choux farcis ou holubtsi et une soupe traditionnelle au blé, la kutia.

Comme dans de nombreuses communautés ethniques, la nourriture occupe une place centrale dans l’expression de la culture ukrainienne au Canada. Bon nombre des mets ukrainiens servis lors des fêtes familiales et de festivités comme Noël ou Pâques trouvent leur origine dans le symbolisme religieux. À titre d’exemple, le repas de Pâques est servi dans les paniers bénis avec des œufs qui symbolisent la vie, du beurre sculpté en forme d’agneau pour représenter l’Agneau de Dieu, et un gros pain brioché rond, appelé paska, servi avec du sel en guise de bienveillance et d’hospitalité. Les motifs qui ornent les œufs de Pâques ukrainiens décorés, les pysanky, sont également issus des traditions religieuses ukrainiennes : une ligne droite autour de l’œuf signifie l’éternité; des points représentent les larmes de la Vierge Marie; un tamis représente ce qui sépare le bien du mal.

De nombreux plats traditionnels ukrainiens se sont tellement intégrés à la culture canadienne qu’ils font désormais partie des plats préférés des Canadiens, surtout pour les populations dans les Prairies. Les pérogies, la kovbasa, une saucisse à l’ail ukrainienne, et les cigares au chou sont des plats courants dans les banquets communautaires, les célébrations, y compris les réceptions de mariage, et les repas-partage organisés dans les sous-sols des églises de la Saskatchewan.

Il est donc important que le Canada saisisse toutes les occasions de soutenir et de célébrer la culture canado-ukrainienne. La transmission de ces traditions d’une génération à l’autre, de l’Ancien Monde au Nouveau Monde, transforme et renforce fondamentalement notre propre culture canadienne.

La transmission de la culture peut également être un acte de résistance politique téméraire. Actuellement, le dictateur russe Vladimir Poutine cherche délibérément à perturber et à détruire le patrimoine ukrainien comme moyen de guerre. Il nie catégoriquement l’existence d’une culture ukrainienne distincte. Poutine tente d’affaiblir la fierté, la force et la continuité ukrainiennes, car ce sont précisément ces éléments qui ont rendu la résistance ukrainienne à l’agression russe si constante et si efficace.

La guerre menée par Poutine contre la culture ukrainienne vise à anéantir l’esprit et la mémoire du peuple ukrainiens. À l’instar des nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale, les forces russes détruisent les livres ukrainiens à mesure qu’elles envahissent et occupent le territoire ukrainien, pillant et saccageant les artefacts, les œuvres d’art et les trésors culturels des musées. L’objectif est d’assimiler les Ukrainiens à la culture russe et d’empêcher la transmission des coutumes et traditions ukrainiennes aux générations futures.

Ce n’est pas un hasard si l’une des premières mesures prises par Poutine contre le peuple ukrainien fut de déporter des milliers de civils et, plus odieux encore, d’enlever des enfants ukrainiens à leurs familles pour les faire adopter de force par des familles russes de l’autre côté de la frontière. Le cœur de la culture et de l’identité, c’est le foyer, la famille, en particulier le lien entre les parents et leurs enfants. C’est au sein de la famille que les traditions sont préservées. C’est là que la culture, l’histoire et la langue sont transmises aux générations futures, ce qui crée un lien indestructible entre les ancêtres et la civilisation d’aujourd’hui.

Mes ancêtres ukrainiens ont dû traverser de rudes épreuves, dont l’une, et non la moindre, consistait à partir en quête d’un destin inconnu dans les âpres prairies canadiennes. Leurs espoirs et leurs rêves, leur optimisme et leur engagement envers le dur labeur et la famille les ont aidés à se faire un chemin dans un nouveau monde. Et ces valeurs nous ont été transmises par les célébrations familiales, les coutumes et les traditions, les festivals culturels ukrainiens et les cérémonies et pratiques religieuses ukrainiennes. Des milliers de familles ukrainiennes canadiennes, comme la mienne, ont contribué à bâtir des communautés solides au Canada, intégrant ce savoir dans le tissu social et culturel du pays.

C’est pourquoi il est important de reconnaître un mois national du patrimoine ukrainien. C’est en célébrant une culture ukrainienne commune que nous renforçons non seulement le lien entre nos ancêtres et notre réalité moderne, mais aussi entre notre patrie ancestrale, l’Ukraine, et notre nation forte et libre qu’est le Canada.

La bravoure inhérente à l’esprit ukrainien est forte. En 2014, je me suis rendue à Kiev dans le cadre de la mission du gouvernement canadien visant à observer des élections présidentielles ukrainiennes. J’ai été très émue de marcher sur la place Maidan à Kiev où, seulement trois mois plus tôt, de courageux Ukrainiens s’étaient tenus debout et avaient manifesté en faveur de la démocratie, et où plus de 100 Ukrainiens avaient trouvé la mort dans la lutte pour imposer ces mêmes élections.

L’invasion à grande échelle de l’Ukraine perpétrée par Vladimir Poutine en 2022 n’a fait que renforcer la détermination des Ukrainiens à assurer leur indépendance. Au départ, Vladimir Poutine pensait conquérir l’Ukraine en trois jours. Pourtant, après trois ans et demi de cet immense conflit, l’Ukraine résiste toujours. Dans les premiers mois de l’invasion, je me souviens avoir vu des images d’actualité où des Ukrainiens dansaient et chantaient dans les stations de métro qui leur servaient de bunkers tandis que des bombes russes s’abattaient sur eux. En célébrant ainsi leur culture unique, leur espoir et leur ténacité devant l’adversité, ils ont témoigné de leur détermination à « combattre comme des Ukrainiens ». Ils ont ainsi montré que, contre vents et marées, les Ukrainiens gardent espoir et restent attachés à un avenir libre et démocratique. Leur joie et leurs célébrations sont la preuve que le tyran qu’est Vladimir Poutine ne parviendra jamais à éteindre le feu qui les anime.

La soif de liberté a toujours été présente dans le cœur des Ukrainiens. C’est ce désir d’échapper à la persécution et de trouver de meilleures perspectives pour leurs enfants et petits-enfants qui a poussé des centaines de milliers d’immigrants ukrainiens à quitter leur patrie et, dans bien des cas, les membres de leur famille, pour bâtir un avenir meilleur dans le Nouveau Monde.

La liberté de religion qui existait dans les démocraties comme le Canada était particulièrement attrayante pour les Ukrainiens qui subissaient le joug du gouvernement autocratique russe et, plus tard, la répression de la liberté de culte par le régime communiste soviétique. Il est arrivé que des Ukrainiens qui avaient l’audace de pratiquer leur religion soient punis et emprisonnés.

À titre de porte-parole bienveillante pour cette mesure législative, je m’en voudrais de ne pas mentionner que je continue de penser que le mot « liberté » devrait être explicitement inclus dans le projet de loi. Je l’ai souligné dans mes discours aux étapes de la deuxième et de la troisième lecture, quand nous avons débattu de ce projet de loi sous sa version précédente, le projet de loi S-276, lors de la dernière session parlementaire. Je suis consternée que le sénateur Kutcher, le parrain du projet de loi, n’ait toujours pas mis en avant la « liberté » dans cette nouvelle version, dont le libellé est identique. La liberté est une valeur fondamentale commune à l’Ukraine et au Canada, et elle devrait être mentionnée comme telle.

En 1839, le légendaire poète ukrainien Taras Chevtchenko a écrit :

Aimez votre chère Ukraine, adorez-la,

Aimez-la [...] dans le tumulte du mal,

À la dernière heure tant redoutée de la lutte [...]

L’Ukraine est actuellement plongée dans le tumulte du mal, alors qu’elle lutte pour sa survie contre le tyran meurtrier qu’est Vladimir Poutine. Les Ukrainiens réussiront à surmonter l’adversité comme ils l’ont toujours fait — qu’ils soient confrontés à la guerre ou à un avenir incertain dans une nouvelle contrée — grâce à leur espoir, leur résilience et leur détermination à survivre.

Les Ukrainiens trouveront la force de se battre en restant fidèles à leur culture et à leurs traditions transmises de génération en génération, ainsi qu’en s’appuyant sur le soutien des pays du monde entier qui restent leurs alliés indéfectibles, notamment le Canada.

Les Ukrainiens ont prouvé à maintes reprises qu’ils étaient prêts à tout risquer pour accéder à la liberté et à la démocratie. C’est pourquoi il est essentiel que nous continuions à les soutenir dans leur lutte pour leur survie.

Parfois, ce soutien a des répercussions, comme en 2022, quand la Russie a interdit l’entrée sur son territoire à plusieurs Canadiens qui avaient ouvertement soutenu l’Ukraine. De nombreux politiciens canadiens figuraient sur cette liste, et j’ai été heureuse de constater que j’en faisais partie. Ayant grandi dans une famille canadienne d’origine ukrainienne, c’est un honneur pour moi de proclamer haut et fort mon soutien à l’Ukraine depuis une tribune nationale, dans le cadre de mon travail parlementaire.

Les Canadiens devraient saisir toutes les occasions qui se présentent pour manifester leur soutien à l’Ukraine et reconnaître le patrimoine et le destin communs de nos deux pays. Voilà notamment pourquoi j’appuierai ce projet de loi visant à instaurer un mois national du patrimoine ukrainien. Nous devrions saisir cette nouvelle occasion de remercier les gardiens de la culture ukraino-canadienne et de célébrer les riches traditions et l’histoire qui ont contribué à bâtir le Canada au cours des 130 dernières années. J’espère que vous vous joindrez à moi pour appuyer ce projet de loi.

Merci. Dyakoyu. Slava Ukraini.

Son Honneur le Président intérimaire [ - ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Son Honneur le Président intérimaire [ - ]

Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Kutcher, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Haut de page