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La Loi sur les aliments et drogues

Projet de loi modificatif--Message des Communes--Motion d'adoption des amendements des Communes--Débat

28 mai 2019


Son Honneur le Président [ + ]

Honorables sénateurs, deux sénatrices se sont levées simultanément pour prendre la parole à ce sujet.

Veuillez vous asseoir. Veuillez vous rasseoir, sénatrice Bellemare.

Étant donné que les deux sénatrices se sont levées avant l’appel de cet article à l’ordre du jour et qu’elles l’ont fait simultanément, habituellement, ce serait à la présidence de décider qui doit prendre la parole en premier.

Dans ce cas-ci, sénatrice Bellemare, je signale que le nom de la sénatrice Wallin apparaît à côté de ce point, ce qui signifie qu’elle déjà commencé à débattre ou qu’elle a demandé le consentement pour ajourner le débat à son nom une deuxième fois. Si vous prenez la parole maintenant, elle perdrait son droit de parole.

Ma question est la suivante : sénatrice Bellemare, cédez-vous la parole à la sénatrice Wallin avant que je décide quelle sénatrice s’est levée en premier?

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat)

J’allais demander le consentement du Sénat pour prendre la parole en premier afin qu’elle puisse parler après moi.

L’honorable Pamela Wallin [ + ]

Je ne peux pas parler après elle. Son observation laisse entendre qu’elle demandera le consentement du Sénat et que je pourrai prendre la parole après elle, mais je ne le pourrai pas. Son Honneur vient d’expliquer pourquoi.

Son Honneur le Président [ + ]

Normalement, la pratique est la suivante : avec le consentement du Sénat, si un sénateur prend la parole et prive un autre sénateur de son droit de parole, le débat peut rester ajourné au nom du sénateur qui a ajourné le débat en dernier. Ainsi, sénatrice Wallin, vous pourrez prendre la parole après la sénatrice Bellemare.

Honorables sénateurs, si la sénatrice Bellemare prend la parole en premier, le consentement est-il accordé pour que le débat reste ajourné au nom de la sénatrice Wallin?

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) [ + ]

J’ai une question. La sénatrice Bellemare demande-t-elle la permission d’intervenir maintenant dans le débat? Si c’était là votre question, la réponse serait différente.

Son Honneur le Président [ + ]

J’ai vu deux sénatrices se lever en même temps.

Par le passé, le Président a toujours décidé de faire preuve de courtoisie envers les leaders s’ils se levaient en même temps que d’autres sénateurs. Toutefois, j’ai expliqué à la sénatrice Bellemare que procéder ainsi dans le cas présent priverait la sénatrice Wallin de son droit de parole.

Néanmoins, la sénatrice Bellemare a indiqué que, si le Sénat donne son accord, la sénatrice Wallin pourra prendre la parole après elle.

La permission est-elle accordée, honorables sénateurs, pour que le débat reste ajourné au nom de la sénatrice Wallin, et ce, soyons bien clairs, pour qu’elle puisse prendre la parole après la sénatrice Bellemare? La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Son Honneur le Président [ + ]

J’ai entendu un non.

La sénatrice Wallin [ + ]

Résumons, selon ce que je crois comprendre : je suis au beau milieu de mon discours et j’ai ajourné le débat sur cette question parce que je n’avais pas fini mon intervention. Je suis donc en plein milieu de mon discours et j’aimerais pouvoir continuer à le faire. Le débat avait été ajourné à mon nom et je suis debout pour cela. Je l’ai dit aux greffiers. Je l’ai dit à tous ceux à qui je pouvais le dire.

Son Honneur le Président [ + ]

Je me tourne de nouveau vers vous, sénatrice Bellemare. La permission n’ayant pas été accordée, êtes-vous d’accord pour que la sénatrice Wallin parle la première afin de ne pas perdre son droit de parole?

Oui.

Son Honneur le Président [ + ]

Merci. La sénatrice Wallin a la parole.

La sénatrice Wallin [ + ]

Merci, sénatrice Bellemare. Je vous en suis reconnaissante.

Je veux conclure mes observations aujourd’hui au sujet du projet de loi S-228 parce qu’il fait ressortir, je trouve, le travail de nos comités, son importance et la raison pour laquelle nous devons consulter les personnes touchées par la législation si nous voulons bien faire notre travail.

Nous ne serions pas aussi en retard dans le processus législatif avec autant de questions sans réponse si une bonne consultation avait été menée sur le projet de loi S-228.

Chers collègues, je pense qu’il ne devrait pas y avoir de publicité s’adressant aux enfants pour les produits trop sucrés, salés ou gras. Je veux qu’on comprenne bien que je ne suis pas en désaccord avec l’intention initiale de ce projet de loi. Ce que nous savons, ici, aujourd’hui, c’est que les préoccupations concernant ce projet de loi tombent à un moment de grande incertitude concernant notre secteur alimentaire et notre capacité à faire du commerce dans le monde.

Statistique Canada a annoncé aujourd’hui que le revenu agricole net des producteurs agricoles a chuté de 45 p. 100 en 2018. C’est la plus forte baisse en pourcentage depuis 2006. Dans les collectivités du Nord, on observe des pénuries de produits alimentaires de base qui touchent 40 p. 100 de la population du Nunavut. Dans tout le pays, les familles à faible revenu trouvent qu’il est plus difficile que jamais de suivre les recommandations du nouveau Guide alimentaire canadien. Nous devons mettre dans la balance les facteurs économiques qui influent sur notre santé et la santé de notre économie.

Cette semaine, une annonce payée a paru dans plusieurs journaux de la Saskatchewan, à Ottawa et en ligne. Elle affirmait faussement que je bloque un projet de loi visant à protéger la santé des enfants. Je ne fais rien de tel. L’obésité chez les enfants est une véritable épidémie, et nous convenons tous qu’il ne faut pas convaincre les enfants de boire davantage de boissons gazeuses ou de manger plus de tablettes de chocolat. L’objet initial du projet de loi S-228 était d’interdire la publicité de ces produits auprès des enfants de moins de 17 ans.

Voici où le bât blesse : ce sont les fonctionnaires de Santé Canada qui détermineront les produits qui seront déclarés mauvais pour la santé. Bien qu’ils n’aient pas encore rédigé les règles, ils ont admis que tout produit contenant plus de 5 p. 100 de sel, de gras ou de sucre sera jugé mauvais pour la santé.

C’est pourquoi j’appelle cette mesure législative le « projet de loi anti-pain » parce que la plupart des pains dans les épiceries ou les boulangeries dépasseraient cette limite, et ce serait aussi le cas de la majorité des fromages et des produits laitiers. Même deux tranches d’un pain biologique, de qualité supérieure, contiennent plus de 9 p. 100 de sel.

Le Canada dispose déjà de règles strictes à cet égard, et la teneur en sel et en matières grasses de nos produits de boulangerie est bien inférieure à celle d’autres pays; par exemple, elle est 25 p. 100 inférieure à celle des États-Unis, et 40 p. 100 à celle du Japon.

Ce qui est encore plus inquiétant, c’est que lorsque le gouvernement établit qu’un aliment est mauvais pour la santé, même à des fins publicitaires, cela entraîne des conséquences involontaires qui touchent tout le monde, qu’il s’agisse de parents qui préparent des sandwichs pour le dîner de leurs enfants ou des quelque 65 000 producteurs de grain canadiens qui veulent vendre leur produit à domicile ou l’envoyer à l’étranger. Pourquoi voudrait-on acheter, même à juste prix, un aliment qui a été déclaré dans une loi comme étant malsain par le gouvernement?

Il y a deux semaines, j’ai envoyé une lettre au sénateur Harder au sujet de certaines des préoccupations juridiques qui ont été soulevées. Dans sa réponse, il m’a donné l’assurance que le gouvernement est convaincu que le projet de loi S-228 est conforme au droit international et aux obligations du Canada. Toutefois, il serait utile de savoir si le gouvernement a reçu des conseils juridiques précis à ce sujet, conseils qui l’amènent à croire que le projet de loi S-228 résistera à une contestation judiciaire. Je crois que le moment est venu de répondre à ces préoccupations.

Chers collègues, il n’est pas dans notre intérêt de déclarer de façon arbitraire qu’un aliment est mauvais pour la santé. Nous devrions nous attendre à ce que le Canada donne l’exemple en recourant à des évaluations scientifiques des produits alimentaires fondées sur des données probantes, au lieu de procéder à des désignations arbitraires.

Nos agriculteurs sont déjà aux prises avec des interdictions coûteuses et arbitraires visant le canola, le soya, les pois et le porc. Les stocks de canola sont à leur niveau le plus élevé depuis les années 1980, et les producteurs canadiens peinent à trouver de nouveaux marchés depuis que la Chine a décidé d’interdire l’importation de ce produit.

Quelles que soient vos opinions à propos du rôle du Sénat ou des sénateurs, ces derniers jouent un rôle important pour ce qui est de légiférer. Voilà pourquoi je suis surprise que la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada, qui utilise des dons publics pour appuyer la santé et la recherche, consacre une partie de ces fonds à une campagne publicitaire de salissage coûteuse. Cela dit, je laisse le soin aux futurs donateurs de juger s’il s’agit d’une dépense justifiée de leur argent.

Au Sénat, nous sommes censés être une seconde paire d’yeux et d’oreilles pour mettre la dernière touche aux projets de loi. Nous savons que ce projet de loi laisse à désirer. Les producteurs, les céréaliculteurs, les pâtissiers, les agriculteurs et les propriétaires de magasin le savent, tout comme les parents dont le budget d’épicerie est serré. Ils seront durement touchés si le prix du pain augmente.

Aucune des personnes directement touchées n’a été adéquatement consultée. Or, il faut les consulter adéquatement avant d’aller plus loin. L’industrie agroalimentaire des Prairies est un important secteur économique qui rapporte de multiples milliards de dollars et qui touche chacun de nous, où que nous vivions.

Je veux simplement éviter ces conséquences imprévues. Ainsi, au lieu d’adopter une loi qui, nous le savons, risque fort d’être contestée devant les tribunaux, pourquoi ne pas la corriger maintenant? J’estime que nous pouvons rédiger une nouvelle loi plus claire. Prenons le modèle du Québec. Cette nouvelle loi améliorée et clarifiée pourrait cibler le véritable problème de l’obésité juvénile sans avoir d’effets indirects sur les agriculteurs.

Dans son message, le gouvernement propose d’abaisser l’âge des personnes ciblées par les publicités aux enfants de moins de 13 ans. C’est une position très raisonnable et, advenant que ce projet de loi soit adopté, je demande au gouvernement de repousser la mise en œuvre au-delà des deux ans qui sont prévus afin de mener entièrement un processus de consultation auprès de ceux qui seront directement touchés, pour que l’industrie puisse se préparer et changer ses méthodes de production et de fabrication, pour que le gouvernement obtienne des avis juridiques sur les conséquences pour le commerce international et les exportations, et pour que le gouvernement puisse réfléchir aux indemnisations qui pourraient être accordées aux agriculteurs, aux fabricants de produits de boulangerie et aux producteurs laitiers pour les pertes de moyens de subsistance.

Il faut des précisions sur la réglementation que Santé Canada n’a toujours pas présentée, de façon a définir clairement ce qui constitue un aliment nocif pour la santé. Comme nous n’avons toujours pas cette réglementation, je voudrais que nous nous demandions si c’est une bonne idée d’inclure l’expression « aliment nocif pour la santé » dans le projet de loi sans une définition claire.

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