La Loi de l'impôt sur le revenu
Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Ajournement du débat
17 juin 2021
Le sénateur Woo accepterait-il de répondre à une question?
Bien sûr.
Sénateur Woo, merci pour ce discours très convaincant, comme d’habitude. Il était très informatif et réfléchi. J’ai trois petites questions auxquelles vous pourrez répondre par oui ou par non. Saviez-vous que, dans le cas des transactions qui ne sont pas faites avec un tiers qui n’a aucun lien de dépendance, les autorités fiscales peuvent décider de la juste valeur marchande de la transaction? Cela arrive régulièrement. Je suis désolé, je veux simplement poser des questions. Je ne veux pas faire des observations et entrer dans le débat, mais je veux donner un préambule adéquat à ma question.
Beaucoup de transactions se font entre personnes qui ont un lien de dépendance, et si le prix payé ne correspond pas à la juste valeur du marché, le fisc intervient. Comme c’est la norme dans l’univers de la fiscalité, les personnes impliquées sont considérées comme coupables jusqu’à preuve du contraire. Voilà un premier point.
Deuxièmement, comme je l’ai demandé au sénateur Gold, savez-vous que les cabinets d’experts-comptables sont en grande partie favorables à ce projet de loi? En fait, certains cabinets d’experts-comptables, ici, au Québec, ont intercédé auprès du gouvernement provincial, qui, je vous le signale sans trop entrer dans les détails, s’est doté d’un cadre assez semblable. Savez-vous que le gouvernement du Québec a établi un cadre similaire et a abordé la question avec le gouvernement fédéral? Je pourrais vous lire ce que j’ai trouvé pendant mes recherches, mais êtes-vous au courant de cela? Ils nous encouragent à favoriser les ventes aux familles.
Personne ne dit qu’il faut adopter un projet de loi boiteux, mais c’est un projet de loi nécessaire dont l’application pourrait faire l’objet d’un suivi. Les autorités fiscales cherchent constamment à éliminer les échappatoires. Voilà trois questions rapides pour vous. Merci pour votre discours convaincant. C’était très instructif.
Merci, sénateur Loffreda. Ma réponse à toutes vos questions est « oui ».
Tout d’abord, pour ce qui est des opérations entre personnes apparentées, je crois que le problème, c’est que si on autorise les enfants et les petits-enfants à obtenir une exemption pour gains en capital plutôt que des dividendes, cela augmentera, comme je l’ai dit plus tôt, les risques de litiges, ce qui pourrait rendre plus difficile pour l’Agence du revenu du Canada de défendre ses mesures visant à réduire l’évitement fiscal. Vous avez donc raison de dire qu’il y aura beaucoup de litiges, et cette mesure ouvrira la voie à d’autres.
Le fait que le milieu comptable appuie le projet de loi n’est pas vraiment important. Il a ses raisons de l’appuyer, et j’ai déjà indiqué que le projet de loi est une mesure populaire, voire populiste. C’est là mon opinion, et elle vaut ce qu’elle vaut.
Oui, je sais que le Québec a mis en place un cadre similaire. Cela a été mentionné par plusieurs témoins au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. En fait, l’approche du Québec a été saluée par certains. Je crois que les fonctionnaires du ministère des Finances ont fait part de leur volonté ou de leur désir de s’inspirer de cette approche pour toute modification à la loi fédérale. Cependant, le comité n’en a aucunement fait mention dans son rapport. Je n’ai vu aucune remarque à ce sujet. Toutefois, je n’ai pas étudié le rapport, et je n’aurais pas les connaissances nécessaires pour bien le comprendre.
En un sens, sénateur Loffreda, vos propos confirment ce que j’avance. Il semble y avoir de meilleures façons d’atteindre l’objectif visé. Il faudrait sans doute étudier la question, ce qui signifie que, dans sa forme actuelle, le projet de loi comporte des lacunes, comme je l’ai déjà dit.
Sénateur Woo, êtes-vous au courant qu’en fait, la loi du Québec à cet égard est encore plus stricte que ce que le projet de loi propose? La communauté comptable discute avec le gouvernement du Québec depuis le début, les mesures sont accessibles à toutes les entreprises, pas seulement aux petites entreprises, et les ventes partielles sont autorisées. Le Québec a discuté de ce dossier en détail. Je pose simplement la question. Je ne souhaite pas ouvrir un débat. Êtes-vous au courant de cela? A‑t‑on discuté adéquatement de cela au sein du gouvernement et du comité?
Je n’étais pas au courant de la nature plus détaillée de la loi du Québec, mais, encore là, vous renforcez mon argument. Il semble exister une approche distincte, qui pourrait être meilleure ou ne pas l’être. Je ne sais pas si l’approche du Québec est préférable. Nous avons entendu dans les témoignages, par exemple, que le Québec a trouvé un moyen d’empêcher qu’un enfant ou un petit-enfant soit propriétaire de l’entreprise, mais laisse l’un de ses parents ou de ses grands-parents l’exploiter. Je ne sais pas comment la province s’y est prise. Lors des travaux du comité, nous n’avons pas entendu plus de détails à ce sujet.
Par conséquent, à mon avis, c’est la preuve que nous n’avons pas entièrement fait notre travail et ne sommes pas prêts à mettre aux voix le projet de loi. Du moins, si nous procédons au vote, nous devrions sérieusement nous demander si ce projet de loi est celui qu’il faut. Merci.
Sénateur Woo, accepteriez-vous de répondre à une autre question?
Pourquoi pas.
Merci beaucoup. Votre discours était très convaincant. Vous offrez toujours d’excellents points de vue, ce que j’apprécie beaucoup ces temps-ci.
Ce qui me préoccupe, c’est que le Comité des finances de la Chambre des communes a effectué une étude approfondie de ce projet de loi et n’a recommandé aucun amendement. Aucun député n’a proposé un seul amendement, ni au comité ni à la Chambre. Pourtant, des options s’offrent à nous.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi les fonctionnaires du ministère des Finances n’ont rien recommandé et pourquoi on n’a choisi aucune des options? C’est ce que je n’arrive pas à comprendre. Les gens semblent prêts à laisser la situation actuelle telle quelle et ne montrent aucun empressement à y remédier.
Merci, sénateur Deacon. Je ne peux répondre à cette question. Si le sénateur Gold n’a pas pu y répondre, je ne le peux certainement pas. J’ignore ce qui se passe à la Chambre des communes.
Je dirais toute une chose, même si vous le savez déjà puisque vous faites partie du comité. Si je ne m’abuse, lorsque le comité a demandé aux fonctionnaires du ministère des Finances s’ils avaient des solutions, ils ont répondu en suggérant des amendements. Pourtant, le rapport du comité n’en parle pas du tout.
Je répète que, selon moi, toutes ces questions confirment mon argument principal : nous savons que le projet de loi comporte des problèmes. On nous a offert des pistes de solution, mais apparemment, il faudrait les ignorer et foncer tête baissée pour adopter ce projet de loi.
Pour revenir un peu sur les raisons pour lesquelles la Chambre l’a adopté avec l’appui de tous les partis et avec peu d’opposition, je pense avoir expliqué dans mon discours qu’il s’agit d’un projet de loi très populaire. C’est un projet de loi qui vous fera gagner des points dans n’importe quelle circonscription. Si vous êtes un parlementaire élu, malheur à vous si vous votez contre. Voilà pourquoi nous avons un rôle spécial à jouer ici aujourd’hui, car bien que nous devions être sensibles aux besoins des régions et des circonscriptions, nous devons avoir une vision plus large, considérer l’intérêt public à plus long terme, et toutes les questions que j’ai reçues aujourd’hui suggèrent que nous devrions soit corriger le projet de loi, soit le rejeter.
Je vous remercie.
Honorables sénateurs, j’ai pris la parole à plusieurs reprises pour souligner le rôle important que jouent les agriculteurs, les producteurs et les transformateurs pour que les Canadiens aient accès à des aliments salubres, nutritifs et abordables. Bon nombre des exploitations sont des petites entreprises familiales et, à l’instar des petites entreprises locales d’autres secteurs, elles ont continuellement relevé le défi de servir les Canadiens, en particulier au cours des 15 difficiles derniers mois. Je n’ai aucun doute que ce sont ces mêmes petites entreprises qui nous aideront à nous sortir de la pandémie.
Aujourd’hui, à l’étape de la troisième lecture, je vais parler du projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale). Comme vous pouvez vous y attendre, je vais parler en faveur de la mesure législative.
J’aimerais féliciter le député de Brandon-Souris, Larry Maguire, d’avoir présenté le projet de loi à l’autre endroit, et ma collègue du Groupe des sénateurs canadiens, la sénatrice Griffin, de l’avoir parrainé à la Chambre rouge.
C’est un honneur de travailler aux côtés de ma collègue la sénatrice Griffin au sein du Comité de l’agriculture et de l’équipe de direction du Groupe des sénateurs canadiens. Nous formons en effet un groupe formidable de sénateurs non partisans.
Les problèmes que le projet de loi C-208 vise à régler préoccupent les Canadiens de partout au pays depuis un certain temps déjà. Qu’ils exploitent une petite ferme familiale dans le comté de Red Deer, en Alberta, ou qu’ils soient propriétaire d’une épicerie indépendante à Fergus, en Ontario, ou d’une société de pêche à Lower Bedeque, à l’Île-du-Prince-Édouard, les propriétaires de petites entreprises sont bien au fait des problèmes qui surviennent actuellement lorsqu’ils vendent leur entreprise à des membres de leur famille.
D’ailleurs, pas plus tard que la semaine dernière, ma belle-sœur Rita s’est informée de l’avancement de ce projet de loi.
Chers collègues, il est clair que les Canadiens portent une très grande attention à nos travaux au Sénat. J’espère que, forts de ces connaissances, nous pourrons travailler ensemble et faire tout notre possible pour continuer à servir et à appuyer le Canada.
Cela dit, revenons à la question dont nous sommes saisis, soit le projet de loi C-208. Si elle est adoptée, la mesure législative permettrait aux propriétaires de petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale de profiter du même taux d’imposition lorsqu’ils vendent leur entreprise à un membre de leur famille que lorsqu’ils la vendent à un tiers. Comme beaucoup d’entre vous le savent, au titre des règlements actuels, lorsqu’une personne vend sa petite entreprise à un membre de sa famille, la différence entre le prix de vente et le prix d’achat initial compte comme un dividende. Par contre, si l’entreprise est vendue à un étranger, on considère que la vente donne lieu à un gain en capital. Or, un gain en capital est imposé à un taux beaucoup plus bas et il permet aussi au vendeur de se prévaloir de l’exonération cumulative des gains en capital.
Honorables sénateurs, je sais que nous venons d’horizons divers. Nous sommes d’anciens fonctionnaires, journalistes, médecins, avocats, athlètes et propriétaires d’entreprise, entre autres choses. Toutefois, peu importe nos origines, je crois que nous pouvons tous convenir qu’il est absolument inacceptable qu’il soit financièrement plus avantageux pour des parents de vendre leur petite entreprise à un parfait inconnu qu’à leurs propres enfants, s’ils le désirent.
Je suis né à Fergus, en Ontario, et j’y vis encore. Cette petite communauté du comté de Wellington est en pleine expansion. L’un des grands avantages qu’il y a à grandir dans une petite communauté, c’est que l’on connaît à merveille la région et les entreprises qui contribuent à la vie locale. Comme nous l’avons tous appris pendant la pandémie, les petites entreprises sont vraiment la colonne vertébrale de nos communautés.
Je pense en ce moment à deux entreprises de Fergus, Fraberts Fresh Food, une épicerie familiale qui met l’accent sur les aliments fins produits dans la région, et Ron Wilkin Jewellers, une bijouterie où j’ai passé bien des heures, après l’école et pendant l’été; c’était l’un de mes premiers emplois d’été à l’extérieur de la ferme. Certains d’entre vous pensent probablement à des petites entreprises de leur collectivité. Les entreprises comme Fraberts, Ron Wilkin Jewellers et beaucoup d’autres font de nos communautés des endroits où il fait bon vivre.
Malheureusement, en raison des règles actuelles, il est difficile de gérer une entreprise familiale de manière viable. Beaucoup de petites entreprises traversent une période difficile actuellement, comme on le sait. La pandémie est l’un des événements les plus perturbateurs de notre époque. Ses répercussions se sont fait sentir dans tous les secteurs et toutes les communautés. Dans bien des cas, ce sont surtout les petites entreprises, les entrepreneurs locaux et les organisations locales qui ont vu leur situation financière se détériorer. Cela dit, grâce au projet de loi C-208, les entreprises pourraient être transmises à la prochaine génération et continuer d’appartenir à des gens de la région.
Les fermes et les petites entreprises de partout au pays ont déjà exprimé leur appui envers le projet de loi, lequel jouit aussi d’un vaste appui de la part d’organismes comme la Fédération de l’agriculture de l’Ontario, la Fédération canadienne de l’agriculture, les Producteurs de grains du Canada, la Canadian Canola Growers Association et la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante. Des administrateurs fiscaux de chez Deloitte appuient aussi le projet de loi. Il en ressort clairement que le projet de loi soutient les entreprises qui en ont le plus besoin.
Honorables sénateurs, vous savez que mes efforts sont axés sur l’agriculture. Je vais donc profiter de l’occasion pour parler très brièvement et directement des répercussions du projet de loi C-208 sur le secteur agricole du Canada.
Chaque année, de plus en plus d’agriculteurs arrivent à l’âge de la retraite. En fait, la Fédération canadienne de l’agriculture, ou FCA, estime que 500 milliards de dollars en actifs agricoles — 500 milliards de dollars — changeront de mains d’ici 10 ans.
Tous les sénateurs ont reçu aujourd’hui par courriel une lettre de la Fédération canadienne de l’agriculture au sujet du projet de loi C-208, où elle signale que plus de 95 % des exploitations agricoles du Canada sont détenues et exploitées par des familles. J’aimerais citer à ce sujet Mary Robinson, présidente de la Fédération canadienne de l’agriculture, qui dit ceci :
Nous devons faire en sorte que les familles agricoles n’aient pas à payer des impôts additionnels, qui pourraient se chiffrer à des centaines de milliers de dollars, simplement pour garder l’entreprise dans la famille!
Malheureusement, très peu de jeunes Canadiens envisagent de faire carrière dans le secteur agricole en général, surtout étant donné le fardeau administratif dont ils hériteraient s’ils voulaient prendre la relève de l’entreprise familiale. Cela signifie que nous pourrions être obligés de faire face à une pénurie de producteurs agricoles dans les prochaines années. Il ne faut pas oublier que ce secteur est le seul qui ait connu une croissance depuis le début de la pandémie, et les experts s’attendent à ce que la demande continue de croître. Je pense que nous avons le devoir d’aider les jeunes dans le secteur de l’agriculture, car celui-ci recèle des possibilités aussi grandes que la superficie des champs d’un bout à l’autre du pays.
Honorables sénateurs, j’estime que les exploitants agricoles, les pêcheurs ou les propriétaires de petites entreprises locales ne devraient pas être pénalisés quand ils choisissent de conserver leur entreprise au sein de leur famille. Nous savons qu’il est primordial d’investir dans nos communautés dès aujourd’hui afin de pouvoir améliorer et renforcer notre pays pour l’avenir.
J’ai bon espoir que vous comprendrez à quel point le projet de loi C-208 contribuerait à atteindre cet objectif et que vous aiderez vos communautés en appuyant ce projet de loi, tout comme je le ferai.
En terminant, j’aimerais vous faire part de quelques questions qu’un producteur agricole local, plus précisément au sud d’Ottawa, m’a adressées. Il m’a demandé pourquoi les lois canadiennes ne traitent pas toutes les entreprises et tous les citoyens de la même manière afin d’éviter de créer des désavantages pour les entreprises familiales, y compris les exploitations agricoles. Il m’a raconté que son institution financière lui a dit qu’il serait plus avantageux pour lui, sur le plan fiscal, de vendre sa ferme familiale à un voisin ou à un groupe d’investisseurs plutôt qu’à un membre de la famille. En ce moment, j’aimerais faire écho à ses paroles : est-ce vraiment ce que nous souhaitons pour l’avenir de nos exploitations agricoles familiales?
Honorables collègues, les Canadiens nous regardent et observent les travaux dans la Chambre rouge. Nous devons agir maintenant pour aider les petites entreprises, les fermes familiales et les entreprises de pêche d’un bout à l’autre du pays. Veuillez vous joindre à moi pour appuyer l’adoption de cet important projet de loi. Merci. Meegwetch.