La Loi sur les aliments et drogues
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Suite du débat
16 avril 2024
Honorables sénateurs, c’est toujours un honneur de prendre la parole au sujet de la santé et du bien-être de nos enfants. Le projet de loi C-252, Loi sur la protection de la santé des enfants, représente un pas important vers une enfance plus saine et plus heureuse pour nos enfants. Je remercie la députée Lattanzio de son leadership à l’égard de cette version du projet de loi, de même que notre collègue la sénatrice Dasko de son travail pour marrainer le projet de loi au Sénat jusqu’à présent.
Comme vous l’avez entendu, chers collègues, ce projet de loi vise à interdire la publicité de certains aliments et boissons malsains destinée à des enfants de moins de 13 ans. Plus particulièrement, le projet de loi cible les aliments et les boissons à teneur élevée en sucre, en gras saturés ou en sodium.
Ce projet de loi vise avant tout à protéger la santé immédiate et à long terme de nos enfants. L’idée est d’avoir, autant que possible, une incidence positive sur leur santé aujourd’hui ainsi que sur les habitudes qu’ils développent et qui les suivront à l’âge adulte.
C’est pour le bien de nos enfants. Beaucoup de voix cherchent à détourner notre attention d’eux, mais leur santé et leur bien-être doivent demeurer notre principale préoccupation.
Chers collègues, des preuves irréfutables révèlent qu’il y a lieu de s’inquiéter de la consommation accrue d’aliments malsains. Une étude de 2019 citant des données de Statistique Canada indique qu’un quart des calories consommées par les Canadiens âgés de 4 à 18 ans provenait d’aliments qui, selon le Guide alimentaire canadien, devraient être évités. Il s’agit notamment de croustilles, de boissons gazeuses, de chocolat et d’autres produits contenant trop de sucre ou de sel. Non seulement les enfants mangent trop d’aliments malsains, mais en plus, ils ne mangent pas assez d’aliments sains pour compenser. Plus de 50 % des enfants consomment moins que les cinq portions de fruits et légumes recommandées par jour.
Pour me préparer à faire ce discours aujourd’hui, je me suis replongée dans la littérature médicale. J’ai parlé à des chercheurs et j’ai consulté des spécialistes de la santé des enfants, notamment un cardiologue et lipidologue pédiatrique, soit mon fils, le Dr Jonathan Wong.
Les mauvaises habitudes alimentaires ont également une incidence directe sur la santé des enfants à court et long termes. Des études ont montré, chers collègues, que l’athérosclérose, soit l’accumulation de plaques et de cholestérol dans les artères qui provoque des crises cardiaques et des accidents vasculaires cérébraux, se manifeste dès l’enfance. Les études indiquent que les facteurs de risque des problèmes cardiovasculaires, comme l’obésité et le diabète, sont les principales causes de ces accumulations. Les spécialistes de la prévention et du cholestérol chez les enfants préconisent un style de vie favorisant la santé cardiaque et comprenant une diète riche en fibres et faible en sucres ajoutés, en gras saturés et en gras trans, ainsi que des activités physiques d’intensité modérée à élevée. Les données ont établi des liens entre ces habitudes de vie et la réduction du risque de maladie cardiovasculaire et de diabète de type 2.
En 2022, selon les données autodéclarées recueillies par Statistique Canada, 30 % des jeunes de 12 à 17 ans sont en surpoids ou sont obèses selon les critères établis. Ce qui dérange, ce n’est pas le nombre qui est affiché sur le pèse-personne, ce sont les problèmes de santé qui en découlent, comme le diabète de type 2, les problèmes aux os et aux articulations, la pression sanguine élevée, et les troubles du sommeil et de la respiration. L’obésité peut également avoir un effet négatif sur la santé mentale d’un jeune à cause de la dépression, de la mauvaise estime de soi et des problèmes avec certains de ses pairs, qui l’intimident et l’insultent.
Si, dès l’enfance, une personne prend de mauvaises habitudes alimentaires et éprouve les problèmes de santé physique et mentale qui en découlent, il est fort probable qu’elle conserve ces habitudes à l’âge adulte. C’est la réalité. Ces personnes risquent également de ne pas profiter des bienfaits d’un mode de vie plus sain. Dans cette optique, ce projet de loi ne vise pas seulement à détourner les enfants des mauvais aliments, mais aussi à les aider à mener une vie plus heureuse et plus saine en général.
En effet, des preuves solides, dont une étude canadienne récente, suggèrent qu’on conserve les habitudes alimentaires acquises pendant l’enfance. Aujourd’hui, 75 % des Canadiens dépassent les niveaux de consommation de sel recommandés, et plus de 50 % de la population dépasse les seuils recommandés pour ce qui est de la consommation de sucre et de graisses saturées. Cette situation serait due aux habitudes que de nombreux Canadiens ont développées dans l’enfance.
Ces tendances lourdes en matière de mauvaises habitudes alimentaires ont des conséquences désastreuses sur la santé et la situation financière plus tard dans la vie. Une étude réalisée en 2019 à la demande de la Société canadienne du cancer, de l’Association canadienne du diabète, de la Childhood Obesity Foundation, de l’Alliance pour la prévention des maladies chroniques au Canada et de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada a conclu que les boissons sucrées pourraient causer en moyenne 2 500 décès supplémentaires par an au cours des 25 prochaines années. À cela s’ajoutent une perte de 2 millions d’années de vie en bonne santé et un coût de 50 milliards de dollars pour notre système de santé, au cours de la même période.
Une autre étude a révélé que, en tenant compte des habitudes alimentaires cernées dans l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2015, le fardeau économique des Canadiens qui ne suivent pas les recommandations pour une alimentation saine équivaut à 26 milliards de dollars par année.
Chers collègues, pour résumer toutes ces données et tous ces chiffres très compliqués, disons simplement que les enfants mangent trop de sel, de gras et de sucre. En général, ils mangent trop d’aliments malsains, ce qui jette les bases d’une vie adulte malsaine, car ils conservent les habitudes acquises durant l’enfance. Le coût de ces pratiques malsaines est une moins bonne santé physique et mentale, des pressions sur les systèmes de santé, des maladies et des pertes de vie.
Cela dit, personne ne peut vraiment prétendre que toutes ces tendances sont attribuables à la publicité d’aliments malsains destinée aux enfants. En fait, il y a de nombreux autres facteurs en jeu. Toutes les familles n’ont pas les moyens d’acheter des aliments sains ou d’inscrire leurs enfants à des activités sportives ou saines. C’est particulièrement vrai pour les familles dans les régions éloignées du Nord, où le coût des aliments est extrêmement élevé. Il y a beaucoup d’autres facteurs sous-jacents qui doivent être pris en compte afin que les enfants vivent une vie saine et équilibrée. Néanmoins, nous savons que la publicité d’aliments malsains destinée aux enfants nuit à leur santé et à leur bien-être.
Tout d’abord, soyons clairs : les enfants sont inondés de publicités ciblées qui les encouragent à consommer des aliments malsains. Comme l’a souligné la sénatrice Petitclerc dans son discours, Santé Canada a rapporté que les jeunes de 2 à 17 ans voyaient près de cinq publicités alimentaires par jour et que 92 % de ces publicités faisaient la promotion de produits qui nuisent à une alimentation saine.
La prévalence de cette publicité, en particulier dans les médias sociaux, amplifie le problème. Selon une étude réalisée en 2022, les 40 principales marques d’aliments malsains au Canada ont été mentionnées plus de 16 milliards de fois dans les médias sociaux. Cette publicité a une incidence directe sur la santé de nos enfants.
Selon l’American Psychological Association, il existe un lien direct entre le temps passé devant la télévision au cours d’une journée et la consommation de boissons sucrées et de produits de restauration rapide. L’association souligne que les enfants qui regardent plus de trois heures de télévision par jour ont 50 % plus de risque d’être obèses que les enfants qui la regardent moins de deux heures. Cela s’explique par le fait que l’objectif principal de la publicité d’aliments destinés aux enfants est de faire un effort concerté pour influencer leurs choix, et cela fonctionne.
Chers collègues, les intervenants vous diront — comme ils m’ont dit — qu’il existe déjà des mesures volontaires que l’industrie respecte, et je félicite les entreprises de s’y conformer et de renoncer à la publicité destinée aux enfants de moins de 13 ans. Même si on invoque ces mesures pour nous dire que ce projet de loi n’est pas nécessaire, en fait, je crois qu’elles prouvent le contraire. Je pense qu’il est juste de dire que le Parlement renforce l’action de l’industrie au moyen d’un projet de loi. Bien que nous croyions l’industrie sur parole, la santé de nos enfants ne peut faire l’objet de mesures volontaires. Ce projet de loi, ainsi que la réglementation attendue de Santé Canada, instaurerait la permanence requise pour un enjeu de cette ampleur.
Chers collègues, cela nous amène aux questions importantes suivantes : y a-t-il de bonnes raisons d’autoriser la publicité d’aliments malsains destinée aux enfants? Y a-t-il des avantages pour leur santé et leur développement à long terme? Y a-t-il un but, sinon de mettre de l’argent dans les poches de l’industrie et dans celles des annonceurs?
Je crois que la réponse à toutes ces questions est clairement non. La priorité des sénateurs doit être de faire entendre la voix des personnes vulnérables et les sans-voix. Compte tenu des preuves dont nous disposons déjà et de l’appui de l’autre endroit, je crois que ce projet de loi devrait être rapidement renvoyé au comité pour un examen plus approfondi et passer à la troisième lecture le plus tôt possible. Étant donné notre rôle, nous avons le privilège d’avoir une incidence positive. Nous pouvons nous réjouir de l’adoption de ce projet de loi. Merci.
La sénatrice accepte-t-elle de répondre à une question?
Oui.
Merci. Honorable collègue, j’estime essentiel de souligner que l’adhésion au code est obligatoire, or, vous avez dit qu’elle était facultative. Elle ne l’est pas. Je suis étonné de constater que certains de nos collègues persistent à dire qu’il s’agit d’une adhésion volontaire, alors que tout manquement fait l’objet d’un examen par les Normes de la publicité, ce qui souligne l’importance de respecter le code.
Le code a été lancé en juin 2021 et est entré en vigueur en juin 2023. Depuis lors, aucune infraction n’a été signalée. Il est important de reconnaître que l’industrie a largement collaboré à l’élaboration de ce code obligatoire et que les efforts collectifs se sont traduits par un code plus strict que les normes fixées par voie législative, ce qui témoigne d’une approche proactive en matière d’autoréglementation.
Mon estimée collègue comprend-elle que le code actuellement en vigueur est obligatoire? Savez-vous que l’industrie a collaboré à son élaboration? M’appuierez-vous pour que les représentants de l’industrie soient convoqués à l’étape de l’étude du comité? Car le dossier indique qu’à l’autre endroit, l’industrie n’a pas été invitée à témoigner lors de l’étude du comité. En fait, on m’a dit que les représentants de l’industrie ont été exclus.
Merci, sénateur Black, et merci pour vos efforts soutenus pour défendre les intérêts de groupes importants dans notre pays — ceux qui cultivent et qui nous fournissent nos aliments.
Je vous dirais que ce processus obligatoire supervisé par une organisation volontaire — Normes de la publicité — ne prévoit pas l’examen obligatoire des publicités à une fréquence déterminée et avec une régularité particulière. De son propre chef, l’organisme aborde le secteur de la manière qu’il juge la plus appropriée. Il ne s’agit pas d’un groupe réglementé, et je maintiens que c’est très bien ainsi. C’est une excellente idée de les laisser poursuivre leurs activités, mais la réglementation particulière de ce secteur doit être confiée à Santé Canada et doit être assortie de conséquences et d’une surveillance rigoureuse.
Merci, chère collègue. Honorables sénateurs, conformément à l’article 14-1(4) du Règlement, je demande le consentement du Sénat pour déposer, dans les deux langues officielles, le Code des pratiques responsables en matière de publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants.
Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
J’ai entendu un « non ». Le consentement n’est pas accordé.