Le Code criminel
Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Ajournement du débat
17 juin 2019
Propose que le projet de loi C-84, Loi modifiant le Code criminel (bestialité et combats d’animaux), soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture et en tant que marraine du projet de loi C-84, Loi modifiant le Code criminel, qui propose des modifications pour renforcer la protection contre la bestialité et les combats d’animaux. Je suis une fois de plus honorée de prendre la parole au Sénat au nom de mes amis les animaux.
Ce projet de loi jouit d’un vaste appui parmi les parlementaires et les intervenants et il apportera des changements cruciaux au Code criminel, qui sont attendus depuis longtemps, en corrigeant deux lacunes législatives. Ces modifications refléteront mieux les convictions de la grande majorité des Canadiens, qui trouvent odieuse la cruauté envers les animaux. Ce projet de loi permet d’offrir un niveau plus élevé de justice aux animaux et une meilleure protection aux enfants et aux autres personnes vulnérables, et il reflète nos valeurs communes.
Lors de mon discours à l’étape de la deuxième lecture, j’ai expliqué la loi actuelle concernant l’exploitation sexuelle des animaux. Le Code criminel nomme cette pratique la bestialité. Les infractions de bestialité couvrent les actes graves de l’une des pires formes d’exploitation sexuelle d’enfants, de personnes vulnérables et d’animaux. Le projet de loi C-84 a atteint son objectif, soit criminaliser toutes les formes de bestialité, qui s’entend de tout contact sexuel entre un animal et un humain, et il élimine des échappatoires, ce qui facilitera les poursuites dans les cas de combats d’animaux.
La première réforme que propose le projet de loi C-84 est d’ajouter « tout contact à des fins sexuelles entre une personne et un animal » à la définition du terme « bestialité » à l’article 160 du Code criminel. Cet ajout découle de la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. D.L.W., qui est un cas troublant de bestialité et d’agression sexuelle contre des enfants. La cour a examiné l’interprétation du terme « bestialité » dans la jurisprudence et a conclu que cette infraction n’était commise que lorsqu’il y avait un acte sexuel avec pénétration mettant en cause un animal.
La définition proposée de la bestialité est solide et elle couvre tous les contacts sexuels. Elle reconnaît que les animaux sont vulnérables et qu’ils ne peuvent consentir à des contacts sexuels, et qu’il y a toujours un risque de blessure lié à cette infraction.
Ceux qui craignent qu’une loi qui vise à protéger les animaux contre la violence sexuelle n’empiète également sur leur capacité d’accomplir des tâches courantes dans le secteur de la production animale peuvent avoir l’assurance que le projet de loi ne limitera pas leur capacité à accomplir ces tâches.
Tant dans la correspondance écrite adressée à l’ancien ministre de la Justice que dans leurs témoignages devant le Comité de la justice, les intervenants du secteur agricole ont indiqué qu’ils ne craignent aucunement que cette définition s’applique par inadvertance aux pratiques actuelles et que la bestialité et les combats d’animaux ne constituent aucunement un préjudice à leurs pratiques agricoles.
Comme on l’a mentionné, lorsque ce projet de loi a été étudié à l’autre endroit, des amendements ont été adoptés pour qu’il atteigne mieux ses objectifs. Deux de ces amendements portaient sur la bestialité et étaient fondés en partie sur des preuves et des témoignages fournis au comité par des témoins. Par la suite, les dispositions sur les combats d’animaux ont été renforcées. Elles font maintenant ce qu’elles doivent faire.
Le premier permettrait à un tribunal de rendre des ordonnances d’interdiction visant les animaux et des ordonnances de dédommagement lorsqu’une personne est déclarée coupable de bestialité. Une ordonnance d’interdiction signifie qu’une personne reconnue coupable de bestialité n’aurait pas le droit de posséder un animal, d’avoir le contrôle d’un animal ou d’habiter avec un animal pendant une période pouvant aller jusqu’à la perpétuité.
L’article 447.1 prévoit déjà de telles ordonnances pour les infractions de cruauté envers les animaux; il serait donc cohérent de faire de même pour les infractions de bestialité. Cela permettrait également d’améliorer les mesures de protection importantes pour les animaux et la sécurité publique. Il s’agit d’une mesure préventive et positive. La possibilité de rendre une ordonnance de dédommagement est également un aspect important de cet amendement au projet de loi C-84.
La maltraitance d’un animal engendre souvent des coûts importants associés aux soins médicaux, à la réadaptation et aux soins généraux. Ces coûts devraient être assumés par la personne responsable de la blessure de l’animal et non par les personnes et les organismes qui le sauvent et en prennent soin pendant son rétablissement. De plus, de telles mesures amènent le délinquant à assumer davantage la responsabilité de ses actes.
Le deuxième amendement, qui a déjà été adopté à l’autre endroit, vise à ajouter les infractions de bestialité visées au paragraphe 161 à la liste des infractions désignées auxquelles s’appliquent les exigences associées au Registre national des délinquants sexuels, pour une période pouvant durer jusqu’à 20 ans.
Le projet de loi C-84 modernise également la loi en ce qui concerne les combats d’animaux, en modifiant deux dispositions du Code criminel. La première modification élargit la portée de l’infraction visée par l’alinéa 445.1(1)b) du Code criminel, pour y inclure la promotion, l’organisation, la participation ou la réception d’argent relativement au combat d’animaux.
La deuxième modification proposée vise l’article 447.1; elle élargit la portée de l’infraction consistant à garder une arène pour les combats de coqs pour viser toute arène pour les combats d’animaux. Cette modification est particulièrement importante, car, à l’heure actuelle, les combats de chiens constituent la principale forme de combats d’animaux au Canada.
Les combats de chiens sont tout simplement la forme la plus odieuse de cruauté physique envers les animaux. Les parlementaires et les témoins qui ont comparu devant les comités ont parlé en détail de la souffrance qu’endurent ces bêtes. Les liens entre les combats de chiens et le crime organisé en font un fléau social encore plus grave. Il faut appuyer toute mesure que le Parlement peut prendre pour aider les forces de l’ordre à empêcher la tenue de combats d’animaux.
Le Comité de la justice de l’autre endroit a aussi amendé le projet de loi afin d’abroger le paragraphe 447(3) du Code criminel, qui exige qu’on supprime les oiseaux trouvés dans une arène pour les combats de coqs.
La décision d’euthanasier un animal doit être prise par des professionnels de la protection des animaux en fonction de la santé de l’animal plutôt que de l’application d’une loi. Les évaluations de ces professionnels tiennent davantage compte de la sentience de l’animal, y compris de sa capacité à être réadapté et à réintégrer la société humaine. Cette approche témoigne d’un progrès par rapport aux lois archaïques du Canada concernant le bien-être des animaux.
La législation provinciale et territoriale relative à la protection des animaux autorise déjà la destruction sans cruauté d’animaux qui sont trop blessés ou malades pour guérir ou qui sont jugés inaptes à la réadaptation. Pour autant, nous n’avons pas le vocabulaire juridique adéquat pour tenir compte des dernières avancées scientifiques sur la sentience animale qui garantirait des protections convenables.
J’espère que nous pourrons évoluer et trouver des façons plus créatives de réadapter ces victimes qui, par la peur et la contrainte dont elles ont été victimes, sont conditionnées pour se battre et vivre dans la peur chaque jour de leur vie. Nous devons trouver d’autres solutions plutôt que de nous contenter de recourir à la solution par défaut qui consiste à tuer ces créatures sans défense.
J’aimerais remercier le porte-parole pour le projet de loi, le sénateur White, le comité des affaires sociales et son personnel, et les extraordinaires témoins qui nous ont aidés à comprendre l’importance de ce projet de loi et l’urgence qu’il y a à l’adopter.
Barbara Cartwright, de Humane Canada, organisme qui représente les sociétés de protection des animaux au Canada, nous a indiqué que ces sociétés recevaient plus de 100 000 plaintes chaque année par rapport à des allégations de cruauté envers les animaux. Elles constatent en outre régulièrement les conséquences de la section inadéquate et archaïque du Code criminel du Canada consacrée à la cruauté envers les animaux. Ces échappatoires juridiques qui empêchent de poursuivre les auteurs de crimes contre les animaux découlent d’un vocabulaire et d’infractions périmées. Mme Cartwright a affirmé que le projet de loi C-84 en corrigera deux exemples et que c’est pour cette raison qu’il faut l’adopter sans tarder.
Shawn Eccles, gestionnaire principal des Enquêtes sur la cruauté à la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux de la Colombie-Britannique, a dit au comité qu’il disposait de preuves qu’on élève des coqs dans le but de les entraîner au combat et que, par la suite, on les expédie aux Philippines. Voici ce qu’il a dit :
Si le projet de loi était adopté, je pourrais, dès demain, au moins déposer une accusation auprès de la Couronne pour demander que ces gens soient accusés d’avoir commis une infraction. Ils élèvent et ils entraînent ces oiseaux précisément à cette fin.
Actuellement, le Code criminel n’empêche pas qu’on entraîne et qu’on expédie des oiseaux ou d’autres animaux dans ce but.
En ce qui a trait à la disposition du projet de loi qui indique aux tribunaux qu’ils doivent euthanasier les oiseaux, après avoir repéré une arène de combat de coqs et y avoir découvert 1 270 oiseaux, conformément au Code criminel du Canada, M. Eccles s’est trouvé dans la lamentable situation de devoir euthanasier ces oiseaux — et il fallait l’accomplir en leur tordant le cou manuellement — au lieu de les réadapter ou de les placer dans des sanctuaires. Trois personnes ont été accusées et une seule a été reconnue coupable. Cette dernière a été condamnée à une simple interdiction.
Voici ce qu’en a dit M. Eccles :
[…] bien franchement, du point de vue d’une personne qui cherche à sauver la vie des animaux, ce n’est pas quelque chose que j’ai envie de refaire.
M. Eccles a dit au comité qu’il connaît des endroits où des oiseaux sont gardés à cette fin, mais son organisme ne veut pas y entrer pour les capturer, car il devra les euthanasier parce que la loi l’exige. Il a dit au comité que le projet de loi C-84 sauverait la vie de nombreux animaux et oiseaux et réclame aussi qu’il soit adopté sans tarder.
La Dre Alice Crook, vétérinaire et membre de l’Association canadienne des médecins vétérinaires, a expliqué au comité qu’il y a un « lien bien documenté entre la cruauté envers les animaux et envers d’autres membres de la famille, y compris les enfants, les époux et les aînés. »
En adoptant le projet de loi C-84, non seulement nous aidons les animaux, mais nous nous attaquons à l’exploitation sexuelle d’autres membres vulnérables de la société, y compris celle d’enfants.
La Dre Crook a par ailleurs expliqué qu’il y a de plus en plus d’information au sujet de la sentience des animaux, y compris des documents scientifiques démontrant que les animaux sont dotés des processus neuronaux nécessaires pour être sentients.
Même les tribunaux commencent enfin à en tenir compte dans leurs décisions. Le Dre Crook a aussi expliqué qu’en Colombie-Britannique certaines condamnations sont fondées sur la sentience des animaux et les émotions qu’ils ressentent. Cela démontre que la compréhension des animaux a progressé dans la société.
Enfin, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a ajouté une observation importante qui précise que, selon le Centre canadien de protection de l’enfance, le fait de faciliter l’échange de renseignements entre les services de protection de l’enfance et les organismes de protection des animaux permettra de mieux détecter les mauvais traitements infligés aux enfants et aux animaux et de mener des interventions de protection qu’on ne pourrait peut-être pas effectuer sans cette mesure, puisque ces deux types de maltraitance sont souvent très difficiles à détecter.
Honorables sénateurs, je comprends que certains d’entre nous — moi y compris — aimeraient voir une réforme complète des dispositions du Code criminel sur la cruauté envers les animaux. Le ministre de la Justice et procureur général du Canada, David Lametti, a confirmé qu’il s’engagerait personnellement, lors de la prochaine législature, à réformer le cadre législatif du pays en ce qui concerne la protection des animaux. Il a reconnu que le projet de loi C-84 n’est qu’un premier pas en ce sens, car il est vrai que le cadre législatif du pays devrait être modernisé. Le ministre a confirmé que le projet de loi C-84 propose des réformes à l’égard de deux types importants de cruauté envers les animaux qui font largement consensus. Il propose aussi des mesures essentielles pour protéger les enfants et les autres personnes vulnérables contre l’une des formes d’agression sexuelle les plus graves.
Comme je l’ai expliqué, pendant le débat à l’étape de la deuxième lecture, le cercle d’influences nous guide et nous indique clairement non seulement qu’il existe une interdépendance entre nous, les bipèdes humains, mais que cette interdépendance s’étend également dans tous les sens pour englober les quadrupèdes, les êtres dotés de branchies et les êtres ailés.
Alors si nous reconnaissons et honorons toutes nos relations et que nous vivons tous en interdépendance, nous devons nourrir et protéger concrètement ces liens, y compris avec les animaux qui sont laissés pour compte par la loi, car ils sont d’autant plus vulnérables à la violence. C’est exactement ce que le projet de loi C-84 permettrait de faire.
Honorables sénateurs, ce projet de loi a été adopté à l’unanimité par nos collègues de l’autre endroit, et il a l’appui d’un vaste éventail d’intervenants, dont je ne ferai pas de nouveau la liste. Je vous prie d’adopter rapidement cette mesure législative capitale afin que les mesures de protection qu’elle contient soient mises en œuvre sans tarder. Merci. Meegwetch. Pour toutes nos relations.