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Droits de la personne

Motion tendant à autoriser le comité à étudier la stérilisation forcée ou contrainte des personnes--Débat

19 novembre 2020


Conformément au préavis donné le 1er octobre 2020, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la stérilisation forcée et contrainte des personnes au Canada, surtout en ce qui concerne les femmes autochtones, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 30 décembre 2021.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de ma motion tendant à autoriser le Comité sénatorial permanent des droits de la personne à entreprendre une étude sur la stérilisation forcée ou contrainte des personnes au Canada.

Pour cette étude, le comité convoquerait des témoins clés et des spécialistes pour témoigner de la pratique de la stérilisation forcée ou contrainte d’une personne. L’étude permettra aussi à des femmes qui ont vécu cette expérience de nous raconter ce qui leur est arrivé. L’objectif de l’étude serait de produire un rapport afin de proposer des recommandations et des mesures concrètes pour mettre fin à cette pratique abominable.

Certains d’entre vous se rappellent peut-être que le premier discours que j’ai prononcé au Sénat portait sur cette question. J’ai parlé de ma tante Lucy et des traumatismes qu’elle a vécus dans un sanatorium en Saskatchewan. Bien que son dossier ait été détruit, je soupçonne qu’elle a été stérilisée lorsqu’elle était adolescente dans cet établissement, où elle a passé 10 ans de sa vie. Elle n’a jamais pu avoir d’enfants. Pendant cinq ans, au sanatorium, elle a été alitée et emprisonnée de la tête aux pieds dans un corset plâtré. Ainsi, vous comprendrez que cette question me touche de très près.

J’ai parlé à des mères autochtones qui ont été stérilisées de force après avoir donné naissance à une fille. Puis, quand ces filles ont grandi, elles ont aussi été stérilisées de force. C’est une histoire d’horreur qui se poursuit de génération en génération. À ma connaissance, la dernière stérilisation forcée a eu lieu en décembre 2018, ce qui est plutôt récent.

Ce genre de cas ont été signalés en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, en Ontario, en Nouvelle-Écosse et dans les territoires, notamment celui du Nunavut. Nous devons étudier cette question et demander aux spécialistes comment nous pouvons mettre en place des mesures de sauvegarde pour nous assurer que les générations futures ne vivent pas cette expérience dévastatrice. Je crois qu’une telle étude sera un pas concret vers l’éradication de cette pratique.

Le gouvernement du Canada n’a pas cessé de répéter qu’il souhaite la réconciliation. Pourtant, la stérilisation forcée des femmes autochtones se poursuit. Cette pratique est le résultat d’attitudes racistes et paternalistes, qui découlent de doctrines colonialistes déshumanisantes.

Durant la première moitié du XXe siècle, les procédures de stérilisation au Canada se fondaient sur l’eugénisme, une pseudoscience visant à arrêter la reproduction des personnes jugées inaptes par l’État.

D’après cette théorie profondément raciste et discriminatoire, toute perception de pauvreté, de maladies ou de problèmes sociaux était causée par les caractéristiques biologiques d’une personne, et les personnes handicapées, les personnes de couleur, les immigrants et les Autochtones étaient des groupes de personnes qu’il fallait stériliser.

Dans les années 1920 et 1930, la Colombie-Britannique et l’Alberta ont adopté des lois sur la stérilisation qui visaient à restreindre les possibilités de reproduction des personnes considérées inaptes. Au fil du temps, elles ont de plus en plus ciblé les femmes autochtones. Ce n’est toutefois pas seulement dans ces deux provinces que des femmes autochtones étaient stérilisées sans leur consentement. Ce problème national dépasse les frontières provinciales et territoriales.

Des preuves indiquent qu’en Ontario et dans le Nord du Canada, des médecins adeptes de l’eugénisme considéraient les femmes autochtones comme des cibles parfaites pour les opérations de stérilisation. On sait aussi que des Afro-Canadiennes de la Nouvelle-Écosse ont été stérilisées et ont subi des hystérectomies contre leur gré.

Dans d’autres provinces, on avait tendance à stériliser les personnes marginalisées même s’il n’y avait pas de loi en ce sens. Bien que le gouvernement ait reconnu les problèmes passés, encore de nos jours, des femmes autochtones sont contraintes ou forcées de subir une ligature des trompes.

Pendant la quarante-deuxième législature, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a découvert, pendant une brève étude, que la stérilisation forcée existe toujours au Canada. Bien que le rapport du comité n’ait jamais été déposé ni rendu public, il recommandait notamment que le comité poursuive son étude.

Le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes a aussi étudié la stérilisation forcée. Il a exhorté le gouvernement fédéral à soutenir davantage la recherche et la collecte de données pour en comprendre toute la portée.

Ces deux études ont montré que l’ampleur et la fréquence des stérilisations demeurent inconnues et qu’il faut mener davantage de recherches et explorer des solutions. Il est absolument crucial que le gouvernement accomplisse ce travail, puisque la stérilisation forcée demeure une violation des droits fondamentaux en matière de procréation.

De plus, le Canada ne respecte pas ses obligations et ses engagements internationaux. Le droit de donner la vie est protégé par de nombreux cadres internationaux des droits de la personne, notamment par la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations unies, que le Canada a signée en 1948. Le Canada a également participé à beaucoup de conventions et de sommets internationaux qui reconnaissent les droits génésiques comme des droits fondamentaux de la personne.

Dans le cadre de sa campagne électorale, le gouvernement libéral a promis de mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones avant la fin de 2020. Cela veut dire que le Canada aurait l’obligation internationale de veiller à ce que les femmes autochtones obtiennent des soins de santé sans discrimination et sans violence et de mettre un terme à ces stérilisations forcées.

En décembre 2018, le Comité contre la torture des Nations unies a examiné la situation au Canada et a présenté ses observations au gouvernement.

Son Honneur le Président [ + ]

Madame la sénatrice Boyer, je suis désolé de vous interrompre, mais vous disposerez du reste de votre temps de parole la prochaine fois que cet article sera appelé. Toutes mes excuses.

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