La Loi sur les juges—Le Code criminel
Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Suite du débat
5 mai 2021
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel, qui est parrainé au Sénat par le sénateur Dalphond.
Avant de parler de cette importante mesure législative, je tiens à prendre un instant, à l’instar de la sénatrice Anderson, pour souligner que, aujourd’hui, c’est la Journée de la robe rouge. Cette journée annuelle de commémoration est un événement sombre. Ce genre d’histoires tragiques sont beaucoup trop courantes dans nos collectivités. Tous les Autochtones connaissent quelqu’un qui a disparu — de belles jeunes filles brillantes qui se sont fait voler leur avenir pour la simple raison qu’elles sont nées autochtones au Canada.
Depuis le 5 mai 2017, nous nous réunissons et organisons des cérémonies pour honorer et célébrer nos proches disparus — nos sœurs —, alors que nous nous efforçons de bâtir un avenir où aucune femme autochtone ne disparaîtra ou ne sera assassinée. Aujourd’hui, honorons celles que nous avons perdues et souvenons-nous d’elles. Demain, engageons-nous à ce que plus aucune de nos sœurs ne disparaisse.
Je tiens maintenant à parler du contexte législatif du projet de loi C-3 et à souligner le lien souvent ignoré entre la cruauté envers les animaux et la violence interpersonnelle. Il s’agit d’une question extrêmement importante sur laquelle je tiens à attirer l’attention. Je tiens aussi à souligner l’importance d’incorporer une formation sur ce lien dans la conception des colloques sur le contexte social offerts par le Conseil canadien de la magistrature.
Le projet de loi C-3, qui vise à redonner confiance dans le système de justice aux personnes ayant survécu à une agression sexuelle, tombe à point, car il est attendu depuis très longtemps. Ce texte, qui portait alors le numéro C-337, a été présenté une première fois en février 2017 par l’honorable Rona Ambrose, qui avait constaté que de très nombreuses affaires d’agressions sexuelles avaient ébranlé la confiance du public dans le système de justice.
Hélas, le projet de loi C-337 est mort au Feuilleton du Sénat lorsque le Parlement a été dissous en 2019. Il a été présenté de nouveau après les élections, sous le numéro C-5, mais la prorogation de 2020 l’a de nouveau fait mourir au Feuilleton.
Chers collègues, il est plus que temps que le Canada se dote d’une loi comme celle-là. Nous devons tout faire pour rebâtir la confiance des personnes ayant survécu à une agression sexuelle et j’estime que cette démarche commence par l’adoption du projet de loi C-3.
Pour bien évaluer la gravité des agressions sexuelles et leurs répercussions dans la vie des victimes, les juges doivent absolument suivre de la formation sur les points de droit qui ont trait aux agressions sexuelles et sur les facteurs sociaux connexes, dont la discrimination et le racisme systémiques. Les personnes qui survivent à une agression sexuelle et qui font le choix de dénoncer ce qu’elles ont vécu doivent avoir l’assurance qu’elles seront écoutées et traitées avec compassion, respect, compréhension et dignité, et que la décision du tribunal ne sera pas teintée par les préjugés, les stéréotypes et les mythes.
Honorables sénateurs, j’appuie le projet de loi C-3 en tant qu’avocate et défenseure des femmes autochtones qui ont été lésées par les systèmes médical et judiciaire. Il est temps que le système judiciaire réponde aux besoins des personnes ayant survécu à une agression sexuelle.
Au cours des audiences du comité sur le projet de loi, nous avons entendu des témoignages émouvants de personnes qui ont été victimes de violence familiale et d’experts dans les domaines de la justice et de la violence faite aux femmes. Certains témoins ont souligné le lien entre la violence faite aux animaux et la violence faite aux femmes. Dans son rapport sur le projet de loi, le comité a inclus une observation importante à ce sujet. Le comité a entendu des témoignages sur ce qu’on appelle le lien entre les différentes formes de violence — qui est prouvé par des données probantes —, c’est-à-dire le lien établi entre la violence envers les personnes — violence interpersonnelle — et la violence envers les animaux — cruauté envers les animaux —. Il est nécessaire de comprendre ce lien pour juger correctement certaines infractions au Code criminel, notamment les infractions liées à la bestialité.
Il est également important de comprendre le lien entre les différentes formes de violence pour pouvoir appliquer correctement la nouvelle définition de « violence familiale » figurant dans la Loi sur le divorce, qui inclut les menaces à l’encontre d’un animal ou le fait de le tuer ou de lui faire du mal.
En outre, offrir de la formation aux juges au sujet du lien entre les différentes formes de violence peut contribuer à dissiper des mythes et des stéréotypes au sujet des comportements des victimes. Par exemple, le comité s’est fait expliquer comment on peut se servir d’un animal de compagnie pour faire taire les victimes; que le mauvais traitement des animaux est lié à un risque accru de forme grave de violence de la part du partenaire intime, y compris la violence sexuelle; que beaucoup de victimes remettent à plus tard leur séparation de leur partenaire parce qu’elles craignent pour la sécurité de leur animal de compagnie. Ces facteurs peuvent nous aider à comprendre le comportement de la victime et à éviter de lui faire subir une autre épreuve.
Pour ces raisons, le comité suggère que le lien entre la violence envers les êtres humains et la violence envers les animaux soit traité dans les séminaires de formation sur le contexte social.
De nombreuses études ont conclu à un lien direct entre les actes de cruauté envers les animaux et la violence envers les personnes. Cette corrélation est appelée « le lien ». Il est pertinent et nécessaire de comprendre et de reconnaître le lien pour les juges qui entendent des affaires d’agressions sexuelles.
Selon les témoignages entendus par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, les animaux de compagnie peuvent être utilisés pour faire taire les victimes, les mauvais traitements infligés aux animaux sont liés à un risque accru de forme grave de violence de la part du partenaire intime et beaucoup de victimes remettent à plus tard leur séparation de leur partenaire parce qu’elles craignent pour la sécurité de leur animal de compagnie.
C’est encore plus vrai pour les femmes autochtones, qui ont souvent un profond attachement culturel et spirituel envers leur animal de compagnie. Les femmes autochtones et racialisées du Canada sont beaucoup plus susceptibles d’être victimes de violence que les femmes non autochtones. Pour cette raison, il est impératif de reconnaître et de comprendre le lien entre les différentes formes de violence, et de l’intégrer à la formation que les juges reçoivent. Ces facteurs peuvent aider à comprendre le comportement de la victime et la façon avec laquelle les animaux de compagnie peuvent être utilisés comme une forme de contrôle et de violence envers les victimes d’agression sexuelle. La formation sur ce lien aiderait les juges à rendre leurs décisions en faisant en sorte que les victimes soient traitées de façon respectueuse, juste et équitable.
Le projet de loi C-3 est un important pas dans la bonne direction afin que les nouveaux juges reçoivent les outils, la formation et le soutien nécessaires pour appliquer de façon appropriée les lois qui régissent les cas d’agressions sexuelles.
Merci, honorables sénateurs. J’exhorte chacun d’entre vous à contribuer à l’adoption de ce projet de loi à l’étape de la troisième lecture afin que notre système judiciaire puisse commencer le travail pour rétablir la confiance avec les survivants. Merci. Marsee. Meegwetch.