Projet de loi sur la Journée des villes et des municipalités
Deuxième lecture--Suite du débat
28 octobre 2025
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour exprimer mon appui sincère à une initiative qui, à mon sens, vient combler un vide dans notre reconnaissance institutionnelle et démocratique : la création d’une Journée des villes et des municipalités, comme le propose le projet de loi S-237 parrainé par le sénateur Forest.
Il est temps que nous reconnaissions collectivement le rôle fondamental que jouent les municipalités dans la vie des Canadiens et des Canadiennes. J’insiste : il ne s’agit pas d’un simple geste symbolique ni d’un ajout festif à notre calendrier civique. C’est une reconnaissance concrète de la valeur, de la compétence et de l’engagement des gouvernements municipaux dans la construction du tissu social et économique de notre pays.
Trop souvent, lorsqu’on parle de gouvernance, on pense immédiatement au gouvernement fédéral ou aux gouvernements provinciaux. Pourtant, le premier gouvernement auquel les citoyens s’adressent, celui qui est le plus près d’eux, c’est la municipalité.
C’est à l’hôtel de ville que l’on se rend lorsqu’un parc a besoin d’être rénové.
En traversant la rue pour venir ici, un peu plus tôt, je me disais que si l’on veut avoir un impact en tant que gouvernement, c’est à l’échelle municipale qu’il faut aller. Le trottoir sur lequel je marchais est de compétence municipale; la rue que je traversais est de compétence municipale; les feux de circulation, la sécurité, tout cela est de compétence municipale; les tuyaux qui passent sous la rue sont de compétence municipale; l’autobus qui est passé devant moi est de compétence municipale.
En fait, lorsque j’étais maire, je m’amusais parfois aux dépens de certains citoyens qui assistaient à la période de questions et se plaignaient que la taxe de 250 $ pour la collecte des ordures était trop élevée, qu’elle n’avait aucun sens. Je m’amusais en leur proposant de faire une entente avec eux, soit de ne pas imposer de taxe sur la collecte des ordures et donc d’enlever 250 $ sur leur compte de taxes municipales, mais qu’ils devraient par contre éliminer eux-mêmes les déchets et le faire conformément à la législation, dans un site sécurisé et à leurs frais. Ils croyaient que je me payais leur tête. Je leur disais de le faire et de me dire ensuite si cela coûtait plus cher que 250 $. Cela mettait évidemment rapidement fin au débat.
C’est le maire ou la mairesse qui est interpellé quand la sécurité dans un quartier devient préoccupante. Ce sont les conseillers municipaux qui siègent chaque semaine pour entendre les préoccupations, petites ou grandes, de leurs concitoyens. C’est ce que j’appelle le « gouvernement de la réalité quotidienne ».
Ce gouvernement fonctionne souvent avec des ressources limitées et avec une lourde pression, mais toujours avec une volonté inébranlable de servir.
Je tiens ici à saluer les élus municipaux — femmes et hommes — qui consacrent des heures, des soirs et des fins de semaine, souvent au détriment de leur vie personnelle, à faire avancer leur collectivité. Leur rôle est trop souvent mal compris ou sous-estimé. Pourtant, ils incarnent ce qu’il y a de plus noble en politique : l’engagement local, direct et désintéressé de vouloir faire le bien dans l’intérêt commun. Ce sont eux qui gèrent les infrastructures et services municipaux comme les aqueducs, les égouts, les routes locales, les camps de jour, les plans d’urbanisme, le service de police, le service de pompier, la sécurité civile, les logements abordables, l’itinérance, la gestion des budgets, la gestion de l’environnement, les impacts multiples des changements climatiques, la collecte des ordures, des matières recyclables et du compost, les parcs, les plateaux sportifs, le transport collectif, la gestion animalière, et j’en passe. Comme vous le voyez, chers collègues, la liste est longue. Si vous souhaitez avoir un impact sur la vie des gens, c’est à l’échelle municipale que le travail se fait.
Une Journée des villes et des municipalités serait une façon simple, mais forte, de leur dire merci et de souligner leur engagement.
J’aimerais aussi rappeler, comme nous l’avons vu récemment, que les municipalités sont souvent en première ligne lorsque de grandes crises surviennent. Dans le cas d’inondations, ce sont les municipalités qui coordonnent les évacuations. Lorsque surviennent des incendies de forêt, ce sont les municipalités qui mettent sur pied des centres d’accueil. Pendant la pandémie, ce sont les villes et les villages qui ont adapté leurs services, parfois du jour au lendemain, pour protéger la population. Elles sont les premières à répondre. Elles sont aussi, bien souvent, les dernières à être consultées. Pourtant, elles font preuve d’un leadership admirable, de résilience et surtout d’innovation, car elles n’ont pas le luxe d’attendre. Elles doivent agir rapidement et concrètement.
Je rappelle avec respect qu’en vertu de notre Constitution, les municipalités sont de compétence provinciale. Toutefois, leur rôle dans la vie canadienne dépasse largement cette simple mention juridique.
Le respect de nos institutions passe aussi par une reconnaissance fonctionnelle de la gouvernance municipale. Nous avons besoin de la collaboration entre les trois ordres de gouvernement : fédéral, provincial et municipal. Cette collaboration doit s’appuyer sur une reconnaissance mutuelle. Une Journée des villes et des municipalités serait un geste d’ouverture et lancerait un message clair selon lequel le Parlement du Canada reconnaît et respecte l’apport inestimable des municipalités au développement du pays.
Pensons un instant à la diversité des municipalités partout au Canada, aux grandes villes comme Montréal, Toronto, Vancouver et Calgary; aux villes de taille moyenne et dynamiques comme Trois-Rivières, Sherbrooke, Saguenay, Kelowna, Moncton et, bien sûr, Saint-Eustache, ville où j’ai eu l’honneur de servir en tant que maire. On peut penser aux petites municipalités rurales, formées parfois de quelques centaines d’habitants, et aux communautés autochtones, qui ont leur propre mode de gouvernance locale. Toutes ces entités ont des réalités différentes, mais elles ont un même objectif : celui de servir leurs citoyens avec efficacité, équité, diligence et dignité.
Nous, au Sénat, devons être à l’écoute de cette diversité. Nous devons l’honorer.
Une Journée des villes et des municipalités serait aussi l’occasion de sensibiliser la population — notamment les jeunes — à l’importance de l’engagement municipal. Bien souvent, les premiers pas dans la vie démocratique sont de voter aux élections municipales, de s’impliquer dans un comité de quartier ou dans un comité consultatif d’urbanisme et de poser des questions à son conseil municipal. Nous avons tout à gagner à valoriser la démocratie locale. En encourageant l’implication locale, on renforce la démocratie nationale. En donnant de la visibilité aux municipalités, on redonne aux citoyens le goût de s’impliquer.
Enfin, chers collègues, je vois dans cette journée une initiative rassembleuse et une occasion de mettre de côté les divisions partisanes ou géographiques pour reconnaître ce que nous avons en commun. Chaque Canadien, qu’il vive à Gaspé, à Iqaluit, à Winnipeg ou à Victoria, est citoyen d’une municipalité. Ce qui nous unit, c’est ce sentiment d’appartenance à une communauté, une ville, un quartier ou un village. C’est pourquoi je crois que le Parlement du Canada doit être au rendez-vous pour soutenir cette proposition.
Chers collègues, appuyer la création d’une Journée des villes et des municipalités n’est pas un geste anodin. C’est un geste de reconnaissance, de respect et de maturité institutionnelle. À tous ceux et celles qui, dans chaque coin du pays, travaillent à améliorer leur communauté, je dis ceci : nous vous voyons, nous vous respectons et nous sommes à vos côtés.
Je vous invite à appuyer cette initiative de tout cœur et avec la certitude qu’en reconnaissant les municipalités, nous renforçons l’ensemble du Canada. Merci.