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Projet de loi sur l’instrument multilatéral relatif aux conventions

Troisième lecture--Ajournement du débat

12 juin 2019


Propose que le projet de loi C-82, Loi mettant en œuvre une convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, soit lu pour la troisième fois.

—Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture d’un projet de loi dont je suis la marraine, le projet de loi C-82, Loi mettant en œuvre une convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices.

Vous vous en souvenez?

Dans son discours à l’étape de la deuxième lecture, mon honorable collègue le sénateur Ngo, l’aimable porte-parole pour ce projet de loi, a cité sir Winston Churchill :

Une nation qui espère prospérer grâce à l’impôt est comme un homme, debout dans un seau, qui essaye de se soulever par la poignée.

Honorables sénateurs, je ne pense pas que le projet de loi C-82 représente de près ou de loin une façon de prospérer grâce à l’impôt en essayant de nous soulever par la poignée d’un seau métaphorique. Il figure plutôt parmi les nombreuses initiatives concrètes et fort à propos qu’a prises le Canada, ainsi que nos collègues de l’OCDE et du G20. L’objectif est de colmater les brèches de nos seaux nationaux pour conserver ainsi les impôts dûs à nos gouvernements.

La semaine dernière ont eu lieu les célébrations du soixante-quinzième anniversaire de l’invasion du jour J, qui préfigurait la fin de la Seconde Guerre mondiale, sur les plages de Normandie. Le sénateur Rob Black a assisté aux cérémonies.

On parle peu du fait que, lorsque J.L. Ilsley était le ministre fédéral des Finances, de 1940 à 1946, le régime fiscal canadien a subi une grande transformation alors que le pays était en temps de guerre. La majorité des membres de la population active du Canada ont vu leur revenu assujetti à l’impôt, et l’impôt sur le revenu des sociétés a été augmenté considérablement et il a été assujetti à la taxation des surplus de bénéfices. Ces mesures ont été essentielles pour financer l’effort de guerre et établir l’État providence de l’après-guerre que nous tenons pour acquis aujourd’hui au Canada.

Sir Winston Churchill et les habitants de la France occupée n’auraient peut-être jamais bénéficié du soutien important et héroïque des jeunes Canadiens à qui nous avons rendu hommage à Juno Beach la semaine dernière si le Canada n’avait pas trouvé un moyen efficace et équitable d’obtenir les recettes nécessaires pour mobiliser, former et équiper les jeunes soldats, matelots et pilotes.

Voici un autre fait historique important se rapportant au projet de loi : après la Seconde Guerre mondiale, les pays ont adopté de nouvelles façons de travailler ensemble pour assurer la paix et pour reconstruire et maintenir un ordre mondial prospère et juste.

L’OTAN, les Nations Unies modernes et l’OCDE sont toutes issues de la Seconde Guerre mondiale et de la période qui a suivi immédiatement après.

Le projet de loi C-82 s’inscrit dans l’esprit de la coopération internationale et son adoption permettra de mettre en œuvre l’instrument multilatéral grâce auquel le Canada et ses partenaires des traités internationaux appliqueront de façon efficiente — et l’expression clé ici, c’est « de façon efficiente » — des mesures liées aux conventions fiscales pour lutter contre les stratagèmes d’évitement fiscal. Ce projet de loi résulte d’un effort du G20, en collaboration avec l’OCDE.

Pravin Gordhan, ancien ministre sud-africain des Finances, aurait déclaré ceci : « L’évasion fiscale agressive est un cancer qui ronge la base d’imposition de plusieurs pays. »

Le journaliste d’enquête, gagnant d’un prix Pulitzer, spécialiste des questions de fiscalité et auteur de The Making of Donald Trump — est-ce que ce mot vous réveille? — David Cay Johnston, a déclaré :

Les abris fiscaux sont à la démocratie ce que la pollution est à l’environnement.

Honorables sénateurs, nous savons tous à quel point le monde change vite et les marchés financiers mondiaux, de nos jours, sont interreliés. Aucun pays ne peut seul s’attaquer efficacement à l’évitement fiscal. Les pays doivent faire l’effort de s’entendre sur des normes minimales pour prévenir l’érosion de l’assiette fiscale et le transfert de bénéfices qui survient lorsque des entreprises ou des particuliers se cherchent un pays où un traité fiscal qui leur est avantageux a été conclu, en quête de possibilités d’exploiter les lacunes des régimes fiscaux et ainsi d’éviter, en toute légalité, de payer de l’impôt.

Les lacunes actuelles dans les lois nationales et les traités fiscaux ont permis le transfert de bénéfices dans des pays où l’impôt est moins élevé, voire inexistant, ce qui entraîne une fuite de recettes fiscales potentielles pour notre pays et d’autres pays aux prises avec ce problème.

Lors de la crise financière mondiale de 2008, bien des pays ont vu leur économie ralentir et leurs recettes fiscales fondre. Les gouvernements ont commencé à s’inquiéter de l’évitement fiscal international abusif et des pertes de recettes subséquentes.

En réaction à ces inquiétudes, un programme de l’OCDE et du G20 pour combattre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices a été créé en 2013. L’adoption du projet de loi C-82 permettra au Canada de mettre en œuvre la convention multilatérale visant à prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices. C’est ce qu’on appelle l’instrument multilatéral. La convention comporte des dispositions obligatoires et d’autres facultatives.

Lorsqu’il a signé cette convention en 2017, le Canada a indiqué qu’il mettrait en œuvre les dispositions contraignantes relatives à l’utilisation abusive des traités et au règlement des différends. Depuis, le Canada a aussi mis en œuvre les dispositions relatives à la double résidence et à l’imposition des dividendes et des gains en capital.

Il est possible qu’au fil du temps de nouveaux articles soient adoptés. Le Canada adopte de manière progressive et prudente les diverses dispositions optionnelles de l’instrument multilatéral. Plus de 100 pays ont participé aux négociations ayant mené à cet instrument et 88 d’entre eux l’ont signé, dont le Canada.

Le projet de loi C-82 contribuerait à l’entrée en vigueur de l’instrument multilatéral au Canada et nous permettrait de moduler rapidement l’application de nos conventions fiscales bilatérales sans qu’il soit nécessaire d’ouvrir des négociations bilatérales distinctes. C’est là qu’on apprécie vraiment l’efficacité de cet instrument. Sans lui, nous devrions renégocier tous nos traités sur un plan bilatéral et cela prendrait des années.

Avant d’aborder les détails du projet de loi, j’aimerais remercier le sénateur Ngo de son discours à l’étape de la deuxième lecture, et les sénateurs Bellemare et Downe des questions qu’ils ont soulevées à l’étape de la deuxième lecture de ce projet de loi.

J’aimerais également souligner le dur labeur de mes collègues du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international qui ont étudié ce projet de loi, ainsi que du personnel compétent qui épaule notre comité.

Les experts du ministère des Finances, de l’Agence du revenu du Canada, de l’Université Queen’s, du cabinet Bennett Jones LLP, de Gowling WLG et de l’organisation Canadiens pour une fiscalité équitable ont fourni des témoignages bien informés, détaillés et équilibrés.

Toujours à mes côtés et toujours appliqués, Jess Mace, ma conseillère aux affaires parlementaires, et Nour El-Farouk, du bureau du représentant du gouvernement au Sénat, se sont penchés, avec moi, sur l’important objet de ce projet de loi afin de le comprendre et de trouver la meilleure manière de vous l’expliquer à tous, ainsi que ses conséquences.

Honorables collègues, à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-82, nous avons déjà abordé une foule de choses et, dans le cadre de la troisième lecture, j’aimerais donc qu’on s’intéresse brièvement aux principales questions soulevées à l’étape de la deuxième lecture.

La sénatrice Bellemare a demandé si le comité du Sénat allait déterminer dans quelle mesure l’instrument dont nous parlons sera adapté à la structure fiscale canadienne, s’il devra être amendé, ou tout simplement dans quelle mesure il peut fonctionner au sein de la structure fiscale canadienne.

En réponse à la question de la sénatrice Bellemare, le comité a décidé d’adopter le projet de loi sans amendements. Par contre, à la demande de la sénatrice, le comité a considéré avec soin la mesure dans laquelle l’instrument multilatéral peut s’inscrire et fonctionner dans le cadre financier du Canada.

Le comité s’est effectivement concentré sur les détails de ce projet de loi bien précis, mais il a appris que le Canada prenait plusieurs mesures pour renforcer son cadre financier au pays et à l’étranger. L’instrument multilatéral est mis en œuvre à l’échelle internationale afin d’imposer des revenus qui, autrement, ne seraient pas assujettis à l’impôt.

Une convention fiscale est visée par l’instrument multilatéral si le Canada et l’autre pays y consentent. Lorsque l’instrument multilatéral est mis en œuvre, il est censé s’appliquer à la plupart des conventions fiscales du Canada. Pas toutes, mais la plupart.

L’instrument s’attaque au cœur même du problème ayant permis à ces échappatoires, ces trous dans les seaux, de continuer d’exister. Il met en œuvre des mesures plus efficaces pour empêcher les entreprises et les particuliers de profiter des échappatoires des conventions fiscales dans le but de transférer leurs bénéfices vers des endroits où les impôts sont peu élevés ou inexistants.

La règle anti-abus, qui a été présentée par l’entremise de l’instrument multilatéral, aura pour effet de refuser un avantage au titre d’une convention si son octroi était l’un des objets principaux d’un montage ou d’une transaction. Un peu comme la règle générale anti-évitement, dont se sert l’Agence du revenu du Canada, le critère de l’objet principal sera l’un des principaux outils utilisés dans le cadre de l’instrument multilatéral.

Le mécanisme de règlement des différends — l’arbitrage exécutoire — oblige les parties à soumettre les affaires non résolues à une instance indépendante et impartiale. C’est ce qui est déjà prévu dans la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis, et c’est un moyen efficace et juste de traiter ces affaires.

Enfin, pour répondre à vos questions, sénatrice Bellemare, l’instrument multilatéral devrait renforcer le cadre fiscal de la manière suivante : il limitera les possibilités d’usage abusif des conventions fiscales, c’est-à-dire qu’il protégera l’assiette fiscale du Canada en instaurant des règles pour que les contribuables ne puissent plus autant profiter des conventions fiscales pour faire des opérations d’évitement fiscal abusives, et il représentera une garantie accrue pour les contribuables et le fisc, puisque le processus de règlement des différends fiscaux sera plus rapide et efficace.

Néanmoins, l’instrument multilatéral n’est qu’une des nombreuses initiatives entreprises par le Canada pour solidifier son régime fiscal. À mesure que ces nouveaux mécanismes seront mis en œuvre, il ne fait aucun doute que d’autres devront être développés.

Le sénateur Ngo avait bien cerné une préoccupation importante qui serait soulevée au comité lorsqu’il a affirmé ceci à l’étape de la deuxième lecture :

Donc, oui, tendons vers l’équité fiscale, mais ne le faisons pas au détriment de notre compétitivité et de notre prospérité collective.

Comme l’a appris le comité, les avis sont partagés sur ce qu’est l’équité fiscale et ce qui pourrait advenir de la compétitivité et de la prospérité du Canada une fois l’instrument multilatéral mis en œuvre.

D’un côté, il y a Arthur Cockfield, professeur de droit à l’Université Queen’s, qui, même s’il considère que l’instrument multilatéral n’est qu’un moyen de plus pour réduire l’évitement fiscal international, appuie l’approche graduelle du Canada face à cet instrument. Il a dit :

[...] si nous allons trop loin, cela va déstabiliser les entreprises et rendre l’environnement moins propice aux investissements à cause des incertitudes. Cela va probablement nuire au Canada. Depuis l’histoire des Panama Papers et d’autres événements récents, je crois que les Canadiens se soucient [...] du régime fiscal international. Nous allons devoir réfléchir longuement et sérieusement aux modifications concrètes que l’on pourrait apporter au régime.

Nous avons aussi entendu Toby Sanger, directeur exécutif de l’organisme Canadiens pour une fiscalité équitable. Il a cité Christine Lagarde, du Fonds monétaire international, qui a récemment fait le commentaire suivant :

L’actuelle structure internationale de l’impôt sur le revenu des sociétés est fondamentalement obsolète. [...] Premièrement, la facilité avec laquelle les multinationales semblent échapper à l’impôt […] compromet la confiance dans l’équité du régime fiscal global. […] Alors, [elle conclut] nous avons manifestement besoin d’une réflexion approfondie de la fiscalité internationale.

M. Sanger a affirmé :

Le projet de loi C-82 permet au Canada et à d’autres pays de mettre en œuvre efficacement des changements radicaux à leurs nombreuses conventions fiscales bilatérales. Il s’agit, en général, d’un pas dans la bonne direction. C’est un moyen efficace d’ajuster de façon constante les milliers de conventions fiscales bilatérales qui ont été signées entre les pays […] Le Canada a indiqué que 75 de nos 93 conventions fiscales seraient couvertes par [cet instrument multilatéral].

M. Sanger s’est dit par ailleurs inquiet au sujet du rapport entre l’équité fiscale et la compétitivité. Il a affirmé :

Les plus grandes multinationales du monde sont les mieux en mesure d’éviter l’impôt grâce au système actuel et, par conséquent, d’obtenir un avantage fiscal injuste par rapport aux petites et moyennes entreprises. Cette dynamique contribue à une concentration accrue des entreprises. Nous avons vu le cas de Google, d’Apple et d’autres sociétés qui s’en tirent avec des taux d’imposition très bas.

Cela contribue également à réduire la concurrence […]

Il a conclu en ces termes :

[…] je vous prie d’appuyer le projet de loi dans sa forme actuelle, même s’il n’est qu’un pas dans la bonne direction et que nous devons aller plus loin afin d’élaborer un système international d’imposition des sociétés plus fonctionnel […] Nous avons besoin de règles du jeu équitables et simples à l’échelle mondiale, afin qu’il y ait moins d’occasions d’échapper aux impôts et que le système soit plus équitable pour toutes les parties concernées.

Par contre — et vous savez comment cela fonctionne en comité —, nous avons entendu les inquiétudes que le projet de loi suscite pour Laura Gheorghiu, associée chez Gowling WLG, et Jared Mackey, associé chez Bennett Jones s.r.l. Contrairement aux autres témoins, ce qui les inquiétait le plus n’était pas tant la portée insuffisante de l’instrument multilatéral que les conséquences négatives inattendues qui pourraient en découler.

Me Mackey a indiqué que lorsque ses clients évaluent la viabilité d’un investissement dans le secteur canadien de l’énergie, ils estiment que la fiscalité est un élément important à prendre en considération. Il a affirmé ce sujet :

Nous sommes certains que l’adoption du projet de loi C-82 et la mise en œuvre de l’instrument multilatéral décourageront un certain nombre de nos clients, qui vont alors rechercher des occasions d’investissement plus rentables à l’extérieur du Canada.

Dans son témoignage, Me Gheorghiu a dit :

Comme d’autres vous l’ont déjà dit, certaines dispositions de l’instrument multilatéral sont problématiques pour les entreprises canadiennes et susceptibles de décourager l’investissement étranger au Canada. Toutefois, je tiens à préciser que l’instrument multilatéral s’applique également dans l’autre sens, puisqu’il soumet les entreprises canadiennes à des problèmes semblables lorsqu’elles investissent à l’étranger.

Sans trop entrer dans les détails des points que ces témoins ont soulevés et des exemples qu’ils ont donnés, il a surtout été question de savoir, d’abord, s’il y aurait des droits acquis, un processus de transition raisonnable dans les cas où les structures fiscales ont été mises en place avant l’entrée en vigueur de l’instrument multilatéral. C’est une demande très importante.

Ensuite, on a parlé de l’incertitude liée aux nouveaux instruments comme le critère des objets principaux, et, plus particulièrement, ses répercussions sur les industries minière, forestière et immobilière.

Malgré ces préoccupations, les témoins ont décrit l’instrument multilatéral comme « un instrument assez attrayant compte tenu de l’ampleur de son application ».

Il s’agit là de préoccupations bien réelles, et le comité en a tenu compte dans sa décision de ne pas amender le projet de loi ni formuler d’observations.

Ce qui nous préoccupe dans tout ce que nous examinons ici, au Sénat du Canada, est de trouver un équilibre qui soit bon pour la population du Canada. Dans ce cas-ci, nous estimions que le projet de loi C-82 a en fait établi un équilibre entre les intérêts de ceux qui gagnent leur vie en investissant et en travaillant dans des entreprises dont nous avons entendu parler ou d’autres entreprises, et de ceux qui bénéficient des services payés par les impôts que ces entreprises devraient payer.

L’article 5 du projet de loi C-82 dit :

Le ministre du Revenu national peut prendre les règlements nécessaires à l’exécution de tout ou partie de l’instrument multilatéral.

Comme c’est le cas pour de nombreux projets de loi, ce qui posera problème, bien sûr, ce sont les détails entourant la mise en œuvre.

Patrick Marley, le coprésident du groupe fiscal chez Osler, Hoskin et Harcourt, a pris la parole devant le Comité des finances de la Chambre pour appuyer certains articles de l’instrument multilatéral et a souligné — et c’est important — que les fiscalistes ont grandement besoin d’orientation sur la façon dont il sera appliqué au Canada. Il est souhaitable que le gouvernement fournisse des directives à ce sujet pour aider à dissiper les incertitudes dont nous ont fait part des pairs de M. Marley, représentant d’autres cabinets d’avocats, qui sont venus témoigner à notre comité.

Enfin, à l’étape de la deuxième lecture, le sénateur Downe a dit craindre sérieusement — vous vous en souviendrez — que l’Agence du revenu du Canada, qui a créé des attentes en déclarant qu’elle prendra des mesures relativement à l’évasion et à l’évitement fiscaux, ne satisfasse pas à ces attentes. C’était l’essentiel de sa préoccupation. Il m’a aussi accusé d’inclure dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture des déclarations à saveur politique à propos de l’excellent travail de l’Agence du revenu du Canada.

Je vais d’abord tenter de répondre à la préoccupation du sénateur Downe avec mon discours, puis je vais répondre brièvement à ses inquiétudes plus générales.

Je tiens à assurer au sénateur Downe et à tous les sénateurs qui sont ici actuellement que, en tant que sénatrice indépendante, ce n’est absolument pas mon rôle de jouer les meneuses de claque pour le gouvernement du Canada. En fait, ce n’est le rôle d’aucun sénateur. Toutefois, lorsque je parraine un projet de loi, mon rôle consiste à le présenter dans son contexte.

Étant donné que le projet de loi C-82 vise à améliorer l’équité fiscale, j’ai demandé au ministère de me fournir des renseignements au sujet des autres mesures prises par le gouvernement pour veiller à ce que le régime fiscal du Canada soit équitable pour tout le monde. J’ai mentionné certaines de ces mesures dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture et, après en avoir parlé, j’ai intentionnellement dit ceci : « Nous savons qu’il reste beaucoup à faire. »

Honorables collègues, je crois aussi qu’il est important pour vous d’entendre la réponse donnée au comité par Alexandra MacLean, qui est la directrice générale de la Direction du secteur international et des grandes entreprises au sein de l’Agence du revenu du Canada, quand on lui a posé des questions sur le mécanisme de mise en œuvre et d’exécution qui, comme je l’ai dit, est une source de préoccupation pour le sénateur Downe. Voici ce qu’a dit Mme MacLean à ce sujet :

L’Agence du revenu du Canada dispose d’un certain nombre d’outils pour détecter l’évitement fiscal abusif et l’évasion fiscale. Nous exigeons en particulier des rapports assez détaillés sur les transactions transfrontalières.

[...] le Canada a mis en œuvre des déclarations pays par pays pour les entités multinationales ayant des revenus de plus de 750 millions d’euros [...] [N]ous recevons des informations de haut niveau sur toutes les juridictions dans lesquelles une multinationale exerce des activités, ainsi que sur toutes les entités juridiques faisant partie du groupe d’entreprises.

En associant cela avec nos outils de rapport, nous verrons mieux les transactions qui se font entre tel et tel pays.

Toutefois, elle ajoute ceci :

Il n’y a pas de solutions miracles au problème de la planification fiscale abusive. Pour les gouvernements et les entreprises multinationales en particulier, il y a énormément d’argent en jeu. Nous pouvons nous attendre à des tentatives pour contourner presque n’importe quel nouvel outil ou instrument de politique législative.

En conclusion, chers collègues, il n’est pas facile de prévenir l’évitement fiscal. Le Canada et ses partenaires au sein du projet de l’OCDE et du G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices doivent affronter un secteur très bien pourvu et organisé.

Honorables collègues, en guise de conclusion et pour vous réveiller, j’aimerais vous lire cette citation — qui vous plaira, je crois — de Jean-Baptiste Colbert, ministre des Finances de Louis XIV de France. La voici :

L’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris.

L’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avant d’obtenir le moins possible de cris.

Honorables sénateurs, je vous assure que l’objectif du projet de loi C-82 n’est pas de créer une version canadienne de Versailles, où l’on mange du pain ou de la brioche, grâce aux recettes générées par les mesures qui entreront en vigueur avec l’adoption de l’instrument multilatéral. Avec tout projet de loi fiscal, il faut s’attendre à ce qu’on pousse des cris. Celui-ci est conçu de façon à ce que toutes les oies soient plumées équitablement.

Bien qu’on ait exprimé des réserves à l’endroit du projet de loi à l’étude, je suis persuadée qu’il mérite d’être envisagé, en raison des avantages qu’il présente. Nous savons que nous devons, à l’instar de nos partenaires internationaux, prendre des mesures concrètes afin de combler les lacunes du système fiscal actuel et réduire l’évitement fiscal.

Nous savons qu’avec l’instrument multilatéral nous nous engageons dans la voie vers l’équité fiscale et le recouvrement de recettes fiscales que le gouvernement devrait engranger au profit de tous les Canadiens.

Pour que l’instrument multilatéral entre en vigueur d’ici janvier 2020, il est crucial d’adopter le projet de loi C-82 rapidement.

Chers collègues, j’espère que vous vous joindrez à moi pour voter en faveur du projet de loi, après que vous aurez entendu l’intervention du sénateur Ngo.

Merci. Wela’lioq.

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