Le discours du Trône
Motion d'adoption de l'Adresse en réponse--Suite du débat
16 décembre 2021
Construire une économie résiliente, un avenir plus propre et plus sain pour nos enfants.
[Note de la rédaction : La sénatrice Coyle s’exprime dans une langue autochtone.]
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour répondre au discours du Trône. Le 23 novembre, notre gouverneure générale, Mary May Simon, la première gouverneure générale autochtone dans l’histoire du Canada, a prononcé le discours du Trône pour marquer l’ouverture de la première session de la 44e législature du Canada.
La gouverneure générale Simon, une Inuite accomplie du Nunavik, possède des dizaines d’années d’expérience dans les domaines du leadership organisationnel, de la diplomatie, du journalisme, de la politique, de la fonction publique et de la vie. Je l’admire depuis des années et j’ai été très émue lorsque je l’ai entendue prononcer le discours du Trône en inuktut, en français et en anglais.
Je remercie la gouverneure générale Simon d’avoir mis en lumière, devant tous les Canadiens, la langue originale des peuples du Nunatsiavut, du Nunavik, du Nunavut et de la région des Inuvialuits. Merci d’avoir souligné l’importance de toutes les langues autochtones au Canada.
Dans son discours, la gouverneure générale nous a rappelé la chose suivante :
Notre planète est en danger. Qu’il s’agisse des effets du réchauffement de l’Arctique ou des ravages toujours plus importants des catastrophes naturelles, notre terre et nos populations ont besoin d’aide.
[Note de la rédaction : La sénatrice s’exprime dans une langue autochtone.]
Honorables sénateurs, la situation n’est pas nouvelle. Je cite le discours du Trône prononcé en octobre 1970 par le gouverneur général d’alors, Roland Michener :
Tous les efforts que nous déployons pour promouvoir une prospérité stable et fonder une société vraiment humaine, resteront sans lendemain si nous ne réagissons pas rapidement, et avec énergie, au spectre qui menace notre bien-être et celui des générations futures : la pollution du milieu.
Honorables collègues, l’année prochaine, cela fera 30 ans que le Canada a ratifié la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques au Sommet de la Terre de Rio de Janeiro, 25 ans qu’il a adopté le Protocole de Kyoto et 22 ans qu’il a signé l’Accord de Copenhague. Tout comme le reste de la communauté internationale, le Canada n’a pas respecté les engagements qu’il a pris dans le cadre de ces accords historiques.
C’est le non-respect de ces engagements qui nous a menés à l’important Sommet sur les changements climatiques de Paris, en 2015. Lors de la COP21 de Paris, le gouvernement du Canada s’est engagé à limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 degré Celsius, à éliminer graduellement les combustibles fossiles, à investir dans les énergies propres et à aider les pays en développement à atteindre leurs cibles.
Dans le plus récent rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, publié en août dernier, on peut lire ceci :
La température à la surface de la Terre continuera d’augmenter au moins jusqu’au milieu du siècle dans tous les scénarios d’émissions envisagés. Le réchauffement dépassera les objectifs de 1,5 et de 2 degrés Celsius au cours du présent siècle si les émissions de dioxyde de carbone et d’autres gaz à effet de serre ne sont pas réduites considérablement lors des prochaines décennies.
Chers collègues, au cours des derniers jours, la sénatrice Galvez, la sénatrice Pate, la sénatrice McCallum, le sénateur Forest, la sénatrice Mégie, la sénatrice Miville-Dechêne, la sénatrice Griffin et la sénatrice Gagné ont tous, dans le cadre du débat au sujet de la motion sur l’urgence climatique présentée par la sénatrice Galvez, décrit de façon bien précise le danger évident qui guette à la fois la planète, les générations futures et toutes les espèces. Comme l’a dit le premier ministre du Royaume-Uni, Boris Johnson, lors de la COP26 : « Il est minuit moins une et il faut agir maintenant. »
Vous vous dites peut-être : « D’accord, mais le Canada a sûrement fait des progrès. » C’est effectivement le cas. Depuis le sommet de Paris, le Canada a pris des mesures pour lutter contre les changements climatiques. La sénatrice Gagné en a abordé quelques-unes lors de son intervention.
Chers collègues, permettez-moi de vous donner des exemples de ces mesures, ainsi que les engagements pris par le Canada.
Le Canada s’est engagé à réduire ses émissions de 40 % d’ici 2030. Le gouvernement a augmenté la tarification du carbone et il continuera de l’augmenter de 15 $ la tonne par année jusqu’à atteindre 170 $ la tonne d’ici 2030. Il a devancé la cible de 100 % de véhicules sans émission vendus de 2040 à 2035. Il s’est engagé à fixer de nouvelles cibles de réduction des émissions de méthane et à planter 2 milliards d’arbres sur 10 ans.
Le budget de 2021 proposait de réserver 17,6 milliards de dollars pour une relance verte et la création d’emplois, pour une économie propre et pour la lutte et la protection contre les changements climatiques.
La nouvelle Stratégie canadienne pour l’hydrogène établit un cadre ambitieux faisant de l’hydrogène un élément clé du cheminement du Canada sur la voie de la carboneutralité d’ici 2050 et faisant du Canada un leader mondial dans les technologies de l’hydrogène.
Le Canada projette de réduire les émissions de méthane dans les secteurs pétrolier et gazier et a proposé son Règlement sur les combustibles propres.
Quelques jours avant le discours du Trône, les 276 membres de la délégation officielle du Canada, ainsi que de nombreux autres Canadiens, ont participé à la COP26, à Glasgow, en Écosse, en compagnie de 40 000 participants inscrits et 120 dirigeants mondiaux. À Glasgow, le Canada s’est engagé à mettre fin à la déforestation d’ici 2030; il a reconfirmé son soutien à l’engagement mondial sur le méthane; il a de nouveau demandé la création d’une norme mondiale sur la tarification de la pollution; il s’est engagé à garantir la conservation du quart des terres et des océans du Canada d’ici 2025; il s’est engagé à verser 5,3 milliards de dollars pour l’aide aux pays en voie de développement, dont 20 % seront consacrés à des solutions axées sur la nature; et il s’est engagé à garantir que 80 % de son enveloppe pour la lutte contre les changements climatiques favorisa les résultats en matière d’égalité des sexes.
Le Canada s’est engagé à appuyer financièrement les pays en voie de développement pour les aider à s’adapter aux changements climatiques; il a signé la déclaration visant une transition mondiale du charbon vers l’énergie propre; il a réaffirmé son appui des 12 recommandations de la Commission mondiale sur les transitions énergétiques propres centrées sur les personnes de l’Agence internationale de l’énergie; il s’est engagé à réduire la pollution par le carbone provenant des transports; il s’est engagé à affecter 10 millions de dollars sur cinq ans au Fonds en fiducie de la Coalition pour le climat et l’air pur; et il a accepté de diriger conjointement une mission axée sur l’élimination du dioxyde de carbone.
Honorables sénateurs, même avec tous ces engagements — et il est important que nous sachions tous quels engagements sont pris —, la situation n’est toujours pas ce qu’elle devrait être.
Selon le Climate Action Tracker, les cibles fixées pour 2030 sont tout à fait insuffisantes, puisqu’elles conduiraient à une hausse de température de 2,4 degrés d’ici la fin du siècle. Chers collègues, nous pouvons déjà constater les effets d’une hausse de 1,1 degré.
Honorables sénateurs, comme nos collègues du Groupe d’action sénatorial pour la prospérité le soulignent dans leur récent rapport :
Le Canada possède d’énormes atouts et forces, compte tenu de son statut de 10e économie mondiale, de son adhésion au G7 et de son classement constant parmi les meilleurs pays du monde pour la qualité de vie.
Nous prospérons, mais nous ne pouvons pas nous asseoir sur nos lauriers. Notre prospérité dépendra de notre capacité à atténuer les effets des changements climatiques et à nous y adapter. Le Canada figure parmi les trois plus grands émetteurs de gaz à effet de serre, par habitant, sur la planète. Ce n’est pas le genre de palmarès où on souhaite arriver en tête de liste.
Comme nous le rappelle Mark Carney :
L’idée n’est plus de considérer le changement climatique comme un risque : il s’agit d’y voir une occasion à saisir et de transposer cela véritablement en un objectif unique, consistant à amener le plus rapidement possible nos économies vers un bilan neutre des émissions.
Que signifie se tourner le plus rapidement possible vers un bilan neutre des émissions, et pourquoi devrions-nous le faire? La raison est évidente. Le réchauffement dont les scientifiques nous parlent depuis des décennies nous menace déjà. Il a incendié des maisons, causé des inondations, dévasté des collectivités et des entreprises, dégelé le sol sous les maisons dans le Nord, détruit des infrastructures essentielles et causé d’importants mouvements de population. Les dangers se multiplient de façon effrénée.
L’autre aspect sur lequel M. Carney et le Groupe d’action sénatorial pour la prospérité se concentrent, ce sont les débouchés. Nous connaissons tous l’expression qui dit que l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. Or, honorables collègues, l’atteinte de la carboneutralité est un impératif économique, et plus tôt nous orienterons nos choix et nos efforts en ce sens, mieux nous nous porterons tous.
Honorables sénateurs, je n’ai pas le temps aujourd’hui de m’attarder sur les façons d’atteindre la carboneutralité. Je dirais cependant qu’il est urgent que nous consacrions nos efforts et notre attention à la recherche et à la mise en œuvre de solutions, et ce, avec encore plus d’empressement, d’innovation et de collaboration que nous en avons vus à l’égard des mesures liées à la pandémie de COVID-19.
Inspirons-nous de ces réussites. Chers collègues, les comités du Sénat disposent d’amples ressources capables de produire des études de qualité. Nous pouvons améliorer et présenter des projets de loi. Nous pouvons convoquer des experts et le public. Nous pouvons collaborer par l’intermédiaire du nouveau groupe des sénateurs pour l’action climatique avec nos collègues parlementaires de l’autre endroit et d’autres pays.
À la COP26, à Glasgow, Barack Obama a déclaré que la survie de la planète n’est pas une question partisane. La nature, la physique et la science n’ont que faire des affiliations politiques. Honorables sénateurs, il nous incombe d’exiger des comptes du gouvernement. Avec l’adoption de la Loi sur la responsabilité en matière de carboneutralité en juin dernier, nous disposons d’un outil puissant pour nous assurer que les cibles fixées par le gouvernement et les plans formulés pour les atteindre sont transparents, respectés et mis en œuvre. Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique a récemment reporté au 29 mars 2022 la date limite pour établir le plan de réduction des émissions de 2030. Tâchons d’être à l’affût ce jour-là.
En conclusion, honorables sénateurs, j’aimerais citer les propos de sir David Attenborough, qui a résumé le cœur du problème de manière irréfutable à la COP26, lorsqu’il a demandé à l’assistance :
Est-ce ainsi que notre histoire est censée se terminer? Comme le récit de l’espèce la plus intelligente, condamnée par une caractéristique on ne peut plus humaine, celle de négliger le tableau d’ensemble dans sa poursuite de buts à court terme?
Chers collègues, en guise de réponse à sir Attenborough, j’aimerais citer un extrait du livre Oh, les endroits où vous irez! de l’un de mes auteurs préférés, Dr Seuss :
Vous avez un cerveau dans votre tête. Vous avez des pieds dans vos chaussures. Vous pouvez vous diriger dans la direction que vous voulez.
Honorables sénateurs, choisissons la direction la plus sensée et la plus rapide menant à la carboneutralité. Comme la gouverneure générale Mary May Simon l’a dit dans le discours du Trône : « Le temps est venu d’aller plus loin, plus vite. » Honorables sénateurs, chers concitoyens canadiens, choisissons nos chaussures, ou fauteuil roulant, de course les plus rapides, qui conviennent aussi bien pour le sprint que pour le marathon, et filons dans cette course contre la montre.
Merci. Wela’lioq. Nakurmiik.