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La Loi concernant le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement

Projet de loi modificatif--Quinzième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international--Débat

19 novembre 2024


L’honorable Peter M. Boehm [ - ]

Propose que le rapport soit adopté.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à titre de président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international pour expliquer l’objet et l’effet de l’amendement au projet de loi C-282 qui a été adopté par le comité. Le rapport du comité comprend également une observation.

Le projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre), a été renvoyé au comité le 16 avril 2024, après avoir été présenté au Sénat le 21 juin 2023. Le comité a commencé son étude le 25 septembre.

Au cours de huit réunions avec des témoins — 52 en fait — le comité a entendu des députés, dont le parrain du projet de loi, Luc Thériault; des fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada et d’Agriculture et Agroalimentaire Canada; des représentants d’industries agricoles soumises à la gestion de l’offre et d’industries non soumises à la gestion de l’offre et axées sur l’exportation; des experts en commerce, y compris d’anciens négociateurs commerciaux; et des universitaires, dont des experts en droit constitutionnel.

Au cours de l’étude article par article qui a eu lieu le 6 novembre, le sénateur Harder a proposé l’amendement en question, qui a été adopté à 10 voix contre 3, avec une abstention. L’objectif de l’amendement est, comme l’a dit le sénateur Harder lors de la réunion, « d’atténuer les risques » du projet de loi étant donné l’impact négatif potentiel de son adoption, en particulier dans sa forme originale, sur les relations commerciales cruciales du Canada.

Essentiellement, l’amendement limiterait l’application du projet de loi aux accords commerciaux qui n’ont pas encore pris effet au moment de son entrée en vigueur. Il limiterait aussi l’application du projet de loi aux négociations et aux renégociations d’accords commerciaux qui n’ont pas encore été entamées au moment de son entrée en vigueur.

Les membres du comité favorables à l’amendement estimaient que celui-ci était particulièrement important dans le contexte de l’examen de l’ACEUM, l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, prévu pour 2026, qui sera encore plus complexe sous une deuxième administration Trump.

L’acronyme anglais CUSMA passe mieux.

Je souhaite aussi attirer l’attention sur l’importante observation annexée au rapport. Elle précise que le comité n’a pas d’opinion sur la gestion de l’offre au Canada, étant donné que le projet de loi C-282 concerne la politique commerciale du Canada, et non la politique de gestion de l’offre, et qu’il modifie la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement.

Malgré les témoignages de nombreux défenseurs de la gestion de l’offre, le comité s’est concentré sur le but du projet de loi et sur ses incidences sur les relations commerciales essentielles du Canada en tant que pays exportateur qui dépend du commerce.

L’honorable Éric Forest [ - ]

Le sénateur Boehm accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Boehm [ - ]

Avec plaisir.

Le sénateur Forest [ - ]

Sénateur Boehm, vous savez que j’appuie les producteurs sous gestion de l’offre, parce que je crois que c’est une mesure importante pour le maintien d’activités vivantes dans nos régions.

Ma question est la suivante. Avec l’adoption du projet de loi C-282, un gouvernement qui voudrait rompre la tradition canadienne de défense de la gestion de l’offre devrait simplement obtenir l’autorisation du Parlement de manière explicite et transparente avant d’autoriser le nouveau contingent d’importations. Est-ce que cette proposition vous semble déraisonnable?

Le sénateur Boehm [ - ]

Merci. Je rappelle à mon cher collègue que je suis ici en tant que président du comité et que je m’exprime donc sur le rapport, et non en présentant mon propre point de vue. Du moins, c’est ce que j’essaie de faire dans le cas présent.

Si vous regardez l’histoire des trois derniers grands accords — le nouvel Accord Canada—États-Unis—Mexique, l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste et l’Accord économique et commercial global avec l’Europe —, une petite partie des contingents tarifaires pour les produits laitiers et la volaille ont été abandonnés. Le gouvernement a également offert une compensation.

Bien entendu, le gouvernement peut s’adresser aux parlementaires, dire qu’il négocie un accord de libre-échange et obtenir la permission du Parlement; ensuite, nous pouvons débattre de l’accord de libre-échange, comme nous l’avons fait dans cette enceinte et comme cela s’est fait à l’autre endroit. Voilà la procédure telle que je la comprends.

Grâce à cette procédure et aux négociations qui ont eu lieu dans le contexte de ces trois accords, les négociateurs ont eu toute latitude pour insister très fortement sur le maintien de la gestion de l’offre dans la mesure du possible, et c’est ce qu’ils ont fait. Il ne fait aucun doute qu’ils le feront à nouveau. Nous avons entendu au moins un ou deux témoins dire que c’était précisément pour cette raison que les négociations avec le Royaume-Uni avaient été interrompues ou suspendues.

L’honorable Clément Gignac [ - ]

Est-ce que le sénateur Boehm accepterait de répondre à une autre question?

Le sénateur Boehm [ - ]

Avec plaisir, monsieur le sénateur.

Le sénateur Gignac [ - ]

Merci à vous et à vos collègues pour le travail que vous avez fait au comité. Je suis fils de cultivateur et je suis en faveur de la gestion de l’offre. Évidemment, je suis d’avis que l’environnement a changé depuis l’adoption du projet de loi. C’est pour cette raison que j’ai dit publiquement que je suivais de près les travaux du comité et que j’étais ouvert à l’idée d’apporter des amendements.

La semaine dernière, j’étais à Washington dans le cadre d’une rencontre avec des économistes, comme je le fais chaque année. De plus en plus, on parle d’un nouveau scénario d’entente bilatérale entre le Canada et les États-Unis, sous la nouvelle administration. Cette entente exclurait le Mexique, pour toutes sortes de raisons.

Si tel était le cas, je comprends que vos amendements ne s’appliqueraient pas et que les dispositions du projet de loi C-282 seraient automatiquement appliquées, puisque cela serait considéré comme un nouvel accord de libre-échange.

Vos amendements s’appliqueraient à des accords de libre-échange existants ou au moment de leur renouvellement. Est-ce bien votre interprétation qu’un nouvel accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis ferait en sorte que vos amendements ne s’appliqueraient pas?

Le sénateur Boehm [ - ]

Merci, sénateur Gignac. Je ne voulais pas vraiment aborder ces questions; les médias m’ont cité là-dessus. Il y a eu un certain débat — même en 1994, quand l’ALENA a été négocié et mis en place — sur la raison d’être d’un accord trilatéral. Depuis lors, les chaînes d’approvisionnement se sont beaucoup développées. Certes, nos relations avec le Mexique ne sont pas aussi bonnes qu’avec les États-Unis, mais le Mexique reste notre troisième partenaire commercial pour les marchandises, légèrement devant l’Union européenne.

Pendant la campagne électorale, les deux candidats à la présidence ont indiqué qu’ils ne se contenteraient pas de réexaminer l’Accord Canada—États-Unis—Mexique en 2026, mais qu’ils le renégocieraient. Il sera donc intéressant de voir comment les choses se passeront, parce que la dernière fois, M. Trump a déclaré qu’il s’agissait d’un très bon accord pour les États-Unis. Il a peut-être changé d’avis.

Ce n’est pas en tant que président du comité que je dis que dans toute négociation, il faut être prêt à tout. Le fait d’exclure quelque chose et de dire qu’il serait illégal d’y toucher, à mon avis, ne serait pas nécessairement la meilleure approche à adopter.

Le sénateur Gignac [ - ]

J’ai peut-être été mal compris. Je vais faire de mon mieux pour reposer la question.

Je ne vous ai pas demandé de vous prononcer sur le meilleur scénario parce que je suis d’accord : le Mexique est un partenaire important pour nous. Toutefois, au bout du compte, c’est Washington qui décidera ou, plus précisément, M. Trump. S’il décide de négocier un accord bilatéral avec le Canada, nous devrons gérer cette situation.

Ma question est simple. Je ne suis pas certain que vous y avez répondu. Si on nous propose un nouvel accord bilatéral entre le Canada et les États-Unis, je pense qu’aucun de vos amendements ne s’appliquera et que nous retournerons essentiellement à la version initiale du projet de loi C-282.

Le sénateur Boehm [ - ]

À mon avis, c’est une question purement hypothétique, et c’est pourquoi je n’y ai pas répondu. J’ai compris ce que vous avez dit la première fois. J’hésite à m’avancer sur ce sujet. Il faudra que nous fassions tous nos devoirs à mesure que nous progressons.

L’honorable Raymonde Saint-Germain [ - ]

Je remercie le président du Comité des affaires étrangères. Vous avez fait valoir à quelques reprises, y compris dans votre discours à l’étape de la deuxième lecture, que le comité sénatorial porterait plus attention aux négociations et qu’il inviterait des témoins différents de ceux de la Chambre des communes. Vous avez invité des négociateurs du gouvernement qui ont travaillé à conclure des traités passés et présents. Ma question est la suivante : les amendements que le comité propose permettront-ils, d’abord et avant tout, de mieux servir l’intérêt du Canada et de faciliter le travail des négociateurs?

Le sénateur Boehm [ - ]

Ce serait probablement une bonne question pour notre collègue le sénateur Harder, qui a proposé l’amendement, mais la question s’adresse à moi. Je n’ai pas parlé du projet de loi à l’étape de la deuxième lecture. Cependant, comme 10 membres du comité, j’étais d’avis qu’amender le projet de loi permettrait d’en « atténuer les risques ». Nos détracteurs diront qu’en amendant le projet de loi de cette façon, nous le renvoyons à la Chambre des communes où il risque de ne pas avoir une issue heureuse.

J’aimerais cependant signaler que nous n’avons pas examiné le projet de loi de la même façon que l’autre endroit. En effet, nous avons fait appel à des négociateurs et à des experts qui ont donné, je dirais, un aperçu plus équilibré des avantages et des inconvénients de cette mesure législative. En tentant d’atténuer les risques qui y sont associés, nous faisons comprendre que nous menons un examen très objectif et sérieux du projet de loi.

L’honorable Lucie Moncion [ - ]

Sénateur Boehm, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Boehm [ - ]

Certainement.

La sénatrice Moncion [ - ]

Vous venez de faire une nuance dans votre propos. Je veux juste m’assurer que je l’ai bien comprise. Vous avez affirmé que le projet de loi C-282 concernait la façon dont le Canada mène ses négociations commerciales internationales, étant donné qu’il modifie la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement et qu’il ne vise pas la politique de gestion de l’offre. Pourriez-vous m’expliquer cette nuance?

Le sénateur Boehm [ - ]

Merci. Dans sa version initiale, le projet de loi proposait de modifier la loi fondatrice appelée Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement. D’après les témoignages que nous avons entendus, rien n’indique qu’une initiative de la sorte aurait été prise dans un autre pays.

Le comité a conclu que si nous voulons une mesure portant uniquement sur la gestion de l’offre, cet enjeu ne devrait pas être inclus dans la loi fondatrice. C’est la conclusion du comité. Je ne sais pas si cela vous aide à mieux comprendre la situation ou si, au contraire, cela la rend plus confuse.

L’honorable Percy E. Downe [ - ]

Le sénateur Boehm accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Boehm [ - ]

Bien sûr.

Le sénateur Downe [ - ]

Compte tenu de l’importance du commerce et du travail effectué par le comité au sujet de cette proposition, qui a des répercussions directes sur nos échanges commerciaux, en particulier avec les États-Unis, et compte tenu de ce qui s’est passé lors des élections américaines, et de ce que les candidats ont dit à propos du commerce, votre comité envisage-t-il une étude sur l’accès que les sénateurs et les membres du Congrès des États-Unis ont aux négociations commerciales par rapport à ce qui se passe au Canada? Au Canada, le document vient au Parlement, et il s’agit d’un vote par oui ou par non. Aux États-Unis, tout sénateur ou membre du Congrès peut aller signer le serment de discrétion, participer aux discussions, voir ce qui est en cours de négociation et avoir son mot à dire dans ce contexte.

Votre comité envisagerait-il cette possibilité pour que les parlementaires canadiens aient davantage leur mot à dire dans les accords commerciaux avant que le gouvernement y mette la touche finale?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Sénateur Boehm, le temps est écoulé. Demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?

Le sénateur Boehm [ - ]

Si c’est la volonté du Sénat.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Honorables sénateurs, êtes-vous d’avis que nous avons le temps pour une réponse à la question?

Le sénateur Boehm [ - ]

Merci, sénateur Downe. Je crois que ce serait un excellent sujet à étudier. Le régime américain est très différent du nôtre. Il est également doté d’une disposition qui permet d’accélérer les choses, ce que nous n’avons pas.

De nombreuses personnes participent et assistent aux négociations. Cela inclut notamment des représentants d’entités infranationales, telles que les provinces, et d’autres acteurs intéressés, tels que les syndicats et les producteurs. Notre approche est très différente et découle du système de gouvernement dont nous jouissons. Je prends note de votre suggestion. J’en ferai part au comité directeur et au comité et nous verrons ce que cela donnera.

L’honorable Amina Gerba [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international sur le projet de loi C-282.

Tout d’abord, je voudrais saluer le travail du président du comité, le sénateur Boehm, ainsi que celui de tous ses membres, dans cette étude approfondie du projet de loi. Nous avons entendu de nombreux témoins qui ont apporté, dans la majorité des cas, des éclaircissements judicieux sur les tenants et les aboutissants du projet de loi C-282. Je remercie aussi le sénateur Harder, qui a travaillé ardemment pour préparer un amendement basé sur l’un des points de vue que nous avons entendus au comité.

Chers collègues, vous ne serez pas surpris de savoir que je m’oppose vigoureusement à cet amendement qui retire au projet de loi l’essentiel de sa force et de son intention. En effet, quel est le but du projet de loi C-282? Il est limpide et ne souffre d’aucune ambiguïté. Il s’agit de retirer totalement la gestion de l’offre de la table de négociations lors de la conclusion de tout nouvel accord de libre-échange — accord existant ou renouvelé prochainement.

Or, quel est l’effet de l’amendement adopté par le comité? Il exclut du champ d’application du projet de loi les éléments suivants :

a) un traité ou une entente en matière de commerce international qui était en cours à l’entrée en vigueur de ce paragraphe;

b) la renégociation d’un tel traité ou d’une telle entente;

c) un traité ou une entente en matière de commerce international qui était en négociation au moment de l’entrée en vigueur de ce paragraphe.

À la lecture de cet amendement, on comprend que l’étendue des exclusions induites par celui-ci rend le projet de loi au mieux symbolique, au pire complètement inefficace. L’effet de cet amendement est de soustraire l’application du projet de loi aux accords commerciaux existants ou à venir avec nos principaux partenaires. Dès lors, si l’amendement était adopté par cette Chambre, la gestion de l’offre serait toujours une cible potentielle de l’essentiel de nos partenaires commerciaux et elle pourrait toujours être utilisée comme monnaie d’échange, à l’image de ce qui a été fait pour la conclusion de nos derniers accords, soit l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG), l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) et l’Accord Canada—États-Unis—Mexique (ACEUM).

Le projet de loi C-282, faut-il le rappeler, n’est pas n’importe quel projet de loi privé. Il a été adopté par tous les chefs de partis à la Chambre des communes à une très forte majorité de 262 voix contre 51. Plus encore, le projet de loi fait suite à quatre motions adoptées à l’unanimité pour que la gestion de l’offre soit intégralement protégée, soit deux motions en 2005 et en 2017 dans le cadre de la renégociation de l’ALENA et deux en 2018 dans le cadre de la conclusion du PTPGP.

Chers collègues, je crois que cet amendement repose sur des inquiétudes qui ne sont pas basées sur des faits objectifs, bien au contraire.

Parmi ces préoccupations, on peut citer celle qui a probablement été le plus souvent mentionnée, soit que le projet de loi nuirait à la capacité de nos négociateurs de conclure des accords commerciaux pour le Canada. Tout d’abord, il est intéressant de rappeler que ceci sous-entend qu’il n’est pas possible d’obtenir d’accord sans faire des concessions sur la gestion de l’offre. Autrement dit, il serait nécessaire de sacrifier la gestion de l’offre pour obtenir de bons accords.

Lors de sa comparution au comité le 25 septembre, Doug Forsyth, directeur général à la Direction générale de l’accès aux marchés et des contrôles commerciaux d’Affaires mondiales Canada, a confirmé que, par le passé, notre pays a pu conclure 12 accords de libre-échange avantageux sans faire de concessions sur la gestion de l’offre. Cette réalité implacable montre qu’il est tout à fait possible de protéger la gestion de l’offre tout en obtenant d’excellents accords pour les Canadiens dans d’autres secteurs orientés vers les exportations, ce qui n’est pas le cas pour les produits soumis à la gestion de l’offre, qui sont essentiellement orientés vers le marché intérieur.

M. Forsyth nous a également indiqué que lors des négociations entourant les accords de libre-échange, le nombre de chapitres consacrés à l’agriculture n’est que d’un seul en général sur un total de 30, et que les secteurs agricoles soumis à la gestion de l’offre n’occupent qu’une partie de ce seul chapitre. On ne peut donc pas sérieusement affirmer, chers collègues, que la gestion de l’offre serait, à elle seule, de nature à faire dérailler la conclusion d’accords commerciaux.

Il a été signalé au comité que la gestion de l’offre serait de nouveau ciblée par notre partenaire principal, les États-Unis, avec le retour du président Trump. C’est précisément la raison pour laquelle nous devons adopter une position claire dès maintenant et pour toujours afin de protéger la gestion de l’offre. À l’inverse, tergiverser sur les lignes rouges est un aveu de faiblesse en matière de négociations.

Des témoins nous ont dit que tous les pays ont le droit d’avoir des lignes rouges. Nous avons entendu au comité que le Canada ne serait pas le seul à protéger certains secteurs essentiels. En effet, lors de la séance du 25 septembre, M. Tom Rosser, sous-ministre adjoint à la Direction générale des services à l’industrie et aux marchés d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, nous a confirmé que les États-Unis imposent des contingences strictes sur le coton et le sucre. Le Japon fait de même avec son riz.

Le véhicule choisi par ces deux proches partenaires du Canada n’est peut-être pas le même que celui proposé par le projet de loi C-282, mais ses effets sont identiques : protéger des secteurs essentiels de leurs économies par une loi. C’est le cas aux États-Unis, où une loi en vigueur intitulée Farm Bill protège et subventionne massivement les agriculteurs américains. Cette loi établit également des contingents tarifaires qui limitent la quantité de sucre étranger pouvant entrer sur le marché américain. Vous conviendrez avec moi, chers collègues, que ces restrictions et protections ne font pas des États-Unis et du Japon des nations moins commerçantes, elles qui sont capables de conclure d’excellents accords de libre-échange.

La gestion de l’offre est étroitement liée à la politique commerciale canadienne depuis plus de 50 ans. Il s’agit d’une politique établie en 1972 par le gouvernement libéral de Pierre Elliott Trudeau. Elle repose sur trois piliers : le contrôle de la production, la régulation des prix aux producteurs et le contrôle des importations à la frontière par le biais de contingents tarifaires. Sans assurer un contrôle de la quantité de produits importés sous gestion de l’offre, il n’est pas possible d’assurer une planification efficace de la production. La gestion de l’offre ne pourra donc plus remplir sa mission d’adéquation entre l’offre et la demande.

Au-delà des questions de contingents tarifaires et de négociations internationales, j’aimerais vous rappeler ce que le projet de loi C-282 signifie concrètement pour des dizaines de milliers d’exploitations agricoles familiales qui créent près de 350 000 emplois dans notre pays.

Le projet de loi C-282 permet aux agriculteurs de prévoir leurs revenus et de continuer de produire des aliments essentiels sur le sol canadien et pour les Canadiens, tout en évitant l’érosion de la gestion de l’offre. Par exemple, selon la Commission canadienne du lait, les producteurs laitiers, qui ont cédé au total 18 % de leur marché intérieur, ont vu leur nombre chuter de manière draconienne, passant d’environ 12 500 exploitations en 2012 à environ 9 500 en 2023, ce qui est considérable. Nous avons entendu au comité que la diminution du nombre d’exploitations agricoles familiales entraîne le déclin de nos régions rurales et le dépeuplement de nos villages. C’est de cela qu’il s’agit.

Le projet de loi C-282 est un moyen unique pour nos négociateurs de faire respecter la volonté clairement exprimée par notre Parlement, et qui est de protéger intégralement la gestion de l’offre lors de négociations futures.

Si le Sénat vote en faveur de cet amendement, il ira à l’encontre de la volonté du gouvernement, de la Chambre élue et de l’écrasante majorité des Canadiens. En effet, selon un sondage mené par Abacus Data publié en 2023, plus de 90 % des Canadiens soutiennent la gestion de l’offre.

C’est pourquoi, honorables sénateurs, je vous exhorte à rejeter le rapport du comité, afin que cette Chambre puisse étudier le projet de loi C-282 dans sa forme originale.

Je vous remercie de votre attention.

Honorables sénateurs, je prends la parole sur le territoire ancestral non cédé du peuple algonquin anishinaabeg afin de participer au débat à l’étape du rapport sur le projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre).

La modification à la loi, comme l’indique le projet de loi original, vise à protéger de façon pérenne les secteurs des produits laitiers, de la volaille et des œufs soumis à la gestion de l’offre au Canada dans le cadre de futures négociations commerciales. Aujourd’hui, alors que nous étudions le rapport produit par le comité chargé d’étudier le projet de loi C-282, un projet de loi d’initiative parlementaire, nous le faisons en prenant en compte les inquiétudes des intervenants des secteurs soumis à la gestion de l’offre au Canada, inquiétudes qui ont mené à la présentation du projet de loi à l’origine. Ces agriculteurs sont nos voisins et ils produisent pour nous des aliments fiables, de qualité et sains.

Nous prenons également en considération les autres secteurs agricoles. Ces agriculteurs aussi sont nos voisins et ils produisent des aliments de qualité pour nous et pour toute la planète.

Nous examinons également le rapport en tenant compte des entreprises canadiennes des autres secteurs que celui de l’agriculture, parce que, là encore, il s’agit de nos voisins. Ces entreprises nous offrent des emplois et des produits importants, à nous et à toute la planète.

Chers collègues, je pense qu’il est essentiel de souligner d’emblée que le Comité des affaires étrangères et du commerce international a étudié ce projet de loi avec la rigueur, l’équilibre et l’indépendance qui caractérisent le Sénat, en tenant compte des répercussions éventuelles de ce projet de loi sur de nombreux secteurs de l’économie et sur la prospérité du Canada en général, ainsi que des incidences à long terme qu’il pourrait y avoir sur nos politiques et nos pratiques de négociation en matière de commerce international.

Comme nous l’avons vu à l’étape de la deuxième lecture en écoutant notre collègue le sénateur Harder et plusieurs témoins experts, le principal aspect du projet de loi n’est pas la gestion de l’offre, mais bien le comportement du Canada dans ses relations commerciales avec les autres pays. En imposant des restrictions législatives à nos négociateurs commerciaux, nous adoptons une approche qui risque, selon les experts, de limiter la souplesse du Canada dans les négociations, souplesse qui a été jusqu’ici fort utile au Canada.

Notre comité des affaires étrangères et du commerce international a tenu huit réunions et entendu les témoignages de 52 personnes représentant un large éventail de voix : anciens négociateurs commerciaux, experts commerciaux, fonctionnaires ministériels et représentants des secteurs agricoles soumis ou non à la gestion de l’offre, dont beaucoup exploitent des fermes familiales.

Voici ce qui ressort de leurs témoignages : si le projet de loi a certes l’intention d’apporter la stabilité et la certitude souhaitées aux secteurs soumis à la gestion de l’offre, il comporte des risques réels pour le pouvoir de négociation du Canada, pour notre économie, et il exacerbe l’incertitude déjà croissante dans nos autres industries, agricoles et non agricoles. Notre comité a répondu à ces préoccupations en recommandant un amendement essentiel qui, je crois, aidera le Canada à conserver la souplesse dont il a besoin pour agir dans l’intérêt national dans tous les secteurs.

Examinons d’abord le projet de loi C-282 dans un contexte international plus large. Un peu partout dans le monde, des gouvernements nationaux font le choix politique de protéger certains secteurs vitaux, mais ils le font sans la rigidité d’une obligation législative. Prenons l’exemple de la canne à sucre au Brésil ou du riz au Japon, deux produits profondément ancrés dans l’identité nationale et farouchement défendus dans les négociations commerciales. Pourtant, aucun de ces deux pays n’a gravé cette protection dans une loi. Au lieu de cela, leurs négociateurs sont habilités à protéger ces secteurs tout en ayant la latitude de prendre les décisions qui répondent le mieux aux besoins de leur pays dans chaque négociation. C’est d’ailleurs ce qui se passe actuellement; les négociateurs canadiens ont pour instruction de protéger les secteurs soumis à la gestion de l’offre au pays.

Le projet de loi C-282, tel qu’il a été rédigé à l’origine, imposerait une restriction fixe et inflexible aux négociateurs canadiens, les empêchant même de discuter des produits laitiers, de la volaille et des œufs. Nous n’avons trouvé aucun exemple dans le monde d’un pays ayant inscrit dans sa législation de pareilles restrictions.

Au cours de notre étude, Jonathan Fried, ancien ambassadeur du Canada auprès de l’Organisation mondiale du commerce, a décrit le projet de loi comme une camisole de force législative, et il nous a prévenus qu’une obligation aussi rigide limiterait les options stratégiques du Canada à cause de l’exclusion de certains sujets de discussion avant même le début des négociations. M. Fried est d’avis que, pour réussir, les négociations commerciales doivent être dynamiques et exigent une certaine souplesse afin de pouvoir tenir compte des intérêts de notre pays dans différents secteurs. En légiférant sur une exclusion, le Canada créerait un précédent.

Un autre témoin clé, Ian Burney, un ancien délégué commercial en chef du Canada, a exprimé des préoccupations semblables. Il a souligné que ce projet de loi enverrait un signal inquiétant aux partenaires commerciaux du Canada, à savoir que le pays est prêt à limiter ses propres options de négociation, un choix qu’aucun autre pays ne fait. Les délégués travaillent sans relâche pour défendre les secteurs critiques, mais ils ont besoin d’une marge de manœuvre pour s’adapter à l’évolution de chaque situation. Selon lui, des barrières législatives strictes affaibliraient la capacité du Canada à faire des compromis éclairés lorsque nécessaire.

Si on considère l’avenir, il faudra manifestement s’adapter et faire preuve de souplesse. Nous sommes confrontés à des tensions commerciales accrues dans le monde entier, de même qu’avec notre principal partenaire commercial, les États-Unis, qui annonce un retour à des positions plus protectionnistes. À la suite de l’élection récente de Donald Trump, nous pourrions connaître d’autres défis dans les relations commerciales. Nous ne le savons tout simplement pas. Étant donné que 78 % des exportations canadiennes sont destinées aux États-Unis, les enjeux sont considérables pour de nombreux secteurs canadiens.

C’est particulièrement préoccupant à l’approche de la renégociation de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique en 2026. Le commerce trilatéral de marchandises de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique a totalisé 1,93 billion de dollars en 2023. Le comité a entendu de nombreux représentants du secteur soumis à la gestion de l’offre qui ont dit craindre de nouvelles concessions et l’érosion connexe de leur industrie, et c’est une préoccupation dont nous devons tous tenir compte.

Le comité a entendu des témoignages d’autres secteurs, et nous avons reçu une lettre le 31 octobre, que je vais lire brièvement :

S’il est adopté dans sa forme initiale, le projet de loi C-282 risque de lier, par la voie législative, les mains du Canada et de ses négociateurs commerciaux. Cela mènerait nos partenaires commerciaux à refuser de discuter de sujets importants d’intérêt vital pour le Canada. En particulier, l’Accord Canada—États-Unis—Mexique contient des dispositions clés qui pourraient être compromises si les négociateurs commerciaux du Canada ont les mains liées. Parmi les exemples les plus évidents, mentionnons le chapitre sur le règlement des différends, les dispositions sur les règles d’origine, les dispositions sur les normes du travail, les engagements en matière de protection de l’environnement, les dispositions régissant le commerce, l’énergie, les marchés publics et la propriété intellectuelle. Ces intérêts stratégiques clés que le Canada protège au moyen de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique sont fondamentaux au succès futur de l’accord. Aucun groupe d’intérêts spéciaux ne vaut l’avalanche de préjudices économiques que le projet de loi C-282, dans sa forme originale, ferait déferler sur les entreprises et les travailleurs canadiens. Nous demandons aux sénateurs de faire passer les intérêts collectifs de toutes les industries canadiennes en priorité en rejetant le projet de loi C-282 et d’ainsi protéger notre prospérité économique future.

La lettre est signée par les Producteurs de bovins de l’Alberta, l’Alberta Canola Producers Commission, l’Alberta Cattle Feeders’ Association, Alberta Chambers of Commerce, Alberta Grains, Alberta Pulse Growers, la BC Association of Cattle Feeders, la BC Grain Producers Association, Beef Farmers of Ontario, la BC Cattlemen’s Association, l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, la Canadian Canola Growers Association, l’Association canadienne des bovins, la Canadian Oilseed Processors Association, le Conseil canadien du porc, l’Institut canadien du sucre, le Conseil canadien du canola, Cereals Canada, CropLife Canada, Fertilisants Canada, Grain Farmers of Ontario, les Producteurs de grains du Canada, le Greater Vancouver Trade Board of Trade, Pulse Canada, Manitoba Beef Producers, Manitoba Canola Growers, la Manitoba Crop Alliance, Manitoba Pulse and Soybean Growers, l’Association nationale des engraisseurs de bovins, les Éleveurs de bovins du Nouveau-Brunswick, Nova Scotia Cattle Producers, Ontario Bean Growers, Ontario Greenhouse Vegetable Growers, la Prairie Oat Growers Association, Prince Edward Island Cattle Producers, la Saskatchewan Cattlemen’s Association, la Saskatchewan Heavy Construction Association, Saskatchewan Pulse Growers, la Saskatchewan Trucking Association, SaskOilseeds, Sask Wheat, Soy Canada et la Wheat Growers Association.

C’est donc un grand nombre de personnes qui nous ont écrit pour nous faire part de leurs préoccupations.

Par ailleurs, l’ambassadeur Fried, qui a comparu devant notre comité, nous a également rappelé que le commerce est réciproque. Si nous adoptons une position protectionniste en prévoyant une exclusion par voie législative, d’autres pays pourraient réagir en imposant des restrictions semblables aux exportations canadiennes, ce qui augmenterait les coûts pour les consommateurs et limiterait notre accès aux marchés mondiaux. Il est grand temps d’agir, car on observe un virage protectionniste à l’échelle mondiale.

Roland Paris, professeur en relations internationales à l’Université d’Ottawa, nous a prévenus que ce projet de loi arrive à un moment crucial et délicat, alors que le contexte du commerce mondial se fait de plus en plus incertain.

Comme l’a souligné Ian Burney, nous risquons de limiter le pouvoir de négociation du Canada au moment précis où celui-ci est le plus nécessaire. Le libellé original du projet de loi C-282 imposerait des contraintes uniques, nous contraignant d’une manière que les autres pays évitent. Nous avons entendu, lors des audiences du comité, que l’adoption de ce projet de loi dans sa forme non amendée aujourd’hui, dans un contexte de protectionnisme exacerbé aux États-Unis, constituerait une erreur à la fois stratégique et tactique.

L’ancien vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères John Manley, ainsi que d’autres, ont laissé entendre que le projet de loi non amendé revenait à braquer les projecteurs sur les secteurs sous gestion de l’offre ou à agiter un drapeau rouge, et à signaler à nos partenaires commerciaux que le Canada est dans une position délicate à cet égard, mettant peut-être ces secteurs au centre des négociations par inadvertance.

Compte tenu de ces risques, le comité a proposé et adopté un amendement au projet de loi. Cet amendement précise que les restrictions prévues par le projet de loi C-282 ne s’appliqueront pas aux accords déjà en vigueur ou en cours de renégociation, ni aux négociations en cours. Cet amendement est essentiel pour préserver la capacité du Canada à répondre stratégiquement aux nouveaux scénarios commerciaux qui se présentent. Sans lui, nous risquons de limiter notre capacité à conclure des accords commerciaux qui concilient les intérêts de tous les secteurs de l’économie canadienne.

Chers collègues, l’étude du projet de loi C-282 nous permet de réfléchir à la façon de protéger des secteurs névralgiques tout en préservant la souplesse nécessaire à notre bien-être économique général. Même si nous comprenons l’importance de soutenir les secteurs soumis à la gestion de l’offre, l’amendement du comité garantit que nous ne le faisons pas en compromettant notre position dans les négociations commerciales actuelles ou dans les futures renégociations d’accords commerciaux existants. L’Accord Canada—États-Unis—Mexique est l’accord commercial le plus important et le plus urgent. L’amendement préserve la résilience économique à long terme du Canada dans un monde en évolution rapide. Il nous permet de miser sur nos forces alors que le Canada et le monde sont en transition vers un avenir carboneutre.

Honorables sénateurs, je suis fière de siéger au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Je suis particulièrement fière de notre examen équitable, respectueux, complet, indépendant et impartial de ce projet de loi hautement politisé. Chers collègues, je vous encourage à soutenir le rapport du comité et la version amendée du projet de loi C-282, en comprenant que cet amendement est essentiel au maintien de la souplesse du Canada dans les négociations commerciales. Il s’agit d’un choix prudent et équilibré destiné à favoriser la vitalité de l’économie canadienne, à soutenir la prospérité future des Canadiens et à protéger notre réputation de partenaire de négociations commerciales libres et équitables. Merci. Wela’lioq.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) [ - ]

Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole au sujet du quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international sur le projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerais revenir sur la question qui a été soulevée aujourd’hui à propos du rôle du représentant du gouvernement au Sénat s’agissant d’exposer la politique du gouvernement concernant les projets de loi d’initiative parlementaire. C’est une pratique qui n’est pas sans précédent, honnêtement, et qui n’est pas rare non plus au fil des législatures.

Honorables sénateurs, au fil des ans, il y a eu un large éventail de projets de loi que le gouvernement a appuyé énergiquement au Sénat, dont le projet de loi C-210, une mesure législative qui visait à rendre notre hymne national plus inclusif, parrainé par notre ancienne collègue la sénatrice Lankin, et le projet de loi qui visait à restreindre la publicité pour la malbouffe destinée aux enfants. Plus récemment, j’ai pris la parole en faveur du projet de loi C-291, qui était parrainé par la sénatrice Batters, et que j’ai été heureux de voir recevoir la sanction royale.

Dans d’autres cas, le gouvernement s’est opposé à certains projets de loi comme le projet de loi C-34 au cours de la présente session. À la 43e législature, j’ai également exposé les préoccupations du gouvernement en matière de politique concernant d’autres projets de loi d’initiative parlementaire, dont le projet de loi C-204, qui portait sur l’élimination définitive de déchets plastiques, et le projet de loi C-208, qui portait sur les transferts de petites entreprises et sociétés agricoles.

Chers collègues, dans certains cas, l’appui du gouvernement était si fort que, quand un projet de loi n’était pas adopté, il était présenté de nouveau en tant que projet de loi d’initiative ministérielle, comme le projet de loi C-337 sur la formation en matière d’agressions sexuelles pour les juges et le projet de loi C-262 sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Lors de la 42e législature, mon prédécesseur a collaboré avec l’ancien sénateur Vernon White pour que le gouvernement fasse passer le projet de loi S-225 sur le fentanyl par le processus réglementaire afin que cette mesure importante puisse être mise en œuvre convenablement.

Par l’intermédiaire du bureau du représentant du gouvernement, ici au Sénat, le gouvernement a toujours manifesté de façon proactive un intérêt pour toutes les mesures législatives, et il a souvent collaboré avec des parrains du Sénat pour fournir son appui. En effet, je crois que le sénateur Manning a travaillé avec la ministre Ien et des fonctionnaires sur des amendements au projet de loi sur la violence entre partenaires intimes, qui a maintenant été adopté — heureusement — à l’étape du rapport. Mon bureau et moi avons insisté pour que le gouvernement examine sérieusement ce dossier.

Permettez-moi également de citer le document du sénateur Harder intitulé Vers un Sénat indépendant : Un rapport de progrès à l’intention des Canadiens, qui a été publié à la fin de son mandat de représentant du gouvernement :

[...] quelques projets de loi innovateurs présentés par des sénateurs, que l’on appelle des projets de loi d’intérêt public du Sénat, sont devenus lois cette session avec l’appui de la Chambre des communes. Dans bien des cas, le gouvernement a travaillé en collaboration avec des sénateurs sur l’élaboration de projets de loi sous leur forme finale. Cela comprend des projets de loi visant à mettre fin à la captivité des baleines, des dauphins et des marsouins à des fins de divertissement, à tenir responsables les coupables de violations des droits de la personne à l’étranger (connu sous le nom de loi Magnitski); et à reconnaître Charlottetown comme le berceau de la Confédération. De plus, un projet de loi d’intérêt public du Sénat interdisant les précurseurs chimiques au fentanyl a suscité des modifications réglementaires.

Chers collègues, mon rôle consiste à représenter le gouvernement dans cette chambre. Lorsque je prends la parole au sujet d’un projet de loi d’initiative parlementaire, on peut supposer sans risque de se tromper que c’est parce que le ministre et le Cabinet ont été renseignés et que le ministère a pris une décision stratégique sur ce projet de loi. Le processus n’est pas toujours rapide, mais nous essayons de connaître le plus rapidement possible la position du gouvernement et la façon dont le bureau du représentant du gouvernement votera.

Il n’y a rien d’anormal à ce que le gouvernement, qui doit rendre des comptes à la Chambre et aux Canadiens, s’intéresse aux lois du Canada. Le gouvernement n’est pas un acteur désintéressé en ce qui concerne nos lois. C’est l’inverse qui en ferait sourciller plus d’un. Imaginons que le bureau du représentant du gouvernement, une équipe qui a un lien de reddition de comptes avec le gouvernement et, par son entremise, les électeurs, cache au Sénat la position du gouvernement sur les changements stratégiques importants apportés aux lois canadiennes ou un gouvernement agnostique ou désintéressé. Voilà qui serait, comme nous le disons dans l’Est, plutôt étrange. Les sénateurs doivent savoir quelle est la position du gouvernement sur les questions importantes.

Vous remarquerez, sénateurs, que nous votons toujours au nom du gouvernement lorsqu’on nous le demande. Nous ne quittons pas l’enceinte et nous ne refusons pas d’exprimer le point de vue du gouvernement, le cas échéant. Dans certains cas, nous en faisons plus et nous donnons un discours qui explique plus en détail le point de vue politique du gouvernement, ce que je ferai aujourd’hui.

Enfin, je dirais que je suis plus actif ces jours-ci sur ces questions parce qu’il y a plus de projets de loi d’initiative parlementaire qui sont à la fin de leur très long parcours au Parlement et, comme la fin de la présente session approche, il se peut que le gouvernement attache plus d’importance aux projets de loi d’initiative parlementaire dont il appuie l’obtention de la sanction royale et ne souhaite pas le renvoi à l’autre endroit, qui, franchement, n’est pas très fonctionnel depuis quelques mois maintenant.

Dans le cas de certains projets de loi d’initiative parlementaire que le gouvernement appuie dans leur version originale, peu importe l’affiliation politique de leur auteur, il est temps d’agir, sinon ils risquent de mourir au Feuilleton.

Chers collègues, c’est dans cet esprit — et je vous remercie de m’avoir permis de faire cette longue entrée en matière — que j’interviens au sujet du rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Ce rapport recommande d’amender le projet de loi d’une manière que le gouvernement ne peut appuyer et n’appuie pas. Par conséquent, en tout respect, j’exhorte mes collègues à s’opposer à ce rapport afin que le projet de loi puisse passer à l’étape de la troisième lecture dans sa version initiale.

Pour être clair, le projet de loi C-282 soutient l’objectif essentiel qui consiste à assurer la force, la stabilité et la durabilité du système de gestion de l’offre du Canada.

Ce projet de loi n’est pas un amendement technique. Il représente un engagement fondamental en faveur de la préservation d’un système qui a servi le secteur agricole, les communautés rurales et les consommateurs de notre pays pendant plus de 50 ans. Il s’agit de préserver les moyens de subsistance de nos agriculteurs, de protéger la viabilité à long terme de notre industrie agricole et de veiller à ce que les familles canadiennes continuent d’avoir accès à des denrées alimentaires sûres, abordables et de grande qualité, produites par les agriculteurs locaux. À la base, ce projet de loi concerne la stabilité économique et le bien-être des familles canadiennes, qui dépendent d’un système alimentaire stable leur fournissant des aliments nutritifs et produits localement. Ces valeurs transcendent les affiliations politiques ou partisanes, les théories économiques et les considérations régionales.

Comme il a été mentionné précédemment, ce projet de loi a déjà reçu l’appui de 262 élus à l’autre endroit, représentant tous les partis politiques et toutes les régions du pays. Parmi eux, on compte les chefs du Parti conservateur, du Bloc québécois, du Nouveau Parti démocratique, du Parti libéral et du Parti vert.

Ce n’est pas une petite victoire. Ce large soutien témoigne d’un consensus national dans toutes les régions du Canada, des députés des centres urbains à ceux qui représentent des collectivités rurales et agricoles. Les députés de tous les partis politiques se sont entendus parce qu’ils reconnaissent le rôle vital de la gestion de l’offre pour assurer la stabilité et la prospérité du secteur agricole canadien. Je dirais même que ce rôle est encore plus important que jamais.

Il s’agit d’une politique qui a fait ses preuves. Elle soutient les fermes familiales, créer des dizaines de milliers d’emplois et constitue une source essentielle d’approvisionnement alimentaire, ici et dans le monde.

Pour comprendre l’importance du projet de loi C-282, on n’a qu’à penser au succès du système canadien de gestion de l’offre et à la place centrale de ce système dans notre paysage agricole depuis plus de 50 ans.

La gestion de l’offre a été mise en place pour garantir aux producteurs canadiens de lait, de volailles et d’œufs un prix équitable pour leurs produits. Dans le cadre de ce système, les agriculteurs sont payés sur la base des coûts de production plutôt que sur la base des prix fluctuants du marché. Ceci leur assure un revenu équitable et stable. En retour, cela crée un approvisionnement alimentaire stable pour les consommateurs, réduit la volatilité des prix des denrées alimentaires et garantit que les produits canadiens répondent à des normes de sécurité alimentaire et de bien-être animal parmi les plus élevées au monde.

Rien qu’en 2021, les secteurs canadiens du lait, de la volaille et des œufs ont généré près de 13 milliards de dollars de ventes à la ferme, ce qui a permis de créer plus de 100 000 emplois directs dans l’ensemble du pays. Ce n’est pas un mince exploit. Lorsque l’on considère l’ampleur de ces chiffres, on peut comprendre à quel point la gestion de l’offre est essentielle à l’économie canadienne et aux moyens de subsistance de dizaines de milliers de familles canadiennes. C’est une industrie qui soutient les communautés locales, renforce l’économie rurale et garantit aux Canadiens l’accès à des aliments nutritifs et de haute qualité à des prix équitables.

Ce système fonctionne depuis plus de cinquante ans, favorisant un milieu stable dans lequel les agriculteurs peuvent planifier leur avenir sans être constamment menacés par la volatilité des marchés ou la concurrence déloyale de producteurs étrangers qui ne sont pas assujettis aux mêmes normes. Le succès de la gestion de l’offre illustre bien la résilience et l’adaptabilité de notre système agricole.

En tant que parlementaires, nous avons la responsabilité d’écouter la population qui s’est exprimée haut et fort sur la gestion de l’offre.

Selon Abacus Data, pas moins de 94 % des Canadiens croient qu’il est important que les produits alimentaires soient produits par des agriculteurs qui sont assujettis au système canadien de la gestion de l’offre. Je le répète : 94 % des Canadiens appuient la gestion de l’offre.

Ce soutien massif de l’opinion publique en dit long. Les Canadiens comprennent que la gestion de l’offre signifie que les aliments qu’ils consomment sont produits conformément aux normes de sécurité les plus strictes, qu’ils proviennent d’exploitations qui s’engagent à traiter les animaux de manière éthique et qu’ils sont vendus à des prix équitables tant pour les producteurs que pour les consommateurs.

En outre, les Canadiens apprécient la stabilité qu’offre la gestion de l’offre. Lorsque vous demandez aux Canadiens ce qu’ils attendent de leur système alimentaire, la réponse est cohérente : ils veulent des aliments produits localement, par des exploitations agricoles qui font partie de leur communauté, et ils veulent avoir l’assurance qu’ils répondent aux normes les plus strictes en matière de qualité, de sécurité et de bien-être des animaux. C’est ce que garantit la gestion de l’offre, et c’est la raison pour laquelle elle a recueilli un soutien public aussi vaste. Ce niveau de soutien public devrait être un signal fort pour nous tous.

Chers collègues, les avantages de la gestion de l’offre ont une portée nationale et ne se limitent pas à une seule région du Canada. Du Québec aux Maritimes, de l’Ontario aux Prairies, chaque province canadienne a intérêt à maintenir et à renforcer ce régime.

Prenons, par exemple, la province de Québec, celle où je vis, qui compte certaines des exploitations laitières, avicoles et ovocoles les plus prospères et les plus durables du Canada. Au Québec, l’industrie laitière contribue à elle seule pour plus de 7 milliards de dollars à l’économie de la province et soutient des dizaines de milliers d’emplois. Ces exploitations, dont beaucoup sont familiales, sont un élément crucial de l’économie provinciale et le fondement de la prospérité rurale. Au Québec, la gestion de l’offre est plus qu’une politique, c’est une bouée de sauvetage. Elle permet aux agriculteurs d’obtenir un prix équitable pour leur dur labeur et procure une stabilité aux communautés locales. Sans elle, de nombreux agriculteurs québécois seraient incapables de maintenir leurs activités, et les répercussions économiques se feraient sentir dans toute la province.

Cela dit, le Québec n’est pas le seul à bénéficier de la gestion de l’offre. Dans tout le pays, la gestion de l’offre contribue à soutenir les emplois locaux, à maintenir la qualité des aliments et à assurer la viabilité des exploitations agricoles familiales. En Nouvelle-Écosse, les petites exploitations familiales bénéficient de prix stables. En Ontario, les transformateurs de volaille s’appuient sur un régime qui garantit un approvisionnement stable en produits de haute qualité. En Alberta et dans les Prairies, la gestion de l’offre permet aux agriculteurs de demeurer compétitifs dans un marché de plus en plus mondialisé.

Toutes les régions de ce pays, grandes et petites, urbaines et rurales, bénéficient de la stabilité et de la prévisibilité qu’offre la gestion de l’offre. En maintenant des marchés locaux forts, nous investissons dans la santé à long terme du secteur agricole canadien.

On peut se poser la question suivante : si la gestion de l’offre est déjà ancrée dans la politique agricole canadienne, pourquoi avons-nous besoin du projet de loi C-282?

La réponse est simple : le projet de loi C-282 protège ce que nous avons déjà en l’inscrivant clairement dans la loi.

Bien que les gouvernements qui se sont succédé aient défendu la gestion de l’offre lors des négociations commerciales, y compris les négociations de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, et se soient engagés à ne pas élargir l’accès au marché pour les produits soumis à la gestion de l’offre dans les futurs accords commerciaux, le projet de loi C-282 va un cran plus loin, un cran d’une importance vitale. En modifiant en bonne et due forme la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, le projet de loi garantit que la gestion de l’offre restera une pierre angulaire de la politique agricole du Canada à l’avenir.

Il ne s’agit pas simplement d’un enjeu politique. Il s’agit d’une mesure législative concrète. En adoptant le projet de loi C-282, nous inscrivons dans la loi l’engagement de défendre et de protéger la gestion de l’offre afin d’assurer sa stabilité dans le contexte des pressions du marché mondial, des négociations commerciales internationales et des défis posés par l’évolution des conditions du marché.

Je partage toutes ces réflexions parce que le contexte de la gestion de l’offre est une toile de fond importante pour le projet de loi, et même du rapport que nous étudions actuellement.

Ce projet de loi a été renvoyé au comité le 16 avril de cette année, et le comité a entamé son étude le 25 septembre. Le comité a tenu neuf réunions; j’ai assisté à toutes ces réunions en écoutant le point de vue des témoins sur la question.

Ce qui m’est apparu clair tout au long de l’étude, c’est qu’il s’agit d’un projet de loi qui contribuera à protéger notre précieux système de gestion de l’offre.

Chers collègues, je tiens à souligner que pendant l’étude en comité, certaines personnes ont mentionné que le projet de loi n’avait pas fait l’objet d’un examen adéquat et approfondi à l’autre endroit. Je tiens à dire qu’il a bénéficié, en fait, d’un examen beaucoup plus approfondi que certains l’ont laissé entendre. Rappelons que ce projet de loi est presque identique au projet de loi C-216 présenté pendant la dernière législature. Le projet de loi C-216 a reçu l’appui du gouvernement à l’étape de la deuxième lecture. Il a ensuite été étudié par le Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes. Ce comité a entendu divers témoins, notamment des fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada et d’Agriculture et Agroalimentaire Canada ainsi qu’un expert en droit constitutionnel. Il a également entendu des représentants du secteur agricole soumis à la gestion de l’offre et du secteur agricole axé sur l’exportation. L’étude du projet de loi C-216 s’est terminée en juin 2021; le projet de loi a alors été renvoyé à l’autre endroit sans amendement. Il est toutefois mort au Feuilleton en raison du déclenchement d’une élection générale.

Le projet de loi C-282, dont nous discutons aujourd’hui, a été présenté en juin 2022 par le député de Montcalm. Il a été étudié par le même comité de la Chambre que la version précédente, le projet de loi C-216. Le comité a entendu 45 témoins, parmi lesquels des représentants du secteur agricole soumis à la gestion de l’offre et du secteur agricole axé sur l’exportation ainsi que des universitaires. Le comité de la Chambre a étudié des amendements, mais il les a finalement rejetés.

Dans sa forme actuelle, le projet de loi vise clairement à refléter et à consacrer effectivement les engagements politiques du gouvernement en matière de gestion de l’offre. À mon humble avis, l’amendement proposé réduirait la portée de la protection que le projet de loi est censé offrir au point de la rendre inutile.

Chers collègues, au Canada, il y a 37 accords de libre-échange qui sont en vigueur, en cours de négociation ou en discussion exploratoire. Ils couvrent pratiquement l’ensemble de l’économie. Amender le projet de loi ferait en sorte qu’il n’ait, en réalité, aucune répercussion tangible. Le projet de loi C-282 vise à empêcher tout nouvel empiétement sur le système canadien de la gestion de l’offre. L’amendement proposé aurait pour effet d’annuler sa fonction. Franchement, cela rendrait peu probable la conclusion de nouveaux accords — dans les secteurs de l’économie non couverts — avec un pays s’intéressant grandement à notre système de la gestion de l’offre. Appuyer cet amendement équivaudrait à appuyer l’élimination de l’objectif du projet de loi.

Comme nous l’avons tous constaté, ce projet de loi a suscité beaucoup d’attention. Pas plus tard qu’hier, à l’autre endroit, le gouvernement a de nouveau indiqué qu’il soutenait le projet de loi dans sa forme originale, parce qu’il protégera la gestion de l’offre et nos producteurs laitiers, nos aviculteurs et les autres agriculteurs canadiens, ce qui permettra d’assurer leur bien-être économique.

Chers collègues, nous savons que toutes les nations commerçantes protègent fortement certains secteurs au moyen de leurs accords commerciaux. La législation est un moyen plus efficace de protéger les priorités nationales clés de l’influence internationale. Par exemple, la Loi sur Investissement Canada permet au Canada de bloquer les investissements directs étrangers lorsque nous estimons qu’il y va de notre intérêt national ou lorsque nous considérons qu’une certaine ressource est importante pour l’approvisionnement national. La gestion de l’offre n’a pas été conçue pour protéger un « secteur économique », mais, en tant que priorité nationale en matière de sécurité alimentaire, elle devrait être protégée contre tout échange par un futur gouvernement. En outre, la Loi sur les licences d’exportation et d’importation contient des dispositions qui contrôlent l’exportation ou l’importation de biens et de services spécifiques qui peuvent être nécessaires pour protéger les intérêts économiques du Canada.

En terminant, je vous prie de vous rappeler ce qu’est vraiment le projet de loi C-282. Il s’agit d’un projet de loi qui protège les exploitations agricoles familiales, qui veille à la souveraineté alimentaire, qui soutient la production alimentaire locale et qui garantit des prix raisonnables aux consommateurs. Il renforce le secteur agricole canadien tout en protégeant les agriculteurs de la concurrence internationale déloyale. Il garantit à tous les Canadiens des aliments de haute qualité produits localement, et il permet à nos agriculteurs de rester concurrentiels dans un contexte de mondialisation croissante.

Ce projet de loi confirme que le système alimentaire du Canada n’est pas une marchandise que l’on troque dans le cadre d’accords internationaux, mais qu’il constitue au contraire un élément essentiel de l’identité et de l’avenir de notre pays. C’est un engagement pour l’avenir des agriculteurs, des collectivités rurales et de la sécurité alimentaire du Canada.

Chers collègues, pour toutes les raisons que j’ai exposées, je voterai contre l’adoption du rapport du comité. Le projet de loi C-282, sous sa forme initiale, est un projet de loi qui, en plus de protéger la gestion de l’offre, assure l’avenir à long terme de l’agriculture canadienne. Veillons à ce que la prochaine génération de Canadiens continue de bénéficier de la stabilité, de l’équité et de la prospérité que procure la gestion de l’offre.

Je vous remercie de votre attention.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Sénateur Gold, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Gold [ - ]

Oui, bien sûr.

L’honorable Denise Batters [ - ]

Merci. Sénateur Gold, je tiens à vous demander de corriger ce que vous avez dit aujourd’hui et lors du dernier jour de séance. Dans les deux cas, vous avez affirmé avoir prononcé un discours en faveur du projet de loi C-291, le projet de loi d’initiative parlementaire que j’ai parrainé au Sénat.

Sénateur Gold, je suis certainement reconnaissante que vous ayez exprimé l’appui du gouvernement à l’égard du projet de loi C-291, mais vous ne l’avez pas fait en prononçant un discours en sa faveur. Vous vous rappellerez peut-être qu’en octobre 2023, vous avez prononcé un discours sur un projet de loi du gouvernement, le projet de loi S-12, qui portait sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels. Dans votre discours, vous avez fait allusion à une disposition de coordination de ce projet de loi qui portait sur le projet de loi C-291, et vous en avez parlé brièvement. À la suite de votre discours ce jour-là, je vous ai questionné au sujet de cette disposition de coordination à l’égard du projet de loi C-291 dans le projet de loi S-12, et vous avez saisi l’occasion, en répondant à ma question, d’exprimer clairement l’appui du gouvernement au projet de loi C-291.

Cette mise en contexte vous rafraîchit-elle la mémoire sur ce qui s’est passé en octobre 2023, à savoir que votre discours portait en fait sur un projet de loi du gouvernement, et non sur ce projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi C-291? En octobre 2023, on attendait encore que le projet de loi C-291 soit étudié par le Comité sénatorial des affaires juridiques.

Le sénateur Gold [ - ]

Je vous remercie de m’aider à me rafraîchir la mémoire. J’aimerais pouvoir vous dire que je me souviens maintenant de tout avec clarté, mais je vous prie de m’excuser si j’ai donné la mauvaise impression.

Sénatrice Batters, la dernière chose que j’ai dite à ce sujet — et c’est tout ce dont j’arrive à me rappeler —, c’est que j’étais en faveur du projet de loi C-291. Ce dont je me souviens, et je le répète pour le compte rendu, c’est que j’ai dit que j’étais heureux que ce projet de loi franchisse les étapes de notre processus. J’étais très heureux qu’il reçoive la sanction royale, et je maintiens ma position. Je vous remercie d’avoir pallié ma mémoire défaillante.

L’honorable Julie Miville-Dechêne [ - ]

Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Gold [ - ]

Oui, bien sûr.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Je ne peux faire autrement que d’éprouver un malaise en vous entendant parler de cette question. Lorsque nous avons été saisis du projet de loi il y a 14 mois, je ne vous ai pas entendu parler de ce projet de loi. Nous n’avons pas eu de pression à cette époque pour que le projet de loi soit adopté rapidement. Au contraire, ce qu’on entendait entre les branches, c’est que cela faisait tout à fait l’affaire du gouvernement que nous prenions notre temps, car il y avait certaines hésitations autour de ce projet de loi.

Aujourd’hui, bien sûr, je vois que vous vous portez fermement à la défense du gouvernement, mais évidemment, c’est un peu difficile à comprendre, parce qu’entre-temps, il y a eu des événements, notamment le fait que le NPD a quitté la coalition qu’il formait avec le gouvernement et que l’élection est plus imminente. Malheureusement, pour nous qui sommes censés former une assemblée de second examen attentif qui n’est pas touchée ou influencée par les élections, il me semble qu’au contraire, nous en sommes maintenant à prendre part à une joute extrêmement politique.

Si ce projet de loi était à ce point important, pourquoi avez-vous attendu 14 mois pour faire ce discours? Pourquoi n’avez-vous pas convaincu le gouvernement d’intervenir pour que nous procédions plus rapidement? Quand vous voulez que les choses aillent vite, elles vont plus vite. Personnellement, je vous avoue que j’éprouve un petit malaise, parce qu’évidemment, le Sénat est censé travailler en dehors du cycle électoral, pour le bien de tous les Canadiens.

Le sénateur Gold [ - ]

Je ne suis pas content que vous éprouviez un malaise. Je vais essayer de vous soulager. Dans un premier temps, j’ai pris la parole à l’étape de la deuxième lecture pour appuyer le projet de loi et j’ai — « suggéré » n’est pas le mot —, en fait, j’ai fait la promotion de l’idée selon laquelle j’aimerais bien que le projet de loi soit renvoyé à un comité pour étude. Donc, j’ai été clair sur l’opinion et la position du gouvernement par rapport à ce projet de loi. C’était bien évident, compte tenu du fait que le premier ministre, tous les membres du Cabinet et presque tous les membres du Parti libéral ont voté en faveur du projet de loi à l’autre endroit.

Avec tout le respect que je vous dois, je ne travaille pas ou je ne trafique pas dans les rumeurs ni dans les coulisses pour quelque raison que ce soit. Vous avez parlé du point de vue du gouvernement, alors que j’ignore cela complètement. Il est bien évident que l’« ultimatum » ou la date limite prévue est derrière nous, mais le gouvernement reste convaincu et continue d’appuyer ce projet de loi.

Je ne sais pas si j’ai bien répondu en agissant comme médecin pour soulager votre malaise. Bien franchement, le gouvernement a toujours appuyé ce projet de loi. J’ai pris la parole à l’étape de la deuxième lecture. J’ai assisté aux réunions du comité afin de bien comprendre tous les enjeux et maintenant, je représente le gouvernement en mettant de l’avant la position du gouvernement sur ce projet de loi tel qu’il a été amendé.

L’honorable Claude Carignan [ - ]

Je suis un peu surpris d’entendre la sénatrice Miville-Dechêne parler de « pression ». On n’était pas censé avoir de la pression, et il semble que le gouvernement met de la pression maintenant, car le premier ministre a déclaré récemment : « Nous sommes en train de nous assurer que cela passe au Sénat. »

Pouvez-vous nous expliquer le lien entre les mots « nous assurer que cela passe au Sénat » — qui sont des mots prononcés par le premier ministre — et le mot « pression », une pression qui serait imposée à des sénateurs?

Le sénateur Gold [ - ]

Je n’ai mis aucune pression sur personne. C’est normal qu’un ministre qui parraine un projet de loi ou le représentant du gouvernement partage son opinion, soit au Sénat ou en parlant directement avec les sénateurs. C’est normal et sain dans une démocratie.

C’est tout ce que je peux dire par rapport à cette question. Je n’ai aucun moyen d’insister, de forcer le passage plus rapidement ou bien de décider du résultat. C’est à la Chambre de décider. Mon rôle est très simple, et c’est de présenter le point de vue du gouvernement. C’est un projet de loi qui est appuyé non seulement par le gouvernement, mais aussi par les leaders de tous les partis politiques et par la grande majorité des élus.

Le sénateur Carignan [ - ]

Je disais « vous », mais je ne parlais pas nécessairement de vous; est-ce qu’il y a d’autres personnes au sein du Cabinet, comme des ministres ou le premier ministre, qui font des appels et qui mettent de la pression, pour reprendre les termes du premier ministre? En effet, celui-ci a affirmé : « Nous sommes en train de nous assurer que cela passe au Sénat. » Donc, je présume qu’il doit y avoir des gestes plutôt actifs et positifs pour mettre de la pression?

Le sénateur Gold [ - ]

Avec beaucoup de respect, nous sommes tous des adultes ici, et si un ministre décide de téléphoner ou de parler à un député ou à un de nos collègues, ce n’est pas de la pression, c’est un partage d’opinions.

Avec tout le respect que je vous dois, si vous dites que ce n’est pas approprié pour un élu qui parraine un projet de loi ou pour un ministre qui veut voir un projet de loi adopté, si un élu doit se taire parce que nous sommes si fragiles comme législateurs que nous ne pouvons pas échanger sur des points de vue différents, je trouverais cela un peu décevant en tant que législateur dans cette noble enceinte.

Le sénateur Gignac [ - ]

J’avais la même question que la sénatrice Miville-Dechêne au sujet du malaise, et le sénateur y a répondu.

L’honorable Pierre J. Dalphond [ - ]

Ma question est une question d’information. Vous avez, à l’étape de la deuxième lecture, donné votre appui à ce projet de loi au nom du gouvernement. C’était avant le mois d’avril, et nous avons terminé l’étape de la deuxième lecture le 6 avril.

Depuis ce temps, il s’est passé un certain nombre de choses, notamment l’élection d’un nouveau président qui retournera aux affaires à partir de janvier. Il y a eu aussi l’ambassadeur américain à Ottawa qui a fait un discours dans lequel il a vertement critiqué ce projet de loi.

Est-ce que je dois comprendre qu’aujourd’hui, votre discours, c’est la position du gouvernement, malgré le changement d’administration qui se prépare et malgré la mise en garde de l’ambassadeur des États-Unis?

Le sénateur Gold [ - ]

Vous avez raison de dire que le gouvernement continue d’appuyer ce projet de loi, tel qu’il a été reçu ici au Sénat avant les amendements.

Comme je l’ai dit auparavant et comme je vais continuer de le dire, je ne vais pas faire de commentaires sur la façon dont le gouvernement se comportera dans les mois à venir. Tout ce que je peux dire, et je vais essayer de le faire à ma façon dans mon discours, c’est que ce projet de loi représente une politique importante, c’est-à-dire la gestion de l’offre pour nos agriculteurs. C’est un système dont nous sommes fiers au Canada, et le gouvernement est prêt à défendre nos intérêts, qui sont très importants.

Je pense que nous ne faisons pas cela dans le but d’être machos ou égoïstes, mais surtout pour ne pas plier devant la possibilité ou la probabilité que les négociateurs américains ou les autres traitent d’une manière agressive nos fermiers, nos agriculteurs et nos producteurs.

Encore une fois, je ne veux pas exagérer, mais le gouvernement du Canada est fier de notre système de gestion de l’offre et il veut encadrer cette protection et cette politique dans un projet de loi. Le projet de loi a été étudié et adopté par la grande majorité des élus. L’étude qui a été faite est tout à l’honneur de notre comité. Le gouvernement est toujours en désaccord avec l’amendement, qui rendra le projet de loi inutile; ce n’est pas la volonté du gouvernement de voir la gestion de l’offre aussi vulnérable.

L’honorable Andrew Cardozo [ - ]

Sénateur Gold, si ce projet de loi est adopté sans amendement et que, par la suite, des négociations mènent à un accord prévoyant la suppression d’une partie de la gestion de l’offre, ne pourrait-on pas le faire en utilisant une approche de dérogation, c’est-à-dire que l’on ferait des concessions malgré ce projet de loi? Autrement dit, le Parlement pourrait se prononcer de nouveau sur les dispositions contenues dans le projet de loi, et choisir de les abolir ou non?

Je pense à toutes les règles que nous avons au Sénat. Nous en avons de toutes les sortes, et elles n’empêchent pas les gens d’être constamment en train d’y déroger et disant que nous allons faire ceci ou cela malgré la règle X ou Y.

Le sénateur Gold [ - ]

Sénateur Cardozo, ce n’est pas pour invoquer le grand poète Percy Shelley, mais dans Ozymandias, rien ne dure éternellement. Les projets de loi peuvent être adoptés, amendés, abandonnés ou modifiés.

Je ne peux pas spéculer sur ce qui se passera dans l’avenir ni sur ce que ferait un gouvernement en particulier si des négociations débouchaient sur un réexamen de la protection de la gestion de l’offre.

En ce moment, la position du gouvernement actuel — et c’est une position que beaucoup d’autres partagent, même si je ne veux pas trop insister là-dessus et si je tiens vraiment à ce que mes observations soient respectueuses envers les personnes qui ne sont pas d’accord — est qu’il s’agit de la mesure appropriée à prendre pour protéger la gestion de l’offre, et l’avenir nous réservera ce qu’il nous réservera. Le gouvernement actuel ou un futur gouvernement, s’il décidait de réexaminer cette position, aurait la possibilité de soumettre au Parlement une proposition visant à transformer ou à modifier la loi comme bon lui semble.

Pour le moment, la position du gouvernement actuel est que ce projet de loi devrait être adopté sans amendement.

Sénateur Gold, le projet de loi C-282 est la Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement. Il n’est pas question de l’appui à la gestion de l’offre en tant que telle.

Vous avez identifié les différents témoins qui ont procédé à un examen approfondi de ce projet de loi et du précédent à la Chambre. Se sont-ils entretenus avec des experts en commerce et avec des négociateurs commerciaux en particulier, étant donné qu’il s’agit d’une question commerciale?

Le sénateur Gold [ - ]

Je n’ai pas participé aux études sur les autres projets de loi à l’autre endroit, mais j’ai assisté à toutes les réunions du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, qui a entendu de nombreux points de vue. Il a entendu de nombreux négociateurs et beaucoup d’autres intervenants, notamment des universitaires et des experts. Certains étaient pour le projet de loi, et d’autres étaient contre. Par conséquent, je pense que l’étude était approfondie.

Je l’ai dit au comité, alors je vais le répéter au Sénat : chers collègues, malgré les beaux discours qui disent le contraire, ce n’est tout simplement pas vrai que le projet de loi porte uniquement sur le commerce international, et non sur la gestion de l’offre.

Avec tout le respect que je dois aux témoins qui ont commencé leur discours en disant : « Bien sûr, nous aimons tous la gestion de l’offre, cependant [...] », je ne suis pas totalement persuadé que ces propos illustrent bien leur point de vue. Vers la fin de la réunion, les témoins étaient un peu plus transparents et ils ont dit des choses comme : « Nous pensons que la gestion de l’offre est une mesure terrible. », « Le lait coûte beaucoup trop cher. », « Les œufs coûtent beaucoup trop cher. », « Nous ne sommes pas concurrentiels. » et « Qu’en est-il de Saputo? »

Nous avons entendu beaucoup de points de vue de ce genre, et je les respecte, mais je ne les partage pas.

Je pense que ce projet de loi vise à déterminer si, dans le cadre de nos négociations commerciales, nous devrions protéger ce secteur particulièrement vulnérable ainsi qu’un système qui est propre au Canada et qui nous a bien servi.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Honorables sénateurs, il est 19 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : J’ai entendu un « non ».

Honorables sénateurs, le consentement n’a pas été accordé. Par conséquent, la séance est suspendue, et je quitterai le fauteuil jusqu’à 20 heures.

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