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La Loi concernant le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement

Projet de loi modificatif--Quinzième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international--Suite du débat

21 novembre 2024


L’honorable Andrew Cardozo [ - ]

Chers collègues, je prends la parole afin d’exprimer mon appui au projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre), et mon opposition au rapport présenté par le Comité des affaires étrangères et du commerce international, ainsi qu’à l’amendement qu’il a proposé.

Les industries des produits laitiers, de la volaille et des œufs nous ont demandé d’adopter le projet de loi dans sa forme originale, sans amendement. Si l’amendement proposé par le comité est adopté, le projet de loi ne s’appliquerait pas aux accords déjà en place, à la renégociation d’accords existants ou aux accords en cours de négociation. Le projet de loi serait alors inefficace.

Je veux profiter de l’occasion pour vous faire part de l’opinion de quelques Canadiens qui appuient le projet de loi.

Steve Verheul, négociateur en chef du Canada de 2017 à 2021, a dit ceci :

Je pense qu’il s’agit plutôt d’un message politique d’appui envoyé au secteur des produits laitiers et aux secteurs soumis à la gestion de l’offre en général [...]

Je ne crois pas que cette mesure aura un impact majeur sur les négociations.

La Fédération canadienne de l’agriculture a déclaré ceci :

Dans les faits, le projet de loi C-282 rehausse le seuil décisionnel au-delà duquel la sécurité alimentaire du pays pourrait faire l’objet de négociations sans l’aval exprès du Parlement. Rappelons que, dans l’éventualité où un futur gouvernement réclamerait ce genre de concession au Parlement, non seulement il rendrait le processus de négociation plus complexe, mais il ferait en sorte que la concession elle-même ait un poids démesuré dans le cadre des négociations.

La Fédération des producteurs d’œufs du Québec a dit ceci :

Dans le cas des œufs, les 50 dernières années sous la gestion de l’offre ont prouvé qu’il n’y a pas eu de pénurie d’œufs au Canada. Ces derniers sont d’une qualité supérieure puisque les divers programmes que doivent respecter les producteurs assurent aux Canadiens un produit salubre qui est traçable de la ferme au détaillant, à haute teneur nutritive, qui respecte le bien-être animal et qui a une faible empreinte environnementale.

Comme les producteurs d’œufs dans d’autres provinces nous l’ont expliqué dans leur mémoire au comité :

Les accords commerciaux contribuent de façon importante à la réalisation du plein potentiel du secteur agricole du Canada. Toutefois, les efforts pour atteindre ces cibles ambitieuses ne doivent pas se faire aux dépens de la stabilité de l’approvisionnement alimentaire et des communautés rurales [...] Le projet de loi C-282 empêchera que la production d’œufs, de volailles et de lait soit encore fragilisée au Canada et garantira que nous pouvons continuer de produire des aliments de base au pays.

Dans un mémoire présenté par Maurice Doyon, professeur d’agriculture à l’Université Laval, Bruce Muirhead, professeur d’histoire à l’Université Waterloo, et Jodey Nurse, chargée de cours à l’Institut d’études canadiennes de McGill, ces experts de la gestion de l’offre ont déclaré :

Les accords commerciaux internationaux ont déjà contribué à perturber les industries canadiennes des produits laitiers, des œufs et de la volaille, et tout autre exercice de négociation pourrait causer la restructuration complète de ces secteurs et des communautés desservies. La capacité de la gestion de l’offre à assurer la stabilité dans les campagnes ne doit pas être sous-estimée. Le modèle canadien de la gestion de l’offre a servi de mesure de protection des agriculteurs soumis à la gestion de l’offre contre les pires excès du soi-disant libre marché tout en fournissant aux consommateurs un produit nutritif à un prix compétitif.

Chers collègues, le projet de loi vise à envoyer un signal à nos partenaires commerciaux. La barre pour les concessions dans ce domaine est haute — elle n’est pas impossible à atteindre, mais elle est haute, parce qu’il s’agit d’un système qui fonctionne déjà bien pour nous.

On ne peut dire que le projet de loi affaiblit notre position que si l’objectif est de céder une partie des contingents du système de gestion de l’offre. Il pourrait arriver que nous devions le faire dans le cadre d’un accord global, mais cela ne doit pas être notre objectif. L’amendement proposé élimine cet avantage.

Chers collègues, je vous encourage à voter contre l’amendement et le rapport du comité sur le projet de loi C-282 et, ce faisant, à voter en faveur de la protection des industries agricoles, des emplois et de l’approvisionnement alimentaire du Canada.

Merci.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) [ - ]

J’aurais une question, si le sénateur Cardozo accepte d’y répondre.

Le sénateur Cardozo [ - ]

Oui.

Le sénateur Plett [ - ]

Merci, sénateur Cardozo. Je suis d’accord, du moins en partie, mais peut-être pas entièrement. Je crois qu’il s’agit davantage d’un projet de loi sur le commerce que d’un projet de loi sur la gestion de l’offre.

Quoi qu’il en soit, vous avez commencé votre discours en indiquant que c’est une mesure que le secteur agricole voulait à peu près partout — du moins en ce qui concerne la gestion de l’offre — et vous avez laissé entendre que, pour ces raisons, nous devrions l’appuyer. Je suis en grande partie d’accord avec cela.

Ma question, sénateur Cardozo, porte sur le fait qu’il y a trois projets de loi consécutifs qui, bien qu’ils aient des titres différents, portent tous sur l’agriculture : les projets de loi C-275, C-280 et C-282.

Les projets de loi C-275 et C-280 ont également été considérablement amendés et, s’ils sont adoptés, ils risquent tout autant de mourir au Feuilleton que le projet de loi C-282. Je suis d’accord pour dire que cet amendement détruit à toutes fins utiles le projet de loi C-282.

Nous savons que les deux autres projets de loi ont reçu l’appui unanime des intervenants. Les agriculteurs sont venus nous supplier de ne pas apporter d’amendements.

Dans le cas du projet de loi C-280, les producteurs et les intervenants ont fait la même chose.

Cependant, les deux projets de loi ont été amendés au point où leur adoption les torpillerait littéralement.

Convenez-vous, sénateur Cardozo, que ces amendements devraient également être rejetés, comme vous le suggérez pour celui-ci?

Le sénateur Cardozo [ - ]

Je vous remercie beaucoup de votre question, sénateur Plett. La discussion d’aujourd’hui porte sur le projet de loi C-282. En ce qui concerne le projet de loi C-280 — je ne suis pas sûr s’il est approprié pour moi d’entrer dans les détails puisqu’il s’agit d’un tout autre sujet —, j’ai écouté votre discours, et mes sentiments ont été les mêmes que les vôtres au sujet de mon discours. J’ai été d’accord avec certaines parties et totalement en désaccord avec d’autres. Je pense avoir été d’accord avec une partie du contenu. Peut-être que certains aspects de l’approche auraient pu être différents.

Cela dit, si cela ne vous dérange pas trop, je vais vous demander de retenir votre souffle jusqu’à mon vote sur ce projet de loi. Chose certaine, je suis tout ouïe en ce qui concerne le projet de loi C-280.

Le sénateur Plett [ - ]

Je vous remercie, et j’ai une brève question complémentaire.

Certains d’entre nous deviennent émotifs lorsque quelque chose leur tient vraiment à cœur. C’est souvent mon cas. Je vais retenir mon souffle, mais il est possible que j’aie le souffle coupé après le vote. J’espère que ce ne sera pas le cas. Néanmoins, sénateur Cardozo, j’espère sincèrement que vous et tous les autres sénateurs allez voter en fonction du contenu de mon discours et non de la manière dont je l’ai présenté. Merci.

Le sénateur Cardozo [ - ]

Merci, sénateur. Il y a quelques semaines, il y a eu un changement dans l’attribution des sièges au Sénat, et je constate que, curieusement, en étant assis plus près de vous et du même côté que vous, je suis parfois nettement d’accord avec vous sur certains points. Cela me cause de l’insomnie, mais j’essaie de me pencher sur la teneur des arguments en faisant abstraction de ce que je peux ressentir après une nuit blanche.

Le sénateur Plett [ - ]

Mon épouse me dit la même chose.

Le sénateur Cardozo [ - ]

Je préfère ne pas faire de commentaire à ce sujet.

L’honorable Peter M. Boehm [ - ]

Le sénateur Cardozo accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Cardozo [ - ]

Bien sûr.

Le sénateur Boehm [ - ]

Je vous remercie de vos observations, sénateur Cardozo. J’aimerais vous poser une question en plusieurs volets.

Seriez-vous d’accord pour dire que l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne et l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste négociés au cours de deux législatures sont de bons accords pour le Canada? Dans l’affirmative, seriez-vous d’accord pour dire que nos négociateurs ont fait un très bon travail et que, au bout du compte, dans les trois derniers cas, où il y a eu quelques concessions — en particulier dans le secteur laitier —, le gouvernement a versé une indemnité équitable aux producteurs? Si vous convenez de tout cela, seriez-vous d’accord pour dire que ce projet de loi est inutile?

Le sénateur Cardozo [ - ]

Permettez-moi de citer à nouveau Steve Verheul, négociateur commercial en chef de 2017 à 2021. Je suppose que vous le connaissez bien et que vous avez travaillé avec lui. Il a dit : « Je pense qu’il s’agit plutôt d’un signal politique envoyé au secteur des produits laitiers et aux secteurs soumis à la gestion de l’offre en général. » Il a ajouté : « Je ne crois pas que cette mesure aura un impact majeur sur les négociations. »

Nous faisons toujours une combinaison de choses dans les projets de loi. Parfois, ils sont fortement axés sur l’envoi de signaux et l’explication de valeurs et, parfois, ils sont plus axés sur les détails administratifs. Ce projet de loi fait un peu les deux, mais il est peut-être un plus axé sur l’envoi de signaux et la prestation d’un fort appui à la gestion de l’offre dans le secteur laitier en ce moment.

Le sénateur Boehm [ - ]

Merci, sénateur. Pensez-vous qu’en termes de signaux, ce projet de loi en envoie un intéressant à la nouvelle administration américaine?

Le sénateur Cardozo [ - ]

C’est une question très intéressante. Nous réfléchissons tous beaucoup à ce que la nouvelle administration Trump signifie pour nous. Je suis souvent déchiré à ce sujet, car nous sommes un pays indépendant et non une colonie des États-Unis. Ils sont nos amis et notre partenaire commercial le plus solide. En fin de compte, nous devons trouver un équilibre entre ce qui relève de notre indépendance et ce qui relève d’un comportement de colonie américaine.

Pour chaque question, nous portons un jugement. Vous et moi pouvons arriver à des jugements légèrement différents sur cette question. Je ne dis pas du tout que vous seriez heureux que le Canada soit une colonie, mais nous portons tous des jugements sur toutes ces questions complexes.

Sénateur Cardozo, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Cardozo [ - ]

Certainement.

Je vous remercie de votre discours. Vous avez très bien représenté les intérêts du secteur canadien soumis à la gestion de l’offre, que la plupart d’entre nous soutiennent, même si certains d’entre nous sont favorables à l’amendement de ce projet de loi.

Pouvez-vous nous dire pourquoi vous accordez tant de crédit aux déclarations d’un négociateur commercial? Je ne connais pas ses antécédents et je ne sais pas ce qu’il pense du secteur assujetti à la gestion de l’offre. De nombreux autres négociateurs commerciaux et spécialistes nous ont dit qu’il allait y avoir un désastre.

Le sénateur Cardozo [ - ]

Je ne dirais pas que Steve Verheul est simplement un négociateur commercial parmi d’autres. Il a été notre principal négociateur commercial durant des années clés et ce, assez récemment. J’écouterais également la voix des agriculteurs que j’ai cités, ainsi que de certains experts que j’ai également cités. C’est le genre de dossier à l’égard duquel je crois qu’il serait faux de dire que vous avez tort et que j’ai raison. Je crois que nous entendons tous différents points de vue, que nous écoutons attentivement et que certains nous influencent plus que d’autres. Je doute qu’il existe une bonne et une mauvaise position absolues sur cette question. La clé, c’est d’écouter les divers points de vue et de se former une opinion, qu’elle penche d’un côté ou de l’autre.

Merci, sénateur Cardozo. Dix membres du Comité sénatorial des affaires étrangères et du commerce international ont écouté attentivement le témoignage d’un large éventail de groupes, et ils recommandent en fait au Sénat d’amender le projet de loi de la manière précisée dans le rapport dont vous avez entendu parler.

Vous parlez du secteur agricole. Dans le discours que j’ai livré sur ce rapport mardi soir, vous m’avez entendue lire une longue liste — quoique non exhaustive — d’intervenants du secteur agricole et d’intervenants de secteurs non agricoles qui s’opposent avec véhémence à ce projet de loi. Je suis curieuse. Que pensez-vous de cela?

Son Honneur la Présidente [ - ]

Sénateur Cardozo, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps?

Son Honneur la Présidente [ - ]

J’aimerais entendre le sénateur Cardozo dire ce qu’il veut.

Le sénateur Cardozo [ - ]

Je serais ravi de répondre à la question de la sénatrice.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Le sénateur Cardozo [ - ]

Merci. En effet, 10 sénateurs ont voté de la manière que vous avez indiquée. Il y a environ 447 parlementaires en tout, et lors de la première ronde à la Chambre des communes, la grande majorité des 338 députés ont voté oui. En termes de chiffres, il y en a quoi, 200 contre 10? Encore une fois, certaines personnes peuvent penser qu’on a raison ou qu’on a tort; ce n’est pas ce que je dis. Je pense que c’est une question complexe. En fin de compte, nous devons porter un jugement sur ce que nous entendons, ce que nous pensons, ce que nous croyons et ce sur quoi nous votons.

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