Le Code criminel
Projet de loi modificatif--Message des Communes--Motion de renonciation aux amendements du Sénat et d'adoption des amendements des Communes--Ajournement du débat
15 mars 2021
Sénatrice Petitclerc, vous avez six minutes.
Je disais donc que les futurs rapports s’appuieront ainsi sur des données comparables à l’échelle nationale qui permettront de comprendre, à travers le temps, les tendances liées aux demandes et à la prestation de l’aide médicale à mourir aux Canadiens en situation de handicap, mais surtout d’alimenter nos discussions et nos choix futurs sur les inégalités ou les désavantages potentiels basés sur le handicap dans le régime canadien d’aide médicale à mourir.
C’est sans parler de l’amendement qui a été adopté par le comité de l’autre endroit et qui, si vous vous rappelez bien, oblige la ministre de la Santé à consulter sa collègue responsable des personnes handicapées avant de s’acquitter des obligations qui lui incombent concernant la cueillette de données et la production de rapports.
Honorables sénateurs, selon moi, le message que nous avons envoyé à l’autre endroit combiné à la réponse dont nous sommes saisis aujourd’hui constitue un bon exemple de collaboration entre les deux Chambres. Nous avons prouvé que nous pouvons bien travailler ensemble pour répondre aux besoins des Canadiens. D’ailleurs, comme le rappelait la Cour suprême du Canada en 2014 dans le Renvoi relatif à la réforme du Sénat, le rôle complémentaire du Sénat dans le processus législatif constitue l’une de ses caractéristiques fondamentales. Voici ce que dit le paragraphe 56 du renvoi :
Le contraste entre l’élection des députés à la Chambre des communes et la nomination des sénateurs par l’exécutif ne représente pas un accident de l’histoire. Les rédacteurs de la Loi constitutionnelle de 1867 ont délibérément choisi le mode de nomination des sénateurs par l’exécutif pour que l’institution où ils siègent puisse jouer le rôle précis d’organisme législatif complémentaire chargé de porter un « second regard attentif » aux projets de loi.
L’étude du projet de loi C-7 l’illustre on ne peut mieux, selon moi.
En ce qui concerne les deux amendements que l’autre endroit n’a pas acceptés, c’est-à-dire les demandes anticipées et la clarification de la définition de maladie mentale dans le cadre de l’aide médicale à mourir, il ne s’agit pas, à mon avis, d’un rejet ferme ou d’un revers. Je comprends et j’adhère à l’approche faite de prudence du gouvernement, qui nous invite à écouter davantage les experts et les Canadiens sur ces deux enjeux dans le cadre d’une étude plus approfondie.
Il ne fait aucun doute que la question des demandes anticipées doit faire l’objet d’une conversation essentielle. Bien que le soutien à l’égard du principe même des demandes anticipées soit bien réel parmi les Canadiens et les membres de cette Chambre, moi y compris, nous convenons qu’il reste encore des pièces à assembler.
J’ai déjà eu l’occasion, lors de mon intervention sur les débats portant sur cet amendement, d’évoquer les conclusions du Conseil des académies canadiennes sur le fait qu’il faut prendre plus de temps et adopter des mesures de sauvegardes adéquates. La majorité des experts, des praticiens et des intervenants consultés au cours de la table ronde organisée par le gouvernement en février 2020 ont abondé dans le même sens.
Je suis soulagée de constater que notre vote sur ce projet de loi va lancer le compte à rebours de 30 jours qui nous sépare du début d’une étude qui s’avère nécessaire sur les complexités et les détails qui doivent être soigneusement examinés avant d’aller de l’avant avec les demandes anticipées.
Lors de mon discours à l’étape de la deuxième lecture, j’ai mentionné que cette conversation sur l’aide médicale à mourir n’est pas la première ni la dernière que nous aurons, et que cette conversation ne sera jamais facile. Cependant, nous l’avons encore menée avec professionnalisme, empathie et dignité, et, pour cela, je vous remercie.
Chers collègues, c’est en pensant à celles et ceux qui ont partagé avec moi leurs histoires, leurs souffrances et leurs espoirs que je vais appuyer cette réponse raisonnable de l’autre endroit. Je vous invite à en faire de même et, ainsi, adopter le projet de loi C-7.
Sénatrice Petitclerc, accepteriez-vous de répondre à une question?
Oui, avec plaisir.
Sénatrice Petitclerc, selon ce que je vois dans les changements apportés par la Chambre des communes, tous les passages précisant qu’en cas d’élections ou de prorogation, le comité devra obligatoirement être reconstitué ont été effacés. Les circonstances actuelles étant ce qu’elles sont, et les élections étant plus probables que jamais, avez-vous la moindre idée pourquoi le gouvernement tenait à supprimer cette exigence, même symbolique?
Je vous remercie de cette question, cher collègue. Je pense qu’elle rejoint quelque peu la question qui a été posée tout à l’heure au sénateur Gold. Non, je n’ai pas d’information supplémentaire et je ne connais pas la raison de cette décision. Cela dit, je pense que, à partir du moment où le projet de loi est adopté et mis en œuvre, il est évidemment possible qu’il y ait des élections, des prorogations, ou bien un autre événement hors de notre contrôle, mais je crois tout de même que l’étude reprendra par la suite, comme l’exige la loi.
Honorables sénateurs, le 11 septembre 2019, la Cour supérieure du Québec a jugé que la version actuelle du projet de loi sur l’aide à mourir était inconstitutionnelle et trop restrictive. Le 5 octobre 2020, le gouvernement libéral a finalement présenté un projet de loi en réponse à la décision de la cour. Dans cette enceinte, nous avons mené des études préalables et nous avons consacré de longues heures à l’étude et au débat en comité afin de respecter une échéance imposée par la cour. Le délai a même été prolongé à quatre reprises afin de nous donner la chance de légiférer adéquatement sur la question.
Si cette histoire vous semble familière, c’est que nous avons connu une situation similaire lors de l’adoption du projet de loi initial, le projet de loi C-14. Au cours du débat, un comité plénier a été formé ainsi qu’un comité parlementaire mixte afin d’accélérer l’adoption d’un projet de loi qui allait transformer considérablement le système de santé canadien.
Cependant, le fait d’accélérer le processus peut parfois entraîner des erreurs. En 2016, l’ancien sénateur Joyal, un expert en droit constitutionnel, a averti le Sénat que l’exclusion des Canadiens atteints de maladies non terminales intolérables serait considérée comme inconstitutionnelle. Il voulait que l’adoption du projet de loi fasse l’objet d’un renvoi à la Cour suprême pour tenter de répondre à la question. Malheureusement, sa demande a été rejetée et nous sommes ici aujourd’hui, cinq ans plus tard, pour prouver que ses préoccupations étaient fondées.
Cette fois-ci, nous avons élargi la portée du projet de loi bien au-delà de ce qu’étaient l’intention initiale et les points soulevés par la cour. Malheureusement, nous nous retrouvons encore dans une situation où nous agissons de manière précipitée.
Les personnes qui souffrent de maladie mentale seront assurément admissibles à l’aide médicale à mourir dans deux ans. Cela se concrétisera. Au cours des deux prochaines années, les séances de consultation ne porteront pas sur la question de savoir si oui ou non nous devrions inclure ces personnes, mais sur la manière dont nous allons mettre en œuvre ce changement.
Vous vous demandez peut-être pourquoi je suis si indigné du manque de consultations auprès des Inuits du Nunavut, ou même des Autochtones du Canada, à propos du projet de loi C-7. C’est parce que c’est toujours la même histoire qui se répète — même avec un gouvernement dont le chef jure qu’il n’y a aucune relation plus importante que celle avec les Autochtones. Le gouvernement ne semble tout simplement pas capable de tirer des leçons.
Au cours de la dernière législature, le gouvernement a pris l’habitude de mener des consultations sans tenir compte du point de vue des Autochtones. Le projet de loi C-45 contenait des lacunes évidentes en ce qui a trait aux Autochtones, notamment quant aux possibilités d’établir une approche fructueuse pour la culture sur les terres autochtones et le partage des recettes provenant de la taxe d’accise, sans oublier la nécessité de tenir compte des avis scientifiques concernant les vulnérabilités connues d’une proportion d’Autochtones et les effets négatifs qu’aurait sur eux la légalisation du cannabis, ainsi que la façon d’atténuer ces effets.
Malgré ces questions et d’autres, tout aussi importantes pour les Autochtones, et malgré l’obligation claire de la Couronne de le faire en vertu de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, il n’y a eu aucune consultation auprès du Conseil de développement social du NTI. Cette omission et les fortes recommandations du Comité permanent des peuples autochtones ont donné lieu à un engagement de la part du gouvernement de l’époque, notamment l’annonce de mesures concrètes de financement pour injecter des capitaux et des fonds d’exploitation et d’entretien dans le territoire en vue de créer un centre de traitement établi au Nunavut, auquel viendraient s’ajouter des programmes de santé mentale communautaires dirigés par les Inuits et inspirés de modèles qui se sont avérés efficaces, par exemple, à Pangnirtung, Clyde River et Cambridge Bay. J’attends avec impatience de recevoir le rapport de suivi du ministre Miller sur ce projet, tel que promis au Comité des peuples autochtones lors de l’adoption du projet de loi.
L’absence de consultation sur des mesures significatives constatée lors du processus d’élaboration que l’on prétendait être conjointe de la Loi sur les langues autochtones, pendant la dernière législature, a amené Inuit Tapiriit Kanatami, qui représentait les Inuits du Canada, à se retirer du processus, en faisant valoir que les besoins uniques des langues inuites avaient été négligés.
Le même problème s’est produit dans le cas de la mesure législative sur les services d’aide aux enfants autochtones, et voilà qu’il se reproduit encore. J’ai déjà pris la parole au Sénat pour dénoncer le manque de consultation à propos du projet de loi à l’étude. Depuis, j’ai pris connaissance du point de vue de l’organisme Isaksimagit Inuusirmi Katujjiqaatigiit Embrace Life Council, organisme à but non lucratif voué à la prévention du suicide et établi à Iqaluit, au Nunavut. C’est avec plaisir que j’ai reçu, de la part de dirigeants nunavummiuts actifs dans le domaine de la prévention du suicide, des conseils concernant les conséquences que pourraient avoir le projet de loi et l’inclusion des maladies mentales dans un territoire où la population, en majorité inuite, est aux prises avec un taux de suicide disproportionné.
Une réunion spéciale du conseil d’administration a mené à des recommandations claires. Premièrement, le conseil a souligné les obligations du gouvernement du Canada en vertu de l’article R32.1.1 de la Loi concernant l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Il a noté que le gouvernement satisferait à ces obligations comme suit : a) en donnant aux Inuits la possibilité de participer à l’élaboration de politiques sociales et culturelles, et à la conception de programmes et de services sociaux et culturels, y compris leur mode de mise en œuvre dans la région du Nunavut; et b) en veillant à ce que les buts et les objectifs des Inuits se reflètent dans les politiques, les programmes et les services sociaux et culturels mis en place dans la région du Nunavut. Le conseil d’administration a souligné que les Nunavummiuts n’avaient toujours pas été consultés à propos de cet enjeu important.
Le conseil d’administration de l’organisme Embrace Life Council souligne aussi qu’il importe de recueillir plus de données sur les maladies mentales au Nunavut afin de pouvoir prendre des décisions éclairées, puisque :
[...] la maladie mentale a un impact considérable sur la productivité, la morbidité et le taux de mortalité au Nunavut. Il est nécessaire de recueillir plus de données pour guider les méthodes visant à réduire le taux de suicide, à améliorer la qualité des services axés sur le mieux-être et sensibiliser les Nunavummiuts aux implications du projet de loi C-7.
Je sais que je l’ai déjà dit, mais il y a lieu de le répéter : il n’y a pas de services de soutien en santé mentale adéquats au Nunavut. À l’heure actuelle, ceux qui cherchent un traitement contre la toxicomanie ou des soins de santé mentale sont mal servis et sont forcés de quitter le territoire. Ce n’est pas sain et certains craignent que cela entraîne des situations où il serait plus facile de choisir de mourir que de choisir de vivre. Bien que beaucoup de promesses aient été formulées, peu se sont concrétisées.
Durant le débat entourant le projet de loi C-45 sur la légalisation du cannabis, j’ai signalé que le Nunavut avait un besoin urgent d’un centre de soins de santé mentale et de traitement contre la toxicomanie. Afin d’encourager l’adoption du projet de loi, le gouvernement fédéral, par le truchement de ministres de la Couronne, a promis solennellement d’accéder à cette demande. Pourtant, et malgré maintes annonces et assurances formulées devant le Comité des peuples autochtones, les pourparlers sont au point mort et, trois ans plus tard, le Nunavut ne semble pas plus près d’obtenir un centre de traitement de briques et de ciment.
Le 14 août 2019, la ministre des Relations Couronne-Autochtones a présenté des excuses officielles aux Inuits du Qikiqtani au nom du gouvernement fédéral. Il s’agissait de promouvoir la guérison des traumatismes intergénérationnels causés par des politiques et des pratiques intergouvernementales discriminatoires comme les déplacements forcés et l’abattage de chiens. Les excuses ont été présentées en réponse aux conclusions de la Commission de vérité du Qikiqtani, dirigée par un groupe de la région, l’Association inuite du Qikiqtan, dont le rapport présente une marche à suivre pour promouvoir la guérison.
Le rapport contient trois demandes : une reconnaissance et des excuses officielles, un protocole d’entente pour la création du Fonds Saimaqatigiingniq et l’annonce de programmes et d’initiatives pour favoriser l’industrie et l’autonomie des Inuits.
Le Fonds Saimaqatigiingniq, qui vise à promouvoir une nouvelle relation, permettra :
[...] au Canada et à l’Association inuite du Qikiqtan de tourner la page après la présentation des excuses pour se tourner vers l’avenir et assurer le bien-être des Inuits en offrant du soutien à long terme pour des programmes sociaux et culturels essentiels ainsi que des initiatives pour l’innovation et le développement des capacités.
Les programmes mentionnés comprennent des programmes d’aide en santé mentale et en bien-être. Cependant, même si une avance de fonds initiale et un protocole d’entente sur l’aide financière ont été prévus, aucun financement supplémentaire n’a été versé.
Honorables sénateurs, je profite de cette occasion pour mettre en lumière la crise de santé mentale au Nunavut, un territoire où on observe malheureusement le plus fort taux de suicide du pays, soit 10 fois la moyenne nationale. Nous en savons beaucoup sur la maladie mentale, car au Nunavut, presque personne n’a pas été touché par le suicide.
Tant que les promesses dont j’ai parlé ne se concrétiseront pas, les Inuits du Nunavut n’auront pas accès aux mesures de soutien essentielles en santé mentale. J’exhorte le gouvernement à veiller à ce que les programmes de financement et les locaux soient en place dans les deux prochaines années. En même temps que ce processus, des consultations devraient être menées auprès des Nunavummiuts pour solliciter leurs conseils avant l’entrée en vigueur de cette portion de la loi.
Honorables sénateurs, en toute honnêteté, j’avais l’intention de présenter un amendement au message pour garantir le respect des obligations de consultation prévues dans la Loi concernant l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. On m’a toutefois dit que, à l’étape de l’étude du message, un tel amendement serait jugé inadmissible. Je ne peux donc qu’exprimer mes préoccupations au Sénat ainsi que celles d’habitants de tout le Nunavut.
Dans une lettre à mon intention, Embrace Life Council a affirmé ce qui suit :
Vous jouissez de la capacité et du privilège d’améliorer les choses. Nous vous exhortons à prendre les mesures nécessaires afin que les Inuits du Nunavut aient la possibilité de donner une opinion éclairée sur le troisième amendement au projet de loi C-7.
Je prends cette responsabilité très au sérieux, comme je sais que vous le faites aussi, chers collègues. J’espère que les responsables des discussions au cours des deux prochaines années iront chercher les conseils des Inuits du Nunavut et qu’ils les suivront en ce qui concerne la mise en œuvre du projet de loi dans ce territoire. Il sera aussi nécessaire, dans les années menant à la mise en œuvre, que les personnes responsables de la mise en place des mesures de soutien promises en santé mentale au Nunavut tiennent parole. Nous serons vigilants. Qujannamiik. Merci.
Je prends la parole à propos du message de la Chambre des communes sur le projet de loi C-7. Je veux remercier le représentant du gouvernement pour ses bons mots sur mon travail concernant les directives anticipées. Bien que je sois reconnaissante à la Chambre d’avoir accepté une partie des amendements qui ont été proposés et appuyés massivement par le Sénat, et bien que le fait que la modification d’Audrey deviendra une loi constitue sans conteste une avancée, tout cela n’est, à mon avis, qu’un tout petit pas en avant alors que nous avions besoin de faire un bond de géant.
Je suis attristée et profondément déçue que le gouvernement ait choisi de rejeter l’amendement visant à permettre les directives anticipées, car je considère qu’il s’agissait d’un amendement constructif qui était conforme à la portée du projet de loi.
Je persiste à croire que le consentement à une directive anticipée ne constitue pas un privilège, mais un droit, et il ne s’agit assurément pas d’un élément controversé de l’aide médicale à mourir, comme les sondages en attestent. Les Canadiens souhaitent pouvoir exercer ce droit et pouvoir faire ce choix.
La réponse du gouvernement ne représente en rien ce que nous pouvons faire de mieux en tant que législateurs. Si le gouvernement refuse de suivre les conseils du Sénat, de grâce, qu’il respecte au moins le souhait des électeurs.
Depuis que le Sénat a renvoyé à la Chambre des communes ses amendements au projet de loi C-7, un sondage Ipsos Canada sur l’aide médicale à mourir a confirmé ce que nous savions déjà : la vaste majorité des Canadiens — 87 % — est en faveur des demandes anticipées d’aide médicale à mourir. À mesure que les citoyens deviennent plus conscients et informés de certains des enjeux plus complexes entourant l’aide médicale à mourir, comme la maladie mentale et les mineurs matures, plus de 80 % d’entre eux continuent d’être en faveur des demandes anticipées, surtout pour les cas de démence et d’alzheimer. C’est ce que veut la population. Par conséquent, en rejetant cet amendement, le gouvernement a donné l’impression à beaucoup trop de personnes qu’il les rejetait.
Le gouvernement ne s’est toujours pas engagé concrètement à faire quelque chose de très précis en ce qui concerne les demandes anticipées, même s’il s’agit d’une simple reconnaissance de l’enjeu ou d’une promesse. Il se contente de dire que cet enjeu est important, mais bien trop complexe pour être traité dans le projet de loi C-7.
Maintenant, nous attendons. J’espère que le comité mixte sera créé dans un délai de 30 jours et qu’il sera prêt à mettre en œuvre des directives anticipées. J’espère aussi que nous n’observerons pas d’atermoiements comme cela a été le cas pendant tant d’années. Ces directives s’imposent maintenant.
Nous avons déjà attendu la réalisation d’examens, de consultations et d’analyses supplémentaires, et nous continuerons d’attendre, d’une législature à l’autre, d’une pandémie à l’autre. Pendant ce temps, des milliers de personnes mourront de façon évitable ou vivront trop longtemps dans la douleur parce que nous n’avons pas été capables de faire ce que la Cour suprême du Canada nous avait demandé de faire et que les Canadiens nous ont suppliés de faire. Nous savons que le droit constitutionnel est de notre côté, la Charte le dit.
Combien encore d’années d’angoisse, de peur et d’exclusion devront vivre ceux qui ont reçu ou qui attendent un diagnostic de démence? Que faudra-t-il faire pour satisfaire ceux qui veulent plus de temps pour étudier et examiner la situation? Pour Ron Posno, qui a 81 ans, et pour un nombre incalculable d’autres qui ont pris directement contact avec moi, le temps est tout simplement compté. Ron devra maintenant accepter l’idée qu’il n’aura pas le droit de finir sa vie dans la dignité, et il est bien conscient que, quand il mourra, à un moment donné dans l’avenir, il aura perdu depuis longtemps toute forme de contrôle sur sa vie ou toute sa lucidité.
Certains avancent que le système permettra maintenant un jour à ceux qui souffrent de démence ou d’alzheimer de se prévaloir de l’aide médicale à mourir, mais seulement à un moment où leurs fonctions cognitives auront fortement décliné, quand il sera trop tard pour eux pour partir avec leurs amis et leur famille à leurs côtés, après un vrai au revoir. Cela va à l’encontre du but recherché.
En raison de leur âge et de leur diagnostic, Ron et des milliers d’autres gens comme lui se voient toujours refuser les droits qu’on accorde pourtant aux personnes atteintes du cancer, de la sclérose latérale amyotrophique ou d’autres maladies qui privent les gens de leur dignité, de leur mobilité et de leur intellect et qui les obligent plutôt à vivre une vie remplie de douleur. On leur a refusé, à tout jamais, toute forme d’autonomie tant en ce qui concerne leur vie qu’en ce qui concerne leur mort.
La tragédie dans les établissements de soins de longue durée, celle qui perdure depuis avant la pandémie et qui s’est aggravée au cours de cette dernière, ainsi que le manque d’accès aux soins de santé en région rurale et le fait que l’on écarte maintenant la possibilité de présenter une demande anticipée nous prouvent de façon claire et alarmante que nous continuons de laisser tomber la plus glorieuse des générations, et ce, sur de nombreux plans. Les aînés sont allés à la guerre et ils ont survécu à la Grande Dépression, et on leur refuse maintenant le droit à la dignité pendant leurs dernières années de vie.
Il suffit de se rappeler les débats que nous avons entendus au Sénat et les histoires personnelles que nos collègues nous ont racontées pour constater à quel point la société semble attacher peu d’importance aux personnes âgées. Combien de temps encore allons-nous les laisser tomber? Permettrons-nous à cette inaction de se faire ressentir par la prochaine génération, notre génération, celle de nombreuses personnes dans cette enceinte?
Peut-être ceux qui refusent d’accorder le droit aux demandes anticipées n’ont tout simplement pas encore vécu de telle situation. Peut-être n’ont-ils jamais enfermé un être cher derrière des portes closes ou n’ont-ils jamais restreint un proche en attachant ses bras frêles aux barrières latérales de son lit. Peut-être n’ont-ils jamais nettoyé les dégâts répugnants ou n’ont-ils jamais vu le regard vide et terrifié d’un parent qu’ils tentent de nourrir de force en ouvrant tant bien que mal sa bouche parce que son corps a oublié comment effectuer ce mouvement pourtant fondamental. Tout cela à quelle fin? Ce parent n’a pas faim. Il ne les reconnaît pas et ne sait pas où il est. Il ne sait même pas qui il est. Taper du pied au rythme de la musique, ce n’est pas vivre.
Notre tâche et celle du gouvernement ne consistent pas uniquement à prendre des décisions faciles. Nous devons également prendre des décisions difficiles. La crainte de se mettre à dos des électeurs qui déterminent leur vote en fonction d’un seul dossier ne justifie pas d’aller à l’encontre de la volonté d’une majorité écrasante à l’égard des demandes anticipées.
Je comprends que ce dossier est compliqué, mais si nous esquivions toujours les décisions difficiles, nous n’aurions ni assurance-maladie, ni chemins de fer, ni ordinateurs, ni chirurgie cardiaque, ni vaccins en ce pays.
Il est temps de montrer la voie à suivre. Que diable, il est même temps d’emboîter le pas. Certes, il est grand temps d’agir. J’espère que nous le ferons. Merci, chers collègues.
J’aimerais faire de brefs commentaires au sujet de la motion concernant le message que nous avons reçu de l’autre endroit en ce qui a trait au projet de loi C-7, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir).
D’abord, je voudrais remercier ceux qui ont contribué à l’étude du projet de loi par le Sénat. Je pense à la contribution de nombreux sénateurs, notamment à celle du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, sous la présidence de la sénatrice Jaffer, et à celle de la sénatrice Petitclerc, la marraine du projet de loi, dont le dévouement et le leadership infatigable sont une inspiration pour nous tous.
En outre, je tiens à remercier tous les sénateurs qui ont pris part aux débats tenus auparavant ou qui ont proposé divers amendements, dont certains sont reflétés dans le message de réponse. Enfin, je veux remercier le sénateur Gold. Je comprends un peu ce qu’il vit en tant que représentant du gouvernement au Sénat. Il a fait un travail remarquable à titre de représentant du gouvernement au Sénat en ce qui a trait au projet de loi et au point de vue des sénateurs qui est reflété dans les amendements adoptés, amendements qu’il s’est assuré que le gouvernement étudie comme il se doit.
Le projet de loi C-7 s’est avéré extrêmement difficile pour nous tous, quelle que soit nos convictions. Je sais qu’en tant que parlementaires, nous sentons tous sur nos épaules le poids de notre responsabilité. Ce dossier touche aux questions fondamentales de la vie qui se posent à nous, les êtres humains, puisque nous sommes tous destinés à mourir.
Au cours de délibérations exhaustives, nous avons pu voir à l’œuvre la force de la raison et des arguments; nous avons également pu observer la force des sentiments et de notre expérience personnelle. En effet, nous avons été secoués par l’exercice de profonde introspection que requiert une telle mesure législative. En tant que législateurs, nous comprenons la situation dans laquelle nous nous trouvons maintenant, ayant reçu le message de l’autre endroit.
Chers collègues, j’estime que le Sénat a fait son travail. Nos délibérations et nos travaux ont suscité un débat public passionné et captivant.
À mon avis, les amendements que nous avons apportés ont amélioré le projet de loi dans une large mesure et entraîné une nouvelle réflexion et un nouveau débat à l’autre endroit et dans le grand public. Nos amendements ne sont ni le travail d’une institution illégitime, comme certains voudraient nous le faire croire, ni une approbation automatique. Le Sénat a pour tâche de provoquer, d’enquêter et de recommander des améliorations, ainsi que d’exhorter le gouvernement et la Chambre des communes à examiner les amendements et les réflexions qu’il propose.
Le rôle de la Chambre des communes et du gouvernement consiste à examiner sérieusement les recommandations, les amendements et les points de vue du Sénat.
J’estime que tout cela s’est fait de façon respectueuse dans le cadre d’un dialogue sincère. La Chambre des communes s’est efforcée de trouver un compromis concernant les amendements proposés par le Sénat. C’est la tâche qui lui incombe. Les députés représentent la population. Le gouvernement, quant à lui, sera tenu de rendre des comptes. Il doit en être ainsi parce que c’est à l’autre endroit qu’incombe l’obligation démocratique de rendre des comptes concernant les politiques publiques.
Certains, notamment le professeur Andrew Heard de l’Université Simon Fraser, soutiennent :
Si la tâche principale du Sénat consiste à effectuer un second examen objectif, ce rôle semble avoir été rempli dès que la Chambre des communes répond aux amendements proposés par le Sénat. [...] L’alternative revient à opposer inutilement la volonté des députés élus à celle des sénateurs nommés, le Sénat entravant alors le travail de la Chambre élue au lieu de le compléter.
Chers collègues, les débats du Sénat au sujet de l’aide médicale à mourir montrent la voie à suivre pour l’exercice du rôle du Sénat en tant qu’assemblée législative complémentaire chargée de porter un second regard objectif. Nous pouvons être fiers du fait que le projet de loi est généralement perçu comme ayant été amélioré grâce aux amendements qui ont été acceptés à l’autre endroit sans que l’intégrité fondamentale de cette mesure législative ait été modifiée.
Le gouvernement, la Chambre des communes et les Canadiens ont bénéficié du second regard objectif de notre assemblée. Nous avons établi un dialogue institutionnel constructif entre une Chambre élue et une Chambre nommée. À titre d’organe législatif destiné à mener un examen complémentaire des projets de loi gouvernementaux avant qu’ils ne deviennent des lois du pays et à servir de contrepoids à la majorité qui règne à l’autre endroit, le Sénat joue un rôle important dans notre système parlementaire bicaméral. Par contre, un système bicaméral solide et respectueux de la démocratie a ses limites, en particulier dans le contexte d’un gouvernement minoritaire à la Chambre des communes.
Le Sénat est un organisme consultatif et non un organisme qui doit rendre des comptes sur le plan politique. Notre tâche consiste à donner des avis et à proposer des amendements aux projets de loi, s’il y a lieu, afin de les améliorer, mais nous ne devons pas faire obstruction. La responsabilité politique appartient à l’autre Chambre. Je soumets respectueusement que c’est en approuvant le message de l’autre endroit, en non en insistant sur d’autres amendements, que nous aurons rempli notre rôle d’organisme complémentaire de second examen objectif.
Notre ancien collègue le sénateur Tkachuk a compris qu’au bout du compte, le droit de gouverner appartient à ceux qui sont élus pour le faire par les citoyens du pays. Il y a cinq ans, lors d’un discours passionné qu’il a prononcé sur le message reçu de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-14 — et, n’oubliez pas, il s’est opposé à cette mesure législative —, il a dit ceci :
Nous ne pouvons pas — et je ne le ferai pas — nous opposer à la volonté des députés élus. Nous avons fait notre travail et, même si cela me brise le cœur, je continuerai de faire mon devoir en votant en faveur de ce projet de loi, sous la forme où il nous a été renvoyé par les représentants du peuple.
Au bout du compte, chers collègues, le Sénat n’a pas pour rôle d’approuver automatiquement les projets de loi ou de rivaliser avec les représentants du peuple. C’est ainsi que l’ont prévu les Pères de la Confédération et, plus important encore, c’est ce que les Canadiens attendent de nous.
Je vous demanderais donc d’approuver le message que nous avons reçu et de valider la décision de l’autre endroit. Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-7 ainsi que du message que nous avons reçu de la Chambre des communes.
Sénateurs, en ces temps de pandémie, nous travaillons tous dans un contexte particulièrement difficile, et je pense notamment aux membres du personnel du Sénat, qui travaillent dans des conditions encore plus difficiles.
Le Comité des affaires juridiques a été mis sur pied le 18 novembre 2020, et le 19 novembre, j’ai reçu un appel du leader du Sénat, le sénateur Gold, m’informant que les leaders avaient convenu que le comité pourrait lancer une préétude concernant le projet de loi C-7 le 23 novembre, quelques jours plus tard. Le délai était très court.
Aujourd’hui, je tiens à souligner le soutien que Blair Armitage, greffier adjoint des Comités, et Shaila Anwar, greffière principale des Comités, ont apporté à notre comité. Ils ont réuni tout le personnel et toutes les ressources qu’ils pouvaient pour nous permettre de mener à bien notre travail, et je les en remercie.
Le greffier du comité, Mark Palmer, a fait un travail d’orfèvre en organisant en peu de temps l’audition de 81 témoins sur une période de cinq jours.
Par la suite, les 1 er, 2 et 3 février, nous avons reçu 66 témoins.
Je tiens à souligner le travail remarquable du greffier Mark Palmer, dont le dévouement et l’engagement ont été essentiels à la réalisation de nos travaux. J’aimerais également remercier les greffiers et le personnel administratif, cette équipe de membres dévoués qui ont travaillé en silence dans les coulisses pour faciliter notre travail. Nous n’aurions pu l’accomplir sans l’aide précieuse de Joëlle Nadeau, Evelyne Cote, Maritza Jean-Pierre, Lori Meldrum, Debbie Larocque, Brigitte Martineau et Elda Donnelly.
Je tiens également à remercier Heather Lank, bibliothécaire parlementaire, et son personnel qui nous ont apporté un soutien considérable.
Nous avions deux analystes extraordinaires, Julian Walker et Michaela Keenan-Pelletier, qui ont produit non pas un, mais deux rapports en plus de nous épauler dans l’étude du projet de loi C-7. Ils ont rédigé deux rapports reprenant tout ce que nous avons entendu au cours des séances et ils nous ont fourni une analyse de fond et des idées pour nous aider à faire avancer ce projet de loi critique et délicat.
De nombreuses autres personnes ont apporté leur aide, et je m’excuse sincèrement si j’ai oublié quelqu’un, et je leur exprime toute ma gratitude.
Honorables sénateurs, je tiens a remercier particulièrement les interprètes. L’étude du projet de loi a été très difficile pour nous. Toutefois, ce fut encore plus difficile pour les interprètes. De surcroît, comme vous le savez, honorables sénateurs, nous avons entendu de nombreux témoins qui éprouvaient des difficultés. Quand certains de ces témoins se sont présentés devant le comité, il y a eu des problèmes. Toutefois, les interprètes ont été extraordinaires, car ils refusaient de les laisser partir. Ils ont travaillé fort avec eux pour que les sénateurs puissent entendre toutes les personnes qui souhaitaient témoigner. J’ai vraiment appris une grande leçon : nos interprètes sont exceptionnels et ils traversent des moments très difficiles à cause de la COVID-19, mais ils continuent à travailler avec nous. Je les en remercie.
Je tiens aussi à remercier les membres du comité directeur du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, soit la sénatrice Batters et les sénateurs Campbell et Dalphond, qui ont travaillé sans relâche sur le projet de loi, qui ont assumé une charge de travail très lourde dans des circonstances difficiles en raison du confinement lié à la pandémie et qui devaient respecter un échéancier serré. Merci, honorables sénateurs.
Je remercie chaleureusement les membres du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles et tous les sénateurs d’avoir étudié avec diligence le projet de loi.
Je tiens aussi à remercier la marraine du projet de loi, la sénatrice Petitclerc, ainsi que son porte-parole, le sénateur Carignan.
Honorables sénateurs, je vous remercie de tout le soutien que vous avez apporté au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Je crois que les questions dont nous sommes saisis sont des questions difficiles et que nous nous sommes tous efforcés de servir les Canadiens le mieux possible, car nous comprenons l’objet du projet de loi. Il traite de la souffrance et de la mort.
Dans la lettre qu’elle nous a envoyée et que vous avez tous reçue, Janet Hopkins nous pose la question suivante : « Que sont des “souffrances acceptables“? »
Les mots de Jason LeBlanc me sont immédiatement venus à l’esprit. M. LeBlanc est le soignant de sa conjointe de fait, qui a demandé l’aide médicale à mourir. Lors des audiences, il a dit ceci :
Il s’agit d’une décision [...] qui n’est pas prise par votre médecin, votre soignant, votre famille ou votre gouvernement. Le concept de l’aide à mourir consiste à permettre aux Canadiens de mettre fin à des souffrances qu’ils jugent intolérables.
Honorables sénateurs, comme nous le savons tous, l’aide médicale à mourir est un sujet compliqué qui a des conséquences bien réelles sur la vie des Canadiens les plus vulnérables. Elle touche aux soins de santé, aux soins palliatifs, à la maladie mentale, au racisme systémique, à l’accès aux services sociaux et, surtout, au droit d’une personne de décider de sa vie et sa mort.
Comme Mme Hopkins nous l’a dit : « Ce n’est pas que nous voulons mourir, mais plutôt que la douleur a anéanti notre volonté de vivre. »
C’est en ayant à l’esprit cette douleur que notre comité à étudié le projet de loi C-7. Parmi nos témoins, nous avons entendu des Canadiens touchés par ce projet de loi, d’éminents professeurs d’université, des praticiens de la santé, des psychiatres, des experts juridiques et des représentants d’organismes non gouvernementaux. En février, comme je l’ai déjà mentionné, nous avons entendu 66 nouveaux témoignages et reçu des milliers de mémoires. Avec l’aide de nos analystes, le comité a produit deux rapports durant son étude.
Ainsi, sénateurs, nous avons réalisé qu’un aspect n’avait pas été pris en compte dans le projet de loi et que cela pourrait avoir des répercussions sur les Canadiens racialisés. Lors de son témoignage poignant, Sarah Jama a déclaré ce qui suit aux membres du comité : « Ces priorités sont déconnectées de la réalité du classisme, du racisme et du capacitisme dans notre pays. »
Mme Jama avait raison et nous l’avons constaté quand le gouvernement nous a soumis son analyse comparative entre les sexes plus. L’ACS+ aurait dû comprendre une analyse fondée sur la race, mais ce n’était malheureusement pas le cas. La raison est bien simple, comme l’a expliqué le ministre de la Justice, M. Lametti, il n’y avait pas suffisamment de données désagrégées.
Je dois admettre que je me suis demandé comment les législateurs et les parlementaires peuvent arriver à prendre des décisions éclairées et veiller à ce que des politiques adéquates soient mises en place s’ils ne disposent pas des données pertinentes. Comment pouvons-nous résoudre des problèmes et éviter qu’ils s’enveniment si nous n’avons pas l’information requise? J’ai donc proposé un amendement pour inclure la collecte de données fondées sur la race.
Honorables sénateurs, je tiens à remercier le ministre d’avoir appuyé mon amendement et de joindre sa voix à la nôtre pour demander une collecte et une analyse systématiques des données sur la race de toutes les personnes qui demandent et reçoivent l’aide médicale à mourir.
Bon nombre d’entre vous savent que j’hésitais grandement à élargir la portée de cet amendement. Nous en avons beaucoup discuté car je craignais que l’ajout d’un autre groupe entraîne le rejet de l’amendement. J’ai donc préféré m’en tenir à la collecte de données sur la race, sans savoir si le gouvernement accepterait cette idée. J’ai été absolument ravie que le gouvernement, et particulièrement le ministre Lametti, fasse un pas de plus, un pas important, et améliore l’amendement en y ajoutant la collecte de données sur l’identité autochtone et l’invalidité, et ce, pour toutes les personnes qui demandent et reçoivent l’aide médicale à mourir.
Je félicite le secrétaire parlementaire du ministre Lametti pour la déclaration qu’il a faite lorsqu’il a annoncé que le gouvernement allait élargir mon amendement pour inclure non seulement la race, mais aussi l’identité autochtone et l’invalidité. Il a dit ceci :
Évidemment, c’est une disposition particulièrement importante dans la mesure où nous proposons d’élargir l’admissibilité à l’aide médicale à mourir pour inclure les circonstances où la mort n’est pas raisonnablement prévisible, en réponse à la décision rendue dans l’affaire Truchon, ce qui crée un risque réel que des gens demandent l’aide médicale à mourir à cause de certains facteurs qui les rendent vulnérables plutôt qu’en raison de leur état de santé. Je sais gré au Sénat d’avoir proposé cette importante modification législative.
Cet amendement au projet de loi C-7 fait en sorte que des données sur la race, l’identité autochtone et l’invalidité sont recueillies auprès de toutes les personnes qui demandent et reçoivent l’aide médicale à mourir. Ainsi, il permet à tous les parlementaires de savoir exactement qui est touché par l’élargissement du régime d’aide médicale à mourir.
Honorables sénateurs, j’aimerais dire une chose. Lorsque j’ai proposé l’amendement, je ne croyais pas qu’il allait être adopté. L’appui extraordinaire que j’ai reçu de vous tous — tous autant que vous êtes — m’a vraiment honorée. Je sens que nous formons ensemble une entité qui veille réellement sur les plus vulnérables. Je vous salue et je vous remercie. Je vous suis très reconnaissante de votre appui. Merci beaucoup.
Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui au sujet du message de la Chambre des communes sur les amendements que le Sénat a apportés au projet de loi C-7. Mon allocution portera plus précisément sur mon désaccord quant à la réponse collective des députés que contient ce message aux amendements des sénateurs Dalphond, Kutcher et Wallin.
Tout d’abord, je commenterai le refus par la Chambre des communes de l’amendement de la sénatrice Wallin, qui autorise un patient à donner son consentement anticipé à l’aide médicale à mourir lorsque sa mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible.
Je déplore le fait que l’inaction du gouvernement face à la question du consentement anticipé pour les personnes souffrant d’alzheimer puisse entraîner de graves conséquences dans les mois et les années à venir. Je pense ici aux personnes qui, au moment de recevoir ce diagnostic, sont aptes à consentir, à recevoir ou à refuser des soins médicaux, mais dont la mort naturelle n’est pas raisonnement prévisible.
Évidemment, je ne prétends pas que toutes les personnes atteintes de cette maladie souhaiteraient recevoir l’aide médicale à mourir. Toutefois, certaines d’entre elles souhaiteraient recourir à cette option.
Étant donné l’absence d’un droit au consentement anticipé à l’aide médicale à mourir lorsque la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible, je crains que certaines personnes atteintes d’alzheimer puissent vouloir mettre fin à leurs jours avant que l’aggravation de leur maladie leur fasse perdre leur capacité à refuser de vivre dans l’indignité. Rappelons que cette terrible maladie, à un stade avancé, peut entraîner une perte complète d’autonomie et que la personne atteinte en vient généralement à ne plus reconnaître les personnes qu’elle aime.
Or, comme on le sait, le gouvernement fédéral n’a pas respecté l’obligation légale, énoncée dans le projet de loi C-14, d’entreprendre dès juin 2020 un examen parlementaire sur différents enjeux liés à l’aide médicale à mourir, plus particulièrement sur la question complexe des demandes anticipées à l’aide médicale à mourir. La position actuelle du gouvernement revient à dire que les demandes anticipées dans le cas de la démence soulèvent des enjeux complexes et qu’il lui faut plus de temps pour les étudier.
Croyez-vous vraiment que cette réponse allège les inquiétudes des personnes qui ont appris récemment qu’elles ont un diagnostic d’alzheimer et qui désireraient obtenir l’aide médicale à mourir lorsque cette maladie aura atteint un stade avancé?
Or, lors de l’étude du projet de loi C-14, il y a plus de quatre ans déjà, le gouvernement fédéral s’était engagé auprès des personnes malades à étudier les enjeux complexes liés aux demandes anticipées dans le cas de la démence. En effet, le 2 mai 2016, la ministre fédérale de la Santé de l’époque, l’honorable Jane Philpott, avait déclaré ce qui suit :
Je pense que sur la question de la démence, par exemple, l’un des véritables problèmes — et vous m’en avez entendu parler à plusieurs reprises —, c’est que les gens craignent la perte de dignité. Ils craignent d’en arriver à un point où ils seront un fardeau pour leur famille ou où ils ne pourront plus prendre soin d’eux-mêmes. Pour moi, en plus du fait que nous allons continuer d’étudier cette question et que nous nous y engageons fermement, nous devons mieux prendre soin des personnes atteintes de démence, par exemple.
Depuis cette déclaration de 2016, combien de personnes souffrant d’alzheimer ont perdu leur capacité à consentir et n’ont pas eu droit à l’aide médicale à mourir, car leur mort naturelle n’était pas raisonnablement prévisible? Le retard du gouvernement à agir et à tenir un examen parlementaire a touché ces personnes et leurs proches, de même que les personnes qui recevront en 2021 un diagnostic d’alzheimer. Cette inaction m’indigne et me bouleverse.
J’espère que le comité qui sera formé pour mener l’examen parlementaire tiendra compte des travaux qu’a menés le gouvernement du Québec sur la question du consentement anticipé. Je pense, par exemple, au rapport de 2019 du groupe d’experts mandaté par Québec qui portait sur l’aide médicale à mourir pour les personnes en situation d’inaptitude.
Avec ce rapport, avec le rapport du comité mixte de 2016 et avec l’imposant rapport du Conseil des académies canadiennes sur les demandes anticipées, de même qu’avec le rapport qui sera produit à partir de l’examen parlementaire des projets de loi C-14 et C-7, je ne vois rien qui empêcherait le gouvernement fédéral de nous présenter rapidement un nouveau projet de loi qui autoriserait les demandes anticipées d’aide médicale à mourir lorsque la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible.
Passons maintenant au refus de la Chambre des communes d’accepter l’amendement du sénateur Dalphond. Cet amendement précise qu’un trouble neurocognitif comme l’alzheimer et les autres maladies qui provoquent la démence ne sont pas considérés comme des maladies mentales au sens du projet de loi. Cet amendement aurait permis de préciser qu’une personne dont le seul problème de santé est un trouble neurocognitif ne peut être privée du droit à l’aide médicale à mourir.
Le point de départ de ma réflexion s’appuie sur un enseignement du professeur émérite Pierre-André Côté. Il explique, au paragraphe 1594 de son traité de 2009 sur l’interprétation des lois, qu’un amendement adopté collectivement par le Parlement est souvent un indice clair de l’intention législative. Je mentionne ce principe d’interprétation, car je crois que, si le Sénat accepte les amendements au projet de loi C-7 proposés par la Chambre des communes, les juges et les médecins concluront, dans leur interprétation de la loi sur l’aide médicale à mourir, que cette décision collective du Parlement de refuser de préciser qu’un trouble neurocognitif n’est pas une maladie mentale dans le Code criminel représente une indication confuse de l’intention du législateur.
Il est vrai qu’un document du ministère de la Justice, ainsi que certaines déclarations que des fonctionnaires du ministère ont faites devant le comité sénatorial, peuvent appuyer l’interprétation selon laquelle un trouble neurocognitif n’est pas une maladie mentale au sens de la loi. Le document en question s’intitule « Contexte législatif Projet de loi C-7 : Réponse législative du gouvernement du Canada à la décision Truchon de la Cour supérieure du Québec ».
Toutefois, je retiens des propos récents du ministre Lametti à l’autre endroit que ce type de document gouvernemental, qui offre des informations sur les projets de loi, ne constitue pas une opinion juridique. Je cite son témoignage du 1er février dernier à propos de l’énoncé concernant la Charte sur le projet de loi C-7, produit par le ministère de la Justice :
Les énoncés concernant la Charte ne sont pas des opinions juridiques. Ils visent plutôt à présenter au public et au Parlement des renseignements juridiques sur les effets possibles d’un projet de loi sur les droits garantis par la Charte, ainsi que les considérations qui appuient la compatibilité d’un projet de loi avec la Charte.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’une opinion juridique, je souligne que le document gouvernemental sur le contexte du projet de loi C-7 dit assez clairement que les troubles neurocognitifs sont exclus de l’expression « maladie mentale ».
Malgré cela, je suis d’avis que ce document gouvernemental n’est pas suffisant pour donner aux patients atteints d’un trouble neurocognitif l’assurance qu’ils pourront demander l’aide médicale à mourir s’ils satisfont aux autres conditions prévues dans la loi. Il sera également impossible de sécuriser l’état du droit pour les médecins qui sont appelés à administrer l’aide médicale à mourir aux patients atteints de troubles neurocognitifs.
Je suis préoccupé parce que le Parlement a entendu, au cours de l’étude du projet de loi C-7, des témoins et des sénateurs invoquer que l’expression « maladie mentale » n’est pas claire, notamment pour déterminer si les troubles neurocognitifs sont inclus ou non dans cette expression. Je cite le point de vue renseigné de mon collègue le sénateur Kutcher, qui a dit ce qui suit dans cette Chambre le 9 février dernier :
Les personnes atteintes de troubles neurocognitifs, tels que la démence, pourraient se voir refuser l’évaluation pour l’aide médicale à mourir. Selon les systèmes de diagnostic internationaux comme le Manuel diagnostic et statistique et la Classification internationale des maladies, il s’agit de troubles mentaux, et les personnes qui en sont atteintes sont fréquemment traitées par une équipe de professionnels de la santé dont le médecin principal est souvent un psychiatre.
Or, si le Sénat accepte d’adopter la proposition reçue de la Chambre des communes, la réponse collective du Parlement sera de refuser de préciser, dans le texte de loi, qu’un trouble neurocognitif n’est pas une maladie mentale.
Ainsi, on ne peut affirmer que le contenu du document gouvernemental qui propose une interprétation de l’expression « maladie mentale » en excluant les troubles neurocognitifs prévaudrait sur la décision délibérée du législateur de ne pas le préciser dans la loi.
Peut-on penser que des personnes atteintes d’un trouble neurocognitif se verront refuser l’aide médicale à mourir parce que leurs médecins craindront que le fait de la leur fournir constitue une infraction criminelle d’aide au suicide à cause du projet de loi C-7?
Cette situation me préoccupe grandement, et c’est la raison pour laquelle je suis en désaccord avec le refus des Communes d’adopter l’amendement du sénateur Dalphond.
J’aimerais soulever un dernier point, soit la réponse des Communes au sujet de l’amendement du Sénat sur l’exclusion au droit à l’aide médicale à mourir lorsque le seul problème de santé est une maladie mentale. J’ai appuyé cet amendement du sénateur Kutcher, qui proposait que cette exclusion s’applique seulement pour une période de 18 mois, mais les députés nous proposent maintenant d’augmenter cette période à 24 mois. Je suis en désaccord avec cette idée pour deux raisons.
Premièrement, dans son témoignage au comité sénatorial, le 3 février dernier, la présidente de l’Association des médecins psychiatres du Québec a indiqué qu’un délai de 12 mois était suffisant. La professeure Jocelyn Downie, du Health Law Institute de l’Université Dalhousie, était du même avis lorsqu’elle a comparu devant le comité le 24 novembre 2020.
Deuxièmement, le fait d’étendre la période d’exclusion à 24 mois est suffisamment long pour que des patients qui éprouvent des souffrances intolérables et inapaisables doivent, encore une fois, contester la constitutionnalité de cette exclusion. Aux étapes précédentes de l’étude du projet de loi, j’ai exposé les raisons pour lesquelles j’estime que cette exclusion, peu importe sa durée, viole les droits prévus dans la Charte canadienne. Je partage la préoccupation du sénateur Boisvenu, qu’il a exprimée dans le discours qu’il a prononcé le 16 décembre 2020, selon laquelle le Sénat se retrouvera, dans un avenir proche, dans la même situation que celle qui prévaut aujourd’hui, soit qu’il devra étudier un projet de loi sur l’aide médicale à mourir pour répondre à un jugement qui aura déclaré un article de cette loi inconstitutionnel. Cette triste histoire se répète et se répète, puisque j’ai exprimé la même préoccupation dans mon dernier discours sur le projet de loi C-14, que j’ai prononcé le 17 juin 2016.
Ce sont les patients gravement malades qui, encore une fois, porteront le lourd fardeau de contester un article de loi qui les prive de l’accès à l’aide médicale à mourir parce qu’il contrevient à la Charte.
Mon discours d’aujourd’hui a un autre point commun avec celui que j’ai prononcé lors de l’étude du projet de loi C-14. Comme en 2016, je conclus mes propos en exprimant la fierté que je ressens quant au travail accompli dans cette Chambre, au cours duquel les sénateurs ont défendu des positions différentes, y compris les sénateurs de mon caucus, et les ont débattues sereinement et avec respect.
Je salue également l’engagement et le respect dont ont fait preuve les témoins qui, au cours de l’étude du projet de loi C-7, ont exposé avec intelligence et sagesse leurs idées sur des questions aussi sensibles que l’aide médicale à mourir. Leurs points de vue ont enrichi les débats et notre réflexion collective sur ce sujet qui est important pour l’ensemble des Canadiens et, surtout, pour les personnes gravement malades ou handicapées.
Honorables sénateurs, je crois que nous devons exercer notre rôle constitutionnel, cesser de laisser les tribunaux déterminer les limites et les éléments de justification dans le cadre d’une société libre et démocratique, et faire ce que nous devons pour fixer le cadre juridique plutôt que de déléguer ce pouvoir aux tribunaux qui nous l’imposent.
Chers collègues, je vous remercie de votre attention et je vous invite à voter contre le message de la Chambre des communes.
Sénateur Carignan, voulez-vous répondre à une question?
Oui, avec plaisir.
Votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?
Oui, si possible.
Je regrette, sénateur, le consentement n’est pas accordé.
Honorables sénateurs, aujourd’hui, le sénateur Gold, le représentant du gouvernement au Sénat, nous demande d’accepter la réponse de l’autre endroit aux amendements que le Sénat a proposés au projet de loi C-7, et de conclure ce processus législatif afin d’élargir l’accès à l’aide médicale à mourir en retirant le critère de mort naturelle raisonnablement prévisible.
Alors que je prends la parole aujourd’hui, je suis fier du travail accompli par le Sénat. Comme vous le savez, le Sénat a procédé à un examen rigoureux du projet de loi et de tous les enjeux qu’il soulève. Ce faisant, nous avons consacré 8 journées entières en comité pour entendre des témoins, ainsi que 10 jours de séance au Sénat pour débattre des enjeux, pour proposer des amendements et pour les soumettre à un vote.
Les débats que nous avons tenus dans cette enceinte ont été bien structurés, et ils ont généralement reflété le caractère sérieux des questions à l’étude. Il n’est donc pas étonnant que les travaux du Sénat aient fait l’objet d’une couverture médiatique nationale et qu’ils aient retenu l’attention dans les médias sociaux. Nous avons également reçu des centaines de courriels et de mémoires de la part d’intervenants, d’organisations et de Canadiens.
Tout au long du processus, nous avons montré aux Canadiens que le Sénat se compose de personnes qui prennent le temps d’analyser les détails de projets de loi importants et qui, à la fin du processus, ont la liberté de proposer des amendements visant à améliorer ces projets de loi, tout en respectant leur portée et leur objectif.
Les amendements que nous avons proposés ont été envisagés sérieusement par le gouvernement et par la majorité des députés de l’autre endroit. Ces débats ont mené à une version révisée du projet de loi C-7, qui nous est maintenant soumise pour un dernier examen.
Il est malheureux que certains députés aient rejeté du revers de la main les amendements du Sénat parce qu’ils provenaient de ce qu’ils ont décrit comme une institution « illégitime ». Chers collègues, permettez-moi de parler brièvement de cette affirmation.
Comment devrions-nous définir la légitimité? Quelle en est la source? Peut-on remettre en question la légitimité d’un député qui est élu avec 25 % des votes dans une circonscription? Peut-on dire qu’un gouvernement composé de membres d’un parti qui a reçu moins de votes que l’opposition officielle est illégitime? Qu’en est-il d’un premier ministre choisi par un parti politique et non par une majorité de Canadiens?
J’oserais dire que, dans une démocratie constitutionnelle comme la nôtre, la légitimité repose sur le peuple et les documents constitutionnels qu’il a acceptés, que ce soit directement ou par l’entremise de ses représentants.
Au Canada, l’actuelle Constitution écrite ne nous a pas été imposée par un roi ou un gouvernement d’une contrée étrangère. Elle inclut une série de documents qui ont été négociés et rédigés par des représentants de notre pays en 1864 et plus tard, ce qui inclut la Charte des droits et libertés. Ces documents ne sont pas simplement des documents juridiquement contraignants. Ils constituent nos « normes de base » pour utiliser la terminologie du philosophe Hans Kelsen.
Le Sénat existe parce que les rédacteurs de la Loi constitutionnelle de 1867 et les personnes qui y ont apporté des modifications par la suite ont travaillé très fort pour créer une Chambre haute faisant partie intégrante du Parlement fédéral. Le Sénat est non seulement une Chambre du Parlement légalement valide, mais également une institution aussi légitime que les tribunaux, y compris la Cour suprême du Canada, ainsi que les gouvernements provinciaux et territoriaux et la Chambre des communes.
Bien sûr, chaque institution, que ce soit la Cour suprême, un ordre de gouvernement, une assemblée législative ou le Sénat, demeure seulement légitime tant qu’elle n’outrepasse pas ses pouvoirs et sa mission.
La légitimité du Sénat repose sur son rôle, qui est défini dans nos documents constitutionnels. Les rédacteurs de notre Constitution ont créé un Sénat, qui est composé de gens d’un certain âge vivant dans différentes régions du pays et nommés jusqu’à l’âge de 75 ans, pour apporter un point de vue sur le processus législatif différent de celui des députés, qui sont surtout élus comme membres de partis politiques.
Comme les rédacteurs l’ont dit dans leurs discours et comme l’indiquent nos documents constitutionnels, le Sénat, même si on l’appelle la Chambre haute du Parlement, ne possède pas davantage de pouvoir ou d’autorité que la Chambre des communes, et il ne le prétend pas non plus. Il est plutôt conçu pour jouer un rôle complémentaire et, en fin de compte, différent de celui de la Chambre des communes, qui est composée de députés élus. C’est de là que vient la célèbre description du Sénat comme étant la Chambre de second — et, je répète, second — examen objectif.
En ce qui concerne le projet de loi C-7, nous avons rempli ce rôle en proposant à la Chambre des communes cinq amendements essentiellement fondés sur la compassion, comme l’a déclaré le chef du Bloc québécois, M. Yves-François Blanchet, en les commentant devant la tribune de la presse parlementaire. Le gouvernement, en réponse à ces propositions, a choisi de proposer aux députés des amendements qui y donnent suite ou qui présentent des mécanismes pour y donner suite rapidement. Cette réponse du gouvernement a été examinée, débattue et acceptée par une majorité des députés de la Chambre des communes, soit des membres de plusieurs partis politiques. Par conséquent, nous avons devant nous aujourd’hui un meilleur projet de loi.
Nous avons également reçu l’engagement du gouvernement et de la majorité des députés à travailler en étroite collaboration avec nous pour mettre en place, sous peu, un comité mixte spécial chargé d’examiner l’expérience vécue à ce jour avec l’aide médicale à mourir, de faire des propositions concernant les directives anticipées et l’accès à l’aide médicale à mourir par les mineurs matures, et d’examiner le rapport d’un groupe d’experts à qui l’on a confié le mandat de proposer des protocoles et des mesures de protection liés à l’accès à l’aide médicale à mourir lorsque les souffrances persistantes et intolérables d’un patient résultent uniquement d’un trouble mental.
Le délai de 24 mois est raisonnable, étant donné que, si des amendements sont requis afin d’encadrer l’accès à l’aide médicale à mourir à la suite des rapports présentés par les experts et le comité spécial, il sera possible de les apporter malgré la tenue d’une élection entretemps.
Nous devons maintenant décider si, conformément à l’article 16-3(2) du Règlement, nous voulons insister sur nos amendements tels qu’ils sont proposés ou nous déclarer satisfaits du projet de loi révisé qui nous a été renvoyé pour que nous y donnions suite. À mon avis, comme je l’ai dit en juin 2018, lorsque nous avons débattu de la loi portant sur le cannabis, une réponse de la Chambre des communes à des amendements proposés par le Sénat exige de la déférence puisque, finalement, ce sont les membres élus qui doivent rendre des comptes au public sur ce projet de loi.
Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler du message de l’autre endroit sur le projet de loi C-7. J’aimerais d’abord souligner le travail très important accompli dans cette enceinte dans la foulée du travail fait par le gouvernement et l’autre endroit et pour améliorer le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui. Je suis très heureuse que le gouvernement ait choisi d’accepter une grande partie de notre travail.
Je trouve encourageant le fait que le gouvernement ait accepté d’inclure les personnes souffrant de maladies mentales dans le cadre de l’aide médicale à mourir. La disposition de caducité plus longue est tout à fait acceptable. Comme l’ont dit le sénateur Kutcher et d’autres, elle donnera aux experts le temps dont ils ont besoin pour décider des mesures de sauvegarde appropriées pour intégrer les personnes atteintes de maladies mentales dans le processus d’aide médicale à mourir.
Je suis déçue que l’amendement de la sénatrice Wallin concernant les demandes anticipées n’ait pas été appuyé par le gouvernement. Cependant, je vois l’intérêt qu’il y a à étudier davantage une planification préalable afin de garantir la mise en place de mesures de sauvegarde. Nous savons que l’élargissement de l’aide médicale à mourir pour inclure les demandes anticipées a l’appui des Canadiens, comme l’a si bien dit la sénatrice Wallin ce soir, et j’espère sincèrement que nous trouverons un moyen d’aller de l’avant là-dessus.
Le comité parlementaire mixte proposé offre le mécanisme approprié pour examiner la question de l’aide médicale à mourir et d’autres enjeux. Grâce à l’amendement prévoyant la création de ce comité, initialement proposé par le sénateur Tannas, la voix des Canadiens sera entendue et ces importantes questions de vie et de mort feront l’objet d’un examen minutieux.
Comme je l’ai dit lors de mon intervention à l’étape de la troisième lecture, le projet de loi C-7 est un point d’un arc de cercle. C’est une mesure en évolution, et le nouveau comité cherchera comment l’améliorer dans l’avenir.
Honorables sénateurs, j’appuie le message que nous avons reçu de l’autre endroit, et je voterai pour son adoption. Cependant, je souhaite prendre quelques minutes pour aborder un aspect de ce message portant sur l’amendement de la sénatrice Jaffer exigeant la collecte de données axées sur la race dans le cadre du régime d’aide médicale à mourir et l’élargissement subséquent par le gouvernement de l’exigence dont nous sommes saisis aujourd’hui.
Dans sa réponse, le gouvernement appuie non seulement l’esprit et la lettre de l’amendement progressiste de la sénatrice Jaffer mais il élargit également l’amendement dans des domaines clés. Le gouvernement a modifié le libellé de l’amendement pour rétablir la disposition voulant que la collecte de données autorisée dans le projet de loi serve à surveiller l’application de l’aide médicale à mourir.
Le deuxième aspect que je souhaite aborder, c’est l’élargissement par le gouvernement de la portée de l’amendement afin de recueillir des données sur l’identité autochtone, en plus de la race, des personnes qui demandent ou reçoivent l’aide médicale à mourir. Il s’agit d’un ajout nécessaire et positif, puisque la race et le statut autochtone sont des indicateurs démographiques recueillis séparément.
Le troisième point porte sur l’ajout par le gouvernement d’information concernant tout handicap, selon la définition donnée à l’article 2 de la Loi canadienne sur l’accessibilité, aux données recueillies sur les personnes qui demandent ou reçoivent l’aide médicale à mourir.
Comme nous le savons, chers collègues, les personnes handicapées sont extrêmement inquiètes de la mesure législative sur l’aide médicale à mourir et de ses éventuelles répercussions négatives. En élargissant la collecte des données, nous nous assurerons de disposer de toute l’information dont nous avons besoin pour comprendre en permanence l’incidence de l’aide médicale à mourir sur les personnes handicapées.
Enfin, le gouvernement, tout en conservant l’esprit des amendements de la sénatrice Jaffer, a étendu la disposition explicative.
Honorables sénateurs, l’élargissement de la collecte de données vient à point nommé. En effet, cela aidera à répondre à certaines questions cruciales soulevées dans cette chambre et ailleurs à propos de l’aide médicale à mourir. Toutefois, je souhaite vous faire part de mes préoccupations quant aux éléments absents des amendements dont nous sommes saisis. En somme, trois types de données ne sont pas mesurées : l’âge, le genre et le statut socioéconomique.
Nous devons analyser les inégalités entre les sexes et entre les tranches d’âge dans le contexte de l’aide médicale à mourir. Nous avons également besoin de ces données pour étudier l’intersectionnalité. Songeons aux importantes discussions que nous avons eues au sujet des populations vulnérables et de la façon dont cet élargissement de l’aide médicale à mourir pourrait les affecter de manière disproportionnée.
La seule façon de saisir pleinement les conséquences pour les populations vulnérables consiste à déterminer la situation socioéconomique des personnes qui demandent l’aide médicale à mourir ou qui l’obtiennent. Nous devons cette analyse aux nombreuses personnes qui ont exprimé de sérieuses réserves au sujet des conséquences de l’aide médicale à mourir. Nous leur devons de veiller à effectuer cette analyse.
Je reviens à ces quatre mots : âge, sexe et situation socioéconomique. Pourquoi n’ont-ils pas été inclus dans cette mesure législative? Je sais exactement où on pourrait les ajouter. Je pourrais le faire dès maintenant. Il aurait été si facile d’ajouter ces quatre mots dans le projet de loi. Sans garantie que l’on prendra les mesures appropriées, nous ne pouvons savoir si on mènera un jour les enquêtes nécessaires.
Chers collègues, j’ai posé des questions au ministre Lametti à ce sujet. Dans une réponse écrite, il m’a indiqué d’en discuter avec la ministre Hajdu. J’ai hâte qu’elle me réponde. Je vais poursuivre mes efforts après l’adoption du projet de loi et lorsque le comité mixte entreprendra ses travaux.
En conclusion, je vais appuyer cette réponse. Telle qu’elle est amendée, la mesure législative est vraiment notre meilleure façon d’aller de l’avant avec un régime d’aide médicale à mourir qui, à mon avis, jouit de l’appui des Canadiens.
Merci. Meegwetch.