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Le Code criminel—Le Code canadien du travail

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture

17 décembre 2021


L’honorable Hassan Yussuff [ - ]

Propose que le projet de loi C-3, Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je suis honoré de prononcer aujourd’hui mon premier discours au Sénat, lequel portera sur le projet de loi C-3, Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail. Je doute qu’il puisse y avoir meilleur projet de loi que celui-ci pour marquer ce jalon personnel. Beaucoup de gens m’ont demandé pourquoi j’ai choisi de devenir sénateur et ce qui me guidera dans mon rôle. Je leur réponds simplement : « Ce qui est bon pour le pays l’est aussi pour moi. » J’estime que le projet de loi à l’étude aujourd’hui est bon pour le pays et j’aimerais expliquer pourquoi il mérite notre appui.

Le projet de loi se fonde sur les leçons apprises au cours de la pandémie et vise à améliorer le sort des Canadiens en offrant une protection supérieure aux travailleurs malades et en facilitant l’accès au système de santé. La pandémie nous a appris que c’est le strict minimum pour assurer notre bien-être économique, social et mental. Le projet de loi reconnaît le droit fondamental des travailleurs de s’absenter du travail pour des raisons de santé et de bien-être en toute liberté, sans que cela compromette leur sécurité d’emploi ou leur sécurité financière.

Il reconnaît également le droit fondamental des travailleurs du secteur de la santé de pouvoir se rendre au travail sans entrave et sans intimidation, tout en protégeant le droit constitutionnel de grève, la liberté de réunion pacifique et la liberté d’expression.

La pandémie a mis en lumière de nombreuses failles et lacunes dans notre société. Elle a montré le meilleur et le pire de la population canadienne ainsi que des programmes et des mesures de protection sur lesquels celle-ci compte pour assurer son bien-être économique, social et physique.

Je veux parler des lacunes mises en évidence, ainsi que des raisons pour lesquelles le projet de loi C-3 s’impose. La pandémie a permis aux travailleurs de prendre conscience de la faiblesse des protections d’emploi offertes à eux et à leurs employeurs en cas de maladie. Cela les force à choisir entre leur bien-être financier et leur bien-être physique.

Pour mettre les choses en perspective, pensons à un travailleur sous compétence fédérale touchant le salaire minimum qui doit s’absenter pour maladie et qui perd une journée, deux journées ou trois journées de salaire uniquement parce que son employeur n’accorde pas de congés de maladie payés. Ce travailleur aurait du mal à payer son loyer, à faire l’épicerie et à s’occuper de sa famille.

Honorables sénateurs, nous savons qu’une telle situation est inacceptable au Canada. Le projet de loi C-3 cherche à y remédier. Je sais que nous avons beaucoup de travail à faire à l’échelle provinciale et territoriale, mais ce projet de loi répond aux préoccupations fondamentales des personnes ayant répondu à l’appel quand la pandémie a frappé notre pays. Ces gens ne se sont pas cachés. Ils sont allés travailler pour offrir les services dont la population a besoin, même s’ils savaient qu’ils risquaient de tomber malades, même s’ils savaient qu’ils risquaient de devoir s’absenter du travail et de ne pas être payés. Ils ont rempli leur devoir. Ce projet de loi arrive à point pour répondre aux préoccupations de ces travailleurs.

De plus, en déposant ce projet de loi, le gouvernement fédéral envoie un signal fort aux gouvernements des provinces et des territoires, soit qu’il faut en faire plus pour protéger les travailleurs au pays. J’espère que vous tracerez la voie.

La fédération canadienne est unique en son genre. Les différents gouvernements ont différentes compétences en ce qui concerne le Code du travail et il faut respecter cet état de fait, mais, en même temps, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de leader et je crois que c’est ce qu’il fait au moyen du projet de loi C-3.

Présentement, le fédéral offre trois jours de congé de maladie payé qui peuvent être utilisés en cas de maladie ou de blessure. Les habitants de seulement deux provinces disposent de congés de maladie payés garantis. À l’Île-du-Prince-Édouard, un travailleur obtient un jour de congé de maladie payé après cinq années continues avec le même employeur — une journée après cinq années de service. Au Québec, le travailleur obtient deux journées de congé de maladie payé après un an — deux jours. Récemment, soit depuis le 1er janvier 2021, la Colombie-Britannique garantit cinq jours de congé de maladie payé. Ces données l’indiquent, il reste beaucoup à faire au pays et le projet de loi à l’étude ne règle qu’une partie du problème.

En 2019, les travailleurs canadiens ont pris en moyenne 8,5 jours de congé de maladie et d’invalidité. Il est clair que le droit aux congés prévu par le Code canadien du travail est insuffisant dans sa forme actuelle.

La question plus générale de l’adoption du projet de loi C-3 établira un processus par lequel le gouvernement fédéral consultera les provinces et les territoires sur les améliorations possibles. Je pense qu’il s’agit du rôle légitime d’un gouvernement fédéral, c’est-à-dire faire preuve de leadership tout en travaillant avec les provinces et les territoires de manière à améliorer les choses.

Honorables sénateurs, vous savez comme moi que nous ne sommes pas encore sortis de la pandémie. Nous avons peut-être encore beaucoup de chemin à faire. Alors que nous sommes sur le point d’ajourner, nous sommes confrontés à un nouveau variant. Nous ne savons pas quelles seront les conséquences pour l’économie et les travailleurs, mais nous savons une chose : les efforts déployés dans le cadre du projet de loi donneront certainement aux travailleurs plus de certitude. S’ils tombent malades ou doivent prendre congé et qu’ils relèvent de la compétence fédérale, ils bénéficieront de ce projet de loi. Ils attendent avec impatience son adoption.

Il a certes toujours été difficile pour les travailleurs de réaliser des progrès dans la promotion de leurs intérêts, individuels ou collectifs. Nul besoin de préciser qu’ils sont des millions d’un bout à l’autre du pays à travailler dans des conditions précaires, chaque jour. Ces travailleurs ne se plaignent pas, mais ils espèrent que leurs représentants à la Chambre des communes et au Sénat comprennent mieux les défis et les difficultés liés à leur situation. Je crois que ce projet de loi offre une solution pour s’attaquer au noyau du problème.

J’aimerais remercier mes honorables collègues pour leurs efforts dans le but d’améliorer ce projet de loi. Si l’on compare la version actuelle du projet de loi à la version initiale au moment où il avait été présenté, on peut affirmer sans aucun doute que toutes les personnes présentes dans cette enceinte ont collaboré pour y apporter des améliorations. Ces efforts ont été reconnus par l’autre endroit, car le projet de loi a été ajusté et amélioré. Je tiens à remercier mes collègues qui ont apporté leur contribution, offert de précieux conseils et de l’aide, en plus de faire preuve de leadership pour m’appuyer, bien entendu, dans l’accomplissement de ce travail. Encore une fois, cela démontre que le Sénat joue un rôle essentiel pour améliorer les mesures législatives du gouvernement, ce qui fait partie de nos responsabilités dans cette enceinte.

Le projet de loi offrira aux travailleurs qui relèvent du fédéral quelque chose qu’aucun autre travailleur du pays n’a à l’heure actuelle, c’est-à-dire 10 jours de congé de maladie payé. Vous croisez plusieurs de ces travailleurs dans vos déplacements. Lorsque vous irez à l’aéroport, que ce soit aujourd’hui, demain ou pendant le temps des Fêtes, prenez le temps de songer au fait que bon nombre des employés qui s’y trouvent travaillent au salaire minimum et n’ont aucun jour de congé de maladie payé. Cette mesure législative fera une différence dans leur vie.

Songez à tous les camions, les autoroutes et les routes qui sont de compétence fédérale et qui permettent d’acheminer biens et services en cette période à la fois importante et difficile. Bon nombre de ces camionneurs travaillent de longues heures, mais ne bénéficient pas de la protection de jours de congé de maladie payé. Cette mesure législative changera cette réalité.

Plus important encore, elle enverra aussi le message suivant aux travailleurs de ce pays qui ont consenti tellement de sacrifices pendant les pires moments de la pandémie : ils peuvent compter sur nous.

Les congés de maladie payés aideront les employés qui souffrent d’une maladie temporaire de trois façons. Primo, ces congés protégeront les revenus des travailleurs pour qu’ils n’aient pas à se demander s’ils pourront payer leur épicerie ou leur loyer à la fin du mois. Secundo, ils protégeront l’emploi des travailleurs en leur permettant de préserver la relation qu’ils ont avec leur employeur alors qu’ils sont en congé de maladie. Tertio, ils protégeront la santé des travailleurs en leur permettant de se rétablir plus rapidement à la maison au lieu de continuer à travailler alors qu’ils sont malades. Les congés de maladie payés favorisent aussi un milieu de travail plus sain en encourageant les travailleurs malades à ne pas se rendre au travail, ce qui réduit les risques de propagation des maladies transmissibles.

Passons maintenant à la façon d’acquérir des jours de congé de maladie payé. Les employés acquerront un jour de congé payé pour raisons médicales après 30 jours de travail sans interruption pour le même employeur, jusqu’à concurrence de 10 jours par année. L’acquisition de jours de congé de maladie commencera dès la première journée de travail. Après les 30 premiers jours, les employés recevront trois jours de congé de maladie payé pour mieux les protéger au début de leur emploi. Les jours de congé de maladie payé non pris dans l’année civile seront reportés à l’année civile suivante et seront soustraits des 10 jours pouvant être acquis dans cette année. Par exemple, un employé à qui il reste six jours de congé de maladie payé pourra en acquérir un maximum de quatre au cours de l’année civile suivante. Le gouvernement a amendé le projet de loi pour fournir trois jours de congé après les 30 premiers jours de travail pour tenir compte de l’avis de l’opposition de l’autre endroit, évidemment, ainsi que de l’avis de nombreuses personnes qui ont témoigné devant le Comité des affaires sociales et des sénateurs qui ont soutenu que nous devions faire mieux relativement à cette partie du projet de loi.

L’objectif est d’augmenter le nombre de congés de maladie dans l’ensemble des provinces et des territoires. Les modifications au Code canadien du travail indiqueront clairement que les travailleurs du pays ont besoin d’un meilleur filet de sécurité. Évidemment, j’espère que nos homologues de toutes les provinces discuteront avec le gouvernement fédéral en vue de déterminer comment améliorer les choses. Cette mesure ne s’applique qu’à environ 1 million de travailleurs assujettis à la réglementation fédérale, mais le gouvernement s’est engagé à assumer un rôle de chef de file en travaillant avec les provinces et les territoires pour que tous les travailleurs du pays aient accès à des congés de maladie.

Le projet de loi C-3 porte aussi sur des aspects liés à la protection des travailleurs de la santé. Ces travailleurs doivent composer depuis longtemps avec des conditions de travail difficiles, y compris de la violence et des menaces de violence en milieu de travail. Cette situation s’est aggravée dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Le gouvernement du Canada a décidé d’agir en proposant des modifications au Code criminel afin de renforcer les mesures de protection en vigueur pour les travailleurs de la santé, et en veillant à ce que tout le monde puisse accéder en toute sécurité à des services de santé dans l’ensemble de notre grand pays. Pour protéger les travailleurs de la santé et les personnes qui veulent obtenir des soins, ces modifications créeront des infractions visant plus particulièrement le fait d’intimider et le fait d’empêcher l’accès à des services de santé.

Pour bien des travailleurs de la santé, ces modifications au Code criminel répondent à des inquiétudes de longue date sur la possibilité de travailler dans un milieu exempt de violence et de menaces. Selon les résultats préliminaires du Sondage national sur la santé des médecins de 2021, que m’a fait parvenir l’Association médicale canadienne, plus de 75 % des médecins ont déjà subi de l’intimidation et du harcèlement au travail, et le problème touche encore plus les femmes, avec un pourcentage de 80 %. Plus de 33 % des répondants ont vécu ce genre d’expérience au moins quelques fois par mois.

Honorables sénateurs, nous avons la chance de travailler dans un milieu où nous n’avons pas à faire face à du harcèlement et de la violence. Nous n’avons pas à offrir des services dans un environnement où nous nous sentons menacés. Nous n’allons pas au travail, jour après jour, en sachant que nous subirons le même genre de harcèlement que la veille, parce que le Sénat reconnaît que de tels comportements sont inacceptables. Pourquoi les travailleurs de la santé ne pourraient-ils pas, eux aussi, profiter d’un climat de travail sans harcèlement, comme nous? Je crois que le projet de loi s’attaque au nœud du problème et transmet un message clair.

En 2019, le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes a publié un rapport intitulé Violence subie par les travailleurs de la santé au Canada, selon lequel les travailleurs de la santé ont quatre fois plus de risque de subir de la violence au travail que les travailleurs des autres professions, bien que la plupart des cas de violence ne soient pas signalés. La plupart des Canadiens ne sont pas conscients de ces statistiques parce que lorsque nous nous présentons à l’hôpital, nous recevons les soins dont nous avons besoin. En effet, les professionnels de la santé ne se soustraient pas à leurs responsabilités malgré leur contexte de travail difficile. Ils sont présents, ils font leur travail et ils voient à ce que les Canadiens reçoivent les soins de santé dont ils ont besoin. Ils le font parce qu’ils savent qu’ils peuvent faire une différence dans la vie des personnes qui se présentent pour obtenir les services auxquels elles ont droit.

Tout le monde a le droit de faire son travail en toute sécurité, y compris les personnes qui prodiguent des soins médicaux. Il s’agit d’une évidence. Les travailleurs de la santé et le personnel de soutien doivent pouvoir faire leur travail sans crainte d’être blessés ou intimidés, et les Canadiens qui ont besoin de soins ou qui veulent rendre visite à un proche malade doivent avoir accès aux établissements de santé sans mettre leur sécurité en péril.

Le gouvernement du Canada envoie un message clair: intimider les travailleurs de la santé et les citoyens qui ont besoin de soins est inacceptable, tout comme les empêcher d’entrer dans les établissements de santé. La disposition que cette modification ajoutera au Code criminel obligera les tribunaux à envisager des sanctions plus sévères contre les personnes qui s’en prennent aux travailleurs de la santé dans l’exercice de leurs fonctions ou qui empêchent autrui d’obtenir des soins. Toute personne qui instille la peur chez les travailleurs de la santé ou les personnes qui veulent obtenir des soins ou qui les empêchent soit d’offrir ces soins, soit d’y avoir accès, pourrait être inculpée d’une nouvelle infraction d’intimidation qui la rendrait passible à une peine d’emprisonnement maximale de 10 ans si elle est poursuivie par voie de mise en accusation.

Rien dans tout cela ne rend les piquets de grève à l’extérieur des hôpitaux illégaux. Le gouvernement fédéral respectera toujours la Charte canadienne des droits et libertés, y compris le droit à la libre expression et aux rassemblements pacifiques. Les changements qui seront apportés à la loi ne limitent aucunement le droit qu’ont les travailleurs d’exercer des moyens de pression et de se regrouper ou celui qu’ont les Canadiens d’exprimer leur mécontentement et leurs inquiétudes de manière pacifique, sans mettre la sécurité de qui que ce soit en danger. Il s’agit d’un aspect fondamental de la Constitution, et je crois que nous serons tous d’accord pour dire qu’il s’agit aussi d’un aspect inaliénable. C’est de l’identité même du Canada qu’il s’agit. Honorables sénateurs, je crois que ce projet de loi ne répond peut-être pas aux attentes de tout le monde, mais il s’agit néanmoins d’une grande avancée.

L’autre endroit a adopté un amendement au projet de loi. Honorables sénateurs, la perte d’un membre de sa famille cause une douleur incommensurable. Perdre un enfant est dévastateur. Ces pertes ont parfois de profondes répercussions sur le bien-être mental d’une personne ainsi que sur son travail. Selon un rapport du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, 2 720 enfants de moins de 18 ans sont décédés et 3 063 bébés sont mort-nés en 2016. Un amendement a été apporté au projet de loi C-3 pour offrir huit semaines de congé aux parents qui doivent faire face à une telle tragédie indescriptible. Il s’agit d’un amendement bienveillant qui soutiendra les parents au moment où ils en ont le plus besoin. Nul d’entre nous ne peut dire que ce n’est la bonne chose à faire.

En conclusion, le projet de loi vise à bâtir un Canada meilleur à partir des leçons tirées de la pandémie. Je sais qu’il reste encore beaucoup à faire, mais, surtout, chers collègues, ce que le projet de loi C-3 propose dans ces deux articles fera avancer le pays de manière considérable. Beaucoup trop de personnes au pays travaillent dans des conditions précaires. Elles ont besoin de savoir que nous sommes à l’écoute et que nous les entendons lorsqu’elles réclament un changement pour de meilleures conditions de travail. Il est crucial que nous comprenions l’impact profond du projet de loi pour les travailleurs. J’ai eu l’honneur de représenter plus de 3 millions d’entre eux pendant 22 ans. Je n’aurais jamais pensé me retrouver dans cette enceinte à poursuivre cet effort avec des collègues.

Le projet de loi C-3 prévoit des protections pour que près de 1 million de travailleurs aient droit à des jours de congé de maladie payé — ce qu’aucun autre gouvernement au pays n’a fait. Il nous fait atteindre la norme mondiale de l’Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE. Il est regrettable qu’il ait fallu une pandémie pour que nous prêtions attention à la question, mais, comme on dit, il n’est jamais trop tard. Le projet de loi contribuera également à protéger la santé physique et mentale des travailleurs de la santé, qui travaillent dur pour sauver la vie de Canadiens frappés par la COVID et administrer des vaccins qui protègent des millions de Canadiens de la maladie.

Bien entendu, je veux souligner le travail des sénateurs et des témoins qui se sont présentés devant le comité sénatorial pour exposer leurs arguments en faveur de ce projet de loi. L’Association médicale canadienne ne tarit pas d’éloges face à l’adoption de cette mesure législative. La Service Employees International Union, qui est le principal syndicat du milieu de la santé au pays, m’a supplié de l’adopter. Certains membres de ce syndicat sont morts à cause de leur travail durant la pandémie parce qu’ils n’avaient pas accès à de l’équipement de protection individuelle ni à des congés de maladie. Quand la pandémie a frappé, ils ne pouvaient pas fournir de soins de santé en restant chez eux. Il fallait qu’ils se présentent au travail.

Le SCFP représente des travailleurs de la santé dans de nombreuses régions du pays ainsi que du personnel d’entretien exposé à des actes de violence, mais qui doivent quand même aller travailler tous les jours pour s’acquitter de leurs responsabilités. Les travailleurs de la santé affiliés à Unifor, la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers, le Syndicat national des employées et employés généraux du secteur public et le Congrès du travail du Canada nous ont exhortés à adopter ce projet de loi afin d’envoyer un message clair à ces travailleurs, qui devront à nouveau enfiler leur équipement de protection pour veiller à faire le nécessaire maintenant que le nouveau variant a atteint notre pays, comme ils l’ont fait auparavant.

Honorables sénateurs, je vous remercie de m’avoir écouté. Par‑dessus tout, je vous remercie de votre dévouement et de votre amitié.

Son Honneur le Président [ - ]

Sénateur Yussuff, je vois que quelques sénateurs ont levé la main, sans doute pour vous poser une question. Accepteriez-vous de répondre à quelques questions?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Oui.

L’honorable Scott Tannas [ - ]

Merci, sénateur Yussuff, de votre discours très inspirant.

J’ai examiné l’étude préalable menée par notre Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. On y fait état du manque de clarté entourant le « cumul » de droits. Des prestations de maladie sont offertes à la plupart des employés des secteurs assujettis à la réglementation fédérale. C’est essentiellement grâce à votre bon travail et à celui du mouvement syndical, de même qu’aux bonnes relations de travail qui existent au sein des très nombreuses organisations sous réglementation fédérale — je pense aux banques et à d’autres grandes institutions sous surveillance fédérale.

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a demandé si les prestations prévues dans la mesure législative sont censées s’ajouter aux prestations déjà touchées par les employés ou si elles sont censées être le minimum dont tous les employés devraient bénéficier. Ce n’était pas très clair. Pouvez-vous apporter des éclaircissements à ce sujet? On avait recommandé d’en apporter dans le projet de loi, mais je ne crois pas que cela a été fait. Pourriez-vous nous éclairer? Des précisions ont peut-être été fournies, et je ne les ai pas vues. Nous avançons rapidement. Pouvez-vous, s’il vous plait, nous donner quelques éclaircissements sur la question?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Je vous remercie, sénateur Tannas, de votre question.

Vous avez raison : cette question a été soulevée par les témoins qui ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, notamment par mes anciens collègues et amis de l’Association des Employeurs des transports et communications de régie fédérale.

Je crois que le ministre, dans une lettre qu’il a envoyée, a expliqué que la question sera réglée dans les règlements. Plus important encore, les 10 jours de congé sont prévus pour les travailleurs des secteurs sous réglementation fédérale, et je crois qu’il est important que le gouvernement clarifie ce point dans les règlements. Je pense que ces sujets sont inclus dans la lettre.

L’honorable Diane Bellemare [ - ]

Merci beaucoup, sénateur Yussuff, pour votre présentation. Cela a été très instructif.

Je suis d’accord avec ce projet de loi, évidemment. C’est une question de travail décent, de normes minimales et de santé publique, en cette période où les gens qui n’ont pas de protection ont de la difficulté à rester chez eux lorsqu’ils sont atteints d’une maladie transmissible, parce qu’ils ne le savent pas toujours. Je pense que c’est un élément fort important de ce projet de loi.

Ma question tourne un peu autour de la capacité ou de la volonté des entreprises dans ce domaine.

D’une part, je sais qu’on couvre ici les entreprises de compétence fédérale. Ce sont généralement de plus grandes entreprises qui offrent déjà des avantages sociaux. De ce que je sais de l’histoire, le Code canadien du travail a souvent été modifié par un processus de négociation entre les grandes centrales syndicales et les entreprises.

Est-ce que ce projet de loi a une incidence réelle, importante, ou est-ce que les grandes entreprises offraient déjà ce genre d’avantages minimaux?

D’autre part, souhaitez-vous toujours, à l’avenir, que le Code canadien du travail soit modifié dans le contexte de négociations entre les grandes associations ou encore entre le mouvement syndical et les entreprises?

Je voulais vous entendre là-dessus. Merci.

Le sénateur Yussuff [ - ]

Je vous remercie, sénatrice Bellemare, de votre question.

Comme vous le savez, un certain nombre d’employés et d’employeurs ont déjà établi un congé de maladie payé par l’entremise de négociations ou d’autres moyens. La réalité, c’est que beaucoup trop de travailleurs n’ont pas de tels avantages sociaux parce qu’ils n’ont pas réussi à négocier 10 jours de congé de maladie payé.

À mon avis, les modifications proposées seront avantageuses pour les gens qui n’ont pas ces jours de congé, mais elles montreront aussi que, dans les cas où les conditions offertes sont meilleures que ce qui est prévu dans le code, nous pouvons apprendre de ces employeurs et de ces syndicats. Plus important encore, pour les secteurs sous réglementation provinciale, qui représentent 90 % des travailleurs de ce pays, il y a beaucoup de chemin à faire. Selon les données statistiques que j’ai fournies ce matin, nous savons qu’il y a d’énormes lacunes, que ce soit à l’Île-du-Prince-Édouard ou au Québec, ou plus récemment en Colombie-Britannique. En Ontario, seules des mesures d’urgence prévoient des jours de congé de maladie. Il n’y a aucune modification permanente au code en Ontario. Je pense que c’est une discussion que nous devrons avoir.

J’espère que l’adoption de ce projet de loi entraînera une plus forte mobilisation pour reconnaître que le congé de maladie payé devrait être un droit fondamental pour tous les Canadiens, quel que soit l’endroit où ils travaillent. Nous ne savons que trop bien ce que cette pandémie a mis en lumière. Si quelqu’un a des symptômes du virus mais qu’il va au travail parce qu’il ne peut pas faire autrement, cette décision aura des conséquences sur autrui. Ces conséquences pourraient être graves sur le lieu de travail et pour les collègues.

On déploie des efforts pour essayer de protéger les Canadiens de la maladie — au moyen de la vaccination, du port du masque et du lavage des mains —, mais force est de reconnaître que les jours de congé de maladie payé permettent aux travailleurs de prendre le temps de guérir quand ils en ont besoin. En outre, il me semble que les employeurs et les syndicats devraient déployer davantage d’efforts pour que tous les travailleurs canadiens aient accès à ce droit fondamental qu’est le congé de maladie payé. Ce droit est respecté dans de nombreux pays européens. Au Canada, il nous reste du chemin à faire avant d’atteindre cet objectif.

L’honorable Paula Simons [ - ]

Le sénateur Yussuff accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Oui.

La sénatrice Simons [ - ]

Comme la plupart des Canadiens, j’ai été horrifiée lorsque j’ai vu des foules hostiles intimider des travailleurs et des patients devant des hôpitaux ou insulter des parents et leurs enfants devant des cliniques de vaccination, mais je m’inquiète également des conséquences imprévues de cette mesure. À la lecture du projet de loi, je crains que les gouvernements provinciaux ne s’en servent à mauvais escient contre des grévistes, surtout s’il s’agit de travailleurs de la santé qui font le piquet de grève devant un hôpital et que les émotions sont à fleur de peau.

Vous qui avez beaucoup d’expérience dans le mouvement syndical, quelle assurance pouvez-vous donner aux Canadiens quant aux protections prévues pour empêcher que cette mesure législative ne soit utilisée à mauvais escient, notamment pour limiter le droit de grève et le droit des grévistes de manifester devant les établissements du système de santé?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Je vous remercie de votre question, sénatrice.

Vous le savez, le ministre de la Justice est venu témoigner devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et cette question lui a été posée pendant la séance. Il a affirmé très clairement que ce n’était pas l’objectif du projet de loi et que ces droits fondamentaux étaient protégés.

En tant qu’ancien dirigeant du Congrès du travail du Canada, j’ai passé beaucoup de temps dans les piquets de grève et les manifestations et je comprends fondamentalement ce que signifient ces droits. Je crois que des protections sont prévues, mais, évidemment, la magistrature au pays est indépendante. Si un gouvernement provincial devait outrepasser les limites du projet de loi, il serait possible de demander que l’équilibre soit rétabli, le cas échéant. Je suis bien conscient de cet enjeu. C’est pour cette raison que j’ai posé la question au ministre lorsqu’il a comparu devant le Comité des affaires juridiques.

L’honorable Marilou McPhedran [ - ]

Honorables sénateurs, ma question s’adresse au sénateur Yussuff. Accepteriez-vous d’y répondre?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Oui.

La sénatrice McPhedran [ - ]

Merci beaucoup.

Comme beaucoup l’ont dit, le projet de loi C-3 est le bienvenu et il se fait attendre depuis longtemps. Les problèmes qu’il cherche à résoudre, soit l’élargissement des congés de maladie payés et des mesures de protection dont les travailleurs de la santé ont malheureusement besoin afin de contrer la violence, le harcèlement et les agressions, ont été identifiés au tout début de la pandémie, il y a presque deux ans. Des pressions vigoureuses ont été exercées sur le gouvernement pour l’amener à présenter ce projet de loi. Nous en sommes maintenant saisis et il est important que nous l’étudiions aussi rapidement que possible.

Cependant, sénateur Yussuff, comme vous l’avez dit, le projet de loi ne s’applique qu’aux travailleurs relevant de la compétence fédérale, ce qui représente moins de 10 % de la main-d’œuvre canadienne. Ma question porte sur la mise en œuvre des normes et des mesures de protection prévues dans le projet de loi.

Nous sommes optimistes quant au projet de loi. Cependant, comme nous l’avons tous vu à maintes reprises auparavant, l’espoir et l’optimisme ne se traduisent pas toujours par une mesure législative et la mise en œuvre d’une nouvelle loi.

Compte tenu de votre longue expérience professionnelle auprès des syndicats canadiens et des travailleurs, y a-t-il des suggestions ou des stratégies particulières que vous préconisez ou préconiserez afin que des négociations fédérales et provinciales aient lieu et que le processus de mise en œuvre des mesures de protection de cette loi soit beaucoup plus large?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Merci, sénatrice, de votre question.

Une fois ce projet de loi adopté, il ne fait aucun doute qu’il faudra trouver comment aborder la question avec les provinces et les territoires afin d’étendre la protection des travailleurs à ces administrations.

Comme vous le savez, notre fédération a toujours posé certains défis. Il y a de bons moments où l’optimisme règne et où les choses changent, et d’autres moments plus difficiles.

Il y a un certain temps déjà, nous avons entrepris des démarches afin de lutter contre la violence familiale. À l’époque, pas une seule province, incluant le gouvernement fédéral, ne protégeait les travailleurs victimes de violence familiale. En très peu de temps — moins de sept ans —, toutes les administrations du pays ont adopté des lois protégeant les travailleurs contre la violence familiale. Ces lois leur permettent d’obtenir des congés payés.

Je sais que certaines provinces pourraient rechigner à l’idée d’offrir des jours de congé de maladie payé aux travailleurs, mais je suis persuadé que le mouvement syndical verra cela comme une motivation à redoubler d’efforts pour que cela se réalise. Bien sûr, d’autres militants et groupes se joindront à l’effort du mouvement syndical visant à tenter de convaincre notre province... J’espère également que le ministre du Travail convoquera très bientôt son homologue provincial, comme il l’a indiqué dans sa lettre, pour tenir un débat de fond sur la façon de collaborer pour atteindre cet objectif.

Le gouvernement fédéral a assurément fourni beaucoup de ressources aux provinces pour les aider à assurer une certaine équité dans la façon de gérer la pandémie. J’espère aussi que le gouvernement fédéral exercera un certain leadership auprès des provinces pour qu’elles instaurent des congés de maladie payés afin de compléter ce que nous faisons ici à l’échelle fédérale.

Sénateur, acceptez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Oui.

Je vous remercie d’avoir parrainé ce projet de loi. Il s’agit d’une mesure législative essentielle qui vise à octroyer 10 jours de congé de maladie payé aux travailleurs sous réglementation fédérale. Ces jours de congé de maladie sont particulièrement importants avec l’arrivée du nouveau variant qui inquiète la population. Le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership dans ce dossier.

Lors des réunions du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie — dont je suis membre —, une série de points ont été soulevés. Votre discours portait d’ailleurs sur certains d’entre eux, notamment l’entrée en vigueur de cette loi. Toutefois, je me questionne encore sur ce point — qui avait été examiné par le Comité —, car j’estime que ce n’est pas encore clair. À un certain moment, on avait laissé entendre qu’elle n’entrerait pas en vigueur tant que les négociations n’étaient pas terminées. Cette information ne me semblait pas exacte. J’aimerais avoir des éclaircissements à cet effet.

Il ne fait aucun doute que les négociations avec les provinces ne seront pas faciles, car je peux déjà entrevoir les vives protestations d’au moins une province — celle où j’habite — avant que les esprits récalcitrants n’adoptent la position du gouvernement fédéral.

Sénateur, pouvez-vous nous donner des éclaircissements sur la date où ce projet de loi, cette loi, entrera en vigueur dans le contexte urgent de la COVID-19 où les travailleurs ont cruellement besoin de ces jours de congé de maladie payé?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Merci de votre question, sénatrice.

Pour ce qui est de la mise en œuvre du projet de loi, le gouvernement fédéral n’a pas besoin du consentement des provinces, évidemment.

Il est nécessaire d’avoir un cadre réglementaire pour compléter la mise en œuvre de la loi et il existe un processus pour ce faire. Les règlements doivent être publiés dans la Gazette du Canada. Le gouvernement peut adopter un décret pour accélérer le processus par rapport à la façon traditionnelle de procéder, qui prend environ 90 jours.

Il y a eu des discussions et on a reconnu que le gouvernement fédéral devra consulter les employeurs, les syndicats et d’autres intervenants au sujet de la mise en œuvre. J’estime que cela peut être fait en très peu de temps. La loi peut certainement être appliquée et profiter aux travailleurs relevant de la compétence fédérale dans les 60 prochains jours, puisque nous serons dans cette position. J’espère que le ministre et son personnel travailleront diligemment à cette fin. Il existe un mécanisme pour cela. D’après mon expérience, le gouvernement dispose de moyens pour le faire s’il le désire.

Pour ce qui est de la négociation avec les provinces, vous avez raison de souligner la réalité. Je ne pense pas que les provinces vont simplement se présenter à la table et dire : « Merci beaucoup, nous ferons ce que vous nous demandez de faire. » Il n’en est jamais ainsi. Je ne crois pas qu’il en sera ainsi avec le projet de loi à l’étude.

Je crois que la volonté est là de reconnaître que c’est autant grâce aux travailleurs qui relèvent des provinces qu’à ceux de ressort fédéral si l’économie a continué de rouler. Or, ces travailleurs devraient avoir le droit d’être malades sans devoir renoncer à une partie de leur salaire. Il s’agit d’une façon de lutter contre la pandémie et même de la vaincre. Il s’agit aussi d’une bonne façon de faire comprendre à ces mêmes travailleurs qu’ils comptent aux yeux de l’État et que le gouvernement est là pour eux.

J’espère que les dirigeants des provinces suivront les conseils du gouvernement fédéral, qu’ils sauront s’en inspirer et que, tous ensemble, nous pourrons améliorer les conditions de vie de tous les Canadiens.

L’honorable Scott Tannas [ - ]

Honorables sénateurs, je souhaite remercier le sénateur Yussuff de son travail remarquable sur ce projet de loi.

Hier, notre groupe a subi des pressions importantes l’incitant à ne pas refuser le consentement unanime qui nous aurait permis d’adopter le projet de loi hier soir. Je ne dirais pas qu’il y a eu de l’intimidation, mais il y a certainement eu de la pression, et beaucoup. D’ailleurs, quand nous avons rejeté le consentement demandé par le sénateur Gold, j’ai entendu un sénateur dire « c’est honteux ».

Pour la gouverne de certains nouveaux sénateurs et même de ceux d’entre nous qui sont au Sénat depuis un certain temps, j’aimerais rappeler la marche à suivre à l’étape de la deuxième lecture de ce projet de loi.

Il doit y avoir un discours du parrain du projet de loi, ce que nous avons eu. Il doit y avoir un discours du porte-parole pour le projet de loi, ce que nous n’avons pas eu. D’autres doivent également prononcer des discours, ce que nous sommes en train de faire. À titre de sénateurs, nous devrions écouter attentivement ces discours en pensant à l’intention du projet de loi et nous demander si celui-ci est digne d’un examen plus approfondi. Voilà ce à quoi sert un vote à l’étape de la deuxième lecture, auquel nous procéderons bientôt. Ce vote indique si le projet de loi est digne d’un examen plus approfondi. Habituellement, lorsqu’un projet de loi est adopté à l’étape de la deuxième lecture, il est renvoyé à un comité pour examen.

Dans ce cas-ci, le comité a fait une étude préalable. Mais même lorsqu’il y a une étude préalable, on renvoie normalement le projet de loi au comité pour l’étude article par article. Le comité étudie alors la version finale; il regarde si des changements ont été apportés depuis l’étude préalable et si les préoccupations qu’il avait soulevées alors ont été réglées par le gouvernement et par les amendements de la Chambre des communes, l’une des raisons qui motivent parfois une étude préalable.

Dans ce cas précis, des changements ont été apportés. La plupart des préoccupations soulevées par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles n’ont pas été prises en compte. Par ailleurs, le projet de loi comporte maintenant un nouvel article à propos d’un congé en cas de décès. J’ai remarqué que le sénateur Yussuff l’avait mentionné à la toute fin de son discours, puisqu’il s’agit d’un ajout de dernière minute fait par la Chambre des communes. Certes, la Chambre a fait cet ajout pour les meilleures raisons qui soient, mais il n’en demeure pas moins que les détails de cet amendement et de ce nouvel article ne sont disponibles que depuis hier soir.

Normalement, je m’attendrais à ce que le comité ayant mené l’étude préalable procède à l’étude article par article du projet de loi, propose des amendements et présente un rapport final avant l’étape de la troisième lecture. C’est ainsi que les choses devraient se dérouler. Si elles s’étaient déroulées ainsi, nous aurions pu apporter des amendements au projet de loi, ou nous pourrions au moins avoir sous la main un rapport indiquant si toutes nos préoccupations ont été réglées et, si ce n’est pas le cas, lesquelles subsistent. Nous pourrions ensuite dire que nous avons terminé l’étape cruciale de contrôle de la qualité, que nous avons procédé à un second examen objectif, et que nous pouvons maintenant débattre du projet de loi en troisième lecture en étant pleinement informés. Rien de cela ne se produira. Pourquoi?

C’est parce que certaines personnes nous ont dit que le projet de loi est si urgent que nous ne pouvons tout simplement pas attendre. La sénatrice McPhedran a souligné que certains de ces problèmes précèdent l’apparition de la COVID et que, même s’ils ont été mis en lumière par celle-ci, cela fait deux ans que la pandémie a commencé. Je pense que cela met un peu en doute l’urgence de ce projet de loi et la nécessité de l’adopter d’un coup de baguette magique.

On nous a aussi dit que même s’il y a eu des amendements de dernière minute et beaucoup de rebondissements à la Chambre des communes, nous ne pouvions en aucun cas adopter d’amendements pour améliorer ce projet de loi étant donné que la Chambre des communes ne siège plus, et qu’il serait donc inutile de proposer des amendements. Cela en dit très long sur certains points que je ne perdrai pas de temps à exposer.

Le dernier signal d’alarme qui montre qu’il y a un problème avec ce projet de loi est la fameuse lettre du ministre qui nous précise que la situation sera corrigée ultérieurement, et je constate que c’est aussi le cas pour ce projet de loi.

Chers collègues, dans quelques instants, il nous sera demandé de renoncer à nos droits et à nos obligations au lieu de faire notre travail scrupuleusement à propos de ce projet de loi qui aura eu un parcours législatif très surprenant à la Chambre des communes, c’est le moins qu’on puisse dire.

Ce projet de loi modifie profondément le Code criminel et le droit du travail de façon permanente, et d’aucuns pourraient arguer qu’il ne s’agit pas d’un projet de loi urgent contre la COVID-19. Ce projet de loi contient beaucoup de points alarmants qui nécessitent un second examen objectif, nonobstant les répercussions significatives et positives qu’il pourrait avoir sur les travailleurs canadiens.

J’estime que c’est regrettable. Il est regrettable que nous ne soyons pas en mesure de remplir notre devoir entièrement. Il est regrettable que nous ne disposions pas du temps nécessaire pour le faire et pour tenter d’améliorer ce projet de loi du mieux que nous pouvons.

À la fin de la dernière session, en juin, je pense que nous avons tous ressenti beaucoup de fierté pour le travail bien fait, et que nous envisagions l’avenir avec optimisme. Je n’ai plus ce sentiment aujourd’hui. Je pense que nous devrons amorcer une réflexion et peut-être prendre des mesures afin que nous puissions, en tout temps, faire le travail que notre mandat constitutionnel et les Canadiens exigent de nous.

Son Honneur le Président [ - ]

Sénatrice Lankin, vouliez-vous poser une question ou intervenir dans le débat?

L’honorable Frances Lankin [ - ]

Je voudrais poser une question, Votre Honneur.

Son Honneur le Président [ - ]

Sénateur Tannas, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Tannas [ - ]

Certainement.

La sénatrice Lankin [ - ]

Merci, sénateur Tannas. Je tiens à dire d’emblée que je souscris à tout ce que vous avez dit. Je suis tout à fait d’accord avec vous. Je dirais que tous les sénateurs sont probablement de votre avis, même si je ne peux en être sûre. Je crois cependant pouvoir dire avec certitude que la majorité d’entre eux sont d’accord avec vous. D’autres ont parlé de ce problème lors de l’étude d’autres projets de loi et dans d’autres circonstances, et le problème persiste.

À un moment donné, le Sénat doit se mobiliser sur ce sujet, et je crois qu’à l’aube d’une nouvelle année, avec la nouvelle session qui s’amorce, ce moment est venu. J’aimerais vous demander si vous seriez prêt à travailler avec des représentants de chacun des groupes au Sénat afin de rédiger une proposition ou d’élaborer un plan en vue de rallier le Sénat derrière une déclaration de principes qui énoncerait nos attentes dans notre relation et nos échanges de renseignements avec la Chambre des communes ainsi que pour mettre au point une stratégie de communication avec le gouvernement fédéral, par exemple, proposer et adopter une motion, bref, comment faire franchir aux mesures à l’étude les étapes du processus législatif sans compromettre notre capacité de faire un travail utile. Car, l’une des choses que vous avez omises, mais que vous pensez, je le sais, c’est que nous empêcher de faire notre travail ne sert pas l’intérêt des Canadiens. Ils n’en ont pas pour leur argent, l’argent qu’ils paient pour faire fonctionner le Sénat, lorsque des projets de loi comportant une erreur, représentant des occasions ratées et ayant une incidence profonde, bonne ou mauvaise, sur la population canadienne passent par le Sénat sans faire l’objet de l’examen attentif qui s’impose. Je vous remercie de me donner l’occasion de solliciter votre leadership à l’égard de cette question.

Le sénateur Tannas [ - ]

Merci. Je suis d’accord. Le moment est venu. Nous devons nous engager — peut-être est-ce en raison de l’esprit de Noël — à proposer de façon posée et réfléchie, lorsque nous ne serons pas acculés au pied du mur, une déclaration du genre en vue de ce type d’interaction avec la Chambre des communes pour mettre fin au cycle infernal où nous sommes contraints de renoncer à la possibilité de faire notre travail par faute de temps.

L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) [ - ]

Le sénateur Tannas accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Tannas [ - ]

Bien sûr.

Le sénateur Housakos [ - ]

Sénateur Tannas, je comprends votre point de vue. D’ailleurs, je l’ai défendu à maintes reprises au Sénat.

Dans ce cas particulier, étant donné que le projet de loi a été adopté à l’unanimité à la Chambre des communes, ne pensez-vous pas que nous avons l’obligation, à la Chambre haute, de respecter la volonté démocratique de la Chambre élue?

Ensuite, un certain nombre d’amendements présentés par le Sénat depuis le début de la 44e législature — dont l’exemple que vous avez donné — et beaucoup d’autres amendements et propositions d’amendements présentés au cours de la 43e législature ont été ignorés. Ne croyez-vous pas qu’il serait bénéfique que certains honorables sénateurs participent aux réunions du caucus national au pouvoir qui ont lieu chaque semaine à l’autre endroit? Je sais que nos collègues en rient, mais j’ai vécu une époque où nous avions une certaine influence sur l’élaboration des mesures législatives au sein du caucus national. Seriez-vous d’accord avec moi sur ce point?

Le sénateur Tannas [ - ]

Je suis d’accord. En fait, dans votre discours d’hier soir, vous avez exprimé votre malaise face à cette façon de traiter le projet de loi. Je suis d’accord.

En ce qui a trait à l’unanimité à la Chambre des communes et au fait que ce serait un signal pour nous de renoncer à nos droits et à nos obligations, je pourrais soutenir le contraire. Nous sommes ici pour nous dissocier de la politique et, croyez-moi, il faudrait que nous soyons les créatures les plus naïves sur Terre pour penser que ce qui est arrivé dans le cas de ce projet de loi n’impliquait pas une bonne part de politique hier soir. C’est la première chose qu’on devrait regarder lorsqu’une décision unanime nous est transmise par la Chambre.

Nous en avons eu un autre exemple. C’était peut-être un résultat du projet de loi C-4. Nous espérions tous pouvoir adopter ce projet de loi. Or, le fait qu’il a été adopté à l’unanimité devrait nous inciter à réfléchir, et non à donner le feu vert et à l’adopter d’emblée, sans avoir fait notre travail.

L’honorable Denise Batters [ - ]

Sénateur Tannas, je suis heureuse que vous ayez signalé que certains éléments d’un débat normal ont été omis lors de l’étude de certaines de ces mesures. Je voudrais mentionner une autre chose que j’ai souvent remarquée. En général, le leader du gouvernement au Sénat ne prononce pas de discours sur les grands projets de loi d’initiative ministérielle. Or, ce genre d’intervention donnerait aux sénateurs l’occasion de poser des questions, d’entendre un long exposé sur les raisons pour lesquelles le gouvernement considère le projet de loi important et ensuite d’entendre un membre du Conseil privé répondre à leurs questions plus en détail pendant une période de questions beaucoup plus longue. Convenez-vous qu’il s’agit là d’un élément important qui a été omis lors de l’étude de trop de projets de loi d’initiative ministérielle?

Le sénateur Tannas [ - ]

Je ne veux surtout pas mettre mon ami et collègue le sénateur Gold mal à l’aise, mais vous avez raison, sénatrice Batters. Le sénateur George Baker, dont le souvenir perdure dans cette enceinte — et ceux qui le connaissent assez bien savent qu’il nous regarde probablement en ce moment de chez lui à Terre-Neuve —, avait l’habitude de parler de la façon dont les tribunaux suivaient les transcriptions du Sénat et fondaient leurs jugements sur ces documents.

L’une des choses les plus importantes que nous puissions faire est de poser une question à un représentant du gouvernement, et c’est d’ailleurs ce que nous avons fait, le printemps dernier, au sujet du projet de loi C-15, et le sénateur Gold a fait des déclarations qui pourraient finalement s’avérer importantes si les tribunaux se penchent là-dessus.

Ne serait-ce que pour cette raison, je dirais qu’il n’est pas absolument nécessaire de faire un discours magistral, mais j’espère que le sénateur Gold envisagera à l’avenir de dire quelques mots et de faire en sorte que ce genre de questions puissent figurer au compte rendu.

C’est une très bonne observation, sénatrice Batters.

L’honorable Renée Dupuis [ - ]

Est-ce que le sénateur Tannas accepterait de répondre à une autre question?

Le sénateur Tannas [ - ]

Oui.

La sénatrice Dupuis [ - ]

Ma question sera en deux volets. Le premier volet est le suivant. Je suis d’accord avec tout ce que vous avez dit, à l’exception de votre dernière phrase. Vous avez dit dans votre première phrase que votre groupe avait subi énormément de pression hier, même de l’intimidation — ce sont les mots que vous avez utilisés —, et que vous n’êtes pas d’accord avec cela; vous dites que vous avez même entendu le mot shame. J’ai entendu aussi ce mot et je considère que c’est un vocabulaire qui est non parlementaire et inacceptable.

Ma question pour vous est la suivante : comment devons-nous interpréter la dernière phrase de votre intervention d’aujourd’hui, lorsque vous dites que ce projet de loi amène des changements majeurs au Code du travail et au Code criminel, mais que vous terminez en disant this is a shame? Comment voulez-vous qu’on interprète ce genre de phrase alors que vous venez tout juste de vous en plaindre au début de votre intervention?

Je suis tout à fait d’accord avec vous. N’est-ce pas de la pression et de l’intimidation que vous faites, en utilisant ces termes-là?

Le sénateur Tannas [ - ]

Vous aviez deux questions, mais je n’en ai entendu qu’une seule.

La sénatrice Dupuis [ - ]

Le deuxième volet de ma question est le suivant. Vous avez parlé de la procédure habituelle qui n’avait pas été suivie — je suis d’accord. Dans le cadre de notre travail, ne devrait-on pas mentionner le fait que nous acceptons de limiter le travail des comités parce que nos représentants, qu’ils soient facilitateurs ou leaders, ont convenu d’une façon de procéder que le gouvernement nous oblige à adopter ou du moins essaie de nous obliger à adopter? Cet élément ne devrait-il pas faire partie du travail que vous avez qualifié de bonne idée?

Le sénateur Tannas [ - ]

Je vous remercie, sénatrice Dupuis. Vous avez tout à fait raison. Je ne voudrais pas qu’on pense qu’à mes yeux, ce projet de loi est une honte. Il est tout à fait valable et il améliorera les conditions de travail des employés de ressort fédéral. Je crois aussi qu’il devrait inciter les provinces à faire la même chose. Il s’agit d’une mesure importante, comprenons-nous bien, mais c’est seulement dommage qu’elle n’ait pas été valorisée autant qu’elle aurait dû l’être — en bonne partie à cause de la manière désordonnée dont son étude a pris fin à la Chambre des communes. Je vous remercie de m’avoir permis de préciser ma pensée.

Pour ce qui est de votre seconde question, la procédure d’étude accélérée que nous avons réinstaurée il y a quelques jours repose sur le principe de la transparence. Pour y avoir recours, il faudra qu’une personne explique, à ses collègues sénateurs et aux Canadiens en général, pourquoi l’étude d’une mesure devrait être accélérée et pourquoi le processus éprouvé que nous suivons depuis maintenant 152 ans devrait être court-circuité. De cette façon au moins, la discussion se fera en public et non entre les leaders des différents groupes, et sans qu’on ait besoin de tordre le bras de qui que ce soit.

Alors oui, vous avez tout à fait raison. Cet aspect doit faire partie de notre réflexion et nous devrions nous y mettre avant d’être mis devant le fait accompli, comme aujourd’hui.

L’honorable Terry M. Mercer [ - ]

Acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Tannas [ - ]

Oui.

Le sénateur Mercer [ - ]

Merci de vos observations, sénateur Tannas. La première partie de ma question est ma diatribe habituelle à ce moment-ci du cycle parlementaire. Vous l’entendrez en décembre, puis vous en entendrez une semblable en juin. Quand accorderons-nous nos violons et rejetterons-nous un projet de loi ou refuserons-nous de débattre d’un projet de loi que la Chambre des communes, de l’autre côté de la rue, souhaite désespérément voir adopter?

Rien ne sert d’avoir le pouvoir de le faire si on ne se sert jamais de ce pouvoir. Certes, ce n’est pas la mesure législative pour agir de la sorte parce qu’elle est importante pour les travailleurs canadiens. Néanmoins, on se fait dire constamment : « Oh, la Chambre des communes ajourne ses travaux aujourd’hui. En passant, voici deux projets de loi que vous devez adopter avant de pouvoir rentrer chez vous. » Eh bien, devinez quoi? Nous sommes maîtres de notre destin. Nous pouvons présenter le projet de loi, ignorer le projet de loi, ne rien faire avec le projet de loi ou rejeter le projet de loi. Toutefois, tôt ou tard, les sénateurs devront prendre position et dire : « Non, nous sommes désolés. Nous sommes le 28 juin, et nous rentrons chez nous. Nous nous reverrons en septembre. » Nous laisserions ensuite la Chambre des communes s’occuper du problème qu’elle a créé, car ce n’est pas nous, les sénateurs, qui l’avons créé.

Sénateur Tannas — je dois poser une question maintenant afin de ne pas enfreindre le Règlement —, diriez-vous que nous tous, les 105 sénateurs, devons décider d’un moment, d’une mesure législative que nous laisserons au Feuilleton ou que nous rejetterons simplement afin d’attirer l’attention du gouvernement — pas seulement celle du gouvernement, mais aussi celle de tous les députés de la Chambre des communes — afin que nous fassions tous preuve de respect les uns envers les autres — car dans le cas présent, ce n’est pas faire preuve de respect.

Le sénateur Tannas [ - ]

Je crois que nous devons essayer de changer d’état d’esprit. Cela ressemble beaucoup à l’époque où vous, moi et d’autres faisions partie d’un caucus et que nous devions accepter la décision du whip sans trop poser de questions. Nous avions un travail à faire, et c’était de promouvoir l’option que nos collègues de l’autre endroit nous demandaient de promouvoir. Je crois que nous vivons une période de transition nécessaire et que nous devons agir en toute connaissance de cause.

Quant à l’idée de rejeter un projet de loi, je vous comprends. Il pourrait être tout aussi efficace d’amender un projet de loi une fois qu’ils sont rentrés chez eux, faire notre travail, puis renvoyer les amendements à une Chambre vide pour voir à quel point ce projet de loi est important. Nous pouvons aussi simplement réitérer qu’il importe peu que la Chambre des communes siège ou pas. Si nous voyons que des amendements sont nécessaires, agissons en conséquence. C’est probablement une solution plus facile, plus simple et qui peut se présenter plus souvent, comme dans le cas présent j’imagine. Nous pourrions ainsi faire notre travail sans tout faire sauter.

Le sénateur Mercer [ - ]

Merci, sénateur Tannas. Je suis d’accord.

L’honorable Pierre J. Dalphond [ - ]

Est-ce que le sénateur Tannas accepterait de répondre à une autre question?

Le sénateur Tannas [ - ]

Oui.

Le sénateur Dalphond [ - ]

Merci pour ces commentaires très importants, sénateur. Vous soulevez une question fondamentale sur le rôle du Sénat.

J’aimerais vous entendre sur deux sujets.

Tout d’abord, ne faut-il pas faire une distinction entre une revue attentive, même d’une loi adoptée unanimement par la Chambre des communes, et le respect de la Chambre des communes lorsqu’elle répond à nos propositions d’amendement? Dans un premier temps, lorsqu’on étudie un projet de loi, le fait qu’il ait été adopté unanimement est-il un élément déterminant? Je ne suis pas certain. Lorsque la réponse revient à nos propositions, la déférence envers la Chambre élue est importante.

Mon deuxième point est le suivant : ne faut-il pas adresser nos commentaires non seulement au gouvernement, mais aussi, à l’occasion, à l’opposition au Sénat qui, par exemple, dans le cas du projet de loi sur les thérapies de conversion, a fait en sorte que le projet de loi soit adopté sans que le Sénat n’ait tenu un vrai débat en deuxième lecture, ni en troisième lecture, ni même une étude préalable du projet de loi?

C’est un projet de loi que nous avons adopté en un seul après-midi, sans tenir un vrai débat ni en faire l’analyse. Nous n’avons pas rempli notre devoir constitutionnel et, cette fois-ci, je crois qu’on ne peut pas blâmer le gouvernement.

Le sénateur Tannas [ - ]

Je suis d’accord. Je crois qu’il nous incombe à tous, quelle que soit notre allégeance politique, de nous rappeler le mandat de second examen objectif du Sénat lorsque nous faisons face à ce type de situation. Cela pourrait facilement prendre la forme, comme ce fut le cas, d’une motion du leader de l’opposition.

Vous avez raison : nous avons raté une occasion. Ce n’est pas la faute du leader de l’opposition. Il a présenté la motion pour des raisons légitimes; il pensait que c’était la bonne chose à faire. C’était notre travail — le mien, celui des autres leaders et, bien sûr, celui de tous les sénateurs — d’intervenir et de demander des précisions ou de prendre toute autre mesure nécessaire. Nous ne l’avons pas fait. Nous avons donc adopté un projet de loi qui aurait peut-être mérité un examen plus approfondi. C’est une excellente observation, sénateur Dalphond. Merci.

La sénatrice Bellemare [ - ]

Est-ce que le sénateur Tannas accepterait de répondre à une autre question?

Le sénateur Tannas [ - ]

Oui.

La sénatrice Bellemare [ - ]

Je suis d’accord avec plusieurs de vos propos. Ils sont d’une grande sagesse. Ils nous permettent aussi de nous questionner sur nos processus et de parler de la modernisation du Sénat.

Ce qui m’amène à vous poser une question, ce sont vos commentaires par rapport à la nécessité de discours qui seraient présentés par le représentant du gouvernement au Sénat. Ne trouvez-vous pas qu’il serait temps que le responsable ministériel d’un projet de loi vienne nous le présenter au Sénat? On pourrait avoir une période consacrée à cette présentation, qui serait ouverte et différente de la tenue d’un comité plénier. Le sénateur qui présente le projet de loi viendrait répondre à nos questions avant que nous en fassions l’étude, peut-être à l’étape de la deuxième lecture. Le fait qu’il y ait un parrain des projets de loi au Sénat n’empêche pas d’avoir un porte-parole. De plus, le ministre responsable pourrait comparaître devant nous pour présenter son projet de loi, afin que l’on puisse lui poser des questions. Il resterait à déterminer si cet exercice devrait se faire à l’étape de la deuxième lecture ou de la troisième lecture. Toutefois, j’aimerais entendre vos commentaires sur ce point.

Le sénateur Tannas [ - ]

Je ne suis pas certain, mais je pense que c’est une proposition que nous pourrions examiner. C’est un aspect important. Cependant, à l’initiative du sénateur Plett, qui occupe le rôle de leader de l’opposition, nous avons déjà fait parvenir un message à l’autre endroit pour réitérer un principe qu’on a toujours appliqué : « pas de ministre, pas de projet de loi ». Nous voulions que le ministre responsable comparaisse devant le comité qui avait été choisi pour réaliser les travaux fastidieux de recherche pour un projet de loi donné.

Le sénateur Plett et l’opposition avaient déclaré que les ministres doivent comparaître devant les comités, sinon les comités ne renvoient pas les projets de loi au Sénat. Je crois que cela a jeté les bases de la collaboration des ministres avec les comités.

Nous devons déterminer si nous nous en remettons à la participation des ministres aux séances des comités ou au sénateur Gold — ou à tout autre futur représentant du gouvernement au Sénat, à titre d’agent du gouvernement — pour fournir toutes les informations ou les déclarations requises pour répondre à nos questions. Cela dit, je ne suis pas en mesure de dire quelle serait l’option à privilégier.

L’honorable Ratna Omidvar [ - ]

Sénateur Tannas, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Tannas [ - ]

Bien sûr.

La sénatrice Omidvar [ - ]

Je vous remercie, sénateur. Je suis d’accord avec vous sur presque toute la ligne. Bien que je prévoie voter en faveur du projet de loi et que le moment me semble mal choisi pour des acrobaties politiques, il m’apparaît approprié d’avoir cette discussion maintenant. Il ne fait aucun doute, comme l’a signalé le sénateur Mercer, que des situations semblables surviendront encore et encore et que nous dirons alors, fanfarons, « plus ça change, plus c’est pareil ».

Le Sénat est aux prises avec un problème systémique et doit trouver une solution systémique. Je suis au Sénat depuis six ans et, au cours de cette période, nous avons discuté d’une variété de problèmes et de solutions et nous avons déposé le rapport La modernisation du Sénat, mais les choses ne progressent pas.

Sénateur Tannas, à la lumière de votre intervention, pouvons-nous nous attendre, à notre retour, à ce qu’une motion soit présentée par vous ou par quelqu’un d’autre — elle devrait venir de vous, je crois, puisque vous avez soulevé cette question — à propos du problème systémique qu’il faut régler, peut-être de la façon mentionnée par la sénatrice Lankin? Il nous faut absolument une solution qui nous évitera de nous retrouver dans une situation où nous devons agir à la hâte, à la presse, ce qui nous empêche de faire le travail que nous sommes censés faire, bien que nous soyons membres de la Chambre non élue. C’est la condition que j’ajouterais.

Le sénateur Tannas [ - ]

Tout d’abord, je peux vous dire que j’assumerai cette responsabilité. Je vous remercie de votre intervention. Durant le congé, je vais essayer de mettre en place un genre de processus de consultation avec les personnes intéressées, ce qui pourrait aboutir à une motion que je présenterai au nom du groupe en question.

Je veux aussi remercier tous ceux qui ont participé à la discussion. Il ne m’est que trop évident que je suis assis confortablement chez moi, après avoir quitté Ottawa hier matin, tandis que des sénateurs et tout le personnel travaillent un jour de plus pour que nous puissions avoir cette conversation. Nous devons exécuter le travail nécessaire, étant donné ce que le Groupe des sénateurs canadiens a fait pour mettre le problème en lumière. Merci à tous. J’apprécie tous les commentaires.

Son Honneur le Président [ - ]

Sénateur Quinn, avez-vous une question?

L’honorable Jim Quinn [ - ]

Oui, j’ai une question pour le sénateur Gold.

Son Honneur le Président [ - ]

La question doit être adressée au sénateur Tannas.

Le sénateur Quinn [ - ]

Je vais poser la question au sénateur Tannas.

Je veux commencer par remercier le sénateur Yussuff de son discours éloquent, qui était bien ficelé. Je suis honoré d’avoir été appelé au Sénat et d’y avoir été assermenté le même jour que le sénateur Yussuff.

Quand le premier ministre m’a téléphoné pour me proposer de devenir sénateur, il m’a dit :

Vous ne serez pas toujours d’accord avec les politiques mises en avant par le gouvernement. Votre travail consiste à en rehausser la valeur. Une fois que tout aura été dit, vous serez peut-être toujours en désaccord avec ce que le gouvernement propose, mais cela fait partie de votre travail, et je vous demande de vous en acquitter.

Durant l’éloquent discours qu’il a prononcé hier soir, le sénateur Housakos a soutenu que le Sénat ne devrait pas se contenter de tout approuver les yeux fermés. Je ne me suis certainement pas joint au Sénat en pensant que j’allais tout approuver les yeux fermés. Cependant, les trois premières semaines que j’ai passées au Sénat m’ont plutôt fait croire qu’il en était ainsi. Tout cela semble constituer un défi depuis un bon moment pour ceux qui siègent au Sénat depuis plus longtemps que moi.

Je suis d’accord avec les commentaires de divers sénateurs voulant qu’il soit primordial de préserver la réputation du Sénat, non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour les processus parlementaire et législatif et, par-dessus tout, pour les Canadiens.

Sénateur Tannas, ne convenez-vous pas qu’il est important de tenir compte du conseil que m’a donné le premier ministre et qui a été répété par l’honorable leader de l’opposition ici, au Sénat?

Le sénateur Tannas [ - ]

Merci, sénateur Quinn. Je suis d’accord avec vous. Au bout du compte, l’un des héritages les plus importants que nous laissera le premier ministre Trudeau sera les changements qu’il a apportés au Sénat; du moins, si nous choisissons de saisir cette occasion, d’accepter ce que ces changements signifient pour notre institution et de procéder aux modifications nécessaires à l’accomplissement de nos tâches sénatoriales et à nos interactions avec la Chambre des communes. Je suis impatient de faire ce travail avec tous les sénateurs.

L’honorable Marie-Françoise Mégie [ - ]

Sénateur Tannas, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Tannas [ - ]

Il me reste sans doute peu de temps, mais oui.

La sénatrice Mégie [ - ]

Sénateur Tannas, avec l’émergence du variant Omicron et la hausse des cas de COVID-19, consentiriez-vous à ce que les travailleurs aient la possibilité de bénéficier immédiatement de mesures qui leur permettraient de s’absenter de leur travail en cas de maladie, même s’ils ont des symptômes légers, au lieu d’aller contaminer les autres sur les lieux de travail par peur de perdre leur salaire? Consentiriez-vous à ce que l’on puisse appliquer cette mesure pour les rassurer et pour qu’ils ne soient pas obligés de se rendre au travail parce qu’ils ont peur de ne pas être payés? À mon avis, c’est la raison pour laquelle il est urgent d’adopter ce projet de loi.

Je comprends tout ce que vous avez dit et je suis d’accord pour dire que c’est bel et bien un « processus chronique » qui nous oblige à adopter des projets de loi à toute vitesse à la veille du congé des Fêtes. Je comprends tout cela et vous avez raison, mais pour ce qui est de la situation qui nous occupe aujourd’hui, j’aimerais savoir ce que vous en pensez.

Le sénateur Tannas [ - ]

Je ne suis pas certain que la mesure législative entrera immédiatement en vigueur, même si nous l’adoptons aujourd’hui. Il faudra prendre des règlements pour apporter des précisions.

La pandémie a commencé il y a deux ans, et d’autres mesures et initiatives ont été mises en place pour permettre aux gens de s’absenter quand ils contractent la COVID, sans être ruinés financièrement. Ce n’est pas nouveau. Nous nous rendons juste compte maintenant de la situation dans laquelle se trouvent certaines personnes. De plus, je pense que tous les employeurs encore actifs disposent d’une stratégie pour composer avec une telle situation, du moins à court terme.

Cela dit, le projet de loi à l’étude et l’évolution actuelle de la COVID font ressortir la nécessité de ces prestations, comme le sénateur Yussuff l’a fait valoir avec tant d’éloquence. Le plus tôt sera le mieux, bien sûr, mais cette mesure n’entrera certes pas en vigueur dès demain. Merci.

Son Honneur le Président [ - ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur le Président [ - ]

L’honorable sénateur Yussuff, avec l’appui de l’honorable sénatrice Dasko, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

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