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Le Sénat
Motion tendant à autoriser une modification à la Loi constitutionnelle de 1867 (qualifications des sénateurs en matière de propriété) par proclamation de la gouverneure générale--Ajournement du débat
24 mars 2022
Conformément au préavis donné le 25 novembre 2021, propose :
Attendu :
que le Sénat défend les intérêts de groupes souvent sous‑représentés au Parlement, tels les Autochtones, les minorités visibles et les femmes;
que le point 3 de l’article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit qu’une personne doit, pour être nommée au Sénat et y conserver son siège, posséder des terres d’une valeur nette minimale de quatre mille dollars situées dans la province pour laquelle elle est nommée;
qu’il se peut que des circonstances personnelles ou le marché immobilier d’une région donnée empêchent une personne de posséder la propriété requise;
que chacun devrait être admissible à une nomination au Sénat, indépendamment de la valeur nette de ses biens immobiliers;
que la qualification en matière de propriété immobilière n’est pas conforme aux valeurs démocratiques de la société canadienne moderne et qu’elle ne constitue plus une garantie adéquate ou valable de l’aptitude d’une personne à siéger au Sénat;
que chacun des vingt-quatre sénateurs du Québec est nommé pour un collège électoral donné et doit remplir la qualification en matière de propriété immobilière dans ce collège électoral ou y résider;
que les dispositions de la Constitution du Canada applicables à certaines provinces seulement ne peuvent être modifiées que par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l’assemblée législative de chaque province concernée;
que la Cour suprême du Canada a déclaré que l’abrogation complète du point 3 de l’article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant la qualification des sénateurs en matière de propriété immobilière requiert une résolution de l’Assemblée nationale du Québec conformément à l’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982,
Le Sénat a résolu d’autoriser la modification de la Constitution du Canada par proclamation de Son Excellence la gouverneure générale sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l’annexe ci-jointe.
ANNEXE
MODIFICATION À LA CONSTITUTION DU CANADA
1.(1) Le point 3 de l’article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 est abrogé.
(2) L’article 23 de la même loi est modifié par remplacement du point-virgule à la fin du point 5 par un point et par abrogation du point 6.
2. La Déclaration des qualifications exigées figurant à la cinquième annexe de la même loi est remplacée par ce qui suit :
Je, A.B., déclare et atteste que j’ai les qualifications exigées par la loi pour être nommé membre du Sénat du Canada.
3.Titre de la présente modification : « Modification constitutionnelle de (année de proclamation) (qualification des sénateurs en matière de propriété immobilière) ».
— Honorables sénateurs, je prends à nouveau la parole, mais cette fois pour parler de la motion no 19, qui vise à éliminer l’exigence foncière pour les sénateurs de la belle province.
Comme vous le savez d’après le discours que j’ai prononcé plus tôt aujourd’hui, cette motion est liée à l’objet de mon projet de loi S-228, qui vise à supprimer l’obligation pour les sénateurs de posséder un avoir net et un avoir immobilier, tel qu’il est indiqué dans la Loi constitutionnelle de 1867. J’aimerais à nouveau préciser que cela ne supprime pas l’exigence inscrite dans la Loi constitutionnelle selon laquelle les sénateurs doivent résider dans la province ou le territoire qu’ils représentent.
J’attire à nouveau votre attention sur la décision rendue le 25 avril 2014 par la Cour suprême du Canada, qui concluait ceci :
L’abrogation complète du paragraphe 23(3) requiert toutefois le consentement de l’assemblée législative du Québec, suivant la procédure sur les arrangements spéciaux. En effet, l’abrogation complète de la condition relative à l’avoir foncier (paragraphe 23(3)) constituerait également une modification du paragraphe 23(6), qui prévoit un arrangement spécial applicable uniquement à la province de Québec.
La Cour suprême du Canada a présenté ainsi les arguments qui l’ont mené à rendre cette décision :
Pour sa part, le procureur général du Québec soutient que l’abrogation de la qualification prévue au par. 23(3) en matière de propriété immobilière aurait une incidence sur l’application du par. 23(6), qui permet aux sénateurs du Québec de résider dans le collège électoral pour lequel ils sont nommés ou d’y posséder leur qualification foncière. Il s’ensuit, selon lui, que le consentement du Québec est nécessaire pour abroger la disposition visée.
Mes collègues dans cette enceinte sont déjà bien au fait de la procédure sur les arrangements spéciaux dont il est question dans la décision : la Constitution peut être modifiée pour des aspects propres à une province ou à un territoire au moyen d’une motion adoptée au Sénat, dans l’autre endroit ou dans une assemblée législative provinciale ou territoriale. C’est très semblable à la modification à la Loi sur la Saskatchewan qui est présentement examinée attentivement par le Sénat.
Pour ceux parmi vous qui ne seraient pas au courant de cette exigence de qualification additionnelle pour nos collègues du Québec, le paragraphe 23(6) de la Loi constitutionnelle de 1867 stipule ce qui suit :
En ce qui concerne la province de Québec, il devra être domicilié ou posséder sa qualification foncière dans le collège électoral dont la représentation lui est assignée.
Comme les sénateurs du Québec le savent, il y a 24 divisions électorales dans leur province. Historiquement, ces divisions ont été créées selon des réalités linguistiques et religieuses pour séparer les anglophones des francophones et les catholiques des protestants. Je crois que la plupart d’entre vous conviendront que ces divisions ne sont plus pertinentes de nos jours.
De plus, cette exigence oblige les sénateurs québécois à posséder une propriété dans une région qu’ils pourraient ne pas habiter, ce qui signifie que plusieurs sénateurs doivent assumer le fardeau supplémentaire de posséder une autre propriété en plus de leur résidence principale s’ils ne résident pas déjà dans la circonscription électorale qu’ils ont été nommés pour représenter.
Je signale également aux sénateurs que ces 24 divisions électorales sont anachroniques. Elles sont axées sur la partie sud de la province et ne tiennent pas compte du Nunavik et du territoire des Cris de la baie James.
Notre ancien collègue, le sénateur Charlie Watt, possédait en fait une propriété dans le Sud du Québec sur laquelle il n’avait jamais posé les yeux.
Étant donné la non-pertinence de ces divisions à notre époque moderne et compte tenu des nombreux arguments que j’ai présentés plus tôt aujourd’hui contre l’élitisme, l’exclusion et les barrières perpétués par les exigences en matière de propriété en général, je demande aux sénateurs leur soutien pour faire avancer cette motion ainsi que mon projet de loi d’intérêt public du Sénat, le projet de loi S-228.
Merci, honorables sénateurs. Taima.
Sénateur Patterson, accepteriez-vous de répondre à une question?
Oui.
Merci. Honorables sénateurs, j’aimerais remercier mon collègue de soulever ces questions intéressantes pour les sénateurs du Québec.
Comme vous l’avez dit, et comme la Cour suprême l’a indiqué dans le cas du Renvoi relatif à la réforme du Sénat, ce changement nécessitera le consentement de l’Assemblée nationale du Québec. Pensez-vous que l’une des premières modifications à la Constitution du Canada, particulièrement en ce qui concerne les sénateurs du Québec, a des chances d’obtenir le consentement de l’Assemblée nationale?
Je vous remercie de votre question, sénateur Dalphond. Je ne me prononcerai certainement pas sur les affaires politiques du Québec. Je n’oserais pas le faire. J’ai pensé que je devrais d’abord obtenir le soutien du Sénat pour cette modification visant la modernisation de la Constitution, puis laisser le gouvernement du Québec gérer la question comme il le juge bon.
Comme vous le savez peut-être, j’ai rencontré les sénateurs du Québec — je pense les avoir tous vus — et j’ai aussi parlé avec le bureau du gouvernement du Québec — qu’on appelle la maison du Québec — ici, à Ottawa, mais je ne suis pas allé plus loin. Je ne me risquerais pas à émettre une opinion sur la façon dont la question sera traitée. On peut espérer que le Québec sera ouvert à élargir les critères d’admissibilité pour inclure toutes les régions de la province et tous les Québécois de 30 ans et plus qui sont autrement qualifiés. Merci.
Merci. Accepteriez-vous de répondre à une autre question?
Oui.
Merci. Premièrement, je suis impressionné par l’intérêt que vous portez à cet enjeu, qui est, je dois dire, important. Vous avez parlé aujourd’hui d’un projet de loi que vous avez présenté, et ce dernier modifiera la Constitution fédérale, selon les dispositions de la Constitution du Canada limitées aux institutions fédérales. Le Parlement fédéral est le seul à pouvoir modifier sa Constitution interne en adoptant une loi. Nous parlons de trois lectures au Sénat et de trois lectures à la Chambre des communes. C’est un processus un peu long. Pour le Québec, par contre, vous proposez une motion qui nécessitera le consentement du Sénat, une motion à la Chambre des communes et une motion à l’Assemblée nationale. C’est un processus légèrement différent.
Ne convenez-vous pas, afin de veiller à ce que tous les sénateurs soient égaux dans cette enceinte et le demeurent, que nous devrions d’abord étudier votre motion pour modifier la Constitution? Ensuite, si elle est adoptée par l’autre endroit et par l’Assemblée nationale, nous procéderions à l’adoption de votre projet de loi visant les autres sénateurs du Canada?
Voilà une très bonne question, sénateur Dalphond, comme disent parfois les ministres lorsqu’ils ne savent pas vraiment comment répondre à une question. Je suis d’accord avec vous, il serait souhaitable que cette mesure s’applique à toutes les provinces et à tous les territoires du Canada. Il ne serait pas souhaitable que le projet de loi S-228 soit adopté dans les deux endroits et que la réforme soit appliquée à toutes les parties du Canada, sauf le Québec.
Je trouve ce que vous proposez valable parce que c’est logique. Cela dit, j’aimerais proposer que le Sénat étudie ces deux projets de loi en parallèle et les voie comme une paire. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai présenté le projet de loi et la motion aujourd’hui. Voilà ma réponse : obtenons l’appui du Sénat maintenant. Nous devrions poursuivre, les traiter en parallèle et les considérer comme étant interreliés pour le bien du Canada dans son ensemble. Merci.
Sénatrice Dupuis, voulez-vous poser une question?
Oui.
Merci, sénateur Patterson, de soulever ces deux questions. En ce qui concerne la motion no 19, la position du gouvernement fédéral, ces années-ci, ces mois-ci, ces semaines-ci, telle qu’elle nous a été communiquée hier au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, est que le gouvernement fédéral préfère attendre qu’une province prenne elle-même l’initiative de présenter une résolution constitutionnelle pour étudier un amendement bilatéral fédéral-provincial à la Constitution, ce qui serait le cas de votre motion.
Je ne sais pas comment vous réagissez à cette position. Je ne dis pas que je suis contre la motion, mais, dans l’hypothèse où le Sénat avaliserait la motion que vous présentez, comment pourrait-on faire avancer la question, face à cette position du gouvernement fédéral?
Je vous remercie de cette question intrigante, sénatrice Dupuis. Je pense que la meilleure façon de procéder serait de donner du poids à la pertinence de remédier à cette disposition élitiste et désuète, en appuyant la motion au Sénat. Ensuite, je pourrai m’adresser à la province du Québec, préférablement avec l’aide et les conseils de mes estimés collègues du Québec, et avec l’imprimatur du Sénat, pour voir si le gouvernement du Québec songerait à appuyer un tel changement. Ce serait peut-être la façon logique de venir à bout du problème que vous avez décrit : en offrant au Québec l’occasion de signaler son appui.
J’aimerais tout de même que la motion et le projet de loi soient étudiés avec attention, et possiblement adoptés, ici, au Sénat. Ensuite, je pourrais aller de l’avant, avec l’appui des sénateurs du Québec, et encourager la Province de Québec à appuyer cette modernisation et cette réforme depuis longtemps attendues. Merci.
Merci.
Le sénateur Patterson accepterait-il de répondre à une autre question? Merci, sénateur.
J’aimerais aborder cette question d’une manière semblable à celle du sénateur Dalphond, mais sous un autre angle. Même si, selon vous, il serait souhaitable que ces deux initiatives aillent de l’avant en même temps, d’après l’enthousiasme que nous avons observé plus tôt aujourd’hui à l’égard de la motion précédente, il semble probable que l’on puisse aller de l’avant avec la première initiative, même si le processus pourrait être un peu plus long pour ce qui est de la deuxième.
Selon vous, serait-ce acceptable, même si vous préféreriez qu’on aille de l’avant avec les deux initiatives en même temps? Vous semblerait-il acceptable de commencer par la première? Si on apporte le changement dans d’autres régions du pays, le Québec, voyant le changement apporté dans les autres provinces, sera peut‑être plus enthousiaste à l’idée de se pencher sur la question. Étant donné que la pratique actuelle est très élitiste, elle paraît tout à fait inacceptable pour nombre d’entre nous. Merci.
Je vous remercie de la question. Vous savez, je crois que vous apportez un très bon argument. Si la réforme est approuvée par les deux Chambres pour l’ensemble des provinces et des territoires, à l’exception du Québec, cela pourrait être une façon intéressante d’amener le gouvernement et la population du Québec à se pencher là-dessus à leur tour.
J’ai écouté la suggestion de la sénatrice Dupuis — que j’aimerais examiner davantage — voulant que la position du gouvernement fédéral consiste à attendre qu’une province initie un tel changement. Je ne suis pas au courant de cette position. Peut-être fait-elle référence à la question de la Saskatchewan que nous examinons. J’en tiendrais compte pour décider de la façon de procéder.
Étudions le projet de loi au comité et débattons de la motion ici. Je suis convaincu d’avoir d’autres occasions de discuter de la stratégie à l’avenir. Merci.