La Loi électorale du Canada
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Débat
19 mars 2024
Propose que le projet de loi S-283, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (données démographiques), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole sur le projet de loi S-283, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (données démographiques).
Le projet de loi S-283 renforcera notre démocratie en augmentant la transparence du Parlement et des partis politiques, dans l’intérêt de tous les Canadiens. Premièrement, nous aurons plus d’information sur les candidats aux élections fédérales. Deuxièmement, nous disposerons de plus d’information sur ce que font les partis politiques pour élire davantage de femmes et de candidats issus d’autres groupes diversifiés.
Comment se porte le Canada? En 1991, le rapport de la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis déclarait : « Toutes choses égales d’ailleurs, la Chambre des communes devrait raisonnablement refléter la diversité du pays. »
Mais les choses ne sont pas égales. Depuis 1921, première élection à laquelle les femmes pouvaient se présenter au niveau fédéral, il y a eu 38 614 candidats, dont 83 % étaient des hommes et 17 %, des femmes. Il y a eu 25 candidats d’une autre identité de genre. Aujourd’hui, les femmes occupent 30,4 % des sièges de la Chambre des communes, alors qu’elles représentaient 50,9 % de la population totale du Canada lors du recensement de 2021. Plus d’une femme sur quatre, soit 25,8 %, fait partie de la population racialisée et 4,5 % sont autochtones.
En 1997, lorsque l’Union interparlementaire a publié son premier classement mondial du nombre de sièges détenus par des femmes dans les Parlements de la planète, le Canada arrivait au 21e rang. Aujourd’hui, le Canada se classe 64e. Le Canada recule au classement parce que d’autres pays accélèrent leur transformation. Les mesures délibérées, qui sont inscrites dans la loi, ont été essentielles pour l’amélioration de la représentation des femmes dans les pays de toute la planète, quel que soit leur système électoral.
Le fossé en matière de représentation des femmes est peut-être le plus important, mais il n’y a pas que les femmes qui soient sous‑représentées à la Chambre. D’autres groupes de la diversité canadienne sont également sous-représentés. D’après le recensement de 2021, les membres des Premières Nations, les Métis et les Inuits représentent 5 % de la population. Les informations de la Bibliothèque du Parlement indiquent que 3,3 % des députés élus en 2021 sont d’origine autochtone. Dans la même veine, le recensement de 2021 indique que les personnes racisées représentent 26,5 % de la population, alors que, aux élections de 2021, 15,7 % des députés élus sont des personnes racisées, même si ce nombre varie selon les sources.
En ce qui concerne les membres de la communauté LGBTQ2+ au Canada, ces derniers représentent 4 % de la population et, selon la Bibliothèque du Parlement, 2,4 % des députés élus en 2021 font partie de cette communauté. Selon l’Enquête canadienne sur l’incapacité de 2022, 27 % des Canadiens âgés de 15 ans ou plus vivent avec au moins un problème de santé qui les limite dans leurs activités quotidiennes. Cependant, nous n’avons pas de données au sujet de leur représentation.
Alors, pourquoi ai-je décidé de présenter ce projet de loi?
Chers collègues, l’augmentation du nombre de femmes élues à une charge publique fait partie de mes objectifs de vie depuis plus d’une trentaine d’années. À l’époque où je commençais à peine ma carrière de sondeuse, en 1988, je me suis jointe à un groupe de femmes appelé le « Committee for ‘94 ». Notre objectif : faire en sorte qu’en 1994, la moitié des députés de la Chambre des communes soient des femmes. Quel objectif, quand même. Le groupe s’est malheureusement dissous après quelques années, exaspéré du peu de progrès réalisé.
En 2001, une quarantaine de femmes de tous les horizons politiques se sont réunies chez moi pour tenter de nouveau l’expérience. C’est ainsi qu’est né À voix égales, un groupe résolument transpartisan qui s’emploie à faire élire davantage de femmes à tous les échelons du pays. Je suis très fière qu’À voix égales connaisse autant de succès et je sais que vous êtes nombreux ici aujourd’hui à soutenir cet organisme et à en appuyer les objectifs.
Depuis ma nomination au Sénat, en 2018, je puise dans mon parcours comme fondatrice et ancienne présidente nationale d’À voix égales pour trouver des moyens qui permettront au Parlement de s’attaquer à la faible représentation des femmes. Accroître la diversité de la Chambre des communes, à tous les chapitres, est un objectif important, et nous le ferions clairement connaître si nous légiférions en ce sens.
Je suis également motivée par le désir d’améliorer et de renforcer nos institutions démocratiques en cette période trouble où le monde fait face à des menaces sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Bâtir un Parlement qui reflète mieux l’ensemble des Canadiens améliorera les résultats et la prise de décision et renforcera la confiance dans nos institutions démocratiques.
Ce sujet est tout à fait approprié pour un projet de loi d’intérêt public du Sénat. J’ai déjà dit à maintes reprises que le Sénat a non seulement le droit mais aussi la responsabilité de délibérer et de faire preuve de leadership sur tous les aspects de notre démocratie et de nos institutions démocratiques.
Le projet de loi S-283 comprend deux parties principales. La première concerne la collecte de données et la communication par le directeur général des élections du Canada de données démographiques sur les participants aux élections, y compris les candidats, les candidats à l’investiture et les candidats à la direction. La deuxième concerne la divulgation des plans d’action des principaux partis politiques enregistrés aux termes de la Loi électorale du Canada, qui décrivent les mesures prises par ces partis pour accroître la diversité des candidats qu’ils désignent, y compris les cibles qu’ils se proposent d’atteindre à une date précise quant au nombre de femmes candidates.
Ce projet de loi repose sur des recommandations faites au Parlement par deux entités parlementaires : le directeur général des élections du Canada et le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes.
Commençons par la collecte des données. Depuis près de six ans que je suis ici, j’entends souvent les sénateurs demander qu’il y ait davantage de données permettant d’évaluer les progrès réalisés dans de nombreux domaines et que les données recueillies soient de meilleure qualité. Pour ce qui est du Parlement, c’est nul autre que le principal responsable électoral du pays qui réclame de meilleures données. Dans le rapport au Parlement qu’il a produit en 2022 à la suite des 43e et 44e élections générales, le directeur général des élections, Stéphane Perrault, a déclaré ceci :
L’importance de déployer des efforts pour que le Parlement reflète véritablement la diversité de la société canadienne fait peu de doute. Toutefois, il faut avant toute chose disposer de données de qualité, non seulement sur les députés, mais aussi sur tous les participants au processus électoral.
Voici ce que dit la recommandation 9.4.1 de son rapport :
Pour bâtir un système électoral plus inclusif et représentatif, donner à Élections Canada, dans la Loi, le mandat de recueillir, sur une base volontaire, et de rendre publiques des données démographiques anonymisées sur les participants aux élections, dont des données sur le genre, l’origine ethnique, l’âge, le statut d’Autochtone et les handicaps.
M. Perrault a indiqué clairement que la Loi électorale du Canada ne lui accorde pas actuellement le pouvoir législatif de recueillir ces importantes données démographiques sur les candidats et les autres participants aux élections. Il demande que ce mandat lui soit accordé, et le projet de loi S-283 le lui donnera.
Je note que le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes a fait une recommandation semblable sur la nécessité de disposer de meilleures données. Ce comité, présidé par la députée Karen Vecchio, a mené une importante étude sur les possibilités et les obstacles pour les femmes en politique électorale au Canada. Il a présenté ses conclusions en avril 2019, dans un rapport publié intitulé Élisez-la : feuille de route pour accroître la représentation des femmes sur la scène politique canadienne. On peut notamment y lire la recommandation 11 :
Que le gouvernement du Canada considère apporter des modifications afin de permettre, avec le consentement des candidats aux investitures, que soient recueillies des données intersectionnelles sur eux, notamment des données sur l’identité de genre.
Cette recommandation vient de deux sources.
La deuxième partie du projet de loi S-283 exige que les principaux partis politiques enregistrés conformément à la Loi électorale du Canada informent les Canadiens des mesures qu’ils prennent pour accroître la diversité dans la sélection des candidats, y compris leurs objectifs et leurs échéanciers pour les femmes candidates.
Cette partie du projet de loi s’appuie également sur les recommandations du rapport du Comité permanent de la condition féminine.
La recommandation 8 du rapport dit notamment ceci :
Que le gouvernement du Canada considère apporter des modifications afin de favoriser l’égalité des sexes et la diversité en politique [...] et d’obliger les partis enregistrés à rendre publiquement compte de leurs efforts pour recruter des candidates de divers horizons à la suite de toutes les élections générales fédérales.
La recommandation 9 du rapport dit notamment ceci :
Que le gouvernement du Canada encourage les partis enregistrés et les associations de circonscription enregistrées à se fixer des objectifs et à faire rapport publiquement de leurs efforts visant à désigner plus de candidates [...] ainsi qu’à établir des comités de recherche de candidates en vue des élections générales et des élections partielles fédérales.
Chers collègues, je fais confiance aux deux sources de ces recommandations, à savoir le directeur général des élections et le rapport du comité permanent. J’espère que vous ferez également confiance à ces sources, ainsi qu’à l’expertise, à l’expérience et à l’étude qui les sous-tendent.
Lors de la rédaction du projet de loi S-283, je me suis délibérément inspirée des lois et des pratiques canadiennes établies qui sont conçues pour suivre et accroître la diversité au Canada, y compris la Loi sur l’équité en matière d’emploi et la Loi canadienne sur les sociétés par actions.
D’abord, pour établir la portée du projet de loi, j’ai inclus au paragraphe 1 la définition de « groupes désignés » donnée dans la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Les ensembles de données démographiques colligées par le directeur général des élections au sujet des participants aux élections et les rapports sur les plans d’action des partis politiques doivent être inclusifs. Il faut le faire au moins pour les quatre « groupes désignés », soit, à l’heure actuelle selon la Loi sur l’équité en matière d’emploi, les femmes, les personnes handicapées, les minorités visibles et les Autochtones — qu’on désigne dans la pratique par « peuples autochtones ». Le directeur général des élections et les partis politiques peuvent choisir d’inclure d’autres groupes s’ils le veulent.
Toute modification apportée à la définition de « groupes désignés » par le groupe de travail chargé de l’examen de l’équité en matière d’emploi a pour objectif...