La Loi sur l'assurance-emploi—Le Règlement sur l’assurance-emploi
Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Suite du débat
6 octobre 2022
Honorables sénateurs, il se trouve que je parle d’une préoccupation que la Présidente intérimaire a soulevée hier concernant le projet de loi S-236 et ses répercussions sur les économies nettes déclarées par le directeur parlementaire du budget. Le directeur parlementaire du budget a calculé que les économies réalisées sur cinq ans s’élèvent à 76,6 millions de dollars.
Il est important de tenir compte de quelques facteurs ici. Tout d’abord, il s’agit d’un rapport d’une page et demie qui a été publié il y a un peu moins d’un mois, soit bien après la fin de l’étude du Comité de l’agriculture. Les calculs du directeur parlementaire du budget sont fondés sur le système d’assurance-emploi actuel et des données historiques. Enfin, le directeur parlementaire du budget a lui-même reconnu que son étude comporte une grande incertitude. On peut lire ceci dans le rapport : « L’estimation de coût est très sensible aux perspectives du marché du travail établies par le DPB. »
Je remercie la sénatrice Ringuette d’avoir veillé à ce que cette question soit traitée de façon appropriée. C’est pourquoi j’ai choisi de prendre la parole et de fournir le point de vue d’un membre du comité qui a participé à l’étude du projet de loi.
Chers collègues, il ne faut pas oublier ce qu’est le projet de loi S-236 et ce qu’il n’est pas. Pour être plus précis, le projet de loi S-236 ne fixe pas de taux pour le montant des prestations ni leur durée. Il ne lie pas les mains du ministère en ce qui concerne la méthode de calcul des prestations et de leur durée. Il ne vise pas à réduire les prestations de qui que ce soit.
Le projet de loi S-236 établit une structure pour établir une seule région dans la province afin d’assurer l’équité entre les demandeurs d’assurance-emploi, d’éviter le traitement injuste des citoyens en fonction de leur lieu de résidence, comme on le voit en ce moment, et de résoudre la pénurie de main-d’œuvre qui touche actuellement la province.
Le projet de loi S-236 vise uniquement à créer une région pour un petit secteur géographique dont la population présente des caractéristiques uniques sur le marché du travail. Nous avons entendu des témoignages convaincants de la part de représentants des entreprises, des intérêts municipaux et des syndicats. Pour ceux qui ne sont pas de l’Île-du-Prince-Édouard, il arrive régulièrement que des gens travaillent dans une région et vivent dans l’autre. Des voisins vivant en face les uns des autres, qui travaillent au même endroit, peuvent recevoir des prestations d’assurance-emploi fondamentalement différentes. Encore une fois, ils travaillent au même endroit et font le même nombre d’heures, mais vivent à quelques pieds les uns des autres.
Les gens vivent et travaillent à différents endroits sur l’île. Ils vivent à Surrey, mais travaillent à Charlottetown. Ils vivent à Charlottetown, mais travaillent à Summerside. Ce n’est pas une question de « Charlottetown contre le reste de l’Île-du-Prince-Édouard »; c’est une question pour toute l’Île-du-Prince-Édouard. C’est une question d’équité dans la plus petite province du Canada, dont la population urbaine et rurale est très mobile.
Ma première question au fonctionnaire d’Emploi et Développement social Canada qui a comparu devant notre comité le printemps dernier lorsque nous avons étudié le projet de loi consistait à savoir s’il était déjà allé à l’Île-du-Prince-Édouard. En effet, si cela avait été le cas, il aurait pu constater à quel point l’existence d’une seconde région est absurde. Les arguments expliquant pourquoi les deux régions ont été créées à l’origine et pourquoi elles subsistent sont tout sauf convaincants.
Lorsque nous avons étudié le projet de loi, ce même témoin d’Emploi et Développement social Canada a déclaré que la région de l’assurance-emploi de Charlottetown avait été délimitée de la sorte parce qu’elle correspondait à la région métropolitaine de Charlottetown établie par Statistique Canada. Ce n’est pas le cas. Pour une raison que j’ignore, un district a été arbitrairement supprimé et un autre a été arbitrairement créé. Ils ne se trouvent pas dans la même région. Ils se trouvent dans deux régions distinctes.
De plus, cela fait des années que le commissaire représentant les travailleurs et travailleuses à la Commission de l’assurance-emploi du Canada recommande d’effectuer ce changement et nous dit que les fonctionnaires n’en ont jamais tenu compte. Pendant l’étude, sa frustration était évidente.
En réponse aux préoccupations exprimées par la sénatrice Ringuette, je dirai tout d’abord, comme l’a souligné la sénatrice Duncan, que ce n’est pas à nous de fixer les taux. Le gouvernement en général, et plus spécifiquement Emploi et Développement social Canada, peut choisir de fixer le taux qui lui semble approprié. C’est la responsabilité du gouvernement. Il l’a d’ailleurs fait récemment pour que les insulaires soient traités avec équité dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Le critère d’admissibilité a été fixé artificiellement à 420 heures assurables, quel que soit le taux de chômage réel. Cette mesure temporaire a toutefois pris fin le 24 septembre, et la province a de nouveau deux régions aux fins de l’assurance-emploi. Résultat : beaucoup de résidents de la région de Charlottetown n’ont pas accumulé les 700 heures assurables requises pour être admissibles à l’assurance-emploi.
Comme nous le savons tous, la province a plus que jamais besoin d’un climat de certitude après les bouleversements causés par Fiona au cours des deux dernières semaines. La situation actuelle exacerbe le sentiment d’insécurité.
Deuxièmement, s’il n’est pas question des taux dans le projet de loi S-236, c’est parce que cela pourrait entraîner des frais pour le Trésor. Le projet de loi nécessiterait alors une recommandation royale, ce qui n’est pas possible au Sénat. Cela serait toutefois possible à l’autre endroit, qui pourrait soit modifier le projet de loi, soit présenter une mesure visant à modifier la loi ou un projet de loi d’exécution du budget. Mais nous ne pouvons pas faire cela ici, au Sénat.
Ainsi, comme la sénatrice Duncan l’a indiqué, c’est pour cette raison que le projet de loi devrait être renvoyé à la Chambre des communes afin qu’elle puisse décider si elle veut laisser EDSC prendre les décisions concernant les taux et l’admissibilité ou, au besoin, proposer un amendement assorti d’une recommandation royale pour établir un tel taux.
Cependant, je ne crois pas que ce soit nécessaire. Comme l’a indiqué la sénatrice Ringuette, une étude plus approfondie en comité sénatorial ne changera pas cette situation. Le Sénat n’est pas en mesure de demander au gouvernement de fixer un taux qui nécessiterait une recommandation royale. Ce sont les représentants élus de l’autre endroit qui peuvent le faire.
Honorables collègues, c’est pour cette raison que je vous demande de prendre en considération mes observations. J’espère que vous déciderez de mettre le projet de loi S-236 aux voix aujourd’hui. Merci beaucoup.
Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Bien sûr.
Sénateur Deacon, je vous remercie de votre explication. Il aurait été intéressant que la marraine du projet de loi ait été en mesure de fournir une explication hier, ce qui nous aurait probablement évité de devoir en discuter aujourd’hui. Cependant, nous n’avons pas obtenu de telle explication hier.
J’ai une question à poser avant de demander l’ajournement du débat. On me dit que deux députés libéraux à la Chambre des communes ont des opinions diamétralement opposées à ce sujet. Tous deux sont de l’Île-du-Prince-Édouard. Si tous les insulaires veulent cette mesure, pourquoi ces deux députés ont-ils des opinions diamétralement opposées? Il y a là quelque chose que nous ne comprenons pas, je crois, mais je peux me tromper.
Je pense qu’il est bon que les députés d’un même parti politique puissent avoir des points de vue différents dans certains cas. Je considère que c’est un élément positif. La situation est inéquitable. En effet, certains en bénéficient d’une façon qui ne peut être justifiée. Le commissaire, lui, juge que la situation est injustifiable depuis un bon bout de temps et qu’elle pénalise certains travailleurs. Ces députés représentent brillamment leurs concitoyens.
Il est question ici de parvenir à un régime plus équitable pour une région très restreinte. Le changement n’était pas justifié et les explications fournies étaient inexactes. La commissaire des employeurs à la Commission de l’assurance-emploi du Canada le répète depuis plusieurs années déjà, mais sa recommandation reste toujours sans suite.
S’agit-il d’une question controversée sur le plan politique? Pourrait-elle être favorable à un politicien plutôt qu’à un autre? Peut-être, mais ce n’est pas la tâche qui nous incombe. Notre tâche consiste à tenter d’équilibrer une situation qui en désavantage certains.
Eh bien, je ne prendrai pas la peine de poser une autre question, puisque j’obtiens exactement les mêmes réponses qu’hier. Au lieu de répondre à une question très simple, on me donne une leçon de politique. Votre Honneur, vous avez posé une question simple hier et vous n’avez pas obtenu de réponse; je pose une question tout aussi simple aujourd’hui, en vain. Je ne suis pas sûr que la sénatrice Deacon pense la même chose que le sénateur Duncan au sujet de la période des questions. Vous ne répondez pas aux questions. Ce n’est pas la période des questions.
Quoi qu’il en soit, compte tenu de l’ambiguïté qui règne en ce moment, et étant donné la nature de certains des enjeux, certains d’entre nous aimeraient obtenir des renseignements que, de toute évidence, nous n’obtiendrons pas dans cette enceinte. Je ne sais pas au juste comment nous allons nous y prendre.
Je veux donner au Sénat l’assurance que le caucus conservateur ne cherche pas à retarder le projet de loi de quelque manière que ce soit, mais, comme nous serons en pause la semaine prochaine, je demande l’ajournement pour utiliser plus tard le reste de mon temps de parole. Nous reviendrons sur le sujet dans une semaine.
Sénateur Patterson, souhaitez-vous poser une question avant que nous proposions d’ajourner le débat?
Le sénateur C. Deacon accepte-t-il de répondre à une question?
Oui.
Sénateur Deacon, puisque le sénateur Plett soutient que la Chambre des communes a des préoccupations quant à ce projet de loi, convenez-vous qu’au lieu de tenter de répondre à ces préoccupations, il serait préférable de passer à la troisième lecture maintenant et de laisser la Chambre régler toutes les préoccupations qu’elle pourrait avoir quand le projet de loi y sera renvoyé?
Je ne sais pas comment répondre à la question parce que je n’aurais pu mieux m’exprimer. Nous pouvons seulement nous occuper des enjeux qui relèvent de notre responsabilité. Or, nous estimons avoir abordé au comité l’enjeu soulevé par la sénatrice Ringuette. Ce n’est pas vraiment un enjeu qui nous touche. S’il y a des désaccords à la Chambre des communes — et je suppose que c’est le cas parfois au sein d’un même parti, qu’il s’agisse du Parti libéral ou conservateur —, ce n’est pas à nous de les résoudre. Cela ne m’empêchera pas d’inviter mes collègues à mettre le projet de loi aux voix aujourd’hui. Merci beaucoup.