Aller au contenu

La Loi sur le droit d'auteur

Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Ajournement du débat

29 octobre 2024


Propose que le projet de loi C-244, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur (diagnostic, entretien et réparation), soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que parrain d’un projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi C-244, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur (diagnostic, entretien et réparation) ou, en d’autres termes, le projet de loi sur le « droit de réparer ».

Il s’agit de l’un des deux projets de loi qui modifient la Loi sur le droit d’auteur et qui sont actuellement étudiés à l’étape de la troisième lecture au Sénat. L’autre projet de loi est le C-294, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur (interopérabilité), dont le sénateur Housakos a parlé jeudi dernier en tant que parrain.

Tous deux portent sur des mesures techniques de protection, communément appelées « verrous numériques », que les entreprises utilisent pour, dans le cas du projet de loi C-294, empêcher des tiers d’accéder à des logiciels qui leur permettraient de choisir de se connecter à leur appareil, à leur équipement agricole, à leur automobile ou à un autre dispositif connexe dont ils sont propriétaires ou, dans le cas du projet de loi C-244, empêcher des tiers de diagnostiquer, d’entretenir ou de réparer tout dispositif dont ils sont propriétaires.

Comme l’a déclaré un représentant de la Direction de la politique du droit d’auteur et des marques de commerce d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada en répondant à une question lorsqu’il a comparu devant le comité : « Ces deux projets de loi se complètent très bien [et] s’inscri[vent] dans le même esprit. »

Vous m’entendrez parler du projet de loi C-294 en tant que porte-parole favorable au projet de loi plus tard dans la journée, mais je concentrerai le reste de mon discours sur le projet de loi C-244.

En février dernier, à l’étape de la deuxième lecture, je vous ai longuement parlé de l’objectif du projet de loi et de l’importance capitale d’établir un cadre pour le « droit de réparer » au Canada.

Dans mon discours, j’avais souligné les objectifs stratégiques du projet de loi, son importance pour l’économie canadienne et pour l’environnement et le large consensus à son sujet, même parmi les députés d’une Chambre des communes aussi divisée que celle d’aujourd’hui. Après avoir reçu quatre groupes de témoins plus tôt cet automne, mes collègues du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie pensent probablement comme moi.

Ce n’est pas d’hier que des gens réclament l’établissement d’un cadre pour le droit de réparer, un cadre qui existe déjà ailleurs dans le monde. Au niveau provincial, le Québec a également présenté un projet de loi à ce sujet, notamment en ce qui concerne l’obsolescence programmée.

Le droit de réparer répond à plusieurs frustrations des consommateurs et des petites entreprises qui estiment qu’il est trop souvent plus économique d’acheter un nouveau produit que de réparer un produit existant, principalement en raison de conséquences imprévues de l’application de la Loi sur le droit d’auteur. Les Canadiens finissent donc par payer plus pour leurs produits et ils les utilisent moins longtemps.

Selon une étude d’Équiterre, 91 % des Canadiens sondés ont indiqué avoir acheté un appareil ménager ou électronique au cours des deux dernières années et, parmi eux, 63 % ont affirmé que l’appareil en question s’était brisé; 19 % ont dit qu’ils l’avaient fait réparer. Cette situation se traduit par des profits accrus pour les grands fabricants mondiaux, par des coûts plus élevés pour les consommateurs canadiens et par une augmentation des émissions de gaz à effet de serre et des déchets envoyés dans les décharges du pays.

Chers collègues, selon l’Office de la propriété intellectuelle du Canada d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, l’objectif de la Loi sur le droit d’auteur est le suivant :

[...] servir l’intérêt public en encourageant la création et la diffusion d’œuvres artistiques et intellectuelles, et de permettre aux créateurs d’obtenir une juste récompense pour leurs créations.

Il s’agit d’une loi d’application générale.

Il y a plus de 20 ans, alors que la distribution de musique en ligne remplaçait nos chers disques compacts, cassettes et disques vinyle, le concept de mesure technique de protection, ou MTP, a été conçu et une modification à la Loi sur le droit d’auteur a été apportée pour empêcher la distribution d’œuvres créatives sans juste indemnisation des artistes par l’intermédiaire de programmes comme Napster. C’était logique.

Toutefois, depuis lors, la technologie numérique est devenue de plus en plus intégrée dans la quasi-totalité des appareils et des machines. Des avocats astucieux se sont approprié les mesures techniques de protection pour protéger tout ce qui contenait un logiciel.

Un représentant d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada a dit ceci au Comité des banques :

L’utilisation des MTP par les fabricants, de pair avec l’interdiction de contourner les MTP, réduit l’habileté que nous avions traditionnellement à réparer nos propres produits lorsqu’ils se brisaient. Il est maintenant clair que la Loi sur le droit d’auteur, plus spécifiquement le régime des MTP, peut représenter un obstacle pour les Canadiens qui veulent réparer leurs produits contenant des logiciels.

Les conséquences ont été désastreuses. L’utilisation involontaire des lois sur le droit d’auteur limite la concurrence et accroît le consumérisme au détriment de la qualité par rapport à la quantité, ce qui porte préjudice à nos portefeuilles et à l’environnement.

J’en ai longuement parlé dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture. Vous vous rappellerez peut-être que c’était le discours sur les électroménagers vert avocat. Je crois que ces appareils fonctionneraient encore aujourd’hui.

Je tiens simplement à parler de certaines des principales observations qui ont été formulées et de certaines des préoccupations qui ont été soulevées lors de l’étude au comité.

Premièrement, je me permets de préciser que le projet de loi prévoit une exception qui permet de contourner la Loi sur le droit d’auteur uniquement à des fins de diagnostic et d’entretien. Il ne modifie pas les protections de la propriété intellectuelle, notamment les protections du droit d’auteur et les accords en matière de garantie. C’est ce qui ressort clairement de plusieurs témoignages. Il est toujours illégal d’enfreindre la loi sur le droit d’auteur.

Deuxièmement, il est vrai que certaines industries bénéficieront plus de ce projet de loi que d’autres. Il n’est pas surprenant que les grands fabricants d’automobiles, les concessionnaires ou les fabricants d’équipement agricole risquent de perdre leur monopole en raison de cette modification.

Ces entreprises ont bénéficié d’une protection qui leur avait été accordée involontairement et qui a cimenté leurs profits pendant des années. Elles devront s’adapter aux réalités de marchés plus concurrentiels. Personnellement, cela me rassure.

Troisièmement, il est essentiel que le projet de loi ne fasse pas de distinction entre les industries. De nombreux groupes d’industries ont plaidé en faveur d’exclusions qui, par le passé, ont constitué des obstacles à toute forme de changement à cet égard. La Loi sur le droit d’auteur est une loi d’application générale qui s’applique à l’échelle fédérale. Un changement harmonieux à l’échelle fédérale contribuera à prévenir un ensemble disparate d’exceptions et à permettre une orientation cohérente pour les provinces.

Quatrièmement, il a été clairement établi que ces modifications à la Loi sur le droit d’auteur sont très peu susceptibles de causer des problèmes dans le cadre d’accords commerciaux existants, notamment l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, ou ACEUM. À ce jour, il n’y a pas eu de représailles précises dans d’autres pays en raison du droit de réparer, et, en fait, des dizaines d’États américains ont une certaine forme de législation sur le droit de réparer, comme c’est le cas dans les pays européens.

Des problèmes liés aux garanties et aux contrats peuvent survenir, peu importe les modifications apportées par le projet de loi C-244 et peu importe qu’une mesure technique de protection soit contournée ou non pour faciliter la réparation. Un amendement présenté au Comité de l’industrie et de la technologie de la Chambre des communes traitait également de tout problème potentiel à cet égard.

Cinquièmement, de nombreux groupes de défense représentant les fabricants d’appareils médicaux, diverses industries et les concepteurs de jeux vidéo — entre autres — ont exprimé leur inquiétude quant au fait que la suppression des mesures techniques de protection en vertu de la Loi sur le droit d’auteur entraînerait une baisse de la qualité et de la sécurité des produits. Chers collègues, les organismes fédéraux de réglementation ne devraient pas se servir de la Loi sur le droit d’auteur comme d’une béquille pour pallier l’absence de réglementation proactive visant à protéger les citoyens canadiens. Ils devraient constamment mettre à jour leur réglementation afin de gérer les risques pour les consommateurs et l’environnement. Plus précisément, ce projet de loi ne remplace pas la réglementation existante relative à des catégories spécifiques de produits. Cette réglementation reste inchangée, qu’elle concerne la sécurité, la santé, la conception, l’environnement ou d’autres objectifs.

Laissez-moi vous donner un exemple. Devant le comité, un représentant de Constructeurs mondiaux d’automobiles du Canada a fait la déclaration suivante :

Une ouverture générale sous le couvert du droit à la réparation ou au diagnostic permettra à davantage [de] personnes peu scrupuleuses d’accéder à ce logiciel, de le contourner et de faciliter le vol d’un véhicule [...]

Ce même témoin m’a également dit, lors d’un entretien à mon bureau, que les amendements proposés dans le projet de loi C-244 créent des risques qui augmenteront encore plus le nombre de vols de voitures au Canada, qui sont les plus élevés au monde. Cette affirmation est scandaleuse. Les seuls qui contournent actuellement les mesures techniques de protection au Canada sont les voleurs de voitures. C’est ainsi qu’ils réussissent à voler une voiture garée dans une entrée en seulement 30 secondes. Les criminels profitent donc du fait que les constructeurs automobiles mondiaux comptent sur les mesures techniques de protection pour empêcher le vol de votre voiture, malgré les preuves flagrantes de l’échec total de cette stratégie.

Les organismes de réglementation britanniques n’écoutent pas ce genre d’affirmations scandaleuses. L’émission Marketplace de la CBC a récemment comparé les caractéristiques des voitures vendues au Royaume-Uni avec celles des mêmes modèles vendus au Canada. Il est intéressant de noter que 6 des 10 modèles de véhicules les plus volés au Canada ne sont pas volés au Royaume-Uni. Les journalistes de Marketplace ont constaté que les modèles vendus au Royaume-Unis sont équipés de dispositifs de sécurité supplémentaires, ce qui n’est pas le cas pour les mêmes modèles vendus au Canada. Ces dispositifs additionnels font en sorte que les véhicules sont plus difficiles à voler. Pensons-y sérieusement : ce sont les mêmes fabricants et les mêmes modèles de véhicules. Ces constructeurs automobiles mondiaux choisissent de ne pas inclure des dispositifs de sécurité efficaces dans les modèles vendus au Canada, ce qui nuit aux consommateurs canadiens, à l’économie canadienne et met inutilement en danger les policiers et la population de notre pays. C’est le genre de choses qui me fait bouillir de colère.

Je remercie l’émission « Marketplace » de CBC d’avoir révélé cette histoire. Je vous encourage fortement à suivre cette émission et à regarder non seulement l’épisode de la semaine dernière, mais aussi tous les épisodes hebdomadaires. Ils parlent d’histoires fascinantes où des consommateurs ont été traités injustement.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucune préoccupation légitime. Par exemple, on peut soutenir que le secteur des jeux vidéo produit des œuvres de création sous la forme de logiciels, et qu’il est particulièrement vulnérable au piratage. Bien que les modifications apportées par le projet de loi C-244 ne changent pas le fait que le piratage est illégal, elles pourraient augmenter le fardeau de la preuve lors des litiges et intensifier la nécessité pour ce secteur d’innover afin de trouver de meilleures mesures et de meilleurs mécanismes de protection dans le futur.

Grâce à un mémoire présenté au Comité des banques et de mes rencontres avec Medtech Canada, j’ai constaté qu’il fallait sans l’ombre d’un doute s’attaquer également aux lacunes réglementaires liées aux fournisseurs de services et d’instruments médicaux indépendants. En effet, les entités de réglementation responsables des instruments médicaux doivent mettre à jour leur réglementation et, de toute évidence, ne devraient plus se fier à la Loi sur le droit d’auteur pour assurer la sécurité médicale. Plus précisément, les changements proposés dans le projet de loi C-244 exposent des lacunes du système de réglementation qui devraient être corrigées par les autorités compétentes. Santé Canada devrait envisager d’élargir la portée de son cadre réglementaire afin d’inclure la surveillance de tous les fournisseurs de services et d’instruments médicaux indépendants.

Chers collègues, comme je l’ai déjà dit, l’absence du droit de réparer a des répercussions sur les agriculteurs, les mécaniciens, les techniciens, les travailleurs de la construction, les ateliers de réparation d’appareils électroniques, les artisans et les propriétaires de toutes sortes de petites entreprises. Le projet de loi C-244 contribue à la réalisation d’une priorité du gouvernement et, par conséquent, il jouit du soutien du gouvernement et du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique.

Il ne s’agit que d’un élément dans un régime du droit de réparer au Canada. Comme l’a déclaré un fonctionnaire du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique au cours d’une audience du Comité des banques, du commerce et de l’économie, le projet de loi crée :

[...] une exception à l’interdiction de contourner les MTP dans la Loi sur le droit d’auteur. Cela n’élimine qu’un des nombreux obstacles qui pourraient empêcher la réparation de produits. Il faudrait plus que le projet de loi C-244 pour créer un droit positif à la réparation.

Les modifications proposées à la Loi sur le droit d’auteur sont des étapes importantes pour tenir compte des réalités du monde numérique et de l’ère des données. De concert avec les modifications à la Loi sur la concurrence apportées dans le projet de loi C-59, on est en train de développer un cadre fédéral pour le droit à la réparation, ce qui permettra aux organismes de réglementation fédéraux, provinciaux et territoriaux d’apporter les changements et les mesures de sécurité nécessaires pour le bien des Canadiens.

Je nous encourage à demander le vote sur ce projet de loi le plus tôt possible. Le Parlement se trouve dans une position délicate, et aucun projet de loi de ce genre n’a été adopté au cours des législatures précédentes. Je vous encourage donc, chers collègues, à faire avancer ces deux projets de loi aussi rapidement que possible dans l’intérêt des Canadiens.

Merci, chers collègues.

L’honorable David M. Wells [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-244, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur (diagnostic, entretien et réparation), dont je suis le porte-parole.

Je tiens à remercier les membres du Comité des banques pour leur travail sur le projet de loi et tous ceux qui s’intéressent à cette question et qui ont contribué à ce que nous en soyons là aujourd’hui.

Quand j’ai pris la parole à l’étape de la deuxième lecture, j’ai indiqué qu’en principe, je soutenais le projet de loi et qu’il était en harmonie avec les efforts déployés dans le monde en faveur du droit de réparer, notamment aux États-Unis, en Europe, en Australie et ailleurs. Il s’harmonise également avec d’autres mesures législatives au Canada, dont le projet de loi C-294 qui lui est apparenté, qui aborde la question de l’interopérabilité des pièces qui contrarie les agriculteurs, et que le Comité des banques a étudié en même temps que le projet de loi C-244. Il y a aussi le projet de loi 29 au Québec, le projet de loi 187 en Ontario et des mesures législatives qui ont été proposées dans d’autres provinces.

Des témoins ont dit au Comité des banques que le projet de loi C-244 constitue une pièce du casse-tête législatif qui est nécessaire pour résoudre le problème qui nous occupe, qui n’est pas, à mon avis, l’obsolescence programmée, même si c’est certainement la source du problème. J’y reviendrai.

À l’étape de la deuxième lecture, j’ai soulevé plusieurs questions et problèmes que le comité devait, selon moi, examiner, qui n’ont pas été correctement étudiés à l’autre endroit et qui inquiètent les opposants au projet de loi. Ces préoccupations comprennent notamment : les questions relatives à la violation des droits de propriété intellectuelle, qui sont à l’origine des mesures techniques de protection, ou MTP; des questions de sécurité et de responsabilité si les réparations ne sont pas effectuées correctement par des ateliers non agréés; la nécessité de respecter des normes de qualité et de rendement, telles que les exigences en matière d’émissions; des préoccupations en matière de sécurité pour les appareils, tels que les téléphones intelligents et les ordinateurs, qui stockent ou transmettent des données sensibles, l’inquiétude résidant essentiellement dans le fait que des réparations effectuées par des tiers pourraient entraîner des atteintes à la sécurité des données; l’argument de certains fabricants selon lequel le droit de réparer pourrait avoir un impact négatif sur leur modèle d’affaires, qui peut inclure des revenus provenant des services après-vente et des réparations; la question de la complexité de la technologie moderne, c’est-à-dire le fait que les appareils électroniques modernes sont souvent très complexes et nécessitent des connaissances et des outils spécialisés pour être réparés et que, sans la formation et l’équipement appropriés, les réparations pourraient être inefficaces ou endommager davantage l’appareil; et les préoccupations selon lesquelles les réparations effectuées en dehors du réseau du fabricant pourraient annuler les garanties ou ternir la réputation de la marque si les consommateurs associent la mauvaise qualité de la réparation au produit d’origine. Quelques-uns de ces problèmes sont plus ou moins les mêmes. La sécurité et la responsabilité, l’obligation de respecter des normes de rendement, les connaissances spécialisées et l’annulation de la garantie ne sont que quelques-uns des éléments qui sous-tendent la prétention selon laquelle « nous sommes les seuls à pouvoir le faire correctement, et si vous ne nous laissez pas le faire, il y aura de la pagaille ».

Pour rester poli.

J’ai été heureux de voir que le comité avait tenu compte de ces problèmes pendant son étude du projet de loi. Au cours des audiences, je n’ai pas été particulièrement convaincu par les arguments des opposants au projet de loi C-244 qui cherchaient à y apporter des amendements.

Lucas Malinowski, de Global Automakers of Canada, s’est inquiété de l’incidence du projet de loi sur les émissions et les exigences de sécurité et a demandé au comité de créer une exemption pour les véhicules. Il a déclaré :

À défaut, nous demandons au comité d’amender le projet de loi C-244 afin d’y inclure un mécanisme d’examen, à l’instar du processus triennal de réglementation aux États-Unis, et, au strict minimum, nous demandons au comité de formuler une observation sur la nécessité de veiller à ce que le gouvernement tienne compte des conséquences potentielles de ces modifications à la Loi sur le droit d’auteur sur la sécurité et les émissions des véhicules, et les systèmes de protection de la vie privée.

D’autres ont fait valoir que le comité devrait comprendre que leur industrie particulière était l’exception et qu’il fallait apporter au projet de loi un amendement répondant à leurs préoccupations « uniques et spécifiques ».

Craig Drury, de Vermeer Canada et de l’Associated Equipment Distributors, a fait valoir que son organisation :

[n’est pas favorable] à un accès illimité aux logiciels essentiels qui régissent la protection de l’environnement et la sécurité [...] Permettre l’accès à ces logiciels pourrait avoir des conséquences dangereuses. Il pourrait saper les contrôles d’émissions et désactiver les dispositifs de sécurité qui protègent les opérateurs et le public. Les personnes non qualifiées qui tenteraient de réparer des machines sophistiquées pourraient se mettre en danger et mettre d’autres personnes en danger.

Il a ajouté :

D’autres législateurs en Amérique du Nord ont examiné attentivement cette question et ont exempté les équipements lourds. Nous sommes très différents des produits de consommation courante tels que les téléphones et les réfrigérateurs. New York, la Californie, l’Oregon et le Minnesota ont exempté les équipements hors route.

Enfin, il a dit :

Le Parlement et votre comité doivent prendre le temps de bien faire les choses. Un amendement devrait être proposé à l’étape du comité afin d’envoyer un message clair aux provinces : l’exemption des véhicules hors route permettra de protéger les travailleurs, les communautés et l’environnement.

Dans la même veine, Christina De Toni de l’Association canadienne du logiciel de divertissement, a fait valoir ce qui suit :

[...] le projet de loi C-244 pourrait créer un contexte dans lequel le piratage, ainsi que la vente et le téléchargement illégaux de jeux vidéo augmenteraient au Canada, et exposerait le secteur au vol de contenu, porterait atteinte à la vie privée des joueurs et permettrait à des personnes mal intentionnées de modifier les consoles sous prétexte de les réparer.

Elle a ajouté :

Notre association estime que la loi fédérale ne doit pas adopter une approche uniforme, et nous recommandons que les consoles de jeux, les composants et les périphériques soient exclus du projet de loi.

Les témoins ont été questionnés longuement par mes collègues du comité, ce qui m’a amené à conclure que certaines de leurs préoccupations étaient peut-être exagérées, étant donné qu’il existe des dispositions de garantie qui pourraient donner à réfléchir aux consommateurs et aux réparateurs. En fait, dans la plupart des cas, pour effectuer le travail technique et souvent compliqué qui est requis, on fait appel à des professionnels qui détiennent un certificat portant la mention Sceau rouge. Ils ont autant intérêt que les fabricants à ce que les produits fonctionnent correctement et soient conformes aux règlements. Bien sûr, il y a des personnes malhonnêtes, qui ont des intentions malveillantes, mais c’est pour cette raison que les lois existent.

Cela dit, nous ne devrions pas minimiser les préoccupations de certains témoins. Je ne suis pas convaincu par le témoignage du parrain du projet de loi, le député Wilson Miao, qui affirme que nous ne devrions pas nous inquiéter parce qu’une mesure législative future règlera certaines de ces mises en garde. C’est loin d’être rassurant. Toutefois, ce débat me rappelle une chose que j’ai dite quand je suis intervenu au sujet du projet de loi S-269, qui portait sur la publicité sur les paris sportifs.

J’avais alors déclaré qu’en légalisant les paris sportifs, nous étions devenus victimes de la loi des conséquences imprévues, selon laquelle les actions des gens, surtout des gouvernements, ont toujours des effets imprévus ou involontaires. C’est pourquoi, dans la foulée de l’adoption du projet de loi C-218, la Loi sur le pari sportif sécuritaire et réglementé, nous nous retrouvons avec le projet de loi S-269 de la sénatrice Marty Deacon.

L’introduction des mesures techniques de protection dans la Loi sur la modernisation du droit d’auteur en 2012 est un exemple parfait de conséquences inattendues. Une mesure bien intentionnée et nécessaire pour répondre aux préoccupations en matière de propriété intellectuelle a eu toutes sortes de répercussions qui nous ont conduits là où nous en sommes aujourd’hui avec ce projet de loi. Il serait insensé de penser que les préoccupations de certains témoins, même si elles sont exagérées, n’ont absolument aucun fondement et ne devraient aucunement être prises en considération.

Au comité, la sénatrice Marshall a demandé expressément aux fonctionnaires du ministère s’ils avaient fait, dans le contexte du projet de loi, des recherches sur les conséquences involontaires, et on lui a répondu indirectement ce qui ressemblait à un non.

Le sénateur Massicotte a demandé quelle était la solution, puis il a répondu à sa propre question en proposant une révision quinquennale. Je crois qu’il est ressorti des témoignages que la révision était inhérente à la Loi sur le droit d’auteur. Cela explique peut-être pourquoi nous n’avons pas vu d’observation à ce sujet lors de l’examen article par article du projet de loi par le comité. Toutefois, quand j’examine la Loi sur le droit d’auteur et le libellé portant sur l’examen quinquennal, c’est un aspect qui demeure nébuleux pour moi.

L’article 92 de la Loi sur le droit d’auteur énonce ce qui suit :

Cinq ans après la date de l’entrée en vigueur du présent article et à intervalles de cinq ans par la suite, le comité du Sénat, de la Chambre des communes ou des deux chambres désigné ou constitué à cette fin entreprend l’examen de l’application de la présente loi.

Honorables collègues, on ne semble pas garantir qu’un examen quinquennal aura lieu, mais seulement qu’un comité de l’une des deux Chambres du Parlement, ou des deux, sera désigné pour effectuer un examen. Si on désigne un comité de la Chambre des communes, il se pourrait qu’on ne désigne pas un comité du Sénat.

Je ne suis pas satisfait de cette situation, étant donné que ce projet de loi a soulevé des préoccupations légitimes quant aux conséquences imprévues et qu’il n’y a eu aucun amendement ni observation de quelque nature que ce soit pour y répondre. Je suggère que le Comité sénatorial des banques entreprenne séparément son propre examen de cette question dans les prochaines années — mais pas plus tard que dans cinq ans — si le projet de loi C-244 reçoit la sanction royale. Le comité pourra alors convoquer de nouveau les témoins que nous avons déjà entendus et convoquer d’autres témoins, au besoin, pour voir quelles ont été les conséquences imprévues.

Je crois que le véritable problème auquel nous devons faire face n’est pas tant l’obsolescence programmée, qui existe depuis une centaine d’années et profite autant à l’industrie de la réparation qu’aux fabricants, mais plutôt les organisations qui se donnent le monopole de la réparation et n’ont donc pas à faire face à une concurrence qui pourrait avoir un effet sur les prix.

Le comité a appris que ces réparations peuvent être un élément essentiel de leur plan de revenus. C’est bien pour les fabricants, mais, comme nous le savons tous, la concurrence sur le marché mène non seulement à de meilleurs produits — et peut-être à moins d’obsolescence programmée —, mais aussi à de meilleurs prix pour les consommateurs. Et je pense qu’avec le projet de loi C-244, nous prendrons les mesures nécessaires pour y parvenir. Merci.

L’honorable Bernadette Clement [ + ]

Je propose l’ajournement du débat.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.

Haut de page