Projet de loi modifiant la Loi sur les poids et mesures, la Loi sur l'inspection de l'électricité et du gaz, le Règlement sur les poids et mesures et le Règlement sur l'inspection de l'électricité et du gaz
Deuxième lecture--Suite du débat
25 novembre 2025
Honorables sénateurs, les gouvernements de partout au Canada négligent trop souvent la tuyauterie qui sous-tend l’économie, c’est-à-dire les politiques, les règles, les règlements et les lois qui régissent le fonctionnement de l’économie. C’est décidément le cas à Ottawa, mais personne ne peut négliger indéfiniment la tuyauterie, car tôt ou tard, les toilettes vont refouler. C’est ce qui produit aujourd’hui : il y a du refoulement dans la tuyauterie des toilettes de l’économie canadienne.
Quand vous regardez le projet de loi S-3, vous ne voyez peut-être pas automatiquement un plombier métaphorique venu à notre secours collectif, mais c’est probablement parce que son nom n’inspire vraiment rien de particulier. En effet, le projet de loi S-3 a pour titre « Projet de loi modifiant la Loi sur les poids et mesures, la Loi sur l’inspection de l’électricité et du gaz, le Règlement sur les poids et mesures et le Règlement sur l’inspection de l’électricité et du gaz ». Cela dit, si vous le regardez de plus près, vous comprendrez pourquoi il est important.
Les mesures législatives comme celle-ci me rendent incroyablement heureux parce que — pour poursuivre la métaphore — cela signifie que les bureaucrates qui sont au cœur de l’administration fédérale s’inquiètent de l’état de la tuyauterie qui sous-tend l’économie du pays. Surtout, cela montre que, politiquement, le gouvernement a choisi d’accorder la priorité à la modernisation de la tuyauterie de notre économie. J’imagine qu’il y a des attachés politiques au moment où l’on se parle qui ne partagent pas mon enthousiasme. En un mot, le projet de loi S-3 montre que le gouvernement entend sérieusement s’attaquer aux éléments difficiles, lassants ou non politiques dont nous avons besoin pour remettre l’économie sur ses rails, mais qui n’ont pas de quoi constituer une annonce en bonne et due forme.
Pour bien illustrer pourquoi je trouve le projet de loi S-3 aussi important, j’aimerais vous ramener en juin 2022, soit pendant la dernière législature. Nous étudiions alors le projet de loi d’initiative ministérielle S-6. Il faut dire qu’il avait un nom plus accrocheur : Loi concernant la modernisation de la réglementation. Le Sénat a étudié le projet de loi S-6 il y a trois ans et demi, en 2022, et c’est à ce moment qu’il a compris à quel point la tuyauterie réglementaire est bouchée. Qu’il s’agisse de consultations ou autre, les travaux préparatoires à la présentation du projet de loi S-6 ont débuté à la fin de 2017. Ce texte législatif, même s’il a suscité l’enthousiasme du Sénat, n’a même pas été étudié par la Chambre, et il a fini par périr d’une mort aussi triste que solitaire, quand le Parlement a été prorogé.
Cependant, il convient de noter que lors de notre étude du projet de loi S-6 au Comité des banques, nous avons appris que la législation canadienne sur les compteurs électriques était complètement désuète et avait été rédigée de manière restrictive afin de réglementer uniquement les services publics d’électricité à intégration verticale. Elle n’a aucunement suivi l’évolution du marché et des technologies, comme l’avènement des réseaux électriques décentralisés ou la vente à grande échelle de véhicules électriques. En conséquence, au Canada, les bornes de recharge des véhicules électriques ne peuvent facturer — désolé, il y a une petite dispense dont je vais parler dans un instant — que le temps d’utilisation, et non la quantité d’électricité réellement utilisée. Ainsi, les propriétaires de véhicules électriques moins chers et dont la recharge est plus lente subventionnent l’électricité fournie aux propriétaires de véhicules électriques dont la recharge est plus rapide, car ils ne peuvent être facturés que pour la durée de la recharge, c’est-à-dire un prix à l’heure, et non pour l’électricité utilisée, c’est-à-dire un prix au kilowattheure.
Les gestionnaires de condos et d’appartements étaient donc dissuadés d’installer des bornes de recharge pour véhicules électriques dans leurs bâtiments puisqu’ils n’auraient pas été indemnisés pour l’électricité consommée. L’inaction sur le plan réglementaire rendait l’installation de compteurs aux fins de facturation dans des garages privés illogique du point de vue économique. Étonnamment, cela n’avait en fait aucune importance. Pourquoi? Parce que les compteurs servant à la facturation — qui sont très précis, fabriqués au Canada et utilisés dans le monde entier — ne répondaient pas aux spécifications réglementaires archaïques de Mesures Canada.
Même si la tuyauterie pour sous-tendre l’économie n’était pas en place, le gouvernement précédent a investi des milliards de dollars pour stimuler l’adoption des véhicules électriques. On estime que depuis 2016, plus de 4 milliards de dollars ont été dépensés en aide financière pour l’achat de véhicules électriques et de bornes de recharge. Malgré ces milliards, notre réglementation obsolète a freiné l’apport des forces du marché et des investisseurs privés. Au moment où le comité menait son étude en 2022, le Royaume-Uni décidait de mettre fin aux subventions pour les véhicules électriques, car ce pays a réussi à créer un marché pleinement fonctionnel et autonome. De son côté, le Canada a toutefois continué d’investir plusieurs milliards de dollars. J’en tire la leçon suivante : afin de catalyser les forces du marché et de réduire au minimum les dépenses des deniers publics à l’avenir, toute mesure incitative doit être alignée sur la réglementation et les pratiques d’approvisionnement — ou mieux encore, la réglementation et les pratiques d’approvisionnement doivent être alignées sur les subventions.
Il y a toutefois une bonne nouvelle dans cette histoire. Huit mois après notre étude, Mesures Canada a accordé une dispense spéciale pour que les excellentes bornes de recharge pour véhicules électriques fabriquées au Canada puissent facturer au kilowattheure, et non plus seulement à l’heure. Cela prouve peut-être que l’on accorde de la valeur aux débats réfléchis et pertinents du Sénat.
Le gouvernement a suspendu le programme d’incitatifs à l’achat de véhicules électriques. Si la décision était prise de relancer ce programme, j’espère qu’il sera restructuré de manière à catalyser les forces du marché plutôt qu’à les subventionner.
Voici ce que je tiens principalement à dire à mes collègues de la Chambre en ce moment, mais surtout à ceux qui siègent au comité chargé d’étudier le projet de loi S-3 : il faut certainement chercher des moyens d’améliorer ce projet de loi, mais il faut aussi féliciter le gouvernement d’avoir donné la priorité à la modernisation de la tuyauterie qui sous-tend l’économie du Canada et l’encourager à en faire beaucoup plus à cet égard. Cherchons des moyens de continuer à faire avancer ce dossier. Faisons comprendre aux décideurs politiques et aux centaines de milliers de fonctionnaires que le projet de loi S-3 doit être considéré comme la première, et non la dernière, de nos mesures visant à moderniser la tuyauterie de l’économie du Canada.
À cette fin, une approche qui pourrait s’avérer utile consiste à modifier la liste de contrôle utilisée à Ottawa pour identifier les questions pouvant faire l’objet d’une annonce officielle. Par exemple, bien avant toute discussion sur les dépenses, la première chose sur cette liste devrait être de veiller à ce que la tuyauterie de l’économie soit modernisée et capable de convertir les dépenses gouvernementales proposées en investissements qui stimulent une croissance économique durable.
Pour illustrer à quel point ce changement est nécessaire, considérez que le projet de loi S-3 propose des modifications à la Loi sur les poids et mesures. La dernière mise à jour de cette loi a été effectuée lorsque j’étais en 5e année. J’ai aujourd’hui 66 ans. La dernière mise à jour de la Loi sur l’inspection de l’électricité et du gaz a eu lieu peu après ma première année à l’Université de Guelph, où certains d’entre vous se souviennent peut-être que le doyen de la faculté d’agriculture m’avait invité à revoir mon engagement envers mes activités universitaires quelque peu limitées.
Bref, tant que le projet de loi S-3 ne sera pas adopté, nous continuerons d’être régis par un cadre législatif conçu pour un marché, un environnement et des technologies qui, dans bien trop de cas, n’existent plus ou sont obsolètes. Nous avons désespérément besoin d’une mise à jour de nos bases législatives. Ce n’est pas seulement pour enfin délaisser le monde analogique dépassé et embrasser la réalité numérique, mais pour bien d’autres raisons encore. Les modifications apportées par le projet de loi S-3 aideront assurément les entreprises dans d’innombrables secteurs. Je vous en présente quelques points saillants.
Premièrement, des permissions temporaires seront accordées en vertu de la Loi sur les poids et mesures pour permettre aux organisations d’introduire sans délai les nouvelles technologies sur le marché en attendant leur approbation, ce qui rendra le système plus souple. L’échantillonnage sera autorisé comme moyen d’examen des instruments aux termes de la Loi sur les poids et mesures, ce qui augmentera l’efficacité de la surveillance réglementaire. Des exemptions aux exigences contraignantes de la Loi sur l’inspection de l’électricité et du gaz seront accordées aux petites entreprises et aux entreprises saisonnières qui vendent de l’électricité et du gaz naturel. Des plans de contrôle préventif seront autorisés par les deux lois afin d’aider les entreprises à cerner et à contrôler les dangers et de les empêcher de se livrer à des activités non conformes. Diverses exigences administratives imposées aux entreprises et à d’autres organismes seront abrogées afin d’alléger le fardeau et de permettre l’adoption d’approches numériques pour assurer la conformité.
Le gouvernement se fait une priorité de mettre à jour les lois obsolètes. Je suis ravi qu’il ait donné la priorité à la tuyauterie qui sous-tend l’économie, qui, depuis 55 ans, n’avait pas suivi l’évolution du monde qui nous entoure. Or, cette loi est loin d’être la seule.
Je suis prêt à parier que le cabinet du ministre compte des conseillers politiques qui secouent encore la tête devant le fait qu’un projet de loi aussi ennuyeux soit considéré comme prioritaire dès le début du mandat de ce gouvernement. Si j’ai raison, j’espère qu’ils prendront le temps d’apprendre à célébrer ce travail vraiment important. Les travaux de tuyauterie de ce genre ne coûtent rien, mais contribuent à accroître les investissements des entreprises et à rétablir notre productivité. Qu’y a-t-il à redire?
Merci, chers collègues.