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Projet de loi de crédits no 3 pour 2020-2021

Troisième lecture

26 juin 2020


L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) [ - ]

Honorables sénateurs, nous sommes saisis du projet de loi C-19, Loi de crédits no 3 pour 2020-2021, qui vise à obtenir l’approbation de crédits additionnels de 6 milliards de dollars pour financer les activités du gouvernement.

Mis à part le fait que ces crédits comprennent 1,3 milliard de dollars de dépenses liées à la COVID, il n’y a rien d’inhabituel à ajouter 6 milliards de dollars de crédits au budget des dépenses du gouvernement. Le gouvernement a demandé des crédits supplémentaires, dans le Budget supplémentaire des dépenses (A), de 4,9 milliards de dollars l’an dernier, et de 8,1 milliards de dollars l’année précédente. La présente demande de crédits est comparable. Si on s’arrêtait ici, tout semblerait normal, mais c’est loin d’être le cas.

Au cours des 10 dernières années, les dépenses législatives inscrites au Budget supplémentaire des dépenses (A) se chiffraient en moyenne à 16 millions de dollars. Or, cette année, elles sont 160 fois supérieures et totalisent 80,9 milliards de dollars. Je précise que 80,8 milliards de dollars de ces dépenses sont liées à des mesures prises dans le cadre de la pandémie de COVID-19.

Ce sont là des dépenses législatives astronomiques inscrites au Budget supplémentaire des dépenses. Elles représentent près du tiers du budget annuel du gouvernement et ne correspondent qu’à la moitié des programmes d’aide que le gouvernement a mis en œuvre dans la foulée de la COVID. Ces chiffres illustrent clairement que la pandémie a eu des conséquences dévastatrices au Canada et que la situation n’est pas réglée.

La plupart des provinces ont amorcé la reprise depuis un certain temps, mais le Canada souffre toujours des répercussions de la COVID-19. Plus de 100 000 personnes ont contracté le virus au Canada et plus de 8 400 en sont mortes.

Le taux de mortalité au pays ne cesse d’augmenter et se situe actuellement à 8,3 %, soit le neuvième en importance au monde. Il est beaucoup plus élevé que celui des États-Unis, qui est en baisse et atteint actuellement 5 %.

Les mesures de confinement décrétées partout au pays ont atténué les effets de la pandémie sur la santé, mais elles ont aussi provoqué une crise économique nationale. De février à avril de cette année, 3 millions d’emplois ont disparu au pays, ce qui a fait grimper le taux de chômage à 13 %. Par ailleurs, 2,5 millions de Canadiens ont réussi à conserver leur emploi, mais ont vu leurs heures de travail diminuer de plus de 50 %. La COVID-19 a eu un impact considérable sur l’emploi de 5,5 millions de Canadiens.

Les répercussions de la crise ne se font pas sentir partout de la même façon. Certaines personnes et certains secteurs sont plus durement touchés que d’autres. Entre février et avril, le taux d’emploi chez les travailleurs à faible revenu a baissé de 38,1 %, comparativement à 12,7 % pour tous les autres employés.

Les pertes d’emplois ont été plus importantes chez les femmes que chez les hommes, et, maintenant, les hommes retournent au travail à un taux deux fois plus élevé que celui des femmes.

En avril, les exportations de marchandises ont chuté de 30 % et les importations ont diminué de 25 %. Les importations de véhicules à moteur et de pièces d’automobiles ont baissé de près de 80 % et représentent plus de la moitié de la diminution totale des importations canadiennes. Les exportations d’énergie se sont repliées de plus de 40 %, tandis que les importations d’énergie ont diminué de plus de 50 %.

Bien que les chiffres de l’emploi aient commencé à s’améliorer le mois dernier, nous sommes loin d’être sortis d’affaire. Même si certaines personnes ont repris le travail, notre taux de chômage a, en fait, encore augmenté en mai, passant de 13,0 % à 13,7 %, car davantage de Canadiens sont maintenant à la recherche d’un emploi.

Dans la population des étudiants de retour sur le marché du travail, le chômage était monté à 40,3 % le mois dernier. En outre, le ménage de plus d’un Canadien sur cinq déclare avoir des difficultés à remplir ses obligations financières immédiates : c’est une hausse par rapport au mois précédent.

Chers collègues, le Fonds monétaire international a averti que l’économie canadienne se rétracterait de 6,2 % cette année, sans compter que, selon l’OCDE, l’économie mondiale va connaître sa pire récession en cent ans.

Il est manifeste que, bien que les conséquences sanitaires de cette pandémie n’aient été qu’une fraction de ce qu’on nous avait dit qu’elles seraient, les difficultés économiques et budgétaires sont bien plus importantes que prévu et elles sont juste en train d’apparaître. Nous vivons à une époque qui est loin d’être normale, mais il n’y a pas que la pandémie de COVID qui rend cette période inhabituelle. Notre pays a reçu les coups les uns après les autres, ces derniers mois, du déchaînement de violence insensé en Nouvelle-Écosse au tollé soulevé dans tout le pays par le meurtre de George Floyd en passant par l’appel généralisé à agir contre le racisme systémique.

Il est pourtant alarmant de constater qu’au milieu de tout cela, le Canada se retrouve avec un gouvernement qui refuse de reprendre le travail même lorsqu’il est sécuritaire de le faire. Comme la sénatrice Marshall l’a dit dans son discours lundi, « Le gouvernement semble [...] souhaiter que tous les travailleurs retournent dans leur lieu de travail, à l’exception des parlementaires. »

Je ne parle pas du rappel de la totalité des députés et des sénateurs, mais plutôt du refus de reprendre des séances normales, qui pourraient avoir lieu d’une façon sécuritaire et responsable qui respecte les directives en matière de santé publique, comme ce que nous faisons ici aujourd’hui.

Il est absurde que le premier ministre puisse se joindre à des milliers de personnes sur la pelouse de la Colline du Parlement pour protester contre l’inaction de son propre gouvernement à l’endroit du racisme, mais qu’il ne puisse se résoudre à siéger à la Chambre des communes afin de diriger la nation alors qu’elle affronte une des pires tempêtes en 100 ans.

Depuis trois mois, les Canadiens doivent se font sermonner quotidiennement par le premier ministre. Debout devant Rideau Cottage il ne cesse de nous répéter que la science indique clairement que nous devons rester chez nous afin de protéger les plus vulnérables. Mais soudain, voilà qu’il balance toute cette science par la fenêtre afin de participer à une manifestation.

Je ne remets pas en question l’importance de cette manifestation, mais j’aimerais que le premier ministre accorde autant d’importance au Parlement qu’il en accorde à une séance de photos. Les Canadiens n’apprécient pas ce genre d’hypocrisie.

Il m’est impossible de compter le nombre de familles qui ont été privées de la possibilité de pleurer convenablement la perte d’un être cher pendant cette pandémie. Des mères, des pères, des grands-parents, des frères, des sœurs, des amis, des fils et des filles ont été portés à leur repos final sans un dernier adieu. Les cœurs de ceux qui les aimaient ont été brisés deux fois, une fois par la perte en tant que telle, et une autre fois par l’interdiction de pouvoir faire leurs adieux.

Et voilà qu’après avoir sermonné les Canadiens pendant des semaines pour s’assurer qu’ils respectent les règles de distanciation sociale — parce que pour vaincre cette pandémie, nous devons tous travailler ensemble —, le premier ministre a lui-même enfreint ces règles sans aucune excuse, allant même jusqu’à trimballer à ses côtés un photographe pour saisir le moment.

Chers collègues, même une membre estimée de cette enceinte s’est récemment vantée d’avoir enfreint les règles de distanciation sociale pour assister à un service commémoratif sur la côte Est.

Elle a déclaré : « Ce furent quelques heures très émouvantes où, malgré les exigences liées à la distanciation sociale, je n’ai pu résister à l’envie de serrer dans mes bras ... Je vais payer l’amende. »

Chers collègues, je suis certain que ce fut une cérémonie haute en émotions, et à juste titre. Nous avons assisté à bien des tragédies durant cette pandémie, et elles se sont toutes avérées particulièrement émouvantes. Cela dit, qu’est-ce qui confère à certains parlementaires le droit de prêcher un ensemble de règles, mais de vivre ensuite selon un autre ensemble de règles?

Personne n’a oublié le terrible massacre survenu en Nouvelle-Écosse quelques semaines plus tôt, où je rappelle que 22 personnes ont été tuées. Malgré cette tragédie dévastatrice, les règles de distanciation sociale n’ont pas été levées dans le but d’autoriser la tenue de funérailles. Au lieu de cela, les gens n’ont eu d’autre choix que d’assister à une veillée en ligne diffusée en direct dans tout le pays.

Il est difficile de vivre un deuil dans les meilleures circonstances. C’est encore plus difficile quand il n’y a personne pour vous étreindre.

Ne vous méprenez pas, c’est ce genre d’hypocrisie qui a pour effet de transformer le chagrin en colère, et la colère, en cynisme.

Comment pouvons-nous fermer les yeux sur ce comportement et prétendre que tout va bien, puis adopter un air surpris lorsque les gens commencent à se méfier du gouvernement et des personnes en position d’autorité? Je trouve cela ridicule.

Nous traversons une période hors de l’ordinaire. Nous sommes en pleine pandémie et nous subissons les ravages économiques qui découlent du confinement. Nous avons un premier ministre qui croit qu’il n’a pas à respecter les mêmes règles que les autres. Il refuse d’accorder la même priorité au Parlement qu’à une séance de photos. Il insiste sur le fait que nous devons continuer indéfiniment ainsi, sans surveillance et examen parlementaires appropriés, et sans obligation de rendre des comptes au Parlement. De plus, il fait de son mieux pour réduire le Parlement à une machine géante d’approbation automatique, et lorsque la machine géante refuse de donner son approbation aveuglément, il cherche simplement un moyen de la contourner et rejette la faute sur l’opposition.

Pensez à ce qui s’est passé il y a quelques semaines à peine. Le gouvernement a présenté un projet de loi omnibus comportant quatre parties qui visait à modifier quatre lois du Parlement, à limiter la portée d’une autre et à en promulguer une nouvelle. Le projet de loi aurait changé les critères d’admissibilité d’un programme gouvernemental de 45 milliards de dollars et accordé de vastes pouvoirs aux ministres, leur permettant de changer les délais judiciaires. Il aurait permis l’échange interplateforme de renseignements personnels d’un organisme gouvernemental à d’autres organismes. Il aurait modifié les critères d’admissibilité d’un autre programme gouvernemental de 60 milliards de dollars. Enfin, il aurait établi des sanctions pénales pour des infractions pour lesquelles on préférait fermer les yeux à peine quelques semaines plus tôt.

Pourtant, lorsque Pablo Rodriguez a présenté la mesure législative à la Chambre des communes, voici ce qu’il a dit :

Monsieur le Président, il y a eu des discussions entre les partis, et j’ose espérer qu’il y a consentement pour procéder comme suit. Je propose que, conformément à l’ordre adopté le 20 avril 2020, il soit disposé de la manière suivante du projet de loi C-17, Loi concernant certaines mesures additionnelles liées à la COVID-19: a) que l’étude à l’étape de la deuxième lecture en soit fixée à plus tard aujourd’hui; b) lorsque la Chambre entamera le débat sur la motion portant deuxième lecture du projet de loi, deux députés de chaque parti reconnu et un député du Parti vert puissent chacun prendre la parole sur ladite motion pendant au plus 20 minutes, suivies de 10 minutes pour les questions et observations, pourvu que les députés puissent partager leur temps de parole avec un autre député; à la fin de la période prévue pour ce débat ou lorsque plus aucun député ne se lèvera pour prendre la parole, selon la première éventualité, toute question nécessaire pour disposer de l’étape de la deuxième lecture soit mise aux voix sans plus ample débat ni amendement pourvu que, si un vote par appel nominal est demandé, il ne soit pas différé; c) si le projet de loi est adopté à l’étape de la deuxième lecture, il soit renvoyé à un comité plénier, réputé étudié en comité plénier, réputé avoir fait l’objet d’un rapport sans amendement, réputé adopté avec dissidence [à l’étape du rapport] et réputé lu une troisième fois et adopté [avec dissidence].

Chers collègues, c’est incroyable. Il voulait carrément faire disparaître le Parlement à coups de « réputé ». Tout cela devait être adopté au Parlement en un clin d’œil et avec un hochement de tête. Alors, Andrew Scheer a dit non, nous n’allons pas approuver ceci aveuglément. Cependant, parce que nous reconnaissons l’importance de ce projet de loi, nous sommes prêts à siéger demain et le lendemain et le surlendemain, s’il le faut, pour accomplir le travail. Le gouvernement a refusé, puis il a blâmé l’opposition d’avoir entravé ses plans. Il a ensuite décidé de laisser le projet de loi C-17 moisir au Feuilleton et il nous dit maintenant qu’il trouvera un autre moyen d’accomplir ce que le projet de loi devait accomplir.

Chers collègues, ce n’est rien d’autre que de l’arrogance de la part du gouvernement. Le projet de loi C-17 aurait pu être en vigueur à l’heure actuelle si le gouvernement avait eu l’intention de revenir au travail. Les Canadiens doivent maintenant attendre de voir quel stratagème créatif le gouvernement concoctera pour contourner la reddition de comptes et la procédure parlementaire.

C’est inacceptable. De nombreux changements prévus dans le projet de loi C-17 revêtent une importance capitale, à commencer par les dispositions qui modifient les critères d’admissibilité de la Subvention salariale d’urgence du Canada dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Le problème, c’est que ces changements ne sont pas suffisants. De plus, en excluant le Parlement du processus, le gouvernement élimine le rôle essentiel des débats dans l’élaboration des politiques publiques. C’est grâce aux débats qu’on découvre et qu’on rectifie les problèmes avant de mettre en œuvre les changements, plutôt que d’attendre que le mal soit déjà fait.

Nous nous retrouvons avec une politique à laquelle le gouvernement a apporté quelques changements, mais où les problèmes les plus graves n’ont pas été résolus. Par exemple, les entreprises qui rémunèrent leurs employés en leur versant des dividendes ne sont pas admissibles au programme de la Subvention salariale d’urgence du Canada. C’est un problème de taille pour les petites entreprises familiales, et il faut le régler.

Deuxième exemple, une entreprise dont les revenus n’ont pas chuté de 30 % n’est pas admissible au programme de subvention. Cela importe peu si ses revenus ont chuté de 29,995 %. Tant qu’elle n’atteint pas le pourcentage magique de 30 %, elle ne peut recevoir de l’aide. C’est une lacune importante, car, même si cela peut surprendre certaines personnes, les entreprises ont rarement une marge de profit de 30 % pouvant leur servir de coussin financier. Je sais que les socialistes du monde pensent que les propriétaires d’entreprise volent l’argent de la classe ouvrière pour se remplir les poches, mais la réalité économique est tout à fait différente.

En 2012, la marge bénéficiaire nette des petites entreprises s’établissait en moyenne à 7,1 %. Pour les entreprises de moyenne taille, elle n’était que de 3,7 %. Le gouvernement dit fondamentalement aux entreprises dont les revenus ont chuté de moins de 30 % : « Nous avons fait disparaître vos clients pendant 90 jours, mais nous aimerions que vous continuiez à payer vos employés et à garder votre entreprise en activité, même si vous devez pour cela vous endetter encore plus chaque mois. »

Combien de petites et moyennes entreprises ont les moyens de fonctionner ainsi, surtout en sachant que les affaires ne reprendront pas du jour au lendemain après la pandémie? Elles risquent donc de fonctionner à perte pendant des mois — voire des années — avant que leurs affaires retrouvent un bon rythme et que l’économie se rétablisse.

Si le gouvernement était prêt à écouter les Canadiens et les parlementaires, il constaterait que les correctifs nécessaires n’ont rien de compliqué. Le gouvernement choisit toutefois de rester sourd aux réalités économiques, allez savoir pourquoi.

Il est clair que le programme ne fonctionne pas selon les attentes, puisque le gouvernement a ramené les coûts prévus de 73 milliards de dollars à 45 milliards de dollars.

Chers collègues, c’est la première fois que je vois un gouvernement à ce point incompétent qu’il a du mal à donner de l’argent.

Le projet de loi C-17 devait modifier la Loi de l’impôt sur le revenu et la Loi sur les allocations spéciales pour enfants de manière à ce que l’Agence du revenu du Canada puisse échanger des renseignements avec d’autres ministères afin de faciliter le versement d’un paiement unique aux personnes handicapées. Personne n’y était opposé. Le gouvernement aurait pu présenter la mesure dans un projet de loi distinct qui aurait aussitôt obtenu l’appui unanime des deux Chambres du Parlement. Or, le problème, c’est que ceux qui ont eu la chance d’examiner le projet de loi avant que le gouvernement le mette de côté ont peut-être remarqué qu’on ne demande pas du tout au Parlement d’approuver ce paiement aux personnes handicapées; on demande plutôt l’approbation du Parlement pour permettre à l’Agence du revenu du Canada de communiquer de l’information sur la personne qui recevrait le paiement.

Cela signifie que le Parlement n’aurait aucune occasion d’étudier cette mesure. Si on lui en avait donné la chance, il aurait pu demander au gouvernement pourquoi il ne cible pas un peu mieux ses dépenses de manière à ce que l’argent soit versé à ceux qui en ont besoin et non à ceux qui n’en ont pas besoin.

À l’heure actuelle, on compte donner à tous ceux qui sont admissibles au crédit d’impôt pour personnes handicapées un paiement unique libre d’impôt d’un montant maximal de 600 $, peu importe leur revenu annuel. Que la personne gagne 18 000 $ ou 218 000 $ par année, elle recevra quand même le paiement libre d’impôt si elle a un certificat pour le crédit d’impôt pour personnes handicapées.

Pire encore, moins de la moitié des 2,7 millions de Canadiens gravement ou très gravement handicapés seront admissibles au crédit d’impôt. Dans le cadre de cette initiative, des personnes riches recevront des chèques de 600 $ dont elles n’ont pas besoin, alors que les membres les plus pauvres et vulnérables de notre société seront laissés pour compte. Il y a quelque chose qui cloche là-dedans, mais nous ne pouvons rien faire parce que le gouvernement a décidé de contourner le Parlement et de parvenir à ses fins d’une autre manière.

Le gouvernement offre aussi un paiement non imposable à toutes les personnes qui ont droit à la Sécurité de la vieillesse. Cette façon d’agir est incompréhensible. Généralement, le programme de la Sécurité de la vieillesse est fondé sur le revenu de sorte que les gens à revenu élevé n’en bénéficient pas, mais le gouvernement a décidé de ne pas tenir compte de ce critère et de verser un montant non imposable de 300 $ à 6,5 millions d’aînés, peu importe leur revenu annuel.

Selon les statistiques sur le revenu de l’Agence du revenu du Canada, cela signifie que plus de 166 millions de dollars seront versés à des Canadiens gagnant plus de 80 000 $ par an, et que plus de 41 millions de dollars seront versés à des aînés gagnant plus de 150 000 $ par an.

Suis-je la seule personne à qui cela pose problème?

Nous sommes en pleine crise économique et le gouvernement distribue des millions de dollars à l’aveuglette, à des personnes qui n’en ont pas besoin. Pourtant, il n’a versé que 8 millions de dollars pour appuyer Jeunesse, J’écoute, 29 millions de dollars pour venir en aide aux femmes et aux filles autochtones qui fuient la violence et 50 millions de dollars pour soutenir les refuges pour femmes et les centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle.

Cela défie toute logique, mais c’est ainsi que fonctionne le gouvernement libéral.

Chers collègues, le projet de loi C-17 aurait créé des pénalités pour toute personne qui aurait fraudé le programme de la Prestation canadienne d’urgence. Voilà qui est sensé. On ne devrait jamais demander aux contribuables d’aider financièrement quiconque est en mesure de travailler, mais qui refuse de le faire même si des emplois sont disponibles. Il faut tenir responsables tous ceux qui trichent pour toucher un avantage auquel ils n’ont pas droit. Il n’y a rien de curieux là-dedans; ce qui est curieux, c’est que le gouvernement n’y ait pas pensé initialement.

Il y a quelques semaines seulement, des employés fédéraux qui traitent des demandes de Prestation canadienne d’urgence ont reçu pour directive de fermer les yeux sur les cas possibles de fraude, et ce, malgré le fait que des rumeurs de fraudes couraient déjà.

Lorsqu’on l’a interrogé à ce sujet, le premier ministre a simplement balayé la question du revers de la main et laissé entendre qu’on attraperait les fraudeurs à un moment qui conviendrait mieux. C’est un peu comme si on annonçait que les portes du coffre-fort de la banque avaient été laissées ouvertes et qu’on rassurait les actionnaires en leur disant qu’un suivi serait fait en cas de vol. Ce n’est pas très brillant ni rassurant.

Il y a des gens qui chercheront à profiter d’une telle situation, et certains seront peut-être assez futés pour effacer leurs traces afin d’empêcher le gouvernement de les retracer plus tard pour récupérer l’argent.

Tout à coup, le premier ministre veut fermer la porte qui, selon ce qu’il affirmait auparavant, devait pourtant absolument demeurer ouverte. C’est comme s’il venait de réaliser qu’une menace pourrait venir du crime organisé et qu’il devait intervenir de toute urgence.

Or, l’Agence du revenu du Canada connaît l’existence de cette menace depuis quelque temps déjà. En mai, les fonctionnaires de l’agence ont affirmé devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales avoir mis en place des systèmes permettant de relever les fraudes potentielles, notamment lorsque différents comptes bancaires ont des numéros qui se suivent. Apparemment, l’utilisation de numéros de compte consécutifs soulève des doutes chez tout le monde, mais pas chez le premier ministre. Plutôt que d’agir promptement pour que tous sachent que ce genre de fraude ne serait pas toléré, il a choisi d’en minimiser l’importance et a affirmé ceci :

Nous voulions aider les 99 % de Canadiens qui avaient un urgent besoin d’aide, même si cela signifiait qu’il faudrait accepter 1 ou 2 % de demandes frauduleuses; c’est un choix que nous étions tout à fait prêts à assumer.

Monsieur le premier ministre, 2 % de 60 milliards de dollars, c’est 1,2 milliard de dollars et si un tel montant vous laisse indifférent, peut-être serait-il temps que vous vous trouviez une nouvelle vocation.

Chers collègues, ne nous leurrons pas : le gouvernement a écarté le Parlement, et le projet de loi dont nous sommes saisis le montre clairement, notamment quand on voit ce qui n’y figure pas. Comme il n’y est question ni du paiement aux personnes handicapées ni du paiement aux aînés, le Parlement ne peut se pencher sur ces questions.

Le gouvernement a promis 453 millions de dollars pour soutenir les agriculteurs, les entreprises alimentaires et l’approvisionnement alimentaire du Canada, mais seulement 15 millions de dollars sont prévus à ce titre dans le projet de loi C-19. Or, comme 113 millions de dollars supplémentaires avaient été inscrits dans le Budget supplémentaire des dépenses en tant que dépenses législatives, il manque encore 326 millions de dollars à allouer.

Le gouvernement a promis 29 millions de dollars pour protéger et soutenir les femmes et les filles autochtones qui fuient la violence, mais ce projet de loi de crédits ne prévoit rien à ce titre. Le montant total de cette aide n’a toujours pas été fixé.

Le gouvernement a promis 3 milliards de dollars aux provinces afin de bonifier le salaire des travailleurs essentiels pendant la pandémie. Une fois de plus, le directeur parlementaire du budget a constaté que le montant total demeure imprécis et que, à ce jour, pas un seul dollar n’a été alloué.

Lors de son passage au Sénat, mardi, le ministre des Finances a refusé de nous donner des informations sur l’état des finances nationales. Hier, je lui ai écrit, comme il m’avait suggéré de le faire, pour lui redemander cette information. J’ai souligné que nous devrions recevoir ces renseignements avant de voter sur ce projet de loi aujourd’hui. Je lui ai posé les mêmes questions que j’ai posées dans cette enceinte. Je lui a demandé à combien s’élève la dette du gouvernement du Canada, y compris des sociétés d’État. J’ai aussi réclamé une ventilation, en pourcentage, des sommes dues aux créanciers : Banque du Canada, entités et particuliers canadiens et étrangers. Pour les créanciers étrangers, j’ai demandé qu’il fournisse, si possible, une ventilation par pays ou région.

Le sénateur Housakos [ - ]

Pourquoi le ministre des Finances serait-il au courant de ces détails?

Le sénateur Plett [ - ]

Quelle part de la dette doit être remboursée sur cinq ans ou plus? Combien d’entreprises ont demandé le Crédit d’urgence pour les grands employeurs?

La réponse du ministre a été la même que celle qu’il nous a donnée dans cette enceinte : un silence gêné.

Chers collègues, le ministre des Finances demande aux parlementaires d’approuver des dépenses supplémentaires qui vont assurément augmenter la dette nationale alors qu’il ne peut pas ou ne veut pas nous donner l’information dont nous avons besoin pour prendre cette décision de manière éclairée et responsable. Quelle arrogance! Si le conseil d’administration d’une grande société prenait les décisions financières de cette façon, on n’hésiterait pas à dire qu’il manque à ses obligations fiduciaires. Or, c’est exactement ce que le gouvernement attend du Sénat.

Chers collègues, ce n’est pas acceptable. J’ai du mal à comprendre ceux qui pensent que nous devrions simplement ne pas en demander plus au gouvernement cette fois-ci.

Hier, notre collègue le sénateur Woo a demandé à la sénatrice Martin quel niveau de déficit l’opposition conservatrice jugerait acceptable. Il semblait laisser entendre que nous étions un peu trop sévères à l’endroit du gouvernement.

Eh bien, sénateur Woo, lorsque le ministre des Finances refuse de nous fournir des renseignements de base au sujet de la situation financière du pays, comment diable pouvons-nous déterminer ce qui constitue une quantité acceptable de dépenses excessives?

C’est dommage que le sénateur n’interroge pas le ministre des Finances au sujet du déficit avec le même enthousiasme qu’il a affiché lorsqu’il a posé le même genre de question à la sénatrice Martin.

Chers collègues, le caucus conservateur au Sénat ne tentera pas de bloquer le projet de loi C-19, même s’il est loin d’être parfait. Le financement qu’il prévoit est nécessaire pour continuer à fournir sans interruption les programmes et les services gouvernementaux sur lesquels comptent les Canadiens.

Toutefois, nous demeurons vivement préoccupés par l’attitude méprisante du premier ministre à l’égard du rôle du Parlement et par l’indifférence qu’il affiche quant à la nécessité d’une surveillance et d’une reddition de compte adéquates.

Le premier ministre refuse de nous fournir des informations essentielles sur la situation actuelle et, manifestement, il ne sait absolument pas comment il s’y prendra pour sortir le Canada de l’endettement dans lequel il ne cesse de l’enfoncer.

Nous nous inquiétons non seulement de la situation du pays aujourd’hui, mais aussi des problèmes financiers que nous léguons à nos enfants, à nos petits-enfants et à nos arrière-petits-enfants.

Nul besoin de rappeler au Sénat que le directeur parlementaire du budget, avant même le début de la pandémie, nous avait prévenus à maintes reprises que les dettes provinciales et territoriales étaient déjà non viables.

Peu importe l’ordre de gouvernement dont il est question, il n’y a qu’un seul contribuable. De plus, l’endettement des ménages a atteint un taux record et la dette publique a subi une hausse vertigineuse et alarmante.

Ajoutez à cela le fait troublant que le nombre de travailleurs diminue tandis que le nombre de personnes âgées augmente et vous commencerez tout juste à avoir une idée des défis financiers qui nous attendent.

Chers collègues, nous vivons une crise nationale sans précédent de notre vivant et les décisions prises par le gouvernement au cours de cette période se répercuteront pendant des décennies.

Aujourd’hui, je demande au premier ministre de mettre de côté la petite politique et de commencer à travailler en collégialité avec ses collègues parlementaires.

Ce n’est pas le moment de limiter les séances du Parlement et de le priver de son pouvoir d’étudier les projets de loi d’un gouvernement minoritaire, d’en débattre et de les amender. C’est le moment, chers collègues, de travailler ensemble pour assurer un avenir brillant et durable tant pour notre génération que pour les générations à venir.

L’honorable Pierrette Ringuette (Son Honneur la Présidente suppléante) [ - ]

Sénateur Gold, avez-vous une question?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) [ - ]

Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Son Honneur la Présidente suppléante [ - ]

Acceptez-vous de répondre à une question?

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) [ - ]

Certainement.

Le sénateur Gold [ - ]

Je vous remercie pour ce discours. Sénateur, vous vous êtes surtout attardé à des questions qui ne sont pas vraiment à l’ordre du jour — le projet de loi C-17 et d’autres sujets — et vous vous êtes très peu penché sur le projet de loi dont nous sommes saisis. Le gouvernement apprécie votre appui pour l’adoption de ce projet de loi, bien entendu, tout comme la population canadienne. Mais la plupart de vos remarques portent sur l’approche parlementaire choisie par le gouvernement en ces temps de crise.

Comme le savent les sénateurs, la Chambre des lords est passée à un modèle hybride au début du mois. Pourtant, la Chambre des lords et le système de Westminster sont souvent invoqués dans cette enceinte comme une raison de maintenir le statu quo.

Sénateur Plett, pourquoi vous opposez-vous à cette idée d’effectuer une transition vers un Parlement hybride ou virtuel, ce qui permettrait aux parlementaires de siéger régulièrement durant la pandémie?

Le sénateur Plett [ - ]

Sénateur Gold, vous me posez enfin une question. Je vais tenter de répondre de la même façon que vous le faites. Sur ce, permettez-moi de m’asseoir.

Sénateur Gold, chacun d’entre nous a participé à des appels sur Zoom et sur Teams. Les gens habitent dans les différentes régions de notre vaste et magnifique pays. Nous devons tous composer avec un service Internet intermittent. Nous avons un service Internet ici aujourd’hui. Nous l’avons eu pendant tout l’avant-midi, de même que pendant toute la journée d’hier. Le service est différent dans les diverses régions du pays — le sénateur Patterson, qui vit au Nunavut, la sénatrice Anderson et même moi, qui vis à l’extérieur de Winnipeg, pouvons en témoigner —, et nous souhaitons mener les affaires du pays de cette façon? L’autre jour, un ministre a vu la communication être coupée alors qu’il participait à un appel sur des questions sociales ou financières. Le ministre n’a pas pu répondre aux questions.

Les séances de ce genre conviendraient parfaitement au gouvernement. En effet, lorsque les participants ne peuvent plus communiquer ensemble, le gouvernement pourrait simplement dire que ses propositions ont été adoptées puisque personne ne s’y est opposé.

Sénateur Gold, nous siégeons ici de manière très raisonnable. Nous prenons soin les uns des autres et nous nous faisons tester. Je ne pense pas que notre situation pose problème. C’est la formule préconisée par l’opposition conservatrice.

Nous devons effectuer une surveillance adéquate. Nous ne pouvons pas le faire en restant assis dans nos sous-sols et nos bureaux. Nous ne pouvons pas parler à nos collègues. Nous n’avons pas notre personnel avec nous. Outre le fait que nous avons un service Internet qui laisse fortement à désirer et qui ne sera jamais au point, du moins pas avant que vous ou moi ne quittions le Sénat, il existe un million de raisons d’être sur place. C’est ici que nous devrions être. Ceux qui ne veulent pas être ici... Il y en a beaucoup qui ne peuvent pas être ici aujourd’hui, mais qui aimeraient l’être. Les membres de notre caucus aimeraient certainement être ici, mais ils ne le peuvent pas. Il y a des membres de tous les autres caucus et d’autres groupes qui auraient vraiment souhaité être ici.

Ce qui me dérange, ce sont les personnes qui ne veulent pas être ici. Ils devraient changer de métier. C’est ici que l’on débat des affaires du pays depuis 153 ans. Cette approche nous a bien servi. Je suis surpris de voir jusqu’à quel point le gouvernement peut être sélectif lorsque vient le temps de s’inspirer de ce qui se fait ailleurs. Il retient ce qui fait son affaire, mais pas le reste. Voilà ce qu’il fait.

La Chambre des lords n’a pas encore prouvé que cette approche est efficace; je suggère donc d’attendre. Revenons au Parlement. Faisons notre travail. Si l’autre approche fonctionne, tant mieux. Nous étudierons l’option plus tard, mais maintenant, ce n’est pas le moment.

Le sénateur Gold [ - ]

J’aimerais savoir pourquoi vous vous opposez à un système hybride qui prévoit la présence sécuritaire des parlementaires à la Chambre, mais aussi la possibilité, pour ceux qui ne peuvent être présents pour des motifs de santé personnelle ou de santé publique, de participer de manière virtuelle. Tant que les préoccupations en matière de santé publique nécessitent que nous adoptions des mesures de distanciation physique pour nous protéger et protéger le personnel, tenir des séances hybrides du Sénat est la seule façon sûre de procéder.

À voir votre réticence, sénateur Plett, devrais-je en conclure que vous ne croyez pas que la distanciation physique permet de réduire les risques de transmission du virus?

Le sénateur Plett [ - ]

Premièrement, c’est vraiment injuste comme déclaration. Bien entendu que je crois en l’importance de la distanciation physique. Si je ne m’approche pas de vous, je ne risque pas de vous transmettre la grippe si j’ai la grippe, ou toute autre maladie d’ailleurs. Cela vaut pour tout le monde.

Nous sommes à la fin de la pandémie, et oui, il pourrait y avoir une deuxième vague. Nous n’en sommes pas certains. Il pourrait y en avoir une. Cela dit, à mon avis — et c’est mon avis —, nous sommes à la fin de la pandémie, mais nous nous préparons quand même à la possibilité de tenir des séances hybrides en septembre.

Je préférerais travailler à éradiquer cette maladie avant la fin de septembre. Pourquoi devrions-nous déjà supposer qu’il faudra tenir des séances hybrides à la fin de septembre? Voilà l’attitude d’un gouvernement qui ne souhaite pas être à Ottawa, au Parlement. Il se prépare à tenir des séances que tous espèrent inutiles.

L’honorable Denise Batters [ - ]

Est-ce que le sénateur Plett accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Plett [ - ]

Certainement.

La sénatrice Batters [ - ]

La Chambre des communes, quand elle examinait la possibilité de siéger virtuellement, a produit un rapport il y a seulement quelques semaines. Ce dernier portait uniquement sur l’aspect du personnel et du nombre d’employés devant être présents pour tenir une séance virtuelle.

Sénateur Plett, pourriez-vous me dire si vous saviez que, dans le rapport de la Chambre des communes, il est indiqué que peu importe la nature de la séance virtuelle, même les séances hybrides, il faut deux fois plus d’employés pour qu’une séance virtuelle se déroule comme une séance régulière du Parlement.

Le sénateur Plett [ - ]

Merci, sénatrice Batters. Je n’ai pas lu le rapport, mais je vous remercie beaucoup de cette information. Je sais que même pour nos séances de comité, on me dit souvent — je préside le Sous-comité sur la Vision et le Plan à long terme — combien d’employés sont requis pour réunir virtuellement les membres du comité. Je ne peux que m’imaginer le nombre d’employés nécessaires pour le déroulement d’une séance hybride ou virtuelle. Le nombre serait beaucoup plus élevé. Merci.

J’aimerais clarifier une chose. Je pense aux questions du sénateur Gold et à l’expression qu’il a utilisée, le « refus de retourner au travail », pour parler des parlementaires qui refusent de revenir travailler. Bien sûr, d’une certaine façon, je dirais que nous n’avons jamais cessé de travailler. Nous pouvons en débattre, mais le travail dont vous parlez, c’est siéger à la Chambre et travailler tous ensemble. C’est ce que j’essaie de tirer au clair.

Ce matin, je crois que je vous ai entendu dire qu’il ne s’agit pas tant de ce à quoi ressembleront les séances, mais que vous aviez connaissance de parlementaires qui ne veulent pas revenir au travail. Je crois que c’est ce que vous avez dit. Est-ce exact? Ils ne veulent pas être ici?

Le sénateur Plett [ - ]

Eh bien, madame la sénatrice, je ne pense pas avoir dit cela, mais j’ai reçu des courriels de sénateurs me disant qu’ils reviendraient au travail seulement sous certaines conditions. Je crois fermement qu’avant chacune des séances du Sénat — celle-ci, par exemple —, lorsqu’une méthode de dépistage aura été mise au point — je sais que l’on procède encore au perfectionnement de cette méthode —, tous les sénateurs devraient se faire tester avant de mettre les pieds dans cette enceinte. Nous aurions même pu envisager de le faire avant une séance comme celle d’aujourd’hui. Je ne veux pas me présenter ici si je suis porteur de la maladie et je ne veux pas être en présence de sénateurs malades non plus.

C’est toutefois inacceptable pour un sénateur de se contenter de dire qu’il ne viendra pas travailler pour une raison quelconque, car c’est pour faire ce travail que l’on nous paie, madame la sénatrice. Vous avez absolument raison de dire que beaucoup d’entre nous n’ont jamais cessé de travailler. Au cours des derniers mois, j’ai participé à des téléconférences Zoom à toute heure de la journée, à raison de sans doute cinq, six ou même sept heures par jour en moyenne. Je trouve que c’est même plus pénible de le faire à distance que sur place, car nous arrivons au Sénat à 13 h 30 ou à 14 heures et nous ajournons à la fin de la séance, parfois à 21 h 30, comme c’était le cas hier, ou même à minuit, lorsqu’il y a des sénateurs désobligeants qui refusent de ne pas tenir compte de l’heure, ce genre de choses. Les séances sont plus longues, c’est compréhensible, mais il y a un délai déterminé pour travailler.

Je trouve décidément plus difficile de travailler de chez moi. Même si nous osons aller au chalet et y passer beaucoup de temps, comme le fait le premier ministre, travailler de cet endroit est franchement à vrai dire aussi difficile, sinon plus difficile, que d’être ici.

Je respecte les sénateurs qui ont des craintes. Je les respecte vraiment. Peut-être que je n’ai moi-même pas assez de craintes et que je devrais en avoir davantage. Je veux respecter les gens qui ont des craintes. Cela dit, il m’apparaît essentiel de mettre au point notre système de dépistage pour que le problème ne se pose plus.

Ne croyez-vous donc pas, honorable sénateur, qu’il serait bon d’examiner les options qui pourraient être disponibles pour le mois de septembre, en tenant compte des nouvelles qui nous viennent de l’OMS et des responsables de la santé, sans oublier le risque d’une possible recrudescence des cas? Nous envisageons divers modèles, dont un modèle hybride. Je tente de comprendre la solution que vous envisagez actuellement pour la séance du 22 septembre et d’y être sensible.

Le sénateur Plett [ - ]

Pour être juste, madame la sénatrice, je crois que je viens de répondre à la question. Je suis d’avis qu’il faut perfectionner notre système de dépistage. Étant donné le nombre de personnes qui travaillent dans ce dossier, nous devrions sans doute l’avoir perfectionné d’ici septembre.

Vous dites qu’il pourrait y avoir une recrudescence de cas. L’OMS affirme la même chose. Pensons aux autres décisions prises par l’OMS. Un jour, on nous dit que le port du masque est inutile et, le lendemain, il faut porter le masque. Le premier ministre a déclaré qu’il est raciste de fermer les frontières et, le lendemain, il fait fermer les frontières. Il faudrait faire preuve d’un peu de cohérence. Je suis prêt à écouter.

Non, je ne crois pas qu’il faille tenir des séances hybrides ou virtuelles si ce n’est pas nécessaire.

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) [ - ]

Est-ce que mon honorable collègue accepterait de répondre à une autre question?

Le sénateur Plett [ - ]

Oui.

La sénatrice Gagné [ - ]

J’aimerais poser des questions par rapport au projet de loi C-19. Je n’ai pas entendu beaucoup de choses dans votre discours qui ont trait au projet de loi. Une des choses que j’ai entendues en écoutant votre discours, c’est qu’il y a énormément d’éléments manquants que vous avez identifiés dans ce projet de loi, où vous dites qu’il y a un manque d’investissements.

Donc, si l’on additionnait tous les éléments manquants que vous avez identifiés dans votre discours par rapport aux dépenses supplémentaires, de combien de milliards le déficit augmenterait-il, à votre avis?

Le sénateur Plett [ - ]

Pour être juste, madame la sénatrice, le jour où le ministre des Finances pourra indiquer le montant actuel du déficit, je dirai à combien devrait se chiffrer le déficit, à mon avis. Cependant, tant qu’il n’aura pas la capacité, avec ses 800 employés, de répondre à la question qu’il m’a posée l’autre jour — vous étiez d’ailleurs présente, madame la sénatrice. Ici, dans cette enceinte, il a déclaré qu’il aurait été mieux préparé si seulement j’avais communiqué avec son cabinet. J’ai communiqué avec son cabinet et j’attends toujours une réponse.

Le jour où il me répondra, j’ajouterai ce montant au déficit. J’ignore le montant actuel du déficit. Lui-même ignore le montant actuel du déficit.

La sénatrice Gagné [ - ]

C’était plutôt par rapport aux coûts, aux dépenses associées aux éléments que vous avez identifiés et qui, selon vous, ne figuraient pas dans les dépenses sur le plan des investissements.

Le sénateur Plett [ - ]

Je répète ce que j’ai dit. Envoyez cela à mon bureau. Je demanderai à mon personnel de se pencher là-dessus, et nous allons peut-être vous répondre.

L’honorable Julie Miville-Dechêne [ - ]

Monsieur le leader de l’opposition, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Plett [ - ]

Oui.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Sénateur Plett, je ne peux pas faire autrement que de voir une énorme contradiction dans votre discours et dans celui du sénateur Housakos depuis hier. Vous dites que nous n’avons pas assez siégé. Je suis tout à fait d’accord avec vous; j’aurais voulu que nous siégions davantage en juin. Je pense que notre rôle est de siéger.

Vous dites et vous répétez que nous ne siégeons pas suffisamment. On vous présente une solution hybride qui permettrait à la fois à vous, sénateur Plett, et à ceux qui sont capables d’être ici de l’être, mais qui le permettrait également à nos collègues qui sont privés de leur capacité de participer, des collègues qui sont peut-être plus âgés ou qui ont des difficultés de santé. À mon avis, il y a là d’abord une question de générosité à l’endroit de ces gens. Il est important de trouver une solution électronique qui leur permettrait de participer, mais il y a aussi une question de représentation régionale qui est très importante.

Donc, je ne comprends pas que, d’un côté, vous puissiez dire à tout un chacun : « On ne siège pas assez » et « le gouvernement nous empêche de siéger », alors que le Sénat aurait pu siéger davantage en juin. Par ailleurs, vous dites qu’il est « impossible de trouver une solution qui nous permet d’être plusieurs à siéger », pas seulement pour ceux qui peuvent venir ici, mais aussi pour ceux qui ne peuvent pas se présenter pour des raisons médicales.

À mon avis, c’est une position contradictoire que vous tenez et cela montre, au bout du compte, que vous ne cherchez pas forcément une solution à ce problème. Enfin, dire qu’on n’a pas besoin de chercher une solution et qu’on devrait attendre la fin du mois de septembre pour voir où nous en sommes, cela signifie que nous nous retrouverons dans la même position. Techniquement, nous n’aurons pas ce qu’il faut pour commencer et nous serons encore en nombre insuffisant pour siéger et faire notre travail. Quelle est la raison de cette contradiction?

Le sénateur Plett [ - ]

Vous voyez une contradiction dans quelque chose que j’estime pourtant assez cohérent. Je réclame depuis le début que nous continuions de siéger, sénatrice. J’ai fait tous les efforts possibles pour venir prendre part à toutes les séances d’urgence que nous avons tenues. J’ai siégé dans cette enceinte. Je crois que nous n’avons pas été plus nombreux à siéger à cause des restrictions qui nous ont été imposées à tous.

Sénatrice, nous avons traversé deux guerres mondiales. Nous avons dû faire face à la grippe espagnole, qui a tué de 50 à 100 millions de personnes dans le monde entier. Le Parlement a toujours siégé malgré cela, comme il le fait toujours pendant des périodes aussi difficiles. Nous devons prendre des mesures de distanciation sociale, ce que nous faisons ici aujourd’hui. Cela a très bien fonctionné. Le gouvernement tente de faire adopter ses projets de loi à toute allure, comme il aime le faire, et comme tout autre gouvernement aimerait probablement le faire. J’ai mes propres opinions à ce sujet. Je crois que nous faisons un travail remarquable dans cette enceinte depuis une semaine ou deux. Je ne vois donc pas en quoi mes propos sont contradictoires. C’est ce que je réclame depuis le début.

Son Honneur le Président [ - ]

Honorables sénateurs, nous accordons toujours beaucoup de latitude aux sénateurs qui posent des questions. Le Sénat est, après tout, un lieu de débats. Cependant, je crois que nous devrions tenter de poser des questions qui ont un lien avec le discours qui a été prononcé.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Alors, je termine rapidement et je serai plus précise. Qu’est-ce que ça vous enlève, sénateur Plett, que certains de nos collègues participent virtuellement à cette séance alors que vous et une trentaine d’autres sénateurs y participiez en personne? Si on est ici en personne, on évite les problèmes techniques. Si on a un représentant du gouvernement qui répond, il répond. Qu’est-ce qui vous dérange dans l’idée qu’une vingtaine de personnes participent en ligne pendant que vous, vous êtes ici? C’est ce que je ne comprends pas.

Le sénateur Plett [ - ]

En tout respect, sénatrice, ce n’est pas ce qui donnerait à tous le même accès aux débats et la même possibilité de poser des questions, parce qu’un intervenant ne saura jamais si la connexion sera maintenue jusqu’à la fin de sa question. La sénatrice Batters vient de nous expliquer combien d’employés seraient requis. Sénatrice, je ne sais pas à quels comités vous siégez, mais je suis certain que vous avez eu à participer à beaucoup d’appels par Zoom et qu’il vous est arrivé d’être déconnectée en raison de problèmes techniques. Cela arriverait autant dans un contexte de réunion hybride que dans les réunions virtuelles. Il y aurait moins de gens qui seraient privés de leurs droits, mais il y en aurait tout de même et ce seraient leurs privilèges parlementaires qui leur seraient niés.

L’honorable Lucie Moncion [ - ]

Sénateur Plett, votre discours est très intéressant. Un des arguments que vous avez avancés concernait le fait de ne pas être présent à Ottawa et vous avez dit que le premier ministre ne voulait pas être à Ottawa, ou quelque chose du genre, et qu’il préférait travailler à partir de Rideau Cottage. Pourriez-vous nous dire où se trouve Rideau Cottage exactement?

Le sénateur Plett [ - ]

Eh bien, si vous voulez l’adresse exacte, je ne la connais pas, mais Rideau Cottage se trouve au même endroit que la résidence de la gouverneure générale. Je n’ai pas dit que le premier ministre ne voulait pas venir à Ottawa, j’ai dit qu’il ne voulait pas venir au Parlement.

Le sénateur Housakos [ - ]

Exactement.

Le sénateur Plett [ - ]

Il veut être à Rideau Cottage et à sa résidence du lac Harrington. Voilà où il veut être. Je suis certain qu’il est à Ottawa plus souvent parce que c’est son chalet. Ce n’est pas moi qui ai choisi le nom. « Cottage », c’est son chalet, comme j’ai une résidence que j’appelle mon chalet.

La sénatrice Moncion [ - ]

À titre de renseignement, l’équivalent français de « Rideau Cottage » est « Bungalow Rideau ».

Ne pensez-vous pas qu’il y a une petite différence?

Le sénateur Plett [ - ]

Si vous préférez, sénatrice, je vais plutôt demander : Pourquoi le premier ministre est-il à son bungalow alors qu’il devrait être sur la Colline? Bungalow ou cottage, je pense qu’il devrait être sur la colline à mener les affaires du pays, comme tous les autres. Tous les autres dirigeants de pays travaillent; lui, il choisit de rester à la maison. Pour être juste, au départ, c’était parce que son épouse avait contracté le virus. Je pense que tout le monde a compris qu’il devait s’isoler pendant deux semaines. Or, Sophie Grégoire Trudeau, d’après le premier ministre, n’est plus au cottage depuis assez longtemps; elle passe plutôt son temps au lac Harrington. Il continue cependant de rester dans son bungalow.

L’honorable Leo Housakos [ - ]

Le sénateur Plett accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Plett [ - ]

Certainement.

Le sénateur Housakos [ - ]

Monsieur le sénateur, au rythme où vont les choses, on dirait que vous auditionnez pour obtenir le poste de leader du gouvernement.

Sénateur Plett, étant donné que nous parlons de l’engagement du gouvernement envers le Parlement — ou plutôt de son absence —, pouvez-vous nous dire quel message... Selon moi, 95 % de ce que vous dites est exact, mais vous vous trompez légèrement quant aux allées et venues de M. Trudeau. Il a trouvé le temps de quitter son magnifique bungalow, cottage, ou peu importe le nom qu’on veut lui donner. Il trouve le temps de venir sur la Colline du Parlement, pas à la Chambre, mais pour participer à des rassemblements, par exemple. Il trouve le temps de sillonner le pays. Il y a quelques jours, il était à Chelsea, où il a donné des discours à caractère électoral, visité des installations et rencontré le public ainsi que des dirigeants d’industries et d’entreprises.

Sénateur Plett, non seulement en tant que sénateurs, mais aussi en tant que Canadiens, nous, parlementaires, nous attendons à ce que le secteur bancaire rappelle ses employés au travail. Nous nous attendons à ce que les pharmacies rappellent leurs employés au travail. Nous nous attendons à ce que les épiceries soient ouvertes. Des établissements de traitement des viandes sont en activité. L’industrie agricole est en activité. Les hôpitaux fonctionnent — et je le sais parce que ma femme y est 15 heures par jour, sept jours par semaine. Quel message le chef du gouvernement envoie-t-il quand il n’a pas le temps d’aller à la Chambre des communes, mais qu’il sillonne le pays aux frais de la princesse comme s’il était en campagne électorale?

Le sénateur Plett [ - ]

Je vous remercie, sénateur Housakos, et je m’excuse de ne pas avoir été assez explicite à ce sujet. Je sais de source sûre qu’un jour où le premier ministre est venu sur la Colline du Parlement, deux vélos de montagne étaient accrochés à l’arrière d’un des véhicules de son convoi. Je ne sais pas trop où il devait se rendre après être passé en coup de vent dans l’édifice de l’Ouest, mais vous avez tout à fait raison. Il consacre beaucoup de temps à ce genre d’activités.

Je devrais cesser de l’accuser de toujours rester dans son bungalow, car il est vrai qu’il participe à des manifestations, qu’il sort de chez lui et qu’il fait campagne comme bon lui semble.

De nouveau, je m’excuse auprès du premier ministre d’avoir laissé entendre qu’il ne fait pas campagne, alors que c’est exactement ce qu’il fait.

L’honorable Elizabeth Marshall [ - ]

Honorables sénateurs, en écoutant le sénateur Plett, je me suis fait la réflexion que, Dieu merci, je ne répète pas la même chose que lui. J’ai des éléments nouveaux, alors soyez indulgents.

Je tiens d’abord à vous fournir quelques chiffres — ce qui n’aura rien pour vous étonner —, puis je parlerai du Budget supplémentaire des dépenses et j’établirai un lien avec ce que disait le ministre Duclos lorsqu’il est venu témoigner devant le Sénat, mardi.

Le Budget supplémentaire des dépenses comprend 87 milliards de dollars en nouvelles dépenses, soit 6 milliards de dollars en dépenses votées et 81 milliards de dollars en dépenses législatives. Le Comité des finances s’est concentré sur l’enveloppe de 6 milliards de dollars. Nous avons entendu le témoignage de six organismes qui sont responsables d’environ 2,7 milliards de dollars sur les 6 milliards. Nous avons donc évalué environ 44 % de l’ensemble des fonds demandés pour des dépenses votées.

Nous avons tenu une audience du comité, qui a duré trois heures. Bien entendu, comme cette audience a eu lieu par téléconférence Zoom, elle n’a pas été aussi approfondie que les audiences des années précédentes. Le temps alloué à chaque sénateur pour les questions s’est avéré nettement inférieur à celui des années précédentes. La présidence, puisque nous utilisions Zoom, a dû exercer un contrôle assez rigoureux. Les réunions virtuelles posent encore certains problèmes. En effet, ce ne sont pas tous les participants qui bénéficient d’un accès fiable à Internet. Comme la technologie n’est pas encore au point, il y a des défis à relever.

J’aimerais aussi rappeler aux honorables sénateurs que lorsque nous avons examiné la ventilation de ces 6 milliards de dollars, il s’agissait du premier montant d’argent soumis pour notre examen, et ce, parce que nous n’avons pas étudié le Budget principal des dépenses, pas plus d’ailleurs que les deux projets de loi de crédits provisoires, dont l’un a été adopté hier. Nous disposions de peu d’information pour examiner le Budget supplémentaire des dépenses (A). Je trouve que quand nous nous penchons sur des projets de loi portant sur les finances, c’est comme si nous érigions des fondations. Ce que nous apprenons en examinant les projets de loi de finances précédents nous aide à poser des questions pertinentes lors de notre examen des projets de loi de finances suivants.

Comme je l’ai mentionné, nous nous sommes réunis durant trois heures et nous avons tenu des audiences. Nous avons entendu des témoins de six organisations, soit Innovation, Sciences et Développement économique Canada, Services aux Autochtones Canada, Défense nationale, Services publics et Approvisionnement Canada, l’Agence de la santé publique du Canada et l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien.

Nous avons eu une réunion sur le Budget supplémentaire des dépenses (A), mais c’était évidemment insuffisant. Nous n’avons pas eu l’occasion de poser des questions sur les 80 milliards de dollars de financement législatif — parce que nous avons parfois l’occasion de poser des questions sur le financement législatif.

Cette année, nous avons tenu une réunion avec six organisations. L’année dernière, lorsque nous avons examiné le Budget supplémentaire des dépenses (A), nous avons eu deux réunions avec huit organisations. L’année d’avant, nous avons tenu trois réunions avec 10 organisations sur le Budget supplémentaire des dépenses (A). À la fin, j’avais l’impression que nous n’avions pas vraiment fait un bon travail approfondi.

Je sais que certaines personnes ont dit que 81 milliards de dollars du financement figurant dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) de cette année sont législatifs, ce qui signifie qu’ils ont été approuvés par d’autres lois. J’aimerais dire que ce sont de nouveaux programmes qui ont été mis en œuvre il y a quelques mois en réponse à la pandémie de COVID-19. Je pense que les parlementaires auraient dû disposer de suffisamment de temps pour étudier les coûts connexes.

En fait, si vous examinez les 87 milliards de dollars du projet de loi de crédits, vous constaterez que près de 80 milliards de dollars ont été approuvés par la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national, qui a été adoptée lorsque nous avons approuvé le projet de loi C-13 en mars dernier. Nous n’avons donc pas encore discuté de ces points.

Lors de ma dernière intervention, j’ai parlé un peu d’arithmétique. Je dois revenir à ma petite leçon d’arithmétique et vous rappeler que, cette année, le Budget principal des dépenses s’élève à 308 milliards de dollars, tandis que le Budget supplémentaire des dépenses s’élève à 87 milliards de dollars. Par conséquent, le gouvernement a prévu des dépenses de 395 milliards de dollars à ce jour. Lors de sa visite au Sénat l’autre jour, le ministre Duclos a affirmé que, sur cette somme, 26 milliards de dollars n’avaient pas encore été approuvés par le Parlement et que nous aurons peut-être l’occasion de nous pencher là-dessus en automne. Aujourd’hui, nous nous penchons sur des demandes d’octroi de crédits de 6 milliards de dollars.

Après aujourd’hui, on aura approuvé des dépenses gouvernementales de 369 milliards de dollars pour cette année, et le Comité des finances en a juste examiné 6 milliards. Pensez-y un instant : nous avons étudié 6 milliards de dollars sur les 369 milliards de dollars d’autorisations de dépenses demandées. De surcroît, cette étude n’a duré que trois heures. Il ne s’agit pas là d’une bonne surveillance parlementaire.

Une situation semblable s’est produite à la Chambre des communes. Généralement, la Chambre des communes, comme le Sénat, consacre beaucoup de temps à l’étude et à l’analyse des plans de dépenses du gouvernement dans divers comités et, à notre instar, invite des témoins à comparaître. Or, cela n’a pas été le cas avec ce Budget supplémentaire des dépenses (A). Les députés se sont réunis en comité plénier pendant quatre heures pour discuter de ce document. Comme le directeur parlementaire du budget l’a dit dans son rapport :

Il sera difficile pour les parlementaires de remplir leur rôle essentiel d’examen attentif des dépenses gouvernementales proposées en une séance de quatre heures.

Cela nous concerne. Je ne pense que pas nous ayons rempli notre rôle essentiel qui consiste à examiner attentivement les dépenses de l’État, cette année. En fait, l’argent a été dépensé sans que cela fasse l’objet d’un examen.

Comme je l’ai dit, nous avons convoqué les fonctionnaires de six organisations, mais il y en a d’autres qui ont demandé beaucoup d’argent dans le budget supplémentaire des dépenses (A) que j’aurais aimé convoquer, mais le temps nous manque. Entre autres, le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord a demandé 879 millions de dollars; c’est beaucoup d’argent.

J’aurais aimé parler avec les représentants du ministère des Finances. Ce ministère a demandé 1,7 milliard de dollars. La Société canadienne d’hypothèques et de logement serait à la tête de ma liste, car elle a demandé 3 milliards de dollars pour pouvoir offrir l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial aux petites entreprises. Je pense que le sénateur Plett en a parlé ce matin. C’est cette société qui demande le plus d’argent après Emploi et Développement social Canada. Ce ministère est celui qui a reçu les montants de presque tous les programmes d’aide liés à la COVID-19, comme la Prestation canadienne d’urgence, entre autres. Ainsi, la Société canadienne d’hypothèques et de logement a fait la deuxième demande la plus grande. Cela m’aurait intéressé de discuter avec ses représentants. J’imagine que nous les convoquerons lors de notre étude sur les mesures d’aide concernant la COVID-19.

Ainsi, je porte un intérêt particulier à la SCHL : non seulement le Budget supplémentaire des dépenses (A) lui réserve 3 milliards de dollars, mais elle est également active sur le marché immobilier. La SCHL garantit des prêts hypothécaires et mène d’autres activités financières d’importance qui ne sont pas prises en compte dans le Budget supplémentaire des dépenses (A).

Par exemple, le marché hypothécaire du Canada représente 1,6 billion de dollars. Il semble que le seuil de l’assurance-prêt hypothécaire de la SCHL frôle les 46 % de ce marché. Il y a donc lieu de se pencher sur la vulnérabilité de la SCHL et sur les répercussions qu’elle pourrait avoir sur la dette et le déficit du gouvernement. La question des activités de la SCHL dans les secteurs des prêts hypothécaires et de l’évaluation du risque a été soulevée lors de réunions précédentes du Comité des finances, principalement par rapport à l’éventualité d’une récession. Or, la pandémie est quelque chose que nous n’avions jamais imaginé. Je ne peux pas savoir quelles répercussions aura la situation de la SCHL sur la dette et le déficit du gouvernement.

Comme tout le monde le sait, la SCHL est une grande société d’État qui a pour mandat de favoriser la construction de nouvelles maisons, la réparation et la modernisation de maisons existantes, ainsi que l’amélioration des conditions de logement et de vie.

Comme la SCHL est une société d’État, elle emprunte dans le cadre de ce que nous appelons le Programme d’emprunt des sociétés d’État. Par ailleurs, elle garantit et détient des prêts hypothécaires, en plus de mener un certain nombre de programmes. Même si la société n’a pas témoigné devant le Comité sénatorial des finances depuis l’éclosion de la pandémie, elle l’a fait devant le Comité des finances de la Chambre des communes. Elle y a livré un témoignage fort éclairant.

J’ai l’habitude de regarder les réunions du comité des Finances de la Chambre des communes. Avant, on avait seulement accès à la transcription, mais il est désormais possible de regarder les réunions virtuellement. Pour ceux qui sont intéressés, il s’agit d’une excellente source d’information.

Pendant la réunion du comité des Finances de la Chambre des communes, Evan Siddal, le président et directeur général de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, a dit des choses intéressantes pendant son témoignage. Il a dit aux membres du comité que les consommateurs canadiens feront face à des niveaux d’endettement sans précédent, alors que les ménages devront composer avec des revenus à la baisse et des factures de plus en plus lourdes au cours des prochains mois.

Il a prononcé son témoignage il y a quelque temps. C’était il y a un mois, voire six semaines. Ses prévisions sont en train de se concrétiser.

Il a dit à ce moment-là qu’un ménage sur huit ayant un prêt hypothécaire avait choisi de reporter ses paiements. Il a affirmé en outre que cette proportion pourrait passer à un sur cinq s’il n’y a pas de relance économique. Il a ajouté ceci :

[La combinaison] de l’augmentation de la dette hypothécaire, de la baisse du prix des maisons et de l’augmentation du chômage est préoccupante pour la stabilité financière à long terme du Canada.

Le gouverneur Poloz a témoigné devant le Comité sénatorial des finances après que j’ai lu le mémoire fourni par Evan Siddall. J’en ai donc profité pour demander au gouverneur Poloz si cela devrait être une source d’inquiétude pour la stabilité financière à long terme du Canada. Peut-être que j’ai mal interprété sa réponse, mais j’ai eu l’impression qu’il minimisait la situation. Peut-être qu’il n’y a pas matière à s’inquiéter, mais à mon avis il faudrait s’inquiéter.

Toujours selon M. Siddall, comme la SCHL est l’assureur de la majorité des prêts hypothécaires assurés au Canada, c’est la SCHL qui devra rembourser les dettes hypothécaires aux banques, qu’il estime à près de 9 milliards de dollars. Si c’est le cas, je m’attends à ce que cette somme vienne s’ajouter au déficit du gouvernement.

Quoi qu’il en soit, la SCHL doit témoigner dans le cadre de notre étude sur la COVID-19 à l’automne, mais un examen de son rapport annuel et du bilan financier de la Banque du Canada permettra d’avoir une idée des activités de la SCHL pendant la pandémie.

J’ai toujours été intéressée par la SCHL. Comme son exercice financier se termine le 31 décembre, elle publie généralement son rapport annuel la première semaine de mai. J’attendais donc sa publication, qui a eu lieu. J’ai cru qu’elle serait retardée. J’ai cru que j’y trouverais quelque chose au sujet des programmes liés à la COVID-19, mais il n’y avait pratiquement rien. Il y avait toutefois une rubrique intitulée « Événements postérieurs à la date de clôture ». Voici ce qu’on peut y lire :

Dans le cadre du Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19, le gouvernement du Canada a annoncé, le 16 mars 2020, le lancement du Programme d’achat de prêts hypothécaires assurés (PAPHA). Dans le cadre de ce programme, le gouvernement achètera, par l’entremise de la SCHL, jusqu’à 50 milliards de dollars de blocs de prêts hypothécaires assurés.

On peut ensuite lire ceci :

Cet achat est financé par le Programme d’emprunt des sociétés d’État.

Voilà qui ramène à la question que je soulève constamment : le Programme d’emprunt des sociétés d’État. Alors que tellement d’emprunts s’inscrivent dans le cadre de ce programme, on semble en oublier l’existence lorsqu’il est question de la dette du gouvernement.

Je passe maintenant à la mise à jour économique. De nombreux économistes, politiciens, groupes de réflexion et bien d’autres, y compris l’actuel directeur parlementaire du budget et son prédécesseur, des parlementaires et le grand public ont souligné la nécessité d’une mise à jour économique. Le premier ministre s’est finalement engagé à présenter un portrait des finances publiques — c’est le terme qu’il a employé — le 8 juillet.

Les trois derniers mois ont été très difficiles pour les Canadiens. Pour ceux d’entre nous qui surveillent le niveau sans précédent de dépense et d’emprunt, les activités de la Banque du Canada, celles du gouvernement et des sociétés d’État dont la SCHL, EDC et Financement agricole Canada, il est presque impossible de savoir exactement ce qui se passe en matière de gestion des finances publiques. La communication de renseignements financiers a toujours été limitée ou, comme le sénateur Harder l’a dit l’autre jour, il y a des masses d’information, mais il faut en faire la synthèse. Force est de reconnaître que c’est toujours un défi de savoir exactement ce qui se passe, et que le défi est encore plus grand pour ce qui est des trois derniers mois.

Par conséquent, une mise à jour économique s’impose pour que nous puissions savoir où en sont les finances du Canada.

Le gouvernement dit qu’il s’est montré transparent concernant ses dépenses, mais ce n’est pas vrai. On ne peut même pas dire à combien elles s’élèvent jusqu’à maintenant, globalement, et encore moins quelles sont les projections pour l’avenir, les recettes que le gouvernement a touchées à ce jour, les garanties qui ont été respectées et ce qui se passe dans les sociétés d’État.

Dans son avis aux médias du 17 juin, le ministère des Finances a annoncé que le ministre présentera un portrait de l’économie et des finances publiques le 8 juillet. Toujours selon l’avis, dans ce portrait figureront des renseignements sur l’état actuel de l’économie et la réponse du gouvernement du Canada en ce qui a trait au soutien offert aux Canadiens pendant la pandémie de COVID.

Je n’ai jamais entendu parler de portrait financier. Je suis comptable professionnelle. C’est peut-être un nouveau terme, et mes connaissances de la terminologie ne sont peut-être plus à jour, mais je n’ai jamais entendu parler de portrait financier.

La question a été posée au ministre Morneau à la période des questions, mardi. Bien qu’il ait donné certaines assurances, il faudra attendre le 8 juillet pour voir si les gens reçoivent les informations qu’ils demandent.

On ne les a certainement pas reçues mardi.

Bien que le gouvernement se soit engagé à présenter une mise à jour ou un portrait financier le mois prochain, ceux d’entre nous qui s’intéressent à la question sont livrés à eux-mêmes pour essayer de comprendre ce qui se passe.

L’un des domaines qui m’intéressent est celui de la dette contractée sur les marchés. Le niveau de dépenses sans précédent est financé par la dette. Il n’y a pas que le ministère des Finances qui cherche à recourir au financement par emprunt, les sociétés d’État s’affairent elles aussi à financer leurs programmes de dépenses liés à la COVID-19 au moyen d’emprunts. Ces sociétés d’État comprennent la Banque de développement du Canada, la SCHL, la Société pour l’expansion des exportations et Financement agricole Canada.

Je deviens donc très frustrée lorsque j’entends que la dette du gouvernement approche un billion de dollars ou que je lis des articles à ce sujet. Le gouvernement a dépassé ce seuil il y a plusieurs années. Prenez en considération l’information suivante qui est tirée directement du document budgétaire de 2019 du gouvernement qui a été publié l’année dernière. La Loi autorisant certains emprunts a approuvé :

[...] un montant maximal de 1 168 milliards de dollars de la dette contractée sur les marchés du gouvernement et des sociétés d’État [...]

De plus, selon ce même document budgétaire, qui a été publié il y a un an, la dette contractée par le gouvernement et les sociétés d’État sur les marchés devait atteindre 1 070 milliards de dollars d’ici le 31 mars 2020. Nous avons donc déjà dépassé le seuil d’un trillion de dollars. Il s’agit de notre dette contractée sur les marchés avant le début des dépenses liées à la pandémie. Les 1 070 milliards de dollars comprennent 754 milliards de dollars pour le ministère des Finances et 316 milliards de dollars pour les sociétés d’État.

Pour ceux qui pensent que la dette de 360 milliards de dollars des sociétés d’État ne constitue pas une dette publique, laissez-moi vous assurer qu’il s’agit absolument d’une dette publique.

Voici ce que dit le Conseil du Trésor à ce sujet — et cette information est publiée sur le site Web du gouvernement du Canada :

En fin de compte, l’État est pleinement et financièrement responsable des activités et des décisions de sa société mandataire dans la mesure où celle-ci fonctionne dans les limites de son mandat. En d’autres termes, l’actif et le passif de la société sont l’actif et le passif du gouvernement.

Nous savons donc que la dette courante devait être de 1 070 milliards de dollars à la fin mars 2020. Je ne sais pas comment déterminer quelle est la dette contractée sur les marchés par le gouvernement aujourd’hui. Il faudrait examiner divers documents de référence et tenter de réunir les renseignements soi-même.

L’un des documents est le rapport bimensuel sur l’intervention d’urgence du Canada en réponse à la COVID-19. Toutes les deux semaines, le gouvernement publie un rapport — habituellement au début de la semaine —, alors nous attendons de voir ce qu’il contient. Le sixième rapport fait état d’emprunts de 350 milliards de dollars au cours de la pandémie, ce qui comprend non seulement de nouvelles dettes, mais aussi le refinancement de dettes existantes.

J’ai tenté de faire ventiler ces chiffres, mais je n’ai pas réussi. Nous avons tenté de communiquer avec le ministère des Finances, mais il était occupé avec les programmes liés à la pandémie. J’ignore si les 350 milliards de dollars comprennent les emprunts des sociétés d’État, alors cette question a été écartée.

Le bilan hebdomadaire de la Banque du Canada est une autre source d’information sur les emprunts. Ce bilan, publié sur son site Web, permet de suivre la situation. On peut voir que la Banque achète de la dette. La semaine dernière, pour le gouvernement canadien, le bilan indique qu’il y avait 118 milliards de dollars en bons du Trésor, 152 milliards de dollars en obligations du gouvernement du Canada et 7 milliards de dollars en obligations hypothécaires du Canada.

Quand on regarde la dette, la dette des sociétés d’État et du gouvernement, les chiffres ne concordent pas vraiment. J’imagine que nous allons devoir attendre que le ministre des Finances nous réponde.

Cette question reste sans réponse : Quel est le montant total de la dette du gouvernement contractée sur les marchés en date d’aujourd’hui? Je le répète, je ne sais pas. Je sais cependant que le gouvernement devrait nous fournir ces données financières. Nous n’avons aucune idée du montant du déficit. Nous n’avons pas de détails sur les emprunts. Le directeur parlementaire du budget nous fournit des chiffres, mais les chiffres devraient venir du ministre des Finances.

Quand des fonctionnaires du ministère des Finances ont comparu devant notre comité, il y a un certain temps déjà, j’ai demandé si nous aurions une mise à jour économique. J’ai dit quelque chose comme : « Le directeur parlementaire du budget parle d’un déficit de 252 milliards de dollars. » Le témoin du ministère des Finances a alors laissé entendre — je ne me souviens pas de ses paroles exactes — que c’était là le chiffre du directeur parlementaire du budget, mais que le ministère des Finances avait accès à davantage de données.

Je me suis alors demandé si le directeur parlementaire du budget avait pu obtenir tous les renseignements qu’il aurait dû avoir à sa disposition pour faire une projection du déficit.

Comme je l’ai dit, nous devons nous-mêmes consulter de multiples sources et tenter de colliger les renseignements.

Le problème de l’endettement ne touche pas que le gouvernement : la dette des ménages pose aussi problème. Nous regardons son évolution depuis trois ans et nous la suivons d’encore plus près depuis le début de la pandémie, puisque cet endettement était déjà très élevé au début de la crise sanitaire. Le 12 juin, Statistique Canada a fait savoir que la proportion de la dette des ménages par rapport au revenu disponible avait augmenté pendant le premier trimestre de 2020. Je m’attends à ce qu’elle ait encore augmenté au deuxième trimestre, alors que nous étions au cœur de la pandémie.

Avant la pandémie, les économistes disaient que la dette des ménages rendait l’économie canadienne particulièrement vulnérable. Le Fonds monétaire international a aussi affirmé la même chose dans ses rapports. Nous avons rencontré des représentants de cette institution il y a quelques années, et l’endettement élevé des ménages au Canada les inquiétait particulièrement. Il semble que les consommateurs canadiens aiment s’endetter.

Selon Statistique Canada, les Canadiens — je dis bien les Canadiens, et non le gouvernement — ont une dette de 2 billions de dollars. Cette dette comprend 1,5 billion de dollars de dettes hypothécaires, tandis que les 800 milliards de dollars restants sont constitués de dettes à la consommation et de prêts non hypothécaires.

Parmi les problèmes que la Banque du Canada surveille, il y a le nombre de personnes qui ont de la difficulté à rembourser leur prêt hypothécaire. Selon la Banque du Canada, à l’heure actuelle, le taux d’arriérés de paiement sur les prêts hypothécaires se situe à un peu plus de 0,2 % et il devrait augmenter lorsque les programmes de report des paiements arriveront à échéance et que les gens devront recommencer à payer leur prêt.

D’après la Banque du Canada, parmi les ménages qui possèdent une maison, un sur cinq n’a actuellement pas suffisamment d’argent pour couvrir ses dépenses pendant deux mois et près du tiers n’a pas suffisamment d’argent pour les couvrir pendant quatre mois. Étant donné le niveau d’endettement élevé des Canadiens, le report des paiements hypothécaires et le taux de chômage important, nombre de Canadiens connaîtront un été et un automne difficiles et stressants.

Avant de passer de la dette au financement accordé à certains organismes, je voulais lire ce que le directeur parlementaire du budget a dit lorsqu’il a témoigné devant notre comité. Le sénateur Boehm lui a posé une question sur la confiance. Quelque part dans la réponse du directeur parlementaire du budget, le mot « dette » a été prononcé. Évidemment, dans sa réponse au sénateur Boehm, il a parlé des emprunts en disant ceci : « [...] cela me préoccupe beaucoup [...] le fait d’accorder [...] ce pouvoir, ainsi que tous les autres pouvoirs que vous avez mentionnés — par exemple, emprunter sans limites [...] »

Il parle du projet de loi C-13. En quelque sorte, la partie 8 libère le ministre des exigences actuelles en matière de rapports sur les emprunts. Elle allège ses responsabilités, si l’on peut dire.

M. Giroux poursuit ainsi :

[...] le fait d’accorder à une personne ce pouvoir [...] emprunter sans limites et sans surveillance immédiate —, est une mesure qui est, à mon avis, sans précédent dans le régime actuel et dans l’histoire du Canada. Même si la rapidité est un facteur très important en ce moment, cela ne signifie pas que le ministre devrait être autorisé à agir seul ou par lui-même pour créer des sociétés de fiducie et pour emprunter des milliards de dollars, mais ce sont des pouvoirs que le projet de loi C-13 accorde actuellement à un ministre ou à un cabinet sans exiger qu’une surveillance soit exercée par le Parlement.

Voilà qui résume assez bien la situation. Nous ne connaissons pas l’ampleur de l’endettement. Habituellement, lorsque le budget est déposé, en mars ou en février, peu importe, à la fin du document budgétaire se trouve une section sur les emprunts. On y trouve plein de renseignements à ce sujet; c’est très intéressant. Or, comme il n’y a pas eu de budget cette année, nous n’avons pas accès à ces renseignements. Je m’en remets donc au document budgétaire de l’année dernière. Le projet de loi C-13 lève de nombreuses obligations qui incombent au ministre concernant la reddition de comptes au sujet de la dette. Présentement, nous sommes dans l’inconnu et nous devons attendre le portrait des finances publiques pour voir si nous pourrons en tirer quoi que ce soit.

Je me croise les doigts pour que nous obtenions davantage d’information le 8 juillet, mais cela reste à voir. Il ne reste que quelques semaines d’attente.

Je veux parler de certains organismes en particulier. Lorsque nous étudions les crédits supplémentaires, nous débattons de ce qui se trouve dans le projet de loi, mais il arrive que nous parlions des dépenses que nous nous attendions à y voir. Nous les cherchons, mais elles ne sont pas là.

J’aimerais parler du financement d’un organisme que je croyais trouver, mais qui n’y était pas. Il s’agit du financement supplémentaire que le vérificateur général avait demandé. Mon collègue d’en face a posé une question au ministre des Finances à ce sujet l’autre jour. C’est rattaché à mes commentaires.

Pour remettre les choses un peu dans le contexte, je dirai qu’au cours des six derniers mois, la Chambre des communes a approuvé trois motions demandant que des vérifications supplémentaires soient effectuées par le Bureau du vérificateur général. La première vérification porte sur le programme d’infrastructure de 180 milliards de dollars, qui sera mis en œuvre par 32 ministères et organismes fédéraux sur une période de 12 ans. Cette vérification sera titanesque : 180 milliards de dollars, 32 ministères et organismes, sur une période de 12 ans.

La deuxième vérification concerne les programmes liés à la COVID-19. On peut se rendre compte de l’amplitude de la vérification en lisant les rapports bihebdomadaires du gouvernement sur la COVID-19. Elle couvre tous les programmes comme la Prestation canadienne d’urgence, le programme de subvention salariale, soit tous les programmes liés à la COVID-19 conçus pour aider les particuliers et les entreprises. Bien sûr, elle inclut les emprunts faits par le gouvernement pendant la pandémie et tous les programmes gouvernementaux en lien avec la Société canadienne d’hypothèques et de logement et d’autres sociétés de la Couronne. C’est une tâche gigantesque pour la nouvelle gouverneure générale.

La troisième vérification concerne les mandats spéciaux. Ce n’est pas quelque chose que je connais bien. J’aurais pensé qu’il s’agissait d’une vérification sommaire, mais il se pourrait bien que ce soit une vérification colossale. Les deux premières sont d’énormes vérifications, sans l’ombre d’un doute.

Le vérificateur général par intérim — avant la nomination de Mme Hogan — a déclaré au Comité des finances de la Chambre des communes devant lequel il a témoigné le mois dernier que les travaux de vérification avaient considérablement diminué en raison de contraintes de financement. Son bureau souhaitait avoir plus de fonds à sa disposition. Quelque 10,8 millions de dollars, je crois, mais j’ai vu un autre chiffre plus tard, celui de 11,8 millions de dollars. Quoi qu’il en soit, c’est aux alentours de 11 millions de dollars.

Il y a deux semaines, le Comité des finances de la Chambre des communes, y compris ses membres libéraux, a adopté à l’unanimité une motion visant à accorder au Bureau du vérificateur général tout le financement dont il a besoin pour mener à bien ses vérifications. Ces fonds auraient pu être inclus dans le projet de loi de crédits supplémentaires à l’étude mais, d’après ce que je vois, ils ne l’ont pas été.

De récents reportages m’ont laissé comprendre que la vérificatrice générale examine actuellement les chiffres. Il semble que le gouvernement lui octroiera peut-être des fonds. Or, ce qui me pose problème, c’est que, d’une part, le gouvernement donne l’impression qu’il agit de façon responsable et transparente en demandant une vérification des programmes ou, du moins, en appuyant une telle vérification. Cependant, de l’autre, il refuse de fournir à la vérificatrice générale les ressources dont elle a besoin pour ce faire.

Des représentants de six organismes sont venus témoigner. Je parlerai des témoignages donnés par les représentants de trois d’entre eux. Premièrement, l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, l’ACSTA, demande 309 millions de dollars pour financer les services de contrôle de la sûreté aérienne. En parlant du budget, j’ai déjà dit que lorsqu’un organisme demande des fonds, on ne peut pas juste examiner la demande. Il faut aussi examiner ce qui s’est produit dans le passé et envisager l’avenir.

Pour cette demande en particulier, je me suis rappelé un élément du projet de loi d’exécution du budget de l’an passé. La section 12 de la partie 4 du projet de loi C-97 prévoyait la dissolution de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien et le transfert de tous les services de contrôle de sûreté aérienne à une organisation sans but lucratif. Cette partie du projet de loi d’exécution du budget a été extraite et renvoyée au Comité sénatorial permanent des transports et des communications à l’époque. Le rapport qu’il a publié le 6 juin 2019 a souligné de graves préoccupations au sujet des modifications proposées dans le projet de loi d’exécution du budget. Ces inquiétudes sont décrites dans le rapport.

Lors de la réunion de jeudi dernier du Comité sénatorial des finances, le président et chef de la direction de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien a indiqué que la privatisation par le gouvernement fédéral de la sécurité aéroportuaire était reportée indéfiniment à cause de la pandémie. Même si cette partie du projet de loi d’exécution du budget a été renvoyée au Comité des transports et des communications l’an passé, elle a maintenant des répercussions financières sur les voyageurs et les contribuables canadiens. Je propose que le Comité sénatorial des finances envisage d’étudier cette question.

Le ministère des Services aux Autochtones a aussi fait partie des six ministères qui ont témoigné devant notre comité la semaine dernière. Il reçoit le crédit voté le plus important, soit 468 millions de dollars pour favoriser la sécurité et le bien-être des enfants des Premières Nations et de leurs familles. Ces 468 millions de dollars porteraient le financement du programme à 1,7 milliard de dollars.

Si on consulte les chiffres de l’an passé, on constate qu’ils sont comparables à ceux de cette année. L’an passé, le Budget principal des dépenses prévoyait 1,2 milliard de dollars, et le Budget supplémentaire des dépenses, 600 millions de dollars. Le montant total alloué s’élevait donc à 1,8 milliard de dollars. Ce semble être l’ordre de grandeur des fonds attribués.

Par conséquent, si le gouvernement verse 1,7 milliard de dollars ou 1,8 milliard de dollars chaque année aux enfants autochtones et à leur famille, quels seront les résultats pour les enfants et les familles autochtones et comment le ministère les mesurera-t-il? Donc, nous revenons encore aux rapports sur les résultats des ministères.

Une question à propos des documents ministériels a été posée à des fonctionnaires. Les documents indiquent que le ministère prévoit mesurer le pourcentage d’enfants des Premières Nations qui sont pris en charge dans les réserves, avec comme objectif de réduire ce nombre. Un autre objectif sera de déterminer combien de communautés des Premières Nations dirigent leurs propres programmes axés sur le bien-être de la famille et de la communauté. Il y a aussi une liste d’autres indicateurs de rendement pour divers aspects des programmes.

À première vue, les indicateurs de rendement semblent raisonnables. Toutefois, les réalisations ciblées ne sont pas encore définies. Elles ne seront pas fixées avant mars 2021, ce qui est dans presque un an. De plus, l’échéancier des cibles à atteindre n’est pas établi, et cela nous projette très loin dans l’avenir.

Tout porte à croire que les résultats de ces programmes ne seront pas connus avant plusieurs années. Il n’est donc pas possible de savoir si ces programmes — qui coûteront des milliards de dollars — aideront le gouvernement à obtenir les résultats souhaités ni s’ils seront utilisés de façon à optimiser les bénéfices pour les enfants et les familles autochtones.

Le troisième ministère dont je vais parler — et ce sera ma dernière observation à propos d’un ministère — est celui de la Défense nationale, car c’est un ministère qui m’a toujours intéressée. Le plus important crédit voté de ce ministère est celui du projet de navire de soutien interarmées. Il s’agit d’un montant de 585 millions de dollars pour la construction du premier de deux navires par le chantier naval Seaspan de Vancouver.

Nous voulions connaître le coût total du projet et sa date d’achèvement, car il s’agit de l’un des 333 projets prévus dans la politique du gouvernement en matière de défense publiée en 2017. Cette politique s’étend sur 20 ans et comprend un financement total de 108 milliards de dollars sur cette période pour les projets en immobilisations du ministère. Nous avons donc l’habitude de poser des questions sur ce programme.

Les fonctionnaires nous ont dit que le coût estimatif du projet de navire de soutien interarmées s’élève maintenant à 4,1 milliards de dollars et que ce premier navire devrait être livré en 2023. L’augmentation du coût du projet soulève certaines préoccupations, dont il est fait état dans le rapport du Comité des finances sur le Budget supplémentaire des dépenses (A).

Le comité s’intéresse depuis longtemps aux projets d’immobilisations du ministère de la Défense et, en juin dernier, nous avons publié un rapport sur l’acquisition de matériel de défense. La gestion des 333 projets était particulièrement intéressante. Depuis la publication de la politique en 2017, le Comité des finances a demandé au ministère des informations financières, entre autres, afin de suivre l’avancement des projets. Malgré les demandes formulées à chaque réunion du Comité des finances à laquelle ont assisté des fonctionnaires du ministère de la Défense depuis la publication de la politique en 2017, les informations n’ont jamais été fournies.

Le directeur parlementaire du budget a demandé des informations semblables, mais il ne les a pas encore obtenues. Il a indiqué au Comité des finances qu’il a l’intention de publier un rapport sur cette question une fois qu’il aura reçu les informations demandées, et nous attendons le rapport.

La semaine dernière, plusieurs médias ont rapporté qu’une vérification interne récemment publiée sur le site Web du ministère indiquait un laxisme dans le contrôle des plans de dépenses militaires. La vérification était critique à l’égard du ministère et indiquait que le manque de surveillance au sein du ministère signifiait que les hauts fonctionnaires du ministère de la Défense ne recevaient pas d’informations précises sur l’état du plan et qu’il n’existait pas de processus officiel à l’échelle du ministère pour valider les initiatives stratégiques et les informations sur le rendement des projets.

On ne sait pas si le ministère a un système de gestion des projets ou d’autres mécanismes pour assurer le suivi de ses 333 projets d’immobilisations. Je dirais simplement qu’il se peut fort bien que le ministère de la Défense nationale ait beaucoup de difficulté à suivre ses projets. De plus, il n’a jamais fourni les renseignements financiers et les autres types de renseignements que lui avait demandés le Comité des finances. Le comité se penchera là-dessus lorsqu’il reprendra ses travaux à l’automne. Cette question est également abordée dans le rapport du comité sur le Budget supplémentaire des dépenses (A).

Mon dernier commentaire sur le Budget supplémentaire des dépenses (A) porte sur une question qui m’intéresse personnellement. Je devrais probablement poser des questions là‑dessus à la prochaine réunion du Comité des finances, mais quand on examine l’ensemble des prévisions budgétaires, on se rend compte que certains ministères et organismes décrivent un poste de la même manière. J’ai remarqué que 25 ministères et organismes ont un poste qui s’intitule « Contributions aux régimes d’avantages sociaux des employés », pour un total de 100 millions de dollars. Nous n’avons jamais étudié ce poste, mais les montants budgétés varient entre 25 000 $, pour le ministère des Services aux Autochtones, et 41 millions de dollars, pour le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Je ne peux pas expliquer les écarts dans la valeur des montants entre les divers ministères et organismes. Je me contenterai de dire que le Comité des finances devrait étudier cette question lorsqu’il reprendra ses travaux à l’automne.

Avant de terminer, j’aimerais dire quelques mots de remerciement. Je tiens tout d’abord à remercier le sénateur Gold, qui est le parrain du projet de loi. Merci beaucoup, sénateur Gold, pour vos commentaires.

Je tiens également à remercier mes collègues qui siègent au Comité des finances nationales pour leurs excellentes questions, et aussi pour leur enthousiasme, qui est particulièrement apprécié.

Je souhaite remercier tout particulièrement notre président, le sénateur Mockler, notre vice-président, le sénateur Forest, et le troisième membre du comité directeur, le sénateur Richards.

À notre greffière, Mme Fortin, et à nos analystes, M. Smith et M. Pu, merci.

J’aimerais par ailleurs remercier l’ensemble du personnel qui a travaillé très fort pendant cette pandémie : les traducteurs et le personnel de la DSI, qui relève de M. Vatcher. Il faut beaucoup de travail pour tenir des audiences sur Zoom. Si j’ai oublié quelqu’un, je m’en excuse. Un grand merci à tous ceux qui ont contribué à la réussite de nos audiences.

Je voudrais également remercier mes deux collaboratrices : Mme Valérie Wolfe, qui a travaillé dans des conditions très difficiles depuis son domicile, au service d’un patron très exigeant; et aussi, Mme Julieta Uribe. Mme Uribe travaille avec moi depuis sept ans à titre de conseillère politique. Elle a décidé de partir le 3 juillet pour relever un nouveau défi, mais je pense que le fait qu’elle travaille avec moi depuis sept ans est significatif. Je lui souhaite bonne chance.

Je remercie encore une fois mes honorables collègues d’avoir fait du Comité des finances un tel succès. La dernière chose que je veux dire est qu’il n’y a pas de surveillance parlementaire. C’est un gros problème. Merci.

L’honorable Yuen Pau Woo [ - ]

J’ai une question pour la sénatrice Marshall.

La sénatrice Marshall [ - ]

Je serais heureuse d’y répondre.

Le sénateur Woo [ - ]

Sénatrice Marshall, vous déplorez que le Comité des finances nationales n’ait pas consacré assez de temps à l’étude du Budget supplémentaire des dépenses (A). Pourquoi est-ce le cas? Le Budget principal des dépenses est disponible depuis février. Le Comité des finances nationales a reçu un ordre de renvoi au début de mars. Le comité avait le temps d’étudier le budget. Il a reçu un mandat à cet effet. Y a-t-il une raison pour laquelle il n’a pas effectué le travail qu’il était censé faire et que vous vouliez faire?

La sénatrice Marshall [ - ]

Ce qui s’est passé, sénateur Woo, c’est que nous sommes tous rentrés à la maison à la mi-mars et qu’il n’y avait vraiment aucun moyen de se réunir. Les gens étaient en confinement et ils avaient peur. Dès que nous avons été en mesure de commencer à nous réunir par Zoom, nous l’avons fait et nous nous sommes concentrés sur l’étude des dépenses liées à la COVID-19.

Je pense que nous allons maintenant être prêts à reprendre nos activités et j’espère que nous allons étudier le projet de loi de crédits supplémentaires, c’est-à-dire le troisième qui sera présenté à l’automne.

Cependant, il a fallu un certain temps pour s’organiser et tenir les réunions. La technologie n’est pas une solution complète.

Le sénateur Woo [ - ]

Donc, selon moi, ce que vous dites, c’est que l’absence de surveillance parlementaire que vous déplorez est attribuable à des facteurs qui étaient indépendants de la volonté du comité, comme vous l’avez dit. Vous estimez peut-être que la technologie était insuffisante, mais le Comité des finances nationales s’est vu confier un mandat et, s’il avait décidé de se réunir à l’aide de la technologie à sa disposition, il aurait pu examiner le Budget principal des dépenses au cours des trois derniers mois, étant donné qu’il avait été mis à sa disposition. Est-ce exact?

La sénatrice Marshall [ - ]

Le gouvernement avait besoin qu’on mette immédiatement à sa disposition de l’argent pour faire face à la pandémie, alors on a exercé des pressions à ce chapitre. Entraîne-t-on des retards en procédant à un examen? Pour ma part, j’estime que c’est comme être pris entre l’arbre et l’écorce. Il ne s’agit pas d’une bonne surveillance parlementaire, mais on joue le jeu parce que le gouvernement doit avoir accès aux fonds. Il avait besoin de dépenser l’argent.

Le sénateur Woo [ - ]

Vous n’avez pas vraiment répondu à la question. En réalité, vous vous plaignez que le Comité des finances nationales n’a pas eu assez de temps pour examiner le Budget principal des dépenses alors que ce dernier avait été mis à sa disposition. De plus, si le comité avait voulu passer plus de temps à examiner le budget, il aurait pu le faire. Vous avez dit que le Comité des finances avait des circonstances atténuantes pour ne pas avoir passé autant de temps à examiner le Budget principal des dépenses qu’il l’aurait souhaité : ses membres n’avaient pas l’habitude de recourir à la technologie pour se réunir. Je pense qu’il s’agit là d’une explication raisonnable. Il est très important de préciser cependant qu’aucun sénateur d’aucun groupe reconnu n’a volontairement fait preuve de négligence.

J’aimerais vous poser une autre question. Elle s’inscrit dans le même esprit que la recommandation formulée hier par le sénateur Harder, soit de tenter de considérer la situation dans son ensemble et de poser des questions sur les résultats, l’incidence et les implications, au lieu de simplement tenter de s’assurer que les chiffres concordent.

Vous mettez beaucoup l’accent sur la Société canadienne d’hypothèques et de logement, et c’est ce qui motive ma question. Vous avez raison : c’est un grand organisme dont le bilan est imposant. Son appui au secteur du logement est crucial pour ce secteur névralgique de l’économie canadienne.

L’angle de vos questions et de vos commentaires peut donner l’impression que la SCHL connaît des difficultés et qu’elle n’est pas en mesure de composer avec les enjeux actuels liés aux hypothèques en défaut, qui pourraient atteindre 8 ou 9 milliards de dollars comme vous l’avez mentionné. Ce sont là de graves insinuations, que vous ne souhaitiez peut-être pas faire. Cela dit, vous connaissez très bien le bilan financier de la SCHL. Peut-être pourriez-vous dire aux honorables sénateurs et à la population canadienne ce que vous savez des bénéfices non répartis de la SCHL, du fonds commun d’immobilisations et de la mise en commun des réserves, ainsi que de la participation du gouvernement du Canada au bilan financier de la SCHL et de la façon dont celle-ci se compare aux pertes potentielles. Si vous êtes d’avis qu’il y aura une situation de crise malgré tout cela, pensez-vous que les primes de la SCHL, c’est-à-dire les frais qu’elle perçoit, devront augmenter?

Son Honneur le Président [ - ]

Je suis désolé, sénatrice Marshall. Votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre à la question?

La sénatrice Marshall [ - ]

Oui, je vous en prie.

Son Honneur le Président [ - ]

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

La sénatrice Marshall [ - ]

J’ai cru que vous aviez écouté mon discours, mais je ne suis plus certaine.

Je ne voyais pas les sommes demandées par la Société canadienne d’hypothèques et de logement comme étant problématiques. Ce qui me préoccupe, c’est la disponibilité des renseignements et la possibilité de les recueillir pour que nous, les parlementaires, et même le grand public, puissions savoir ce qui se passe.

Ce qui se passe, sénateur Woo, c’est que je consulte le rapport annuel de la société. J’examine ses états financiers et je cherche les changements apportés par le gouvernement pour qu’elle puisse emprunter davantage, mais je n’arrive pas à avoir une vue d’ensemble compréhensible. Comment tout cela fonctionnera-t-il? Quelles seront les répercussions pour le gouvernement? Voilà ce que je veux savoir.

J’aimerais comprendre la situation, mais on ne me fournit pas les renseignements nécessaires. Le ministère ou le ministre des Finances devrait nous les fournir, mais pas avant le 8 juillet. De plus, on nous dit qu’il s’agira seulement d’un aperçu. Je ne dis pas que la Société canadienne d’hypothèques et de logement a un grand problème. Je ne pense pas avoir rien dit de la sorte dans mon rapport.

Je dis plutôt depuis le début de la semaine que je n’arrive pas à mettre la main sur tous les renseignements, et que je n’arrive pas à interpréter ceux que je réussis à obtenir. C’est comme un grand casse-tête avec plusieurs morceaux que j’essaie d’assembler, mais sans succès.

Le sénateur Woo [ - ]

Je vous remercie de ces précisions. Je pense que cela répond en fait à ma question. Cela nous ramène à ce que le sénateur Harder essayait de nous expliquer hier, c’est-à-dire que c’est un grand casse-tête en soi. Un gouvernement qui dépense — cette année, ce sera des centaines de milliards de dollars — aura beaucoup de morceaux de casse-tête, des dizaines de milliers.

En tant que parlementaires qui étudient les budgets, nous devons nous demander ce qui nous motive à nous concentrer sur des morceaux de casse-tête en particulier. Lorsque nous choisissons de nous concentrer sur des morceaux précis, ceux-ci sont importants. Ils ont forcément de l’importance.

Ce qu’il faut retenir, c’est que vous avez choisi la Société canadienne d’hypothèques et de logement pour soulever des questions concernant les provisions pour pertes sur prêts, les défauts de paiement potentiels et tout le reste. Pourquoi avez-vous choisi cette organisation plutôt qu’une autre? Ne pensez-vous pas qu’en vous concentrant comme vous l’avez fait sur la Société canadienne d’hypothèques et de logement et sur les pertes imminentes possibles, vous pourriez susciter des questions sur les risques pour la SCHL et pour le secteur du logement?

La sénatrice Marshall [ - ]

Je vous remercie pour votre question. J’ai mis l’accent sur la Société canadienne d’hypothèques et de logement parce que c’est la plus grande société d’État et qu’elle a contracté la plus grosse dette sur les marchés.

L’information que j’ai donnée dans mon allocution, vous vous en souviendrez, ne provenait pas de moi. Elle provenait de M. Evan Siddall, président et premier dirigeant de la société, ainsi que de l’ancien gouverneur de la Banque du Canada. Ce sont eux qui fournissent ces données au public. Voilà un autre morceau du casse-tête, un morceau de mon casse-tête.

Vous dites que je mets l’accent sur un morceau ici et un autre morceau là. Je ne veux pas mettre l’accent ici et là. Je mets seulement l’accent sur un morceau ici et un autre morceau là parce que le gouvernement ne me donne pas tous les morceaux.

Le sénateur Woo [ - ]

Je vais reformuler plus clairement. D’après ce que vous avez entendu de M. Siddall et d’après vos propres recherches, croyez-vous que la Société canadienne d’hypothèques et de logement soit en mesure de composer avec les défauts de paiement des hypothèques auxquels les prévisions raisonnables à ce niveau disent de s’attendre au pays?

La sénatrice Marshall [ - ]

D’après ce qu’affirme le gouverneur de la Banque du Canada, oui. Cependant, je dois ajouter que je crois qu’au moins une partie de cela sera incluse dans la dette au sein des résultats financiers du gouvernement. Encore une fois, il s’agit d’une des pièces du casse-tête, mais j’aimerais le savoir. Nous devrions le savoir.

Son Honneur le Président [ - ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur le Président [ - ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

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